RQ v Commission (Judgment) French Text [2021] EUECJ T-29/17RENV (14 April 2021)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/T2917RENV.html
Cite as: EU:T:2021:188, ECLI:EU:T:2021:188, [2021] EUECJ T-29/17RENV

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ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

14 avril 2021 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Directeur général de l’OLAF – Décision de levée de l’immunité de juridiction du requérant – Obligation de motivation – Devoirs d’assistance et de sollicitude – Confiance légitime – Présomption d’innocence – Principe de bonne administration »

Dans l’affaire T‑29/17 RENV,

RQ, représenté par Me É. Boigelot, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme K. Banks, MM. J.‑P. Keppenne et J. Baquero Cruz, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2016) 1449 final de la Commission, du 2 mars 2016, relative à une demande de levée de l’immunité de juridiction du requérant,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, R. Barents (rapporteur) et C. Mac Eochaidh, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

1        La présente affaire a été renvoyée au Tribunal par un arrêt du 18 juin 2020, Commission/RQ (C‑831/18 P, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:C:2020:481), annulant l’arrêt du 24 octobre 2018, RQ/Commission (T‑29/17, ci-après l’« arrêt initial », EU:T:2018:717), et rejetant la première branche du cinquième moyen, relative à une violation du droit d’être entendu, à laquelle le Tribunal avait initialement fait droit, pour qu’il soit statué sur les premier à quatrième moyens ainsi que sur les deuxième et troisième branches du cinquième moyen du recours.

 Antécédents du litige

2        Dans le cadre du présent arrêt, il convient de reprendre les faits tels qu’ils ressortent des points 1 à 18 de l’arrêt initial, auxquels renvoie expressément le point 7 de l’arrêt sur pourvoi :

« 1      En mai 2012, la société Swedish Match, un fabricant de produits de tabac, a déposé une plainte auprès de la Commission européenne qui contenait de graves allégations sur l’implication de M. John Dalli, membre de la Commission chargé de la santé et de la protection des consommateurs, dans des tentatives de corruption. Selon la société plaignante, un entrepreneur maltais, M. Silvio Zammit, avait utilisé ses relations avec M. Dalli pour tenter d’obtenir d’elle et de l’association European Smokeless Tobacco Council (ESTOC) un avantage pécuniaire en échange de son intervention visant à influer, en faveur de l’industrie du tabac, sur une éventuelle future proposition législative sur les produits de tabac. La plainte mentionnait, notamment, une conversation téléphonique qui avait eu lieu le 29 mars 2012 entre le secrétaire général de l’ESTOC et M. Zammit, pendant laquelle ce dernier aurait formulé une demande de paiement très élevé en contrepartie d’une réunion avec M. Dalli, étape préalable à une possible initiative de celui-ci en faveur de l’industrie du tabac.

2      L’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a entamé une enquête administrative, enregistrée sous la référence OF/2012/0617, au sujet de cette plainte. Sur la base des éléments collectés pendant la première phase de l’enquête, il a estimé qu’il pouvait être opportun de demander au secrétaire général de l’ESTOC d’avoir une nouvelle conversation téléphonique avec M. Zammit, susceptible d’apporter des éléments de preuve supplémentaires, ce qui aurait permis de mieux planifier les suites de l’investigation et de confirmer, ou de démentir, la réalité des faits concernant la tentative de corruption dénoncée et, le cas échéant, d’en préciser la portée. Le secrétaire général de l’ESTOC a confirmé sa disponibilité pour coopérer avec l’OLAF en ce sens.

3      Cette seconde conversation téléphonique entre M. Zammit et le secrétaire général de l’ESTOC a eu lieu le 3 juillet 2012. Le secrétaire général de l’ESTOC a passé l’appel en utilisant, avec l’accord et en présence du requérant, RQ, directeur général de l’OLAF, un téléphone portable dans les locaux de l’OLAF. La conversation téléphonique a été enregistrée par l’OLAF et relatée dans le rapport final de l’enquête, adopté par l’OLAF le 15 octobre 2012.

4      Après la clôture de cette enquête administrative, M. Dalli a déposé, le 13 décembre 2012, des plaintes pénales devant le juge belge, avec constitution de partie civile, dans le cadre desquelles il invoquait, notamment, le chef d’écoute téléphonique illégale. Ces plaintes ont amené un premier juge d’instruction belge à demander à la Commission, par lettre du 19 mars 2013, la levée de l’inviolabilité des archives liées aux faits soumis à enquête ainsi que la levée du devoir de réserve des fonctionnaires ayant participé à cette enquête. Le 21 novembre 2013, le directeur général de l’OLAF a répondu positivement quant à la levée du devoir de réserve des membres de l’équipe d’enquête de l’OLAF et de son chef d’unité.

5      Par lettres respectives du 21 novembre 2014 et du 6 février 2015, le premier juge d’instruction et un second juge d’instruction ayant succédé au premier se sont adressés à la Commission pour solliciter, dans le cadre d’une enquête judiciaire visant à établir la réalité d’une possible écoute téléphonique illégale, la levée de l’immunité de quatre agents de l’OLAF, dont le requérant, en vue de leur audition en qualité de prévenus. En réponse, à savoir par lettres du 19 décembre 2014 et du 3 mars 2015, la Commission a demandé la communication d’explications plus détaillées lui permettant de statuer en pleine connaissance de cause.

6      Par la suite, le parquet fédéral belge s’est saisi du dossier et a, par lettre du 23 juin 2015 […], réitéré la demande de levée d’immunité qui avait entre-temps été limitée au requérant. Le procureur fédéral belge a fait état de certains éléments qui, selon lui, démontraient que l’enquête réalisée par l’OLAF comportait des indices d’une mise sur écoute téléphonique illégale pénalement répréhensible. À cet égard, il s’est référé, notamment, à un témoignage effectué par le secrétaire général de l’ESTOC devant les autorités judiciaires belges, selon lequel l’OLAF avait enregistré, dans le bureau du requérant, une conversation téléphonique entre ledit secrétaire général et M. Zammit, à l’insu de ce dernier. Cette conversation avait, en outre, été mise sur haut-parleur, de sorte que toutes les personnes présentes avaient pu l’entendre.

7      C’est dans ces conditions que, le 2 mars 2016, la Commission a adopté la décision C(2016) 1449 final relative à une demande de levée de l’immunité de juridiction du requérant (ci-après la “décision attaquée”). Par cette décision, la Commission a levé partiellement l’immunité de juridiction du requérant, conformément à l’article 17, second alinéa, du protocole no 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 266), à savoir concernant les allégations factuelles relatives à l’écoute d’une conversation téléphonique mentionnée dans la lettre du 23 juin 2015, tout en rejetant la demande de levée d’immunité s’agissant d’autres allégations.

8      Dans les motifs de la décision attaquée, d’une part, la Commission a indiqué que l’article 17 du protocole no 7 l’obligeait de s’assurer qu’une levée d’immunité ne porterait pas préjudice aux intérêts de l’Union européenne et, plus particulièrement, à l’indépendance et au bon fonctionnement des institutions, des organes et des organismes de l’Union. Il s’agirait là, selon la jurisprudence de la Cour, du seul critère de fond permettant un refus de lever l’immunité. Dans le cas contraire, l’immunité devrait être levée systématiquement, le protocole no 7 ne permettant pas aux institutions de l’Union d’exercer un contrôle quant au bien-fondé ou au caractère équitable de la procédure judiciaire nationale sous-jacente à la demande.

9      D’autre part, la Commission a souligné, au considérant 10 de la décision attaquée, qu’il convenait de tenir compte du cadre juridique très spécifique régissant les enquêtes de 1’OLAF. Ainsi, par le règlement (UE, Euratom) no 883/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 septembre 2013, relatif aux enquêtes effectuées par l’OLAF et abrogeant le règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (Euratom) no 1074/1999 du Conseil (JO 2013, L 248, p. 1), le législateur de l’Union aurait confié à l’OLAF des compétences d’enquête que ce dernier, tout en étant rattaché à la Commission, exerce en toute indépendance, y compris par rapport à la Commission elle-même. Ce cadre réglementaire particulier obligerait la Commission à s’assurer que, en accédant à la demande de levée d’immunité, elle n’entrave pas l’indépendance et le bon fonctionnement de l’OLAF en tant qu’organisme indépendant d’enquête antifraude de l’Union, sous peine d’une censure par le juge de l’Union à la suite d’un recours introduit par le fonctionnaire concerné sur le fondement de l’article 17, paragraphe 3, du règlement no 883/2013.

10      La Commission a poursuivi, au considérant 11 de la décision attaquée, en exposant qu’elle ne pourrait lever l’immunité du directeur général de l’OLAF que si elle était informée, avec suffisamment de clarté et de précision, des raisons pour lesquelles l’autorité judiciaire demanderesse considérait que les allégations formulées à son égard pourraient, le cas échéant, justifier qu’il soit entendu en qualité de prévenu. À défaut, toute personne concernée par une enquête de 1’OLAF pourrait, en formulant des allégations manifestement infondées à l’encontre de son directeur général, parvenir à paralyser le fonctionnement de cet organisme, ce qui serait contraire aux intérêts de 1’Union. En l’espèce, s’agissant des allégations d’écoutes téléphoniques illégales, la Commission a estimé que, à la suite de la lettre du 23 juin 2015, elle disposait désormais d’indications très claires et précises qui laissaient apparaître que l’autorité judiciaire demanderesse pouvait raisonnablement, et en tout cas sans agir de manière arbitraire ou abusive, considérer que les allégations formulées à l’encontre du requérant justifiaient de poursuivre une instruction à son égard. Dans cette situation, il serait contraire au principe de coopération loyale avec les autorités nationales de refuser de lever l’immunité du requérant. La Commission serait donc tenue d’accéder à la demande de levée d’immunité pour ces allégations.

11      La Commission n’en a pas moins relevé, au considérant 14 de la décision attaquée, que le requérant jouissait de la présomption d’innocence et que la décision de lever son immunité ne comportait aucun jugement portant sur le bien-fondé des allégations faites à son égard ni sur le caractère équitable de la procédure nationale engagée. En outre, elle a souligné, au considérant 15 de la décision attaquée, que le requérant serait en droit de solliciter auprès d’elle une assistance juridique sur le fondement de l’article 24, premier alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le “statut”), couvrant les frais de justice et d’avocat, dans l’hypothèse où l’instruction menée par les autorités belges à son égard conduirait à des étapes de procédure pouvant entraîner des dépens.

12      À l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée, la Commission a donc décidé de lever l’immunité de juridiction du requérant concernant les seules allégations factuelles qui se référaient à l’écoute de la conversation téléphonique ayant eu lieu le 3 juillet 2012. Au paragraphe 2 du même article, elle a, en revanche, rejeté la demande en ce qui concernait les autres allégations factuelles.

[…]

13      La décision attaquée a été communiquée au requérant le 11 mars 2016.

14      En mars et en avril 2016, la Commission a émis des déclarations publiques réaffirmant que le requérant continuait à bénéficier de sa confiance et de la présomption d’innocence. De plus, elle a publiquement souligné que la décision attaquée n’affectait ni le fonctionnement de l’OLAF ni l’autorité du requérant en sa qualité de directeur général de l’OLAF.

15      Par ailleurs, faisant suite à une demande du requérant, la Commission lui a accordé, en date du 1er avril 2016, l’assistance prévue à l’article 24, premier alinéa, du statut pour la prise en charge de ses frais d’avocat dans le cadre des poursuites engagées par les autorités belges.

16      Enfin, par lettre du 12 avril 2016, le parquet fédéral belge a sollicité auprès de la Commission la levée du devoir de réserve du requérant afin qu’il puisse être auditionné. Par courrier du 28 avril 2016, la Commission a fait droit à cette demande.

17      Par ailleurs, le 10 juin 2016, le requérant a introduit une réclamation contre la décision attaquée, conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut.

18      Cette réclamation a été rejetée par la décision Ares(2016) 5814495 de l’autorité investie du pouvoir de nomination de la Commission du 5 octobre 2016 (ci-après la “décision de l’AIPN”). »

 Procédure devant le Tribunal et la Cour

3        Le 17 janvier 2017, le requérant, RQ, a introduit un recours enregistré au greffe du Tribunal sous la référence T‑29/17.

4        Dans ce recours, le requérant concluait notamment à ce que le Tribunal annule la décision C(2016) 1449 final de la Commission, du 2 mars 2016, relative à une demande de levée de l’immunité de juridiction du requérant (ci-après la « décision attaquée »), et, pour autant que de besoin, la décision Ares(2016) 5814495 de l’autorité investie du pouvoir de nomination de la Commission, du 5 octobre 2016, rejetant sa réclamation à l’encontre de la décision attaquée (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »), et condamne la Commission européenne aux dépens.

5        Le requérant a, à cet effet, soulevé cinq moyens, tirés, premièrement, de la violation de l’article 23 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») et de l’article 17, second alinéa, du protocole no 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 266, ci-après le « protocole n° 7 ») ainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation relatives à la levée de l’immunité de juridiction, deuxièmement, de la violation de l’article 24 du statut et du devoir de sollicitude, troisièmement, de la violation de l’obligation de motivation, quatrièmement, de la violation du principe de protection de la confiance légitime et, cinquièmement, de la violation des droits de la défense, du respect de la présomption d’innocence et du devoir d’impartialité ainsi que de la violation du délai raisonnable.

6        La Commission a conclu, en première instance, à ce que le Tribunal rejette le recours comme étant irrecevable ou manifestement dépourvu de fondement et condamne le requérant aux dépens.

7        La Commission avait en effet soulevé la question de la recevabilité du recours pour cause, premièrement, de litispendance avec une affaire ayant fait depuis lors l’objet de l’ordonnance du 23 septembre 2020, Directeur général de l’OLAF/Commission (T‑251/16, non publiée, EU:T:2020:451), motif d’irrecevabilité auquel elle a renoncé lors de l’audience du 12 avril 2018, et, deuxièmement, d’absence d’acte faisant grief.

8        Aux points 38 et 39 de l’arrêt initial, le Tribunal a considéré que la décision par laquelle la Commission avait levé l’immunité de juridiction du requérant constituait un acte faisant grief à celui-ci et que l’exception d’irrecevabilité devait par conséquent être rejetée pour les raisons suivantes :

« 38      L’immunité de juridiction prévue par l’article 11 du protocole no 7 protège les fonctionnaires et agents des poursuites des autorités des États membres en raison d’actes accomplis en leur qualité officielle. Ainsi, une décision portant levée de l’immunité d’un fonctionnaire ou d’un agent modifie la situation juridique de celui-ci, par le seul effet de la suppression de cette protection, en rétablissant son statut de personne soumise au droit commun des États membres et en l’exposant ainsi, sans qu’aucune règle intermédiaire soit nécessaire, à des mesures, notamment de détention et de poursuite judiciaire, instituées par ce droit commun […]

39      Le pouvoir d’appréciation laissé aux autorités nationales après la levée de l’immunité, quant à la reprise ou à l’abandon des poursuites engagées à l’encontre d’un fonctionnaire ou d’un agent, est sans incidence sur l’affectation directe de la situation juridique de ce dernier, dès lors que les effets attachés à la décision de levée de l’immunité se limitent à la suppression de la protection dont il bénéficiait en raison de sa qualité de fonctionnaire ou d’agent, n’impliquant aucune mesure complémentaire de mise en œuvre […] »

9        Quant au fond de l’affaire, le Tribunal a constaté que le cinquième moyen était fondé sur trois griefs, tirés, premièrement, de la violation du droit d’être entendu, deuxièmement, de la violation du respect de la présomption d’innocence et du devoir d’impartialité et, troisièmement, de la violation du devoir de diligence et qu’il convenait d’examiner d’abord le grief tiré de la violation du droit d’être entendu (arrêt initial, points 46 et 47).

10      Le Tribunal a d’abord rappelé que, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), toute limitation de l’exercice des droits et des libertés reconnus par la Charte devait être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel du droit fondamental en cause. Il a ajouté que, dans le respect du principe de proportionnalité, cette limitation ne pouvait être apportée que si elle était nécessaire et répondait effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union européenne (arrêt initial, point 56).

11      Le Tribunal a ensuite relevé que, dans les États membres où il était prévu, le secret de l’instruction était un principe d’ordre public qui visait non seulement à protéger les investigations, afin d’éviter les concertations frauduleuses ainsi que les tentatives de dissimulation de preuves et d’indices, mais également à préserver les personnes soupçonnées ou mises en cause dont la culpabilité n’était pas établie. Ainsi, l’absence d’audition de la personne concernée peut être objectivement justifiée par le secret de l’instruction, dont les modalités sont prévues par la loi, et dans la mesure où celle-ci apparaît nécessaire et proportionnée à l’objectif à atteindre, à savoir le bon déroulement de la procédure pénale (arrêt initial, points 59 et 60).

12      Le Tribunal a ensuite observé que, dès lors que la Commission était tenue de respecter le droit d’être entendu lorsqu’elle adoptait un acte faisant grief, elle devait s’interroger avec la plus grande attention sur la manière dont elle pouvait concilier le respect dudit droit de la personne intéressée et les considérations légitimes invoquées par les autorités nationales. Cette mise en balance est ce qui permet d’assurer à la fois la protection des droits que l’ordre juridique de l’Union confère aux fonctionnaires et aux agents de l’Union et, partant, les intérêts de l’Union, conformément à l’article 17, second alinéa, du protocole no 7, et le déroulement efficace et serein des procédures pénales nationales, dans le respect du principe de coopération loyale (arrêt initial, point 67).

13      Le Tribunal a constaté, en l’espèce, que le fait de ne pas entendre le requérant avant l’adoption de la décision attaquée allait au-delà de ce qui était nécessaire pour atteindre l’objectif consistant à garantir le secret de l’instruction et ne respectait dès lors pas le contenu essentiel du droit d’être entendu consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte (arrêt initial, point 74).

14      Le Tribunal a ajouté qu’il ressortait par ailleurs de la jurisprudence de la Cour qu’il ne saurait être imposé à la partie requérante de démontrer que la décision de la Commission aurait eu un contenu différent en l’absence de la violation constatée, mais uniquement qu’une telle hypothèse n’était pas entièrement exclue dès lors que la partie requérante aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de l’irrégularité procédurale. Or, en l’espèce, une telle hypothèse ne pouvait être entièrement exclue si la Commission avait mis le requérant en mesure de faire connaître utilement son point de vue quant à la levée de son immunité de juridiction et, plus particulièrement, comme le relevait ce dernier dans ses écritures, son point de vue quant à l’intérêt de l’Union et quant à la préservation de sa nécessaire indépendance en tant que fonctionnaire assurant le poste de directeur général de l’OLAF (arrêt initial, point 76).

15      En conséquence, le Tribunal a accueilli le cinquième moyen en ce qu’il était tiré de la violation du droit d’être entendu et, partant, annulé la décision attaquée, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs du cinquième moyen ni les autres moyens soulevés par le requérant, et condamné la Commission aux dépens.

16      Par requête déposée au greffe de la Cour le 21 décembre 2018, la Commission a formé, au titre des articles 56 et 58 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, un pourvoi contre l’arrêt initial, enregistré sous la référence C‑831/18 P.

17      Par l’arrêt sur pourvoi, la Cour a accueilli le pourvoi, annulé l’arrêt initial et rejeté la première branche du cinquième moyen du recours devant le Tribunal.

18      La Cour a d’abord confirmé que la décision portant levée de l’immunité d’un fonctionnaire constituait un acte faisant grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, qui pouvait faire l’objet d’un recours devant les juridictions de l’Union. À cet égard, la Cour a souligné que, en supprimant la protection conférée au fonctionnaire par l’immunité de juridiction prévue à l’article 11, sous a), du protocole no 7, une décision de levée de cette immunité l’exposait à des mesures notamment de détention et de poursuite judiciaire instituées par le droit commun des États membres. Le fait que les privilèges et les immunités de juridiction accordés aux fonctionnaires le sont exclusivement dans l’intérêt de l’Union n’ôte rien au constat que la levée de l’immunité d’un fonctionnaire modifie de façon caractérisée sa situation en le privant du bénéfice de cette immunité et, par voie de conséquence, constitue un acte lui faisant grief (arrêt sur pourvoi, points 45 à 48).

19      Après avoir rappelé que le droit d’être entendu est consacré non seulement par les articles 47 et 48 de la Charte, mais également par l’article 41 de celle-ci, la Cour a ensuite confirmé que la Commission était tenue d’entendre le requérant avant d’adopter la décision portant levée de son immunité de juridiction, même si cette immunité des fonctionnaires servait exclusivement à sauvegarder les intérêts de l’Union. En effet, si cette dernière circonstance est susceptible d’impliquer un encadrement des arguments que le fonctionnaire concerné peut valablement faire valoir contre la levée de son immunité, elle ne saurait justifier le fait de ne pas du tout entendre ce fonctionnaire avant de procéder à une levée de son immunité (arrêt sur pourvoi, points 65 à 70).

20      S’agissant des restrictions qui peuvent être apportées aux droits consacrés par la Charte, tel que le droit d’être entendu, la Cour a rappelé que l’article 52, paragraphe 1, de la Charte exigeait que toute limitation soit prévue par la loi et respecte le contenu essentiel du droit fondamental en cause. En outre, cette disposition requiert que, dans le respect du principe de proportionnalité, la limitation soit nécessaire et réponde effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union (arrêt sur pourvoi, point 71).

21      À cet égard, la Cour a souligné que, même si, dans un cas tel que celui du requérant, l’absence d’audition préalable à l’adoption de la décision de levée de son immunité pouvait être justifiée par le secret de l’instruction, prévu par le code d’instruction criminelle belge, une telle justification devait, néanmoins, être réservée à des cas exceptionnels. Il ne saurait, en effet, être présumé que toute instruction pénale implique systématiquement un risque de tentatives de dissimulation de preuves et d’indices par les personnes visées, ou des concertations frauduleuses entre elles, justifiant de ne pas les informer au préalable de l’existence de l’instruction les concernant. Selon la Cour, il s’ensuit que le Tribunal a estimé à juste titre que, avant de conclure à l’existence d’un cas exceptionnel, justifiant de procéder à la levée de l’immunité du requérant sans l’entendre au préalable, la Commission aurait dû, dans le respect du principe de coopération loyale avec les autorités nationales concernées, mettre en œuvre des mesures permettant, dans toute la mesure du possible, de respecter son droit d’être entendu, sans mettre en péril les intérêts que le secret de l’instruction vise à préserver (arrêt sur pourvoi, points 78 à 80).

22      Selon la Cour, le Tribunal n’a pas non plus commis d’erreur de droit en jugeant que l’absence d’audition du requérant avant l’adoption de la décision litigieuse allait au-delà de ce qui était nécessaire pour atteindre l’objectif consistant à garantir le secret de l’instruction et, par voie de conséquence, ne respectait pas le contenu essentiel de son droit d’être entendu. À cet égard, la Cour a notamment confirmé que, dans un cas tel que celui du requérant, la Commission était obligée d’obtenir la fourniture par les autorités nationales d’éléments suffisamment probants pour justifier une atteinte grave à son droit d’être entendu. Une telle démarche n’emporte pas, par nature, ingérence dans la procédure de l’État membre concerné, lequel est tenu par l’obligation de coopération loyale prévue à l’article 4, paragraphe 3, TUE (arrêt sur pourvoi, points 97 à 101).

23      Sur le plan des conséquences juridiques de la violation du droit d’être entendu du requérant, la Cour a, toutefois, rappelé qu’une violation des droits de la défense n’entraînait l’annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l’absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent. Elle a précisé que, afin d’apprécier l’incidence de la violation du droit d’être entendu du requérant sur la légalité de la décision portant levée de son immunité de juridiction, seules importaient des considérations liées à l’intérêt du service. Partant, le requérant aurait dû démontrer qu’il n’était pas entièrement exclu que la décision de la Commission aurait eu un contenu différent s’il avait pu faire valoir des arguments et des éléments relatifs à l’intérêt du service. Or, la Cour a relevé que, le requérant n’ayant présenté aucun argument devant le Tribunal tenant à une telle démonstration, celui-ci avait commis une erreur de droit en jugeant que la violation du droit d’être entendu du requérant justifiait l’annulation de la décision de levée de son immunité de juridiction (arrêt sur pourvoi, points 105 à 116).

24      La Cour a, par conséquent, annulé l’arrêt initial et, le litige étant en l’état d’être jugé, a rejeté la première branche du cinquième moyen du recours, dès lors qu’il ressortait des motifs exposés dans le cadre du pourvoi que, si la Commission n’avait pas respecté le droit du requérant d’être entendu avant l’adoption de la décision litigieuse, une telle violation ne pouvait justifier l’annulation de cette décision, faute pour le requérant d’avoir démontré qu’il n’était pas entièrement exclu que, en l’absence de cette violation, ladite décision aurait eu un contenu différent (arrêt sur pourvoi, point 120).

25      Pour le surplus, l’affaire n’étant pas en état d’être jugée, la Cour a renvoyé le litige au Tribunal pour qu’il examine les autres moyens invoqués par le requérant, tels que résumés au point 5 ci-dessus, et réservé les dépens. Le recours a été enregistré sous le numéro T‑29/17 RENV.

 Procédure et conclusions des parties après renvoi

26      Les parties ont été invitées à présenter leurs observations écrites conformément à l’article 217, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Le requérant et la Commission ont déposé leurs observations écrites dans les délais impartis, à savoir respectivement le 15 juillet et le 25 août 2020.

27      Dans ses observations après renvoi, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        pour autant que de besoin, annuler la décision de rejet de la réclamation ;

–        condamner la Commission aux entiers dépens.

28      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou comme manifestement dépourvu de fondement ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

29      À la suite de l’arrêt sur pourvoi, les moyens soulevés initialement par le requérant à l’appui de ses conclusions en annulation et qui doivent encore être examinés sont les suivants :

–        celui tiré de la violation de l’article 23 du statut et de l’article 17, second alinéa, du protocole no 7 ainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation relatives à la levée de l’immunité de juridiction ;

–        celui tiré de la violation de l’article 24 du statut et du devoir de sollicitude ;

–        celui tiré de la violation de l’obligation de motivation ;

–        celui tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime et d’erreur manifeste d’appréciation ;

–        celui tiré de la violation du respect de la présomption d’innocence et du devoir d’impartialité (initialement la deuxième branche du cinquième moyen) ;

–        celui tiré de la violation du devoir de diligence (initialement la troisième branche du cinquième moyen).

30      Dans ses observations après renvoi, le requérant invite le Tribunal à examiner à nouveau la première branche du cinquième moyen, relative à une violation de son droit à être entendu, et expose des éléments qui seraient de nature à démontrer que la décision attaquée aurait eu un contenu différent s’il avait été entendu.

31      Toutefois, conformément à l’article 61, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, en cas de renvoi, le Tribunal est lié par les points de droit tranchés par la décision de la Cour. La première branche du cinquième moyen ayant été rejetée par la Cour aux points 118 à 121 de l’arrêt sur pourvoi, il n’appartient plus au Tribunal d’examiner son bien-fondé, de sorte que l’argumentation présentée à cet égard par le requérant, dans ses observations après renvoi, ne peut qu’être rejetée (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2018, Klein/Commission, C‑346/17 P, EU:C:2018:679, point 53).

32      Par son deuxième chef de conclusions, le requérant demande l’annulation, pour autant que de besoin, de la décision de rejet de la réclamation.

33      Or, il est de jurisprudence constante que des conclusions dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le juge de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée et sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome. Il convient donc de considérer que le deuxième chef de conclusions visant à l’annulation de la décision de rejet de la réclamation et le premier chef de conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée ont le même objet (voir, en ce sens, arrêt du 20 novembre 2007, Ianniello/Commission, T‑205/04, EU:T:2007:346, point 27 et jurisprudence citée).

34      Il en résulte que le présent recours en annulation doit être considéré comme dirigé contre la seule décision attaquée.

 Quant au premier moyen, tiré de la violation de l’article 23 du statut et de l’article 17, second alinéa, du protocole no 7 ainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation relatives à la levée de l’immunité de juridiction 

35      Selon le requérant, la décision attaquée omet complètement d’examiner si, en l’espèce, la levée d’immunité de juridiction du directeur général porte atteinte aux intérêts de l’Union ainsi qu’à l’indépendance et au bon fonctionnement de l’OLAF en tant qu’organisme indépendant d’enquête antifraude de l’Union.

36      La décision attaquée manquerait de motivation alors que la Commission considérerait que, afin d’établir si la demande d’immunité est à accueillir, il suffirait de vérifier si l’accusation envisagée par le juge national paraît justifier une poursuite de la procédure. Ainsi, la Commission se placerait du point de vue de l’autorité nationale et non de celui de l’Union et se bornerait à examiner le caractère raisonnable de l’imputation envisagée devant l’autorité nationale. Or, la Commission aurait dû procéder à une mise en balance entre les intérêts nationaux à poursuivre une violation du droit national et l’intérêt de l’institution de protéger ses services de la soumission à différentes lois nationales de façon à ce qu’ils puissent poursuivre leurs activités en totale indépendance. Le fait de soumettre un fonctionnaire de l’OLAF à une procédure nationale interférerait avec la capacité de l’OLAF de poursuivre ses missions en toute indépendance.

37      Selon le requérant, le refus d’accéder à la demande de levée d’immunité ne constitue pas une violation de l’article 4, paragraphe 3, TUE. Le texte prévoirait clairement une assistance mutuelle dans l’accomplissement des missions qui découlent des traités européens, rendant le texte en l’espèce inapplicable. Il n’y aurait pas d’obligation découlant d’un traité qui justifierait la levée de l’immunité, alors que, par contre, la protection des intérêts de l’institution elle-même ou du requérant en sa qualité de fonctionnaire serait une obligation à la charge de la Commission. En agissant comme elle l’a fait, la Commission se serait déchargée de son devoir de garant de l’applicabilité du droit de l’Union au détriment de l’un de ses fonctionnaires.

38      Ensuite, le requérant soutient que les deux premières lettres envoyées par les juridictions belges auraient été jugées insuffisantes pour justifier la levée d’immunité et que, pour cette raison, il aurait été informé en juin 2015 qu’une lettre de rejet devait être adoptée en juillet 2015. Ce ne serait que sur base d’une troisième lettre du procureur fédéral du 23 juin 2015 que la Commission aurait estimé disposer désormais d’indications très claires et précises lui permettant de lever l’immunité du requérant pour ces allégations. Or, cette lettre ne contiendrait aucun élément nouveau. Elle contiendrait même un élément qui aurait dû pousser la Commission à rejeter cette demande de levée d’immunité. En effet, il y aurait dans cette lettre un changement de base légale, visant l’article 314 bis du code pénal belge et non plus l’article 259 bis de ce code. Le requérant ayant agi en tant que fonctionnaire, il ne pourrait cependant pas être visé par l’article 314 bis. Il s’agirait aussi d’une erreur manifeste d’appréciation, car ce serait à tort que la Commission prétendrait ne pas être compétente pour prendre une position sur la qualification correcte des faits en application du droit pénal national. D’une part, elle aurait en effet posé, lors de demandes antérieures, différentes questions de nature à l’éclairer sur la portée d’une telle demande de levée d’immunité et, d’autre part, elle reconnaîtrait que l’autorité judiciaire nationale peut être invitée à fournir des informations complémentaires afin de lui permettre de mieux apprécier le bien-fondé de la demande.  

39      Le requérant soutient aussi que la Commission n’aurait pas respecté les règles qu’elle s’est imposées alors qu’elle reconnaîtrait qu’il ne suffit pas de se poser la question de l’éventuel bien-fondé des poursuites pénales engagées, mais qu’il convient aussi de mettre cela en balance avec l’intérêt de l’Union, et notamment l’indépendance de ses institutions, ce qu’elle n’aurait manifestement pas fait en l’espèce.  

40      Le requérant ajoute que le caractère arbitraire et non abusif des poursuites pénales envisagées ne suffirait pas à garantir que la levée de son immunité n’est pas contraire aux intérêts de l’Union. Le dépôt de la plainte de M. Dalli, qui tenterait de jeter le discrédit sur l’enquête de l’OLAF et, en particulier, sur son directeur général serait abusif, ce qui aurait été totalement ignoré par la Commission. Il en serait de même pour la demande de l’État belge focalisée sur le seul requérant.

41      Le requérant indique également que le fait pour la Commission d’avoir demandé un avis à un professeur d’université spécialisé en droit pénal belge montrerait également que ce n’est pas l’intérêt de l’institution qui a été pris en compte, mais la pertinence éventuelle de la loi nationale. Par ailleurs, la décision n’aurait pas été adoptée sur la base d’une analyse juridique cohérente et motivée, mais plutôt à la suite d’un processus décisionnel qui aurait été faussé par des pressions politiques indues.

42      Quant à l’ingérence dans le droit à la vie privée et familiale, il existe, selon le requérant, un cadre répressif, dès lors que la violation alléguée de la protection de la vie privée des individus par les fonctionnaires serait expressément visée par l’article 49 du règlement (CE) no 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement de données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1), lequel ne renverrait pas au droit pénal national, mais à la procédure disciplinaire. Le requérant rappelle que ni lui, ni les enquêteurs, ni l’OLAF lui-même ne pourraient se voir reprocher la violation d’une telle norme et que, en ce qui concerne l’administration, aucune sanction n’aurait été adoptée. Cela serait par ailleurs discriminatoire. Il ne s’agirait pas non plus d’exonérer les enquêteurs de l’OLAF ou son directeur général du respect de ces droits, mais de décider que l’OLAF n’est pas une administration belge nationale soumise à la justice belge.

43      La Commission conteste les arguments du requérant.

44      Aux termes de l’article 11, sous a), du protocole no 7 :

« Sur le territoire de chacun des États membres et quelle que soit leur nationalité, les fonctionnaires et autres agents de l’Union :

a)      jouissent de l’immunité de juridiction pour les actes accomplis par eux, y compris leurs paroles et écrits, en leur qualité officielle, sous réserve de l’application des dispositions des traités relatives, d’une part, aux règles de la responsabilité des fonctionnaires et agents envers l’Union et, d’autre part, à la compétence de la Cour de justice de l’Union européenne pour statuer sur les litiges entre l’Union et ses fonctionnaires et autres agents. Ils continueront à bénéficier de cette immunité après la cessation de leurs fonctions, [...] »

45      L’article 17 du protocole no 7 prévoit :

« Les privilèges, immunités et facilités sont accordés aux fonctionnaires et autres agents de l’Union exclusivement dans l’intérêt de cette dernière.

Chaque institution de l’Union est tenue de lever l’immunité accordée à un fonctionnaire ou autre agent dans tous les cas où elle estime que la levée de cette immunité n’est pas contraire aux intérêts de l’Union. »

46      Aux termes de l’article 18 du protocole no 7 :

« Pour l’application du présent protocole, les institutions de l’Union agissent de concert avec les autorités responsables des États membres intéressés. »

47      L’article 23 du statut dispose :

« Les privilèges et immunités dont bénéficient les fonctionnaires sont conférés exclusivement dans l’intérêt de l’Union. Sous réserve des dispositions du protocole [no 7], les intéressés ne sont pas dispensés de s’acquitter de leurs obligations privées, ni d’observer les lois et les règlements de police en vigueur.

Chaque fois que ces privilèges et immunités sont en cause, le fonctionnaire intéressé doit immédiatement en rendre compte à l’autorité investie du pouvoir de nomination.

[...] »

48      Il résulte du libellé de l’article 17 du protocole no 7 que la Commission est tenue de lever l’immunité accordée à un fonctionnaire dans tous les cas où elle estime que cette levée d’immunité n’est pas contraire aux intérêts de l’Union. Par ailleurs, les institutions sont tenues à une obligation de coopération loyale avec les autorités judiciaires des États membres, chargées de veiller à l’application et au respect du droit de l’Union dans l’ordre juridique national (voir, en ce sens, ordonnance du 13 juillet 1990, Zwartveld e.a., C‑2/88‑IMM, EU:C:1990:315, point 18).

49      À cet égard, il convient également de rappeler que les missions de l’OLAF, créé en 1999 en tant que direction générale de la Commission, sont déterminées dans le règlement no 883/2013. Dans son article 1er, paragraphes 1, 3 et 4, le règlement no 883/2013 – qui s’applique sans préjudice du protocole no 7 – charge l’OLAF d’effectuer des enquêtes administratives tant à l’extérieur qu’à l’intérieur des institutions, des organes et des organismes de l’Union, en vue de renforcer la lutte contre la fraude, la corruption et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union. À cet effet, l’OLAF enquête, notamment, sur les faits graves liés à l’exercice d’activités professionnelles constituant un manquement aux obligations des membres des institutions et organes, des dirigeants des organismes ou de leurs agents.

50      L’OLAF est placé sous l’autorité d’un directeur général dont le mandat, pour garantir la pleine indépendance de ses fonctions, n’est pas renouvelable (article 17, paragraphe 1, et considérant 42 du règlement no 883/2013). Afin d’assurer l’indépendance de l’OLAF dans l’exécution de ses tâches, son directeur général peut ouvrir une enquête de sa propre initiative lorsqu’il existe des soupçons suffisants qui laissent supposer l’existence d’actes de fraude, de corruption ou d’autres activités illégales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union (article 5 et considérant 17 du règlement no 883/2013). Le directeur général de l’OLAF dirige l’exécution des enquêtes et désigne les membres de son personnel qui les conduisent en toute indépendance (article 7, paragraphe 1, et considérants 18, 20, 37 et 41 du règlement no 883/2013).

51      Au vu de ces considérations, il convient de déterminer si, en l’espèce, le fait d’avoir levé l’immunité du requérant est contraire aux intérêts de l’Union, en particulier l’indépendance et le bon fonctionnement de l’OLAF, et de vérifier si la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en adoptant la décision litigieuse, tout en vérifiant également que la décision ne porte pas atteinte à l’indépendance et au bon fonctionnement de l’OLAF en tant qu’organisme indépendant.

52      Le Tribunal relève tout d’abord que, contrairement à ce que prétend le requérant, la Commission a bien examiné si la levée de son immunité était contraire à l’intérêt de l’Union et, plus particulièrement, à l’indépendance et au bon fonctionnement de l’OLAF.

53      En effet, il ressort de la correspondance échangée entre la secrétaire générale de la Commission et les juges d’instruction, entre le 21 novembre 2014 et le 23 juin 2015, ainsi que de la consultation du dossier répressif par des agents de la Commission, ayant eu lieu le 9 septembre 2015, que, avant d’adopter la décision attaquée, la Commission a, d’abord, présenté aux autorités belges le cadre juridique applicable aux activités de l’OLAF et relatif, notamment, à l’indépendance de cet office. Ensuite, elle a demandé, à plusieurs reprises, à recevoir des explications plus détaillées en fait et en droit sur les aspects qui pourraient constituer des indices d’un comportement susceptible de relever du droit pénal belge, sur les raisons justifiant une audition du requérant en tant que prévenu et sur la portée ratione personae du secret de l’instruction.

54      Ensuite, au considérant 9 de la décision attaquée, la Commission a rappelé que l’article 17 du protocole no 7 l’obligeait à s’assurer qu’une levée d’immunité ne porterait pas préjudice aux intérêts de l’Union et, plus particulièrement, à l’indépendance et au bon fonctionnement des institutions, des organes et des organismes de l’Union. La Commission a estimé, à juste titre, qu’il s’agissait du seul critère au regard duquel il y avait lieu d’examiner la demande de levée de l’immunité du requérant et que l’article 17 du protocole no 7 ne permettait pas, en principe, aux institutions d’exercer un contrôle quant au bien-fondé ou au caractère équitable de la procédure judiciaire nationale sous-jacente à la demande.  

55      À cet égard, la Commission a, à juste titre, tenu compte du cadre juridique spécifique régissant les enquêtes de l’OLAF. Elle a ainsi rappelé que, par le règlement no 883/2013, le législateur de l’Union avait confié à l’OLAF des compétences d’enquête que ce dernier, tout en étant rattaché à la Commission, exerçait en toute indépendance par rapport aux institutions, aux organes et aux organismes de l’Union. À cet égard, il est notamment prévu à l’article 17, paragraphe 3, de ce règlement que « [s]i le directeur général [de l’OLAF] estime qu’une mesure prise par la Commission met en cause son indépendance, il en informe immédiatement le comité de surveillance et décide de l’opportunité d’engager une procédure contre la Commission devant la Cour de justice ». La Commission était donc effectivement tenue de s’assurer que, en accédant à la demande de levée de l’immunité, elle ne porterait pas atteinte à l’indépendance et au bon fonctionnement de l’OLAF. Dans la réponse à la réclamation, l’autorité investie du pouvoir de nomination a ainsi précisé que la levée de l’immunité du requérant n’avait aucune incidence sur la capacité de l’OLAF à mener des enquêtes de façon régulière. En effet, l’indépendance dont jouit l’OLAF vis-à-vis des institutions, des organes et des organismes de l’Union dans l’accomplissement de sa mission ne signifie pas que cet office soit autorisé à procéder, dans ses locaux, à des écoutes ou à des enregistrements téléphoniques secrets. Dans un tel cas, la levée de l’immunité du requérant ne porte aucunement atteinte à l’indépendance de l’OLAF ou à sa capacité à diligenter une enquête de sa propre initiative lorsqu’il existe des soupçons suffisants qui laissent supposer l’existence d’actes de fraude, de corruption ou d’autres activités illégales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union.

56      Par ailleurs, il ressort des constatations qui précèdent que la Commission ne s’est pas limitée à examiner si la demande de levée de l’immunité du requérant pouvait porter atteinte à l’indépendance de l’OLAF. Elle a en effet poursuivi son analyse en exposant qu’elle ne pourrait lever l’immunité du directeur général de l’OLAF que si elle était informée, avec suffisamment de clarté et de précision, des raisons pour lesquelles l’autorité judiciaire demanderesse considérait que les allégations formulées à son égard pourraient, le cas échéant, justifier qu’il soit entendu en qualité de prévenu. À défaut, la Commission a estimé que toute personne concernée par une enquête de 1’OLAF pourrait, en formulant des allégations manifestement infondées à l’encontre de son directeur général, parvenir à paralyser le fonctionnement de cet organisme, ce qui serait contraire aux intérêts de 1’Union. En l’espèce, s’agissant des allégations d’écoutes téléphoniques illégales, la Commission a considéré que, à la suite de la lettre du parquet fédéral belge du 23 juin 2015, elle disposait désormais d’indications suffisamment claires et précises qui laissaient apparaître que l’autorité judiciaire demanderesse pouvait raisonnablement, et en tout cas sans agir de manière arbitraire ou abusive, considérer que les allégations formulées à l’encontre du requérant justifiaient de poursuivre une instruction à son égard.

57      Ainsi, le requérant ne saurait se prévaloir du fait que, en procédant comme elle l’a fait, la Commission a essentiellement contrôlé le caractère non arbitraire ou non abusif des poursuites envisagées à son égard. En effet, même si cet examen relève également de l’appréciation de l’opportunité des poursuites pénales et donc, en principe, de la seule compétence des autorités de l’État membre concerné, il était justifié, en l’espèce, que la Commission veille à ce que la levée de l’immunité du requérant n’entrave pas le bon fonctionnement de l’OLAF.

58      Il résulte de ce qui précède que la Commission n’a pas omis d’examiner si la levée de l’immunité du requérant portait atteinte aux intérêts de l’Union et à l’indépendance et au bon fonctionnement de l’OLAF et que la décision attaquée n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation liée à cet examen. Partant, la Commission n’avait pas d’autre choix, en vertu de son devoir de coopération loyale avec les autorités nationales, consacré par l’article 4, paragraphe 3, TUE, que de donner suite à la demande de levée de l’immunité du requérant.

59      Les arguments du requérant n’infirment pas cette conclusion.

60      Premièrement, l’argument selon lequel ce serait uniquement sur la base de la lettre du procureur fédéral du 23 juin 2015, qui, par ailleurs, ne contiendrait aucun élément nouveau, que la Commission aurait pris la décision de lever l’immunité doit être rejeté alors que, à la suite de cette lettre, deux personnes du service juridique de la Commission (ci-après le « service juridique ») se sont déplacées pour aller consulter le dossier sur place. Cette consultation a confirmé la teneur de la lettre et a permis à la Commission d’avoir une certitude sur les éléments précis et supplémentaires indiqués dans la lettre du procureur, notamment grâce au témoignage qui y est relaté de façon détaillée. Le requérant n’indique d’ailleurs pas en quoi cette lettre du 23 juin 2015 entacherait la légalité de la décision attaquée.

61      Deuxièmement, l’allégation d’une erreur manifeste d’appréciation résultant d’une fausse application de l’article 314 bis du code pénal belge, voire d’un changement de base juridique dans la lettre du 23 juin 2015, doit être rejetée alors qu’il n’appartient pas à la Commission de déterminer quelles normes de droit pénal belge doivent être appliquées aux faits allégués, cela relevant de la compétence des autorités nationales.

62      Il suffit de constater que ce changement de base légale a interpellé la Commission lors de son analyse de la demande de levée d’immunité, étant donné qu’elle a demandé un avis juridique à un professeur d’université renommé afin qu’il lui livre une analyse juridique des faits reprochés au requérant au regard du droit pénal belge. Donc, ce changement de base légale n’a pas été ignoré par la Commission, mais il ne lui appartenait pas de se prononcer sur ce changement, cela étant de la compétence des autorités nationales.

63      Troisièmement, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel l’avis juridique du professeur d’université ne prendrait également en compte que le droit national au lieu de l’intérêt de l’Union, il convient de préciser que cet avis avait été demandé par la Commission dans l’unique but de comprendre l’application des différentes bases juridiques au cas du requérant afin de savoir si les inculpations invoquées par le procureur belge semblaient pouvoir justifier une levée d’immunité. Cela découle notamment des questions posées au professeur d’université (« quels sont le sens, la portée et l’interprétation habituelle des [articles 259 bis et 314 bis] ? », « Dans la pratique habituelle du droit pénal belge »). Il ne concerne donc pas l’intérêt de l’Union et n’a d’ailleurs pas été pris en compte dans la décision attaquée. Par ailleurs, le requérant ne montre pas en quoi le processus décisionnel aurait été faussé par des pressions politiques indues. Il convient donc de rejeter cet argument.

64      Quatrièmement, l’argument selon lequel le dépôt de la plainte de M. Dalli, qui tenterait de jeter le discrédit sur l’enquête de l’OLAF et en particulier sur son directeur général, serait abusif, ce qui aurait été totalement ignoré par la Commission, doit également être rejeté, alors que le requérant ne montre pas en quoi ce dépôt de plainte rendrait la décision attaquée illégale. Par ailleurs, le dépôt de cette plainte ainsi que la demande de levée d’immunité sont des procédures nationales dont l’abus ne pourrait être contesté qu’au niveau national.

65      Cinquièmement, contrairement à ce que prétend le requérant, l’article 49 du règlement no 45/2001 est sans incidence sur la faculté, pour les autorités des États membres, dans le cadre de leurs compétences respectives, de prévoir des sanctions pénales pour des faits tels que ceux faisant l’objet de la demande de levée d’immunité.

66      Il découle de tout ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

 Quant au deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 24 du statut et du devoir de sollicitude

67      En ce qui concerne le devoir de sollicitude et d’assistance, le requérant indique d’abord que son argumentation ne porte pas, en l’espèce, sur le soutien financier apporté par la Commission et dont celle-ci a fait état. Il soutient que cette dernière n’a pas pris en considération le fait que la plainte avait été déposée par une personne faisant l’objet de poursuites par l’OLAF et qui aurait utilisé tous les moyens possibles pour discréditer l’enquête et limiter les effets de celle-ci. Or, elle n’aurait pas pu ignorer que la publicité donnée à cette affaire entraînerait des conséquences certaines et destructrices pour sa réputation professionnelle. Cette action, engagée dans le but de nuire, n’aurait aucunement été prise en compte au regard de l’intérêt de l’Union, lequel, dans ce cas, devrait s’apprécier par rapport à l’indépendance des institutions et, plus particulièrement, du personnel de l’OLAF et de son directeur général. La Commission aurait succombé à des pressions politiques de la part de certains députés et aurait ainsi failli à son obligation de le protéger contre des attaques politiquement motivées. Le requérant ajoute que, contrairement à ce que la Commission répond dans la décision de rejet de la réclamation, l’intérêt de l’Union tout comme la coopération sincère entre les institutions de l’Union et les États membres « n’énervent » en rien les devoirs qu’a l’administration à l’égard des membres de son personnel, y compris les devoirs d’assistance et de sollicitude. Par ailleurs, la Commission n’aurait pas pris en compte les éléments factuels qui lui auraient été clairement soumis et dont elle avait à tenir compte. Enfin, en ce qui concerne sa réputation professionnelle, le requérant reproche à la Commission de ne pas avoir saisi l’opportunité de prendre la décision attaquée en tenant compte de l’ensemble des considérations disponibles à ce moment et de son habilitation professionnelle au lieu de faire des déclarations « après coup ».

68      Le requérant précise, dans la réplique, qu’il y a eu un changement de son statut juridique à la suite de la levée de son immunité. Son impartialité et sa capacité d’exercer auraient été remises en cause et la commission du contrôle budgétaire du Parlement européen aurait même voulu le suspendre de ses fonctions. Tenant compte de la procédure pénale belge, sa situation ne serait pas claire, car ses perspectives de carrière se seraient détériorées.

69      La Commission conteste les arguments du requérant.

70      Il convient de rappeler que le devoir d’assistance est consacré à l’article 24 du statut et impose à l’administration d’assister le fonctionnaire dans toute attaque ou menace dont celui-ci fait l’objet en raison de sa qualité et de ses fonctions. Cette disposition vise la défense des fonctionnaires, par l’institution, contre des agissements de tiers et non contre les actes émanant de l’institution elle-même, dont le contrôle relève d’autres dispositions du statut (arrêt du 17 décembre 1981, Bellardi-Ricci e.a./Commission, 178/80, EU:C:1981:310, point 23).

71      Par conséquent, pour autant que le requérant demande l’annulation d’un acte émanant d’une institution, le moyen tiré de la violation du devoir d’assistance doit être déclaré inopérant.

72      Il convient également de rappeler que, selon la jurisprudence, le devoir de sollicitude reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Cet équilibre implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi, notamment, de celui du fonctionnaire concerné. Cette dernière obligation est imposée à l’administration également par le principe de bonne administration consacré à l’article 41 de la Charte (voir arrêt du 13 décembre 2018, UP/Commission, T‑706/17, non publié, EU:T:2018:924, point 59 et jurisprudence citée).

73      De même, il a été jugé que, en vertu de son devoir de sollicitude et du principe de bonne administration, l’administration doit, d’une part, éviter de donner à la presse des informations qui pourraient causer un préjudice au fonctionnaire en cause et, d’autre part, prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir, au sein de l’institution, toute forme de diffusion d’informations qui pourraient avoir un caractère diffamatoire à l’encontre de celui-ci (voir arrêt du 8 juillet 2008, Franchet et Byk/Commission, T‑48/05, EU:T:2008:257, point 214 et jurisprudence citée).

74      Toutefois, il convient également de rappeler que les immunités dont jouissent les agents de l’Union ne sont pas créées par le statut, mais sont garanties par l’article 17 du protocole no 7, qui relève du droit primaire et, en tout état de cause, subordonne la levée de l’immunité d’un agent à la seule condition que celle-ci ne soit pas contraire aux intérêts de l’Union.

75      Dès lors et ainsi que la Cour l’a jugé au point 111 de l’arrêt sur pourvoi, des considérations liées à la situation personnelle du fonctionnaire concerné par une demande de levée d’immunité, considérations que ce fonctionnaire serait le mieux placé à faire valoir s’il était entendu au sujet de cette demande, sont dépourvues de pertinence pour la suite à donner à ladite demande. Seules importent, à cet égard, des considérations liées à l’intérêt du service.

76      Il s’ensuit donc que le moyen tiré de la violation du devoir de sollicitude est inopérant. En effet, à supposer même que l’administration n’ait pas tenu compte de l’intérêt personnel du requérant avant d’adopter la décision attaquée et étant donné que le devoir de sollicitude ne saurait aller jusqu’à interdire à la Commission de lever l’immunité du requérant, malgré l’opposition de ce dernier, dès lors que l’intérêt de l’Union l’exige (voir, par analogie, arrêt du 10 septembre 2014, KE/AFE, F‑120/13, EU:F:2014:197, point 93 et jurisprudence citée), ce dernier ne peut utilement reprocher à l’institution d’avoir méconnu ledit devoir.

77      En tout état de cause, il y a lieu de constater, à titre surabondant, que la Commission n’a pas méconnu les obligations découlant de son devoir de sollicitude à l’égard du requérant. En plus du fait qu’elle a apporté, dans le cadre de son devoir d’assistance, tout soutien financier nécessaire au requérant pour la prise en charge des frais d’avocat dans le cadre des poursuites pénales belges, elle a également fait tout ce qu’exigeait son devoir de sollicitude. Pleinement consciente du fait que la personne contre laquelle l’OLAF enquêtait pouvait utiliser tous moyens pour discréditer l’enquête et de l’impact médiatique que pouvait avoir cette affaire, la Commission a, dans un premier temps, le 11 mars 2016, publiquement déclaré que la levée de l’immunité ne remettait pas en question la présomption d’innocence du requérant au regard des éléments factuels soulevés par les autorités judiciaires belges et ne contenait à cet effet aucun jugement quant à la véracité de ces éléments. La Commission a également déclaré, à cette même date, tant publiquement que dans une lettre adressée au requérant, qu’elle accordait toute assistance nécessaire au titre de l’article 24 du statut. Elle a ajouté dans cette lettre qu’elle était également disponible pour lui fournir toute autre forme d’assistance dont il pourrait avoir besoin et qu’elle communiquerait ouvertement sur sa présomption d’innocence qui allait être entièrement préservée. La Commission n’a dès lors pas ignoré les conséquences qu’une telle affaire pouvait avoir pour le requérant à titre personnel. Par ses déclarations, elle a évité qu’il soit porté préjudice au requérant et pris toutes les mesures afin d’empêcher que de fausses déclarations ayant un caractère diffamatoire soient diffusées.

78      Par cette façon de faire, la Commission a également défendu les intérêts de l’Union et l’indépendance de l’OLAF. Ainsi, dans une lettre du 8 avril 2016, le secrétaire général de la Commission a informé le secrétaire général du Parlement de ce qui avait déjà été dit publiquement sur la présomption d’innocence et l’assistance au titre de l’article 24 du statut. Il a ajouté que le directeur général de l’OLAF resterait en fonctions et que la décision attaquée n’affecterait aucunement la façon de mener ses investigations. Il a conclu en insistant sur l’importance à ce que l’OLAF continue à fonctionner normalement, dans l’intérêt de la protection des intérêts financiers de l’Union.

79      Le requérant n’a dès lors pas apporté la preuve que la Commission n’aurait pas fait tout ce qui était en son pouvoir pour maintenir la présomption d’innocence et ne pas prématurément porter de jugement sur les accusations des autorités nationales. Il n’apporte d’ailleurs pas non plus la preuve que la personne ayant déposé la plainte à son égard aurait discrédité ou limité les effets de l’enquête ou que la Commission aurait succombé à des pressions politiques de la part de certains députés et aurait ainsi failli à son obligation de protéger le requérant contre des attaques politiquement motivées. Il n’indique pas non plus quels auraient été les éléments factuels qui auraient été soumis à la Commission et qui n’auraient pas été pris en compte.

80      Enfin, comme le soutient justement la Commission dans le mémoire en défense, le principe de coopération loyale oblige non seulement les États membres à prendre toutes les mesures propres à garantir la portée et l’efficacité du droit de l’Union, y compris, si besoin, par la voie pénale, mais impose également aux institutions de l’Union des devoirs réciproques de coopération loyale avec les États membres (ordonnance du 13 juillet 1990, Zwartveld e.a., C‑2/88‑IMM, EU:C:1990:315, point 17). Conformément à ce qui a été jugé en ce qui concerne le premier moyen, la Commission a correctement respecté son devoir de sollicitude dans le cadre de la demande de la levée d’immunité du requérant, en attendant précisément d’avoir toutes les informations nécessaires, de façon claire et précise, avant d’accorder celle-ci.

81      L’argument invoqué par le requérant dans la réplique, selon lequel son impartialité et sa capacité d’exercer sa fonction auraient été remises en cause, dès lors que la commission du contrôle budgétaire du Parlement aurait voulu le suspendre, doit être rejeté, la Commission ayant réaffirmé que le requérant jouissait de la présomption d’innocence et qu’elle souhaitait le maintenir dans ses fonctions.

82      Pour les mêmes motifs, il y a également lieu de rejeter l’argument selon lequel la situation professionnelle du requérant ne serait pas claire, compte tenu de la procédure pénale en cours.

83      Le deuxième moyen doit par conséquent être rejeté.

 Quant au troisième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

84      Selon le requérant, la décision attaquée ne ferait à aucun moment apparaître les motifs qui ont conduit la Commission à considérer que la levée de son immunité n’affecterait pas les intérêts de l’Union, ni les raisons publiques ou politiques qui surpasseraient éventuellement la protection des intérêts de l’Union, ni les éléments sur la base desquels cette appréciation se fonderait. Il ressortirait uniquement de la décision attaquée et du rejet de la réclamation que la Commission aurait estimé, en rappelant le principe de l’article 17 du protocole no 7, que la demande de levée de l’immunité ne présentait aucun caractère arbitraire ou abusif et qu’il y avait donc des éléments suffisants pour lever l’immunité du requérant au regard de l’infraction pénale alléguée.

85      La Commission conteste les arguments du requérant.

86      Il découle de la jurisprudence que l’obligation de motivation visée à l’article 296 TFUE et rappelée à l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte est un principe essentiel du droit de l’Union (ordonnance du 24 avril 2017, Dreimane/Commission, T‑618/16, non publiée, EU:T:2017:293, point 36), qui a pour objectif, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours juridictionnel tendant à en contester la légalité et, d’autre part, de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle (voir arrêt du 23 septembre 2004, Hectors/Parlement, C‑150/03 P, EU:C:2004:555, point 39 et jurisprudence citée).

87      La motivation d’une décision s’apprécie au regard non seulement de son libellé, mais également de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Ainsi, une décision est suffisamment motivée dès lors qu’elle est intervenue dans un contexte connu de l’intéressé qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 1er avril 2004, N/Commission, T‑198/02, EU:T:2004:101, point 70 et jurisprudence citée).

88      Il y a cependant lieu de rappeler que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêt du 1er mars 2017, Silvan/Commission, T‑698/15 P, non publié, EU:T:2017:131, point 17 et jurisprudence citée).

89      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de déterminer si la décision attaquée est suffisamment motivée.

90      Tout d’abord, il convient de rappeler que, en application de l’article 17, second alinéa, du protocole no 7 cité au point 42 ci-dessus, la Commission doit vérifier, dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation, que la levée d’immunité ne porte pas atteinte aux intérêts de l’Union et, plus particulièrement, à l’indépendance et au bon fonctionnement de l’OLAF ainsi qu’à l’indépendance de son directeur général.

91      La Commission a indiqué, au considérant 4 de la décision attaquée, qu’elle avait pris sa décision, après avoir reçu les informations nécessaires, en recherchant un équilibre adéquat entre son obligation de coopération et la nécessité de préserver les intérêts de l’Union.

92      Au considérant 9 de la décision attaquée, la Commission rappelle encore une fois qu’elle se doit de s’assurer que la levée d’immunité ne porte pas préjudice aux intérêts de l’Union et, plus particulièrement, à l’indépendance et au bon fonctionnement des institutions, des organes et des organismes de l’Union.

93      Au considérant 10 de la décision attaquée, la Commission explique le cadre réglementaire particulier régissant l’OLAF, qui l’oblige à s’assurer que, en accédant à la demande de levée d’immunité, elle ne porte pas atteinte à l’indépendance et au bon fonctionnement de cet office en tant qu’organisme indépendant.

94      Elle précise, au considérant 11 de la décision attaquée, qu’elle ne peut décider de lever l’immunité que si elle est informée, avec suffisamment de clarté et de précision, des raisons pour lesquelles l’autorité judiciaire nationale considère que les allégations justifient que le requérant soit entendu en qualité de prévenu et ajoute que, en l’absence de ces informations, toute personne concernée par une enquête de l’OLAF pourrait, en formulant des allégations manifestement infondées à l’encontre de son directeur général, parvenir à paralyser le fonctionnement de cet organisme, ce qui serait clairement contraire aux intérêts de l’Union.

95      Sur le fondement de ces paramètres juridiques, la Commission, aux considérants 12 et 13 de la décision attaquée, indique les motifs de la levée d’immunité.

96      Au considérant 12 de la décision attaquée, elle rejette toutes les allégations formulées par les autorités belges, à l’exception de celle relative aux écoutes téléphoniques, en expliquant qu’elles ne contiennent pas suffisamment d’éléments qui permettraient de faire droit à la demande de levée d’immunité et rejette par conséquent la demande s’agissant de ces allégations.

97      Au considérant 13, la Commission estime en revanche que, à la suite de la lettre du parquet fédéral belge du 23 juin 2015, elle dispose désormais d’indications très claires et précises qui laissent apparaître que l’autorité judiciaire demanderesse pouvait raisonnablement, et en tout cas sans agir de manière arbitraire ou abusive, considérer que les allégations formulées à l’encontre du requérant justifiaient de poursuivre une instruction à son égard. Elle ajoute que, dans cette situation, il serait contraire au principe de coopération loyale avec les autorités nationales de refuser de lever l’immunité du requérant. La Commission en conclut qu’elle serait donc tenue d’accéder à la demande de levée d’immunité pour ces allégations. La teneur de la lettre du procureur fédéral belge du 23 juin 2015 est exposée en détail au considérant 5 de la décision attaquée et confirmée au considérant 8, à la suite de la mention de la consultation du dossier par deux membres du service juridique. Selon les indications qui y sont mentionnées, les critères relatifs à une prétendue infraction d’écoute téléphonique illégale sont remplis, justifiant la poursuite d’une instruction à l’égard du requérant et, par conséquent, une levée d’immunité sans que les intérêts de l’Union soient atteints.

98      Dans ce contexte, il n’appartenait pas à la Commission d’approfondir son analyse du bien-fondé des poursuites envisagées, cet examen relevant de la compétence des autorités nationales.

99      Par conséquent, il découle de ce qui précède que la décision attaquée est suffisamment motivée pour permettre au requérant d’en comprendre le bien-fondé au regard non seulement de son libellé, mais également de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En effet, la décision attaquée est intervenue dans un contexte connu de l’intéressé qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard, d’apprécier l’opportunité d’introduire un recours juridictionnel tendant à en contester la légalité et qui permet au juge de l’Union d’exercer son contrôle.

100    Le troisième moyen doit par conséquent être rejeté.

 Quant au quatrième moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime et d’une erreur manifeste d’appréciation

101    Le requérant soutient que, entre la première demande de levée d’immunité émanant des autorités belges et la décision attaquée, tant la vice-présidente de la Commission (ci-après la « vice-présidente ») que le directeur général du service juridique, personnes émettant des avis fiables et autorisés, auraient, à plusieurs reprises, confirmé que la levée d’immunité, prise dans son contexte, était contraire aux intérêts de l’Union, notamment l’indépendance de l’OLAF. La vice-présidente aurait par ailleurs affirmé, le 25 février 2016, qu’une décision de refus de levée d’immunité était en préparation. Par ailleurs, il découlerait du rapport rédigé à l’occasion de l’assemblée plénière du comité de surveillance de l’OLAF que la Commission aurait adopté une décision contraire à l’avis du service juridique, qui lui avait oralement déjà été transmis, à titre informel, lors de réunions tenues avec la vice-présidente et le directeur général du service juridique. Par conséquent, la décision attaquée n’aurait pas été adoptée sur la base d’une analyse juridique cohérente et motivée, mais aurait plutôt été affectée par des pressions politiques indues.

102    Le requérant ajoute que, même si aucun avis n’avait été communiqué par le service juridique, le rapport rédigé à l’occasion de la réunion de l’assemblée plénière du comité de surveillance de l’OLAF existerait néanmoins et le fait que des citations entre guillemets soient reprises dans ce rapport et que des morceaux de phrases y soient cachés constituerait un indice précis de l’existence de cet avis. Il appartiendrait dès lors à la Commission de le communiquer, le Tribunal pouvant le cas échéant, en ordonner la production.

103    La Commission conteste les arguments du requérant.

104    Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation dont il ressort que l’administration de l’Union a fait naître chez lui des espérances fondées, en lui fournissant des assurances précises sous la forme de renseignements précis, inconditionnels et concordants, émanant de sources autorisées et fiables. En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (voir arrêt du 13 octobre 2015, Commission/Verile et Gjergji, T‑104/14 P, EU:T:2015:776, point 165 et jurisprudence citée).

105    En l’espèce, il ressort de ce qui précède que le requérant fait état d’un certain nombre d’assurances qui lui auraient été fournies.

106    Toutefois, il ne ressort pas des circonstances alléguées par le requérant que ce dernier soit fondé à soutenir que la Commission aurait méconnu le principe de protection de la confiance légitime.

107    En effet, les confirmations que le requérant aurait obtenues à titre informel de la part de la vice-présidente et du directeur général du service juridique ne sont que de pures allégations formellement contestées par la Commission. Il en est de même de l’affirmation de la vice-présidente, en date du 25 février 2016, selon laquelle une décision de refus de levée d’immunité aurait été en préparation. Le requérant n’apporte aucun élément de preuve permettant de conclure qu’il aurait obtenu des informations précises, inconditionnelles et concordantes.

108    Quant au rapport du comité de surveillance de l’OLAF, dont la réunion a eu lieu postérieurement à l’adoption de la décision attaquée, celui-ci ne fait que prendre note des informations transmises oralement par la Commission. Même si la Commission disposait d’un avis du service juridique suggérant de ne pas lever l’immunité du requérant, ce dernier n’apporte pas la preuve que la Commission lui aurait fourni, à cet égard, des assurances précises sous la forme de renseignements précis, inconditionnels et concordants.

109    Il convient également, à cet égard, de rappeler qu’il existe un intérêt public qui veut que les institutions de l’Union puissent bénéficier des avis de leur service juridique donnés en toute indépendance (voir, en ce sens, ordonnance du 10 janvier 2005, Gollnisch e.a./Parlement, T‑357/03, EU:T:2005:1, point 34 et jurisprudence citée). L’avis juridique est un document interne qui n’a pas été communiqué au requérant, qui par ailleurs admet n’avoir eu que des indications à titre informel dont la preuve n’a pas été rapportée. La Commission conteste par ailleurs avoir communiqué l’avis audit comité dont la réunion s’est tenue postérieurement à l’adoption de la décision attaquée. Il n’y a dès lors pas lieu d’ordonner la communication de cet avis juridique, celui-ci ne constituant pas une assurance précise, inconditionnelle et concordante.

110    Le quatrième moyen doit par conséquent être rejeté.

 Quant à la deuxième branche du cinquième moyen, tirée de la violation du respect de la présomption d’innocence et du devoir d’impartialité

111    Le requérant soutient que la présomption d’innocence ainsi que la nécessaire impartialité dont doit faire preuve l’autorité font défaut en l’espèce. Il découlerait de la décision attaquée, ainsi que des circonstances qui ont entouré son adoption, notamment l’allégation selon laquelle il aurait été incité à démissionner, que la Commission serait de l’avis que le requérant aurait commis les infractions qui lui sont reprochées. Selon lui, alors même qu’il lui avait été exposé que la demande allait être rejetée comme étant contraire aux intérêts de l’Union, la décision attaquée avait été prise, sans plus se préoccuper des intérêts de l’Union, mais plutôt par conviction que le requérant avait pu se rendre coupable d’une infraction pénalement répréhensible selon le droit belge.

112    La Commission conteste les arguments du requérant.

113    Il convient de rappeler que le principe de la présomption d’innocence, énoncé à l’article 6, paragraphe 2, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et à l’article 48, paragraphe 1, de la Charte, constitue un droit fondamental qui confère aux particuliers des droits dont le juge de l’Union garantit le respect (arrêt du 4 octobre 2006, Tillack/Commission, T‑193/04, EU:T:2006:292, point 121). Selon ces dispositions, le respect de la présomption d’innocence exige que toute personne accusée d’une infraction soit présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie [arrêt du 3 juillet 2019, PT/BEI, T‑573/16, EU:T:2019:481, point 360 (non publié)].

114    Ces dispositions ne sont toutefois pas applicables à une décision de levée d’immunité d’un agent de l’Union dès lors, d’une part, que la Commission ne saurait être assimilée à un Tribunal et, d’autre part, qu’un fonctionnaire ne saurait, dans le contexte d’une procédure de levée d’immunité, être considéré comme un « accusé » au sens desdites dispositions de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que de la Charte (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 avril 2019, Briois/Parlement, T‑214/18, non publié, EU:T:2019:266, point 91). En outre, la décision attaquée ne constitue pas une sanction et son adoption est sans préjudice de la culpabilité éventuelle du requérant au regard de dispositions de droit national. Partant, la deuxième branche du cinquième moyen doit être écartée comme étant inopérante.

115    À titre surabondant, s’agissant des deux griefs avancés par le requérant, tirés, le premier, de ce qu’il ressortirait du contenu de la décision attaquée et des circonstances qui ont entouré son adoption, notamment le fait que la Commission l’aurait incité à démissionner, qu’elle aurait été de l’opinion qu’il était coupable d’une violation du droit pénal et, le second, de ce que ce serait cette opinion incriminante qui aurait guidé la décision de lever l’immunité, il importe de constater que le requérant n’a étayé ces griefs par aucun argument ni aucun élément de preuve. En revanche, le Tribunal constate qu’il ressort clairement du considérant 14 de la décision attaquée que le requérant « jouit de la présomption d’innocence et que la décision de lever l’immunité […] ne comporte aucun jugement, de la part de la Commission, portant sur le bien-fondé des allégations faites à son égard ni sur le caractère équitable de la procédure nationale engagée, tout jugement sur ces questions étant en dehors des compétences de la Commission ».

116    Par ailleurs, dans une note à l’attention du requérant du 11 mars 2016, la Commission lui rappelle, d’une part, qu’il a droit de demander une assistance au titre de l’article 24 du statut et, d’autre part, qu’elle était également prête à fournir toute autre assistance dont le requérant pourrait avoir besoin. Elle a le même jour déclaré lors du point presse de mi-journée que le fait de lever l’immunité du requérant ne remettait pas en cause la présomption d’innocence de celui-ci et ne comportait aucun jugement à son égard. De plus, elle a publiquement souligné que la décision attaquée n’affectait ni le fonctionnement de l’OLAF ni l’autorité du requérant en sa qualité de directeur général de l’OLAF (voir, en ce sens, ordonnance du 20 juillet 2016, Directeur général de l’OLAF/Commission, T‑251/16 R, non publiée, EU:T:2016:424, point 18, et arrêt initial, point 14).

117    Le requérant n’apporte donc aucune preuve étayant l’allégation selon laquelle il aurait été incité à démissionner ou la Commission aurait fondé sa décision sur son opinion incriminante ou n’aurait pas été impartiale à son égard. Partant, il convient de rejeter la deuxième branche du cinquième moyen comme étant non fondée.

 Quant à la troisième branche du cinquième moyen, tirée de la violation du devoir de diligence

118    Selon le requérant, la Commission a également manqué de diligence et la décision attaquée est intervenue dans un délai déraisonnable. Le rapport final de l’OLAF, qui se réfère notamment à la conversation téléphonique enregistrée en cause, aurait été disponible dès le 15 octobre 2012. Par ailleurs, le 1er février 2013, le comité de surveillance de l’OLAF aurait attiré de façon très claire l’attention de la Commission sur l’illégalité possible de cet enregistrement. La Commission, quant à elle, n’aurait informé le requérant que le 18 septembre 2015, en termes généraux, de la position de l’administration prévalant à cette date. Jusqu’au 2 mars 2016, date de l’adoption de la décision attaquée, la Commission n’aurait pas accompli d’autre acte d’enquête pouvant contribuer substantiellement à son adoption.

119    La Commission conteste les arguments du requérant.

120    Il convient de rappeler que l’obligation de diligence, qui est inhérente au principe de bonne administration et s’applique de manière générale à l’action de l’administration de l’Union dans ses relations avec le public, exige de celle-ci qu’elle agisse avec soin et prudence (arrêt du 4 avril 2017, Médiateur/Staelen, C‑337/15 P, EU:C:2017:256, point 34).

121    En l’espèce, il convient de rappeler que la décision attaquée a été prise à la suite de la demande par les autorités belges d’une levée de l’immunité de juridiction du requérant et que le rapport final de l’enquête du 15 octobre 2012, même s’il fait état de l’écoute téléphonique en cause, ne concerne pas directement le requérant. Ce n’est que le 5 février 2014 que M. Dalli a élargi la portée de sa plainte auprès des autorités judiciaires nationales en l’étendant au directeur général de l’OLAF. À la suite du dépôt de cette plainte, la juridiction belge compétente a, par lettre du 21 novembre 2014, demandé la levée de l’immunité de juridiction de quatre fonctionnaires ou agents de la Commission, dont le requérant. La Commission est intervenue une première fois le 19 décembre 2014, sollicitant des explications plus détaillées afin de lui permettre de statuer sur la demande de levée d’immunité en toute connaissance de cause. Ne mettant plus en cause que le requérant, la juridiction nationale compétente s’est limitée à envoyer, le 6 février 2015, un document de travail relatif à l’analyse des manquements dans l’enquête de l’OLAF et provenant de la commission du contrôle budgétaire du Parlement. Ces informations ne permettant toujours pas à la Commission de prendre une décision en pleine connaissance de cause, celle-ci a demandé, par lettre du 3 mars 2015, des explications circonstanciées sur les faits allégués et les raisons pour lesquelles ces allégations ne seraient pas à première vue manifestement dépourvues de fondement. Ce n’est que par une lettre du parquet fédéral belge du 23 juin 2015 que la Commission a reçu les informations nécessaires à sa prise de décision et s’est vu proposer de consulter le dossier de procédure. Le 9 septembre suivant, deux membres du service juridique ont consulté le dossier et versé une note au dossier, rédigée le même jour. Après l’avis juridique déposé par le professeur d’université spécialisé en droit belge le 30 septembre 2015, la Commission disposait de tous les éléments nécessaires pour prendre la décision de levée d’immunité en toute connaissance de cause après avoir agi avec soin et précaution. Il n’apparaît donc à aucun moment que la Commission aurait agi dans un délai déraisonnable.

122    Par ailleurs, le grief selon lequel le comité de surveillance aurait attiré l’attention de la Commission sur l’illégalité des écoutes téléphoniques n’est qu’une pure allégation, qui n’est étayée par aucun élément de preuve.

123    Il ne découle dès lors de ce qui précède aucune violation du devoir de diligence. Le fait de n’avoir informé le requérant que le 18 septembre 2015, en termes généraux, de la position de l’administration prévalant à cette date et d’avoir adopté la décision attaquée le 2 mars 2016 ne peut pas être considéré comme établissant que cette décision serait intervenue dans un délai déraisonnable. La troisième branche du cinquième moyen doit donc être rejetée comme étant non fondée et, par conséquent, le cinquième moyen dans sa totalité. Par suite, il convient de rejeter le présent recours.

 Sur les dépens

124    Selon l’article 133 du règlement de procédure, il est statué sur les dépens dans l’arrêt qui met fin à l’instance. Aux termes de l’article 219 dudit règlement, applicable à la présente procédure de renvoi, il appartient au Tribunal de statuer sur les dépens relatifs, d’une part, aux procédures engagées au titre de l’article 270 TFUE devant le Tribunal et, d’autre part, à la procédure de pourvoi devant la Cour. Enfin, conformément à l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

125    En l’espèce, la Cour, dans l’arrêt sur pourvoi, a annulé l’arrêt initial et réservé les dépens. Il convient donc de statuer, dans le présent arrêt, sur les dépens afférents à la procédure initiale devant le Tribunal, à la procédure de pourvoi devant la Cour et à la présente procédure de renvoi.

126    Le requérant ayant succombé tant dans le cadre de la procédure de pourvoi que dans le cadre de la procédure de renvoi, il y a lieu de le condamner aux dépens exposés dans ces procédures tant par lui-même que par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière. Quant aux dépens exposés dans le cadre de la procédure initiale devant le Tribunal, dans la mesure où le requérant aurait dû être la partie ayant succombé dans ladite procédure, il doit également être condamné aux dépens qui y sont afférents et qui ont été exposés tant par lui-même que par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      RQ est condamné à supporter l’intégralité des dépens, y compris ceux afférents à l’affaire T29/17 et à l’affaire C831/18 P.

Svenningsen

Barents

Mac Eochaidh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 avril 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.

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