Spisto v Commission (Judgment) French Text [2021] EUECJ T-572/20 (10 November 2021)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/T57220.html
Cite as: [2021] EUECJ T-572/20, ECLI:EU:T:2021:766, EU:T:2021:766

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ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

10 novembre 2021 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Recrutement – Avis de concours général EPSO/AD/371/19 – Décision du jury de ne pas admettre le requérant à l’étape suivante du concours – Critère pour l’évaluation de l’expérience professionnelle – Conformité avec l’avis de concours du critère utilisé par le jury »

Dans l’affaire T‑572/20,

Amanda Spisto, demeurant à Amsterdam (Pays-Bas), représentée par Me N. de Montigny, avocate,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme I. Melo Sampaio et M. T. Lilamand, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation, d’une part, de la décision du jury du 24 septembre 2019 rejetant la demande de réexamen du refus d’admission de la requérante à l’étape suivante du concours général EPSO/AD/371/19 et, d’autre part, de la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination du 26 mai 2020 rejetant la réclamation de la requérante à l’encontre de ladite décision,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, P. Nihoul et Mme R. Frendo (rapporteure), juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 9 juillet 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 25 mars 2019, la requérante, Mme Amanda Spisto, s’est portée candidate au concours général sur titres et épreuves EPSO/AD/371/19 pour le recrutement d’administrateurs (AD 7) spécialisés dans la recherche scientifique (ci-après le « concours ») dans le domaine no 1 « Analyse d’impact/évaluation quantitative et qualitative des politiques » (ci-après le « domaine no 1 »). Ce concours avait pour objet l’établissement de listes de réserve à partir desquelles les institutions européennes, principalement le Centre commun de recherche de la Commission européenne (JRC), pourraient recruter des fonctionnaires. L’avis de concours avait été publié par l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) au Journal officiel de l’Union européenne le 21 février 2019 (JO 2019, C 68 A, p. 1, ci-après l’« avis de concours »).

2        L’avis de concours prévoyait une procédure en trois étapes. Lors d’une première étape, les dossiers de tous les candidats étaient examinés afin de vérifier le respect des conditions d’admission sur le fondement des informations communiquées dans l’acte de candidature en ligne. L’avis de concours énonçait les conditions d’admission, notamment concernant les titres et l’expérience professionnelle des candidats, à savoir un niveau d’enseignement correspondant à un cycle complet d’études universitaires d’au moins trois ou quatre ans respectivement, sanctionné par un diplôme dans un domaine scientifique pertinent, suivi d’une expérience professionnelle ayant un rapport direct avec les fonctions concernées d’au moins sept ou six ans respectivement.

3        L’annexe I de l’avis de concours, intitulée « Tâches et compétences spécifiques » décrivait la nature des fonctions, qui était spécifique pour chacun des domaines d’activités envisagés.

4        Une fois les conditions générales et spécifiques d’admission vérifiées, l’avis de concours prévoyait une deuxième étape de sélection, la sélection sur titres (« évaluateur de talent »), sur la base des qualifications indiquées dans l’acte de candidature. Il invitait les candidats à fournir, dans leur demande, le plus d’informations possible concernant leurs qualifications et leur expérience professionnelle, le cas échéant, qui étaient en rapport avec les fonctions concernées, comme cela était décrit dans la partie « Puis-je poser ma candidature ? » dudit avis. Cependant, le nombre de caractères disponibles pour les candidats était limité.

5        L’annexe II de l’avis de concours, intitulée « Critères de sélection », énumérait les critères à prendre en considération dans le cadre de la sélection sur titres (« évaluateur de talent »).

6        L’avis de concours prévoyait, enfin, une troisième étape, durant laquelle les candidats ayant obtenu les meilleurs résultats lors de la deuxième étape étaient invités à passer les épreuves du centre d’évaluation et des tests de type « questionnaires à choix multiples ». Ceux ayant obtenu les meilleures notes globales à l’issue de cette phase de la procédure étaient inscrits sur les listes de réserve du concours.

7        Le 20 juin 2019, l’EPSO a informé la requérante, à l’issue de la deuxième étape, qu’elle n’était pas admise à la troisième étape du concours (ci-après la « décision d’exclusion »). Plus particulièrement, selon les explications fournies par l’EPSO, seuls les candidats ayant obtenu le seuil minimal de 45 points ont été invités à la troisième étape du concours, alors que la requérante n’a obtenu que 37 points.

8        Le 28 juin 2019, la requérante a introduit une demande de réexamen de la décision d’exclusion.

9        Le 24 septembre 2019, l’EPSO a répondu à la demande de réexamen en constatant que le jury avait confirmé sa décision d’exclusion (ci-après la « décision sur la demande de réexamen »), tout en faisant droit à certaines critiques invoquées par la requérante. L’EPSO a indiqué, en annexe, les nouvelles notes attribuées aux différentes réponses formulées aux questions posées dans le cadre de l’évaluateur de talent, d’où il résultait que la requérante avait obtenu 42 points.

10      Le 23 décembre 2019, la requérante a introduit une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne à l’encontre de la décision d’exclusion et de la décision sur la demande de réexamen.

11      Par décision du 26 mai 2020, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté la réclamation de la requérante (ci-après la « décision sur la réclamation »). En substance, l’AIPN a précisé les motifs de la décision d’exclusion en indiquant pour chaque entrée de l’onglet de l’évaluateur de talent de l’acte de candidature, le nombre de mois d’expérience professionnelle, la pondération et le nombre de points accordés, ainsi que les raisons pour lesquelles ils avaient été attribués.

12      L’AIPN a précisé, notamment, que, après réexamen de son évaluation initiale, le jury avait accepté que la réponse de la requérante à la question 1 concernant l’expérience professionnelle postérieure au 1er janvier 2017 démontrait que celle-ci avait plus de 12 mois d’expérience professionnelle dans des domaines pertinents, et, dès lors, avait augmenté de 1 point les 2 points attribués dans la décision d’exclusion. Toutefois, l’AIPN a souligné, d’une part, que la requérante répondait uniquement à deux des trois critères retenus par le jury, à savoir, premièrement, avoir coordonné ou géré une équipe, deuxièmement, avoir été impliqué(e) directement dans le processus décisionnel et, troisièmement, avoir reçu une exposition internationale, et, d’autre part, que le maximum de 4 points aurait pu lui être attribué si la requérante avait rempli l’ensemble des trois critères.

13      S’agissant de la question 2 concernant l’expérience professionnelle antérieure au 1er janvier 2017, l’AIPN a précisé que la requérante disposait d’au moins 48 mois d’expérience professionnelle dans des domaines pertinents. Dès lors, la requérante s’est vue attribuer 2 points, ce qui équivaut à 6 points après pondération, évaluation qui n’a pas été modifiée à la suite de la décision sur la demande de réexamen. À cet égard, l’AIPN a souligné que la requérante ne remplissait pas « d’autres critères » retenus par le jury, à savoir, premièrement, avoir coordonné ou géré une équipe, deuxièmement, avoir été impliqué(e) directement dans le processus décisionnel et, troisièmement, avoir reçu une exposition internationale, ce qui aurait donné lieu à l’attribution de points supplémentaires.

 Procédure et conclusions des parties

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 septembre 2020, la requérante a introduit le présent recours. Le mémoire en défense de la Commission, la réplique et la duplique ont été déposés, respectivement, le 25 novembre 2020, le 7 janvier 2021 et le 19 février 2021.

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision sur la demande de réexamen ;

–        annuler la décision sur la réclamation ;

–        condamner la Commission aux dépens.

16      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du recours

17      Il est de jurisprudence constante, ainsi que le fait valoir la requérante, que l’acte faisant grief est la décision sur la demande de réexamen refusant de l’admettre à l’étape suivante du concours, en dépit de la modification de ses résultats par le jury (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2018, Colin/Commission, T‑614/16, non publié, EU:T:2018:914, point 26 et jurisprudence citée). La requérante en demande l’annulation par son premier chef de conclusions.

18      Toutefois, par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande aussi l’annulation de la décision sur la réclamation, pour autant que de besoin.

19      Or, il est de jurisprudence constante que des conclusions dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le juge de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée dans la mesure où elles sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (voir arrêt du 20 novembre 2007, Ianniello/Commission, T‑205/04, EU:T:2007:346, point 27 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2013, Europol/Kalmár, T‑455/11 P, EU:T:2013:595, point 41).

20      Toutefois, il y a lieu de constater que, si, en l’espèce, la décision sur la réclamation est dépourvue de contenu autonome et qu’il n’y a donc pas lieu de statuer spécifiquement sur celle-ci, elle contient des arguments visant à compléter la portée de ceux qui figuraient notamment dans la décision sur la demande de réexamen. Dès lors, dans l’examen de la légalité de la décision de réexamen, il conviendra de prendre en considération la motivation figurant dans la décision sur la réclamation, cette motivation étant censée coïncider avec celle de la décision de réexamen (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, points 58 et 59 et jurisprudence citée).

21      Par conséquent, il y a lieu de considérer que l’objet du présent recours porte sur la décision sur la demande de réexamen, qui constitue, en l’espèce, l’acte faisant grief à la requérante, telle que complétée par la décision sur la réclamation.

 Sur le fond

22      À l’appui de ses conclusions en annulation, la requérante invoque trois moyens.

23      Le premier moyen est tiré d’une exception d’illégalité de l’avis de concours qui violerait les principes de sécurité juridique, de transparence et de prévisibilité. En particulier, la requérante conteste la clarté et la suffisance des critères de sélection que l’avis de concours comportait. Elle fait valoir que ces critères ne suffisaient pas pour fournir aux candidats potentiels les informations indispensables pour apprécier l’opportunité de postuler et la manière dont ils devaient compléter leur acte de candidature. Sa critique se rattache, notamment, au fait qu’il ressortirait de la décision attaquée, ainsi que complétée par la décision sur la réclamation, que les tâches de management auraient été un critère déterminant pour le jury, alors qu’aucune compétence managériale n’était mentionnée dans l’avis de concours. La même critique est avancée par rapport au critère d’évaluation adopté par le jury au regard des diplômes supplémentaires, qui visaient des domaines complémentaires à celui visé par l’avis de concours.

24      Le deuxième moyen comporte trois branches, la première, tirée de l’absence de motivation de la décision attaquée, que la requérante rattache également au manque de clarté des critères de sélection contenus dans l’avis de concours, la deuxième, tirée du manque de transparence des critères d’évaluation adoptés par le jury et, la troisième, tirée de la violation des termes de l’avis de concours.

25      Le troisième moyen est tiré de l’erreur manifeste d’appréciation qui résulterait, notamment, de l’application des critères d’évaluation adoptés par le jury, qui violeraient l’avis de concours.

26      Dans les circonstances de l’espèce, le Tribunal estime qu’il y a lieu de commencer par l’examen de la troisième branche du deuxième moyen, tirée de la violation de l’avis de concours.

27      La requérante fait valoir qu’il ressort de la motivation de la décision sur la réclamation que certains critères d’évaluation appliqués par le jury au stade de l’évaluateur de talent dépassaient le cadre établi par l’avis de concours et ne respectaient pas ceux repris à l’annexe II dudit avis, intitulée « Critères de sélection », à savoir, notamment, le critère de l’expérience de recherche universitaire et/ou professionnelle en rapport avec le domaine choisi, d’une part, postérieurement, et d’autre part, antérieurement, au 1er janvier 2017.

28      La critique de la requérante se rattache notamment au critère d’évaluation (ci-après le « critère contesté »), qui exigeait une expérience professionnelle de gestion/coordination d’équipe (ci-après la « gestion d’équipe »). Elle soutient que la gestion d’équipe ne constituait pas un critère de sélection dans l’avis de concours et, dès lors, que le jury aurait illégalement outrepassé les conditions fixées dans ledit avis.

29      La Commission rétorque que chaque critère de sélection fixé à l’annexe II de l’avis de concours a constitué la base de chaque question de l’onglet de l’évaluateur de talent de l’acte de candidature et que, dès lors, l’application du critère contesté n’aurait pas méconnu l’avis de concours.

30      À cet égard, il convient de relever que, selon une jurisprudence bien établie, le jury dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans le cadre des dispositions du statut des fonctionnaires de l’Union européenne relatives aux procédures de concours, des expériences professionnelles antérieures des candidats, tant en ce qui concerne leur nature et leur durée qu’en ce qui concerne le rapport plus ou moins étroit qu’elles peuvent présenter avec les exigences du poste à pourvoir (voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 2000, Carrasco Benítez/Commission, T‑214/99, EU:T:2000:272, point 70 et jurisprudence citée). Ainsi, dans le cadre de son contrôle de la légalité, le Tribunal doit se limiter à vérifier si l’exercice de ce pouvoir n’a pas été entaché d’une erreur manifeste d’appréciation (voir, en ce sens, arrêts du 13 décembre 1990, Gonzalez Holguera/Parlement, T‑115/89, EU:T:1990:84, point 54, et du 30 juin 2005, Eppe/Parlement, T‑439/03, non publié, EU:T:2005:266, point 36).

31      Néanmoins, le jury reste lié par les termes de l’avis de concours, qui constituent aussi bien le cadre de légalité que le cadre d’appréciation pour le jury de concours (arrêts du 16 avril 1997, Fernandes Leite Mateus/Conseil, T‑80/96, EU:T:1997:57, point 27, et du 21 octobre 2004, Schumann/Commission, T‑49/03, EU:T:2004:314, point 63).

32      En l’espèce, aux termes de l’annexe II de l’avis de concours, les critères de sélection que le jury devait prendre en compte lors de la deuxième étape de l’appréciation des candidatures étaient : la détention d’un diplôme de niveau universitaire, en sus du diplôme requis pour être admis au concours, dans un ou plusieurs des domaines scientifiques mentionnés par l’avis ; des publications dans des revues à comité de lecture et des rapports de recherche professionnels ; une expérience de recherche universitaire et/ou professionnelle en rapport avec le domaine choisi, et une expérience technique en rapport avec le domaine choisi (utilisation professionnelle d’équipement de laboratoire, de systèmes d’exploitation, de langages de programmation, de logiciels scientifiques, etc.).

33      Dans la mesure où, notamment pour la détermination de l’expérience professionnelle, l’annexe II renvoyait au domaine choisi, le jury était tenu d’apprécier l’expérience pertinente à l’aune de l’annexe I de l’avis de concours, qui précisait les « Tâches et compétences spécifiques » pour chaque domaine (voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 2019, Nerantzaki/Commission, T‑813/17, non publié, EU:T:2019:335, points 42 et 43 et jurisprudence citée).

34      Pour le domaine no 1 choisi par la requérante, la nature des fonctions y était décrite comme suit :

« Les tâches principales des lauréats consisteront à fournir différents types d’analyses à l’appui de l’élaboration, de la mise en œuvre et de l’évaluation des politiques au niveau national, régional et de l’Union européenne. Il s’agira notamment d’évaluations quantitatives (ex post et ex ante) de l’impact des politiques, d’analyses qualitatives de l’action des pouvoirs publics et de ses incidences techniques, économiques, sociales, environnementales et politiques, ainsi que d’analyses de l’élaboration des politiques et des processus de gouvernance s’y rapportant. Les tâches des lauréats comprendront également la fourniture d’éléments probants issus de la recherche et la mise au point d’outils scientifiques au service de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques. Les analyses fournies devront en outre tenir compte de la diversité de points de vue des parties prenantes, ainsi que du contexte socio-économique. »

35      Force est de constater d’emblée que, nulle part dans la description des tâches pour le domaine choisi par la requérante, l’avis de concours n’évoque la gestion d’équipe.

36      La Commission rétorque que le seul fait que l’implication dans la gestion d’équipe n’était pas expressément prévue comme critère de sélection dans l’avis de concours ne suffit pas à rendre le critère contesté illégal. Elle estime qu’il ressortirait à l’évidence qu’un chef d’équipe aurait une expérience accrue dans l’activité en cause et, dès lors, le critère contesté concrétiserait tous les critères de sélection prévus par l’avis de concours.

37      Cet argument ne peut être accueilli.

38      Il ressort clairement de la description des tâches citée au point 34 ci-dessus que le profil des lauréats visés par l’avis de concours pour le domaine no 1 était celui d’un chercheur impliqué, notamment, dans des analyses et des évaluations des politiques et des actions des pouvoirs publics, ainsi qu’il ressort, au demeurant, de l’intitulé même dudit domaine, à savoir « Analyse d’impact/évaluation quantitative et qualitative des politiques ». La gestion d’équipe, en revanche, relève de la gestion des ressources humaines, qui ne figure nullement dans la description des tâches pour le domaine no 1, au sens de l’annexe I de l’avis de concours.

39      La même conclusion ressort de la liste des compétences spécifiques dont les candidats au domaine no 1 devaient apporter la preuve d’en détenir quelques-unes, toujours au titre de l’annexe I de l’avis de concours. Ladite annexe énumérait les compétences suivantes :

–      analyse/évaluation des politiques et des processus d’élaboration des politiques ;

–        suivi des politiques et des tendances pertinentes dans le domaine des sciences, de l’action publique et de l’industrie ;

–        définition des méthodes et outils de recherche pertinents et planification des besoins de recherche ;

–        détermination des besoins en matière de recherche appliquée ;

–        détermination des analyses et stratégies envisageables et de leurs incidences ;

–        définition des critères relatifs à la proposition et au choix d’options stratégiques ;

–        méthodes participatives et engagement des parties prenantes ;

–        identification et évaluation des sources de données et des limites du suivi et de l’évaluation ;

–        développement d’instruments et détermination des besoins d’expérimentation ;

–        transposition des résultats de la recherche au domaine de l’action publique ;

–        analyse des politiques territoriales au niveau infranational ;

–        effets redistributifs des politiques ;

–        reconnaissance et justification des limites des conclusions ;

–        analyse des systèmes complexes ;

–        évaluation des incidences sociales, économiques et environnementales ;

–        analyse des liens entre les politiques publiques, les entreprises et le marché ;

–        analyse du marché, du cycle de vie et des chaînes de valeur des technologies ;

–        analyse d’impact et évaluation quantitatives des politiques ;

–        analyse quantitative des problèmes sociaux, économiques et environnementaux ;

–        évaluation d’impact contrefactuelle ;

–        méthodes expérimentales et conception d’expériences ;

–        analyse transversale et longitudinale ;

–        définition de critères et d’indicateurs à des fins d’évaluation de l’impact des politiques ;

–        techniques de visualisation des données.

40      Il ne ressort pas des compétences spécifiques énumérées dans l’avis de concours que l’expérience en gestion d’équipe était considérée comme nécessaire, ou même pertinente, au stade de la deuxième étape du concours.

41      La Commission a avancé, lors de l’audience, l’argument selon lequel l’avis de concours est un point de départ pour le jury quand il adopte sa grille de notation, voire un point de rappel qu’il ne peut pas contredire mais qu’il reste libre d’interpréter. Elle soutient, dès lors, que, pour ne pas trop restreindre la marge d’appréciation du jury, le Tribunal doit uniquement se limiter à vérifier que les critères d’évaluation adoptés par le jury ne contredisent pas manifestement l’avis de concours.

42      À cet égard, il convient de rappeler, ainsi qu’il ressort du point 31 ci-dessus, qu’il est de jurisprudence constante que le jury est lié par le texte de l’avis de concours tel qu’il a été publié. En effet, le rôle essentiel de l’avis de concours consiste à informer les intéressés, d’une façon aussi exacte que possible, de la nature des conditions requises pour occuper le poste dont il s’agit, afin de les mettre en mesure d’apprécier, notamment, s’il y a lieu pour eux de faire acte de candidature (voir, en ce sens, ordonnance du 3 avril 2001, Zaur-Gora et Dubigh/Commission, T‑95/00 et T‑96/00, EU:T:2001:114, point 47, et arrêt du 13 septembre 2010, Espagne/Commission, T‑156/07 et T‑232/07, non publié, EU:T:2010:392, point 87).

43      Dès lors, il convient de déduire que, en adoptant les critères d’évaluation, le jury de concours doit non seulement ne pas contredire l’avis de concours, mais l’interpréter dans l’esprit du texte et selon les attentes légitimes des candidats. En effet, selon la jurisprudence, ce n’est pas uniquement la contradiction entre les critères d’évaluation et l’avis de concours qui est interdite, mais aussi le fait pour le jury de restreindre ou d’élargir les critères de sélection déterminés par l’avis de concours, et cela sous peine de ne pas respecter le texte dudit avis (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2018, UR/Commission, T‑761/17, non publié, EU:T:2018:968, points 65 et 67, et jurisprudence citée).

44      Or, le critère contesté ne ressort pas du libellé de l’avis de concours, et ne se déduit pas davantage d’une interprétation dudit avis s’appuyant sur l’esprit du texte et sur une lecture respectueuse des attentes légitimes des candidats. Dès lors, le fait pour le jury d’avoir adopté le critère contesté est constitutif d’une méconnaissance de l’avis de concours de nature à entacher la décision sur la demande de réexamen d’illégalité ainsi que, par conséquent, d’une erreur manifeste d’appréciation.

45      S’agissant de l’argument soulevé par la Commission lors de l’audience, tiré de ce que l’avis de concours exigeait des candidats, au stade de la troisième et dernière étape du concours, qu’ils fassent la preuve de leur capacité à exercer des fonctions d’encadrement, il convient de rappeler que, en l’espèce, la requérante a été exclue au cours de la deuxième étape du concours, et que, dans l’acte de candidature et notamment dans l’onglet relatif à l’évaluateur de talent, ne figurait aucune question relative à la gestion d’équipe.

46      En outre, il ressort d’une lecture d’ensemble de l’avis de concours que les objectifs des deuxième et troisième étapes différaient. Ainsi, si l’objectif de la deuxième étape était celui de l’évaluation de l’expérience professionnelle et des titres des candidats sur la base des qualifications indiquées dans l’acte de candidature et des informations fournies à cet égard, la troisième étape visait l’appréciation de leurs capacités et compétences en pratique, à travers, notamment, des tests fondés sur les compétences générales et les compétences relatives au domaine concerné.

47      Par conséquent, à supposer même, quod non, que la capacité d’encadrement évoquée par l’avis de concours dans le cadre de la troisième étape devait être interprétée comme impliquant la gestion d’équipe, cette mention ne pouvait avoir une influence sur l’évaluation préalable consistant en l’appréciation de l’expérience professionnelle de la requérante lors de la deuxième étape du concours.

48      Il résulte de tout ce qui précède que, en adoptant et en appliquant le critère contesté, le jury s’est écarté de manière illégale des critères de sélection déterminés par l’avis de concours, et a, dès lors, méconnu celui-ci.

49      Dans ce contexte, il convient de rappeler qu’il ressort de la décision sur la réclamation que le critère contesté a été utilisé par le jury pour évaluer l’expérience professionnelle de la requérante par rapport à deux critères de sélection indiqués dans l’avis de concours, à savoir l’expérience de recherche universitaire ou professionnelle en rapport avec le domaine choisi, d’une part, postérieurement et, d’autre part, antérieurement au 1er janvier 2017 (voir points 12 et 13 ci-dessus). En l’absence d’expérience en gestion d’équipe pour chacun de ces deux critères de sélection, la requérante s’est vu octroyer, respectivement, 3 points et 2 points, au lieu du nombre maximal de points, à savoir 4, pour chaque critère.

50      Il ressort également de la décision sur la demande de réexamen que la requérante a obtenu une note globale de 42 points à l’issue de la deuxième étape du concours, et, dès lors, il ne lui manquait que 3 points pour atteindre le seuil minimal de 45 points, et ainsi être admise à l’étape suivante du concours (voir points 7 et 9 ci-dessus). Dans la mesure où une pondération de 3 s’appliquait à chaque point octroyé pour ces deux critères, il ressort clairement que l’application du critère contesté a suffi, à elle seule, à exclure illégalement la requérante du concours. Par ailleurs, lors de l’audience, la Commission a explicitement reconnu, notamment, que 1 point supplémentaire à la question 2 se rattachant à l’expérience professionnelle antérieure au 1er janvier 2017, soit 3 points après pondération, aurait suffi pour que la requérante atteigne le seuil minimal de 45 points.

51      Il y a lieu, par conséquent, d’accueillir la troisième branche du deuxième moyen.

52      Dès lors, il convient d’annuler la décision sur la demande de réexamen sans qu’il soit besoin de poursuivre l’examen de la requête.

 Sur les dépens

53      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il convient de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du jury du 24 septembre 2019 portant rejet de la demande de réexamen de l’exclusion de Mme Amanda Spisto du concours EPSO/AD/371/19 est annulée.

2)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Gervasoni

Nihoul

Frendo

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 novembre 2021.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Gervasoni


*      Langue de procédure : le français.

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