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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> GW v Court of Auditors (Judgment) French Text [2021] EUECJ T-709/19 (30 June 2021) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/T70919.html Cite as: EU:T:2021:389, ECLI:EU:T:2021:389, [2021] EUECJ T-709/19 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
30 juin 2021 (*)
« Fonction publique – Fonctionnaires – Fonctionnaire atteint d’une invalidité totale permanente – Examen médical périodique – Modalités – Demande de saisine de la commission d’invalidité – Refus – Article 15 de l’annexe VIII du statut – Conclusion no 273/15 du collège des chefs d’administration – Devoir de sollicitude »
Dans l’affaire T‑709/19,
GW, représentée par Me J.‑N. Louis, avocat,
partie requérante,
contre
Cour des comptes européenne, représentée par M. C. Lesauvage, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la Cour des comptes du 22 mai 2019 rejetant la demande de la requérante de saisir la commission d’invalidité,
LE TRIBUNAL (première chambre),
composé de M. H. Kanninen, président, Mmes N. Półtorak et O. Porchia (rapporteure), juges,
greffier : M. E. Coulon,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 La requérante, GW, est entrée au service de la Cour des comptes européenne le [confidentiel] (1) en qualité d’agent contractuel dans le groupe de fonctions II. Elle a exercé des fonctions de [confidentiel].
2 Le [confidentiel], la requérante a été affectée au cabinet de A, [confidentiel], en tant qu’agent temporaire, au sens de l’article 2, sous c), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, de grade AST 4. Elle a exercé des fonctions de [confidentiel].
3 Le 1er mai 2008, la requérante a été nommée fonctionnaire de grade AST 1 et a été promue au grade AST 2 le 1er janvier 2011. Étant détachée dans l’intérêt du service auprès du cabinet de A, la requérante a été maintenue au grade AST 4.
4 Le 15 avril 2011, le médecin‑conseil de la Cour des comptes (ci-après le « médecin-conseil ») a adressé une note au secrétaire général de l’institution (ci‑après le « secrétaire général ») constatant que la requérante souffrait de symptômes comparables à ceux décrits par les victimes de harcèlement.
5 Le 29 avril 2011, la requérante a introduit une plainte pour harcèlement moral à l’encontre de A.
6 Le 2 mai 2011, le secrétaire général a adopté une mesure d’éloignement en faveur de la requérante et, le [confidentiel], cette dernière a été affectée au cabinet [confidentiel].
7 Le 10 juin 2011, faisant suite à une demande du secrétaire général, le docteur B, médecin psychiatre, a établi un rapport dans lequel il concluait que la requérante présentait « un état de stress post‑traumatique suite à une situation professionnelle persécutive de longue durée ». Il constatait également l’absence d’« élément psychopathologique antérieur ».
8 Du 4 juillet 2011 au 3 janvier 2012, la requérante a travaillé dans le cadre d’un mi‑temps thérapeutique, puis a été en congé de maladie jusqu’au 31 décembre 2013.
9 Entre‑temps, en sa qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), le secrétaire général a demandé l’ouverture d’une enquête, laquelle a conclu à des faits de harcèlement moral envers la requérante de la part de A.
10 La Cour des comptes a indemnisé la requérante pour le préjudice subi en raison du harcèlement dont elle avait été victime. Par ailleurs, en 2013, à la demande de la requérante, la Cour des comptes lui a octroyé des dons et des avances, au sens de l’article 76 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).
11 La période de congé de maladie ayant dépassé douze mois sur une période de trois années, l’AIPN a ouvert, en 2013, une procédure d’invalidité à l’égard de la requérante, malgré les réticences exprimées par le médecin traitant de celle-ci en ce qui concernait son éventuelle mise en invalidité.
12 Par décision du 17 décembre 2013, l’AIPN a communiqué à la requérante la décision, du même jour, de la commission d’invalidité, la déclarant atteinte d’une invalidité permanente considérée comme totale la mettant dans l’impossibilité d’exercer des fonctions correspondant à un emploi de son groupe de fonctions. La requérante a été mise d’office à la retraite, avec effet au 31 décembre 2013 au soir, et a été admise au bénéfice d’une allocation d’invalidité à compter du 1er janvier 2014.
13 Par lettre du 8 juillet 2015, la requérante a demandé à la Cour des comptes, conformément à l’article 76 du statut, une aide financière correspondant à une somme forfaitaire de 25 000 euros et à une somme mensuelle de 2 500 euros. La Cour des comptes n’a pas fait droit à cette demande de la requérante, mais lui a proposé de prendre en charge les honoraires d’un médiateur de dettes en vue de l’aider dans l’assainissement de ses finances.
14 Le 2 mai 2016, le docteur C a établi un premier rapport médical, dans lequel il indiquait que la requérante « [confidentiel] [conduisant] à un syndrome clinique dépressif grave ».
15 Dans le courant du mois de septembre 2016, la requérante a fait l’objet d’un examen médical par le médecin‑conseil, qui a confirmé son inaptitude à reprendre le travail.
16 Le 28 novembre 2016, le médecin psychiatre de la requérante, le docteur D, a établi un premier certificat neuropsychiatrique, dans lequel il indiquait que les pathologies dont souffrait la requérante « présent[aient] un caractère grave [confidentiel] ».
17 Le 23 août 2017, le docteur C a établi un second rapport médical, dans lequel il constatait que « l’état clinique de [la requérante] rest[ait] stationnaire sur le plan dépressif sévère, en état de stress post‑traumatique ». Il précisait également que [confidentiel].
18 Le 24 août 2017, le docteur D a établi un second certificat neuropsychiatrique, dans lequel il indiquait que la requérante « continu[ait] de présenter un état dépressif majeur ainsi qu’un trouble somatoforme, le tout d’origine post‑traumatique ». Par ailleurs, il précisait que [confidentiel].
19 Dans le courant du mois de septembre 2017, le médecin‑conseil a examiné la requérante et a demandé qu’elle soit vue, dans le courant du mois d’octobre 2017, par un médecin spécialisé en psychiatrie, afin de pouvoir apprécier sa situation médicale.
20 À la suite de ces examens, la requérante a été informée que le médecin‑conseil avait, par note du 9 février 2018, informé le directeur des ressources humaines, finances et services généraux de la Cour des comptes (ci-après le « directeur des ressources humaines ») que son état de santé était stationnaire et que son maintien en invalidité était justifié. Par ailleurs, ladite note précisait que « [l]e prochain contrôle [était] prévu dans 12 mois ».
21 Le 1er mars 2019, le docteur D a établi un rapport neuropsychiatrique dans lequel il précisait, en substance, que la requérante présentait un trouble dépressif majeur « dont on ne p[ouvait] guère espérer une amélioration mais tout au plus une stabilisation » et qu’elle était définitivement inapte à travailler.
22 Par lettre du 17 avril 2019, la requérante a, par l’intermédiaire de son avocat, demandé la saisine de la commission d’invalidité (ci‑après la « lettre du 17 avril 2019 » ou la « demande de saisine de la commission d’invalidité »).
23 Par lettre du 22 mai 2019, le directeur des ressources humaines a, en tant qu’AIPN, rejeté la demande de saisine de la commission d’invalidité (ci-après la « décision attaquée »).
24 Par lettre du 5 juin 2019, la requérante a introduit une demande de réexamen de la décision attaquée. Par lettre du 21 juin 2019, la requérante a réitéré cette demande.
25 Par lettre du 3 juillet 2019, la requérante a reçu une convocation du service médical de la Cour des comptes pour subir un examen médical le 29 juillet 2019 à [confidentiel].
26 Par lettre du 10 juillet 2019, le secrétaire général, considérant que, par les lettres des 5 et 21 juin 2019, la requérante avait introduit une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, a, en tant qu’AIPN, rejeté ladite réclamation et lui a indiqué qu’il n’allait pas procéder à la saisine de la commission d’invalidité (ci‑après la « décision du 10 juillet 2019 »).
27 Par lettre du 19 juillet 2019, la requérante, par l’intermédiaire de son avocat, a demandé à l’AIPN de retirer la décision du 10 juillet 2019 et de saisir la commission d’invalidité, conformément au quatrième alinéa de la conclusion no 273/15, approuvée par le collège des chefs d’administration le 24 février 2016 (ci‑après la « conclusion no 273/15 »), selon lequel la commission d’invalidité est saisie du dossier en cas de contestation.
28 Par lettre du 29 juillet 2019, l’avocat de la requérante a informé l’AIPN qu’il avait conseillé à sa cliente de ne pas se présenter à la visite médicale prévue ce jour‑là. La requérante ne s’est pas présentée à cette visite médicale.
29 Par lettre du 1er août 2019, le secrétaire général a, en tant qu’AIPN, informé la requérante que, constatant qu’elle ne s’était pas présentée à la visite médicale prévue le 29 juillet 2019, le médecin‑conseil acceptait exceptionnellement le report de son contrôle médical. Par ailleurs, il indiquait que « [s]i elle ne se présent[ait] pas au prochain contrôle médical, l’institution se réserv[ait] le droit d’en tirer les conséquences au regard de la reconnaissance de sa situation d’invalidité ainsi que les éventuelles conséquences sur le plan disciplinaire ».
30 Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 août 2019, le service médical de la Cour des comptes a convoqué la requérante à une visite médicale de contrôle fixée au 19 septembre suivant. La requérante ne s’est pas présentée à cette visite médicale.
31 Par lettre du 27 septembre 2019, l’avocat de la requérante a informé le secrétaire général que, « eu égard à l’état de panique manifeste » dans lequel se trouvait la requérante, il lui avait conseillé de rencontrer son médecin traitant, lequel « a[vait] confirmé son incapacité à se présenter à cette visite médicale de contrôle ». À cette lettre était joint un certificat médical du 26 septembre 2019 du médecin traitant de la requérante, le docteur E, [confidentiel].
32 Par lettre du 11 octobre 2019, l’avocat de la requérante a fait parvenir au secrétaire général un courriel, du même jour, du docteur D, dans lequel ce dernier précisait que « [l]es examens médicaux de contrôle [avaient] un effet dommageable sur l’évolution de la maladie [de la requérante] ».
33 Postérieurement à l’introduction du présent recours, par note du 12 novembre 2019, l’AIPN a, sur avis du médecin‑conseil, communiqué à la requérante que le certificat médical de son médecin traitant du 26 septembre 2019 ne pouvait pas être pris en considération comme justificatif de son incapacité à se présenter à la visite médicale de contrôle prévue le 19 septembre 2019, étant donné qu’il avait été établi sept jours après cette dernière date.
34 En raison de l’annulation à deux reprises par la requérante des rendez‑vous médicaux organisés par la Cour des comptes en vue de l’examen médical périodique lié à sa qualité de bénéficiaire d’une allocation d’invalidité, l’AIPN a décidé de ne pas organiser ledit examen une troisième fois.
35 Par lettre du 20 novembre 2019, l’AIPN a demandé à la requérante de lui faire parvenir un rapport médical établi par son médecin traitant lui permettant de déterminer si les conditions requises pour bénéficier de l’allocation d’invalidité étaient toujours remplies, ainsi que tous les rapports médicaux établissant les pathologies dont elle faisait état.
36 Par lettre du 29 novembre 2019, l’avocat de la requérante a fait parvenir au médecin‑conseil les certificats et rapports médicaux établis par les docteurs D et E (voir points 18, 21, 31 et 32 ci‑dessus) ainsi que le second rapport établi par le docteur C (voir point 17 ci‑dessus). Le médecin‑conseil a considéré que la requérante n’avait pas communiqué les informations permettant de connaître sa situation médicale actuelle.
Procédure et conclusions des parties
37 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 octobre 2019, la requérante a introduit le présent recours.
38 Par lettre déposée au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a demandé le bénéfice de l’anonymat. Le Tribunal a fait droit à cette demande.
39 Le 14 janvier 2020, la Cour des comptes a déposé le mémoire en défense.
40 Le 3 février 2020, le président du Tribunal, en application de l’article 27, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, a attribué la présente affaire à un nouveau juge rapporteur.
41 Par lettres déposées au greffe du Tribunal les 2 mars, 30 avril et 15 mai 2020, la requérante a sollicité la suspension de la procédure dans la présente affaire, respectivement, jusqu’au 1er mai, au 15 mai et au 5 juin 2020, en vue d’un règlement amiable du litige.
42 Par lettres déposées au greffe du Tribunal les 2 mars, 5 mai et 20 mai 2020, la Cour des comptes a marqué son accord sur la suspension de la procédure.
43 Par décisions des 3 mars et 7 mai 2020, le président de la première chambre du Tribunal a, sur le fondement de l’article 69, sous c), du règlement de procédure, décidé de suspendre la procédure dans la présente affaire, respectivement, jusqu’au 1er et au 15 mai 2020.
44 Le 19 juin 2020, sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a adopté une mesure d’organisation de la procédure consistant à inviter les parties à lui fournir des informations sur l’état des négociations visant à parvenir à un règlement amiable du litige et à indiquer si elles sollicitaient une nouvelle suspension de la procédure afin de pouvoir poursuivre lesdites négociations.
45 Par lettre du 6 juillet 2020, la requérante a informé le Tribunal que les parties n’avaient pas trouvé un accord de nature à mettre fin au litige.
46 La réplique a été déposée le 31 août 2020.
47 Par lettre du 14 octobre 2020, la Cour des comptes a renoncé au dépôt de la duplique.
48 Les parties n’ont pas déposé de demande visant à être entendues lors d’une audience de plaidoiries, comme le prévoit l’article 106 du règlement de procédure. Le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.
49 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Cour des comptes aux dépens.
50 La Cour des comptes conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit et en partie irrecevable :
– à titre subsidiaire, rejeter le recours comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
Sur la recevabilité
Sur la recevabilité du recours au regard de l’article 76, sous d), du règlement de procédure
51 La Cour des comptes fait valoir que la requête ne satisfait pas aux exigences de clarté requises par l’article 76, sous d), du règlement de procédure, selon lequel cette dernière doit contenir l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels le recours se fonde ne ressortiraient pas d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête. Cependant, la Cour des comptes indique, dans un souci de coopération dans l’administration de la justice et d’efficacité, ne pas soulever d’exception d’irrecevabilité et avoir cherché à identifier l’objet du recours et les moyens invoqués par la requérante afin de rédiger sa défense.
52 La requérante soutient, en substance, que la requête répond aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.
53 À cet égard, s’agissant d’une fin de non‑recevoir d’ordre public, il appartient au Tribunal de vérifier d’office si la requête satisfait aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure [voir, par analogie, arrêt du 12 mai 2016, Italie/Commission, T‑384/14, EU:T:2016:298, point 38 (non publié) et jurisprudence citée].
54 À ce titre, il importe de rappeler qu’une requête doit, en vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, indiquer l’objet du litige et un exposé sommaire des moyens invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autre information à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci est fondé ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir ordonnance du 11 janvier 2013, Charron Inox et Almet/Commission et Conseil, T‑445/11 et T‑88/12, non publiée, EU:T:2013:4, point 57 et jurisprudence citée).
55 En l’espèce, il y a lieu de constater qu’il ressort de la requête que l’objet du recours est clairement défini. En effet, il ne fait pas de doute que, ainsi qu’il est explicitement indiqué dans la partie introductive et dans le dispositif de la requête, la requérante demande l’annulation de la décision attaquée.
56 Par ailleurs, il y a lieu d’observer que, dans la partie de la requête relative au fond du litige, la requérante invoque, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 15 de l’annexe VIII du statut, de la violation de la conclusion no 273/15 et de la violation du devoir de sollicitude. Il découle de la requête que, par ce moyen, la requérante considère, en substance, que la décision attaquée est entachée, d’une part, d’une violation des dispositions susmentionnées en ce que la Cour des comptes aurait illégalement rejeté la demande de saisine de la commission d’invalidité et, d’autre part, d’une violation du devoir de sollicitude en ce que la Cour des comptes, en rejetant la demande de saisine de la commission d’invalidité et en la convoquant à un contrôle médical annuel, n’aurait pas pris en considération l’évolution de son état de santé ainsi que les risques d’aggravation de sa maladie, tels qu’établis par les rapports médicaux qu’elle a produits afin que la commission d’invalidité fixe une nouvelle périodicité et d’autres modalités pour l’examen de contrôle.
57 Dès lors, il convient de constater que l’objet du recours et le moyen unique présenté en substance par la requérante dans la requête ressortent d’une façon suffisamment compréhensible du texte même de celle-ci. Par ailleurs, ce constat est confirmé par le fait que la Cour des comptes a été en mesure de répondre audit moyen.
58 Partant, il y a lieu de considérer que la requête satisfait aux exigences de clarté et de précision requises par l’article 76, sous d), du règlement de procédure et est donc recevable au regard de cette disposition.
Sur l’irrecevabilité partielle du recours en ce qu’il porterait sur la convocation à un examen médical de révision
59 La Cour des comptes soulève, à titre principal, l’irrecevabilité partielle du recours, en ce que celui-ci viserait une faute de service commise par l’institution et consistant à avoir cherché à organiser un examen médical de révision. Selon la Cour des comptes, la requête porte sur la convocation à cet examen, qui ne serait pas un acte faisant grief. En tout état de cause, à supposer que ladite convocation constitue un acte faisant grief, elle aurait été notifiée à la requérante postérieurement à l’introduction par cette dernière de sa demande de saisine de la commission d’invalidité et de sa réclamation. Partant, au moment de l’adoption de la décision attaquée, ladite convocation aurait constitué un acte purement hypothétique et ne pourrait pas faire l’objet d’une annulation.
60 La requérante conteste les arguments de la Cour des comptes.
61 À cet égard, il importe de relever que, par son recours, la requérante demande l’annulation de la décision attaquée, par laquelle la Cour des comptes a rejeté sa demande de saisine de la commission d’invalidité pour revoir la périodicité et les modalités de son examen médical de contrôle.
62 Il convient au demeurant de relever également que la Cour des comptes reconnaît elle‑même, dans sa défense, qu’il ressort des écritures de la requérante que cette dernière cherche uniquement à obtenir la saisine de la commission d’invalidité.
63 Dans la mesure où la convocation à l’examen médical dont la requérante a été destinataire n’apparaît que comme la conséquence de la décision attaquée portant refus de saisir la commission d’invalidité et est distincte de celui-ci, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir partielle soulevée, à titre principal, par la Cour des comptes, en ce qu’elle vise un objet, à savoir l’annulation de ladite convocation, que le recours n’a pas.
Sur le fond
64 À titre liminaire, il convient de constater que, en l’espèce, par la décision du 10 juillet 2019, aux termes de laquelle elle a rejeté la réclamation de la requérante contre la décision attaquée, l’AIPN a été amenée à compléter la motivation de la décision attaquée. Ainsi, compte tenu du caractère évolutif de la procédure précontentieuse, la motivation figurant dans la décision du 10 juillet 2019 doit également être prise en considération pour l’examen de la légalité de la décision attaquée, ladite motivation étant censée coïncider avec celle de ce dernier acte (voir, par analogie, arrêt du 14 décembre 2018, GQ e.a./Commission, T‑525/16, EU:T:2018:964, point 34 et jurisprudence citée).
65 Cela étant précisé, ainsi qu’indiqué au point 56 ci‑dessus, la requérante présente en substance dans la requête, à l’appui de son recours, un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 15 de l’annexe VIII du statut, d’une violation de la conclusion no 273/15 et d’une violation du devoir de sollicitude.
66 Dans le cadre de la réplique, la requérante fait par ailleurs valoir un manque de motivation de la décision attaquée, du fait qu’elle n’exposerait pas les raisons du rejet de la demande de saisine de la commission d’invalidité.
67 À cet égard, s’agissant de la prétendue violation de l’obligation de motivation par la Cour des comptes, il suffit de constater que, d’une part, la motivation de la décision attaquée telle que complétée par la décision du 10 juillet 2019 a permis à la requérante de comprendre que la Cour des comptes se fondait sur l’article 15 de l’annexe VIII du statut et la conclusion no 273/15 pour refuser la demande de saisine de la commission d’invalidité et lui a ainsi permis d’apprécier le bien-fondé de la décision attaquée ainsi que l’opportunité d’introduire un recours juridictionnel tendant à en contester la légalité. D’autre part, elle est suffisante pour permettre au Tribunal d’exercer son contrôle. Aussi y a-t-il lieu d’écarter la prétendue violation de l’obligation de motivation invoquée par la requérante.
68 Par son moyen unique invoqué dans la requête, la requérante vise à faire constater que c’est à tort que la Cour des comptes a refusé de saisir la commission d’invalidité pour revoir les modalités de son examen médical de contrôle.
69 À cet égard, elle fait valoir tout d’abord que, en rejetant sa demande de saisine de la commission d’invalidité, la Cour des comptes a violé l’article 15 de l’annexe VIII du statut ainsi que la conclusion no 273/15.
70 La requérante rappelle que, aux termes de l’article 15 de l’annexe VIII du statut, une institution peut faire examiner périodiquement un ancien fonctionnaire qui bénéficie d’une allocation d’invalidité en vue de s’assurer qu’il réunit toujours les conditions requises pour bénéficier de cette allocation. Elle fait valoir que cet article confère à l’institution la possibilité, et non pas l’obligation, de faire examiner périodiquement le bénéficiaire d’une telle allocation. Dans la mesure où le statut comporterait une terminologie précise qui ne pourrait être ni étendue ni restreinte par voie de disposition interne, la conclusion no 273/15 serait illégale si elle imposait une obligation d’organiser au moins tous les deux ans des contrôles médicaux appropriés. Ainsi, la Cour des comptes serait tenue d’examiner l’opportunité de faire procéder périodiquement à un examen médical de contrôle.
71 Ensuite, la requérante soutient que la conclusion no 273/15 prévoit que, d’une part, la commission d’invalidité peut décider l’organisation d’un contrôle médical à une date prédéterminée ou selon une périodicité plus longue ou plus courte que deux ans et, d’autre part, le médecin de l’institution peut, à titre exceptionnel, accepter un rapport établi par le médecin traitant ou surseoir au contrôle si la nature de la condition qui a donné lieu à l’invalidité ne justifie pas un contrôle visant à évaluer la possibilité d’une reprise du travail.
72 La requérante souligne que la conclusion no 273/15 reconnaît expressément la compétence de la commission d’invalidité pour fixer la périodicité de l’examen médical de contrôle. À cet égard, elle fait valoir qu’elle a demandé la saisine de la commission d’invalidité afin, notamment, de faire fixer des modalités spécifiques de contrôle de l’évolution de son état de santé. Dans ce contexte, elle souligne qu’aucune disposition du statut n’interdit à un ancien fonctionnaire qui bénéficie d’une allocation d’invalidité de demander la saisine de la commission d’invalidité pour constater l’évolution de son état de santé et fixer des modalités spécifiques pour le contrôle périodique de celui-ci. Au contraire, l’article 15 de l’annexe VIII du statut n’autoriserait l’institution à faire examiner périodiquement un tel ancien fonctionnaire que pour s’assurer qu’il réunit toujours les conditions requises pour bénéficier de ladite allocation. Selon la requérante, il s’ensuit que l’institution concernée est tenue de prendre connaissance de l’ensemble des éléments médicaux du dossier de cet ancien fonctionnaire avant de faire procéder à un examen médical de contrôle. Cependant, la Cour des comptes aurait fixé, dès le 9 février 2018, le contrôle auquel la requérante devait être soumise sans tenir compte de l’évolution de sa maladie.
73 Enfin, la requérante reproche à la Cour des comptes d’avoir violé son devoir de sollicitude en ce que, en rejetant sa demande de saisine de la commission d’invalidité et en la convoquant à un contrôle médical annuel, elle n’a pas pris en considération les rapports médicaux qu’elle avait produits et qui établiraient l’évolution de son état de santé et l’aggravation de la maladie d’origine professionnelle dont elle est atteinte. Plus précisément, la Cour des comptes n’aurait pas examiné si lesdits rapports médicaux pouvaient, à titre exceptionnel, dispenser le médecin‑conseil de procéder lui‑même au contrôle ou de surseoir audit contrôle. Or, le médecin-conseil aurait été tenu, conformément au devoir de sollicitude de cette institution, d’examiner si des raisons justifiaient l’acceptation à ces fins des rapports médicaux des médecins de la requérante quant à l’évolution de l’état de santé de cette dernière.
74 À cet égard, celle-ci fait référence à la note du 9 février 2018, dans laquelle le médecin‑conseil a précisé que le contrôle suivant aurait lieu douze mois plus tard. Ainsi, en ne procédant pas à un examen effectif de l’opportunité de soumettre la requérante à un contrôle médical périodique après sa mise en invalidité, la Cour des comptes aurait méconnu son devoir de sollicitude. Selon la requérante, lorsqu’il a adopté la décision attaquée, le directeur des ressources humaines n’avait ni la compétence pour examiner l’opportunité de la soumettre à une visite médicale de contrôle ni le droit de prendre connaissance des documents médicaux établissant l’aggravation de la maladie d’origine professionnelle dont elle est atteinte.
75 Par ailleurs, la requérante relève les effets négatifs, décrits par le docteur B dans son rapport, que le harcèlement moral dont elle a été victime a eus sur elle. Elle soutient, en substance, que l’absence de reconnaissance par l’institution dudit harcèlement moral et l’incapacité dans laquelle elle se trouvait de faire valoir ses droits à l’encontre de A devant les juridictions nationales ont aggravé sa maladie. En outre, la requérante rappelle que les rapports établis par ses médecins établissent que les contrôles médicaux périodiques constituaient un élément non négligeable d’aggravation de l’anxiété et du stress dont elle souffrait et qu’ils devaient être limités au minimum.
76 La Cour des comptes considère que ce moyen est manifestement non fondé.
77 En premier lieu, la Cour des comptes soutient que l’objectif du contrôle médical périodique prévu à l’article 15 de l’annexe VIII du statut est de constater à intervalles réguliers les éventuelles améliorations de l’état de santé qui pourraient permettre à l’intéressé de reprendre l’exercice de fonctions correspondant à un emploi de son groupe de fonctions. En outre, la Cour des comptes avance que, en vertu de la conclusion no 273/15, la commission d’invalidité ne pouvait pas décider qu’une personne reconnue en état d’invalidité est tenue de cesser définitivement son service auprès de l’Union européenne ni empêcher l’institution de mettre en œuvre la politique de gestion des invalidités en lui interdisant de vérifier, par des examens médicaux, l’amélioration éventuelle de l’état de santé d’une telle personne aux fins d’une éventuelle reprise d’activité. Il ressortirait aussi de la jurisprudence ainsi que de la conclusion no 273/15 que la commission d’invalidité doit être saisie lorsqu’il existe une contestation sur l’existence ou non d’une situation d’invalidité. Or, selon la Cour des comptes, il est évident, contrairement à ce que soutient la requérante, qu’il n’existe aucune contestation à ce jour sur l’existence d’une situation d’invalidité, qui eut pu être soumise à une commission d’invalidité pour avis.
78 En second lieu, la Cour des comptes fait valoir que le devoir de sollicitude ne saurait être interprété comme empêchant l’AIPN de mettre en œuvre la politique de gestion des invalidités voulue par le législateur de l’Union et, partant, de faire réaliser des examens médicaux périodiques du seul fait que la personne en état d’invalidité estime que ces examens vont à l’encontre de ses intérêts en ce qu’ils constitueraient un facteur de stress. En outre, la Cour des comptes allègue que l’origine professionnelle de la maladie de la requérante et le surcroît de sollicitude qui devrait en résulter selon cette dernière ne sauraient impliquer qu’elle ne puisse plus jamais envisager une évolution positive de l’état de santé de la requérante et qu’elle soit empêchée, par une décision de la commission d’invalidité, de s’enquérir d’une éventuelle amélioration de cet état. Enfin, la Cour des comptes relève que l’AIPN a toujours agi avec sollicitude dans toutes les relations qu’elle a entretenues avec la requérante. À cet égard, elle rappelle, d’une part, les mesures d’assistance et de secours prises en faveur de la requérante et, d’autre part, l’aménagement des contrôles médicaux afin que la requérante puisse être examinée par un médecin autre que le médecin‑conseil. Par ailleurs, la Cour des comptes souligne que, pour l’examen périodique de 2019, l’AIPN a fait savoir à la requérante que le médecin‑conseil acceptait, à titre exceptionnel, de se fonder sur les rapports médicaux de ses médecins traitants.
79 À cet égard, il convient de rappeler que, par la lettre du 17 avril 2019, considérée conjointement avec la lettre du 5 juin 2019, la requérante, qui bénéficie d’une allocation d’invalidité depuis le mois de janvier 2014 et qui n’a pas atteint l’âge de la retraite, a demandé la saisine de la commission d’invalidité afin que, en substance, à la lumière de l’évolution de son état de santé, cette commission propose des modalités spécifiques pour le contrôle médical de son invalidité.
80 Il convient de relever que, lorsque l’AIPN est saisie d’une demande d’un fonctionnaire visant à obtenir l’ouverture d’une procédure d’invalidité, elle est en principe tenue, conformément aux dispositions de l’article 78 du statut, telles que précisées par l’article 13 de l’annexe VIII du statut, d’engager ladite procédure (arrêt du 26 novembre 2008, OHMI/López Teruel, T‑284/07 P, EU:T:2008:533, point 78). En revanche, aucune disposition du statut ne prévoit l’obligation pour l’AIPN de saisir la commission d’invalidité pour que cette dernière, constatant l’évolution de l’état de santé du fonctionnaire déjà reconnu comme atteint d’une invalidité permanente et bénéficiant d’une allocation d’invalidité, propose d’autres modalités de contrôle médical.
81 Il ressort des termes de l’article 15 de l’annexe VIII du statut que, tant que l’ancien fonctionnaire bénéficiant d’une allocation d’invalidité n’a pas atteint l’âge de la retraite, l’institution peut le faire examiner périodiquement en vue de s’assurer qu’il réunit toujours les conditions requises pour bénéficier de cette allocation. Cette disposition confère à l’institution concernée le pouvoir discrétionnaire de décider de l’opportunité d’évaluer, par un contrôle médical, l’état de santé dudit fonctionnaire afin de déterminer s’il réunit toujours ces conditions ou s’il est susceptible de reprendre des fonctions correspondant à un emploi de son groupe de fonctions. Il revient à cet égard au médecin‑conseil de cette institution d’évaluer l’état de santé dudit fonctionnaire.
82 Il importe toutefois de souligner que le contenu de l’article 15 de l’annexe VIII du statut a été précisé par la conclusion no 273/15, qui a été publiée et portée à la connaissance des fonctionnaires et agents de la Cour des comptes par la communication au personnel no 42/16, ainsi que celle-ci l’a indiqué dans la décision du 10 juillet 2019. Cette conclusion a été établie dans le souci d’assurer une pratique administrative uniforme quant à l’interprétation de ladite disposition statutaire (voir, en ce sens, arrêt du 29 novembre 2011, Birkhoff/Commission, T‑10/11 P, EU:T:2011:699, point 31).
83 Il y a lieu d’ajouter que la Cour a déjà jugé, au sujet de mesures d’ordre interne adoptées par l’administration, que, si elles ne sauraient être qualifiées de règle de droit à l’observation de laquelle l’administration serait en tout cas tenue, elles énoncent toutefois une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont l’administration ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d’égalité de traitement (voir arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 209 et jurisprudence citée).
84 En ce qui concerne la conclusion no 273/15, celle-ci, intitulée « Contrôle médical après mise en invalidité », est libellée comme suit :
« En vue de s’assurer, conformément à l’article 15 de l’annexe VIII du statut, que le fonctionnaire, bénéficiant d’une allocation d’invalidité et n’ayant pas encore atteint l’âge de la retraite, continue à remplir les conditions requises pour bénéficier de cette allocation, des contrôles médicaux appropriés seront organisés à l’initiative de l’administration au moins tous les deux ans, sauf dans le cas où la commission d’invalidité avait décidé qu’un contrôle devra être organisé à une date prédéterminée ou selon une périodicité plus longue ou plus courte que deux ans. La commission d’invalidité ne peut en tout état de cause pas limiter les pouvoirs reconnus à l’institution en vertu de l’article 15 de l’annexe VIII, notamment en excluant tout contrôle au motif qu’une possibilité de reprise de travail est définitivement exclue.
Ces contrôles se font par le médecin de l’institution.
Si cela lui paraît opportun, le médecin de l’institution peut (1) à titre exceptionnel et pour des raisons dument justifiées, accepter le rapport d’un médecin du lieu de résidence du fonctionnaire concerné au lieu de procéder lui-même au contrôle ou (2) surseoir au contrôle, si, à l’expiration de la période de deux ans susvisée ou de la période ou de la date définie par la commission d’invalidité, la nature de la condition qui a donné lieu à l’invalidité ne justifie pas un contrôle visant à évaluer la possibilité d’une reprise du travail.
En cas de contestation, la commission d’invalidité est saisie du dossier. Pour autant que de besoin, et dans la mesure du possible, elle est composée des mêmes médecins que celle qui a été constituée pour se prononcer sur la mise en invalidité […] »
85 La requérante s’appuie sur cette conclusion pour soutenir que la commission d’invalidité aurait dû être saisie en l’espèce compte tenu de sa contestation au sujet des modalités du contrôle médical de son invalidité.
86 S’agissant du quatrième alinéa de ladite conclusion, qui prévoit la saisine de la commission d’invalidité en cas de contestation, la Cour des comptes soutient que la saisine est limitée aux contestations susceptibles de naître quant à l’existence ou non d’une situation d’invalidité. Il ne serait donc pas applicable en l’espèce.
87 Or, il convient de rappeler que la conclusion no 273/15 vise, ainsi que son intitulé l’indique, le « [c]ontrôle médical après mise en invalidité » et qu’elle a été adoptée aux fins de l’application d’une disposition, à savoir l’article 15 de l’annexe VIII du statut, qui vise de manière générale l’examen médical pouvant être effectué par l’institution après la mise en invalidité d’un ancien fonctionnaire bénéficiant d’une allocation d’invalidité et n’ayant pas atteint l’âge de départ à la retraite. Par ailleurs, rien dans le libellé du quatrième alinéa de cette conclusion, ou des trois alinéas précédents, ne permet de considérer que la portée de ladite conclusion serait limitée à la seule question de savoir si l’intéressé se trouve toujours ou non dans une situation d’invalidité justifiant le droit à une allocation. Au contraire, les premier et troisième alinéas de la conclusion no 273/15 portent spécifiquement sur les modalités du contrôle médical pouvant être effectué par le médecin-conseil de l’institution concernée, conformément à l’article 15 de l’annexe VIII du statut, à savoir la périodicité de ce contrôle ainsi que les possibilités de ne pas réaliser ledit contrôle dont dispose ce médecin.
88 Le quatrième alinéa de cette conclusion, relatif à la saisine de la commission d’invalidité, étant placé après ces deux alinéas, il convient de l’interpréter comme n’étant pas limité aux contestations susceptibles de naître quant à l’existence ou non d’une situation d’invalidité justifiant le paiement d’une allocation, mais comme visant également celles relatives aux modalités du contrôle médical pouvant être effectué par le médecin-conseil conformément à l’article 15 de l’annexe VIII du statut.
89 En l’espèce, il importe de rappeler que la contestation portait précisément sur de telles modalités. En effet, par la demande de saisine de la commission d’invalidité, la requérante a cherché, en substance, à contester le mode d’exécution du contrôle périodique de son état d’invalidité auquel elle a été soumise depuis sa mise en invalidité. Ainsi, dans la lettre du 17 avril 2019, l’avocat de la requérante a demandé la saisine de la commission d’invalidité pour que celle-ci prévoie que le médecin-conseil puisse s’enquérir auprès de son médecin traitant de l’évolution éventuelle de son état de santé. Dans la demande de réexamen du 5 juin 2019, la requérante a indiqué par l’intermédiaire de son avocat qu’il était exclu qu’elle soit soumise à un examen de contrôle dans les locaux de la Cour des comptes et, dans la lettre du 27 septembre 2019, l’avocat de la requérante a confirmé que la demande de celle-ci était de saisir la commission d’invalidité afin de fixer les modalités et la périodicité des contrôles médicaux au titre de l’annexe VIII du statut.
90 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la Cour des comptes a interprété de manière erronée la demande de la requérante et, par suite, en refusant de saisir la commission d’invalidité, s’est écartée de la conclusion no 273/15, qui constitue une règle qu’elle s’est elle-même fixée, sans fournir à cet égard de raison compatible avec le principe d’égalité de traitement.
91 Cette conclusion s’impose d’autant plus que l’AIPN reste soumise, envers la requérante, au respect du devoir de sollicitude, lequel implique, selon une jurisprudence constante, que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, elle prenne en considération l’ensemble des éléments susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (voir arrêt du 16 octobre 2019, Palo/Commission, T‑432/18, EU:T:2019:749, point 60 et jurisprudence citée).
92 Il convient d’indiquer à cet égard que les obligations découlant pour l’administration du devoir de sollicitude sont substantiellement renforcées lorsqu’est en cause la situation d’un fonctionnaire dont il est avéré que la santé, physique ou mentale, est affectée. En pareille hypothèse, l’administration doit examiner les demandes de celui-ci dans un esprit d’ouverture particulier (voir arrêt du 19 juin 2014, BN/Parlement, F‑24/12, EU:F:2014:165, point 34 et jurisprudence citée).
93 En l’espèce, il importe de rappeler que la requérante a invoqué que son état de santé s’était aggravé depuis la reconnaissance de son invalidité en 2013, en raison notamment de l’obligation de se soumettre à des visites médicales de contrôle organisées par la Cour des comptes. Elle s’est fondée notamment sur le rapport médical du [confidentiel] dans lequel le docteur C indiquait que « l’état clinique de [la requérante] rest[ait] stationnaire sur le plan dépressif sévère, en état de stress post‑traumatique », [confidentiel]. En outre, elle a communiqué un rapport neuropsychiatrique établi [confidentiel] par son médecin psychiatre qui concluait qu’elle présentait un trouble dépressif majeur « dont on ne p[ouvait] guère espérer une amélioration mais tout au plus une stabilisation », après avoir constaté que « l’état psychiatrique de [la requérante] connai[ssait] épisodiquement des aggravations notables [confidentiel] ». La requérante a aussi soutenu que l’absence de reconnaissance par l’institution du harcèlement moral dont elle avait été victime avait aggravé son état de santé.
94 Or, dans la décision attaquée, le refus de saisine de la commission d’invalidité a été justifié par le motif que, selon la conclusion no 273/15, cette commission ne pouvait pas limiter les pouvoirs reconnus à l’institution en vertu de l’article 15 de l’annexe VIII du statut en excluant tout contrôle du fait qu’une possibilité de reprise de travail serait définitivement exclue.
95 Dans la décision du 10 juillet 2019, l’AIPN n’a pas pris davantage en compte l’évolution de l’état de santé de la requérante tel qu’invoquée par cette dernière. En effet, elle s’est bornée, en substance, à exposer le cadre juridique régissant le système de contrôle des anciens fonctionnaires mis en invalidité et a indiqué que l’examen périodique, organisé en conformité avec les articles 53 et 78 du statut ainsi qu’avec les articles 13 à 15 de l’annexe VIII du statut, s’avérait nécessaire à l’égard de la requérante.
96 Dès lors, il ne ressort pas de cette décision ni de la décision attaquée que la Cour des comptes ait pris dûment en considération les circonstances particulières relatives à la situation de la requérante, à savoir l’anxiété et le stress que celle-ci a subis depuis 2011 ainsi que le caractère non réversible et stationnaire de sa maladie et, plus généralement, son état psychiatrique tel qu’il ressort des rapports médicaux mentionnés au point 93 ci‑dessus, et que la Cour des comptes ait, en conséquence, examiné la demande de la requérante dans un esprit d’ouverture particulier. La Cour des comptes a donc méconnu les obligations découlant du devoir de sollicitude auquel elle était soumise.
97 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la Cour des comptes rappelé au point 78 ci-dessus, aux termes duquel celle‑ci aurait toujours agi avec sollicitude à l’égard de la requérante, comme en témoigneraient les mesures d’assistance adoptées consécutivement à la situation de harcèlement subie par celle-ci en 2011, l’aménagement des contrôles médicaux afin que cette dernière puisse être examinée par un médecin autre que le médecin‑conseil et l’acceptation, dans le courant du mois de novembre 2019, de rapports médicaux des médecins de la requérante comme modalités exceptionnelles d’exercice du contrôle médical périodique. En effet, tout d’abord, les mesures d’assistance adoptées par la Cour de comptes en 2011 ne sont pas en relation avec la réponse à la demande de saisine de la commission d’invalidité. Ensuite, le fait d’avoir organisé le contrôle médical de l’année 2019 auprès d’un médecin autre que le médecin-conseil ne répond pas à la demande de la requérante. Enfin, l’acceptation de rapports médicaux des médecins de la requérante dans le courant du mois de novembre 2019 est intervenue après le dépôt de la requête.
98 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’AIPN, en refusant de saisir la commission d’invalidité à la suite de la demande en ce sens de la requérante, a commis une erreur de droit, tout en méconnaissant son devoir de sollicitude.
99 En conséquence, il convient d’accueillir le présent moyen et, dès lors, d’annuler la décision attaquée.
Sur les dépens
100 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Cour des comptes ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) La décision de la Cour des comptes européenne du 22 mai 2019 rejetant la demande de GW de saisir la commission d’invalidité est annulée.
2) La Cour des comptes est condamnée aux dépens.
Kanninen | Półtorak | Porchia |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 juin 2021.
Signatures
* Langue de procédure : le français.
1 Données confidentielles occultées.
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