Bennahmias v Parliament (Judgment) French Text [2021] EUECJ T-799/19 (24 March 2021)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/T79919.html
Cite as: EU:T:2021:159, ECLI:EU:T:2021:159, [2021] EUECJ T-799/19

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ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

24 mars 2021 (*)

« Droit institutionnel ‐ Réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement – Indemnité d’assistance parlementaire – Recouvrement des sommes indûment versées ‐ Charge de la preuve – Obligation de motivation – Erreur de droit ‐ Erreur de fait – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑799/19,

Jean-Luc Bennahmias, demeurant à Marseille (France), représenté par Mes J.-M. Rikkers, J.-L. Teheux, M. Ganilsy et C. De Kuyper, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. N. Lorenz et Mme M. Ecker, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision du secrétaire général du Parlement du 16 septembre 2019 relative au recouvrement auprès du requérant d’une somme de 15 105 euros indûment versée au titre de l’assistance parlementaire et de la note de débit y afférente du 19 septembre 2019,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, U. Öberg et Mme O. Spineanu‑Matei (rapporteure), juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 12 janvier 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Jean-Luc Bennahmias, a été député au Parlement européen de 2004 à 2014.

2        Le 13 mars 2013, le requérant a conclu avec B (1) (ci-après l’« assistant local ») un contrat de travail ayant pour objet un emploi à temps partiel d’assistant local (ci-après le « contrat de travail »), pour l’assister pendant la période allant du 1er avril au 31 décembre 2013. Un avenant audit contrat conclu ultérieurement a prolongé ladite durée jusqu’à la fin de la législature, à savoir le 30 juin 2014.

3        Le contrat de travail prévoyait un travail à temps partiel de 9 heures à 17 heures du lundi au mercredi et une rémunération mensuelle brute de 1 007 euros. Ces montants ont, à la suite de la demande du requérant, été pris en charge par le Parlement pendant toute la durée du contrat.

4        Le 27 octobre 2017, le directeur de la direction des droits financiers et sociaux des députés du Parlement a demandé au requérant, à la suite de la parution, dans les médias français, en juin 2017, d’informations suscitant des interrogations quant à la réalité du travail de l’assistant local et à sa conformité au regard des règles applicables, d’apporter des informations sur la situation de ses assistants parlementaires locaux et accrédités et sur les activités que ceux-ci exerçaient en parallèle.

5        Le 15 décembre 2017, le requérant a présenté ses justifications relatives aux activités et aux missions de ses assistants parlementaires.

6        Par lettre du 12 février 2019, le secrétaire général du Parlement (ci-après le « secrétaire général ») a informé le requérant de l’ouverture d’une procédure de recouvrement sur la base de l’article 68 de la décision du bureau du Parlement européen des 19 mai et 9 juillet 2008 portant mesures d’application du statut des députés au Parlement européen (JO 2009, C 159, p. 1, ci-après les « mesures d’application ») et l’a invité à présenter ses observations dans un délai d’un mois. L’ouverture de ladite procédure était justifiée par l’absence d’éléments de réponse suffisants quant à la situation de l’assistant local et à la nature et à l’étendue des activités exercées en parallèle par celui-ci, notamment au regard de son activité de directeur financier du parti politique français Mouvement Démocrate (MODEM).

7        Par lettre du 24 mai 2019, le requérant a présenté ses observations au secrétaire général, accompagnées d’un dossier composé de seize pièces destinées à établir la réalité du travail exercé par l’assistant local.

8        Par décision du 16 septembre 2019 (ci-après la « décision attaquée »), le secrétaire général, d’une part, a estimé que, pour la période allant du 1er avril 2013 au 30 juin 2014, un montant de 15 105 euros avait été indûment versé en faveur du requérant au titre de l’assistance parlementaire et devait être recouvré auprès de celui-ci et, d’autre part, a chargé l’ordonnateur du Parlement de procéder au recouvrement en cause.

9        Le 19 septembre 2019, le directeur général de la direction générale (DG) « Finances » du Parlement, en qualité d’ordonnateur du Parlement, a émis la note de débit 2019-1598 (ci-après la « note de débit ») ordonnant le recouvrement de la somme de 15 105 euros avant le 15 octobre 2019.

10      Le 19 septembre 2019 également, le directeur général de la DG « Finances » du Parlement a communiqué au requérant la décision attaquée et la note de débit.

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 novembre 2019, le requérant a introduit le présent recours.

12      Sur proposition de la juge rapporteure, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 12 janvier 2021.

13      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler la note de débit ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

14      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

15      À l’appui de son recours, le requérant invoque quatre moyens, tirés, le premier, d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée, le deuxième, d’une erreur d’appréciation, le troisième, d’une erreur de droit quant à la charge de la preuve et, le quatrième, d’une violation du principe de proportionnalité.

 Sur le premier moyen, tiré d’une insuffisance de motivation

16      Le requérant estime que la décision attaquée est entachée d’un défaut manifeste  de motivation. En effet, le raisonnement du secrétaire général serait équivoque sur l’activité de directeur financier du MODEM de l’assistant local et sur les conséquences qu’il en tirerait. Le secrétaire général se serait contenté de remettre en question les pièces communiquées sans approfondir son analyse. Il n’aurait pas indiqué dans quelle mesure lesdites pièces ne prouvaient pas les tâches effectuées et seule la mention « non » figurait comme motif de la non-acceptation des preuves. En outre, le requérant conteste l’argument du Parlement selon lequel l’attestation de l’assistant local aurait une valeur déclarative.

17      Le Parlement conteste cette argumentation.

18      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, l’institution concernée n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt du 29 novembre 2017, Bilde/Parlement, T‑633/16, non publié, EU:T:2017:849, point 125 et jurisprudence citée).

19      En l’espèce, il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, le secrétaire général a, tout d’abord, retracé l’ensemble de la procédure administrative et des échanges avec le requérant ayant conduit à la décision attaquée. À cette occasion, il a souligné, en substance, d’une part, la prise en charge par le Parlement des frais d’assistance parlementaire pour l’assistant local et, d’autre part, les informations parues dans la presse en France en juin 2017 mettant en cause la réalité du travail des assistants parlementaires des députés au Parlement du MODEM.

20      Il a, en outre, énoncé de façon détaillée le cadre juridique ainsi que la jurisprudence applicables dans l’hypothèse d’un contrôle ayant trait à l’utilisation des frais d’assistance parlementaire. Il a rappelé, en particulier, le libellé de l’article 33, paragraphe 2, de l’article 43, sous a), de l’article 62, paragraphe 1, et de l’article 68 des mesures d’application.

21      Le secrétaire général a, ensuite, présenté son appréciation concernant les documents fournis par le requérant pour démontrer l’existence d’un travail de l’assistant local conforme aux mesures d’application. À cet égard, il a souligné, en substance, que, bien que le requérant ait indiqué les tâches que l’assistant local aurait accomplies, à savoir l’assister dans la gestion de son budget de parlementaire européen et, à ce titre, assurer notamment le suivi des lignes budgétaires et la vérification des documents du personnel, des formulaires et des fiches de paie, celles-ci apparaissaient contraires aux tâches stipulées dans le contrat de travail et, en tout état de cause, aucune preuve de l’accomplissement par l’assistant local desdites tâches n’avait été apportée.

22      Le secrétaire général a relevé que, en effet, aucune des pièces communiquées par le requérant ne constituait en tant que telle une preuve du travail de l’assistant local. Ainsi, ni les copies des bulletins de paie de l’assistant local ni son attestation n’étaient de nature à démontrer qu’il avait effectivement fourni une assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat de député européen du requérant. Il a, en outre, souligné que la circonstance que les bulletins de paie indiquaient comme employeur non le requérant, mais l’Association pour une Europe citoyenne, qui était également le tiers payant chargé de la gestion de ses contrats, soulevait également de sérieux doutes quant à la conformité de l’emploi de l’assistant local avec les règles applicables. Enfin, en réponse à la critique du requérant relative à la durée de l’affectation de l’assistant local, le secrétaire général a souligné que la durée indiquée par le requérant, à savoir une durée mensuelle oscillant entre 17 et 18 heures, était contraire aux stipulations du contrat de travail, qui indiquaient un travail du lundi au mercredi de 9h à 17h, ce qui correspondait à 60 % d’un travail à temps plein, et que cette question était toutefois sans pertinence dans la mesure où le requérant n’avait transmis aucune preuve du travail.

23      En conclusion, le secrétaire général a, enfin, estimé, dans la décision attaquée, que le requérant n’avait pas apporté la preuve de la prestation effective par l’assistant local d’une assistance nécessaire et directement liée à l’exercice de son mandat parlementaire tout au long du contrat, en conformité avec les articles 33 et 62 des mesures d’application, et qu’il était dès lors fondé à demander le remboursement des sommes indûment versées.

24      Quant à l’annexe 1 de la décision attaquée, à laquelle renvoie expressément cette dernière, elle contient un tableau reprenant l’analyse des pièces que le requérant a produites et leur admissibilité en tant que preuves du travail effectué par l’assistant local. Cette annexe expose de manière concise, mais claire, en fonction de la nature des éléments produits par le requérant, la position du secrétaire général à l’égard de ces éléments, lesquels visaient à démontrer un travail de l’assistant local conforme aux mesures d’application.

25      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce que soutient le requérant, la décision attaquée lue conjointement avec son annexe 1 expose, à suffisance de droit, les motifs pour lesquels le secrétaire général a considéré que les éléments produits par le requérant devant lui étaient insuffisants pour démontrer un travail effectif de l’assistant local conforme au contrat de travail et aux mesures d’application. À cet égard, ladite décision évoque l’absence de preuve permettant d’attester l’exercice effectif de l’activité d’assistant local par celui-ci.

26      En effet, nonobstant l’absence d’évaluation détaillée de la valeur probante des documents fournis par le requérant, la motivation de la décision attaquée permet d’étayer, à suffisance de droit, l’appréciation du secrétaire général selon laquelle ces documents sont insuffisants pour démontrer une activité de l’assistant local conforme au contrat de travail et aux mesures d’application.

27      Par ailleurs, compte tenu des développements détaillés du deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation, force est de constater que le requérant a nécessairement compris le raisonnement du Parlement contenu dans la décision attaquée, de sorte que la condition établie par la jurisprudence citée au point 18 ci-dessus est remplie en l’espèce.

28      Enfin, concernant l’argumentation du requérant par laquelle il critique le raisonnement du secrétaire général relatif au fait que l’assistant local était le directeur financier du MODEM et à la valeur déclarative de l’attestation de l’assistant local, elle relève du bien-fondé de la décision attaquée et ne saurait être analysée dans le cadre du moyen tiré de l’insuffisance de la motivation de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 143 et jurisprudence citée).

29      Dans ces conditions, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation

30      Le requérant soutient que la décision attaquée est entachée d’une erreur d’appréciation justifiant son annulation, en raison, d’une part, du taux d’affectation de l’assistant local erronément retenu et, d’autre part, de l’analyse laconique des éclaircissements et des pièces probantes qu’il avait soumis au secrétaire général. Il expose, en outre, diverses considérations relatives, tout d’abord, aux tâches qui auraient été effectivement exercées par l’assistant local, ensuite, à la compatibilité de la fonction de directeur financier du MODEM avec la fonction d’assistant parlementaire et, plus généralement, à la compatibilité du travail au sein d’un parti politique avec celui d’assistant parlementaire et, enfin, aux pièces présentées devant le Parlement pour démontrer que le secrétaire général a commis une erreur dans l’appréciation des éléments qu’il lui avait soumis comme preuves.

31      Le Parlement conteste cette argumentation.

32      À cet égard, en premier lieu, force est de constater que la discordance relevée par le secrétaire général au sujet du taux d’affectation de l’assistant local entre le contrat de travail et les éclaircissements que le requérant lui a soumis ne constitue pas le fondement de la décision attaquée. En effet, dans ladite décision, le secrétaire général n’a fait que répondre à la contestation du requérant relative au taux de 60 % d’un travail à temps plein avancé lors de la procédure administrative. À cet égard, il a exposé que ledit taux ressortait du contrat de travail ainsi que des demandes de prise en charge introduites par le requérant (voir point 3 ci-dessus) et que, en soutenant que l’assistant local aurait travaillé environ 17 ou 18 heures par mois, le requérant reconnaissait que l’horaire de travail prévu dans le contrat de travail n’avait pas été respecté.

33      Dès lors, les critiques du requérant relatives au taux d’affectation de l’assistant local qui aurait été erronément retenu manquent de pertinence.

34      En second lieu, il convient de relever que, par son argumentation visant à démontrer la réalité du travail de l’assistant local, le requérant entend, en substance, remettre en cause les appréciations effectuées par le secrétaire général, dans la décision attaquée, pour réfuter le caractère probant des documents qu’il a produits dans le cadre de la procédure prévue à l’article 68 des mesures d’application et ayant conduit à l’adoption de ladite décision.

35      À cet égard, il convient de relever que, dans la décision attaquée, le secrétaire général a considéré qu’aucun des éléments qui avaient été produits par le requérant n’était acceptable comme élément de preuve de la prestation effective par l’assistant local d’une assistance nécessaire et directement liée à l’exercice de son mandat parlementaire tout au long du contrat de travail, en conformité avec les articles 33 et 62 des mesures d’application, au motif, en substance, de leur inaptitude à constituer, en tant que tels, des preuves du travail fourni par l’assistant local.

36      Lesdits documents, communiqués le 24 mai 2019 au secrétaire général (voir point 7 ci-dessus), consistent en quinze bulletins de paie et une attestation de l’assistant local.

37      Premièrement, en ce qui concerne les bulletins de paie, il ressort de la décision attaquée que le secrétaire général a estimé qu’ils n’étaient pas de nature à démontrer que l’assistant local avait effectivement fourni une assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat de député européen du requérant. En outre, lesdits bulletins indiquaient comme employeur non le requérant, mais l’Association pour une Europe citoyenne, qui était également le tiers payant de la gestion des contrats du requérant, ce qui soulevait de sérieux doutes quant à la conformité de l’emploi de l’assistant local avec la réglementation applicable.

38      À cet égard, force est de constater que les bulletins de paie ne constituent pas, en tant que tels, une preuve de la prestation effective du travail exécuté par l’assistant local.

39      En effet, les bulletins de paie se limitent à indiquer, en substance, les composants du salaire et les charges appliquées, sans même indiquer l’emploi et la qualification de l’assistant local, ni les tâches qu’il aurait assurées. De surcroît, ainsi que le fait valoir à juste titre le Parlement, lesdits bulletins ne permettent pas de démontrer l’accomplissement des tâches figurant dans le contrat de travail ou de celles que le requérant a indiquées dans sa réponse au secrétaire général et dans la requête. En outre, en indiquant comme employeur l’Association pour une Europe citoyenne, et non le requérant, qui est l’employeur de l’assistant local selon le contrat du travail, lesdits bulletins ne sont pas aptes à prouver un quelconque lien avec ledit contrat. L’argument du requérant soulevé dans la réplique, selon lequel, d’une part, ladite association avait justement pour objet d’assurer la gestion financière des fonds du Parlement qui devaient être spécifiquement affectés aux dépenses des députés et, d’autre part, la mention du nom de cette association faisait sens dès lors que c’était elle qui se chargeait de verser les salaires aux assistants, n’est aucunement étayé et, en tout état de cause, ne change en rien l’inaptitude des bulletins de paie à démontrer la fourniture effective d’une assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat de député européen du requérant.

40      Deuxièmement, s’agissant de l’attestation de l’assistant local, il convient de constater qu’elle ne contient qu’une description des fonctions de ce dernier et qu’elle ne mentionne pas d’exemples concrets du travail d’assistance parlementaire de celui-ci en conformité avec les mesures d’application. En outre, comme le fait valoir le requérant lui-même dans la réplique, les travaux indiqués dans ladite attestation, à savoir des entretiens hebdomadaires de trois ou quatre heures avec le requérant, des déplacements réguliers à Bruxelles (Belgique), des échanges avec les autorités de l’Union européenne et l’intervention en fin de mandat pour aider le requérant sur le départ des assistants et les fins de contrat, ne correspondent pas aux tâches indiquées à l’article 1er du contrat de travail, à savoir assurer une veille sur les questions européennes en France ainsi que la rédaction de contenus et la mise à jour d’un site Internet. Or, s’il n’est pas interdit que l’assistant local exerce également d’autres fonctions que celles expressément prévues dans son contrat de travail, il n’en demeure pas moins que, pour que les conditions de remboursement des frais d’assistance parlementaire soient remplies, il est nécessaire d’apporter des éléments prouvant que ledit assistant assurait ses tâches en conformité avec les mesures d’application.

41      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le requérant n’a pas démontré que le secrétaire général avait commis une erreur d’appréciation en estimant, dans la décision attaquée, qu’il n’avait pas apporté la preuve que l’assistant local assurait des tâches en conformité avec les mesures d’application, et notamment avec les articles 33 et 62 de celles-ci.

42      L’argument du requérant selon lequel la décision attaquée serait fondée sur une prétendue incompatibilité de la fonction de directeur financier du MODEM avec la fonction d’assistant parlementaire, et plus généralement sur l’incompatibilité du travail au sein d’un parti politique avec celui d’assistant parlementaire, ne change en rien cette conclusion. En effet, il découle clairement de la décision attaquée que celle-ci est fondée sur le fait que le requérant n’a pas apporté la preuve que l’assistant local avait assuré des tâches en conformité avec les mesures d’application. Ainsi, contrairement à ce que le requérant fait valoir, ce n’est pas le fait d’exercer les fonctions d’assistant local parlementaire et, en même temps, celle de directeur financier du MODEM qui était, en tant que tel, reproché, mais le fait que la réalité de l’emploi de son assistant local aux fins de l’exercice de son mandat de député européen n’a pas été démontrée.

43      Or, il ressort de l’article 33, paragraphe 2, première phrase, des mesures d’application que seuls peuvent être pris en charge les frais correspondant à l’assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat parlementaire des députés. Ainsi, s’il n’est pas interdit que l’assistant local exerce des fonctions au sein d’un parti politique, il n’en demeure pas moins que, pour que les conditions de remboursement des frais d’assistance parlementaire soient remplies, il est nécessaire d’apporter des éléments prouvant que ledit assistant assurait également des tâches en conformité avec les mesures d’application.

44      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit quant à la charge de la preuve

45      Le requérant estime que c’est au Parlement qu’incombe la charge de la preuve de la réalité du travail de l’assistant local, dans la mesure où le Parlement serait nécessairement le détenteur de l’intégralité de ses documents sur les dix années de mandat. À cet égard, il souligne que, en juillet 2014, il avait fait parvenir l’ensemble des courriels et des documents de travail au Parlement pour procéder à leur archivage, par dépôt de cartons et d’un volume colossal de fichiers. Dans la mesure où le Parlement a prétendu que, dès la fin de son mandat de député européen, toutes ses archives avaient été supprimées, il n’a pas été en mesure de verser de preuves complémentaires.

46      Le Parlement conteste l’argumentation du requérant.

47      Il convient de rappeler que, selon l’article 33, paragraphe 1, des mesures d’application, les députés ont droit à l’assistance de collaborateurs personnels, qu’ils choisissent librement. Le Parlement prend en charge les frais effectivement engagés et résultant entièrement et exclusivement de l’engagement d’un ou de plusieurs assistants conformément aux mesures d’application.

48      Aux termes de l’article 33, paragraphe 2, première phrase, des mesures d’application, seuls peuvent être pris en charge les frais correspondant à l’assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat parlementaire des députés.

49      En vertu de l’article 68, paragraphe 1, des mesures d’application, toute somme indûment versée en application de ce texte donne lieu à répétition et le secrétaire général donne des instructions en vue du recouvrement de ces sommes auprès du député concerné.

50      Selon la jurisprudence, la définition de la notion d’assistance parlementaire ne relevant pas de la discrétion des députés, ces derniers ne sont pas libres de demander le remboursement des dépenses sans rapport avec l’engagement ou l’utilisation des services fournis par de tels assistants (voir arrêt du 16 mai 2018, Troszczynski/Parlement, T‑626/16, non publié, EU:T:2018:270, point 114 et jurisprudence citée).

51      La nécessité de démontrer la réalité du travail fourni par l’assistant local découlant directement, notamment, des mesures d’application, le Parlement ne prend en charge que les frais effectivement engagés et résultant entièrement et exclusivement de l’engagement d’un ou de plusieurs assistants, ce qui implique que la réalité de ceux-ci soit démontrée par le député concerné (arrêts du 29 novembre 2017, Bilde/Parlement, T‑633/16, non publié, EU:T:2017:849, point 119, et du 7 mars 2018, Gollnisch/Parlement, T‑624/16, non publié, EU:T:2018:121, point 112).

52      Il s’ensuit que, dans l’hypothèse d’un contrôle ayant trait à l’utilisation des frais d’assistance parlementaire, le député concerné doit être en mesure de prouver que les montants perçus ont été utilisés afin de couvrir les dépenses effectivement engagées et résultant entièrement et exclusivement de l’engagement d’un ou de plusieurs assistants, comme le prévoit l’article 33, paragraphe 1, seconde phrase, des mesures d’application, de sorte qu’il lui incombe d’être en mesure de produire les pièces justificatives y afférentes et, partant, de les conserver, et ce même en l’absence d’obligation explicite en ce sens découlant du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 29 novembre 2017, Montel/Parlement, T‑634/16, non publié, EU:T:2017:848, points 120 et 122 et jurisprudence citée ; du 7 mars 2018, Gollnisch/Parlement, T‑624/16, non publié, EU:T:2018:121, points 109 et 111 et jurisprudence citée, et du 16 mai 2018, Troszczynski/Parlement, T‑626/16, non publié, EU:T:2018:270, points 115 et 118 et jurisprudence citée).

53      Selon une jurisprudence désormais constante, en demandant au député concerné de justifier le travail réalisé par son assistant local, le Parlement n’exige pas une preuve impossible. En effet, il ne s’agit pas de démontrer un fait inexistant, mais un fait positif, à savoir la réalité du travail de l’assistant local, laquelle peut être attestée par de nombreux éléments de preuve concrets, tels que, par exemple, des agendas attestant de rendez-vous ou de l’activité de l’assistant local, des courriels rédigés par ce dernier et échangés, notamment, avec le député concerné ainsi que des documents, y compris sous forme électronique, émanant de l’assistant local (arrêts du 29 novembre 2017, Montel/Parlement, T‑634/16, non publié, EU:T:2017:848, point 122 ; du 29 novembre 2017, Bilde/Parlement, T‑633/16, non publié, EU:T:2017:849, point 118, et du 7 mars 2018, Gollnisch/Parlement, T‑624/16, non publié, EU:T:2018:121, point 111).

54      Il ressort de tout ce qui précède que, ainsi que le Parlement le relève à bon droit, il incombait en l’espèce au requérant de conserver et de produire des pièces justifiant que les montants perçus ont été utilisés afin de couvrir les dépenses effectivement engagées et correspondant entièrement et exclusivement à l’assistance nécessaire et directement liée à l’exercice de son mandat parlementaire, comme le prévoit l’article 33, paragraphe 1, seconde phrase, des mesures d’application. La circonstance qu’il aurait fait parvenir au Parlement à la fin de son mandat l’ensemble des courriels et des documents de travail sans en garder des copies, en la supposant avérée, ne change en rien cette obligation et ne renverse nullement la charge de la preuve s’attachant à celle-ci. Par ailleurs, rien ne permet de conclure qu’il n’était pas loisible au requérant de conserver au moins des copies de ses documents de travail et des versions imprimées de ses courriels.

55      Partant, c’est à tort que le requérant soutient, en substance, que, dans la mesure où il n’était prétendument plus en possession de l’ensemble des courriels et des documents de travail relevant de son mandat de député européen, qu’il aurait fait parvenir au Parlement à la fin de son mandat pour procéder à leur archivage, c’est sur cette institution que reposait la charge de la preuve.

56      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’allégation du requérant selon laquelle le Parlement était nécessairement le détenteur de l’intégralité de ses documents concernant ses dix années de mandat, lequel s’est achevé le 30 juin 2014.

57      Premièrement, à supposer même qu’une obligation de conservation des documents relatifs aux mandats parlementaires s’impose au Parlement – quod non –, cela ne renverserait pas pour autant la charge de la preuve mais pourrait tout au plus permettre au requérant de se procurer, auprès du Parlement, les documents pertinents qu’il n’aurait pas conservés.

58      En outre et en tout état de cause, il ressort de la communication 1/2014 adoptée par le bureau du Parlement le 14 avril 2014 et entrée en vigueur le 6 mai 2014, ayant pour objet de régir le traitement des fichiers électroniques des députés au Parlement à la fin de leur mandat (ci-après la « communication 1/2014 »), que le député conserve le droit d’accéder à sa boîte électronique et au serveur partagé pendant les trois mois qui suivent la fin de son mandat et que ses fichiers électroniques sont ensuite supprimés des espaces de stockage électronique du Parlement, à moins que ce député ne soit réélu. L’argument selon lequel le Parlement aurait une obligation de conservation des documents relatifs aux mandats parlementaires au-delà de cette période de trois mois doit donc être écarté.

59      Deuxièmement, l’article 3, paragraphe 4, de la communication 1/2014 prévoit le droit du député de déposer copie de ses fichiers aux archives historiques du Parlement, en vertu de la décision du bureau du Parlement du 10 mars 2014 sur l’acquisition par le Parlement d’archives privées des députés. Toutefois, en l’espèce, aucun élément ne permet d’étayer l’hypothèse d’un tel versement des fichiers relevant du mandat de député du requérant aux archives historiques du Parlement. À cet égard, ainsi que le fait valoir le Parlement et contrairement à ce que le requérant a affirmé lors de l’audience, rien ne permet de conclure que ce dernier ait fait usage de la procédure régissant l’acquisition par le Parlement d’archives privées des députés et anciens députés, adoptée par la décision du bureau du Parlement du 10 mars 2014, qui lui aurait permis de verser ses documents aux archives du Parlement, en concluant une convention avec le directeur de la bibliothèque de ce dernier. En outre, bien que le requérant soutienne lors de l’audience qu’un de ses assistants aurait conclu une telle convention, il n’étaye d’aucune manière cette affirmation.

60      Troisièmement, en ce qui concerne l’argument relatif au prétendu refus d’accès aux courriels envoyés ou reçus depuis l’ancienne adresse électronique du requérant au Parlement, il ressort des pièces du dossier que, le requérant s’étant limité à la fin de son mandat à demander un export complet de ses « contacts Outlook » de sa boîte de messagerie au Parlement sur sa boîte de messagerie personnelle, la première a été supprimée après son départ du Parlement, conformément aux dispositions de l’article 3, paragraphe 3, de la communication 1/2014. L’argument tiré d’un refus d’accès à ses courriels doit donc être écarté.

61      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

62      Le requérant considère que la décision attaquée viole le principe de proportionnalité, en ce qu’elle ordonne le remboursement de l’intégralité des sommes versées au titre des frais d’assistance parlementaire durant le contrat de travail. En effet, pour réclamer cette somme, le Parlement aurait dû prouver que l’assistant local n’avait jamais été son assistant au cours de la période en cause. Une restitution intégrale par le requérant des sommes versées en contrepartie du travail effectué aurait des conséquences manifestement disproportionnées au regard de la gravité des faits reprochés au requérant, qui aurait, en outre, démontré la réalité du travail de son assistant local.

63      Le Parlement conteste cette argumentation.

64      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le principe de proportionnalité constitue un principe général du droit de l’Union, qui exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause (voir arrêt du 16 mai 2018, Troszczynski/Parlement, T‑626/16, non publié, EU:T:2018:270, point 186 et jurisprudence citée).

65      Toutefois, le Parlement ne dispose, en vertu de l’article 68, paragraphe 1, première phrase, des mesures d’application, d’aucune marge d’appréciation quant au montant à recouvrer au titre de la somme litigieuse, s’agissant de la répétition de sommes indues. En effet, en vertu de cette disposition, toute somme indûment versée en application des mesures d’application donne lieu à répétition (arrêts du 29 novembre 2017, Bilde/Parlement, T‑633/16, non publié, EU:T:2017:849, point 206 ; du 7 mars 2018, Gollnisch/Parlement, T‑624/16, non publié, EU:T:2018:121, point 219, et du 16 mai 2018, Troszczynski/Parlement, T‑626/16, non publié, EU:T:2018:270, point 187).

66      Or, dès lors qu’il n’a pas été établi, dans le cadre de l’examen du présent recours, que c’est à tort que le Parlement a estimé qu’il n’avait pas été démontré que l’assistant local assurait des tâches en conformité avec les mesures d’application et que, partant, les sommes qui lui ont été versées au titre des frais d’assistance parlementaire pour la période allant du 1er avril 2013 au 30 juin 2014, s’élevant à un montant de 15 105 euros, ne l’avaient pas été conformément à celles-ci, le Parlement était tenu par une obligation inconditionnelle de recouvrer l’intégralité de ces sommes.

67      Ainsi, à défaut de toute marge d’appréciation dans l’exécution de cette obligation inconditionnelle lui incombant, le Parlement n’a pas agi, en l’espèce, au-delà de ce qui était approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis par les mesures d’application.

68      C’est donc à tort que le requérant fait valoir, en substance, que le Parlement aurait dû prouver que l’assistant local n’avait jamais été son assistant parlementaire au cours de la période en cause.

69      Il s’ensuit que le quatrième moyen doit être rejeté ainsi que, par voie de conséquence, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

70      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Parlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Jean-Luc Bennahmias supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Parlement européen.

Spielmann

Öberg

Spineanu-Matei

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 mars 2021.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Papasavvas


*      Langue de procédure : le français.


1      En conformité avec le point 195 ter du vade-mecum, la lettre A s’impose ici.

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