Banka Slovenije (Judgment) French Text [2022] EUECJ C-45/21 (13 September 2022)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/C4521.html
Cite as: [2023] 1 CMLR 38, [2022] EUECJ C-45/21, ECLI:EU:C:2022:670, EU:C:2022:670

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ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

13 septembre 2022 (*)

« Renvoi préjudiciel – Système européen de banques centrales – Banque centrale nationale – Directive 2001/24/CE – Assainissement et liquidation des établissements de crédit – Indemnisation de préjudices résultant de l’adoption de mesures d’assainissement – Article 123 TFUE et article 21.1 du protocole (no 4) sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne – Interdiction du financement monétaire des États membres de la zone euro – Article 130 TFUE et article 7 de ce protocole – Indépendance – Divulgation d’informations confidentielles »

Dans l’affaire C‑45/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle, Slovénie), par décision du 14 janvier 2021, parvenue à la Cour le 28 janvier 2021, dans la procédure

Banka Slovenije,

en présence de :

Državni zbor Republike Slovenije,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. L. Bay Larsen (rapporteur), vice‑président, MM. A. Arabadjiev, C. Lycourgos, E. Regan et S. Rodin, présidents de chambre, MM. M. Ilešič, J.‑C. Bonichot, M. Safjan, A. Kumin, D. Gratsias, Mme M. L. Arastey Sahún, MM. M. Gavalec, Z. Csehi et Mme O. Spineanu‑Matei, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. M. Longar, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 janvier 2022,

considérant les observations présentées :

–        pour Banka Slovenije, par M. J. Žitko, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement slovène, par Mmes J. Morela et N. Pintar Gosenca, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mmes S. Delaude, B. Rous Demiri et A. Steiblytė, en qualité d’agents,

–        pour la Banque centrale européenne, par Mmes A. Grosu, K. Kaiser et M. C. Kroppenstedt, en qualité d’agents, assistés de Me G. Pajek, odvetnik,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 31 mars 2022,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 123 et 130 TFUE, des articles 7 et 21 du protocole (no 4) sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne (ci-après le « protocole sur le SEBC et la BCE »), des articles 44 à 52 de la directive 2006/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2006, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et son exercice (JO 2006, L 177, p. 1), ainsi que des articles 53 à 62 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure de contrôle de constitutionnalité de dispositions législatives nationales définissant les conditions de l’engagement de la responsabilité de la Banka Slovenije (Banque centrale de Slovénie) pour des dommages causés par la suppression de certains instruments financiers et l’accès à certaines informations relatives à cette suppression, détenues par cette banque centrale.

 Le cadre juridique

 Le règlement (CE) no 3603/93

3        Le deuxième considérant du règlement (CE) nº 3603/93 du Conseil, du 13 décembre 1993, précisant les définitions nécessaires à l’application des interdictions énoncées à l’article [123 TFUE] et à l’article [125, paragraphe 1, TFUE] (JO 1993, L 332, p. 1), est ainsi rédigé :

« considérant qu’il convient en particulier de préciser les termes “découvert” et “autre type de crédit” utilisés à l’article [123 TFUE], notamment en ce qui concerne le traitement à réserver aux créances existant au 1er janvier 1994 ».

4        L’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement dispose :

« Aux fins de l’article [123 TFUE], on entend par :

a)      “découvert” : toute mise à disposition de ressources en faveur du secteur public qui se traduit ou est susceptible de se traduire par un solde débiteur en compte [;]

b)      “autre type de crédit” :

i)      toute créance sur le secteur public existant au 1er janvier 1994, à l’exception des créances à échéance fixe acquises avant cette date ;

ii)      tout financement d’obligations du secteur public à l’égard de tiers ;

iii)      sans préjudice de l’article [123, paragraphe 2, TFUE], toute opération avec le secteur public qui se traduit ou est susceptible de se traduire par une créance sur celui-ci. »

 La directive 2000/12/CE

5        L’article 1er, point 4, de la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mars 2000, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et son exercice (JO 2000, L 126, p. 1), énonçait :

« Au sens de la présente directive, on entend par :

[...]

4)      “autorités compétentes” : les autorités nationales habilitées, en vertu d’une loi ou d’une réglementation, à contrôler les établissements de crédit ».

 La directive 2001/24/CE

6        Aux termes du considérant 6 de la directive 2001/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 avril 2001, concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit (JO 2001, L 125, p. 15) :

« Il importe de confier aux autorités administratives ou judiciaires de l’État membre d’origine, la compétence exclusive de décider et d’appliquer les mesures d’assainissement prévues dans la législation et les usages en vigueur dans cet État membre. En raison de la difficulté d’harmoniser les législations et usages des États membres, il convient de mettre en place la reconnaissance mutuelle par les États membres des mesures prises par chacun d’entre eux pour restaurer la viabilité des établissements qu’il a agréés. »

7        L’article 2 de cette directive, dans sa version applicable aux faits dans l’affaire au principal, disposait :

« Au sens de la présente directive, on entend par :

[...]

–        “autorités compétentes” : les autorités compétentes au sens de l’article 1er, point 4, de la directive [2000/12] ;

[...] »

8        L’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/24 prévoit :

« Les autorités administratives ou judiciaires de l’État membre d’origine sont seules compétentes pour décider de la mise en œuvre dans un établissement de crédit, y compris pour les succursales établies dans d’autres États membres, d’une ou plusieurs mesures d’assainissement. »

9        L’article 33 de cette directive est libellé comme suit :

« Toutes les personnes appelées à recevoir ou à donner des informations dans le cadre des procédures d’information ou de consultation prévues aux articles 4, 5, 8, 9, 11 et 19 sont tenues au secret professionnel, selon les règles et conditions prévues par l’article 30 de la directive [2000/12], à l’exception des autorités judiciaires auxquelles s’appliqueraient les dispositions nationales en vigueur. »

 La directive 2006/48

10      L’article 4, point 4, de la directive 2006/48 précisait :

« Au sens de la présente directive, on entend par :

[...]

4)      “autorités compétentes” : les autorités nationales habilitées, en vertu d’une loi ou d’une réglementation, à contrôler les établissements de crédit ».

11      L’article 44, paragraphe 1, de cette directive prévoyait :

« Les États membres prévoient que toutes les personnes exerçant ou ayant exercé une activité pour les autorités compétentes, ainsi que les réviseurs ou les experts mandatés par les autorités compétentes, sont tenus au secret professionnel.

Les informations confidentielles qu’ils reçoivent à titre professionnel ne peuvent être divulguées à quelque personne ou autorité que ce soit, excepté sous une forme sommaire ou agrégée de façon à ce que les établissements de crédit ne puissent pas être identifiés, sans préjudice des cas relevant du droit pénal.

Néanmoins, lorsqu’un établissement de crédit a été déclaré en faillite ou que sa liquidation forcée a été ordonnée par un tribunal, les informations confidentielles qui ne concernent pas les tiers impliqués dans les tentatives de sauvetage de cet établissement de crédit peuvent être divulguées dans le cadre de procédures civiles ou commerciales. »

12      Les articles 45 à 52 de ladite directive énonçaient une série de règles encadrant l’utilisation, l’échange, la transmission et la divulgation d’informations par les autorités compétentes, au sens de l’article 4, point 4, de la même directive.

13      L’article 158 de la directive 2006/48 était ainsi rédigé :

« 1.      La directive [2000/12] telle que modifiée par les directives figurant à l’annexe XIII, partie A, est abrogée, sans préjudice des obligations des États membres concernant les délais de transposition desdites directives figurant à l’annexe XIII, partie B.

2.      Les références faites aux directives abrogées s’entendent comme faites à la présente directive et sont à lire selon le tableau de correspondance figurant à l’annexe XIV. »

 La directive 2013/36

14      L’article 3, paragraphe 1, point 36, de la directive 2013/36 dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend également par :

[...]

36)      “autorité compétente” : une autorité compétente au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 40) du règlement (UE) no 575/2013 [du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1)] ».

15      L’article 53, paragraphe 1, de cette directive est libellé comme suit :

« Les États membres prévoient que toutes les personnes exerçant ou ayant travaillé pour les autorités compétentes, ainsi que les réviseurs ou les experts mandatés par les autorités compétentes, sont tenus au secret professionnel.

Les informations confidentielles que ces personnes, réviseurs et experts reçoivent dans l’exercice de leurs attributions ne peuvent être divulguées que sous une forme résumée ou agrégée, de façon à ce que les établissements de crédit ne puissent pas être identifiés, sans préjudice des cas relevant du droit pénal.

Néanmoins, lorsqu’un établissement de crédit a été déclaré en faillite ou que sa liquidation forcée a été ordonnée, les informations confidentielles qui ne concernent pas les tiers impliqués dans les tentatives de sauvetage de cet établissement de crédit peuvent être divulguées dans le cadre de procédures civiles ou commerciales. »

16      Les articles 54 à 62 de ladite directive énoncent une série de règles encadrant l’utilisation, l’échange, la transmission et la divulgation d’informations par les autorités compétentes, au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 36, de la même directive.

17      L’article 163 de la directive 2013/36 prévoit :

« Les directives [2006/48] et 2006/49/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2006, sur l’adéquation des fonds propres des entreprises d’investissement et des établissements de crédit (JO 2006, L 177, p. 201),] sont abrogées avec effet au 1er janvier 2014.

Les références aux directives abrogées s’entendent comme faites à la présente directive et au règlement [no 575/2013] et sont à lire selon le tableau de correspondance figurant à l’annexe II de la présente directive et à l’annexe IV du règlement [no 575/2013]. »

 Le règlement no 575/2013

18      L’article 4, paragraphe 1, point 40, du règlement no 575/2013 dispose :

« Au sens du présent règlement, on entend par :

[...]

40)      “autorité compétente” : une autorité publique ou un organisme officiellement reconnu par le droit national, qui est habilité en vertu du droit national à surveiller les établissements dans le cadre du système de surveillance existant dans l’État membre concerné ».

 L’affaire au principal et les questions préjudicielles

19      Par une décision du 19 octobre 2016, l’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle, Slovénie) a jugé compatibles avec la Constitution slovène des dispositions législatives autorisant la Banque centrale de Slovénie à supprimer certains instruments financiers lorsqu’un établissement de crédit risque de faire faillite et menace le système financier dans son ensemble. En revanche, cette juridiction a constaté une lacune contraire à la Constitution slovène, en raison de l’absence, dans la législation en cause, de règles procédurales spéciales concernant les actions en réparation pouvant être intentées par d’anciens titulaires d’instruments financiers supprimés.

20      En vue de remédier à cette lacune, le Državni zbor Republike Slovenije (Assemblée nationale de la République de Slovénie) a adopté le zakon o postopku sodnega in izvensodnega varstva nekdanjih imetnikov kvalificiranih obveznosti bank (loi relative à la procédure de protection judiciaire et extrajudiciaire des anciens titulaires d’engagements éligibles de banques, ci‑après le « ZPSVIKOB »), qui énonce des règles destinées à assurer une protection juridictionnelle effective aux anciens titulaires d’instruments financiers supprimés par la Banque centrale de Slovénie.

21      La Banque centrale de Slovénie a introduit une demande de contrôle de constitutionnalité de plusieurs dispositions du ZPSVIKOB et d’une disposition du zakon o bančništvu (loi bancaire) en faisant valoir, notamment, que les règles énoncées à ces dispositions en ce qui concerne l’engagement de sa responsabilité et l’accès à des informations qu’elle détient étaient incompatibles avec le droit de l’Union.

22      À cet égard, la juridiction de renvoi précise que, en application du ZPSVIKOB, la responsabilité de la Banque centrale de Slovénie pour des dommages causés par la suppression de certains instruments financiers peut être engagée dans le cadre de deux régimes distincts et alternatifs.

23      D’une part, cette responsabilité peut, en principe, être engagée lorsqu’il est établi que la suppression d’un instrument financier ne constituait pas une mesure nécessaire afin d’éviter la faillite de la banque concernée et d’assurer la stabilité du système financier ou que le principe selon lequel aucun créancier ne peut être plus désavantagé qu’en cas de faillite a été méconnu. Cela étant, ladite responsabilité ne peut être engagée que si la Banque centrale de Slovénie n’établit pas qu’elle‑même ou que les personnes qu’elle a habilitées à agir en son nom ont agi avec la diligence requise, en tenant compte du fait qu’une telle suppression intervient dans les circonstances spécifiques d’une situation de crise exigeant une appréciation rapide de problématiques complexes.

24      D’autre part, les personnes physiques anciennement titulaires d’un instrument financier supprimé et dont les revenus annuels sont inférieurs à un certain seuil peuvent obtenir de la Banque centrale de Slovénie le paiement d’une indemnité d’un montant équivalent à 80 % du prix payé lors de l’acquisition de cet instrument financier, dans la limite d’un montant maximal de 20 000 euros.

25      La juridiction de renvoi souligne en outre que, afin d’assurer la couverture des coûts découlant de l’application des régimes de responsabilité institués par le ZPSVIKOB, ce dernier prévoit que les bénéfices réalisés par la Banque centrale de Slovénie depuis le 1er janvier 2019 doivent être versés sur des réserves spéciales dédiées à cette couverture. Si ces réserves spéciales devaient se révéler insuffisantes à cette fin, la Banque centrale de Slovénie devrait utiliser jusqu’à 50 % de ses réserves générales, puis, si le recours à ces dernières devait également s’avérer insuffisant pour assurer ladite couverture, elle devrait emprunter aux autorités slovènes les sommes nécessaires.

26      Au vu de ces éléments, cette juridiction s’interroge sur la compatibilité de ces régimes de responsabilité avec l’article 123 TFUE et l’article 21 du protocole sur le SEBC et la BCE, en tant que la responsabilité assumée par la Banque centrale de Slovénie à la place des autorités slovènes pourrait être assimilée à une forme de financement de ces autorités, ainsi qu’avec le principe d’indépendance des banques centrales découlant de l’article 130 TFUE et de l’article 7 du protocole sur le SEBC et la BCE.

27      Par ailleurs, ladite juridiction relève que le ZPSVIKOB prévoit des règles relatives à la divulgation de plein droit, à tous les plaignants potentiels et à leurs représentants, de certains documents confidentiels ayant été utilisés pour décider de supprimer des instruments financiers ainsi qu’à la publication d’un nombre plus limité de tels documents. Or, elle indique éprouver des doutes quant à la compatibilité de ces règles avec les dispositions relatives à la confidentialité de certaines informations figurant dans les directives 2006/48 et 2013/36.

28      Dans ces conditions, l’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Convient-il d’interpréter l’article 123 TFUE et l’article 21 du protocole [sur le SEBC et la BCE] en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’une banque centrale nationale, qui est membre du [S]ystème européen de banques centrales [(SEBC)], soit responsable, sur ses propres fonds, de l’indemnisation des anciens titulaires d’instruments financiers supprimés, instruments dont elle a décidé la suppression en exercice de la compétence qui lui a été assignée par la loi pour prendre des mesures exceptionnelles d’intérêt public afin de prévenir une menace pour la stabilité du système financier, lorsque, dans le cadre de procédures judiciaires ultérieures, il apparaît que, lors de la suppression [de ces instruments financiers], le principe requérant qu’aucun titulaire d’instrument financier ne peut être moins bien traité que s’il n’y avait pas eu de mesure exceptionnelle n’a pas été respecté, la banque centrale nationale répondant[, d’une part,] du préjudice qu’elle pouvait anticiper sur la base des faits et circonstances, tels qu’ils étaient au moment de sa décision, qu’elle a pris en considération ou aurait dû prendre en considération, et[, d’autre part,] du préjudice qui découle du comportement des personnes qui, dans l’exercice de ces compétences de la banque centrale, ont agi avec l’habilitation de celle‑ci, mais qui, ce faisant, étant donné les faits et les circonstances dont elles disposaient ou dont elles auraient dû disposer compte tenu de leurs habilitations, n’ont pas agi avec la diligence requise ?

2)      Convient-il d’interpréter l’article 123 TFUE et l’article 21 du protocole [sur le SEBC et la BCE] en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’une banque centrale nationale, qui est membre du [SEBC], verse, sur ses propres fonds, des compensations financières individuelles à une partie des anciens titulaires d’instruments financiers supprimés (selon le critère de la situation patrimoniale), en raison des suppressions [d’instruments financiers] qu’elle a décidées en exercice de la compétence qui lui a été assignée par la loi pour prendre des mesures exceptionnelles d’intérêt public afin de prévenir une menace pour la stabilité du système financier, alors que, pour avoir droit à une compensation, il suffit que l’instrument financier ait été supprimé, sans qu’il importe qu’ait été enfreint ou non le principe requérant qu’aucun détenteur d’instrument financier ne peut être moins bien traité que s’il n’y avait pas eu de mesure exceptionnelle ?

3)      Convient-il d’interpréter l’article 130 TFUE et l’article 7 du protocole [sur le SEBC et la BCE] en ce sens qu’ils s’opposent à ce que soit imposé à une banque centrale nationale le paiement d’une indemnité pour un préjudice qui est une conséquence de l’exercice de ses compétences légales, pour un montant qui est susceptible d’affecter sa capacité à remplir efficacement ses missions ? À cet égard, pour décider si le principe d’indépendance financière de la banque centrale nationale a été enfreint, les conditions légales dans lesquelles cette responsabilité est imposée importent-elles ?

4)      Convient-il d’interpréter les articles 53 à 62 de la directive [2013/36] ou les articles 44 à 52 de la directive [2006/48], qui garantissent la confidentialité des informations confidentielles obtenues ou créées lors du contrôle prudentiel des banques, en ce sens que ces directives garantissent également la confidentialité des informations obtenues ou créées lors de la mise en œuvre de mesures de sauvetage de banques destinées à préserver la stabilité du système financier, lorsqu’il n’a pas été possible d’écarter la menace pour la solvabilité et la liquidité des banques grâce à des mesures habituelles de contrôle prudentiel, ces mesures étant considérées comme des mesures d’assainissement au sens de la directive [2001/24] ?

5)      En cas de réponse affirmative à la [quatrième question], convient‑il d’interpréter les articles 53 à 62 de la directive [2013/36] ou les articles 44 à 52 de la directive [2006/48], relatifs à la protection des informations obtenues ou créées lors du contrôle prudentiel, en ce sens que, concernant cette protection, la directive [2013/36], ultérieure, est applicable également lorsqu’il s’agit d’informations confidentielles obtenues ou créées lorsque s’appliquait la directive [2006/48], si elles ont été divulguées lorsque s’appliquait la directive [2013/36] ?

6)      En cas de réponse affirmative à la [quatrième question], convient‑il d’interpréter l’article 53, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive [2013/36] (et l’article 44, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive [2006/48], selon la réponse à la question précédente) en ce sens que ne sont plus des informations confidentielles, relevant de l’obligation de respect du secret professionnel, des informations dont dispose la banque centrale nationale en tant qu’autorité de surveillance et qui, un certain temps après leur création, sont devenues publiques ou des informations qui étaient susceptibles d’être un secret professionnel mais datent de plus de cinq ans ou davantage et sont donc, en raison du temps écoulé, considérées comme historiques et ont, partant, perdu leur caractère confidentiel ? S’agissant des informations historiques qui datent de cinq ans ou davantage, le maintien du caractère confidentiel dépend-il du point de savoir si la confidentialité pourrait être justifiée par des motifs autres que la situation économique des banques surveillées ou d’autres entreprises ?

7)      En cas de réponse affirmative à la [quatrième question], convient‑il d’interpréter l’article 53, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive [2013/36] (et l’article 44, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive [2006/48], selon la réponse à la [cinquième question]), en ce sens qu’il permet une divulgation automatique, à tous les plaignants potentiels et à leurs représentants, de documents confidentiels qui ne concernent pas des tiers impliqués dans des tentatives de sauvetage d’un établissement de crédit et qui sont juridiquement pertinents pour la décision de la juridiction dans le cadre de l’action judiciaire civile en indemnisation contre l’autorité de surveillance prudentielle, déjà avant le début de la procédure judiciaire, sans procédure précise de décision au cas par cas quant au caractère justifié de la divulgation de chacun des documents à chacun des destinataires et sans mise en balance des intérêts contraires dans chaque cas individuel, et ce même s’il s’agit d’informations concernant des établissements de crédit qui n’ont pas été déclarés en faillite et dont la liquidation forcée n’a pas été ordonnée, mais qui ont bénéficié d’une aide d’État dans une procédure dans le cadre de laquelle ont été supprimés des instruments financiers d’actionnaires et de créanciers subordonnés d’établissements financiers ?

8)      En cas de réponse affirmative à la [quatrième question], convient‑il d’interpréter l’article 53, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive [2013/36] (et l’article 44, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive [2006/48], selon la réponse à la [cinquième question)], en ce sens qu’il permet la publication, accessible à tous, sur un site Internet, de documents confidentiels ou d’extraits de tels documents, qui ne concernent pas des tiers impliqués dans des tentatives de sauvetage d’un établissement financier, et qui sont juridiquement pertinents pour la décision de la juridiction dans le cadre de l’action judiciaire civile en indemnisation contre l’autorité de surveillance prudentielle, s’il s’agit d’informations concernant des établissements de crédit qui n’ont pas été déclarés en faillite et dont la liquidation forcée n’a pas été ordonnée, mais qui ont bénéficié d’une aide d’État dans une procédure dans le cadre de laquelle ont été supprimés des instruments financiers d’actionnaires et de créanciers subordonnés d’établissements financiers, même s’il est prescrit que, lors de la publication de cet avis sur un site Internet, toutes les informations confidentielles soient occultées ? »

 Sur la procédure devant la Cour

 Sur la demande d’application de la procédure accélérée

29      La juridiction de renvoi a demandé que le présent renvoi préjudiciel soit soumis à une procédure accélérée en vertu de l’article 105 du règlement de procédure de la Cour.

30      À l’appui de sa demande, cette juridiction relève que seule l’application du ZPSVIKOB est susceptible, dans l’état actuel de l’ordre juridique slovène, de permettre aux anciens titulaires d’instruments financiers supprimés d’obtenir une indemnisation et que les actions en réparation introduites par ceux-ci ont été suspendues dans l’attente de la réponse de la Cour à la présente demande de décision préjudicielle. De ce fait, l’intégrité du marché des valeurs mobilières serait menacée et un grand nombre de personnes seraient, depuis plus de six ans, privées d’un recours effectif pour défendre leur droit de propriété. En outre, dès lors que les questions posées portent, notamment, sur l’interdiction du financement monétaire et sur le principe d’indépendance des banques centrales nationales, la réponse de la Cour permettrait de remédier à une incertitude concernant l’interprétation de principes fondamentaux du droit de l’Union et du droit constitutionnel slovène.

31      L’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure prévoit que, à la demande de la juridiction de renvoi ou, à titre exceptionnel, d’office, le président de la Cour peut, lorsque la nature de l’affaire exige son traitement dans de brefs délais, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, décider de soumettre un renvoi préjudiciel à une procédure accélérée dérogeant aux dispositions de ce règlement.

32      En l’occurrence, le président de la Cour a décidé, le 9 février 2021, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, qu’il n’y avait pas lieu de faire droit à la demande visée au point 29 du présent arrêt.

33      Il importe de rappeler, à cet égard, que la procédure accélérée prévue à l’article 105 du règlement de procédure constitue un instrument procédural destiné à répondre à une situation d’urgence extraordinaire [voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2022, Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs (Assurance maladie complète), C‑247/20, EU:C:2022:177, point 41 et jurisprudence citée].

34      Partant, l’intérêt des justiciables, certes légitime, à voir déterminer le plus rapidement possible la portée des droits qu’ils tirent du droit de l’Union n’est pas de nature à établir l’existence d’une circonstance exceptionnelle, au sens de cet article 105, paragraphe 1 (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2022, Phoenix Contact, C‑44/21, EU:C:2022:309, point 16 et jurisprudence citée).

35      En outre, la sensibilité économique d’une affaire ou les intérêts économiques concernés, pour importants et légitimes qu’ils soient, ne sont pas de nature à justifier, à eux seuls, le recours à la procédure accélérée prévue audit article 105 (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2022, Phoenix Contact, C‑44/21, EU:C:2022:309, point 15 et jurisprudence citée). Le nombre important de personnes ou de situations juridiques potentiellement concernées par les questions posées n’est pas non plus susceptible, en tant que tel, de constituer une circonstance exceptionnelle de nature à justifier le recours à cette procédure (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2022, Caruter, C‑642/20, EU:C:2022:308, point 22 et jurisprudence citée).

36      S’il a été jugé que, lorsqu’une affaire soulève de graves incertitudes qui touchent à des questions fondamentales de droit constitutionnel national et de droit de l’Union, il peut être nécessaire, eu égard aux circonstances particulières d’une telle affaire, de la traiter dans de brefs délais, conformément à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure, le fait que l’affaire au principal est déterminante pour garantir la protection juridictionnelle du droit de propriété des anciens titulaires d’instruments financiers supprimés n’est pas, au regard des circonstances très particulières de cette affaire, de nature à justifier un tel traitement [voir, par analogie, arrêt du 3 mars 2022, Presidenza del Consiglio dei Ministri e.a. (Médecins spécialistes en formation), C‑590/20, EU:C:2022:150, point 31 ainsi que jurisprudence citée].

37      De même, si l’engagement d’une procédure accélérée peut être nécessaire pour dissiper une incertitude pouvant entraver le fonctionnement du SEBC (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 12 juin 2018, BCE/Lettonie, C‑238/18, non publiée, EU:C:2018:488, point 14), l’existence d’une telle incertitude ne saurait être constatée en l’occurrence, dès lors que les questions posées visent uniquement à déterminer les conséquences d’actes adoptés par la Banque centrale de Slovénie dans le cadre d’une politique nationale spécifique et que le fonctionnement du SEBC n’est donc pas entravé dans l’attente de l’issue de l’affaire au principal.

 Sur la demande de réouverture de la phase orale de la procédure

38      Par acte déposé au greffe de la Cour le 10 mai 2022, la Banque centrale européenne (BCE) a demandé la réouverture de la phase orale de la procédure.

39      À l’appui de cette demande, la BCE exprime son désaccord avec les conclusions de Mme l’avocate générale. Elle fait notamment valoir que ces conclusions reposent sur une interprétation large de la notion d’« obligations du secteur public », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement no 3603/93, qui aurait des conséquences importantes pour l’organisation générale de la politique économique et monétaire, et que les parties n’ont pas eu la possibilité de se prononcer sur ce point lors de l’audience.

40      À cet égard, il convient de rappeler, d’une part, que le statut de la Cour de justice de l’Union européenne et le règlement de procédure ne prévoient pas la possibilité, pour les parties, de présenter des observations en réponse aux conclusions présentées par l’avocat général [arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Pologne (Régime disciplinaire des juges), C‑791/19, EU:C:2021:596, point 41].

41      D’autre part, en vertu de l’article 252, second alinéa, TFUE, l’avocat général présente publiquement, en toute impartialité et en toute indépendance, des conclusions motivées sur les affaires qui, conformément au statut de la Cour de justice de l’Union européenne, requièrent son intervention. La Cour n’est liée ni par ces conclusions ni par la motivation au terme de laquelle l’avocat général parvient à celles‑ci. Par conséquent, le désaccord d’une partie avec les conclusions de l’avocat général, quelles que soient les questions qu’il examine dans celles-ci, ne peut constituer en soi un motif justifiant la réouverture de la phase orale de la procédure [arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Pologne (Régime disciplinaire des juges), C‑791/19, EU:C:2021:596, point 42].

42      Par ailleurs, la Cour peut certes, à tout moment, l’avocat général entendu, ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure, conformément à l’article 83 de son règlement de procédure, notamment si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée.

43      En l’occurrence, la Cour considère, toutefois, l’avocat général entendu, que, contrairement à ce que soutient la BCE, elle dispose, au terme de la phase écrite de la procédure et de l’audience qui s’est tenue devant elle, de tous les éléments nécessaires pour statuer, l’interprétation de la notion d’« obligations du secteur public », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement no 3603/93, ayant notamment été largement débattue entre les parties. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

44      Eu égard aux précisions apportées par la juridiction de renvoi concernant la législation nationale en cause au principal, il y a lieu de considérer que, par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 123, paragraphe 1, TFUE et l’article 21.1 du protocole sur le SEBC et la BCE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale prévoyant qu’une banque centrale nationale, appartenant au SEBC, est responsable, sur ses propres fonds, des dommages subis par d’anciens titulaires d’instruments financiers qu’elle a supprimés en application de mesures d’assainissement, au sens de la directive 2001/24, ordonnées par cette banque centrale, lorsqu’il apparaît, lors d’une procédure judiciaire ultérieure, que :

–        d’une part, soit cette suppression n’était pas nécessaire pour assurer la stabilité du système financier, soit ces anciens titulaires d’instruments financiers ont subi, du fait de ladite suppression, des pertes plus importantes que celles qu’ils auraient subies en cas de faillite de l’établissement financier concerné et

–        d’autre part, ladite banque centrale n’établit pas qu’elle-même ou les personnes qu’elle a habilitées à agir en son nom ont agi avec la diligence requise dans les circonstances spécifiques d’une situation de crise exigeant une appréciation rapide de problématiques complexes.

45      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’il résulte de l’article 282, paragraphe 1, TFUE ainsi que de l’article 1er et de l’article 14.3 du protocole sur le SEBC et la BCE que la BCE et les banques centrales nationales des États membres constituent le SEBC, ces banques centrales nationales faisant partie intégrante de ce système. Il ressort également de ces dispositions que la BCE et les banques centrales nationales des États membres dont la monnaie est l’euro, qui constituent l’Eurosystème, conduisent la politique monétaire de l’Union européenne [voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Slovénie (Archives de la BCE), C‑316/19, EU:C:2020:1030, point 79].

46      En outre, conformément à l’article 9.2 du protocole sur le SEBC et la BCE, les missions conférées au SEBC sont exécutées soit par la BCE, soit par les banques centrales nationales.

47      Il importe néanmoins de relever que la mise en œuvre de mesures d’assainissement des établissements de crédit, au sens de la directive 2001/24, telles que celles auxquelles se rapporte le régime de responsabilité visé par la première question, ne constitue pas une mission incombant, en vertu du droit de l’Union, au SEBC, en général, ou aux banques centrales nationales, en particulier.

48      En effet, une telle mission ne figure pas au nombre des missions fondamentales relevant du SEBC, énumérées à l’article 127, paragraphe 2, TFUE et à l’article 3.1 du protocole sur le SEBC et la BCE, à savoir définir et mettre en œuvre la politique monétaire de l’Union, conduire les opérations de change conformément à l’article 219 TFUE, détenir et gérer les réserves officielles de change des États membres ainsi que promouvoir le bon fonctionnement des systèmes de paiement.

49      Il y a d’ailleurs lieu de relever que la directive 2001/24 a été adoptée au titre des compétences de l’Union dans le domaine du marché intérieur, plus particulièrement celle de supprimer des obstacles à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services à l’intérieur de l’Union, et non de ses compétences dans le domaine de la politique économique et monétaire.

50      En outre, si l’article 127, paragraphe 5, TFUE et l’article 3.3 du protocole sur le SEBC et la BCE prévoient que le SEBC contribue à la bonne conduite des politiques menées en ce qui concerne le contrôle prudentiel des établissements de crédit et la stabilité du système financier, ces dispositions énoncent clairement que ces politiques sont menées non pas par le SEBC lui-même, mais par les « autorités compétentes ».

51      À cet égard, il résulte de l’article 2 et de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/24, lus en combinaison avec l’article 1er, point 4, de la directive 2000/12, applicables à la date des faits pertinents dans l’affaire au principal, que les États membres disposaient de la faculté de choisir l’autorité compétente pour décider de la mise en œuvre de mesures d’assainissement, au sens de la première de ces directives. Par conséquent, cette autorité n’était pas nécessairement, à cette date, la banque centrale de l’État membre concerné.

52      Cela étant, ainsi que la Cour l’a jugé, le SEBC représente, dans le droit de l’Union, une construction juridique originale qui associe et fait coopérer étroitement des institutions nationales, à savoir les banques centrales nationales, ainsi qu’une institution de l’Union, à savoir la BCE, et au sein de laquelle prévalent une articulation différente et une distinction moins marquée de l’ordre juridique de l’Union et des ordres juridiques internes. Dans ce système très intégré voulu par les auteurs des traités pour le SEBC, les banques centrales nationales ainsi que leurs gouverneurs ont un statut hybride, en ce qu’ils constituent à la fois des autorités nationales et des autorités agissant dans le cadre du SEBC [voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Slovénie (Archives de la BCE), C‑316/19, EU:C:2020:1030, point 83].

53      Dans ce contexte, conformément à l’article 14.4 du protocole sur le SEBC et la BCE, les banques centrales nationales peuvent exercer d’autres fonctions que celles qui sont spécifiées dans ce protocole, à moins que le conseil des gouverneurs ne décide que ces fonctions interfèrent avec les objectifs et les missions du SEBC.

54      Lorsque le législateur d’un État membre attribue une telle fonction à la banque centrale de cet État membre, cette fonction doit, en vertu de cette disposition, être exercée sous la propre responsabilité et aux propres risques de cette banque centrale.

55      En ce qui concerne, plus précisément, les modalités concrètes d’engagement de la responsabilité d’une banque centrale nationale, y compris lorsqu’elle exerce une fonction qui lui a été attribuée par le droit national, le protocole sur le SEBC et la BCE se borne à énoncer, à son article 35.3, que cette responsabilité est déterminée en fonction de ce droit.

56      Il découle de ce qui précède qu’il incombe à l’État membre concerné de définir les conditions dans lesquelles la responsabilité de sa banque centrale nationale peut être engagée en raison de la mise en œuvre, par celle-ci, d’une mesure d’assainissement, au sens de la directive 2001/24, dans le cas où cet État membre a décidé, à l’instar de la République de Slovénie, de désigner cette banque centrale comme étant l’autorité compétente pour mettre en œuvre une telle mesure.

57      Pour autant, dans l’exercice de cette compétence, les États membres sont tenus de respecter les obligations qui découlent, pour eux, du droit de l’Union et, en particulier, du titre VIII de la troisième partie du traité FUE, dans lequel figure l’article 123 de ce traité, ainsi que du protocole sur le SEBC et la BCE [voir, par analogie, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Pologne (Régime disciplinaire des juges), C‑791/19, EU:C:2021:596, point 56].

58      L’article 131 TFUE et l’article 14.1 de ce protocole exigent d’ailleurs explicitement que chaque État membre veille à la compatibilité de sa législation nationale, y compris des statuts de sa banque centrale nationale, avec les traités et ledit protocole.

59      Parmi les normes qui s’imposent, à ce titre, aux États membres figurent, notamment, l’article 123, paragraphe 1, TFUE et l’article 21.1 du protocole sur le SEBC et la BCE, sur lesquels porte la première question.

60      Il ressort du libellé de l’article 123, paragraphe 1, TFUE que cette disposition interdit à la BCE et aux banques centrales nationales d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux autorités et aux organismes publics de l’Union et des États membres ainsi que d’acquérir directement, auprès d’eux, des instruments de leur dette (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2018, Weiss e.a., C‑493/17, EU:C:2018:1000, point 102). Cette interdiction est réaffirmée à l’article 21.1 du protocole sur le SEBC et la BCE.

61      À cet égard, il y a lieu de constater que l’engagement de la responsabilité d’une banque centrale nationale, sur ses propres fonds, en raison de l’exercice d’une fonction qui lui a été attribuée par le droit national ne peut manifestement pas être qualifié d’acquisition directe des instruments de la dette d’un organisme public.

62      Les termes « découvert » et « autre type de crédit » utilisés à l’article 123 TFUE sont, quant à eux, ainsi que l’indique le deuxième considérant du règlement no 3603/93, précisés par ce règlement.

63      L’article 1er, paragraphe 1, sous a), dudit règlement prévoit ainsi que le terme « découvert » renvoie, aux fins de l’article 123 TFUE, à toute mise à disposition de ressources en faveur du secteur public qui se traduit ou est susceptible de se traduire par un solde débiteur en compte.

64      Une législation telle que celle visée par la première question n’impliquant pas que soit constitué, à la charge d’une banque centrale nationale, un solde débiteur en compte en faveur du secteur public, elle ne saurait, dès lors, être regardée comme conduisant à accorder un découvert, au sens de l’article 123, paragraphe 1, TFUE, aux autorités ou aux organismes publics.

65      L’article 1er, paragraphe 1, sous b), du règlement no 3603/93 définit les termes « autre type de crédit », aux fins de l’article 123 TFUE, comme visant toute créance sur le secteur public existant au 1er janvier 1994, tout financement d’obligations du secteur public à l’égard de tiers ou, sans préjudice de l’article 123, paragraphe 2, TFUE, toute opération avec le secteur public qui se traduit ou est susceptible de se traduire par une créance sur celui-ci.

66      Certes, les première et troisième catégories mentionnées à cet article 1er, paragraphe 1, sous b), ne sont pas susceptibles de couvrir l’engagement de la responsabilité d’une banque centrale nationale, sur ses propres fonds, en raison de l’exercice d’une fonction qui lui a été attribuée par le droit national, dès lors que l’engagement de cette responsabilité n’implique l’existence ni d’une créance de cette banque centrale sur le secteur public existant au 1er janvier 1994, ni d’une opération entre ladite banque centrale et le secteur public qui se traduit ou est susceptible de se traduire par une créance sur celui-ci.

67      En revanche, il ne saurait être exclu que l’engagement de ladite responsabilité puisse être regardé comme entraînant le financement d’une obligation du secteur public à l’égard de tiers, au sens dudit article 1er, paragraphe 1, sous b), ii), dans la mesure où celui-ci conduit la banque centrale nationale concernée à assumer des obligations à l’égard des tiers qui pourraient éventuellement incomber au secteur public.

68      À cet égard, il convient, en premier lieu, d’exclure d’emblée que l’engagement d’une telle responsabilité doive être considéré comme constituant, en toutes circonstances, un financement d’une obligation du secteur public à l’égard des personnes envers lesquelles cette responsabilité est engagée.

69      En effet, si les auteurs des traités avaient estimé que l’engagement de la responsabilité d’une banque centrale nationale en raison de l’exercice d’une fonction qui lui a été attribuée par le droit national était, en toute hypothèse, incompatible avec l’article 123, paragraphe 1, TFUE, ils n’auraient pas prévu explicitement, à l’article 14.4 et à l’article 35.3 du protocole sur le SEBC et la BCE, que de telles fonctions sont exercées par les banques centrales nationales sous leur propre responsabilité et à leurs propres risques, dans des conditions définies par le droit national.

70      Une telle interprétation de l’article 123, paragraphe 1, TFUE irait à l’encontre de la diversité des pratiques nationales en la matière, que les auteurs des traités ont entendu préserver en adoptant ces dispositions du protocole sur le SEBC et la BCE.

71      En deuxième lieu, il importe de souligner que, lorsque la responsabilité d’une banque centrale nationale est engagée non pas en raison du seul fait que celle-ci a exercé une fonction qui lui a été attribuée par le droit national et ne relevant pas du SEBC, mais en raison de la méconnaissance, par cette banque centrale, des règles s’imposant à elle dans ce cadre, l’indemnisation de tiers ayant subi un préjudice constitue la conséquence d’agissements de ladite banque centrale, et non la prise en charge d’une obligation préexistante à l’égard de tiers pesant sur les autres autorités publiques.

72      En troisième lieu, il convient d’interpréter l’article 1er, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement no 3603/93, qui vise à préciser la portée de l’article 123, paragraphe 1, TFUE, en tenant compte de l’objectif de cette seconde disposition, à savoir inciter les États membres à respecter une politique budgétaire saine en évitant qu’un financement monétaire des déficits publics ou un accès privilégié des autorités publiques aux marchés financiers ne conduise à un endettement excessif ou à des déficits excessifs des États membres (voir, en ce sens, arrêts du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 100, ainsi que du 11 décembre 2018, Weiss e.a., C‑493/17, EU:C:2018:1000, point 107).

73      Or, lors de l’application d’un régime dans lequel l’engagement de la responsabilité d’une banque centrale nationale découle de la méconnaissance, par celle-ci, de règles encadrant l’exercice d’une fonction qui lui a été attribuée par le droit national, le financement effectif d’obligations à l’égard de tiers par cette banque centrale nationale ne saurait normalement être regardé comme procédant directement de mesures arrêtées par les autres autorités publiques de l’État membre concerné. En principe, un tel financement ne peut ainsi s’analyser comme permettant à ces autorités publiques d’engager des dépenses en se soustrayant à l’incitation au respect d’une politique budgétaire saine découlant de l’article 123, paragraphe 1, TFUE.

74      Au vu de ce qui précède, un régime dans lequel la responsabilité d’une banque centrale nationale est engagée lorsque celle-ci ou les personnes qu’elle a habilitées à agir en son nom ne se sont pas conformées à l’obligation de diligence qui leur était imposée par le droit national, dans l’exercice d’une fonction attribuée à cette banque centrale par ce droit, ne saurait, en principe, être regardé comme impliquant un financement d’obligations du secteur public à l’égard de tiers.

75      Néanmoins, au regard du haut degré de complexité et d’urgence caractérisant la mise en œuvre de mesures d’assainissement au sens de la directive 2001/24, un tel régime de responsabilité ne saurait être appliqué aux dommages résultant de la mise en œuvre de ces mesures par une banque centrale nationale, sans exiger que la méconnaissance de l’obligation de diligence qui lui est reprochée présente un caractère grave. Dans le cas contraire, cela conduirait, en réalité, à faire peser sur cette banque centrale l’essentiel des aléas financiers inhérents à cette mise en œuvre et, partant, imposerait à ladite banque centrale, en violation de l’interdiction du financement monétaire, d’assumer, à la place des autres autorités publiques de l’État membre concerné, le financement effectif d’obligations à l’égard de tiers pouvant découler des choix de politique économique opérés par ces autorités publiques.

76      La circonstance que, dans un régime de responsabilité tel que celui visé par la première question, la charge de la preuve relative au respect de l’obligation de diligence pèse sur la banque centrale nationale concernée, plutôt que sur les requérants, n’est pas déterminante, aux fins de l’article 123, paragraphe 1, TFUE et de l’article 21.1 du protocole sur le SEBC et la BCE, pour autant que cette répartition de la charge de la preuve préserve, en tout état de cause, la possibilité, pour cette banque centrale nationale, de se décharger de sa responsabilité en prouvant qu’elle n’a pas méconnu cette obligation de manière grave.

77      Il convient encore de préciser que ne saurait être retenu l’argument de la BCE selon lequel l’article 17, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne imposerait aux États membres une obligation d’indemnisation des anciens titulaires d’instruments financiers, lorsque ces titulaires ont subi des pertes plus importantes que celles qu’ils auraient subies en cas de faillite de l’établissement financier concerné, de sorte qu’un régime national en vertu duquel la responsabilité d’une banque centrale peut, pour partie, trouver son origine dans de telles pertes impliquerait nécessairement un financement par cette banque centrale d’obligations du secteur public à l’égard de tiers.

78      En effet, il importe de rappeler que cet article 17, paragraphe 1, n’impose pas la mise en place de régimes de responsabilité assurant une indemnisation systématique des anciens titulaires d’instruments financiers ayant subi de telles pertes (voir, en ce sens, arrêt du 5 mai 2022, BPC Lux 2 e.a., C‑83/20, EU:C:2022:346, points 61 et 62).

79      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 123, paragraphe 1, TFUE et l’article 21.1 du protocole sur le SEBC et la BCE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une législation nationale prévoyant qu’une banque centrale nationale, appartenant au SEBC, est responsable, sur ses propres fonds, des dommages subis par d’anciens titulaires d’instruments financiers qu’elle a supprimés en application de mesures d’assainissement, au sens de la directive 2001/24, ordonnées par cette banque centrale, lorsqu’il apparaît, lors d’une procédure judiciaire ultérieure, que soit cette suppression n’était pas nécessaire pour assurer la stabilité du système financier, soit ces anciens titulaires d’instruments financiers ont subi, du fait de ladite suppression, des pertes plus importantes que celles qu’ils auraient subies en cas de faillite de l’établissement financier concerné, pour autant que ladite banque centrale ne soit tenue responsable que lorsqu’elle-même ou les personnes qu’elle a habilitées à agir en son nom ont agi en méconnaissance grave de leur obligation de diligence.

 Sur la deuxième question

80      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 123, paragraphe 1, TFUE et l’article 21.1 du protocole sur le SEBC et la BCE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale prévoyant qu’une banque centrale nationale, appartenant au SEBC, est responsable, sur ses propres fonds, dans des limites prédéterminées, des dommages subis par d’anciens titulaires d’instruments financiers qu’elle a supprimés en application de mesures d’assainissement, au sens de la directive 2001/24, ordonnées par cette banque centrale, aux seules conditions que :

–        d’une part, ces anciens titulaires soient des personnes physiques ayant un revenu annuel inférieur à un seuil défini par cette législation et 

–        d’autre part, lesdits anciens titulaires renoncent à obtenir une indemnisation de ces dommages au moyen d’une autre voie de droit.

81      À titre liminaire, il importe de relever qu’il découle des considérations figurant aux points 47 à 53 du présent arrêt qu’un régime de responsabilité tel que ceux visés par les première et deuxième questions contribue à définir les conditions de l’exercice d’une fonction autre que celles incombant au SEBC, attribuée à une banque centrale nationale par le droit national en vertu de l’article 14.4 du protocole sur le SEBC et la BCE.

82      Cela étant, le régime de responsabilité visé par la première question diffère de celui visé par la deuxième question, notamment en ce que ce dernier régime emporte une obligation, pour la banque centrale nationale concernée, d’indemniser certains anciens titulaires d’instruments financiers supprimés par celle-ci du seul fait de cette suppression, même s’il est établi que cette banque centrale s’était pleinement conformée aux règles s’imposant à elle à cet égard, en particulier en agissant avec diligence.

83      Un régime de responsabilité tel que celui visé par la deuxième question assure donc, en vue de réaliser un objectif d’ordre social, une indemnisation des conséquences inévitables des décisions prises par la banque centrale nationale en conformité avec les choix opérés par le législateur national dans la définition des fonctions de celle-ci.

84      S’il est loisible au législateur national de garantir, dans le respect du droit de l’Union, une telle indemnisation, en vue d’éviter que les effets des politiques menées dans le but de garantir la stabilité du système financier n’imposent une charge excessive à des personnes physiques au revenu modeste, force est de constater qu’il institue ainsi une obligation de paiement qui trouve directement sa source dans des choix politiques effectués par ce législateur, et non dans la manière dont la banque centrale de l’État membre concerné exerce ses fonctions ainsi que dans les choix propres que cette dernière effectue dans ce cadre.

85      Le versement, sur ses propres fonds, d’une telle indemnisation par la banque centrale nationale doit, dès lors, être regardé comme conduisant celle-ci à assumer, à la place des autres autorités publiques de l’État membre concerné, le financement d’obligations pesant sur le secteur public en application de la législation nationale de cet État membre.

86      Or, ainsi qu’il ressort des points 53 à 68 du présent arrêt, l’article 123, paragraphe 1, TFUE et l’article 21.1 du protocole sur le SEBC et la BCE s’opposent à l’institution d’un régime de responsabilité d’une banque centrale nationale, sur ses propres fonds, en raison de l’exercice d’une fonction qui lui a été attribuée par le droit national, lorsque l’application de ce régime de responsabilité implique le financement d’une obligation du secteur public à l’égard des personnes envers lesquelles cette responsabilité est engagée.

87      La circonstance qu’un tel régime de responsabilité ne s’applique que dans la limite de certains plafonds est, à cet égard, indifférente, dans la mesure où il ne ressort aucunement de ces dispositions que l’interdiction du financement monétaire découlant de celles-ci est subordonnée au montant de ce financement.

88      Par ailleurs, ne saurait prospérer l’argument du gouvernement slovène selon lequel l’application des dispositions visées au point 86 du présent arrêt devrait être écartée en raison du fait que les régimes de responsabilité en cause au principal sont financés sur la base d’une simple modification de la répartition des bénéfices annuels de la Banque centrale de Slovénie, impliquant une réduction, voire une suppression, de la part de ces bénéfices devant être reversés à la République de Slovénie, cette répartition ressortant des compétences du législateur national.

89      En effet, il ressort clairement de la demande de décision préjudicielle que celle-ci porte sur des régimes de responsabilité dont le financement est assuré non seulement par une telle répartition des bénéfices, mais également, en tant que de besoin, par un prélèvement sur les réserves générales de la Banque centrale de Slovénie, voire par un emprunt de celle-ci à la République de Slovénie, et donc sur les propres fonds de cette banque centrale.

90      En conséquence, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 123, paragraphe 1, TFUE et l’article 21.1 du protocole sur le SEBC et la BCE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale prévoyant qu’une banque centrale nationale, appartenant au SEBC, est responsable, sur ses propres fonds, dans des limites prédéterminées, des dommages subis par d’anciens titulaires d’instruments financiers qu’elle a supprimés en application de mesures d’assainissement, au sens de la directive 2001/24, ordonnées par cette banque centrale, aux seules conditions que :

–        d’une part, ces anciens titulaires soient des personnes physiques ayant un revenu annuel inférieur à un seuil défini par cette législation et

–        d’autre part, lesdits anciens titulaires renoncent à obtenir une indemnisation de ces dommages au moyen d’une autre voie de droit.

 Sur la troisième question

91      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 130 TFUE et l’article 7 du protocole sur le SEBC et la BCE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale prévoyant qu’une banque centrale nationale, appartenant au SEBC, est responsable des dommages causés par la suppression d’instruments financiers, en application de mesures d’assainissement, au sens de la directive 2001/24, ordonnées par cette banque centrale, pour un montant susceptible d’affecter sa capacité à remplir efficacement ses missions et financé, par ordre de priorité, par :

–        l’affectation à des réserves spéciales de l’ensemble des bénéfices réalisés par ladite banque centrale à compter d’une date déterminée ;

–        un prélèvement sur les réserves générales de la même banque centrale ne pouvant pas dépasser 50 % de ces réserves, et

–        un emprunt, assorti d’intérêts, auprès de l’État membre concerné.

92      À titre liminaire, il découle de la réponse apportée aux deux premières questions que l’interprétation de l’article 130 TFUE et de l’article 7 du protocole sur le SEBC et la BCE, qui fait l’objet de la troisième question, n’est utile à la solution de l’affaire au principal qu’au regard du régime de responsabilité visé par la première question, pour autant que ce régime permette à la Banque centrale de Slovénie de se décharger de sa responsabilité en prouvant qu’elle n’a pas méconnu de manière grave l’obligation de diligence qui lui incombe dans le cadre de l’adoption de mesures d’assainissement, au sens de la directive 2001/24.

93      Cette précision étant faite, il convient de rappeler que les auteurs du traité CE, puis du traité FUE ont entendu garantir que la BCE et le SEBC soient à même de s’acquitter de manière indépendante des missions qui leur sont confiées (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2019, Rimšēvičs et BCE/Lettonie, C‑202/18 et C‑238/18, EU:C:2019:139, point 46 ainsi que jurisprudence citée).

94      La principale manifestation de cette volonté figure à l’article 130 TFUE, reproduit en substance à l’article 7 du protocole sur le SEBC et la BCE, qui fait expressément interdiction, d’une part, à la BCE, aux banques centrales nationales et aux membres de leurs organes de décision de solliciter ou d’accepter des instructions des institutions, organes ou organismes de l’Union, des gouvernements des États membres ou de tout autre organisme et, d’autre part, auxdits institutions, organes ou organismes de l’Union ainsi qu’aux gouvernements des États membres de chercher à influencer les membres des organes de décision de la BCE et des banques centrales nationales dans l’accomplissement de leurs missions (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2019, Rimšēvičs et BCE/Lettonie, C‑202/18 et C‑238/18, EU:C:2019:139, point 47 ainsi que jurisprudence citée).

95      Certes, au regard du statut hybride des banques centrales nationales, rappelé au point 52 du présent arrêt, le principe d’indépendance de ces banques centrales ne s’applique pas nécessairement de la même manière lorsque celles-ci mènent une mission relevant du SEBC et lorsqu’elles exercent une fonction ne relevant pas de ce dernier qui leur a été attribuée par le droit national en vertu de l’article 14.4 du protocole sur le SEBC et la BCE, telle que celle sur laquelle porte la troisième question.

96      En outre, dès lors que, ainsi qu’il a été souligné au point 69 du présent arrêt, cet article 14.4 prévoit que les banques centrales nationales exercent une telle fonction sous leur propre responsabilité et à leurs propres risques, l’institution d’un régime permettant d’engager leur responsabilité pour des dommages causés lors de l’exercice de cette fonction ne saurait, en tant que telle, être regardée comme étant incompatible avec l’indépendance de ces banques centrales.

97      Toutefois, les règles nationales mises en place à cette fin ne sauraient, sans méconnaître l’article 130 TFUE et l’article 7 du protocole sur le SEBC et la BCE, placer la banque centrale nationale concernée dans une situation compromettant, d’une quelconque manière, sa capacité à s’acquitter de manière indépendante d’une mission relevant du SEBC.

98      À cet égard, il convient de rappeler que, en vue d’assurer l’indépendance de la BCE, les auteurs des traités ont notamment prévu, à l’article 282, paragraphe 3, troisième phrase, TFUE, que celle-ci est indépendante dans la gestion de ses finances (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2003, Commission/BCE, C‑11/00, EU:C:2003:395, points 130 et 132).

99      S’il est vrai que ni le traité FUE ni le protocole sur le SEBC et la BCE n’énoncent une règle équivalente s’agissant des banques centrales nationales, il n’en demeure pas moins que les missions fondamentales du SEBC, parmi lesquelles figurent, conformément à l’article 127, paragraphe 2, TFUE et à l’article 3.1 de ce protocole, la définition et la mise en œuvre de la politique monétaire de l’Union, incombent, par l’intermédiaire du SEBC, non seulement à la BCE, mais aussi aux banques centrales nationales [voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Slovénie (Archives de la BCE), C‑316/19, EU:C:2020:1030, point 80].

100    Or, en vue de participer à la mise en œuvre de la politique monétaire de l’Union, la constitution de réserves par les banques centrales nationales apparaît indispensable, notamment afin d’être en mesure de compenser d’éventuelles pertes résultant d’opérations de politique monétaire et de financer les opérations d’open market prévues à l’article 18 du protocole sur le SEBC et la BCE.

101    Dans ce contexte, un prélèvement sur les réserves générales d’une banque centrale nationale, d’un montant susceptible d’affecter sa capacité à remplir efficacement ses missions au titre du SEBC, combiné à une incapacité à reconstituer ces réserves de manière autonome, en raison d’une affectation systématique de l’ensemble de ses bénéfices au remboursement du préjudice qu’elle a causé, est de nature à placer cette banque centrale dans une situation de dépendance à l’égard des autorités politiques de l’État membre dont elle relève.

102    En effet, dans un tel cas, en vue de disposer des fonds nécessaires pour mener à bien ses missions au titre du SEBC, ladite banque centrale sera contrainte de solliciter l’accord de ces autorités politiques afin d’obtenir un financement ou une recapitalisation.

103    De même, le fait d’imposer, dans de telles circonstances, à une banque centrale nationale une obligation légale de contracter un emprunt auprès des autres autorités publiques de l’État membre dont elle relève, lorsque des sources de financement liées à des réserves sont épuisées, la place dans une situation dans laquelle elle doit, en vue de pouvoir remplir ses missions au titre du SEBC, négocier avec ces autorités publiques le montant d’un tel emprunt ainsi que les conditions auxquelles il est soumis.

104    Une législation telle que celle visée dans la troisième question place donc la banque centrale nationale concernée dans une situation dans laquelle elle est potentiellement exposée à des pressions politiques, alors que l’article 130 TFUE et l’article 7 du protocole sur le SEBC et la BCE visent, au contraire, à préserver le SEBC de toutes pressions politiques afin de lui permettre de poursuivre efficacement les objectifs assignés à ses missions, grâce à l’exercice indépendant des pouvoirs spécifiques dont il dispose à cette fin en vertu du droit primaire (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2019, Rimšēvičs et BCE/Lettonie, C‑202/18 et C‑238/18, EU:C:2019:139, point 47 ainsi que jurisprudence citée).

105    Il en irait toutefois différemment si l’État membre ayant institué un régime de responsabilité de sa banque centrale nationale tel que celui visé par la première question avait garanti de manière préalable que cette banque centrale disposera des fonds nécessaires pour être en mesure d’acquitter les indemnités découlant de ce régime, tout en conservant sa capacité à remplir efficacement et en pleine indépendance ses missions relevant du SEBC. En l’occurrence, il ne ressort néanmoins pas du dossier dont dispose la Cour que tel serait le cas.

106    Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de répondre à la troisième question que l’article 130 TFUE et l’article 7 du protocole sur le SEBC et la BCE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale prévoyant qu’une banque centrale nationale, appartenant au SEBC, est responsable des dommages causés par la suppression d’instruments financiers, en application de mesures d’assainissement, au sens de la directive 2001/24, ordonnées par cette banque centrale, pour un montant susceptible d’affecter sa capacité à remplir efficacement ses missions et financé, par ordre de priorité, par :

–        l’affectation à des réserves spéciales de l’ensemble des bénéfices réalisés par ladite banque centrale à compter d’une date déterminée ;

–        un prélèvement sur les réserves générales de la même banque centrale ne pouvant pas dépasser 50 % de ces réserves, et

–        un emprunt, assorti d’intérêts, auprès de l’État membre concerné.

 Sur la quatrième question

107    Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 44 à 52 de la directive 2006/48 ou les articles 53 à 62 de la directive 2013/36 doivent être interprétés en ce sens que les règles qu’ils énoncent sont applicables à des informations obtenues ou créées lors de la mise en œuvre de mesures d’assainissement, au sens de la directive 2001/24.

108    L’article 44 de la directive 2006/48 énonçait des obligations de secret professionnel et de confidentialité qui s’imposaient à toutes les personnes exerçant ou ayant exercé une activité pour les autorités compétentes, au sens de cette directive, ainsi qu’aux réviseurs et aux experts mandatés par ces autorités compétentes.

109    Les articles 45 à 52 de cette directive définissaient une série de règles encadrant l’utilisation, l’échange, la transmission et la divulgation d’informations par lesdites autorités compétentes.

110    L’article 4, point 4, de ladite directive précisait que, aux fins de celle-ci, on entend par « autorités compétentes » les autorités nationales habilitées, en vertu d’une loi ou d’une réglementation, à contrôler les établissements de crédit.

111    Les obligations énoncées à l’article 44 de la directive 2006/48 ont été, en substance, reprises à l’article 53 de la directive 2013/36, laquelle a abrogé, ainsi que l’indique son article 163, la directive 2006/48 avec effet au 1er janvier 2014.

112    Les articles 54 à 62 de la directive 2013/36 définissent les règles encadrant l’utilisation, l’échange, la transmission et la divulgation d’informations par les autorités compétentes, au sens de cette directive.

113    L’article 3, paragraphe 1, point 36, de ladite directive définit la notion d’« autorité compétente » par référence au sens donné à cette notion à l’article 4, paragraphe 1, point 40, du règlement no 575/2013, lequel renvoie à une autorité publique qui est habilitée, en vertu du droit national, à surveiller les établissements de crédit dans le cadre du système de surveillance existant dans l’État membre concerné.

114    Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que les obligations prévues aux articles 44 à 52 de la directive 2006/48 et aux articles 53 à 62 de la directive 2013/36 s’appliquent aux autorités investies, par le droit national, de la fonction de contrôle des établissements de crédit.

115    Dans le cas où une autorité nationale se voit confier par la législation d’un État membre non seulement cette fonction, mais également d’autres fonctions ne relevant pas des directives 2006/48 ou 2013/36, les obligations de secret professionnel et de confidentialité prévues par ces directives ne sauraient, sans excéder le champ de l’harmonisation opérée par lesdites directives, être imposées à des informations qui ont été obtenues ou créées dans l’exercice de ces autres fonctions.

116    Il s’ensuit, en premier lieu, que les règles énoncées aux articles 44 à 52 de la directive 2006/48 et aux articles 53 à 62 de la directive 2013/36 ne trouvent à s’appliquer, en vertu du droit de l’Union, qu’aux informations obtenues ou créées dans l’exercice de la fonction de contrôle des établissements de crédit.

117    Or, la quatrième question vise non pas de telles informations mais, de manière exclusive, des informations qui ont été obtenues ou créées lors de la mise en œuvre de mesures d’assainissement, au sens de la directive 2001/24, laquelle ne relève pas du contrôle prudentiel régi par les directives 2006/48 et 2013/36.

118    Cela étant, en second lieu, l’article 33 de la directive 2001/24 prévoit également une obligation de secret professionnel, en renvoyant aux règles et aux conditions prévues à l’article 30 de la directive 2000/12.

119    Ce renvoi doit être compris, en vertu de l’article 158, paragraphe 2, de la directive 2006/48, lu en combinaison avec le tableau de correspondance figurant à l’annexe XIV de cette directive, et de l’article 163 de la directive 2013/36, lu en combinaison avec le tableau de correspondance figurant à l’annexe II de cette directive, comme visant les articles 44 à 52 de la directive 2006/48, puis les articles 53 à 61 de la directive 2013/36, en fonction de la date considérée.

120    Il ressort toutefois du libellé de l’article 33 de la directive 2001/24 que celui-ci n’impose le respect d’obligations de secret professionnel et de confidentialité qu’aux personnes appelées à recevoir ou à donner des informations dans le cadre des procédures d’information ou de consultation prévues aux articles 4, 5, 8, 9, 11 et 19 de cette directive.

121    En outre, ainsi qu’il ressort du considérant 6 de cette directive, celle-ci a comme objectif de mettre en place un système de reconnaissance mutuelle des mesures d’assainissement, sans viser à harmoniser la législation nationale en cette matière (arrêts du 24 octobre 2013, LBI, C‑85/12, EU:C:2013:697, point 39, ainsi que du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 104).

122    Dans ces conditions, l’article 33 de ladite directive doit être interprété non pas comme procédant à une harmonisation générale des règles relatives au secret professionnel et à la confidentialité applicables en matière d’assainissement bancaire, en les soumettant à celles applicables dans le domaine du contrôle prudentiel des établissements bancaires, mais comme prévoyant uniquement l’application de telles règles dans le cadre des procédures d’information et de consultation entre autorités compétentes destinées à assurer la reconnaissance mutuelle des mesures d’assainissement.

123    Partant, cet article 33 ne saurait entraîner l’application des règles énoncées aux articles 44 à 52 de la directive 2006/48 et aux articles 53 à 61 de la directive 2013/36 à des informations qui ont été obtenues ou créées lors de la mise en œuvre de mesures d’assainissement et qui n’ont pas fait l’objet de procédures d’information ou de consultation en application de la directive 2001/24.

124    Dès lors, il y a lieu de répondre à la quatrième question que l’article 33 de la directive 2001/24, les articles 44 à 52 de la directive 2006/48 ainsi que les articles 53 à 62 de la directive 2013/36 doivent être interprétés en ce sens que les règles énoncées à ces articles ne sont pas applicables à des informations obtenues ou créées lors de la mise en œuvre de mesures d’assainissement, au sens de la directive 2001/24, qui n’ont pas fait l’objet de procédures d’information ou de consultation prévues aux articles 4, 5, 8, 9, 11 et 19 de cette dernière directive.

 Sur les cinquième à huitième questions

125    Au regard de la réponse apportée à la quatrième question, il n’y a pas lieu de répondre aux cinquième à huitième questions, celles-ci ayant été posées par la juridiction de renvoi dans l’hypothèse où une réponse affirmative serait apportée à la quatrième question.

 Sur les dépens

126    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

1)      L’article 123, paragraphe 1, TFUE et l’article 21.1 du protocole (nº 4) sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une législation nationale prévoyant qu’une banque centrale nationale, appartenant au Système européen de banques centrales, est responsable, sur ses propres fonds, des dommages subis par d’anciens titulaires d’instruments financiers qu’elle a supprimés en application de mesures d’assainissement, au sens de la directive 2001/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 avril 2001, concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit, ordonnées par cette banque centrale, lorsqu’il apparaît, lors d’une procédure judiciaire ultérieure, que soit cette suppression n’était pas nécessaire pour assurer la stabilité du système financier, soit ces anciens titulaires d’instruments financiers ont subi, du fait de ladite suppression, des pertes plus importantes que celles qu’ils auraient subies en cas de faillite de l’établissement financier concerné, pour autant que ladite banque centrale ne soit tenue responsable que lorsqu’elle-même ou les personnes qu’elle a habilitées à agir en son nom ont agi en méconnaissance grave de leur obligation de diligence.

2)      L’article 123, paragraphe 1, TFUE et l’article 21.1 du protocole (nº 4) sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale prévoyant qu’une banque centrale nationale, appartenant au Système européen de banques centrales, est responsable, sur ses propres fonds, dans des limites prédéterminées, des dommages subis par d’anciens titulaires d’instruments financiers qu’elle a supprimés en application de mesures d’assainissement, au sens de la directive 2001/24, ordonnées par cette banque centrale, aux seules conditions que :

–        d’une part, ces anciens titulaires soient des personnes physiques ayant un revenu annuel inférieur à un seuil défini par cette législation et

–        d’autre part, lesdits anciens titulaires renoncent à obtenir une indemnisation de ces dommages au moyen d’une autre voie de droit.

3)      L’article 130 TFUE et l’article 7 du protocole (nº 4) sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale prévoyant qu’une banque centrale nationale, appartenant au Système européen de banques centrales, est responsable des dommages causés par la suppression d’instruments financiers, en application de mesures d’assainissement, au sens de la directive 2001/24, ordonnées par cette banque centrale, pour un montant susceptible d’affecter sa capacité à remplir efficacement ses missions et financé, par ordre de priorité, par :

–        l’affectation à des réserves spéciales de l’ensemble des bénéfices réalisés par ladite banque centrale à compter d’une date déterminée ;

–        un prélèvement sur les réserves générales de la même banque centrale ne pouvant pas dépasser 50 % de ces réserves, et

–        un emprunt, assorti d’intérêts, auprès de l’État membre concerné.

4)      L’article 33 de la directive 2001/24, les articles 44 à 52 de la directive 2006/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2006, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et son exercice, ainsi que les articles 53 à 62 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE,

doivent être interprétés en ce sens que :

les règles énoncées à ces articles ne sont pas applicables à des informations obtenues ou créées lors de la mise en œuvre de mesures d’assainissement, au sens de la directive 2001/24, qui n’ont pas fait l’objet de procédures d’information ou de consultation prévues aux articles 4, 5, 8, 9, 11 et 19 de cette dernière directive.

Signatures


*      Langue de procédure : le slovène.

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