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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Philips Orăştie (Judgment) French Text [2022] EUECJ C-487/20 (10 February 2022) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/C48720.html Cite as: [2022] EUECJ C-487/20, EU:C:2022:92, ECLI:EU:C:2022:92 |
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ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)
10 février 2022 (*)
« Renvoi préjudiciel – Harmonisation des législations fiscales – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Articles 179 et 183 – Droit à déduction de la TVA – Modalités – Compensation ou remboursement de l’excédent de TVA – Obligations de paiement supplémentaires – Principe de neutralité fiscale – Principes d’équivalence et d’effectivité »
Dans l’affaire C‑487/20,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Curtea de Apel Alba Iulia (cour d’appel d’Alba Iulia, Roumanie), par décision du 22 septembre 2020, parvenue à la Cour le 2 octobre 2020, dans la procédure
Philips Orăştie SRL
contre
Direcţia Generală de Administrare a Marilor Contribuabili,
LA COUR (huitième chambre),
composée de M. J. Passer, président de la septième chambre, faisant fonction de président de la huitième chambre, MM. F. Biltgen (rapporteur) et N. Wahl, juges,
avocat général : Mme J. Kokott,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour Philips Orăştie SRL, par MM. M. Boian et D.-D. Dascălu ainsi que par Mme E. C. Antonescu, avocați,
– pour le gouvernement roumain, par Mmes E. Gane et L.-E. Baţagoi, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mmes A. Armenia et J. Jokubauskaitė, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 179, premier alinéa, et de l’article 183, premier alinéa, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »), ainsi que des principes d’équivalence, d’effectivité et de neutralité fiscale.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Philips Orăştie SRL à la Direcția Generală de Administrare a Marilor Contribuabili (direction générale pour l’administration des grands contribuables, Roumanie) au sujet des modalités d’exercice du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 L’article 179 de la directive TVA énonce :
« La déduction est opérée globalement par l’assujetti par imputation, sur le montant de la taxe due pour une période imposable, du montant de la TVA pour laquelle le droit à déduction a pris naissance et est exercé en vertu de l’article 178, au cours de la même période.
Toutefois, les États membres peuvent obliger les assujettis qui effectuent des opérations occasionnelles visées à l’article 12 à n’exercer le droit à déduction qu’au moment de la livraison. »
4 L’article 183 de cette directive dispose :
« Lorsque le montant des déductions dépasse celui de la TVA due pour une période imposable, les États membres peuvent soit faire reporter l’excédent sur la période suivante, soit procéder au remboursement selon les modalités qu’ils fixent.
Toutefois, les États membres peuvent refuser le report ou le remboursement lorsque l’excédent est insignifiant. »
5 L’article 252 de ladite directive prévoit :
« 1. La déclaration de TVA doit être déposée dans un délai à fixer par les États membres. Ce délai ne peut dépasser de plus de deux mois le terme de chaque période imposable.
2. Les États membres fixent la durée de la période imposable à un, deux ou trois mois.
Les États membres peuvent toutefois fixer des durées différentes pour autant qu’elles n’excèdent pas un an. »
Le droit roumain
6 Conformément à l’article 157, paragraphe 2, sous b bis), de la Legea nr. 207/2015 privind Codul de procedură fiscală (loi no 207/2015 portant code de procédure fiscale), du 20 juillet 2015 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 547 du 23 juillet 2015) (ci-après le « code de procédure fiscale »), ne sont pas considérées comme des arriérés fiscaux « les obligations fiscales établies dans des actes administratifs fiscaux contestés conformément à la loi, qui sont garanties conformément aux articles 210 à 211 ou à l’article 235 ».
7 L’article 233 du code de procédure fiscale, intitulé « Suspension de l’exécution forcée », prévoit, notamment :
« [...]
(2 bis) L’exécution forcée est suspendue ou ne commence pas dans les situations suivantes :
a) pour les créances fiscales établies par une décision de l’autorité fiscale compétente, si le débiteur notifie à l’autorité fiscale, après la communication de la décision, le dépôt d’une lettre de garantie ou police d’assurance de garantie, conformément à l’article 235. L’exécution forcée continue ou commence si le débiteur ne dépose pas la lettre de garantie ou police d’assurance de garantie dans un délai de 45 jours à compter de la date de communication de la décision établissant les créances fiscales ;
b) pour les créances fiscales établies dans des actes administratifs fiscaux contestés conformément à la loi et garanties conformément aux articles 210 à 211. L’exécution forcée continue ou commence après que les actes administratifs fiscaux sont devenus définitifs dans le système des voies de recours administratives ou judiciaires.
(2 ter) Pendant toute la période de suspension de l’exécution forcée en vertu du paragraphe (2 bis), les créances fiscales faisant l’objet de la suspension ne sont pas éteintes, à moins que le débiteur opte pour leur extinction conformément à l’article 165, paragraphe 8.
[...] »
8 L’article 235, paragraphes 1 et 5, du code de procédure fiscale est libellé comme suit :
« (1) Dans le cas des réclamations introduites contre des actes administratifs fiscaux établissant des créances fiscales, conformément au présent code, y compris pendant l’examen du recours contentieux administratif, l’exécution forcée est suspendue ou ne commence pas pour les obligations fiscales contestées si le débiteur dépose auprès de l’autorité fiscale compétente une lettre de garantie ou police d’assurance de garantie pour les obligations fiscales contestées et impayées au moment du dépôt de la garantie. La validité de la lettre de garantie ou police d’assurance de garantie doit être d’au moins 6 mois à compter de la date d’émission.
[...]
(5) Pendant toute la période de suspension de l’exécution forcée en vertu du présent article, les créances fiscales faisant l’objet de la suspension ne sont pas éteintes, à moins que le débiteur opte pour leur extinction conformément à l’article 165, paragraphe 8. »
9 L’article 303 de la Legea nr. 227/2015 privind Codul fiscal (loi no 227/2015 portant code des impôts), du 8 septembre 2015 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 688 du 10 septembre 2015) (ci-après le « code des impôts »), dispose :
« (1) Lorsque la taxe afférente aux acquisitions effectuées par un assujetti identifié à la TVA, conformément à l’article 316, qui est déductible au cours d’une période imposable, est supérieure à la taxe perçue pour des opérations imposables, il en résulte un excédent au cours de la période de référence, ci-après dénommé montant négatif de la taxe.
(2) Après détermination de la taxe due ou du montant négatif de la taxe pour les opérations effectuées au cours de la période imposable de référence, les assujettis doivent procéder aux régularisations prévues au présent article, par le décompte de taxe visé à l’article 323.
(3) Le montant négatif de la taxe, cumulé, est déterminé en ajoutant au montant négatif de la taxe, résultant au cours de la période imposable de référence, le solde du montant négatif de la taxe, reporté du décompte de la période imposable précédente, si son remboursement n’a pas été demandé, et les différences de TVA négatives établies par les autorités de contrôle fiscal par décisions communiquées jusqu’à la date du dépôt du décompte.
(4) La taxe cumulée due est déterminée au cours de la période imposable de référence en ajoutant à la taxe due pour la période imposable de référence les sommes non payées au Trésor public, jusqu’à la date de dépôt du décompte de taxe visé à l’article 323, du solde de la taxe due pour la période imposable antérieure, ainsi que les montants impayés au Trésor public, jusqu’à la date de dépôt du décompte, des différences de TVA dues établies par les autorités de contrôle fiscal par des avis communiqués jusqu’à la date du dépôt du décompte. Par exception :
a) dans le premier décompte de taxe déposé auprès de l’autorité fiscale après la date d’approbation d’une facilité de paiement, la taxe cumulée due pour laquelle la facilité de paiement a été approuvée n’est pas reprise du décompte de la période imposable antérieure ;
b) dans le premier décompte de taxe déposé auprès de l’autorité fiscale après la date d’inscription de l’autorité fiscale à la masse des créanciers en vertu de la loi no 85/2014, la taxe cumulée due avec laquelle l’autorité fiscale s’est inscrite à la masse des créanciers en vertu de la loi no 85/2014 n’est pas reprise du décompte de la période imposable antérieure.
(5) Par exception aux dispositions des paragraphes (3) et (4), les différences de TVA négatives établies par les autorités de contrôle ou les montants impayés au Trésor public, jusqu’à la date de dépôt du décompte, des différences de TVA dues établies par les autorités de contrôle fiscal par des décisions dont l’exécution a été suspendue par les juridictions, conformément à la loi, ne sont pas ajoutés au montant négatif ou à la taxe cumulée due, selon le cas, résultant pendant les périodes de suspension de l’exécution de la décision. Ces sommes sont comprises dans le décompte de la période imposable au cours de laquelle a pris fin la suspension de l’exécution de la décision, en vue de la détermination du montant négatif de la taxe, cumulé, ou, selon le cas, de la taxe due, cumulée.
(6) Par le décompte de taxe visé à l’article 323, les assujettis doivent déterminer les différences entre les montants visés aux paragraphes (3) et (4), qui représentent les régularisations de taxe, et l’établissement du solde de la taxe due ou du solde du montant négatif de la taxe. Si la taxe cumulée due est supérieure au montant négatif de la taxe cumulée, il résulte un solde de taxe à payer pendant la période imposable de référence. Si le montant négatif de la taxe cumulée est supérieur à la taxe cumulée due, il en résulte un solde du montant négatif de la taxe pendant la période imposable de référence.
[...] »
Le litige au principal et la question préjudicielle
10 Au mois de septembre 2016, la direction générale pour l’administration des grands contribuables a émis un avis d’imposition (ci-après l’« avis d’imposition ») mettant à la charge de Philips Orăștie le paiement d’un montant de 31 628 916 lei roumains (RON) (environ 6 325 783 euros) au titre de la TVA et des obligations fiscales accessoires.
11 Étant donné que, en ce qui concerne les sommes établies par cet avis d’imposition, l’exécution n’était pas suspendue, Philips Orăștie a inscrit, au décompte afférent au mois de septembre 2016, une somme de 21 799 334 RON (environ 4 359 866 euros), représentant « des différences de TVA à payer établies par l’avis d’imposition impayées jusqu’à la date du dépôt du décompte de TVA », sans en demander le remboursement. Après compensation, il restait à la charge de Philips Orăștie un montant de 12 096 916 RON (environ 2 419 383 euros).
12 Par ailleurs, Philips Orăștie a introduit, le 4 novembre 2016, une réclamation fiscale contre l’avis d’imposition, en contestant la légalité de celui-ci pour ce qui est du montant de 21 799 334 RON (environ 4 359 866 euros). Lors de l’introduction de cette réclamation, Philips Orăștie a déposé une lettre de garantie bancaire, émise le même jour, portant sur une somme de 31 577 059 RON (environ 6 315 412 euros). Cette lettre de garantie bancaire a été prolongée par des actes additionnels ultérieurs jusqu’au 4 mars 2020.
13 Entre le mois de novembre 2016 et le mois de mars 2019, Philips Orăștie a déposé des décomptes de TVA dans lesquels elle n’a pas inscrit, à la ligne 38 de ceux-ci, en tant qu’arriérés, les différences de TVA dues, telles que figurant dans l’avis d’imposition et non acquittées jusqu’à la date de dépôt de ces décomptes, tout en demandant le remboursement de la TVA. Cette société estimait que, au regard des dispositions de l’article 233 et de l’article 235, paragraphes 1 et 5, du code de procédure fiscale, ces différences ne pouvaient ni être qualifiées « d’arriérés » ni faire partie de la « TVA cumulée due », telle que définie à l’article 303, paragraphe 4, du code des impôts. La direction générale pour l’administration des grands contribuables a émis des décisions de remboursement de la TVA sans formuler d’objection quant à la manière dont lesdits décomptes avaient été remplis ni quant à l’interprétation des règles pertinentes par Philips Orăștie.
14 Par un jugement du 5 mars 2019, la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest, Roumanie) a fait droit au recours introduit par Philips Orăștie contre l’avis d’imposition et a annulé le supplément de TVA d’un montant de 21 799 334 RON (environ 4 359 866 euros). Il ressort de la demande de décision préjudicielle que, au moment de l’adoption de celle-ci, ce jugement n’était pas définitif.
15 Dans ses décomptes de TVA afférents aux mois d’avril et de mai 2019, Philips Orăștie n’a, comme précédemment, pas inscrit à la ligne 38 de ceux-ci les différences de TVA dues établies dans l’avis d’imposition et impayées jusqu’à la date de dépôt de ces décomptes.
16 La direction générale pour l’administration des grands contribuables a informé Philips Orăștie qu’elle considérait que la ligne 38 des décomptes des mois d’avril et de mai 2019, relative à un montant de TVA due de 12 096 916 RON (environ 2 419 383 euros), était remplie de manière erronée et a émis deux décisions de rectification de ces décomptes, par lesquelles elle a modifié le montant de la TVA due indiqué sur ceux-ci, en incluant dans la TVA cumulée due la somme de 21 799 334 RON (environ 4 359 866 euros), avec effet direct sur le montant de la TVA à rembourser.
17 Après que sa réclamation administrative contre ces décisions a été rejetée, Philips Orăștie a saisi la juridiction de renvoi d’un recours en annulation contre lesdites décisions en faisant valoir, notamment, que, dès lors que le code de procédure fiscale reconnaît l’effet suspensif d’exécution des obligations fiscales établies par des actes d’imposition qui ont été contestés, mais pour lesquelles une lettre de garantie bancaire a été déposée, la même règle doit s’appliquer également dans le cas où ces obligations de paiement visent un supplément de TVA établi par des avis d’imposition contestés, et cela d’autant plus que cette interprétation a été confirmée par les autorités fiscales entre les mois de novembre 2016 et de mars 2019. Cette société a également fait valoir que, s’il est vrai que les États membres disposent d’une marge d’appréciation dans le cadre de la transposition des dispositions de la directive TVA, il leur appartient de respecter les principes généraux applicables, à savoir les principes d’équivalence, d’effectivité et de neutralité de la TVA, tels que définis par la jurisprudence de la Cour en la matière, lesquels ne sont pourtant, en l’occurrence, pas respectés par le droit roumain.
18 La direction générale pour l’administration des grands contribuables, quant à elle, a soutenu que le mécanisme d’établissement de la TVA due ou à rembourser est un mécanisme spécial et que les dispositions de l’article 303, paragraphes 4 et 5, du code des impôts ont un caractère spécial par rapport à celles des articles 157, 233 et 235 du code de procédure fiscale, qui ne sont applicables qu’aux autres types de taxes et d’impôts. Partant, le dépôt d’une lettre de garantie bancaire ne suffirait pas pour exclure du calcul de la « TVA cumulée due » des obligations fiscales établies par un avis d’imposition contesté.
19 Dans ces conditions, la Curtea de Apel Alba Iulia (cour d’appel d’Alba Iulia, Roumanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Les dispositions de l’article 179, [premier alinéa], et de l’article 183, [premier alinéa], de la directive [TVA], lues en combinaison avec les principes d’équivalence, d’effectivité et de neutralité, peuvent-elles être interprétées comme s’opposant à une réglementation/pratique nationale imposant la diminution de la TVA à rembourser par l’inclusion dans le calcul de la TVA due de sommes représentant des obligations de paiement supplémentaires établies dans un avis d’imposition, annulé par une décision de justice non définitive, alors que ces obligations supplémentaires sont garanties par une lettre de garantie bancaire et que les règles nationales en matière de procédure fiscale reconnaissent l’effet suspensif d’exécution de cette garantie pour les autres taxes et impôts ? »
Sur la question préjudicielle
20 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 179, premier alinéa, et l’article 183, premier alinéa, de la directive TVA ainsi que les principes de neutralité fiscale, d’équivalence et d’effectivité doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale permettant à l’administration fiscale d’un État membre de refuser le remboursement d’un supplément de TVA établi et payé à la suite d’un avis d’imposition contesté par l’assujetti concerné et ayant fait l’objet d’une décision de justice non définitive en faveur de cet assujetti, alors que ce dernier dispose d’une garantie bancaire portant sur le montant de TVA en cause et que, conformément au droit procédural national, s’agissant d’autres impôts et taxes, la constitution d’une telle garantie bancaire permet d’obtenir un tel remboursement.
21 À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il incombe à la Cour de répondre à cette question en se fondant sur la réglementation nationale et le cadre factuel définis par la juridiction de renvoi, seule compétente à cet égard, et de lui fournir tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui peuvent lui permettre d’apprécier la conformité de cette réglementation avec les dispositions de la directive TVA (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2011, Enel Maritsa Iztok 3, C‑107/10, EU:C:2011:298, point 38).
22 Dès lors, en l’occurrence, il n’y a pas lieu d’examiner l’argumentation, avancée par le gouvernement roumain, selon laquelle Philips Orăștie aurait eu d’autres options que celles qu’elle a choisies pour faire valoir ses droits et qui auraient été sans charge financière supplémentaire pour elle. En effet, l’existence de telles options dans le droit roumain n’a pas été évoquée par la juridiction de renvoi et il n’appartient pas à la Cour de revenir sur l’interprétation du droit national fournie par la juridiction de renvoi.
23 Il convient, ensuite, de rappeler que, en vertu de l’article 179, premier alinéa, de la directive TVA, la déduction est opérée globalement par l’assujetti par imputation, sur le montant de la taxe due pour une période imposable, du montant de la TVA pour laquelle le droit à déduction a pris naissance et est exercé au cours de la même période. L’article 183, premier alinéa, de cette directive précise que, lorsque le montant des déductions dépasse celui de la TVA due pour une période imposable, il existe un excédent qui peut être soit reporté sur la période suivante, soit remboursé.
24 La Cour a d’ailleurs itérativement jugé que, si la mise en œuvre du droit au remboursement de l’excédent de TVA prévue à l’article 183 de la directive TVA relève, en principe, de l’autonomie procédurale des États membres, il n’en reste pas moins que cette autonomie est encadrée par les principes d’équivalence et d’effectivité (arrêt du 12 mai 2011, Enel Maritsa Iztok 3, C‑107/10, EU:C:2011:298, point 29 et jurisprudence citée).
25 Quant à la possibilité, en vertu de l’article 183 de la directive TVA, de prévoir que l’excédent de TVA soit reporté sur la période d’imposition suivante ou qu’il soit remboursé, la Cour a précisé que, si les États membres disposent d’une liberté certaine dans l’établissement des modalités de remboursement de l’excédent de TVA, ces modalités ne peuvent pas porter atteinte au principe de la neutralité fiscale en faisant supporter à l’assujetti, en tout ou en partie, le poids de cette taxe. En particulier, de telles modalités doivent permettre à l’assujetti de récupérer, dans des conditions adéquates, la totalité de la créance résultant de cet excédent de TVA, cela impliquant que le remboursement soit effectué, dans un délai raisonnable, par un paiement en liquidités ou d’une manière équivalente, et que, en tout état de cause, le mode de remboursement adopté ne doit faire courir aucun risque financier à l’assujetti (arrêt du 12 mai 2011, Enel Maritsa Iztok 3, C‑107/10, EU:C:2011:298, point 33 et jurisprudence citée).
26 En outre, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’article 183 de la directive TVA ne saurait être interprété en ce sens qu’il s’oppose nécessairement à une réglementation nationale qui prévoit des modalités de remboursement de l’excédent de TVA combinant les deux voies de restitution de l’excédent de TVA prévues à cet article 183, à savoir le report sur la période suivante et le remboursement de cet excédent, ou qui prévoit le report de celui-ci non pas sur la période d’imposition suivante, mais sur plusieurs périodes d’imposition, pour autant que les limites posées à l’article 252, paragraphe 2, de la directive TVA soient respectées (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2011, Enel Maritsa Iztok 3, C‑107/10, EU:C:2011:298, points 47 à 49).
27 En revanche, une réglementation nationale en application de laquelle l’assujetti doit supporter une partie de la charge financière de l’excédent de TVA pendant une période considérée comme n’étant pas raisonnable porte atteinte au principe de neutralité fiscale (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2012, Mednis, C‑525/11, EU:C:2012:652, point 27).
28 En l’occurrence, s’agissant du principe de neutralité fiscale, il y a lieu de constater que, en l’absence d’indication, dans la demande de décision préjudicielle, de la période exacte pendant laquelle un assujetti ne peut, en application de la législation roumaine, obtenir le remboursement de l’excédent de TVA dont il peut se prévaloir au titre d’une période d’imposition déterminée, il appartient à la juridiction de renvoi, seule compétente pour statuer sur les faits, de décider si cette législation fait effectivement supporter à l’assujetti, pendant une période considérée comme n’étant pas raisonnable, au sens de la jurisprudence de la Cour, la charge financière de l’excédent de TVA ou d’une partie de celui-ci.
29 S’agissant des principes d’équivalence et d’effectivité, auxquels il est déjà fait référence au point 24 du présent arrêt, il y a lieu de rappeler que les modalités procédurales relatives aux recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union ne doivent pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de droit interne (principe d’équivalence) ni aménagées de manière à rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) (voir, notamment, arrêt du 30 juin 2016, Câmpean, C‑200/14, EU:C:2016:494, point 39 et jurisprudence citée).
30 Certes, il appartient à la juridiction de renvoi, qui est seule à avoir une connaissance directe des modalités des recours en restitution dirigés contre l’État, de vérifier si les modalités procédurales destinées à assurer, en droit interne, la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union sont conformes au principe d’équivalence et d’examiner tant l’objet que les éléments essentiels des recours prétendument similaires de nature interne. À ce titre, la juridiction nationale doit vérifier la similitude des recours concernés sous l’angle de leur objet, de leur cause et de leurs éléments essentiels (arrêt du 19 juillet 2012, Littlewoods Retail e.a., C‑591/10, EU:C:2012:478, point 31 ainsi que jurisprudence citée).
31 Toutefois, la Cour peut, en vue de la vérification à laquelle la juridiction nationale devra procéder, lui fournir certains éléments tenant à l’interprétation du droit de l’Union.
32 En l’occurrence, dans sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi indique que le régime général des obligations fiscales relatives aux taxes et aux impôts nationaux, tel que prévu aux articles 157, 233 et 235 du code de procédure fiscale, consacre la règle selon laquelle, lorsqu’un avis d’imposition est contesté, mais qu’une lettre de garantie bancaire est déposée pour l’ensemble des obligations fiscales s’y rapportant, le caractère exécutoire de cet avis est suspendu et l’extinction de ces obligations ne peut avoir lieu, par anticipation, que dans la mesure où le débiteur en fait la demande. En revanche, en matière de TVA, ces dispositions ne trouveraient pas à s’appliquer et l’article 303, paragraphes (4) et (5), du code des impôts ne prévoirait pas une telle règle, de telle sorte que le dépôt d’une lettre de garantie bancaire n’aurait pas pour effet de suspendre l’exigibilité des obligations fiscales au titre de la TVA.
33 Afin de démontrer que le principe d’équivalence est respecté, le gouvernement roumain fait valoir, d’une part, que, si Philips Orăștie visait la suspension des effets de l’avis d’imposition, elle avait la possibilité de demander à la juridiction administrative cette suspension dans les conditions prévues aux articles 14 et 15 de la Legea contenciosului administrativ nr. 554/2004 (loi sur le contentieux administratif no 554/2004) (Monitorul Oficial al României, partie I, no 1154 du 7 décembre 2004), dans sa version applicable au litige au principal. D’autre part, la non-reconnaissance d’un tel effet suspensif en matière de TVA, alors que cet effet est reconnu pour d’autres obligations fiscales, ne serait pas de nature à remettre en cause le respect du principe d’équivalence, étant donné que cette suspension est sans incidence sur le caractère déductible de la TVA et sur l’extinction des obligations fiscales en elle-même. Les modalités procédurales appliquées en matière de TVA ne seraient donc pas moins favorables que celles applicables aux obligations fiscales qui découlent du droit national, étant donné que, en tout état de cause, l’obligation de paiement serait non pas éteinte, mais seulement suspendue.
34 Ainsi, afin de déterminer si le principe d’équivalence est respecté dans l’affaire au principal, il incombera à la juridiction de renvoi d’apprécier, en premier lieu, si les recours auxquels s’appliquent des modalités procédurales que le gouvernement roumain considère comme étant analogues à celles prévues aux articles 157, 233 et 235 du code de procédure fiscale sont, du point de vue de leur cause, de leur objet ainsi que de leurs éléments essentiels, comparables à un recours fondé sur les droits tirés du droit de l’Union, tel que celui au principal.
35 Tel ne paraît pas être le cas, ainsi que la juridiction de renvoi l’a elle-même relevé, s’agissant de recours relatifs à des obligations de paiement de la TVA découlant d’avis d’imposition contestés et des possibilités d’obtenir une suspension de l’exigibilité de ces obligations, ce qu’il incombe toutefois à cette juridiction de vérifier.
36 En second lieu, il reviendra à ladite juridiction d’établir si les modalités procédurales applicables aux recours nationaux qu’elle a identifiés comme étant similaires au recours en cause au principal ne sont pas, en réalité, plus favorables que celles applicables dans le litige dont elle est saisie, en vertu de l’article 303, paragraphes (4) et (5), du code des impôts. Or, force est de constater qu’il ressort de la description du droit national à laquelle la juridiction de renvoi a procédé dans sa demande de décision préjudicielle que, en l’occurrence, les assujettis disposent, en matière de TVA, de moyens procéduraux moins favorables que ceux dont ils disposent s’agissant de droits qu’ils tirent du droit national, en ce qui concerne des impôts et des taxes autres que la TVA. Il incombe à la juridiction de renvoi de procéder aux vérifications nécessaires afin de garantir le respect du principe d’équivalence en ce qui concerne la réglementation applicable au litige dont elle est saisie.
37 S’agissant du principe d’effectivité, il suffit de constater que, en l’occurrence, ce principe ne semble pas être en cause dès lors que, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, il ne ressort pas du dossier dont dispose la Cour et il n’a d’ailleurs pas été allégué que la réglementation nationale en cause au principal rende excessivement difficile ou impossible en pratique l’exercice des droits tirés de l’ordre juridique de l’Union. Partant, il n’y a pas lieu de se prononcer à cet égard.
38 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre que l’article 179, premier alinéa, et l’article 183, premier alinéa, de la directive TVA ainsi que le principe d’équivalence doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui prévoit des modalités procédurales relatives aux recours tendant au remboursement de la TVA, fondés sur une violation du système commun de TVA, moins favorables que celles applicables aux recours similaires fondés sur une violation du droit interne relatif à des impôts et des taxes autres que la TVA.
Sur les dépens
39 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :
L’article 179, premier alinéa, et l’article 183, premier alinéa, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que le principe d’équivalence doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui prévoit des modalités procédurales relatives aux recours tendant au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), fondés sur une violation du système commun de TVA, moins favorables que celles applicables aux recours similaires fondés sur une violation du droit interne relatif à des impôts et des taxes autres que la TVA.
Signatures
* Langue de procédure : le roumain.
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