Dorit-DFT v EUIPO - Erwin Suter (DORIT) (EU Trade Mark - Judgment) French Text [2022] EUECJ T-208/21 (06 April 2022)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/T20821.html
Cite as: [2022] EUECJ T-208/21

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

6 avril 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque verbale DORIT – Dénominations sociales nationales antérieures – Motif relatif de refus – Absence d’utilisation dans la vie des affaires d’un signe dont la portée n’est pas seulement locale – Article 8, paragraphe 4, et article 52, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 40/94 [devenus article 8, paragraphe 4, et article 60, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑208/21,

Dorit-DFT Fleischereimaschinen GmbH, établie à Ellwangen (Allemagne), représentée par Me E. Strauß, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme D. Walicka, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Erwin Suter AG Maschinenfabrik Retus, établie à Kölliken (Suisse), représentée par Me C. Brecht, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 9 février 2021 (affaire R 127/2020-5), relative à une procédure de nullité entre Dorit-DFT Fleischereimaschinen et Erwin Suter Maschinenfabrik Retus,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva et M. P. Zilgalvis (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 16 avril 2021,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 16 juillet 2021,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 21 juillet 2021,

vu la réattribution de l’affaire à un nouveau juge rapporteur,

vu la désignation d’un autre juge pour compléter la chambre à la suite du décès de M. le juge Berke, survenu le 1er août 2021,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 15 février 2006, M. Beat Suhner, le prédécesseur en droit de l’intervenante, Erwin Suter AG Maschinenfabrik Retus, revendiquant la priorité de la marque suisse no 103 264 du 8 septembre 2005, a présenté une demande d’enregistrement international d’une marque verbale avec désignation de l’Union européenne.

2        Le 13 avril 2006, l’enregistrement international a été notifié à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)]. Il a été publié au Bulletin des marques communautaires no 016/2006, du 17 avril 2006.

3        La marque faisant l’objet de l’enregistrement international no 878792 désignant l’Union européenne est le signe verbal DORIT.

4        Les produits et les services pour lesquels la marque a été enregistrée relèvent, après la limitation de la liste des produits enregistrée le 28 août 2007, des classes 7 et 37 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent,  pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 7 : « Machines, à savoir celles pour le traitement alimentaire » ;

–        classe 37 : « Réparation et entretien des machines mentionnées en classe 7 ».

5        Le 12 mars 2018, la requérante, Dorit-DFT Fleischereimaschinen GmbH, successeur en droit de Dorit Fleischereimaschinen GmbH à la suite d’une fusion en 2009 avec DFT Deutsche Fleisch Technik GmbH, a introduit auprès de l’EUIPO une demande en nullité de la marque contestée pour tous les produits et services visés au point 4 ci-dessus, au titre de l’article 60, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du même règlement.

6        À l’appui de sa demande en nullité, la requérante a invoqué les dénominations sociales DORIT Fleischereimaschinen GmbH et DORIT-DFT Fleischereimaschinen GmbH enregistrées en Allemagne et utilisées pour les produits et les services correspondant à la description suivante : « Fabrication et distribution de machines pour boucherie ainsi qu’élaboration et production de dispositifs et d’appareils connexes en tout genre et commerce de ces produits ».

7        Par décision du 17 décembre 2019, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité dans son intégralité.

8        Le 17 janvier 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

9        Par décision du 9 février 2021 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En substance, elle a estimé que les documents produits, considérés dans leur ensemble, n’étaient pas suffisants pour prouver, à la date de la priorité revendiquée du fait de l’enregistrement de la marque suisse le 8 septembre 2005, un usage des enseignes revendiquées dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale pour les activités indiquées par la requérante. En effet, seuls deux documents relatifs à la période pertinente concernaient la vente ou la distribution de machines pour boucherie ou d’appareils similaires. La requérante n’avait donc pas démontré que, à cette époque, elle était présente de manière significative avec ses enseignes sur le marché des machines pour boucherie et des appareils similaires en Allemagne. En outre, la chambre de recours a considéré que la requérante n’avait pas non plus prouvé avoir acquis les enseignes revendiquées en vertu du droit allemand en septembre 2005. Ainsi, les conditions cumulatives énoncées à l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 n’étaient pas remplies.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        réformer la décision attaquée et faire droit à la demande en nullité de l’enregistrement international no 878792 désignant l’Union européenne ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’intervenante aux dépens des procédures devant l’EUIPO et, le cas échéant, condamner l’EUIPO aux dépens de la présente procédure.

11      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      À titre liminaire, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 15 février 2006, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis  par les dispositions matérielles du règlement no 40/94 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

13      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée ainsi que par la requérante, l’EUIPO et l’intervenante dans leurs écritures aux articles 60, paragraphe 1, sous c), et 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, comme visant les articles 52, paragraphe 1, sous c), et 8, paragraphe 4, d’une teneur identique du règlement no 40/94, tel que modifié.

 Sur la recevabilité des éléments de preuve présentés pour la première fois devant le Tribunal

14      L’EUIPO et l’intervenante excipent de l’irrecevabilité des annexes A 9 et A 10 de la requête en ce qu’elles ont été produites pour la première fois au cours de la procédure devant le Tribunal.

15      Il convient de constater que l’annexe A 9 comprend un ensemble de nouvelles factures datées de 2005 à 2021, destiné à prouver, entre autres, la vente de machines de boucherie et de pièces de machines connexes en Allemagne, dans et en dehors de l’Union européenne. Quant à l’annexe A 10, il s’agit d’une déclaration sous serment du 15 avril 2021 du comptable travaillant pour la requérante depuis 2001, confirmant et complétant les informations, notamment sur les chiffres d’affaires de la requérante, mentionnées dans les déclarations sur l’honneur des 14 septembre 2017 et 18 février 2019, contenues dans le dossier de l’EUIPO.

16      Force est de constater que ces documents ne faisaient pas partie du dossier administratif présenté par la requérante devant la chambre de recours.

17      Ces documents, qui sont donc produits pour la première fois devant le Tribunal, ne peuvent pas être pris en considération. En effet, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 72 du règlement 2017/1001, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter les documents susvisés sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 19 et jurisprudence citée].

18      Il en résulte que les annexes A 9 et A 10 de la requête doivent être déclarées irrecevables.

 Sur le fond

19      Au soutien du recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du même règlement.

20      En substance, elle soutient avoir acquis en Allemagne des droits de marque sur la base de la dénomination sociale DORIT Fleischereimaschinen GmbH, devenue DORIT-DFT Fleischereimaschinen GmbH et de l’enseigne DORIT dont la portée n’est pas seulement locale, avant la date de priorité de la marque contestée, ce qui justifierait l’annulation de cette marque.

21      À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94, lu conjointement avec l’article 52, paragraphe 1, sous c), du même règlement, le titulaire d’une marque non enregistrée ou d’un signe autre qu’une marque peut demander la nullité d’une marque de l’Union européenne si cette marque non enregistrée ou ce signe remplit cumulativement quatre conditions : il doit être utilisé dans la vie des affaires ; il doit avoir une portée qui n’est pas seulement locale ; le droit à cette marque ou à ce signe doit avoir été acquis conformément au droit de l’État membre où il était utilisé avant la date de dépôt de la demande de marque de l’Union européenne, ou, le cas échéant, avant la date de la priorité revendiquée à l’appui de la demande de marque de l’Union européenne ; enfin, cette marque ou ce signe doit reconnaître à son titulaire la faculté d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que, lorsqu’une marque non enregistrée ou un signe ne remplit pas l’une de ces conditions, la demande en nullité fondée sur l’existence d’une marque non enregistrée ou d’autres signes utilisés dans la vie des affaires, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94, ne peut aboutir [voir arrêt du 16 décembre 2020, H.R. Participations/EUIPO – Hottinger Investment Management (JCE HOTTINGUER), T‑535/19, non publié, EU:T:2020:614, point 37 et jurisprudence citée].

22      Les deux premières conditions, c’est-à-dire celles relatives à l’utilisation et à la portée du signe invoqué, cette dernière ne devant pas être seulement locale, résultent du libellé même de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94 et doivent donc être uniquement interprétées à la lumière du droit de l’Union. Ainsi, le règlement no 40/94 établit des standards uniformes, relatifs à l’utilisation des signes et à leur portée, qui sont cohérents avec les principes qui inspirent le système mis en place par ce règlement. En revanche, il résulte de l’expression « lorsque et dans la mesure où, selon le droit de l’État membre qui est applicable à ce signe » que les deux autres conditions, énoncées ensuite à l’article 8, paragraphe 4, sous a) et b), du règlement no 40/94, constituent des conditions fixées par le règlement qui, à la différence des précédentes, s’apprécient au regard des critères fixés par le droit qui régit le signe invoqué [voir arrêt du 14 février 2019, Mouldpro/EUIPO – Wenz Kunststoff (MOULDPRO), T‑796/17, non publié, EU:T:2019:88, point 62 et jurisprudence citée].

23      Il ressort également de la jurisprudence que l’objet commun des deux premières conditions posées à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94 est de limiter les conflits entre les signes en empêchant qu’un droit antérieur qui n’est pas suffisamment caractérisé, c’est-à-dire important et significatif dans la vie des affaires, puisse faire obstacle à l’enregistrement d’une nouvelle marque de l’Union européenne et qu’une telle faculté d’opposition doit être réservée aux signes qui sont effectivement et réellement présents sur leur marché pertinent (voir arrêt du 14 février 2019, MOULDPRO, T‑796/17, non publié, EU:T:2019:88, point 69 et jurisprudence citée).

24      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner la légalité de la décision attaquée en ce que la chambre de recours a conclu que l’une des conditions de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94 n’était pas remplie.

25      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que le droit antérieur invoqué par la requérante ne remplissait pas les conditions de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94, en raison, d’une part, de l’absence de preuve d’un usage des enseignes revendiquées dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale et, d’autre part, de l’absence de preuve de l’acquisition d’un droit sur ces enseignes en droit allemand.

26      Dans la mesure où le critère d’une « utilisation dont la portée n’est pas seulement locale » est une condition autonome qui s’apprécie au regard du droit de l’Union (arrêt du 10 juillet 2014, Peek & Cloppenburg/OHMI, C‑325/13 P et C‑326/13 P, non publié, EU:C:2014:2059, point 51), indépendamment de la question de l’acquisition d’un droit antérieur qui s’apprécie au regard du droit de l’État membre concerné, au sens de la jurisprudence citée aux points 21 et 22 ci-dessus, le Tribunal estime opportun d’examiner l’utilisation des signes en cause dans la vie des affaires en premier lieu.

 Sur la période pertinente de l’utilisation des signes dans la vie des affaires

27      Il ressort du point 31 de la décision attaquée que la chambre de recours a fondé son examen des preuves de l’utilisation des signes en cause sur la date de la priorité de la marque suisse revendiquée, à savoir le 8 septembre 2005.

28      Selon la jurisprudence, il y a lieu d’appliquer à la condition de l’utilisation dans la vie des affaires d’un signe invoqué au soutien de la demande en nullité le même critère temporel que celui expressément prévu à l’article 8, paragraphe 4, sous a), du règlement no 40/94 pour ce qui concerne l’acquisition du droit audit signe, à savoir celui de la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque de l’Union ou, le cas échéant, de la date de priorité invoquée à l’appui de la demande de marque de l’Union européenne [voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 29 mars 2011, Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, C‑96/09 P, EU:C:2011:189, point 166, et du 14 septembre 2011, Olive Line International/OHMI – Knopf (O‑live), T‑485/07, non publié, EU:T:2011:467, point 50].

29      Par conséquent, afin d’établir une utilisation des signes en cause dans la vie des affaires, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94, il y a lieu de prendre en compte les éléments de preuve produits par la requérante portant sur la période antérieure à la date de la priorité revendiquée, à savoir le 8 septembre 2005.

30       Il en découle, a contrario, que les éléments de preuve et les considérations de la requérante portant sur des faits relatifs à la période postérieure à la date du 8 septembre 2005 ne sont pas pertinents en l’espèce pour l’examen de la condition de l’utilisation des signes dans la vie des affaires, tel qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 28 ci‑dessus.

31      Il n’y a donc pas lieu de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours relative à la date de la priorité revendiquée du 8 septembre 2005 sur laquelle elle a fondé son examen des preuves de l’utilisation des signes en cause.

32      De même, c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé, au point 50 de la décision attaquée, qu’il n’était pas nécessaire d’éclaircir la question de savoir si la protection de la dénomination sociale initiale DORIT Fleischereimaschinen GmbH avait été perdue à la suite de sa fusion en 2009 avec DFT Deutsche Fleisch Technik GmbH et du changement ultérieur de dénomination sociale en DORIT‑DFT Fleischereimaschinen GmbH, étant donné qu’il s’agit de considérations portant sur une période postérieure au 8 septembre 2005 et donc non pertinentes aux fins de l’examen de l’utilisation dans la vie des affaires des signes revendiqués par la requérante.

 Sur les signes antérieurs revendiqués

33      La requérante conteste la conclusion de la chambre de recours selon laquelle elle n’aurait fondé sa demande en nullité que sur les dénominations sociales DORIT Fleischereimaschinen GmbH et DORIT-DFT Fleischereimaschinen GmbH, mais pas sur l’enseigne DORIT. Il ressortirait, selon elle, de l’exposé des motifs de la demande en nullité introduite le 12 mars 2018 qu’elle a explicitement souligné le fait d’utiliser de manière extensive le signe DORIT comme une enseigne et de l’avoir fait connaître en Allemagne et dans l’Union depuis la fondation de la société DORIT Fleischereimaschinen GmbH en 2001. Il ressortirait également des annexes de l’exposé des motifs que l’inscription « DORIT » figure sur des images de machines pour boucherie, des factures et des bons de commande, démontrant ainsi clairement une utilisation intensive du signe DORIT.

34      L’intervenante conteste les arguments de la requérante à cet égard. En outre, elle soutient que le fait que la requérante se fonde sur l’enseigne DORIT constitue un argument nouveau invoqué explicitement pour la première fois devant le Tribunal et qui est par conséquent irrecevable.

35      Premièrement, il convient de constater que la chambre de recours a indiqué, au point 8, quatrième tiret, de la décision attaquée, relatif à l’exposé des arguments de la requérante, que cette dernière a fait valoir que sa demande en nullité était également basée sur le sigle de l’entreprise, à savoir « DORIT ». À cet égard, la chambre de recours a considéré, au point 15 de la décision attaquée, qu’aucun autre signe que DORIT Fleischereimaschinen GmbH et DORIT-DFT Fleischereimaschinen GmbH n’avait été revendiqué dans la demande en nullité et qu’il n’était pas permis d’introduire d’autres droits antérieurs, au cours de la procédure de nullité, en tant que fondement de la demande à cet effet.

36      Force est donc de constater que l’invocation par la requérante d’un droit sur l’enseigne DORIT comme fondement de sa demande en nullité ne saurait être considérée comme un argument nouveau qui n’aurait pas été présenté devant l’EUIPO et qui serait soulevé pour la première fois devant le Tribunal, de sorte qu’il conviendrait de le déclarer irrecevable. Partant, l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’intervenante doit être écartée comme étant non fondée.

37      Deuxièmement, il ressort de la page 6 du formulaire de la demande en nullité du 12 mars 2018 que la requérante n’avait indiqué que la dénomination sociale DORIT-DFT Fleischereimaschinen GmbH, à savoir le nom de la société après la fusion en 2009.

38      Troisièmement, il convient de constater, à l’instar de la chambre de recours, que, à la lecture de l’exposé des motifs de la demande en nullité, la requérante se fonde sur deux dénominations sociales, à savoir DORIT Fleischereimaschinen GmbH et DORIT-DFT Fleischereimaschinen GmbH.

39      En effet, à la page 6, dernier paragraphe, de l’exposé des motifs, la requérante indique se fonder sur la dénomination sociale DORIT Fleischereimaschinen GmbH, créée et inscrite au registre du commerce en 2001, et qui, ainsi, serait plus ancienne que la marque contestée. Elle fait également valoir à la page 8 de l’exposé des motifs qu’elle bénéficie de l’ancienneté et donc de la priorité de la dénomination sociale DORIT Fleischereimaschinen GmbH ou DORIT-DFT Fleischereimaschinen GmbH par rapport à la marque contestée. En outre, afin de prouver l’acquisition et l’utilisation de son droit antérieur, la requérante fait de nombreuses fois référence à ces deux dénominations sociales, ainsi qu’aux termes « dénomination sociale », en citant par exemple la législation allemande applicable en matière de protection des dénominations sociales. Enfin, lors de son analyse du risque de confusion entre ces dénominations sociales et la marque contestée, la requérante évoque explicitement le caractère distinctif du nom de l’entreprise DORIT-DFT Fleischereimaschinen GmbH (page 9) et oppose clairement les dénominations sociales DORIT Fleischereimaschinen GmbH et DORIT-DFT Fleischereimaschinen GmbH à la marque contestée (page 11).

40      Dès lors, les affirmations de la requérante sur l’utilisation de l’enseigne DORIT en ce qu’elle serait la seule et unique société DORIT dans l’Union ou en Allemagne et qu’elle y a fait connaître le nom DORIT, qui jouit désormais d’une bonne réputation, ne permettent pas de remettre en cause le constat de la chambre de recours selon lequel la demande en nullité ne se fondait pas sur l’enseigne DORIT.

41      Quatrièmement, en ce qui concerne les éléments de preuve invoqués par la requérante, la simple production de cinq images montrant l’inscription du signe DORIT sur des machines pour boucherie ne permet pas, par elle-même, de considérer que la demande en nullité de la requérante se fondait également sur l’enseigne DORIT. En effet, la seule présence d’un logo comportant le terme « dorit » sur quelques machines ne permet pas d’identifier de façon non équivoque la marque ou le droit auquel il est fait référence, de sorte qu’il ne peut en être déduit qu’il s’agissait de références explicites à l’enseigne DORIT.

42      De même, la production de factures et de bons de commande sur lesquels figure le signe DORIT, ne permet pas davantage de considérer que la demande en nullité serait également fondée sur l’enseigne DORIT. En effet, force est de constater, d’une part, que la requérante ne fait que renvoyer aux annexes comportant lesdites factures et bons de commande sans fournir d’argument concret permettant d’étayer sa position et, d’autre part, que ces documents montrent surtout une utilisation des dénominations sociales plutôt que du signe DORIT en tant qu’enseigne, ce dernier étant forcément contenu dans les dénominations sociales de la requérante. En effet, les factures et les bons de commande présentent un logo contenant le terme « dorit » auquel sont juxtaposés les termes « fleichereimaschinen gmbh », formant ainsi la dénomination sociale complète de DORIT Fleischereimaschinen GmbH. D’ailleurs, il est à noter que le logo DORIT est utilisé à l’identique sur certains documents pour désigner une société distincte, à savoir DORIT Food Processing Equipment Ltd, de sorte que ce logo ne saurait être revendiqué par la requérante en tant qu’enseigne DORIT sans autre précision. Il ne ressort donc pas des factures ni des bons de commande que la requérante voulait clairement revendiquer l’enseigne DORIT.

43      Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu qu’aucun autre signe que les deux dénominations sociales DORIT Fleischereimaschinen GmbH et DORIT-DFT Fleischereimaschinen GmbH n’avait été revendiqué par la requérante dans sa demande en nullité. Par conséquent, la requérante ne saurait utilement se prévaloir de l’enseigne DORIT et, de ce fait, de la circonstance que le droit antérieur afférent à cette enseigne et son utilisation se seraient maintenus avec le changement de dénomination sociale opérée à la suite de la fusion intervenue en 2009.

 Sur les éléments de preuve de l’utilisation des signes en cause dans la vie des affaires

44      La requérante réfute les appréciations de la chambre de recours relatives aux éléments de preuve de l’utilisation des signes en cause dans la vie des affaires.

45      D’une part, s’agissant des déclarations sur l’honneur des 14 septembre 2017 et 18 février 2019 du gérant de la requérante, cette dernière soutient ne pas avoir pu produire la déclaration d’une personne indépendante, car celle-ci n’aurait pas une telle connaissance de la société lui permettant de fournir des informations détaillées sur les chiffres d’affaires annuels réalisés. Elle estime également que la preuve des chiffres d’affaires réalisés par la production de factures détaillées entraînerait la divulgation à l’intervenante, qui est un concurrent, des données de clients et des prix pratiqués et donc un préjudice immense pour elle, raison pour laquelle elle a noirci une partie des montants et des données dans les documents produits. De plus, elle souligne que la plupart des documents ont déjà dû être détruits après dix ans pour des raisons de protection des données. Par ailleurs, elle affirme que les chiffres d’affaires ne présentent pas de contradiction, car ceux qui coïncident dans les deux déclarations sur l’honneur concernent l’Union à l’exception de l’Allemagne.

46      D’autre part, s’agissant des documents énumérés et analysés par la chambre de recours, la requérante fait valoir qu’ils comportent des preuves concernant un mixeur de saumure et le transport d’une machine pour boucherie vers la Hongrie, ainsi qu’une facture du 11 novembre 2004 afférente à l’entretien d’une machine pour boucherie et détaillant les pièces remplacées, de sorte que la preuve de la vente et du transport de machines de boucherie a effectivement été apportée. En outre, les autres documents concernent des pièces (de rechange) de machines qui ont un lien facilement reconnaissable avec les machines pour boucherie et pour lesquelles elle a au moins prouvé une utilisation. Elle soutient également que les documents énumérés établissent une utilisation de la dénomination sociale non seulement en Allemagne, mais aussi en dehors comme en Hongrie, en Roumanie, en Slovaquie et en Russie.

47      Par conséquent, vu les éléments de preuve produits, la requérante estime disposer d’un droit sur la dénomination sociale DORIT Fleischereimaschinen GmbH créée en 2001 avec une priorité plus ancienne par rapport à la date de priorité de la marque contestée, au moins pour les pièces (de rechange) de machines et l’entretien des machines pour boucherie.

48      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

49      Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que, pour pouvoir faire annuler l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, le signe qui est invoqué à l’appui d’une demande en nullité doit être effectivement utilisé d’une manière suffisamment significative dans la vie des affaires et avoir une étendue géographique qui ne soit pas seulement locale, ce qui implique, lorsque le territoire de protection de ce signe peut être considéré comme autre que local, que cette utilisation ait lieu sur une partie importante de ce territoire. Afin de déterminer si tel est le cas, il convient de tenir compte de la dimension économique de la portée du signe, qui est évaluée au regard de la durée pendant laquelle il a rempli sa fonction dans la vie des affaires et de l’intensité de son utilisation, au regard du cercle des destinataires parmi lesquels le signe en cause est devenu connu en tant qu’élément distinctif, à savoir les consommateurs, les concurrents, voire les fournisseurs, ou encore au regard de la diffusion qui a été donnée au signe, par exemple par voie de publicité ou sur Internet [voir arrêt du 15 mai 2017, Morton's of Chicago/EUIPO – Mortons the Restaurant (MORTON'S), T‑223/15, non publié, EU:T:2017:333, points 59 et 60 et jurisprudence citée].

50      En outre, dans le cadre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94, la preuve de l’utilisation d’un signe antérieur ne peut être apportée par des probabilités et des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui démontrent une utilisation effective et suffisante du signe [voir arrêt du 19 novembre 2014, Out of the blue/OHMI – Dubois et autre (FUNNY BANDS), T‑344/13, non publié, EU:T:2014:974, point 24 et jurisprudence citée].

51      Ensuite, ainsi qu’il a été énoncé aux points 27 à 31 ci-dessus, il convient également de rappeler que la preuve de l’utilisation des signes revendiqués par la requérante dans la vie des affaires doit être apportée sur une période antérieure à la date de la priorité de la marque contestée, à savoir le 8 septembre 2005. Ainsi, tous les éléments de preuve portant sur une période postérieure à cette date ne sont pas pertinents en l’espèce.

52      De même, ainsi que le relève d’ailleurs la chambre de recours au point 38 de la décision attaquée, seules les preuves de l’utilisation de la dénomination DORIT Fleischereimaschinen GmbH sont pertinentes, étant donné que la dénomination DORIT-DFT Fleischereimaschinen GmbH n’est apparue qu’en 2009, postérieurement à la date de la priorité revendiquée, à la suite de la fusion entre DORIT Fleischereimaschinen GmbH et DFT Deutsche Fleisch Technik GmbH.

53      En l’espèce, afin d’examiner l’utilisation du signe DORIT Fleischereimaschinen GmbH dans la vie des affaires, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94, la chambre de recours s’est fondée sur les éléments de preuve suivants, tels que décrits dans la décision attaquée :

–        déclarations sur l’honneur d’un employé devenu entretemps gérant de la requérante du 14 septembre 2017 et du 18 février 2019 contenant les chiffres d’affaires pour l’Union et l’Allemagne par année entre 2001 et 2017 ;

–        facture du 16 novembre 2004 adressée à DORIT Fleischereimaschinen GmbH. Les produits vendus, selon la facture, sont des pompes, des bagues d’écrous, des canaux de collecte, des commandes, des freins, des interrupteurs, des ampoules électriques, des joints, des vis et des écrous ;

–        facture du 6 décembre 2004 de DORIT Fleischereimaschinen GmbH concernant la vente de couvercles d’aspiration ;

–        « attestation de fourniture de prestation » du 7 décembre 2004 concernant la livraison d’une machine pour boucherie à une entreprise située en Hongrie ;

–        facture du 11 novembre 2004 de DORIT Fleischereimaschinen GmbH concernant l’entretien, les frais de déplacement et la vente de cylindres, ampoules électriques, silencieux, joints et couvercles anti-éclaboussures ;

–        facture du 1er octobre 2004 de DORIT Fleischereimaschinen GmbH concernant la vente d’un mixeur de saumure ;

–        facture du 27 décembre 2004 de DORIT Fleischereimaschinen GmbH concernant la vente d’un jeu de poinçons d’estampage ;

–        facture du 20 décembre 2001 adressée à DORIT Fleischereimaschinen GmbH (illisible) ;

–        documents douaniers de juin 2002 relatifs à l’importation de courroies crantées ;

–        documents douaniers de juillet 2003 concernant l’envoi de consoles suspendues et de voies de roulement tubulaire galvanisées ;

–        factures de transport de septembre 2003 concernant « 1 pal. de pièces détachées » ;

–        facture du 1er septembre 2003 adressée à DORIT Fleischereimaschinen GmbH concernant la vente d’aiguilles de seringue, de filtres, de plaques de serrage, de boîtiers de refoulement, de bagues d’espacement, de manchons de distribution intérieure, de rouleaux de support, de roulements à billes, de couvercles de tubes, de cadres de tamis, de filtres, de manivelles et d’aiguilles ;

–        bon de livraison daté du 2 septembre 2003 concernant « 1 système de commande dans un carton ».

–        facture du 29 août 2003 de DORIT Fleischereimaschinen GmbH concernant le « système de commande aux fins de la réparation » ;

–        facture du 16 mars 2005 de DORIT Fleischereimaschinen GmbH concernant la vente de courroies crantées ;

–        facture du 29 juillet 2005 de DORIT Fleischereimaschinen GmbH concernant la vente de « pièces détachées » (aiguilles, bagues, douilles d’étanchéité) ;

–        photographies non datées d’une machine de type VV-6-1400-B avec le logo « DORIT ».

54      Eu égard au dossier de l’EUIPO et aux annexes A 6 et A 7 de la requête comportant les éléments de preuve produits par la requérante, ainsi qu’aux considérations énoncées au point 51 ci-dessus, il y a lieu de relever que la chambre de recours a omis de mentionner une facture du 29 octobre 2001 adressée à DORIT Fleischereimaschinen GmbH (annexe A 6, pages 207 et 393 de la requête), certes illisible. Pour le reste, il convient de constater que la chambre de recours a correctement énuméré les éléments de preuve à prendre en considération portant sur la période antérieure au 8 septembre 2005, pertinente aux fins de l’examen de l’utilisation dans la vie des affaires du signe DORIT Fleischereimaschinen GmbH revendiqué par la requérante.

55      En premier lieu, en ce qui concerne les déclarations sur l’honneur des 14 septembre 2017 et 18 février 2019 contenant les chiffres d’affaires de la requérante, la chambre de recours a considéré, au point 36 de la décision attaquée, que celles-ci n’avaient qu’une faible valeur probante, étant donné le manque de neutralité du gérant, qu’elles ne contenaient aucune information sur les produits et qu’elles présentaient des contradictions quant au territoire sur lequel les chiffres d’affaires avaient été réalisés.

56      À cet égard, il ressort de la jurisprudence que pour apprécier la valeur probante d’un tel document, il y a lieu de vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue. Il faut alors tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire, et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir arrêt du 7 juin 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE-Zentral (Salvita), T‑303/03, EU:T:2005:200, point 42 et jurisprudence citée].

57      Premièrement, il convient de rappeler que, eu égard à la période pertinente pour examiner les éléments de preuve (voir point 51 ci-dessus), seuls les chiffres d’affaires contenus dans les déclarations couvrant les années 2001 à 2005 doivent être pris en considération.

58      Deuxièmement, il y a lieu de constater que les déclarations en cause proviennent toutes les deux de la même personne, à savoir un employé devenu entretemps gérant de la requérante. Dès lors, elles ne sauraient présenter le même caractère fiable et crédible que des déclarations provenant d’une personne tierce ou indépendante de la requérante. Ces déclarations sous serment ne sont pas suffisantes à elles seules et ne constituent qu’un indice nécessitant d’être corroboré par d’autres éléments probants [voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2017, Repsol YPF/EUIPO – Basic (BASIC), T‑609/15, EU:T:2017:640, point 64 et jurisprudence citée].

59      Cette considération ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel aucune personne indépendante n’aurait de telles informations sur la société et ses chiffres d’affaires, de sorte qu’elle n’avait pas d’autre choix que de faire appel à une personne qui n’était pas neutre au litige.

60      Troisièmement, la requérante n’apporte pas d’éléments complémentaires susceptibles de corroborer lesdites déclarations. En effet, pour justifier l’absence d’éléments corroborant les informations et les chiffres d’affaires contenus dans ces déclarations, la requérante se borne à affirmer que, en étant présente sur le marché pour la fabrication et la vente de machines pour boucherie ainsi que des accessoires, pièces de machines et pièces de rechange, y compris l’installation, l’entretien et la réparation de machines pour boucherie, elle a réalisé ces chiffres d’affaires avec ces produits et services associés. Or, une telle allégation ne saurait suffire pour établir un lien entre les chiffres d’affaires et les produits et services vendus, étant donné que lesdits chiffres ne sont affectés à aucun produit ou service spécifique ni liés à d’autres éléments de preuve que la requérante aurait produits.

61      En outre, la requérante tente également de justifier l’absence d’éléments de preuve corroborant les chiffres d’affaires par des considérations dues à la protection des données de ses clients et à la destruction de documents après la période de conservation de dix ans. Toutefois, il ressort des documents produits que, d’une part, seules quelques factures entre 2012 et 2016, non pertinentes en l’espèce, ont été noircies pour protéger des données. Ainsi, la requérante aurait pu produire d’autres éléments de preuve relatifs à la période antérieure au 8 septembre 2005 et occulter si nécessaire les données sensibles de ses clients, ce qu’elle n’a pas fait. D’autre part, il convient de constater que plusieurs factures portant sur la période antérieure au 8 septembre 2005 ont bien été produites par la requérante, de sorte qu’elle n’avait pas détruit tous ses documents pour des raisons de protection des données et qu’il ne lui a donc pas été impossible, comme elle le prétend, de fournir des éléments de preuve.

62      Quatrièmement, bien que la chambre de recours soulève des contradictions dans la déclaration du 14 septembre 2017 indiquant que les chiffres d’affaires portent sur l’Allemagne et l’international alors que le tableau annexé indique « Chiffres d’affaires UE », il y a lieu d’observer que ces chiffres coïncident avec ceux mentionnés dans le tableau annexé à la déclaration plus complète du 18 février 2019 indiquant les chiffres d’affaires réalisés séparément en Allemagne et dans l’Union, permettant de supposer une erreur de plume dans la première déclaration. Toutefois, il convient de relever que, nonobstant l’absence de contradiction, ces déclarations ne constituent que des indices qui ne sont pas corroborés par d’autres éléments probants, conformément à la jurisprudence citée au point 58 ci-dessus.

63      C’est donc à juste titre que la chambre de recours a estimé que les déclarations sur l’honneur avaient une faible valeur probante.

64      En second lieu, en ce qui concerne les autres documents produits par la requérante, la chambre de recours a relevé au point 41 de la décision attaquée que, parmi ceux portant sur la période pertinente, seuls deux documents concernaient les activités revendiquées par la requérante, à savoir la vente et la distribution de machines pour boucherie et d’appareils et équipements connexes. En effet, la chambre de recours a considéré que le lien entre les diverses marchandises mentionnées dans les autres documents et les machines pour boucherie n’apparaissait pas clairement. Dès lors, elle a conclu au point 42 de la décision attaquée que les documents produits par la requérante, considérés dans leur ensemble, n’étaient pas suffisants pour prouver une utilisation du signe revendiqué dont la portée n’est pas seulement locale en Allemagne.

65      Premièrement, s’agissant des photographies de machines mentionnées au point 53, dernier tiret, ci-dessus et figurant aux pages 240 à 244 et 431 à 435 de l’annexe A 6 de la requête, il convient de constater que celles-ci ne sont pas datées. Dès lors, elles ne sauraient utilement étayer une utilisation du signe en cause antérieurement au 8 septembre 2005.

66      Deuxièmement, s’agissant des factures des 29 octobre 2001 et 20 décembre 2001 mentionnées aux points 53, huitième tiret, et 54 ci‑dessus et figurant aux pages 206, 207, 392 et 393 de l’annexe A 6 de la requête, il y a lieu d’observer que ces factures sont illisibles et ne peuvent donc pas être prises en considération.

67      Troisièmement, s’agissant des autres factures et des documents douaniers et de transport, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort de la demande en nullité, la requérante a invoqué la dénomination sociale DORIT Fleischereimaschinen GmbH pour la fabrication et la distribution de machines pour boucherie ainsi que l’élaboration et la production de dispositifs et d’appareils connexes en tout genre et le commerce de ces produits (voir point 6 ci-dessus).

68      À cet égard, comme l’indique la chambre de recours au point 41 de la décision attaquée, seules l’attestation de fourniture de prestation du 7 décembre 2004 concernant la livraison d’une machine pour boucherie vers la Hongrie et la facture du 1er octobre 2004 relative à la vente d’un mixeur de saumure à une société en Roumanie correspondent à la description des produits et services revendiqués par la requérante.

69      Toutefois, contrairement à ce que prétend la requérante, ces seuls éléments de preuve ne sauraient suffire pour démontrer une présence réelle sur le marché par une utilisation effective du signe DORIT Fleischereimaschinen GmbH d’une manière suffisamment significative dans la vie des affaires, conformément à la jurisprudence citée aux points 23, 49 et 50 ci-dessus.

70      L’argument de la requérante selon lequel il faudrait au moins supposer une utilisation pour les pièces de machines, les pièces de rechange et l’entretien des machines pour boucherie, qui font l’objet du reste des factures et des documents douaniers et de transport tel qu’il ressort de l’annexe A 6 de la requête et du point 53 ci-dessus, ne saurait remettre en question cette considération.

71      À cet égard, la requérante n’a pas revendiqué explicitement l’utilisation de son signe pour de tels produits et services. En effet, il ne ressort pas clairement de la description revendiquée par la requérante, à savoir la fabrication et la distribution de machines pour boucherie ainsi que l’élaboration et la production de dispositifs et d’appareils connexes en tout genre et le commerce de ces produits, que celle-ci couvre également les pièces de machines, les pièces de rechange et l’entretien des machines pour boucherie, dans la mesure où les termes « dispositifs » ou « appareils connexes » ne sauraient aisément être compris comme visant des pièces de machines ou de rechange. Au demeurant, dans l’hypothèse où cette description couvrirait lesdits produits et services, il convient de relever que, à l’exception des photographies non datées (voir point 65 ci-dessus), des factures illisibles (voir point 66 ci-dessus) et des documents portant sur les machines pour boucherie (voir point 68 ci-dessus), les douze autres éléments de preuve mentionnés au point 53 ci-dessus portent effectivement sur des pièces de machine ou de rechange. Or, quatre de ces documents, à savoir les factures du 16 novembre 2004 et du 1er septembre 2003, les documents douaniers de juin 2002 et les factures de transport de septembre 2003 ne peuvent être pris en considération, dans la mesure où ils concernent non pas des ventes, mais des achats de la requérante. S’agissant des huit documents restants, ceux-ci ne sauraient non plus suffire pour démontrer une présence réelle sur le marché par une utilisation effective du signe en cause d’une manière suffisamment significative dans la vie des affaires, conformément à la jurisprudence citée aux points 23, 49 et 50 ci‑dessus.

72      Par ailleurs, la requérante se borne à plusieurs reprises à affirmer que l’utilisation significative de sa dénomination sociale et sa présence sur le marché dans le domaine des machines pour boucherie sont clairement prouvées par les nombreux éléments de preuve présentés, sans toutefois apporter des arguments concrets qui permettraient de remettre en cause l’examen des éléments de preuve effectué par la chambre de recours.

73      Enfin, comme le souligne justement la chambre de recours au point 42 de la décision attaquée, la requérante n’a pas fourni de factures, de détails concernant des dépenses publicitaires, d’annonces publicitaires dans les médias, ni d’autres documents qui indiqueraient une certaine intensité d’utilisation du signe en cause, tant pour les machines pour boucherie que pour les pièces desdites machines, à la date de la priorité revendiquée.

74      Partant, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en constatant que les documents produits par la requérante étaient insuffisants pour démontrer, à la date de la priorité revendiquée, une utilisation de la dénomination sociale DORIT Fleischereimaschinen GmbH dans la vie des affaires pour les activités indiquées par la requérante.

75      Étant donné que les quatre conditions prévues par l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94 sont cumulatives, la chambre de recours n’était pas tenue de trancher la question de savoir si les preuves fournies par la requérante étaient suffisantes pour démontrer l’acquisition par elle d’un droit sur la dénomination sociale DORIT Fleischereimaschinen GmbH. Même à supposer que la requérante soit titulaire d’un droit sur cette dénomination sociale selon le droit allemand, l’absence de preuves suffisantes démontrant l’utilisation dans la vie des affaires et la portée non exclusivement locale dudit signe permet le refus d’application de l’article 8, paragraphe 4, dudit règlement (voir, par analogie, arrêt du 14 février 2019, MOULDPRO, T‑796/17, non publié, EU:T:2019:88, point 71).

76      Dès lors, dans la mesure où la requérante n’a pas prouvé à suffisance l’utilisation de la dénomination sociale Dorit Fleischereimaschinen GmbH dans la vie des affaires, il y a lieu de rejeter le moyen unique de la requérante sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’existence d’un droit antérieur sur ladite dénomination sociale en vertu du droit allemand.

77      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble, sans qu’il soit besoin d’examiner la recevabilité du premier chef de conclusions de la requérante, contestée par l’EUIPO et l’intervenante.

 Sur les dépens

78      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

79      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Dorit-DFT Fleischereimaschinen GmbH est condamnée aux dépens.

Costeira

Kancheva

Zilgalvis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 avril 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

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