Basaglia v Commission (Judgment) French Text [2022] EUECJ T-257/21 (05 October 2022)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/T25721.html
Cite as: [2022] EUECJ T-257/21, ECLI:EU:T:2022:608, EU:T:2022:608

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

5 octobre 2022 (*)

« Responsabilité non contractuelle – Accès aux documents – Documents relatifs à des projets de recherche et de développement technologique – Décision limitant la demande d’accès et refusant partiellement l’accès – Annulation partielle par le Tribunal de cette décision – Condamnations par des juridictions nationales – Illégalité des comportements reprochés – Lien de causalité »

Dans l’affaire T‑257/21,

Giorgio Basaglia, demeurant à Milan (Italie), représenté par Mes G. Balossi, G. Borriello et F. Fimmanò, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes C. Ehrbar, F. Moro et M. A. Spina, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé, lors des délibérations, de M. A. Kornezov, président, Mme K. Kowalik‑Bańczyk (rapporteure) et M. D. Petrlík, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 268 TFUE, le requérant, M. Giorgio Basaglia, demande réparation des préjudices financier, moral et d’atteinte à la réputation qu’il aurait subis du fait du rejet illégal par la Commission européenne de ses demandes d’accès aux documents et du défaut d’exécution par cette institution de l’arrêt du 23 septembre 2020, Basaglia/Commission (T‑727/19, non publié, ci-après l’« arrêt d’annulation », EU:T:2020:446).

 Antécédents du litige, procédure et faits postérieurs à l’introduction du recours

2        Le requérant est un homme d’affaires italien. Il était notamment administrateur de Sineura SpA, devenue Sineura Srl, établie à Milan (Italie) (ci-après la « société Sineura »).

 Enquêtes, procédures et condamnations visant le requérant en Italie

3        Le 8 mai 2008, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a rendu un rapport portant sur les activités de plusieurs sociétés, dont la société Sineura, relatives à la gestion de financements octroyés par l’Union européenne dans le cadre de 22 projets de recherche et de développement technologique.

4        À la suite de ce rapport, le Procuratore della Repubblica presso il Tribunale di Milano (procureur de la République près le tribunal de Milan, Italie) a ouvert une enquête pénale puis a engagé des procédures pénales à l’encontre de plusieurs personnes physiques, dont le requérant.

5        Dans le cadre d’une première procédure pénale, treize chefs d’accusation ont été formulés à l’encontre du requérant. Ces chefs d’accusation étaient relatifs, d’une part, au délit d’association de malfaiteurs visé à l’article 416, paragraphes 1 et 2, du code pénal italien et, d’autre part, à des délits d’escroquerie aggravée en vue d’obtenir des financements publics au sens de l’article 640 bis du même code. Par arrêt du 8 juin 2012, rendu selon la procédure de peine négociée prévue par l’article 444 du code de procédure pénale italien, le Tribunale di Milano (tribunal de Milan, Italie) a condamné le requérant, à sa demande, à une peine définitive d’emprisonnement d’un an et dix mois, assortie d’un sursis pour une période de cinq ans.

6        Dans le cadre d’une seconde procédure pénale, le requérant a été poursuivi pour des délits de banqueroute frauduleuse en sa qualité d’administrateur de la société Sineura. Par arrêt du 21 octobre 2020, rendu selon la procédure de peine négociée prévue par l’article 444 du code de procédure pénale italien, le Tribunale di Milano (tribunal de Milan) a condamné le requérant, à sa demande, à une peine définitive d’emprisonnement de deux ans, assortie d’un sursis.

7        Par ailleurs, par acte de citation déposé le 10 décembre 2013, le Procuratore Regionale presso la Sezione Giurisdizionale della Corte dei Conti per la Regione Lombardia (procureur régional près la chambre juridictionnelle de la Cour des comptes pour la Région de Lombardie, Italie) a ouvert une procédure en responsabilité administrative-comptable à l’encontre du requérant et de plusieurs autres personnes.

8        Par arrêt du 30 décembre 2015, la Corte dei conti – Sezione Giurisdizionale per la Regione Lombardia (Cour des comptes – chambre juridictionnelle pour la Région de Lombardie, Italie) a condamné le requérant, solidairement avec d’autres personnes, à verser à la Commission la somme de 1 269 223,87 euros en réparation du préjudice financier causé par des activités illégales commises dans le cadre de douze projets de recherche et de développement technologique (ci-après les « douze projets en cause »).

9        Le requérant et les autres personnes poursuivies dans le cadre de la procédure en responsabilité administrative-comptable ont interjeté appel de l’arrêt mentionné au point 8 ci-dessus. Par arrêt du 29 novembre 2019, la Corte dei Conti – Sezione Seconda Giurisdizionale Centrale d’Appello (Cour des comptes – deuxième chambre juridictionnelle centrale d’appel, Italie) a condamné le requérant, solidairement avec les autres personnes poursuivies, à verser à la Commission la somme de 4 827 772,16 euros en réparation du préjudice mentionné au point 8 ci-dessus.

 Demandes du requérant d’accès à des documents, décisions de la Commission et recours contentieux subséquents

10      Les 20 juillet 2011, 17 mars 2014 et 8 avril 2015, le requérant a demandé à la Commission l’accès à des documents relatifs aux douze projets en cause sur le fondement du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43).

11      Ces trois demandes d’accès aux documents (ci-après les « demandes d’accès aux documents de 2011, 2014 et 2015 ») ont donné lieu à des décisions de la direction générale de la société de l’information et des médias de la Commission puis de la direction générale des réseaux de communication, du contenu et des technologies de cette même institution, prises, premièrement, en ce qui concerne la demande d’accès aux documents de 2011, le 7 octobre 2011, deuxièmement, en ce qui concerne la demande d’accès aux documents de 2014, les 31 mars, 4 juin et 6 août 2014 et, troisièmement, en ce qui concerne la demande d’accès aux documents de 2015, le 5 mai 2015. De plus, à la suite des décisions des 4 juin et 6 août 2014, le requérant a présenté des demandes confirmatives en date des 10 juin et 8 août 2014. En conséquence, le secrétaire général de la Commission a également adopté deux décisions en date des 24 juillet et 2 octobre 2014 statuant sur ces demandes confirmatives. En application de ces différentes décisions (ci-après, prises ensemble, les « décisions de 2011, 2014 et 2015 »), le requérant s’est vu accorder un accès partiel à certains documents relatifs aux douze projets en cause.

12      Par ailleurs, par lettre du 26 février 2019 (ci-après la « demande d’accès aux documents de 2019 »), le requérant a de nouveau demandé à la Commission l’accès à des documents relatifs aux douze projets en cause et relevant de sept catégories différentes.

13      Par décision du 24 avril 2019, la direction générale des réseaux de communication, du contenu et des technologies de la Commission a statué sur la demande d’accès aux documents de 2019 (ci-après la « décision du 24 avril 2019 »). En premier lieu, elle a décidé de limiter unilatéralement le champ d’application de la demande d’accès aux documents de 2019 à deux projets choisis aléatoirement parmi les douze projets en cause et à trois catégories de documents se rapportant à ces projets. En second lieu, après avoir identifié vingt-huit documents entrant dans le champ d’application de la demande d’accès ainsi limitée, tout d’abord, elle a accordé l’accès complet à un document. Ensuite, elle a accordé l’accès partiel à vingt et un documents avec des omissions fondées sur les exceptions au droit d’accès visées à l’article 4, paragraphe 1, sous b), et à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001. Enfin, elle a refusé totalement l’accès à six documents sur le fondement des mêmes exceptions.

14      Le 8 mai 2019, le requérant a déposé une demande confirmative d’accès conformément à l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 1049/2001.

15      Le 4 septembre 2019, la secrétaire générale de la Commission a adopté la décision C(2019) 6474 final statuant sur une demande confirmative d’accès à des documents au titre du règlement no 1049/2001 (ci-après la « décision du 4 septembre 2019 »). En premier lieu, elle a accordé l’accès partiel à deux documents auxquels l’accès avait été refusé par la décision du 24 avril 2019, avec des omissions fondées sur les exceptions au droit d’accès déjà mentionnées au point 13 ci-dessus. En second lieu, elle a, pour le reste, confirmé la décision du 24 avril 2019 en ce que celle-ci avait, d’une part, limité la demande d’accès aux documents de 2019 et, d’autre part, refusé totalement ou partiellement l’accès à certains documents.

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 octobre 2019, le requérant a introduit un recours en annulation à l’encontre de la décision du 4 septembre 2019. Ce recours a été enregistré sous le numéro T‑727/19.

17      Par l’arrêt d’annulation, prononcé le 23 septembre 2020, le Tribunal a annulé la décision du 4 septembre 2019, en ce qu’elle comportait, d’une part, une limitation de la demande d’accès aux documents de 2019 et, d’autre part, un refus d’accès fondé sur l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001.

18      Par lettre du 6 octobre 2020, le requérant a demandé à la Commission d’exécuter l’arrêt d’annulation. Par lettre du 29 décembre 2020, il a, une nouvelle fois, invité cette institution à exécuter cet arrêt et à lui communiquer les documents demandés. La Commission a accusé réception des lettres du requérant mais n’y a donné aucune suite immédiate.

19      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 mai 2021, le requérant a introduit le présent recours en indemnité.

20      Le 27 juillet 2021, la secrétaire générale de la Commission a adopté la décision C(2021) 5741 final concernant une demande confirmative d’accès à des documents au titre du règlement no 1049/2001 (ci-après la « décision du 27 juillet 2021 »). En premier lieu, elle a informé le requérant qu’il n’avait pas été possible de retrouver certains des documents demandés. En deuxième lieu, elle a confirmé la limitation unilatérale du champ d’application de la demande d’accès aux documents de 2019 effectuée dans les décisions des 24 avril et 4 septembre 2019. En troisième lieu, elle a accordé un accès total ou un accès partiel plus large aux onze documents jusque-là non communiqués ou communiqués partiellement. En revanche, elle a maintenu, pour certains documents, un refus partiel d’accès fondé sur l’exception visée à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001.

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 septembre 2021, le requérant a introduit un recours en annulation à l’encontre de la décision du 27 juillet 2021. Ce recours a été enregistré sous le numéro T‑597/21.

 Conclusions des parties

22      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de condamner la Commission à lui verser une somme d’au moins 5 013 328,64 euros en réparation des préjudices financier, moral et d’atteinte à la réputation qu’il aurait subis du fait du rejet illégal de ses demandes d’accès aux documents de 2011, 2014, 2015 et 2019 et du défaut d’exécution de l’arrêt d’annulation.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

24      Il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution de l’Union, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement de l’institution et le préjudice invoqué (voir arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, point 64 et jurisprudence citée).

25      D’abord, s’agissant de la condition tenant à l’illégalité du comportement reproché, le juge de l’Union a déjà précisé à maintes reprises qu’il fallait que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (voir arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, point 65 et jurisprudence citée).

26      Ensuite, s’agissant de la condition tenant à la réalité du dommage, elle exige que le préjudice dont il est demandé réparation soit réel et certain, ce qu’il appartient à la partie requérante de prouver (voir arrêt du 14 octobre 2014, Giordano/Commission, C‑611/12 P, EU:C:2014:2282, point 36 et jurisprudence citée).

27      Enfin, s’agissant de la condition relative à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué, ledit préjudice doit découler de façon suffisamment directe du comportement reproché, ce dernier devant constituer la cause déterminante du préjudice. Il appartient à la partie requérante d’apporter la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché et le préjudice invoqué (voir arrêts du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, points 61 et 62 et jurisprudence citée, et du 16 décembre 2015, Chart/SEAE, T‑138/14, EU:T:2015:981, point 53 et jurisprudence citée).

28      Dès lors que l’une des conditions rappelées aux points 24 à 27 ci-dessus n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de la responsabilité non contractuelle de l’Union (voir arrêt du 5 septembre 2019, Union européenne/Guardian Europe et Guardian Europe/Union européenne, C‑447/17 P et C‑479/17 P, EU:C:2019:672, point 148 et jurisprudence citée).

29      En l’espèce, il y a lieu d’examiner d’emblée si les conditions liées, d’une part, à l’illégalité des comportements reprochés à la Commission et, d’autre part, à l’existence d’un lien de causalité entre ces comportements et les préjudices invoqués par le requérant sont remplies.

 Sur l’illégalité des comportements reprochés à la Commission

30      Le requérant reproche, en substance, à la Commission d’avoir à plusieurs reprises illégalement refusé de lui communiquer les documents relatifs aux douze projets en cause. Il soutient que tant la décision du 4 septembre 2019 que les décisions de 2011, 2014 et 2015 sont illégales. De plus, la Commission aurait persisté dans son manquement en n’exécutant pas l’arrêt d’annulation et en adoptant la décision du 27 juillet 2021.

31      À cet égard, en premier lieu, s’agissant de la décision du 4 septembre 2019, il est constant que cette décision a été partiellement annulée par le Tribunal dans l’arrêt d’annulation (voir point 17 ci-dessus). Il s’ensuit que, en invoquant cet arrêt d’annulation, le requérant établit l’illégalité de ladite décision, en tant que celle-ci comportait, d’une part, une limitation de la demande d’accès aux documents de 2019 et, d’autre part, un refus d’accès fondé sur l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001.

32      En deuxième lieu, s’agissant des décisions de 2011, 2014 et 2015, la Commission observe, à juste titre, que, dans l’arrêt d’annulation, le Tribunal ne s’est pas prononcé sur la légalité de ces décisions et que, par ailleurs, le requérant n’a jamais formé de recours en annulation contre lesdites décisions.

33      De plus, dans le cadre du présent recours, le requérant ne formule aucune critique circonstanciée et spécifique de nature à établir l’illégalité des décisions de 2011, 2014 et 2015. En effet, il se borne à inviter le Tribunal à « appliquer des considérations analogues » à celles retenues dans l’arrêt d’annulation à propos de la décision du 4 septembre 2019. Pour justifier cette analogie, il se contente d’affirmer, sans apporter aucune précision concrète, que le contenu des demandes d’accès aux documents de 2011, 2014 et 2015 était identique à celui de la demande d’accès aux documents de 2019 et que les motifs fondant les décisions de 2011, 2014 et 2015 étaient identiques à ceux figurant dans la décision du 4 septembre 2019. Au demeurant, la Commission relève que, par les décisions de 2011, 2014 et 2015, elle a donné accès à une partie des documents demandés (voir point 11 ci-dessus), ce qui montre que ces décisions différaient, au moins par leur portée, de la décision du 4 septembre 2019.

34      Il s’ensuit que le requérant ne démontre pas l’illégalité des décisions de 2011, 2014 et 2015.

35      En troisième lieu, s’agissant du défaut d’exécution de l’arrêt d’annulation, le requérant s’est borné à indiquer, au stade de la requête, que la Commission ne s’était pas conformée à cet arrêt malgré ses demandes en ce sens figurant dans ses lettres des 6 octobre et 29 décembre 2020 (voir point 18 ci-dessus). Il n’a cependant ni expliqué ni démontré dans quelle mesure et pour quelles raisons l’absence d’adoption, à la date d’introduction du présent recours, d’une décision accordant l’accès aux documents relatifs aux douze projets en cause constituait un défaut d’exécution de l’arrêt d’annulation et, partant, un comportement illégal. Il n’a notamment pas allégué que la période d’inaction de la Commission après le prononcé de l’arrêt d’annulation se serait étendue au-delà du délai dans lequel l’arrêt d’annulation aurait raisonnablement dû être exécuté.

36      Dans la réplique, le requérant soutient, pour la première fois, que la décision du 27 juillet 2021, en tant qu’elle limite à nouveau sa demande d’accès aux documents, « viole clairement » l’arrêt d’annulation ainsi que le « principe de bonne foi de l’[administration] dans ses relations avec les citoyens ». Pour autant, ainsi que le requérant le reconnaît lui-même, les arguments qu’il formule à l’encontre de cette décision sont, en eux-mêmes, « étrangers à l’objet du litige ». D’ailleurs, il précise qu’il entend contester la légalité de ladite décision dans le cadre d’un recours en annulation distinct enregistré sous le numéro T‑597/21 (voir point 21 ci-dessus).

37      Il s’ensuit que, dans le cadre du présent recours, le requérant ne démontre pas que la Commission a agi illégalement en n’exécutant pas l’arrêt d’annulation et en adoptant la décision du 27 juillet 2021.

38      Dans ces conditions, le requérant n’établit l’illégalité que d’un seul des comportements reprochés à la Commission, à savoir l’adoption de la décision du 4 septembre 2019, en tant que celle-ci comporte, d’une part, une limitation de la demande d’accès aux documents de 2019 et, d’autre part, un refus d’accès fondé sur l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001.

39      Dans les circonstances de l’espèce et sans qu’il soit besoin à ce stade d’examiner si les illégalités entachant la décision du 4 septembre 2019 constituent des violations suffisamment caractérisées d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, il y a lieu d’examiner s’il existe un lien de causalité entre ces illégalités et les préjudices invoqués par le requérant.

 Sur l’existence d’un lien de causalité entre la décision du 4 septembre 2019 et les préjudices invoqués 

40      Le requérant invoque, en substance, trois chefs de préjudice distincts. Il y a donc lieu de vérifier, pour chacun des préjudices allégués, s’il découle de façon suffisamment directe des illégalités entachant la décision du 4 septembre 2019.

41      En premier lieu, le requérant prétend avoir subi un préjudice financier correspondant au montant de la condamnation de 4 827 772,16 euros prononcée par la Corte dei Conti – Sezione Seconda Giurisdizionale Centrale d’Appello (Cour des comptes – deuxième chambre juridictionnelle centrale d’appel), majoré de frais de procédure s’élevant à 3 056,48 euros, soit au total 4 830 828,64 euros.

42      Pour établir un lien de causalité entre, d’une part, la décision du 4 septembre 2019 et, d’autre part, le préjudice financier allégué, le requérant soutient, en substance, que, faute d’avoir eu accès aux documents demandés, il n’a été en mesure ni de produire des preuves susceptibles de le disculper dans le cadre de deux procédures pénales, ni, par voie de conséquence, de démontrer l’absence de fondement de la demande en réparation formulée par la Commission dans la procédure en responsabilité administrative-comptable. Dès lors, les décisions des juridictions italiennes, et en particulier celle le condamnant à verser la somme de 4 827 772,16 euros à la Commission, auraient été prononcées en violation de son droit à un procès équitable et de son droit à se défendre. Par suite, il existerait un lien de causalité direct entre, d’une part, les décisions de la Commission refusant l’accès aux documents demandés et, d’autre part, la violation des droits de la défense devant les juridictions italiennes ainsi que le préjudice financier subi par le requérant.

43      À cet égard, il convient de relever d’emblée que le préjudice financier invoqué par le requérant correspond, en substance, au montant de la condamnation pécuniaire prononcée le 29 novembre 2019 par la Corte dei Conti – Sezione Seconda Giurisdizionale Centrale d’Appello (Cour des comptes – deuxième chambre juridictionnelle centrale d’appel) à l’issue d’une procédure en responsabilité administrative-comptable ouverte le 10 décembre 2013, soit plusieurs années avant l’édiction de la décision du 4 septembre 2019. Il s’ensuit que le préjudice financier invoqué par le requérant est la conséquence directe de cette condamnation pécuniaire et ne résulte pas directement de la décision du 4 septembre 2019, laquelle s’est bornée à statuer sur la demande d’accès aux documents de 2019.

44      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation du requérant tirée de ce que la non-communication de certains documents l’aurait empêché de se défendre devant les juridictions pénales et comptables italiennes (point 42 ci-dessus).

45      En effet, il est constant que, dans le cadre de la procédure en responsabilité administrative-comptable, le requérant a demandé, tant en première instance qu’en appel, l’adoption de mesures d’instruction aux fins de la production, par la Commission, de documents, à savoir des rapports et des comptes rendus d’évaluation et d’audit relatifs aux douze projets en cause.

46      Toutefois, les juridictions comptables italiennes, à savoir, d’une part, en première instance, la Corte dei conti – Sezione Giurisdizionale per la Regione Lombardia (Cour des comptes – chambre juridictionnelle pour la Région de Lombardie) et, d’autre part, en seconde instance, la Corte dei Conti – Sezione Seconda Giurisdizionale Centrale d’Appello (Cour des comptes – deuxième chambre juridictionnelle centrale d’appel), ont toutes deux refusé d’adopter une mesure d’instruction consistant à requérir de la Commission l’accès aux rapports et aux comptes rendus relatifs aux douze projets en cause au motif que la production de ces documents n’était pas nécessaire pour apprécier le bien-fondé de la demande en réparation formulée par la Commission dans le cadre de la procédure en responsabilité administrative-comptable.

47      Or, dans l’hypothèse où les juridictions comptables italiennes auraient eu besoin de certains documents détenus par la Commission pour statuer sur les arguments en défense du requérant, rien n’empêchait ces juridictions d’exiger de cette institution qu’elle produise devant elles ces documents. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, comme l’a jugé le Tribunal au point 29 de l’arrêt d’annulation, lorsqu’une juridiction nationale a besoin d’informations que seule une institution de l’Union peut apporter, le principe de coopération loyale prévu à l’article 4 TUE impose en principe à cette institution de communiquer dans les meilleurs délais lesdites informations lorsqu’elles lui sont demandées par la juridiction nationale (voir arrêt du 26 novembre 2002, First et Franex, C‑275/00, EU:C:2002:711, point 49 et jurisprudence citée).

48      Dans ces conditions et ainsi que la Commission le relève à juste titre, le prétendu préjudice subi par le requérant du fait de l’impossibilité pour lui d’invoquer devant les juridictions comptables italiennes certains documents détenus par la Commission aurait pour cause déterminante le prononcé d’une condamnation pécuniaire par la Corte dei Conti – Sezione Seconda Giurisdizionale Centrale d’Appello (Cour des comptes – deuxième chambre juridictionnelle centrale d’appel) sans adoption préalable d’une mesure d’instruction exigeant de la Commission la production desdits documents. Il s’ensuit que ce préjudice, à le supposer établi, ne résulterait pas directement de la décision du 4 septembre 2019 et, partant, ne pourrait de ce fait être imputé à la Commission.

49      Par ailleurs, pour autant que le requérant évoque une prétendue violation de ses droits de la défense devant les juridictions pénales et comptables italiennes et met en cause le bien-fondé des condamnations prononcées contre lui par lesdites juridictions, il convient de rappeler que le Tribunal serait manifestement incompétent pour connaître d’un recours en indemnité introduit par une personne physique et tendant à obtenir réparation du préjudice prétendument subi du fait de décisions rendues par des juridictions nationales (voir, en ce sens, ordonnances du 17 décembre 2015, Guja/Pologne, C‑352/15 P, non publiée, EU:C:2015:837, points 1 et 10, et du 6 juillet 2020, Jantek/Kúria e.a., T‑375/20, non publiée, EU:T:2020:333, points 5 à 8).

50      En deuxième lieu, le requérant fait valoir qu’il a subi un préjudice moral, devant être évalué en équité, en raison des condamnations pénales qui ont été injustement prononcées contre lui. Il invoque également une atteinte à sa réputation résultant de l’écho médiatique donné à la première procédure pénale.

51      Pour établir un lien de causalité entre, d’une part, la décision du 4 septembre 2019 et, d’autre part, les préjudices moral et d’atteinte à la réputation allégués, le requérant soutient, en substance, que, faute d’avoir eu accès aux documents demandés, il n’a pas pu se défendre devant les juridictions pénales italiennes. Il explique que, s’étant trouvé dans l’incapacité de prouver son innocence, il n’a eu d’autre choix que d’accepter l’application d’une peine négociée selon la procédure prévue par l’article 444 du code de procédure pénale italien.

52      À cet égard, il convient de relever d’emblée que le préjudice moral invoqué par le requérant est la conséquence directe des deux condamnations pénales prononcées contre lui. De même, l’atteinte à la réputation qu’il invoque est la conséquence directe de la première procédure pénale et de l’écho médiatique donné à celle-ci.

53      De plus, les illégalités entachant la décision du 4 septembre 2019 ne peuvent en aucun cas être la cause directe ou même indirecte des préjudices moral et d’atteinte à la réputation dont le requérant fait état en ce qui concerne la première procédure pénale, laquelle s’est achevée par une condamnation prononcée le 8 juin 2012, soit plus de sept ans avant l’adoption de ladite décision.

54      Il s’ensuit que les préjudices moral et d’atteinte à la réputation allégués par le requérant ne résultent pas directement de la décision du 4 septembre 2019, laquelle s’est bornée à statuer sur la demande d’accès aux documents de 2019.

55      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation du requérant tirée de ce que la non-communication de certains documents l’aurait empêché de se défendre devant les juridictions pénales italiennes (point 51 ci-dessus).

56      En effet, à supposer même que les préjudices moral et d’atteinte à la réputation allégués par le requérant soient établis, le lien de causalité entre ces préjudices et l’absence de communication par la Commission de certains documents relatifs aux douze projets en cause ne serait tout au plus qu’indirect, de sorte que ces préjudices ne pourraient être imputés à la Commission, ainsi qu’il ressort des points 52 et 54 ci-dessus.

57      Par ailleurs, pour autant que le requérant invoque une violation des droits de la défense devant les juridictions pénales italiennes ainsi que le caractère injuste des condamnations pénales prononcées contre lui, il convient de rappeler que le Tribunal n’est pas compétent pour contrôler la régularité et le bien-fondé de décisions rendues par des juridictions nationales (voir point 49 ci-dessus).

58      En troisième lieu, le requérant soutient que les préjudices financier, moral et d’atteinte à la réputation mentionnés aux points 41 et 50 ci-dessus ont été aggravés par la persistance du manquement postérieurement à l’adoption de la décision du 4 décembre 2019. Il fait valoir que, en raison de la persistance de ce manquement, il a été empêché de demander la révision de ses condamnations pénales, devenues définitives, sur le fondement des articles 630 et suivants du code de procédure pénale italien ainsi que la révocation de la décision de condamnation en responsabilité administrative-comptable, devenue définitive, sur le fondement des articles 202 et suivants du code de justice comptable italien.

59      À cet égard, il suffit de relever que les préjudices mentionnés aux points 41 et 50 ci-dessus ne découlent pas directement des illégalités entachant la décision du 4 décembre 2019. Il s’ensuit que l’aggravation de ces préjudices en raison de la persistance du manquement reproché à la Commission postérieurement à l’adoption de cette décision ne peut pas davantage résulter directement des illégalités entachant ladite décision.

60      Dans ces conditions, le requérant ne démontre pas que les différents chefs de préjudice qu’il allègue découlent de façon suffisamment directe des illégalités entachant la décision du 4 septembre 2019.

61      Il s’ensuit que, sans qu’il soit besoin d’examiner si les illégalités entachant la décision du 4 septembre 2019 constituent des violations suffisamment caractérisées d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers et si la condition tenant à la réalité des dommages est remplie en l’espèce, la responsabilité non contractuelle de l’Union ne saurait être engagée.

62      Partant, le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

63      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

64      Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Giorgio Basaglia est condamné aux dépens.

Kornezov

Kowalik-Bańczyk

Petrlík

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 octobre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.

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