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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Kuhne v Parliament (Judgment) French Text [2022] EUECJ T-468/20 (16 March 2022) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/T46820.html Cite as: ECLI:EU:T:2022:137, [2022] EUECJ T-468/20, EU:T:2022:137 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
16 mars 2022 (*)
« Fonction publique – Fonctionnaires – Politique de mobilité du personnel du Parlement – Réaffectation dans l’intérêt du service »
Dans l’affaire T‑468/20,
Verena Kühne, demeurant à Berlin (Allemagne), représentée par Me O. Schmechel, avocat,
partie requérante,
contre
Parlement européen, représenté par Mmes L. Darie et B. Schäfer, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation de la décision du Parlement du 2 juillet 2020 portant réaffectation de la requérante au bureau de liaison à Luxembourg (Luxembourg),
LE TRIBUNAL (première chambre),
composé de M. H. Kanninen, président, Mmes O. Porchia et M. Stancu (rapporteure), juges,
greffier : M. E. Coulon,
rend le présent
Arrêt
Faits et procédure
1 La requérante, Mme Verena Kühne, est fonctionnaire de grade AST 7 à la direction générale (DG) « Communication » du Parlement européen. Elle est affectée depuis le 1er décembre 2001, date de sa nomination, au bureau de liaison du Parlement à Berlin (Allemagne).
2 L’offre de poste adressée le 30 octobre 2001 à la requérante indiquait que cette dernière pourrait être réaffectée dans les autres lieux d’implantation de l’institution, à savoir Strasbourg (France), Luxembourg (Luxembourg) ou Bruxelles (Belgique).
3 La requérante est mariée et mère d’une fille mineure. Son époux exerce sa profession à Berlin, où le couple dispose d’un logement.
4 Par des décisions successives, dont la dernière, du 15 janvier 2018, porte adoption du règlement sur la mobilité du personnel (ci-après le « règlement de 2018 »), le bureau du Parlement a arrêté un système de mobilité du personnel au sein de cette institution, laquelle se définit comme un changement de fonctions qui peut s’effectuer au sein d’un même type d’emploi ou dans un autre type d’emploi à l’issue d’une période de sept années d’affectation à un même emploi (ci-après la « mobilité du personnel »).
5 À la différence des réglementations similaires adoptées par des décisions antérieures, le règlement de 2018, entré en vigueur le 1er février 2018, prévoit que la mobilité du personnel s’applique à toutes les catégories de fonctionnaires de l’institution, y compris les groupes de fonctions des assistants (AST), alors que ces derniers n’étaient pas concernés par la mobilité du personnel jusqu’alors.
6 Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, du règlement de 2018, la mobilité du personnel s’effectue soit par nomination du fonctionnaire à un emploi à la suite d’un avis de vacance d’emploi, soit par réaffectation intervenant après publication d’un appel à manifestation d’intérêt, soit par décision de réaffectation d’un fonctionnaire dans l’intérêt du service. Elle fait l’objet d’une décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), après que le fonctionnaire a été entendu à cet égard.
7 Un régime transitoire à l’intention des fonctionnaires AST concernés par la mobilité du personnel au moment de l’entrée en vigueur du règlement de 2018 a été mis en place pour une période de trois ans, entre le 1er février 2018 et le 31 décembre 2020 (ci-après la « période transitoire »), durant laquelle lesdits fonctionnaires devaient mettre en œuvre leur obligation de mobilité.
8 Le 16 février 2019, le secrétaire général du Parlement a arrêté les modalités pratiques liées à la mise en œuvre de la mobilité du personnel (ci-après les « modalités pratiques du 16 février 2019 »), qui définissent notamment le calendrier de l’exercice de mobilité, les mesures d’accompagnement de la mobilité et les mesures favorisant la mobilité au sein de la même direction générale ou entre les différentes directions générales.
9 Le 2 juillet 2019, le secrétaire général du Parlement, en concertation avec le président du comité du personnel du Parlement, a approuvé une liste exhaustive de quatre situations entraînant une dérogation à la mobilité du personnel applicable aux fonctionnaires AST affectés au 1er février 2018 aux bureaux de liaison du Parlement (ci-après la « liste des dérogations du 2 juillet 2019 »). Parmi ces situations figure celle des parents divorcés ou séparés sous un régime de garde partagée d’un enfant mineur, qui sont exemptés de la mobilité du personnel jusqu’au jour où l’enfant atteint l’âge de la majorité.
10 Le 19 mars 2018, une session générale d’information a été organisée à l’intention des fonctionnaires AST de la DG « Communication », visés pour la première fois par la mobilité du personnel.
11 Le 24 avril 2018, la requérante a participé à la journée des carrières à Luxembourg organisée par le Parlement. Dans le cadre d’un entretien bilatéral avec un conseiller en orientation professionnelle de la DG « Communication » au sujet de sa mobilité, après avoir évoqué sa situation familiale, la requérante a indiqué qu’elle souhaitait être réaffectée le plus tard possible, à savoir à la fin de la période transitoire. Comme lieu d’affectation, la requérante a indiqué en priorité le Luxembourg, manifestant ainsi son intérêt pour un poste soit au bureau de liaison à Luxembourg, soit dans un autre service du Parlement au Luxembourg.
12 Eu égard aux souhaits qu’elle avait exprimés, la requérante a été informée le 3 juillet 2018 qu’elle ne serait pas proposée pour la mobilité au titre de l’exercice 2018 et qu’elle serait contactée à ce sujet en 2019.
13 Le 11 février 2019, en vue de la programmation des exercices de mobilité 2019 et 2020, les fonctionnaires AST des bureaux de liaison du Parlement ont été invités à mettre à jour, à réviser ou à confirmer l’orientation professionnelle indiquée l’année précédente. La requérante a confirmé que l’année 2020 était le moment souhaité pour sa réaffectation dans le cadre de la mobilité du personnel. Tout en indiquant qu’elle préférait rester affectée à Berlin, elle a précisé que, le cas échéant, elle désignait le Luxembourg comme choix d’affectation.
14 Le 13 février 2018, un courriel signé par plusieurs fonctionnaires AST travaillant dans différents bureaux de liaison, dont la requérante, a été transmis au directeur général de la DG « Communication ». Dans ce courriel, les signataires soulevaient des objections d’ordre juridique contre l’application du règlement de 2018 à leur égard et demandaient que des règles particulières soient édictées pour les fonctionnaires AST travaillant dans les bureaux de liaison.
15 Le 25 février 2019, la requérante et plusieurs de ses collègues ont adressé un courriel au chef de l’unité « Prévention bien-être au travail » de la DG « Personnel » et à la psychologue du Parlement. Ils y décrivaient les conséquences de la mobilité pour les fonctionnaires AST des bureaux de liaison et demandaient consultation et soutien.
16 Le 13 mai 2019, la requérante a adressé à l’unité des ressources humaines de la DG « Communication » une présentation de sa situation personnelle et a exposé ses réserves sur la possibilité, pour le Parlement, de la contraindre à se soumettre à la mobilité du personnel.
17 Le 14 octobre 2019, la requérante a été informée qu’elle n’avait pas été proposée, dans le cadre de l’exercice de mobilité 2019, pour l’appel à manifestation d’intérêt. Elle a néanmoins été avisée que l’année 2020 marquait la fin de la période transitoire et qu’elle devait changer de poste au plus tard le 31 décembre 2020. Il lui a également été recommandé de chercher activement un poste soit à la DG « Communication », soit dans une autre direction générale.
18 Le 27 novembre et le 18 décembre 2019, la requérante s’est vu proposer un poste d’assistant au bureau de liaison à Luxembourg, qu’elle a refusé le 11 décembre et le 19 décembre 2019 respectivement.
19 Le 19 décembre 2019, la requérante a introduit une demande au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), afin qu’il soit constaté que la mobilité du personnel ne lui était pas applicable ou, à titre subsidiaire, n’entraînait pas le changement de son lieu d’affectation ou, à titre encore plus subsidiaire, ne l’obligeait pas à changer de lieu d’affectation avant le 1er février 2029, date à laquelle sa fille mineure aurait atteint l’âge de la majorité.
20 Le 17 avril 2020, le Parlement a rejeté ladite demande de la requérante.
21 Par courriel du 12 juin 2020, la requérante a été informée de la demande adressée par la DG « Communication » à l’AIPN visant à la réaffecter, dans l’intérêt du service, au bureau de liaison à Luxembourg avec effet au 1er septembre 2020.
22 Le 22 juin 2020, le Parlement a fait part à la requérante de son intention de la réaffecter au bureau de liaison à Luxembourg à partir du 1er septembre 2020, en l’invitant à formuler des observations à cet égard. Le même jour, la requérante a déposé ses observations et exposé ses réserves d’ordre juridique au sujet de la réaffectation envisagée.
23 Le 22 juin 2020 également, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision du 17 avril 2020 (voir point 20 ci-dessus). Cette réclamation a été rejetée par décision du 14 octobre 2020. Le 18 novembre 2020, la requérante a introduit devant le Tribunal un recours tendant à l’annulation de la décision du 17 avril 2020. Par ordonnance du 10 septembre 2021, Kühne/Parlement (T‑691/20, non publiée, EU:T:2021:600), le Tribunal a rejeté comme irrecevable ledit recours.
24 Le 2 juillet 2020, le Parlement a adopté la décision de réaffectation de la requérante au bureau de liaison à Luxembourg à partir du 1er septembre 2020 (ci-après la « décision attaquée »).
25 Le 16 juillet 2020, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision attaquée, qui a été rejetée par décision du 24 novembre 2020 (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).
Procédure et conclusions
26 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 juillet 2020, la requérante a introduit le présent recours.
27 Par acte déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande en référé, tendant à obtenir, d’une part, le sursis à exécution de la décision attaquée et, d’autre part, le maintien de son emploi à son poste au bureau de liaison du Parlement à Berlin ou d’autres mesures appropriées au maintien provisoire du statu quo dans l’attente de la décision au fond.
28 Par ordonnance du 4 septembre 2020, Kühne/Parlement (T‑468/20 R, non publiée), adoptée sur le fondement de l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, le président du Tribunal a ordonné le sursis à l’exécution de la décision attaquée et le maintien de la requérante dans ses fonctions au sein du bureau de liaison à Berlin, jusqu’à la date de l’ordonnance mettant fin à la procédure de référé.
29 Le Parlement a déposé le mémoire en défense le 16 mars 2021.
30 Par ordonnance du 12 avril 2021, Kühne/Parlement (T‑468/20 R, non publiée, EU:T:2021:183), adoptée sur le fondement de l’article 156 du règlement de procédure, le président du Tribunal a rejeté la demande en référé et rapporté l’ordonnance du 4 septembre 2020, Kühne/Parlement (T‑468/20 R, non publiée).
31 La réplique et la duplique ont été déposées, respectivement, le 25 mai et le 6 juillet 2021.
32 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner le Parlement aux dépens.
33 Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
34 Dans la requête, la requérante présente sept moyens, tirés, en substance, le premier, de la violation de l’obligation de motivation, le deuxième, du non-respect des modalités pratiques du 16 février 2019, le troisième, de la violation de plusieurs droits fondamentaux, le quatrième, du caractère disproportionné de sa réaffectation et de la violation du devoir de sollicitude, le cinquième, d’un détournement de pouvoir, le sixième, d’une atteinte à la protection de la confiance légitime et, le septième, de la violation du principe de bonne foi.
35 Au stade de la réplique, la requérante s’est également prévalue d’une violation du droit d’être entendu.
Sur la recevabilité
36 Dans la duplique, le Parlement invoque, sur la base de l’article 76, sous d) et e), et de l’article 84 du règlement de procédure, l’irrecevabilité des moyens et des griefs avancés pour la première fois par la requérante dans le cadre de la réplique sans qu’ils aient été mentionnés dans le cadre de la réclamation et de la requête. Pour les mêmes raisons, le Parlement soutient que la règle de concordance n’a pas été respectée en l’espèce.
37 Ainsi, premièrement, le Parlement soutient que le cadre juridique de la requête était limité aux différentes réglementations successives concernant la mobilité du personnel, tandis que, au stade de la réplique, le cadre juridique a été élargi aux dispositions relatives aux droits fondamentaux garantis par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), sous l’angle du non-respect du principe de proportionnalité applicable aux limitations apportées à l’exercice desdits droits.
38 Deuxièmement, le Parlement fait valoir que, au stade de la réclamation et de la requête, le troisième moyen était tiré d’une violation du devoir de sollicitude résultant de la circonstance que le changement de lieu d’affectation était incompatible avec plusieurs droits fondamentaux, tandis que, au stade de la réplique, la requérante a changé la portée et même le libellé de ses moyens, le moyen tiré de la violation du devoir de sollicitude semblant avoir disparu et différents articles de la Charte ayant été analysés individuellement.
39 Troisièmement, le Parlement fait valoir qu’un nouveau moyen, tiré d’une violation du droit d’être entendu, ainsi qu’une nouvelle série d’arguments, portant sur la protection économique de la famille et sur la protection de l’environnement, ont été avancés au stade de la réplique.
40 S’agissant, d’une part, de la violation alléguée de la règle de concordance, il convient de rappeler que celle-ci exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen soulevé devant le juge de l’Union européenne l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse (voir arrêt du 9 juin 2021, Hill Mansilla/Commission, T‑575/19, non publié, EU:T:2021:324, point 50 et jurisprudence citée). Il ressort du dossier que cette règle a été respectée dans la présente affaire, dès lors que les moyens présentés dans la requête sont les mêmes que ceux invoqués dans la réclamation.
41 S’agissant, d’autre part, de la recevabilité des moyens et des griefs invoqués dans la réplique, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite sauf si ces moyens se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. De plus, un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable. Par ailleurs, les arguments dont la substance présente un lien étroit avec un moyen énoncé dans la requête ne peuvent être considérés comme des moyens nouveaux et leur présentation est admise au stade de la réplique ou de l’audience (arrêt du 8 novembre 2018, “Pro NGO!”/Commission, T‑454/17, EU:T:2018:755, point 70).
42 En l’espèce, premièrement, il convient de constater que, bien que la requête ne contienne pas de description du cadre juridique et, notamment, des dispositions relatives aux droits fondamentaux, ainsi que le fait valoir en substance le Parlement, dans la seconde partie de la requête, la requérante a fait explicitement référence aux articles 7, 20, 21, 24, 33, 41 et 52 de la Charte, lesquels ont été, par la suite, repris dans la réplique ou mentionnés explicitement dans le cadre juridique de cette dernière. Quant à la référence, dans la réplique, à l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH, il convient de relever qu’il constitue le pendant de l’article 7 de la Charte. Or, ce dernier avait été mentionné dans la requête, de sorte que cette référence audit article 8, paragraphe 1, au stade de la réplique doit être considérée comme une ampliation d’un moyen soulevé dans la requête.
43 Deuxièmement, s’il est vrai que, au point 59 de la requête, la requérante a avancé que sa réaffectation dans un autre lieu de travail était contraire au devoir de sollicitude, car il serait incompatible avec plusieurs droits fondamentaux consacrés par la Charte, invoquant dès lors une violation desdits droits dans le cadre du devoir de sollicitude, ainsi que le fait valoir le Parlement, elle a toutefois exposé dans les points suivants de la requête en quoi, selon elle, certains de ses droits fondamentaux n’avaient pas été respectés du fait de sa réaffectation.
44 Ainsi, dès le stade de la requête, la requérante a fait valoir que la décision attaquée portait atteinte, sans aucune justification, au droit au respect de la vie privée et familiale (articles 7 et 33 de la Charte) ainsi qu’au droit de l’enfant d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents (article 24 de la Charte) et qu’il y avait eu violation des principes d’égalité en droit (article 20 de la Charte) et de non-discrimination (article 21 de la Charte).
45 Dans le mémoire en défense, le Parlement, après avoir brièvement répondu à la prétendue violation du devoir de sollicitude, a d’ailleurs exposé ses arguments quant à la prétendue violation de droits fondamentaux invoquée par le requérante.
46 En outre, il ressort des écritures de la requérante que, pour ce qui concerne la prétendue atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale et au droit de l’enfant d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, elle a invoqué, dans la requête, une violation de l’article 7 de la Charte en ce que, par suite de la décision attaquée, « [l]a famille serait décomposée et ne pourrait plus vivre que séparée ». Dans la réplique, la requérante fait référence à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH ») selon laquelle le champ de protection de l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH comprend également la cohabitation de la famille, pour conclure que l’article 7 de la Charte, lequel correspond audit article 8, protège donc également la cohabitation de la famille, au titre de l’article 52, paragraphe 3, et de l’article 53 de la Charte.
47 Au point 62 de la requête, la requérante soutient qu’il n’existe aucune justification à la méconnaissance alléguée du droit au respect de la vie privée et familiale et du droit de l’enfant d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents. Les points 41 et suivants de la réplique explicitent cette prétendue absence de justification, en invoquant que « [l]’atteinte […] au droit fondamental à la vie privée et familiale prévu à l’article 7 de la Charte ne peut être limitée que conformément à l’article 8, paragraphe 2, de la CEDH ». Certes, les arguments avancés à cet égard par la requérante couvrent au total 30 points de la réplique. Toutefois, il convient de constater qu’il s’agit de griefs qui peuvent être rattachés à des griefs qui avaient déjà été énoncés dans la requête, tel, notamment, l’argument selon lequel l’atteinte aux droits de la requérante et de sa famille serait disproportionnée eu égard aux intérêts poursuivis par le Parlement. Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir le Parlement, la circonstance que la requérante aborde ces questions dans le cadre de la réplique à la lumière de l’article 52, paragraphes 1 et 3, de la Charte ne saurait remettre en cause le fait qu’il s’agit de griefs qui présentent un lien étroit avec des griefs énoncés dans la requête, de sorte qu’ils sont recevables.
48 De plus, certains arguments invoqués par la requérante dans la réplique répondent à des arguments avancés par le Parlement dans le mémoire en défense. Il s’agit notamment des arguments relatifs à la jurisprudence tirée de l’arrêt du 11 juillet 1996, Aubineau/Commission (T‑102/95, EU:T:1996:104), ou à la nécessité de la mesure de réaffectation ainsi que de l’argument selon lequel cette mesure entraînera une charge financière pour la requérante et sa famille ainsi qu’une charge environnementale contraire à la politique du Parlement. Ces arguments peuvent être considérés comme des réponses à l’argument du Parlement selon lequel la requérante se bornerait à faire état d’inconvénients familiaux sans préciser en quoi ses droits statutaires qui garantissent l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée auraient été méconnus et aux affirmations du Parlement selon lesquelles, d’une part, la réaffectation de la requérante serait faite dans l’intérêt du service et, d’autre part, la charge financière entraînée par le changement du lieu d’affectation serait compensée par les indemnités statutaires auxquelles la requérante aurait droit à la suite de sa réaffectation.
49 Il s’ensuit que les arguments de la requérante susmentionnés, dont le Parlement prétend qu’ils constituent des moyens nouveaux, ont été présentés à l’appui de l’argumentation déjà avancée dans la requête au soutien des troisième et quatrième moyens ou constituent des réponses aux arguments développés à cet égard par le Parlement, de sorte qu’il convient de les considérer comme recevables.
50 Troisièmement, il y a lieu de constater que la violation du droit d’être entendu, bien que celle-ci ait été invoquée pour la première fois au stade de la réplique, se fonde sur des faits qui se sont révélés pendant la procédure devant le Tribunal. En effet, ainsi qu’il ressort des points 22 et 27 à 30 de la réplique, la requérante estime que, jusqu’au dépôt du mémoire en défense, auquel était annexée la décision de rejet de la réclamation, le Parlement ne l’avait pas informée de la circonstance que sa réaffectation était également prévue aux fins de la réorganisation de la DG « Communication » et dans le contexte de l’affectation et de la planification du personnel des bureaux de liaison à Berlin et à Luxembourg.
51 Or, la décision de rejet de la réclamation, à laquelle le mémoire en défense fait référence, a été prise et, par conséquent, déposée au Tribunal après que la requérante a introduit le présent recours, de sorte qu’il s’agit d’un fait qui s’est révélé au cours de la procédure et qui ne pouvait, dès lors, être invoqué à un stade antérieur.
52 Il s’ensuit que l’argumentation de la requérante relative à une violation du droit d’être entendu est recevable.
53 Au vu de ces considérations, il convient de rejeter les arguments du Parlement relatifs à l’irrecevabilité des moyens, des griefs et des arguments présentés par la requérante dans la réplique et d’examiner lesdits moyens, griefs et arguments dans le cadre des troisième et quatrième moyens.
Sur le fond
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation
54 La requérante fait valoir que la décision attaquée est dépourvue de motivation, en ce qu’elle contient uniquement une référence au statut et à une certaine demande de la DG « Communication » dont elle n’aurait pas eu connaissance. Cela ne constituerait pas une motivation complète telle que prescrite par la jurisprudence. En outre, la décision attaquée n’indiquerait pas l’intérêt du service justifiant la réaffectation de la requérante.
55 Dans la réplique, la requérante fait valoir en outre que les motifs liés à la circonstance que sa réaffectation était également prévue aux fins de la réorganisation de la DG « Communication » et des bureaux de liaison du Parlement, y compris celui situé à Berlin, avancés par le Parlement dans le mémoire en défense en réponse aux troisième et quatrième moyens, seraient tardifs, dès lors qu’ils n’avaient été mentionnés ni dans la décision attaquée ni dans la décision de rejet de la réclamation. La requérante en conclut qu’il convient de considérer ces décisions comme étant non motivées ou, à tout le moins, insuffisamment motivées.
56 Le Parlement conteste l’argumentation de la requérante.
57 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation prescrite par l’article 25, deuxième alinéa, du statut, qui ne constitue que la reprise de l’obligation générale édictée par l’article 296 TFUE, a pour objet, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de l’acte (arrêt du 26 octobre 2017, Paraskevaidis/Cedefop, T‑601/16, EU:T:2017:757, point 36 et jurisprudence citée). En outre, il convient de rappeler qu’il découle de la jurisprudence que la motivation d’une décision s’apprécie au regard non seulement de son libellé, mais également de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Ainsi, une décision est suffisamment motivée dès lors qu’elle est intervenue dans un contexte connu de l’intéressé qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard [voir arrêt du 3 juillet 2019, PT/BEI, T‑573/16, EU:T:2019:481, point 375 (non publié) et jurisprudence citée]. Selon la jurisprudence, tel est le cas lorsque les circonstances dans lesquelles l’acte en cause a été arrêté ainsi que les notes de service et les autres communications l’accompagnant permettent de connaître les éléments essentiels qui ont guidé l’administration dans sa décision (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2005, Napoli Buzzanca/Commission, T‑218/02, EU:T:2005:343, point 65).
58 Partant, s’il est vrai que la décision attaquée contient uniquement une référence à l’article 7 du statut et à une demande de la DG « Communication », il convient d’avoir égard à l’ensemble des éléments de contexte relatifs à la décision attaquée. Il s’agit essentiellement de la session générale d’information organisée le 19 mars 2018 à l’intention des fonctionnaires AST de cette direction générale, visés pour la première fois par la mobilité du personnel en vertu du règlement de 2018, de la journée des carrières du 24 avril 2018, du courriel du 12 juin 2020 par lequel la requérante a été informée de ladite demande de la DG « Communication », adressée à l’AIPN, visant à la réaffecter, dans l’intérêt du service, au bureau de liaison à Luxembourg avec effet au 1er septembre 2020, du fait que la requérante a été signataire des courriels adressés les 13 février 2018 et 25 février 2019 aux services du Parlement, pour exprimer les inquiétudes des fonctionnaires AST des bureaux de liaison et pour décrire les conséquences de la mobilité du personnel pour les mêmes fonctionnaires ainsi que des multiples échanges de vues, y compris dans le cadre des entretiens bilatéraux que la requérante a eus avec sa hiérarchie, avec les conseillers en orientation professionnelle de la DG « Communication » et avec son AIPN par suite de sa demande au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut. Il y a donc lieu de considérer que la requérante a été en mesure de comprendre la portée de la mesure de réaffectation prise à son égard et d’apprécier sa légalité ainsi que l’opportunité de la soumettre à un contrôle juridictionnel (voir, en ce sens, arrêt du 7 février 2007, Clotuche/Commission, T‑339/03, EU:T:2007:36, points 198 à 199 et jurisprudence citée). De même, il convient de considérer que le Tribunal est en mesure d’exercer son contrôle sur la légalité de l’acte.
59 En outre, il est de jurisprudence constante qu’une institution de l’Union peut remédier à un éventuel défaut de motivation par une motivation adéquate fournie au stade de la réponse à la réclamation, cette dernière motivation étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation a été dirigée (voir arrêt du 22 mars 2018, HJ/EMA, T‑579/16, non publié, EU:T:2018:168, point 62 et jurisprudence citée).
60 Or, il convient de relever que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la décision de rejet de la réclamation expose de manière détaillée et complète les motifs ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée. En effet, il ressort de la décision de rejet de la réclamation que la décision attaquée a été prise pour répondre aux besoins de la mobilité du personnel nouvellement introduite pour les fonctionnaires AST et dans le contexte général de la réorganisation des bureaux de liaison du Parlement. Ainsi, il y est exposé que la réaffectation de la requérante au bureau de liaison à Luxembourg est fondée sur la circonstance que, depuis la mise à la retraite, le 1er décembre 2019, d’un membre du personnel de ce bureau, il ne s’y trouvait plus de fonctionnaire AST, alors que deux postes AST y étaient disponibles. En outre, il est précisé que le nombre de postes AST du bureau de liaison à Berlin devait progressivement être réduit et que cet objectif serait atteint par des mesures de réaffectation dans le cadre de la mobilité du personnel, des mises à la retraite ainsi que la transformation de postes AST en postes d’administrateurs (AD).
61 Quant à l’argumentation de la requérante, indiquée au point 55 ci-dessus, selon laquelle la présentation dans le mémoire en défense de certains motifs soutenant la décision attaquée serait tardive, il suffit de rappeler ce qui est indiqué aux points 59 et 60 ci-dessus, à savoir qu’il peut être remédié à un éventuel défaut de motivation par une motivation adéquate fournie au stade de la réponse à la réclamation et que la décision de rejet de la réclamation fait explicitement référence au contexte général de la réorganisation des bureaux de liaison du Parlement.
62 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de constater que le Parlement n’a pas enfreint son obligation de motivation et il convient, en conséquence, de rejeter le premier moyen comme non fondé.
Sur le deuxième moyen, tiré du non-respect des modalités pratiques du 16 février 2019
63 La requérante fait valoir que, selon la procédure établie dans les modalités pratiques du 16 février 2019, un fonctionnaire est autorisé à refuser un poste qui lui est proposé et que, selon lesdites modalités, dès lors qu’elle avait refusé deux fois le poste proposé au bureau de liaison à Luxembourg, une réaffectation à ce poste n’était plus envisageable.
64 Sans soulever formellement l’irrecevabilité de ce moyen, le Parlement émet des doutes quant à sa recevabilité au titre de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, dans la mesure où la requérante ne développerait pas ses arguments et ne préciserait pas à quelle règle elle fait référence.
65 Quant au fond, le Parlement conteste l’argumentation de la requérante.
66 S’agissant de la recevabilité du deuxième moyen, il convient de rappeler que, selon l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête visée à l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne contient l’objet du litige, les moyens ainsi que les arguments invoqués. Selon la jurisprudence, cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d’exercer son contrôle, le cas échéant, sans autre information à l’appui. En outre, il est nécessaire que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels le recours se fonde ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête, afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice (arrêt du 15 octobre 2020, Karpeta-Kovalyova/Commission, T‑249/19, non publié, EU:T:2020:490, point 25).
67 Or, en l’espèce, il y a lieu de constater que l’exposé des griefs dans le cadre du deuxième moyen est suffisamment clair et précis, permettant au Tribunal de statuer sur ce moyen.
68 En outre, ainsi qu’il ressort du mémoire en défense, le Parlement a compris que, par son deuxième moyen, la requérante alléguait que, en vertu des modalités pratiques du 16 février 2019, sa réaffectation dans le cadre de la mobilité du personnel ne constituait plus une option envisageable après deux refus successifs de sa part et a donc pu préparer sa défense.
69 Par conséquent, les arguments du Parlement contestant la recevabilité du deuxième moyen doivent être rejetés.
70 En ce qui concerne le bien-fondé de ce moyen, il convient de constater que les modalités pratiques du 16 février 2019 établissent le calendrier du programme de la mobilité du personnel. Ainsi que le fait valoir le Parlement, il ressort de ce calendrier que, à un stade précoce de l’exercice de mobilité, il est loisible au fonctionnaire concerné de refuser un poste proposé par sa hiérarchie et que le fonctionnaire ayant refusé une telle proposition doit chercher, de façon proactive, une solution pour mettre en œuvre son obligation de mobilité et, le cas échéant, postuler à des postes vacants. En outre, si, à la fin de l’exercice de mobilité, il est constaté que ledit fonctionnaire n’a pas réussi à trouver un poste, l’AIPN, après l’avoir entendu, prend une décision de réaffectation sur le fondement de l’article 7 du statut.
71 Il en résulte que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la circonstance qu’il est loisible au fonctionnaire soumis à la mobilité du personnel de refuser un poste proposé n’implique pas que ce même poste ne peut pas lui être imposé à la fin de l’exercice de mobilité lorsque, faute pour le fonctionnaire concerné de proposer sa réaffectation à un poste alternatif, l’administration prend une décision de réaffectation à son égard sur la base de l’article 7 du statut.
72 Partant, il convient de rejeter le deuxième moyen comme non fondé.
Sur le troisième moyen, tiré de la violation de plusieurs droits fondamentaux
73 Dans le cadre de son troisième moyen, la requérante fait valoir, en substance, que sa réaffectation à un autre lieu de travail est contraire au devoir de sollicitude du Parlement, car elle serait incompatible avec plusieurs droits fondamentaux consacrés par la Charte dont elle dispose en tant que fonctionnaire.
74 Toutefois, il convient de relever qu’il ressort de l’argumentation développée aux points 60 et suivants de la requête que, par son troisième moyen, qui se divise en deux branches, la requérante vise, en réalité, non pas une violation du devoir de sollicitude, mais une atteinte disproportionnée à plusieurs droits fondamentaux prévus par la Charte.
– Sur la première branche du troisième moyen, tirée d’une atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale (articles 7 et 33 de la Charte) ainsi qu’au droit de l’enfant d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses parents (article 24 de la Charte)
75 La requérante fait valoir que sa réaffectation à Luxembourg rendra impossible la cohabitation de sa famille au même endroit, eu égard à la décision de son mari de ne pas la suivre au Luxembourg. Or, la cohabitation étant, selon la requérante, protégée par l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH, elle le serait également par l’article 7 de la Charte, en vertu de l’article 52, paragraphe 3, et de l’article 53 de cette dernière.
76 En outre, la requérante fait valoir que, selon la jurisprudence, l’article 7 de la Charte, lu à la lumière de son article 24, paragraphes 2 et 3, protège également l’intérêt supérieur de l’enfant et les relations régulières de l’enfant avec ses parents. Selon la requérante, les relations avec sa fille seront restreintes du fait de sa réaffectation au Luxembourg, de sorte qu’il y aurait également atteinte à ce droit fondamental.
77 Enfin, selon la requérante, une atteinte au droit fondamental à la vie privée et familiale prévu à l’article 7 de la Charte ne peut être justifiée que si elle est conforme aux limitations spéciales prévues à l’article 8, paragraphe 2, de la CEDH. La limitation visée à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, selon laquelle le principe de proportionnalité doit dans tous les cas être respecté, s’appliquerait également.
78 Le Parlement conteste les arguments de la requérante.
79 Il convient de rappeler que l’article 7 de la Charte, qui contient des droits correspondant à ceux garantis par l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH, reconnaît le droit au respect de la vie privée et familiale. Cette disposition de la Charte doit en outre être lue en combinaison avec l’obligation de prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant, reconnu à l’article 24, paragraphe 2, de la Charte, et en tenant compte de la nécessité pour un enfant d’entretenir régulièrement des relations personnelles avec ses deux parents, exprimée à l’article 24, paragraphe 3, de la Charte (arrêt du 27 juin 2006, Parlement/Conseil, C‑540/03, EU:C:2006:429, point 58). L’article 33, paragraphe 1, de la Charte, quant à lui, prévoit que la protection de la famille est assurée sur le plan juridique, économique et social.
80 Il y a lieu de prendre en compte la jurisprudence de la Cour EDH aux fins de l’examen de la première branche du troisième moyen. En effet, ainsi qu’il ressort de l’article 6, paragraphe 3, TUE, les droits fondamentaux reconnus par la CEDH font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux et l’article 52, paragraphe 3, de la Charte impose de donner aux droits contenus dans celle-ci correspondant à des droits garantis par la CEDH le même sens et la même portée que ceux que leur confère ladite convention.
81 À cet égard, il y a lieu de constater qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour EDH que l’article 8 de la CEDH tend pour l’essentiel à prémunir l’individu contre des ingérences arbitraires des pouvoirs publics (Cour EDH, 13 décembre 2012, El-Masri c. L’ex-République yougoslave de Macédoine, CE:ECHR:2012:1213JUD003963009, § 248).
82 Or, dans le cadre du présent moyen, la requérante ni ne démontre ni même n’allègue que la décision attaquée revêt un caractère arbitraire.
83 S’agissant par ailleurs des difficultés organisationnelles et financières auxquelles la requérante pourrait être amenée à faire face en conséquence de sa réaffectation, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la modification du lieu d’affectation, même si elle peut présenter pour l’intéressé des inconvénients familiaux et économiques, ne constitue pas un événement anormal et imprévisible dans la carrière d’un fonctionnaire dès lors que les lieux de travail auxquels il peut être affecté sont répartis entre différents États membres et que l’AIPN peut être appelée à faire face à des exigences de service la mettant dans l’obligation de décider de ce transfert (arrêt du 11 juillet 1996, Aubineau/Commission, T‑102/95, EU:T:1996:104, point 29).
84 Dans ces conditions, admettre que des inconvénients tels que ceux dont se plaint la requérante font, à eux seuls, obstacle à ce qu’un fonctionnaire soit réaffecté sans son consentement limiterait de manière intolérable la liberté de disposition des institutions dans l’organisation de leurs services et dans l’adaptation de cette organisation à l’évolution des besoins (voir, par analogie, arrêt du 22 janvier 1998, Costacurta/Commission, T‑98/96, EU:T:1998:6, point 40 et jurisprudence citée).
85 Dès lors qu’il est ainsi établi qu’aucune atteinte disproportionnée n’a été portée aux droits fondamentaux relatifs au respect de la vie familiale de la requérante ni à la garantie de la protection de la famille sur le plan juridique, économique et social, il convient de rejeter la première branche du troisième moyen.
– Sur la seconde branche du troisième moyen, tirée d’une atteinte à l’égalité en droit (article 20 de la Charte) et à la non-discrimination (article 21 de la Charte)
86 La requérante fait valoir que les principes d’égalité en droit et de non-discrimination ont été violés.
87 Ainsi, premièrement, elle estime qu’elle a subi un traitement différent des fonctionnaires AST se trouvant dans une situation comparable, dans la mesure où, en vertu de la liste des dérogations du 2 juillet 2019, elle est, en tant que fonctionnaire mariée ayant la garde en commun d’un enfant mineur, traitée différemment des fonctionnaires vivant séparés ou divorcés qui se partagent la garde d’un enfant mineur. La requérante estime que tous les fonctionnaires AST qui partagent le droit de garde d’un enfant mineur doivent être exclus de la mobilité du personnel jusqu’à ce que leur enfant mineur atteigne l’âge de la majorité, quel que soit leur statut matrimonial.
88 Deuxièmement, la requérante estime subir le même traitement que des fonctionnaires AST dont la situation n’est pas comparable, dans la mesure où, en tant que fonctionnaire AST travaillant dans un bureau de liaison situé hors des grands lieux d’affectation que sont Bruxelles et Luxembourg, elle est, en vertu du règlement de 2018, traitée de la même façon que des fonctionnaires AST employés dans lesdits grands lieux d’affectation, alors que ces derniers fonctionnaires soit peuvent être soumis à une réaffectation dans le même lieu, soit, dans l’hypothèse où ils ont décidé d’accepter une fois un poste dans un autre lieu d’affection, ont de fortes chances de retrouver par la suite un emploi dans leur ancien lieu d’affectation.
89 Le Parlement conteste l’argumentation de la requérante.
90 À titre liminaire, il convient de constater, à l’instar du Parlement, que, sans soulever formellement une exception d’illégalité au sens de l’article 277 TFUE, la requérante fait valoir, par la seconde branche du troisième moyen, qu’il convient d’annuler la décision attaquée au motif que le point 4 de la liste des dérogations du 2 juillet 2019, d’une part, et l’article 3, paragraphe 1, du règlement de 2018, d’autre part, méconnaissent les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination.
91 À cet égard, il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union, consacré à l’article 20 de la Charte, dont le principe de non-discrimination énoncé à son article 21, paragraphe 1, est une expression particulière. Ce principe général exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 5 juillet 2017, Fries, C‑190/16, EU:C:2017:513, points 29 et 30 et jurisprudence citée).
92 En ce qui concerne le caractère comparable des situations, celui-ci s’apprécie au regard de l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Ces éléments doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (voir arrêt du 19 décembre 2019, HK/Commission, C‑460/18 P, EU:C:2019:1119, point 67 et jurisprudence citée).
93 C’est à la lumière de l’ensemble de ces indications qu’il convient de vérifier si l’exception à l’obligation de mobilité prévue au point 4 de la liste des dérogations du 2 juillet 2019, qui prévoit que sont exemptés de la mobilité du personnel uniquement les parents divorcés ou séparés sous un régime de garde partagée d’un enfant mineur jusqu’au jour où l’enfant atteint l’âge de la majorité, ainsi que l’article 3, paragraphe 1, du règlement de 2018, qui instaure le principe de la mobilité du personnel du Parlement, violent les principes généraux d’égalité de traitement et de non-discrimination, à la lumière de l’objet et du but de ces actes.
94 Concernant le point 4 de la liste des dérogations du 2 juillet 2019, à titre liminaire, il convient de constater que la requérante excipe de l’illégalité de celui-ci dans la mesure où il limite la dérogation qu’il prévoit aux seuls parents divorcés ou séparés, au lieu de la prévoir également pour les membres d’un couple marié.
95 Il ressort de la liste des dérogations du 2 juillet 2019 que les dérogations qu’elle contient ont été établies pour prendre en compte des situations dans lesquelles la réaffectation d’un fonctionnaire soumis à la mobilité du personnel serait soit inutile compte tenu de son âge (points 1 et 3), soit impossible eu égard à une maladie grave du fonctionnaire, de son enfant, de son conjoint ou d’un ascendant légalement dépendant (point 2), soit inadéquate compte tenu de certaines obligations légales, à savoir celles auxquelles sont soumis les parents divorcés ou séparés sous un régime de garde partagée d’un enfant mineur, et ce jusqu’au jour où ledit enfant atteint l’âge de la majorité (point 4).
96 Concernant plus particulièrement cette dernière dérogation, ainsi que le Parlement l’expose à juste titre, les parents divorcés ou séparés se trouvent objectivement dans une situation qui n’est pas comparable à celle des parents mariés. En effet, dans le cas des parents divorcés ou séparés, les enfants sont souvent légalement obligés de résider alternativement avec chaque parent de façon régulière, parfois pour des périodes très courtes, et avec des aménagements spécifiques, ce qui, dans le cas de parents résidant à une distance importante l’un de l’autre, voire dans deux pays différents, est objectivement de nature à compliquer la situation de l’enfant et de ses parents en ce qui concerne la mise en œuvre du régime de la garde partagée.
97 La circonstance que les parents concernés se trouvent sous un régime de garde partagée juridiquement contraignant constitue donc le critère retenu pour distinguer les deux situations. Or, il s’avère que la situation de parents mariés, tels que la requérante, et celle de parents divorcés ou séparés légalement ne sont pas comparables.
98 Quant à l’argument que la requérante soulève dans la réplique selon lequel le Parlement aurait dû prendre en considération son cas spécifique, dans la mesure où, selon les dispositions du droit allemand applicables aux relations de famille de la requérante, il n’y a pas de différence entre les parents divorcés ou séparés et les parents mariés en ce qui concerne les droits et les obligations des parents, il suffit de rappeler que les personnes concernées ne sont pas dans une situation comparable quant à la garde de leurs enfants, les parents séparés ou divorcés ayant la garde partagée de ceux-ci, alors que les parents mariés en ont la garde en commun.
99 Au vu de ces circonstances, il convient de conclure que le point 4 de la liste des dérogations du 2 juillet 2019 ne comporte pas de violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination.
100 Concernant le principe de la mobilité du personnel instauré par l’article 3 du règlement de 2018, et eu égard au grief relatif au traitement identique de fonctionnaires ne se trouvant pas dans des situations comparables, il convient de constater que, contrairement à ce que prétend la requérante, la situation des fonctionnaires AST travaillant dans les bureaux de liaison situés hors des grands lieux d’affectation que sont Bruxelles et Luxembourg doit être considérée comme semblable à celle des autres fonctionnaires AST du Parlement.
101 En effet, ainsi que l’indique à juste titre le Parlement, quand bien même les fonctionnaires AST affectés dans l’un des principaux lieux de travail du Parlement auraient davantage de possibilités de mobilité sur le même lieu de travail du fait de la taille du site, cela n’exclut nullement que, dans le cadre de la mobilité du personnel, ces fonctionnaires soient réaffectés ou mutés sur un autre lieu de travail, y compris dans un bureau de liaison établi dans un autre pays que celui où se trouve leur lieu d’affectation initial. À cet égard, il suffit de rappeler que l’activité des services du Parlement est exercée dans trois lieux principaux situés dans trois pays différents, soit à Strasbourg, à Bruxelles et à Luxembourg, ainsi que dans des bureaux de liaison implantés dans les 27 États membres de l’Union ainsi qu’au Royaume-Uni et aux États-Unis.
102 Il en résulte que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, sa situation n’est pas différente de celle des fonctionnaires AST travaillant dans les principaux lieux d’affectation du Parlement, de sorte qu’il n’y a pas eu violation du principe d’égalité en droit à cet égard.
103 Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter également la seconde branche du troisième moyen.
104 Quant à l’argument de la requérante selon lequel le Parlement a indiqué, dans le cadre de la procédure de référé, que son âge avait aussi joué un rôle dans l’adoption de la décision attaquée, ce qui constituerait également une discrimination inadmissible, il suffit de constater que le Parlement s’est limité à exposer, dans le cadre de cette procédure, que « la requérante serait [, lorsque sa fille atteindrait l’âge de la majorité,] âgée de 56 ans », sans en tirer la moindre conclusion.
105 Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le troisième moyen comme non fondé.
Sur le quatrième moyen, tiré du caractère disproportionné du changement du lieu d’affectation au regard des intérêts en présence ainsi que de la violation du devoir de sollicitude, et sur le non-respect du droit d’être entendu
106 Dans le cadre de son quatrième moyen, la requérante fait valoir le caractère disproportionné de sa réaffectation au bureau de liaison à Luxembourg au regard des intérêts en présence. À cet égard, elle soutient que ses intérêts personnels priment l’intérêt du service, que le Parlement a méconnu l’intérêt du service et que, en tout état de cause, il n’a pas été réalisé une mise en balance des intérêts en présence. De plus, elle allègue que le règlement de 2018 n’exige pas un changement de lieu d’affectation. Enfin, la requérante indique que le Parlement a enfreint son devoir de sollicitude.
107 Dans le cadre de la réplique, la requérante soutient en outre que, dans la mesure où certains motifs de la décision attaquée n’ont été portés à sa connaissance qu’au stade du mémoire en défense, son droit d’être entendue a été enfreint.
– Sur l’absence d’un intérêt du service
108 Selon la requérante, sa réaffectation n’est pas de nature à atteindre les objectifs poursuivis par la mobilité du personnel dès lors qu’il ne favorisera ni sa motivation ni son développement personnel ou professionnel et qu’il n’entraînera même pas un changement dans ses activités.
109 En outre, dans la réplique, la requérante fait valoir, quant à la justification avancée par le Parlement liée à l’affectation et à la planification du personnel dans les bureaux de liaison à Berlin et à Luxembourg, que, faute d’indication quant au niveau cible à atteindre au bureau de liaison à Berlin, elle n’est pas en mesure d’apprécier si sa réaffectation au bureau de liaison à Luxembourg était nécessaire et appropriée.
110 Le Parlement conteste les arguments de la requérante.
111 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les décisions de réaffectation, telle que celle de l’espèce, sont soumises, en ce qui concerne la sauvegarde des droits et des intérêts légitimes des fonctionnaires concernés, aux règles de l’article 7, paragraphe 1, du statut, en ce sens, notamment, que cette réaffectation ne peut se faire que dans l’intérêt du service (voir arrêt du 7 février 2007, Clotuche/Commission, T‑339/03, EU:T:2007:36, point 35 et jurisprudence citée).
112 La notion d’« intérêt du service » au sens de l’article 7, paragraphe 1, du statut, telle qu’elle a été précisée par la jurisprudence, se rapporte au bon fonctionnement de l’institution en général et, en particulier, aux exigences spécifiques du poste à pourvoir. À cet égard, il est constant que les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont conférées et, en vue de celle-ci, dans l’affectation du personnel qui se trouve à leur disposition (voir arrêt du 4 décembre 2018, Schneider/EUIPO, T‑560/16, non publié, EU:T:2018:872, point 53 et jurisprudence citée).
113 En outre, compte tenu de l’étendue du pouvoir d’appréciation des institutions dans l’évaluation de l’intérêt du service, le contrôle du Tribunal portant sur le respect de la condition relative à l’intérêt du service doit se limiter à la question de savoir si l’AIPN s’est tenue dans des limites raisonnables, non critiquables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (voir arrêt du 7 février 2007, Clotuche/Commission, T‑339/03, EU:T:2007:36, point 62 et jurisprudence citée).
114 En l’espèce, il convient de constater que, par la décision attaquée, explicitement fondée sur l’article 7 du statut, le Parlement a, d’une part, souhaité satisfaire aux objectifs de la mobilité du personnel tels que poursuivis par le règlement de 2018 et, d’autre part, cherché à pallier le manque de fonctionnaires AST au bureau de liaison à Luxembourg tout en prenant en compte la réorganisation générale des bureaux de liaison, plus particulièrement celle du bureau de liaison à Berlin.
115 Quant aux objectifs de la mobilité du personnel, il ressort du préambule du règlement de 2018 que ce régime de changement de fonctions à l’issue d’une période de sept années d’affectation à un même emploi est une modalité d’organisation interne du personnel au sein du Parlement qui a été établie en vue de permettre aux fonctionnaires d’acquérir de nouvelles compétences, de faire preuve de leur adaptabilité, d’élargir leur connaissance de l’institution, d’accomplir des tâches d’un niveau supérieur, de motiver et d’encourager leur développement personnel et professionnel ainsi que de promouvoir l’équilibre des emplois entre hommes et femmes.
116 Ainsi, il convient de constater, ainsi qu’il est indiqué dans la décision de rejet de la réclamation, et contrairement à ce qu’allègue la requérante, que sa réaffectation répond aux objectifs du règlement de 2018, car une réaffectation dans un nouvel environnement de travail est en soi de nature à répondre auxdits objectifs, dès lors que le fait même d’occuper un poste dans un autre bureau de liaison implique qu’elle fasse preuve de son adaptabilité et qu’elle élargisse sa connaissance de l’institution ainsi que ses compétences. Par ailleurs, une telle réaffectation est susceptible de contribuer à motiver et à encourager son développement personnel.
117 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel sa réaffectation n’entraînera pas un changement d’activités. En effet, conformément au règlement de 2018, le changement de fonctions peut s’effectuer au sein du même type d’emploi. Certes, la fiche de poste de la requérante ne changera pas substantiellement, puisqu’elle restera assistante au sein d’un bureau de liaison, mais, par le fait même qu’elle travaillera dans un autre bureau de liaison, le contenu de ses tâches sera différent.
118 S’agissant de l’objectif de pallier le manque de fonctionnaires AST au bureau de liaison à Luxembourg poursuivi par la décision attaquée, force est de constater, ainsi que l’indique le Parlement dans le mémoire en défense, que pourvoir un poste de fonctionnaire AST au sein du bureau de liaison à Luxembourg, lequel est dépourvu de fonctionnaire AST, par la réaffectation d’un fonctionnaire soumis à la mobilité du personnel, relevant du groupe de fonctions AST et possédant le profil recherché, y compris une parfaite connaissance d’une des langues officielles du pays concerné, correspond aux exigences spécifiques du poste à pourvoir et contribue manifestement au bon fonctionnement de l’institution en général, de sorte qu’il intervient dans l’intérêt du service, conformément à la jurisprudence indiquée au point 112 ci-dessus.
119 En outre, il convient de constater que, même en l’absence d’une réorganisation concrète des bureaux de liaison, la requérante aurait pu être réaffectée au bureau de liaison à Luxembourg dès lors qu’elle est soumise à la mobilité du personnel et qu’un poste de fonctionnaire AST était vacant dans ce bureau.
120 Au vu de ce qui précède, le Parlement a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, se fonder sur lesdites circonstances pour décider de réaffecter la requérante au bureau de liaison à Luxembourg dans l’intérêt du service au sens de l’article 7 du statut.
– Sur l’absence de mise en balance des intérêts
121 Selon la requérante, l’intérêt du service que doit servir sa réaffectation ne l’emporte pas sur ses intérêts protégés, à savoir la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant et le droit de celui-ci à entretenir des relations personnelles avec ses deux parents investis de l’autorité parentale, la longue durée de son emploi au bureau de liaison à Berlin et l’enracinement local qui en est la conséquence, le fait d’y être propriétaire d’un logement et la longue activité professionnelle de son conjoint dans le même lieu.
122 La requérante fait également valoir que le Parlement disposait de moyens moins contraignants, tels que la répartition entre les postes des fonctionnaires du bureau de liaison à Berlin des activités y exercées ou le travail à distance, qui auraient permis, d’une part, à l’administration de tenir compte tant des intérêts du service que de ceux de la requérante et, d’autre part, à cette dernière de demeurer affectée à ce bureau tout au moins jusqu’à l’âge de la majorité de sa fille. La requérante en conclut qu’il n’a pas été procédé à une mise en balance des intérêts, ce qui ressortirait du fait que les solutions qu’elle avait proposées dans sa demande du 19 décembre 2019 (voir point 19 ci-dessus) n’ont pas été examinées par le Parlement.
123 Le Parlement conteste l’argumentation de la requérante.
124 À cet égard, tout d’abord, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 83 ci-dessus, la modification du lieu d’affectation, même si elle peut présenter pour l’intéressé des inconvénients familiaux et économiques, ne constitue pas un événement anormal et imprévisible dans la carrière d’un fonctionnaire dès lors que les lieux de travail auxquels il peut être affecté sont répartis entre différents États membres et que l’AIPN peut être appelée à faire face à des exigences de service la mettant dans l’obligation de décider de ce transfert.
125 Dans ce cadre, il y a également lieu de rappeler que l’activité des services du Parlement est exercée dans trois lieux principaux, soit à Strasbourg, à Bruxelles et à Luxembourg, ainsi que dans les bureaux de liaison implantés dans les 27 États membres de l’Union, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Cette situation est de nature à engendrer des changements de lieu d’affectation pendant la carrière des fonctionnaires attachés à cette institution, ce dont la requérante avait, au demeurant, été informée dans l’offre de poste qu’elle avait reçue en vue de son affectation au bureau de liaison à Berlin. En effet, cette offre mentionnait explicitement la possibilité qu’elle soit amenée à effectuer des missions à Strasbourg, à Luxembourg ou à Bruxelles ou à être réaffectée, dans le courant de sa carrière, dans un de ces lieux de travail.
126 En outre, il convient de relever que le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante (arrêt du 26 octobre 1993, Reinarz/Commission, T‑6/92 et T‑52/92, EU:T:1993:89, point 111). Or, au vu du large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions pour organiser leurs services et affecter le personnel qui se trouve à leur disposition, le Tribunal doit se limiter à vérifier si la mesure arrêtée n’a pas un caractère manifestement inapproprié par rapport à l’objectif poursuivi (arrêt du 13 novembre 2014, De Loecker/SEAE, F‑78/13, EU:F:2014:246, point 79).
127 Compte tenu de la conclusion indiquée au point 120 ci-dessus concernant l’intérêt du service ainsi que de ce qui est indiqué au point 125 ci-dessus concernant l’activité du Parlement, il y a lieu de conclure de ce qui précède que la réaffectation de la requérante au bureau de liaison à Luxembourg n’est pas manifestement inappropriée eu égard au but poursuivi par cette mesure, à savoir pallier le manque de fonctionnaires AST dans ce bureau par la réaffectation d’un fonctionnaire soumis à la mobilité du personnel et possédant le profil recherché, y compris une parfaite connaissance d’une des langues officielles du pays concerné.
128 En outre, selon la jurisprudence, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont dispose toute institution en matière d’organisation de ses services, dès lors que, comme en l’espèce, une mesure de réaffectation est conforme à l’intérêt du service et qu’elle respecte la règle de la correspondance entre le grade et l’emploi, il n’appartient pas au Tribunal de déterminer si d’autres mesures auraient été plus opportunes (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2014, BN/Parlement, F‑157/12, EU:F:2014:164, point 98).
129 Enfin, pour ce qui concerne l’argumentation de la requérante selon laquelle, dans l’hypothèse où elle resterait affectée au bureau de liaison à Berlin, elle n’aurait pas de frais supplémentaires de déplacements et de logement liés à son lieu de travail et il n’y aurait pas de répercussion sur la charge environnementale, il suffit de renvoyer aux points 83 et 84 ci-dessus.
130 Au vu de ce qui précède, il convient de constater qu’aucune absence de mise en balance des intérêts ne saurait être reprochée au Parlement.
– Sur la violation du devoir de sollicitude et du droit d’être entendu
131 La requérante fait valoir que le Parlement a manqué à son devoir de sollicitude, car ses souhaits, ses considérations et ses intérêts tels qu’exprimés dans son courriel du 13 mai 2019 (voir point 16 ci-dessus) et dans sa demande du 19 décembre 2019 (voir point 19 ci-dessus) n’ont fait l’objet d’aucune discussion. En outre, la requérante soutient que la marge d’appréciation dont le Parlement disposait lui permettait d’adopter une décision conforme à ses droits fondamentaux, et ce même si les dérogations à la mobilité du personnel sont établies de façon exhaustive.
132 Dans le cadre de la réplique, la requérante soutient en outre que, dans la mesure où les motifs liés à la circonstance que sa réaffectation était également prévue aux fins de la réorganisation de la DG « Communication » et des bureaux de liaison du Parlement, y compris celui de Berlin, n’ont été portés à sa connaissance qu’au stade du mémoire en défense, son droit d’être entendue a été enfreint. La requérante ajoute à cet égard qu’une réduction de 70 % des effectifs des fonctionnaires AST du bureau de liaison à Berlin entre 2020 et 2022 était prévisible, ce qui aurait été de nature à atteindre les objectifs de la réorganisation dudit bureau indiqués par le Parlement. Sa réaffectation au titre de la mobilité du personnel ne serait, dans ce contexte, ni nécessaire ni appropriée.
133 Le Parlement conteste l’argumentation de la requérante.
134 À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre de la réaffectation ou de la mutation d’un fonctionnaire, le devoir de sollicitude impose à l’autorité de procéder à un examen effectif, complet et circonstancié de la situation au vu de l’intérêt du service et de l’intérêt du fonctionnaire concerné, lequel intérêt s’exprime, le cas échéant, dans les observations que ce dernier formule sur les éléments qui lui sont soumis (arrêt du 19 octobre 2017, Bernaldo de Quirós/Commission, T‑649/16, non publié, EU:T:2017:736, point 81).
135 En outre, le droit d’être entendu garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (voir arrêt du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, point 87 et jurisprudence citée).
136 Or, il convient de constater que, dans le courant du mois d’avril 2018, lors de la journée des carrières organisée par le Parlement (voir point 11 ci-dessus), la requérante a eu un entretien bilatéral avec un conseiller en orientation professionnelle de la DG « Communication » au sujet, précisément, de sa réaffectation dans le cadre de la mobilité du personnel, désormais applicable aux fonctionnaires AST, et qu’elle a, lors de cet entretien, exprimé son souhait d’effectuer sa mobilité en 2020, à la fin de la période transitoire, et indiqué en priorité le Luxembourg comme lieu d’affectation, soit au sein du bureau de liaison à Luxembourg, soit dans un autre service du Parlement. De même, en 2019, la requérante a, à plusieurs reprises, réitéré son souhait que sa réaffectation dans le cadre de la mobilité du personnel soit effectuée à la fin de l’année 2020, souhait qui, d’ailleurs, a été pris en considération par le Parlement. En outre, dans son courriel du 13 mai 2019 adressé à l’unité des ressources humaines de la DG « Communication » (voir point 16 ci-dessus), la requérante a même explicitement fait référence à la situation actuelle du bureau de liaison à Berlin et à la situation que celui-ci connaîtrait dans quelques années. Enfin, dans son courriel du 22 juin 2020 (voir point 22 ci-dessus), la requérante a remercié la cheffe de l’unité des ressources humaines de la DG « Communication » pour l’opportunité qui lui était accordée d’exercer son droit d’être entendue dans le cadre de sa réaffectation proposée à Luxembourg. Elle a ajouté qu’elle maintenait les préoccupations juridiques qu’elle avait exprimées à plusieurs occasions ainsi que dans sa demande au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut. Tout en faisant référence au contenu de la réclamation qu’elle avait introduite à la suite du rejet de ladite demande, la requérante a réitéré les principales objections qu’elle avait déjà émises au sujet de sa réaffectation.
137 Ainsi, il convient de constater que la requérante a été en mesure de faire valoir ses souhaits en ce qui concerne l’exercice de son obligation de mobilité et que l’administration s’est efforcée de tenir compte des souhaits exprimés par la requérante concernant tant le moment de sa réaffectation dans le cadre de la mobilité du personnel, à savoir à la fin de la période transitoire, que le lieu de sa réaffectation, à savoir le Luxembourg.
138 Dans ces circonstances, il ne saurait être fait grief à l’AIPN d’avoir violé son devoir de sollicitude ou le principe de bonne administration en adoptant la décision attaquée, dans la mesure où, par cette décision, elle a tenu compte des souhaits que la requérante avait manifestés (voir, par analogie, arrêt du 19 juin 2014, BN/Parlement, F‑157/12, EU:F:2014:164, point 96).
139 Certes, la seule option que la requérante trouvait acceptable pour elle était de rester à Berlin. Toutefois, selon la jurisprudence, s’il est vrai que l’administration a tout intérêt à affecter les fonctionnaires en considération de leurs aptitudes et de leurs préférences personnelles, il ne saurait être reconnu pour autant aux fonctionnaires le droit d’exercer ou de conserver des fonctions (arrêt du 19 juin 2014, BN/Parlement, F‑157/12, EU:F:2014:164, point 45).
140 Ainsi, les exigences découlant du devoir de sollicitude ne sauraient empêcher l’administration d’adopter les mesures de réaffectation ou de mutation qu’elle estime nécessaires, puisque le pourvoi de chaque emploi doit se fonder en premier lieu sur l’intérêt du service (voir arrêt du 19 octobre 2017, Bernaldo de Quirós/Commission, T‑649/16, non publié, EU:T:2017:736, point 81 et jurisprudence citée).
141 Il en résulte que, contrairement à ce que prétend la requérante, le Parlement n’a pas violé son devoir de sollicitude.
142 En outre, il ressort du point 137 ci-dessus que la requérante a eu la possibilité de faire connaître son point de vue, de manière utile et effective, au cours de la procédure administrative. De plus, ainsi qu’il est indiqué au même point, l’administration s’est efforcée de tenir compte des souhaits exprimés par la requérante, concernant tant le moment de sa réaffectation dans le cadre de la mobilité du personnel, à savoir à la fin de la période transitoire, que le lieu de sa réaffectation, à savoir le Luxembourg, de sorte qu’elle ne saurait valablement prétendre ne pas avoir été entendue. Quant aux faits au regard desquels la requérante estime, dans la réplique, que son droit d’être entendue n’a pas été respecté (voir point 132 ci-dessus), il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, un manquement au respect du droit d’être entendu ne peut aboutir à l’annulation de la décision en cause que si, en l’absence de cette irrégularité, la procédure pouvait aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 79 et jurisprudence citée). Or, il convient de constater qu’il ne s’agissait, pour ce qui concerne lesdits faits, que d’un motif parmi d’autres et que le résultat de la procédure aurait, dès lors, été identique quand bien même la requérante aurait pu se prononcer à son sujet.
143 Il en résulte que, contrairement à ce que prétend la requérante, le Parlement n’a pas non plus violé son droit d’être entendue.
144 Le quatrième moyen et la prétendue violation du droit d’être entendu sont donc dépourvus de fondement.
Sur le cinquième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir
145 Dans le cadre de son cinquième moyen, la requérante fait valoir que, lorsqu’une autorité administrative fait usage de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés, elle ne sert pas l’intérêt du service et qu’un tel comportement constitue un détournement de pouvoir.
146 Ce détournement de pouvoir résiderait également dans le fait que le Parlement a opposé à la requérante, de manière stéréotypée, les dispositions du statut et du règlement de 2018 sans exercer la marge d’appréciation dont il disposait et qui lui permettait d’adopter une décision conforme aux droits fondamentaux.
147 Le Parlement conteste l’argumentation de la requérante.
148 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Cour a jugé que, dans le cas où une mesure de réaffectation a été reconnue comme étant conforme à l’intérêt du service, il ne saurait être prétendu qu’elle est entachée de détournement de pouvoir (voir arrêt du 25 juin 2020, Schneider/EUIPO, C‑116/19 P, non publié, EU:C:2020:501, point 50 et jurisprudence citée).
149 Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le cinquième moyen comme non fondé.
Sur le sixième moyen, tiré de l’atteinte à la protection de la confiance légitime
150 La requérante fait valoir que le principe selon lequel les fonctionnaires AST n’étaient pas soumis à la mobilité du personnel a prévalu pendant plus de seize ans. En outre, ce principe était en vigueur depuis son entrée au service du Parlement en 2001, puisqu’il résultait du règlement sur la mobilité de 1998 et avait ensuite été confirmé par ceux de 2002 et de 2004, lesquels ont été édictés par le bureau du Parlement. Selon la requérante, ceux-ci doivent être considérés, conformément à la jurisprudence, comme des assurances précises et inconditionnelles fournies par une source autorisée du Parlement.
151 Quant à la circonstance que les fonctionnaires ne peuvent pas se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime pour mettre en cause la légalité d’une disposition réglementaire nouvelle, la requérante souligne qu’elle conteste non pas la légalité du règlement de 2018, mais seulement la légalité de son application dans le cadre de sa situation personnelle. Dans ce contexte, la requérante fait valoir que la durée de trois ans de la période transitoire n’était pas suffisante, dans la mesure où elle ne permettait pas de résoudre les difficultés que la soumission à la mobilité du personnel lui posait, ce qui, selon elle, aurait été reconnu par le Parlement dès lors qu’il a adopté la liste des dérogations du 2 juillet 2019, par laquelle il a été créé, en fonction de différents cas de figure, des groupes de fonctionnaires auxquels a été accordé un report de la mobilité du personnel dépassant la période transitoire, notamment jusqu’à ce qu’un enfant mineur atteigne l’âge de la majorité ou aussi longtemps que dure la dépendance d’un proche. La requérante en conclut que, à tout le moins, la protection de la confiance légitime aurait dû justifier, dans l’intérêt de son enfant et de sa famille, qu’elle ne doive pas être réaffectée dans un autre lieu avant que son enfant ait atteint l’âge de la majorité.
152 Le Parlement conteste l’argumentation de la requérante.
153 Il y a lieu de rappeler, en ce qui concerne la protection de la confiance légitime, que, conformément à une jurisprudence bien établie, le droit de réclamer cette protection suppose la réunion de trois conditions. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration de l’Union. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 12 septembre 2018, PH/Commission, T‑613/16, non publié, EU:T:2018:529, point 65 et jurisprudence citée).
154 Or, force est de constater que la réunion des conditions susvisées ne ressort aucunement des éléments du dossier. En effet, la requérante n’apporte aucune preuve du fait que le Parlement aurait créé une situation susceptible d’engendrer une confiance légitime en ce qu’elle ne serait pas réaffectée dans le cadre de la mobilité du personnel tout au long de sa carrière.
155 Au contraire, ainsi que l’indique, d’ailleurs, la requérante elle-même dans ses écritures, l’offre de poste au bureau de liaison à Berlin qui lui a été adressée le 30 octobre 2001 mentionnait expressément le fait qu’elle pourrait être réaffectée dans les autres lieux de travail de l’institution.
156 En outre, il convient de relever que la réaffectation de la requérante dans un autre lieu de travail aurait pu être décidée par le Parlement dans l’intérêt du service même en dehors du cadre mis en place par la mobilité du personnel, de sorte qu’aucune assurance précise ne saurait être tirée de la circonstance que, avant l’adoption du règlement de 2018, la réglementation en la matière ne soumettait pas les fonctionnaires AST à l’obligation de mobilité.
157 Or, dans ce contexte, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été indiqué aux points 118 et 124 ci-dessus, la décision attaquée a été également motivée par l’intérêt du service, conformément à l’article 7 du statut, et qu’il ressort d’une jurisprudence établie que l’affectation d’un fonctionnaire au titre de ladite disposition ne constitue pas un événement anormal et imprévisible dans la carrière d’un fonctionnaire. Dans ces conditions, la requérante ne saurait invoquer le principe de protection de la confiance légitime sur le fondement du contenu des actes en question (voir, par analogie, ordonnance du 11 février 1999, Costacurta/Commission, C‑75/98 P, non publiée, EU:C:1999:73, point 49).
158 Quant à l’argumentation de la requérante selon laquelle, en substance, le principe de protection de la confiance légitime aurait justifié un report de sa réaffectation dans le cadre de la mobilité du personnel après la période transitoire, à savoir jusqu’à ce que son enfant ait atteint l’âge de la majorité, il suffit de constater qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 153 ci-dessus que le droit de réclamer la protection de la confiance légitime suppose l’existence d’assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, qui doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration de l’Union. Or, la requérante n’a nullement allégué l’existence de circonstances antérieures ou, à tout le moins, concomitantes à l’adoption du règlement de 2018 qui auraient pu être considérées comme constituant de telles assurances émanant du Parlement de nature à faire naître dans son esprit une attente légitime qu’elle ne serait pas réaffectée dans le cadre de la mobilité du personnel avant que son enfant ait atteint l’âge de la majorité.
159 Au vu de ces circonstances, il convient de rejeter le sixième moyen comme non fondé.
Sur le septième moyen, tiré de la violation du principe de bonne foi
160 La requérante fait valoir que le Parlement n’avait plus la possibilité d’adopter la décision attaquée étant donné que, en ayant exempté à plusieurs reprises les fonctionnaires AST de la mobilité du personnel, il avait créé lui-même l’impression qu’un changement de lieu d’affectation n’était pas à prévoir dans le cas de ces fonctionnaires.
161 Le Parlement conteste l’argumentation de la requérante.
162 Il convient de rappeler que l’action de l’autorité publique, dans le domaine administratif comme dans le domaine contractuel, est toujours soumise au respect du principe de bonne foi (arrêt du 8 mai 2007, Citymo/Commission, T‑271/04, EU:T:2007:128, point 107).
163 Dans la mesure où ce principe peut apparaître, en l’espèce, comme le corollaire du principe de protection de la confiance légitime, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il a été indiqué au point 154 ci-dessus, le Parlement n’a jamais assuré à la requérante qu’elle ne serait à aucun moment soumise à une réaffectation ou à une mutation, pour en déduire qu’il n’a pas non plus manqué au principe de bonne foi en adoptant la décision attaquée. De plus, dans la mesure où le principe de bonne foi implique de tenir compte des intérêts légitimes des fonctionnaires, ce principe s’apparente au devoir de sollicitude, de sorte que le grief de la requérante tiré de sa violation doit aussi être rejeté compte tenu des motifs retenus aux points 134 à 141 ci-dessus pour écarter le grief tiré de la violation du devoir de sollicitude (voir, par analogie, arrêt du 14 décembre 2010, Bleser/Cour de justice, F‑25/07, EU:F:2010:163, point 143 et jurisprudence citée).
164 Au vu de ces considérations, il convient de rejeter le septième moyen et, dès lors, le recours dans son ensemble comme non fondés.
Sur les dépens
165 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions du Parlement.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Mme Verena Kühne est condamnée aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.
Kanninen | Porchia | Stancu |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 mars 2022.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.
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