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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Afrin (Urgent preliminary ruling procedure - Border controls, asylum and immigration - Immigration policy - Judgment) French Text [2023] EUECJ C-1/23PPU (18 April 2023) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2023/C123PPU.html Cite as: EU:C:2023:296, ECLI:EU:C:2023:296, [2023] EUECJ C-1/23PPU |
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ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
18 avril 2023 (*)
« Renvoi préjudiciel - Procédure préjudicielle d’urgence - Contrôles aux frontières, asile et immigration - Politique d’immigration - Directive 2003/86/CE - Droit au regroupement familial - Article 5, paragraphe 1 - Dépôt d’une demande d’entrée et de séjour aux fins de l’exercice du droit au regroupement familial - Réglementation d’un État membre prévoyant l’obligation pour les membres de la famille du regroupant d’introduire la demande en personne auprès du poste diplomatique compétent de cet État membre - Impossibilité ou difficulté excessive de se rendre audit poste - Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne - Articles 7 et 24 »
Dans l’affaire C-1/23 PPU,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le tribunal de première instance francophone de Bruxelles (Belgique), par décision du 2 janvier 2023, parvenue à la Cour le même jour, dans la procédure
X,
Y,
A, légalement représenté par X et Y,
B, légalement représenté par X et Y
contre
État belge,
LA COUR (troisième chambre),
composée de Mme K. Jürimäe, présidente de chambre, M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de juge de la troisième chambre, MM. M. Safjan (rapporteur), N. Jääskinen et M. Gavalec, juges,
avocat général : M. G. Pitruzzella,
greffier : Mme K. Hötzel, administratrice,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er mars 2023,
considérant les observations présentées :
- pour X et Y ainsi que pour A et B, légalement représentés par X et Y, par Mes C. D’Hondt et P. Robert, avocats,
- pour le gouvernement belge, par Mmes M. Jacobs, C. Pochet et M. Van Regemorter, en qualité d’agents, assistées de Mes S. Matray et C. Piront, avocates,
- pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller et R. Kanitz, en qualité d’agents,
- pour le gouvernement espagnol, par Mme A. Gavela Llopis, en qualité d’agent,
- pour le gouvernement français, par MM. B. Fodda et J. Illouz, en qualité d’agents,
- pour le gouvernement néerlandais, par Mme M. K. Bulterman, en qualité d’agent,
- pour le Conseil de l’Union européenne, par MM. R. Meyer et O. Segnana, en qualité d’agents,
- pour la Commission européenne, par Mmes A. Azéma et J. Hottiaux, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 9 mars 2023,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial (JO 2003, L 251, p. 12), des articles 23 et 24 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (JO 2011, L 337, p. 9), ainsi que des articles 7 et 24 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme X et M. Y ainsi que leurs enfants mineurs A et B (ci-après, ensemble, les « requérants au principal ») à l’État belge au sujet du refus, par ce dernier, d’enregistrer la demande d’entrée et de séjour au titre du regroupement familial introduite par Mme X ainsi que par les enfants A et B.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 2003/86
3 Les considérants 2 et 8 de la directive 2003/86 sont ainsi libellés :
« (2) Les mesures concernant le regroupement familial devraient être adoptées en conformité avec l’obligation de protection de la famille et de respect de la vie familiale qui est consacrée dans de nombreux instruments du droit international. La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes qui sont reconnus notamment par l’article 8 de la convention européenne [de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950,] et par la [Charte].
[...]
(8) La situation des réfugiés devrait demander une attention particulière, à cause des raisons qui les ont contraints à fuir leur pays et qui les empêchent d’y mener une vie en famille normale. À ce titre, il convient de prévoir des conditions plus favorables pour l’exercice de leur droit au regroupement familial. »
4 Aux termes de l’article 2 de cette directive :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
b) “réfugié” : tout ressortissant de pays tiers ou apatride bénéficiant d’un statut de réfugié au sens de la convention relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951, modifiée par le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;
c) “regroupant” : un ressortissant de pays tiers qui réside légalement dans un État membre et qui demande le regroupement familial, ou dont des membres de la famille demandent à le rejoindre ;
d) “regroupement familial” : l’entrée et le séjour dans un État membre des membres de la famille d’un ressortissant de pays tiers résidant légalement dans cet État membre afin de maintenir l’unité familiale, que les liens familiaux soient antérieurs ou postérieurs à l’entrée du regroupant ;
[...] »
5 L’article 4 de ladite directive, disposition unique figurant au chapitre II de celle-ci, intitulé « Membres de la famille », prévoit :
« 1. Les États membres autorisent l’entrée et le séjour, conformément à la présente directive et sous réserve du respect des conditions visées au chapitre IV, ainsi qu’à l’article 16, des membres de la famille suivants :
a) le conjoint du regroupant ;
b) les enfants mineurs du regroupant et de son conjoint [...]
[...] »
6 L’article 5 de la même directive, qui figure au chapitre III de celle-ci, intitulé « Dépôt et examen de la demande », énonce :
« 1. Les États membres déterminent si, aux fins de l’exercice du droit au regroupement familial, une demande d’entrée et de séjour doit être introduite auprès des autorités compétentes de l’État membre concerné soit par le regroupant, soit par les membres de la famille.
[...]
4. Dès que possible, et en tout état de cause au plus tard neuf mois après la date du dépôt de la demande, les autorités compétentes de l’État membre notifient par écrit à la personne qui a déposé la demande la décision la concernant.
[...]
5. Au cours de l’examen de la demande, les États membres veillent à prendre dûment en considération l’intérêt supérieur de l’enfant mineur. »
7 L’article 7 de la directive 2003/86, qui figure au chapitre IV de celle-ci, intitulé « Conditions requises pour l’exercice du droit au regroupement familial », dispose, à son paragraphe 1 :
« Lors du dépôt de la demande de regroupement familial, l’État membre concerné peut exiger de la personne qui a introduit la demande de fournir la preuve que le regroupant dispose :
a) d’un logement considéré comme normal pour une famille de taille comparable dans la même région et qui répond aux normes générales de salubrité et de sécurité en vigueur dans l’État membre concerné ;
b) d’une assurance maladie couvrant l’ensemble des risques normalement couverts pour ses propres ressortissants dans l’État membre concerné, pour lui-même et les membres de sa famille ;
c) de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille sans recourir au système d’aide sociale de l’État membre concerné. Les États membres évaluent ces ressources par rapport à leur nature et leur régularité et peuvent tenir compte du niveau des rémunérations et des pensions minimales nationales ainsi que du nombre de membres que compte la famille. »
8 L’article 12 de cette directive figure au chapitre V de celle-ci, intitulé « Regroupement familial des réfugiés ». Cet article prévoit, à son paragraphe 1 :
« Par dérogation à l’article 7, les États membres ne peuvent pas imposer au réfugié et/ou aux membres de la famille de fournir, en ce qui concerne les demandes relatives aux membres de la famille visés à l’article 4, paragraphe 1, des éléments de preuve attestant qu’il répond aux conditions visées à l’article 7.
[...]
Les États membres peuvent exiger du réfugié qu’il remplisse les conditions visées à l’article 7, paragraphe 1, si la demande de regroupement familial n’est pas introduite dans un délai de trois mois suivant l’octroi du statut de réfugié. »
La directive 2011/95
9 L’article 2 de la directive 2011/95 dispose :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
j) “membres de la famille”, dans la mesure où la famille était déjà fondée dans le pays d’origine, les membres ci-après de la famille du bénéficiaire d’une protection internationale qui sont présents dans le même État membre en raison de la demande de protection internationale :
- le conjoint du bénéficiaire d’une protection internationale [...]
- les enfants mineurs des couples visés au premier tiret [...]
[...] »
Le droit belge
10 L’article 10 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers (Moniteur belge du 31 décembre 1980, p. 14584), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi du 15 décembre 1980 »), transpose dans l’ordre juridique belge, notamment, l’article 12, paragraphe 1, de la directive 2003/86. Cet article 10 est ainsi libellé :
« § 1. Sous réserve des dispositions des articles 9 et 12, sont de plein droit admis à séjourner plus de trois mois dans le Royaume :
[...]
4° les membres de la famille suivants d’un étranger admis ou autorisé, depuis au moins douze mois, à séjourner dans le Royaume pour une durée illimitée, ou autorisé, depuis au moins douze mois, à s’y établir. Ce délai de douze mois est supprimé si le lien conjugal ou le partenariat enregistré préexistait à l’arrivée de l’étranger rejoint dans le Royaume ou s’ils ont un enfant mineur commun. Ces conditions relatives au type de séjour et à la durée du séjour ne s’appliquent pas s’il s’agit de membres de la famille d’un étranger admis à séjourner dans le Royaume en tant que bénéficiaire du statut de protection internationale conformément à l’article 49, § 1er, alinéas 2 ou 3, ou à l’article 49/2, §§ 2 ou 3 :
- son conjoint étranger [...], qui vient vivre avec lui, à la condition que les deux personnes concernées soient âgées de plus de vingt et un ans. Cet âge minimum est toutefois ramené à dix-huit ans lorsque le lien conjugal ou ce partenariat enregistré, selon le cas, est préexistant à l’arrivée de l’étranger rejoint dans le Royaume ;
- leurs enfants, qui viennent vivre avec eux avant d’avoir atteint l’âge de dix-huit ans et sont célibataires ;
[...]
§ 2 [...]
Les étrangers visés au § 1er, alinéa 1er, 4° à 6°, doivent apporter la preuve que l’étranger rejoint dispose d’un logement suffisant pour pouvoir recevoir le ou les membres de sa famille qui demandent à le rejoindre [...], ainsi que d’une assurance maladie couvrant les risques en Belgique pour lui-même et les membres de sa famille. [...]
[...]
L’étranger visé au § 1er, alinéa 1er, 4° et 5°, doit en outre apporter la preuve que l’étranger rejoint dispose de moyens de subsistance stables, réguliers et suffisants tels que prévus au § 5 pour subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille et pour éviter qu’ils ne deviennent une charge pour les pouvoirs publics. Cette condition n’est pas applicable si l’étranger ne se fait rejoindre que par les membres de sa famille visés au § 1er, alinéa 1er, 4°, tirets 2 et 3.
[...]
Les alinéas 2, 3 et 4 ne sont pas applicables aux membres de la famille d’un étranger reconnu réfugié et d’un étranger bénéficiant de la protection subsidiaire visés au § 1er, alinéa 1er, 4° à 6°, lorsque les liens de parenté ou d’alliance ou le partenariat enregistré sont antérieurs à l’entrée de cet étranger dans le Royaume et pour autant que la demande de séjour sur la base de cet article ait été introduite dans l’année suivant la décision reconnaissant la qualité de réfugié ou octroyant la protection subsidiaire à l’étranger rejoint.
[...] »
11 L’article 12 bis, paragraphe 1, premier alinéa, de la loi du 15 décembre 1980, lequel transpose dans l’ordre juridique belge l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2003/86, énonce :
« L’étranger qui déclare se trouver dans un des cas visés à l’article 10 doit introduire sa demande auprès du représentant diplomatique ou consulaire belge compétent pour le lieu de sa résidence ou de son séjour à l’étranger. »
Le litige au principal et la question préjudicielle
12 Mme X et M. Y, ressortissants syriens, se sont mariés au cours de l’année 2016 en Syrie. Ils ont eu deux enfants, nés respectivement au cours des années 2016 et 2018.
13 Au cours de l’année 2019, M. Y a quitté la Syrie, via la Turquie, pour se rendre en Belgique alors que Mme X et leurs deux enfants sont restés dans la ville d’Afrin, située au nord-ouest de la Syrie, où ils se trouvent encore actuellement. Le 25 août 2022, l’administration belge compétente a reconnu à M. Y le statut de réfugié en Belgique. Cette décision a été notifiée par courriel à l’avocat de M. Y le 29 août 2022.
14 Par courriel du 28 septembre 2022 et par courrier du 29 septembre 2022, adressés à l’Office des étrangers (Belgique) (ci-après l’« Office »), l’avocat des requérants au principal a introduit une demande d’entrée et de séjour au titre du regroupement familial au nom de Mme X ainsi que des enfants A et B, afin qu’ils puissent rejoindre M. Y en Belgique (ci-après la « demande du mois de septembre 2022 »). Dans cette correspondance, les requérants au principal ont indiqué que cette demande était introduite par l’intermédiaire de leur avocat auprès de l’Office, Mme X et ses enfants se trouvant dans des « conditions exceptionnelles qui les empêchent effectivement de se rendre à un poste diplomatique belge afin d’y introduire une demande de regroupement familial », comme cela est requis par la législation belge.
15 Le 29 septembre 2022, l’Office a répondu que, selon cette législation, il n’était pas possible d’introduire une demande d’entrée et de séjour au titre du regroupement familial par courriel et a invité les requérants au principal à contacter l’ambassade belge compétente.
16 Par une citation en référé du 9 novembre 2022, les requérants au principal ont assigné l’État belge devant le tribunal de première instance francophone de Bruxelles (Belgique), la juridiction de renvoi, afin d’obtenir l’enregistrement par cet État membre de la demande du mois de septembre 2022.
17 À cet égard, ils ont fait valoir que, compte tenu de l’impossibilité pour Mme X et ses enfants de se rendre à un poste diplomatique belge compétent, une demande introduite auprès de l’Office devrait être acceptée au regard du droit de l’Union. En effet, la législation belge, qui ne permettrait aux membres de la famille d’un réfugié d’introduire une demande d’entrée et de séjour qu’en personne et auprès d’un tel poste diplomatique, même dans le cas où ces membres de la famille sont dans l’impossibilité de s’y rendre, ne serait pas conforme à ce droit.
18 La juridiction de renvoi confirme que, en vertu du droit belge, le conjoint et les enfants mineurs du regroupant doivent introduire leur demande de regroupement familial auprès du représentant diplomatique ou consulaire belge compétent pour le lieu de leur résidence ou de leur séjour à l’étranger et aucune dérogation à cette obligation de présence physique au début de la procédure n’est prévue dans une situation telle que celle au principal. En application de ce droit, Mme X et ses enfants ne pourraient donc pas introduire une telle demande en Belgique.
19 Toutefois, cette juridiction observe que la région d’Afrin se trouve actuellement sous le contrôle effectif de la Turquie et que Mme X et ses enfants ne disposent d’aucune possibilité réelle de quitter cette ville pour se rendre à un poste diplomatique belge compétent afin d’y introduire une demande de regroupement familial. Ainsi, d’une part, Mme X et ses enfants ne pourraient se rendre, contrairement à ce que suggérerait l’État belge, au poste diplomatique belge d’Ankara (Turquie) ou d’Istanbul (Turquie), étant donné que la Turquie ne serait pas sûre pour les personnes fuyant la Syrie et que, en outre, les frontières turques seraient fermées à ces personnes. D’autre part, un départ vers le sud de la Syrie en direction du Liban ou de la Jordanie serait également exclu, un tel déplacement impliquant le passage d’une ligne de front.
20 La juridiction de renvoi relève que, dans la mesure où l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2003/86 laisse aux États membres le soin de déterminer qui, du regroupant ou des membres de la famille, peut introduire la demande de regroupement familial, le choix opéré par le législateur belge paraît, en principe, conforme à cette disposition. Toutefois, en l’occurrence, ce choix reviendrait à refuser au conjoint et aux enfants mineurs du regroupant toute possibilité d’introduire une demande de regroupement familial. Il conviendrait donc d’examiner si, dans une telle situation, le refus de permettre à ce conjoint et à ces enfants d’introduire une telle demande en Belgique compromet l’effet utile de cette directive ou encore enfreint les droits fondamentaux que celle-ci tend à protéger, à savoir le droit au respect de la vie privée et familiale garanti à l’article 7 de la Charte, et le droit à la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, ainsi que celui, pour ce dernier d’entretenir régulièrement des relations personnelles avec ses deux parents, consacrés à l’article 24 de celle-ci.
21 La juridiction de renvoi ajoute que, pour justifier ce refus, l’État belge soutient que la présence de Mme X et de ses enfants auprès d’un poste diplomatique belge en Turquie, au Liban ou en Jordanie serait indispensable pour y vérifier leur identité en relevant leurs identifiants biométriques. Si ce but d’identification des demandeurs du regroupement familial paraît légitime, il serait, toutefois, nécessaire que le moyen mis en œuvre par l’État belge, à savoir exiger la présence des demandeurs auprès d’un poste diplomatique dès le début de la procédure, respecte le principe de proportionnalité.
22 Dans ces conditions, le tribunal de première instance francophone de Bruxelles a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« La législation d’un État membre qui permet uniquement aux membres de la famille d’un réfugié reconnu l’introduction d’une demande d’entrée et de séjour auprès d’un poste diplomatique de cet État, même dans le cas où ces membres sont dans l’impossibilité de se rendre à ce poste, est-elle compatible avec l’article 5[, paragraphe 1,] de la [directive 2003/86], éventuellement lu conjointement avec l’objectif poursuivi par la même directive de favoriser le regroupement familial, les articles 23 et 24 de la [directive 2011/95], les articles 7 et 24 de la [Charte] et l’obligation de garantir l’effet utile du droit de l’Union ? »
Sur la demande d’application de la procédure préjudicielle d’urgence
23 La juridiction de renvoi a demandé que le présent renvoi préjudiciel soit soumis à la procédure préjudicielle d’urgence prévue à l’article 107, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.
24 À l’appui de sa demande, cette juridiction a invoqué des raisons tenant à la situation sécuritaire en Syrie ainsi qu’à la circonstance qu’une décision tardive sur l’enregistrement de la demande d’entrée et de séjour au titre du regroupement familial pourrait rendre ce regroupement plus difficile, le droit belge prévoyant des exigences accrues lorsque la demande de regroupement familial est introduite après l’écoulement d’un an suivant la reconnaissance du statut de réfugié au regroupant.
25 À cet égard, en premier lieu, il convient de constater que la présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation, notamment, des dispositions de la directive 2003/86, laquelle a été adoptée sur le fondement de l’article 63, premier alinéa, point 3, sous a), CE, devenu article 79 TFUE. Ainsi, cet acte relève du titre V de la troisième partie du traité FUE, relatif à l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Conformément à l’article 107, paragraphe 1, du règlement de procédure, cette demande est donc susceptible d’être soumise à la procédure préjudicielle d’urgence.
26 S’agissant, en second lieu, de la condition relative à l’urgence, il ressort notamment de la décision de renvoi que les enfants mineurs A et B sont séparés de leur père depuis plus de trois ans et que la prolongation de cette situation, qui découlerait de l’absence d’enregistrement de la demande du mois de septembre 2022, pourrait nuire sérieusement à la relation future de ces enfants avec leur père [voir, par analogie, arrêt du 16 février 2023, Rzecznik Praw Dziecka e.a. (Suspension de la décision de retour), C-638/22 PPU, EU:C:2023:103, point 42].
27 Dans ces conditions, la troisième chambre de la Cour a décidé, le 11 janvier 2023, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, de faire droit à la demande de la juridiction de renvoi tendant à soumettre la présente demande de décision préjudicielle à la procédure préjudicielle d’urgence.
Sur la question préjudicielle
Sur la persistance de l’objet de la question préjudicielle
28 Il ressort des observations écrites présentées par les requérants au principal et par le gouvernement belge que l’Office a informé les requérants au principal, par courriel du 3 février 2023, qu’il les autorisait, au regard de leur situation et à titre exceptionnel, à introduire leur demande d’entrée et de séjour au titre du regroupement familial auprès d’un poste diplomatique ou consulaire belge de leur choix sans devoir, au stade de l’introduction, comparaître personnellement.
29 À la lumière de ce courriel, le gouvernement belge fait valoir, à titre principal, que la demande de décision préjudicielle a perdu son objet, dès lors qu’il n’est plus exigé que les requérants au principal se présentent en personne, pour introduire leur demande d’entrée et de séjour au titre du regroupement familial, devant le poste diplomatique ou consulaire compétent.
30 À cet égard, il convient de rappeler que la procédure instituée à l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution des litiges qu’elles sont appelées à trancher (arrêt du 30 juin 2022, Valstybės sienos apsaugos tarnyba e.a., C-72/22 PPU, EU:C:2022:505, point 47 ainsi que jurisprudence citée).
31 La justification du renvoi préjudiciel est non pas la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais le besoin inhérent à la solution effective d’un litige. Partant, s’il apparaît que les questions posées ne sont manifestement plus pertinentes pour la solution de ce litige, la Cour doit constater le non-lieu à statuer (arrêt du 30 juin 2022, Valstybės sienos apsaugos tarnyba e.a., C-72/22 PPU, EU:C:2022:505, point 48 ainsi que jurisprudence citée).
32 En l’occurrence, le litige au principal trouve son origine dans la citation en référé du 9 novembre 2022, tendant à obtenir l’enregistrement de la demande du mois de septembre 2022 et que tout retard dans cet enregistrement soit assorti d’une astreinte journalière. Ainsi que l’ont fait valoir les requérants au principal dans leurs observations écrites et lors de l’audience devant la Cour, il demeure pour eux un intérêt certain à ce que cette demande soit enregistrée.
33 En effet, il ressort de l’article 5, paragraphe 4, de la directive 2003/86 que les autorités nationales compétentes notifient leur décision sur la demande d’entrée et de séjour au titre du regroupement familial dès que possible et en tout état de cause au plus tard neuf mois après la date de dépôt de cette demande. Ainsi, comme l’a relevé M. l’avocat général, au point 28 de ses conclusions, eu égard à la situation sécuritaire dans laquelle se trouvent Mme X et les enfants A et B ainsi qu’à la circonstance qu’ils sont séparés de M. Y depuis plus de trois ans, la date à laquelle cette demande est considérée comme étant valablement déposée revêt une importance certaine pour ces derniers. Les requérants au principal ont ainsi toujours un intérêt à ce que le délai, prévu à l’article 5, paragraphe 4, de cette directive, dont disposent les autorités nationales compétentes pour rendre une décision sur leur demande, commence à courir le plus tôt possible.
34 Or, il importe de relever que le courriel du 3 février 2023 constitue non pas une acceptation de la part de l’Office d’enregistrer la demande du mois de septembre 2022, mais une simple invitation à introduire une nouvelle demande d’entrée et de séjour au titre du regroupement familial sans devoir se rendre personnellement, à la date de l’introduction de cette nouvelle demande, auprès du poste diplomatique ou consulaire choisi.
35 Dans ces conditions, il convient de constater qu’une réponse de la Cour à la question préjudicielle posée par la juridiction de renvoi demeure nécessaire à la résolution du litige au principal.
36 Partant, il y a lieu de statuer sur la demande de décision préjudicielle.
Sur le fond
37 À titre liminaire, il y a lieu de constater que, par son unique question, la juridiction de renvoi interroge la Cour tant sur l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2003/86 que sur les articles 23 et 24 de la directive 2011/95, relatifs au maintien de l’unité familiale et au titre de séjour. Or, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, au point 31 de ses conclusions, ces dernières dispositions n’apparaissent pas pertinentes au regard de la situation en cause au principal, dès lors que, conformément à l’article 2, sous j), de cette directive, lesdites dispositions ne s’appliquent pas aux membres de la famille d’un réfugié qui se trouvent non pas sur le territoire de l’État membre concerné, mais toujours sur le territoire d’un pays tiers.
38 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, par cette question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2003/86, lu en combinaison avec l’article 7 ainsi que l’article 24, paragraphes 2 et 3, de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui requiert, aux fins de l’introduction d’une demande d’entrée et de séjour au titre du regroupement familial, que les membres de la famille du regroupant, en particulier d’un réfugié reconnu, se rendent personnellement au poste diplomatique ou consulaire d’un État membre compétent pour le lieu de leur résidence ou de leur séjour à l’étranger, y compris dans une situation dans laquelle il leur est impossible ou excessivement difficile de se rendre à ce poste.
39 L’article 5 de cette directive prévoit, à son paragraphe 1, que les États membres déterminent si, aux fins de l’exercice du droit au regroupement familial, une demande d’entrée et de séjour doit être introduite auprès des autorités compétentes de l’État membre concerné soit par le regroupant, soit par les membres de la famille.
40 Il découle de cette disposition qu’il appartient aux États membres de déterminer, d’une part, la personne qui est autorisée à introduire une demande d’entrée et de séjour, aux fins de l’exercice du droit au regroupement familial, et, d’autre part, les autorités qui sont compétentes pour enregistrer une telle demande.
41 Cependant, il importe de rappeler, en premier lieu, que si l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2003/86 reconnaît ainsi aux États membres une marge d’appréciation à cet égard, cette marge ne doit pas être utilisée par ceux-ci d’une manière qui porterait atteinte à l’objectif de cette directive et à l’effet utile de celle-ci [voir, par analogie, arrêts du 13 mars 2019, E., C-635/17, EU:C:2019:192, point 53, ainsi que du 12 décembre 2019, G. S. et V. G. (Menace pour l’ordre public), C-381/18 et C-382/18, EU:C:2019:1072, point 62 ainsi que jurisprudence citée].
42 Or, s’agissant de l’objectif poursuivi par la directive 2003/86, la Cour a itérativement jugé que cette directive vise à favoriser le regroupement familial et à accorder une protection aux ressortissants de pays tiers, notamment aux mineurs. En vue de réaliser cet objectif, l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive impose aux États membres des obligations positives précises, auxquelles correspondent des droits subjectifs clairement définis. Il leur fait ainsi obligation d’autoriser le regroupement familial de certains membres de la famille du regroupant sans pouvoir exercer leur marge d’appréciation, pour autant que les conditions visées au chapitre IV de la même directive sont satisfaites [arrêt du 12 décembre 2019, G. S. et V. G. (Menace pour l’ordre public), C-381/18 et C-382/18, EU:C:2019:1072, points 60 et 61 ainsi que jurisprudence citée].
43 Par ailleurs, la directive 2003/86 vise à accorder, ainsi que cela ressort de son considérant 8, une protection accrue aux ressortissants de pays tiers ayant obtenu le statut de réfugié en ce qu’elle prévoit des conditions plus favorables pour l’exercice de leur droit au regroupement familial, dès lors que leur situation demande une attention particulière à cause des raisons qui les ont contraints à fuir leur pays et qui les empêchent d’y mener une vie familiale normale.
44 En second lieu, ainsi qu’il ressort du considérant 2 de la directive 2003/86, celle-ci reconnaît les droits fondamentaux et observe les principes consacrés par la Charte. Partant, il incombe aux États membres non seulement d’interpréter leur droit national d’une manière conforme au droit de l’Union, mais également de veiller à ne pas se fonder sur une interprétation d’un texte du droit dérivé qui entrerait en conflit avec les droits fondamentaux protégés par l’ordre juridique de l’Union (arrêt du 13 mars 2019, E., C-635/17, EU:C:2019:192, points 53 et 54 ainsi que jurisprudence citée).
45 À cet égard, il convient de relever que l’article 7 de la Charte, qui contient des droits correspondant à ceux garantis à l’article 8, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, expressément mentionné au considérant 2 de ladite directive, reconnaît le droit au respect de la vie privée et familiale. Cette disposition de la Charte doit être lue en combinaison avec l’article 24, paragraphe 2, de celle-ci, relatif à l’obligation de prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant, et avec le paragraphe 3 du même article, concernant la nécessité pour un enfant d’entretenir régulièrement des relations personnelles avec ses deux parents [arrêt du 16 juillet 2020, État belge (Regroupement familial - Enfant mineur), C-133/19, C-136/19 et C-137/19, EU:C:2020:577, point 34 ainsi que jurisprudence citée].
46 Il s’ensuit que les dispositions de la directive 2003/86 doivent être interprétées et appliquées à la lumière de l’article 7 et de l’article 24, paragraphes 2 et 3, de la Charte, ainsi qu’il ressort des termes du considérant 2 et de l’article 5, paragraphe 5, de cette directive, qui imposent aux États membres d’examiner les demandes de regroupement en cause dans l’intérêt des enfants concernés et dans le souci de favoriser la vie familiale [arrêt du 16 juillet 2020, État belge (Regroupement familial - Enfant mineur), C-133/19, C-136/19 et C-137/19, EU:C:2020:577, point 35 et jurisprudence citée].
47 Ainsi, il incombe aux autorités nationales compétentes de procéder à une appréciation équilibrée et raisonnable de tous les droits et intérêts en jeu, en tenant particulièrement compte de ceux des enfants concernés (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2019, E., C-635/17, EU:C:2019:192, point 57 et jurisprudence citée).
48 C’est au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner si l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2003/86, lu à la lumière de l’article 7 ainsi que de l’article 24, paragraphes 2 et 3, de la Charte, s’oppose à ce qu’un État membre exige la comparution personnelle des membres de la famille du regroupant au poste diplomatique ou consulaire compétent de cet État membre au moment de l’introduction de la demande de regroupement familial même lorsque, en raison de leur situation concrète, une telle comparution est impossible ou excessivement difficile.
49 À cet égard, premièrement, il convient de rappeler que l’article 12 bis, paragraphe 1, alinéa premier, de la loi du 15 décembre 1980, qui transpose dans le droit belge l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2003/86, prévoit qu’il appartient aux membres de la famille du regroupant et non pas au regroupant lui-même d’introduire une demande d’entrée et de séjour au titre d’un regroupement familial et que ces membres de la famille doivent introduire une telle demande en se présentant auprès du représentant diplomatique ou consulaire belge compétent pour le lieu de leur résidence ou de leur séjour à l’étranger.
50 Ainsi que le souligne la juridiction de renvoi, le droit belge ne prévoit pas de dérogations à cette exigence de comparution personnelle lors de l’introduction de la demande de regroupement familial pour des situations où une telle comparution est impossible ou excessivement difficile, en particulier celles où les membres de la famille du regroupant vivent dans une zone de conflit et risquent, en se déplaçant, de s’exposer à des traitements inhumains ou dégradants, voire de mettre leur vie en danger.
51 Or, il convient de relever que, afin d’atteindre l’objectif de la directive 2003/86 de favoriser le regroupement familial, tel que celui-ci est rappelé au point 42 du présent arrêt, il est indispensable que les États membres fassent preuve, dans de telles situations, de la flexibilité nécessaire pour permettre aux intéressés de pouvoir effectivement introduire leur demande de regroupement familial en temps utile, en facilitant l’introduction de cette demande et en admettant, en particulier, le recours aux moyens de communications à distance.
52 En effet, en l’absence d’une telle flexibilité, l’exigence, sans exception, de comparution personnelle au moment de l’introduction de la demande, telle que celle prévue par la réglementation nationale en cause au principal, ne permet pas de prendre en compte les éventuels obstacles qui pourraient empêcher l’introduction effective d’une telle demande et, partant, rendre impossible l’exercice du droit au regroupement familial, perpétuant ainsi la séparation du regroupant des membres de sa famille et la situation souvent précaire de ces derniers. En particulier, lorsque ceux-ci se trouvent dans un pays marqué par un conflit armé, les possibilités de se déplacer vers des postes diplomatiques ou consulaires compétents peuvent être considérablement limitées, de sorte que, afin de se conformer à l’exigence de comparution personnelle, ces personnes, qui peuvent, de surcroît, être des mineurs, se verraient contraintes d’attendre que la situation sécuritaire leur permette de se déplacer, sauf à s’exposer à des traitements inhumains ou dégradants, voire à mettre leur vie en danger.
53 Il convient d’ajouter, en ce qui concerne la situation particulière des réfugiés, tels que M. Y dans l’affaire au principal, que l’absence de toute flexibilité de la part de l’État membre concerné, empêchant les membres de leur famille d’introduire leur demande de regroupement familial quelles que soient les circonstances, peut avoir pour conséquence que les intéressés n’arriveront pas à respecter le délai prévu à l’article 12, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2003/86, ou par la disposition du droit national transposant celui-ci, et que leur regroupement familial pourrait donc être soumis à des conditions supplémentaires plus difficiles à remplir, visées à l’article 7, paragraphe 1, de cette directive, en méconnaissance de l’objectif, rappelé au point 43 du présent arrêt, de prêter une attention particulière à la situation des réfugiés.
54 Eu égard à ces considérations, il convient de constater que l’exigence de comparution personnelle au moment de l’introduction d’une demande de regroupement, sans que soient admises des dérogations à cette exigence pour tenir compte de la situation concrète dans laquelle se trouvent les membres de la famille du regroupant et notamment du fait qu’il leur est impossible ou excessivement difficile de se conformer à ladite exigence, aboutit à rendre en pratique impossible l’exercice du droit au regroupement familial, si bien qu’une telle réglementation, appliquée sans la flexibilité nécessaire, porte atteinte à l’objectif poursuivi par la directive 2003/86 et prive celle-ci de son effet utile.
55 Deuxièmement, ainsi que cela a été rappelé au point 44 du présent arrêt, la directive 2003/86 reconnaît les droits fondamentaux et observe les principes consacrés par la Charte.
56 À cet égard, il convient de relever qu’une disposition nationale qui requiert, sans exceptions, la comparution personnelle des membres de la famille du regroupant pour l’introduction d’une demande de regroupement familial, même lorsque cette comparution est impossible ou excessivement difficile, enfreint le droit au respect de l’unité de la famille énoncé à l’article 7 de la Charte, lu, le cas échéant, en combinaison avec l’article 24, paragraphes 2 et 3, de celle-ci.
57 En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général, au point 65 de ses conclusions, une telle obligation constitue une ingérence disproportionnée dans le droit au respect de l’unité familiale par rapport au but, certes légitime, invoqué par le gouvernement belge, de lutter contre les fraudes liées au regroupement familial, en méconnaissance de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.
58 Les considérations exprimées aux points 56 et 57 du présent arrêt sont confortées par la circonstance que la procédure de demande de regroupement familial se déroule par étapes, ainsi que cela ressort de la structure de l’article 5 de la directive 2003/86. Ainsi, les États membres peuvent demander la comparution personnelle des membres de la famille du regroupant à un stade ultérieur de cette procédure, afin, notamment, de vérifier les liens familiaux et l’identité des intéressés, sans qu’il soit nécessaire d’imposer, aux fins du traitement de la demande de regroupement familial, une telle comparution dès l’introduction de la demande.
59 Toutefois, afin qu’il ne soit pas porté atteinte à l’objectif poursuivi par la directive 2003/86 de favoriser le regroupement familial et aux droits fondamentaux que celle-ci vise à protéger, lorsque l’État membre exige la comparution personnelle des membres de la famille du regroupant à un stade ultérieur de la procédure, cet État membre doit faciliter une telle comparution, notamment par l’émission de documents consulaires ou des laissez-passer, et réduire au strict nécessaire le nombre des comparutions. Ainsi, il lui incombe de prévoir la possibilité d’effectuer les vérifications des liens familiaux et de l’identité nécessitant la présence de ces membres de la famille à la fin de la procédure et, si possible, au même moment où, le cas échéant, leur sont délivrés les documents autorisant l’entrée sur le territoire de l’État membre concerné.
60 Eu égard aux motifs qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2003/86, lu en combinaison avec l’article 7 ainsi que l’article 24, paragraphes 2 et 3, de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui requiert, aux fins de l’introduction d’une demande d’entrée et de séjour au titre du regroupement familial, que les membres de la famille du regroupant, en particulier d’un réfugié reconnu, se rendent personnellement au poste diplomatique ou consulaire d’un État membre compétent pour le lieu de leur résidence ou de leur séjour à l’étranger, y compris dans une situation dans laquelle il leur est impossible ou excessivement difficile de se rendre à ce poste, sans préjudice de la possibilité pour cet État membre d’exiger la comparution personnelle de ces membres à un stade ultérieur de la procédure de demande de regroupement familial.
Sur les dépens
61 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :
L’article 5, paragraphe 1, de la directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial, lu en combinaison avec l’article 7 ainsi que l’article 24, paragraphes 2 et 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,
doit être interprété en ce sens que :
il s’oppose à une réglementation nationale qui requiert, aux fins de l’introduction d’une demande d’entrée et de séjour au titre du regroupement familial, que les membres de la famille du regroupant, en particulier d’un réfugié reconnu, se rendent personnellement au poste diplomatique ou consulaire d’un État membre compétent pour le lieu de leur résidence ou de leur séjour à l’étranger, y compris dans une situation dans laquelle il leur est impossible ou excessivement difficile de se rendre à ce poste, sans préjudice de la possibilité pour cet État membre d’exiger la comparution personnelle de ces membres à un stade ultérieur de la procédure de demande de regroupement familial.
Jürimäe | Lenaerts | Safjan |
Jääskinen | Gavalec |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 avril 2023.
Le greffier | La présidente de chambre |
A. Calot Escobar | K. Jürimäe |
* Langue de procédure : le français.