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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Spain v Council (Mesures de conservation complementaires en Mediterranee occidentale) (Action for annulment - Fixing of the maximum authorised fishing effort for European hake and mud red mullet for demersal longliners - Judgment) French Text [2023] EUECJ C-224/22 (16 November 2023) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2023/C22422.html Cite as: [2023] EUECJ C-224/22, ECLI:EU:C:2023:891, EU:C:2023:891 |
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ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)
16 novembre 2023 (*)
« Recours en annulation – Règlement (UE) 2022/110 – Annexe III, sous c) – Fixation de l’effort de pêche maximal autorisé de merlu européen et de rouget de vase pour les palangriers démersaux – Annexe III, sous e) – Fixation des limites de capture maximales pour la crevette rouge – Sous-régions géographiques (SRG) 1-2-5-6-7 – Article 43, paragraphes 2 et 3, TFUE – Règlement (UE) 2019/1022 – Régime de gestion de l’effort de pêche – Mesures complémentaires – Article 7, paragraphe 5 – Notion de “captures importantes” – Avis scientifiques – Article 7, paragraphe 3, sous b) – Notion de “mesure de conservation” – Obligation de motivation – Pouvoir d’appréciation – Limites – Principe de proportionnalité »
Dans l’affaire C‑224/22,
ayant pour objet un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE, introduit le 29 mars 2022,
Royaume d’Espagne, représenté initialement par M. J. Rodríguez de la Rúa Puig, puis par Mme A. Gavela Llopis, en qualité d’agents,
partie requérante,
contre
Conseil de l’Union européenne, représenté par M. F. Naert, Mmes A. Nowak-Salles et S. Sáez Moreno, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenu par :
Commission européenne, représentée par M. A. Dawes, Mmes I. Galindo Martín et A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents,
partie intervenante,
LA COUR (dixième chambre),
composée de M. Z. Csehi, président de chambre, MM. I. Jarukaitis et D. Gratsias (rapporteur), juges,
avocat général : M. G. Pitruzzella,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, le Royaume d’Espagne demande à la Cour d’annuler le règlement (UE) 2022/110 du Conseil, du 27 janvier 2022, établissant, pour 2022, les possibilités de pêche pour certains stocks halieutiques et groupes de stocks halieutiques, applicables en mer Méditerranée et en mer Noire (JO 2022, L 21, p. 165) (ci-après le « règlement attaqué »), dans la mesure où ce règlement a fixé, d’une part, à son annexe III, sous c), l’effort de pêche maximal autorisé pour les palangriers pêchant le merlu européen (Merluccius merluccius) et le rouget de vase (Mullus barbatus) dans la mer d’Alboran, les îles Baléares, le nord de l’Espagne et le golfe du Lion [sous-régions géographiques (SRG) 1‑2‑5‑6‑7], et, d’autre part, à son annexe III, sous e), les limites de capture maximales pour la crevette rouge (Aristeus antennatus) dans les SRG 1‑2‑5‑6‑7.
Le cadre juridique
Le règlement (UE) no 1380/2013
2 Les considérants 7, 23 et 48 du règlement (UE) no 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2013, relatif à la politique commune de la pêche, modifiant les règlements (CE) no 1954/2003 et (CE) no 1224/2009 du Conseil et abrogeant les règlements (CE) no 2371/2002 et (CE) no 639/2004 du Conseil et la décision 2004/585/CE du Conseil (JO 2013, L 354, p. 22), énoncent :
« (7) [...] Il convient [...] que l’Union [européenne] améliore sa [politique commune de la pêche (PCP)] en adaptant les taux d’exploitation afin d’assurer, dans un délai raisonnable, que l’exploitation des ressources biologiques de la mer rétablisse et maintienne les populations de stocks exploités au-dessus des niveaux qui permettent d’obtenir le rendement maximal durable. [...]
[...]
(23) Une approche pluriannuelle de la gestion des pêches, établissant en priorité des plans pluriannuels qui tiennent compte des spécificités des différentes pêcheries, permet d’atteindre plus efficacement l’objectif de l’exploitation durable des ressources biologiques de la mer.
[...]
(48) Le comité scientifique, technique et économique de la pêche [...] peut être consulté sur les questions se rapportant à la conservation et à la gestion des ressources biologiques de la mer afin de s’assurer le concours nécessaire de scientifiques hautement qualifiés, notamment en ce qui concerne les disciplines biologiques, économiques, environnementales, sociales et techniques. »
3 L’article 2 du règlement no 1380/2013, intitulé « Objectifs », prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :
« 1. La PCP garantit que les activités de pêche et d’aquaculture soient durables à long terme sur le plan environnemental et gérées en cohérence avec les objectifs visant à obtenir des retombées positives économiques, sociales et en matière d’emploi et à contribuer à la sécurité de l’approvisionnement alimentaire.
2. La PCP applique l’approche de précaution en matière de gestion des pêches et vise à faire en sorte que l’exploitation des ressources biologiques vivantes de la mer rétablisse et maintienne les populations des espèces exploitées au-dessus des niveaux qui permettent d’obtenir le rendement maximal durable.
[...] »
4 L’article 3 de ce règlement, intitulé « Principes de bonne gouvernance », est libellé comme suit :
« La PCP est sous-tendue par les principes de bonne gouvernance suivants :
[...]
c) établissement de mesures conformément aux meilleurs avis scientifiques disponibles ;
[...] »
5 L’article 4 dudit règlement, intitulé « Définitions », dispose, à son paragraphe 1 :
« Aux fins du présent règlement, on entend par :
[...]
7) “rendement maximal durable”, le rendement théorique d’équilibre le plus élevé pouvant être prélevé de manière continue en moyenne dans un stock, dans les conditions environnementales existantes moyennes sans affecter sensiblement le processus de reproduction ;
8) “approche de précaution en matière de gestion des pêches”, telle que visée à l’article 6 de [l’accord des Nations unies relatif à l’application des dispositions de la convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs, du 4 décembre 1995 (accord des Nations unies sur les stocks de poissons)], une approche selon laquelle l’absence de données scientifiques pertinentes ne devrait pas servir de justification pour ne pas adopter ou pour reporter l’adoption de mesures de gestion visant à conserver les espèces cibles, les espèces associées ou dépendantes, les espèces non cibles et leur environnement ;
[...]
15) “limite de capture”, selon le cas, soit la limite quantitative applicable, pendant une période donnée, aux captures d’un stock halieutique ou d’un groupe de stocks halieutiques, lorsque ce stock halieutique ou ce groupe de stocks halieutiques fait l’objet d’une obligation de débarquement, soit la limite quantitative applicable, pendant une période donnée, aux débarquements d’un stock halieutique ou d’un groupe de stocks halieutiques ne faisant pas l’objet de l’obligation de débarquement ;
[...]
(28) “activité de pêche”, le fait de localiser le poisson, de mettre à l’eau, de déployer, de traîner ou de remonter un engin de pêche, de ramener les captures à bord [...] et de débarquer des poissons et des produits de la pêche ;
[...] »
6 L’article 6 du règlement no 1380/2013, intitulé « Dispositions générales », prévoit, à son paragraphe 2 :
« [...] Les mesures de conservation sont adoptées en tenant compte des avis scientifiques, techniques et économiques disponibles, y compris, le cas échéant, des rapports établis par le [comité scientifique, technique et économique de la pêche (CSTEP)] et d’autres organismes consultatifs [...] »
7 L’article 7 de ce règlement, intitulé « Types de mesures de conservation », est libellé comme suit, à son paragraphe 1, sous a) et e) :
« Les mesures pour la conservation et l’exploitation durable des ressources biologiques de la mer peuvent inclure, entre autres :
a) des plans pluriannuels en vertu des articles 9 et 10 ;
[...]
e) des mesures relatives à la fixation et à la répartition des possibilités de pêche ».
8 L’article 9 dudit règlement, intitulé « Principes et objectifs des plans pluriannuels », dispose, à ses paragraphes 1, 3 et 4 :
« 1. Des plans pluriannuels sont adoptés en priorité, sur la base d’avis scientifiques, techniques et économiques, et comportent des mesures de conservation visant à rétablir et à maintenir les stocks halieutiques au‑dessus des niveaux permettant d’obtenir le rendement maximal durable conformément à l’article 2, paragraphe 2.
[...]
3. Les plans pluriannuels portent [...] :
[...]
b) dans le cas des pêcheries mixtes ou lorsque la dynamique des stocks est interdépendante, sur les pêcheries exploitant plusieurs stocks dans une zone géographique concernée, compte tenu des connaissances concernant les interactions entre les stocks halieutiques, les pêcheries et les écosystèmes marins.
4. Les mesures à inclure dans les plans pluriannuels et le calendrier de leur mise en œuvre sont proportionnés aux objectifs et buts poursuivis et au calendrier envisagé. L’incidence économique et sociale probable des mesures est prise en compte avant leur intégration dans les plans pluriannuels. »
9 Aux termes de l’article 10 du même règlement, intitulé « Contenu des plans pluriannuels » :
« 1. Le cas échéant et sans préjudice des compétences respectives prévues par le traité [FUE], un plan pluriannuel comprend :
[...]
b) des objectifs compatibles avec les objectifs énoncés à l’article 2 et aux dispositions pertinentes des articles 6 et 9 ;
c) des objectifs ciblés quantifiables tels que le taux de mortalité par pêche et/ou la biomasse du stock reproducteur ;
d) des échéances claires à respecter pour atteindre les objectifs ciblés quantifiables ;
[...] »
10 L’article 16 du règlement no 1380/2013, intitulé « Possibilités de pêche », est libellé comme suit, à son paragraphe 4 :
« Les possibilités de pêche sont déterminées conformément aux objectifs énoncés à l’article 2, paragraphe 2, et dans le respect des objectifs ciblés quantifiables, les échéances et les marges établis conformément à l’article 9, paragraphe 2, et à l’article 10, paragraphe 1, points b) et c). »
Le règlement (UE) 2019/1022
11 Les considérants 12, 18, 19, 22, 23, 27 et 37 du règlement (UE) 2019/1022 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2019, établissant un plan pluriannuel pour les pêcheries exploitant des stocks démersaux en Méditerranée occidentale et modifiant le règlement (UE) no 508/2014 (JO 2019, L 172, p. 1), énoncent :
« (12) Le CSTEP a montré que l’exploitation de nombreux stocks démersaux en Méditerranée occidentale dépasse de loin les niveaux requis pour atteindre le [rendement maximal durable (RMD)].
[...]
(18) Il convient d’établir l’objectif ciblé de mortalité par pêche (F) qui correspond à l’objectif consistant à atteindre et à maintenir le RMD sous la forme de fourchettes de valeurs qui sont compatibles avec l’objectif consistant à atteindre le RMD (FRMD). [...]
(19) [...] L’objectif de mortalité par pêche conforme à ces fourchettes de FRMD devrait être atteint progressivement et par paliers d’ici à 2020 si possible, et au plus tard le 1er janvier 2025.
[...]
(22) Afin d’assurer un accès transparent aux pêcheries et la réalisation d’objectifs de mortalité par pêche, un régime de gestion de l’effort de pêche de l’Union devrait être adopté pour les chaluts, qui sont les principaux engins utilisés pour exploiter les stocks démersaux en Méditerranée occidentale. [...] Le cas échéant, le régime de gestion de l’effort de pêche devrait intégrer d’autres engins de pêche.
(23) Compte tenu de la situation préoccupante de nombreux stocks démersaux en Méditerranée occidentale, et afin de réduire les niveaux actuellement élevés de mortalité par pêche, le régime de gestion de l’effort de pêche devrait entraîner une diminution significative de l’effort de pêche au cours des cinq premières années de mise en œuvre du plan.
[...]
(27) D’autres mesures de conservation devraient être prises en ce qui concerne les stocks démersaux. [...]
[...]
(37) L’incidence économique et sociale probable du plan a été dûment évaluée avant sa rédaction, conformément à l’article 9, paragraphe 4, du règlement [no 1380/2013]. »
12 Le chapitre I du règlement 2019/1022, intitulé « Dispositions générales », comporte les articles 1er à 3 de ce règlement. Cet article 1er , intitulé « Objet et champ d’application », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :
« 1. Le présent règlement établit un plan pluriannuel [...] en faveur de la conservation et de l’exploitation durable des stocks démersaux en Méditerranée occidentale
2. Le présent règlement s’applique aux stocks suivants :
a) crevette rouge (Aristeus antennatus) dans les sous-régions [de la Commission générale des pêches pour la Méditerranée (CGPM)] 1, 5, 6 et 7 ;
[...]
d) merlu européen (Merluccius merluccius) dans les sous-régions CGPM 1-5-6-7 et 9-10-11 ;
[...]
f) rouget de vase (Mullus barbatus) dans les sous-régions CGPM 1, 5, 6, 7, 9, 10 et 11. »
13 L’article 2 dudit règlement, intitulé « Définitions », prévoit :
« Aux fins du présent règlement, outre les définitions figurant à l’article 4 du règlement [no 1380/2013], [...] on entend par :
[...]
4) “fourchette de FRMD” : une fourchette de valeurs indiquée dans les meilleurs avis scientifiques disponibles, en particulier par le CSTEP, ou un organisme scientifique indépendant semblable reconnu au niveau de l’Union ou au niveau international, au sein de laquelle tous les niveaux de mortalité par pêche entraînent le [RMD] à long terme, pour une structure de pêche donnée et dans les conditions environnementales moyennes actuelles, sans affecter sensiblement le processus de reproduction du stock concerné. [...]
5) “valeur FRMD” : la valeur de la mortalité par pêche estimée qui, pour une structure de pêche donnée et dans les conditions environnementales moyennes actuelles, permet d’atteindre le rendement maximal à long terme ;
[...]
12) “groupe d’effort de pêche” : une unité de gestion de flotte d’un État membre pour laquelle un effort de pêche maximal autorisé est fixé ;
13) “groupe de stocks” : un ensemble de stocks capturés conjointement, tel qu’énoncé à l’annexe I ;
[...] »
14 L’article 3 du règlement 2019/1022, intitulé « Objectifs », est libellé comme suit, à ses paragraphes 1 et 5 :
« 1. Le plan se fonde sur un régime de gestion de l’effort de pêche et vise à contribuer à la réalisation des objectifs de la PCP, énumérés à l’article 2 du règlement [no 1380/2013], notamment en appliquant l’approche de précaution en matière de gestion des pêches, ainsi qu’à faire en sorte que l’exploitation des ressources biologiques vivantes de la mer rétablisse et maintienne les populations des espèces exploitées au-dessus des niveaux qui permettent d’obtenir le RMD.
[...]
5. Les mesures au titre du plan sont prises sur la base des meilleurs avis scientifiques disponibles. »
15 Le chapitre II du règlement 2019/1022, intitulé « Objectifs, niveaux de référence de conservation et mesures de sauvegarde », comporte les articles 4 à 6 de ce règlement. L’article 4 dudit règlement, intitulé « Objectifs », dispose, à ses paragraphes 1 à 3 :
« 1. L’objectif ciblé de mortalité par pêche conforme aux fourchettes de FRMD définies à l’article 2 est atteint progressivement et par paliers d’ici à 2020 si possible, et au plus tard le 1er janvier 2025, pour les stocks concernés, et est maintenu par la suite à l’intérieur des fourchettes de FRMD.
2. Les fourchettes de FRMD au titre du plan sont demandées, en particulier au CSTEP, ou à un organisme scientifique indépendant semblable reconnu au niveau de l’Union ou au niveau international.
3. Conformément à l’article 16, paragraphe 4, du règlement [no 1380/2013], lorsque le Conseil [de l’Union européenne] fixe l’effort de pêche maximal autorisé, il établit cet effort de pêche pour chaque groupe d’effort de pêche, dans la fourchette de FRMD disponible à ce moment-là pour le stock le plus vulnérable. »
16 Aux termes de l’article 7 du règlement 2019/1022, intitulé « Régime de gestion de l’effort de pêche » :
« 1. Un régime de gestion de l’effort de pêche s’applique à tous les navires pratiquant la pêche à l’aide de chaluts et dont l’annexe I définit les zones, les groupes de stocks ainsi que les catégories de longueur concernés.
2. Chaque année, sur la base d’avis scientifiques, et en application de l’article 4, le Conseil fixe un effort de pêche maximal autorisé pour chaque groupe d’effort de pêche pour chaque État membre.
3. Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, et nonobstant le paragraphe 2 du présent article, durant les cinq premières années de mise en œuvre du plan :
[...]
b) en ce qui concerne la deuxième à la cinquième année de mise en œuvre du plan, l’effort de pêche maximal autorisé est réduit de 30 % au maximum durant cette période. La réduction de l’effort de pêche peut être complétée par toute mesure technique ou autre mesure de conservation pertinentes adoptées conformément au droit de l’Union, en vue d’atteindre le FRMD au plus tard le 1er janvier 2025.
4. Le niveau de référence visé au paragraphe 3 est calculé par chaque État membre pour chaque groupe d’effort de pêche ou SRG comme étant l’effort de pêche moyen, exprimé en nombre de jours de pêche entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2017, et tient compte uniquement des navires en activité au cours de cette période.
5. Lorsque les meilleurs avis scientifiques disponibles font état de captures importantes d’un stock particulier avec des engins de pêche autres que des chaluts, un effort de pêche maximal autorisé peut être fixé pour ce type d’engins sur la base desdits avis scientifiques. »
17 Le groupe d’effort de pêche défini à l’annexe I, A), de ce règlement comprend les chalutiers pêchant le rouget de vase, le merlu européen, la crevette rose du large et la langoustine sur le plateau continental et sur le talus supérieur. Le groupe de stocks pêchés dans les SRG 1-2-5-6-7 comprend le rouget de vase dans les SRG 1, 5, 6 et 7, le merlu européen dans les SRG 1, 5, 6 et 7, la crevette rose du large dans les SRG 1, 5 et 6 et la langoustine dans les SRG 5 et 6.
Le règlement attaqué
18 Les considérants 4 et 6 à 10 du règlement attaqué énoncent :
« (4) Il y a [...] lieu d’établir les totaux admissibles des captures (TAC), conformément au règlement [no 1380/2013], sur la base des avis scientifiques disponibles, en tenant compte des aspects biologiques et socio-économiques, tout en veillant à ce que les différents secteurs halieutiques soient traités équitablement [...]
[...]
(6) Le plan pluriannuel pour les pêcheries exploitant des stocks démersaux en mer Méditerranée occidentale [...] vise à faire en sorte que l’exploitation des ressources biologiques vivantes de la mer rétablisse et maintienne les populations des espèces exploitées au-dessus des niveaux qui permettent d’obtenir le RMD.
(7) Conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement [2019/1022], il convient de fixer les possibilités de pêche pour les stocks énumérés à l’article 1er dudit règlement afin d’atteindre progressivement et par paliers une mortalité par pêche à un niveau correspondant au rendement maximal durable d’ici à 2020 si possible, et au plus tard le 1er janvier 2025. [...]
(8) Le CSTEP a indiqué que, pour atteindre les objectifs de RMD pour les stocks halieutiques de la Méditerranée occidentale, il faut prendre d’autres mesures urgentes et réduire significativement la mortalité par pêche pour les chalutiers. Pour 2022, l’effort de pêche maximal autorisé pour les chalutiers, fixé conformément à l’article 7, paragraphe 3, point b), du plan, devrait donc être réduit de 6 % par rapport au niveau de référence 2015-2017 [...]
(9) Le CSTEP a indiqué que, pour atteindre les objectifs de RMD pour les stocks halieutiques de la Méditerranée occidentale, il faut prendre d’autres mesures urgentes, notamment pour gérer la mortalité par pêche pour les palangriers démersaux. Pour 2022, il est nécessaire d’établir l’effort de pêche maximal autorisé pour les palangriers, conformément à l’article 7, paragraphe 5, du plan, sur la base de l’effort de pêche exprimé en nombre de jours de pêche entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2017. Cet effort de pêche maximal autorisé pour les palangriers ne devrait pas préjuger de l’effort de pêche maximal autorisé qui sera établi pour 2023.
(10) En 2020, le CSTEP a indiqué que la mortalité par pêche de la crevette rouge dans les [SRG] 1-5-6-7 et les SRG 8-9-10-11 devrait diminuer de manière significative pour atteindre le RMD d’ici 2025 au plus tard. Le comité scientifique consultatif des pêches (CSC) de la [CGPM] a également émis le même avis pour la mortalité par pêche de la crevette rouge dans la SRG 2. En outre, le CSTEP a estimé que la biomasse de la crevette rouge diminuait. En 2021, le CSTEP a indiqué que la mortalité par pêche de cette espèce n’avait pas changé et que d’autres mesures de gestion étaient donc nécessaires. Compte tenu des avis scientifiques et de l’état inchangé des stocks, conformément à l’article 7, paragraphe 3, point b), du plan, il convient de compléter le régime de gestion de l’effort de pêche par des limites de capture maximales et d’établir des limites de capture maximales spécifiques pour la crevette rouge dans les SRG 1‑2‑5‑6-7 et des limites de capture maximales pour la crevette rouge dans les SRG 8-9-10-11. »
19 L’article 1er du règlement attaqué, intitulé « Objet », dispose :
« Le présent règlement établit, pour 2022, les possibilités de pêche disponibles en mer Méditerranée et en mer Noire pour certains stocks halieutiques et groupes de stocks halieutiques. »
20 L’article 2 de ce règlement, intitulé « Champ d’application », prévoit, à son paragraphe 1 :
« Le présent règlement s’applique aux navires de pêche de l’Union exploitant les stocks halieutiques suivants :
[...]
b) la crevette rouge (Aristeus antennatus), [...], le merlu européen (Merluccius merluccius), [...] et le rouget de vase (Mullus barbatus) dans la mer Méditerranée occidentale, telle qu’elle est définie à l’article 4, point c) ;
[...] »
21 Aux termes de l’article 4 dudit règlement, intitulé « Zones de pêche » :
« Aux fins du présent règlement, on entend par :
[...]
c) “mer Méditerranée occidentale” : les eaux situées dans les [SRG] 1, 2, 5, 6, 7, 8, 9, 10 et 11 [...] ;
[...] »
22 L’article 8 du même règlement, intitulé « Stocks démersaux », est libellé comme suit, à ses paragraphes 2 et 3 :
« 2. L’effort de pêche maximal autorisé pour les chalutiers et les palangriers figure à l’annexe III du présent règlement. [...]
3. La répartition entre les États membres des limites de capture maximales applicables aux navires de pêche de l’Union dans les eaux de l’Union de la Méditerranée occidentale figure à l’annexe III. »
23 L’annexe III du règlement attaqué, intitulée « Possibilités de pêche des navires de pêche de l’Union dans le cadre de la gestion des stocks démersaux dans la mer Méditerranée occidentale », fixe, à son point c), l’effort de pêche maximal autorisé en jours de pêche des palangriers démersaux dans la mer d’Alboran, les îles Baléares, le nord de l’Espagne et le golfe du Lion (SRG 1-2-5-6-7) de la manière suivante :
Groupe de stocks | Longueur hors tout des navires | Espagne | France | Italie | Code du groupe d’effort de pêche |
Rouget de vase dans les SRG 1, 2, 5, 6 et 7; Merlu dans les SRG 1, 2, 5, 6 et 7 | < 12 m | 9 433 | 6 432 | 0 | EFF1/MED1_LL1 |
≥ 12 m et < 18 m | 2 148 | 93 | 0 | EFF1/MED1_LL2 | |
≥ 18 m et < 24 m | 74 | 0 | 0 | EFF1/MED1_LL3 | |
≥ 24 m | 29 | 0 | 0 | EFF1/MED1_LL4 |
27 L’annexe III, sous e), de ce règlement fixe les possibilités de pêche pour la crevette rouge (Aristeus antennatus) dans la mer d’Alboran, les îles Baléares, le nord de l’Espagne et le golfe du Lion (SRG 1-2-5-6-7), exprimées en niveau maximal des captures, à 928 tonnes de poids vif pour l’Union, soit 872 tonnes pour l’Espagne, 56 tonnes pour la France et 0 tonne pour l’Italie.
Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour
28 Le Royaume d’Espagne demande à la Cour :
– d’annuler le règlement attaqué, dans la mesure où il fixe, d’une part, à son annexe III, sous c), l’effort de pêche maximal autorisé pour les palangriers démersaux pêchant le merlu européen et le rouget de vase dans la mer d’Alboran, les îles Baléares, le nord de l’Espagne et le golfe du Lion (SRG 1‑2‑5‑6‑7) (ci-après la « première mesure litigieuse ») et, d’autre part, à son annexe III, sous e), les limites de capture maximales pour la crevette rouge dans la mer d’Alboran, les îles Baléares, le nord de l’Espagne et le golfe du Lion (SRG 1‑2‑5‑6‑7) (ci-après la « seconde mesure litigieuse ») (ci-après, prises ensemble, les « mesures litigieuses ») et
– de condamner le Conseil aux dépens.
29 Le Conseil demande à la Cour :
– de rejeter le recours et
– de condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.
30 Par décision du président de la Cour du 26 juillet 2022, la Commission européenne a été admise à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.
Sur le recours
31 À l’appui de son recours, le Royaume d’Espagne invoque six moyens, dont les trois premiers visent la première mesure litigieuse et les trois autres la seconde mesure litigieuse.
Sur les moyens visant la première mesure litigieuse
32 Le premier moyen est tiré, en substance, de la violation de l’obligation de motivation, le deuxième, de la violation de l’article 7, paragraphe 5, du règlement 2019/1022 et, le troisième, du caractère disproportionné de la première mesure litigieuse.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation
– Argumentation des parties
33 Par son premier moyen, le Royaume d’Espagne soutient que le règlement attaqué ne comporte aucune justification de la première mesure litigieuse au regard des exigences prévues à l’article 7, paragraphe 5, du règlement 2019/1022.
34 Selon cet État membre, l’extension du régime de gestion de l’effort de pêche à des engins de pêche autres que les chaluts, prévue à cette disposition, est complémentaire de ce régime et requiert, de ce fait, une justification mettant en évidence sa nécessité, notamment sous la forme d’un avis scientifique constatant des captures importantes d’un stock particulier susceptibles de compromettre l’objectif poursuivi par ce règlement. En particulier, cette exigence imposerait une motivation spécifique et non une simple référence générique.
35 Or, en dépit de cette obligation, le règlement attaqué, en particulier son considérant 9, ne comporterait aucune référence à l’avis concret du CSTEP sur lequel repose la première mesure litigieuse, ni à la partie spécifique de cet avis faisant état de la « nécessité de prendre d’autres mesures urgentes, notamment pour gérer la mortalité par pêche pour les palangriers démersaux », dont il est fait état à ce considérant.
36 Le Royaume d’Espagne en conclut que le règlement attaqué ne contient pas d’explications faisant apparaître de façon claire et non équivoque, conformément à la jurisprudence relative à l’obligation de motivation, le raisonnement du Conseil de telle sorte qu’il lui permette de connaître les justifications de cette mesure et que la Cour exerce son contrôle.
37 Le Conseil, soutenu par la Commission, fait valoir que les motifs de l’adoption de la première mesure litigieuse ressortent clairement du considérant 9 du règlement attaqué, lu dans le contexte des considérants 1 à 8 de ce règlement, et que le Royaume d’Espagne, ayant été étroitement associé au processus d’élaboration des mesures litigieuses, en a eu pleinement connaissance.
– Appréciation de la Cour
38 Selon une jurisprudence constante de la Cour, la motivation exigée à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Il en est ainsi d’autant plus lorsque les États membres ont été étroitement associés au processus d’élaboration de l’acte litigieux et connaissent donc les raisons qui sont à la base de cet acte [arrêt du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C-611/17, EU:C:2019:332, points 40 et 41 ainsi que jurisprudence citée].
39 Partant, la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et, s’agissant d’actes à portée générale, la motivation peut se borner à indiquer, d’une part, la situation d’ensemble qui a conduit à son adoption et, d’autre part, les objectifs généraux qu’il se propose d’atteindre. Dans ce contexte, la Cour a déjà jugé, notamment, qu’il serait excessif d’exiger une motivation spécifique pour les différents choix techniques opérés si l’acte contesté fait ressortir l’essentiel de l’objectif poursuivi par l’institution [arrêt du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen) , C‑611/17, EU:C:2019:332, point 42 et jurisprudence citée].
40 En l’occurrence, il convient de relever que, au considérant 9 du règlement attaqué, le Conseil a exposé les motifs ayant conduit à l’adoption de la première mesure litigieuse.
41 Ainsi que ce considérant 9 l’indique de manière claire et non équivoque, l’adoption de la première mesure litigieuse est justifiée par la référence à un avis du CSTEP indiquant la nécessité de prendre des « mesures urgentes » « pour atteindre les objectifs de RMD », notamment « pour gérer la mortalité par pêche pour les palangriers démersaux », et elle est fondée sur l’article 7, paragraphe 5, du règlement 2019/1022, aux termes duquel, « [l]orsque les meilleurs avis scientifiques disponibles font état de captures importantes d’un stock particulier avec des engins de pêche autres que des chaluts, un effort de pêche maximal autorisé peut être fixé pour ce type d’engins sur la base desdits avis scientifiques ».
42 De plus, conformément à la jurisprudence rappelée au point 35 du présent arrêt, la motivation de cette mesure doit être appréciée également au regard de son contexte, en l’occurrence à la lumière des considérants 1 à 8 du règlement attaqué, lesquels rappellent le cadre juridique dans lequel s’inscrit ce règlement et les objectifs généraux poursuivis par celui-ci, notamment au moyen de ladite mesure.
43 En particulier, les considérants 6 et 7 dudit règlement rappellent, d’une part, l’objectif du plan pluriannuel établi par le règlement 2019/1022 de faire en sorte que l’exploitation des ressources biologiques vivantes de la mer rétablisse et maintienne les populations des espèces exploitées au-dessus des niveaux qui permettent d’obtenir le RMD et, d’autre part, l’obligation, prévue à l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement, de fixer les possibilités de pêche pour les stocks énumérés à l’article 1er dudit règlement afin d’atteindre progressivement et par paliers une mortalité par pêche située à un niveau correspondant au RMD d’ici à l’année 2020 si possible, et au plus tard le 1er janvier 2025.
44 En outre, la motivation de ladite mesure est éclairée par le considérant 8 du règlement attaqué, qui indique que, selon le CSTEP, pour atteindre les objectifs de RMD pour les stocks halieutiques de la Méditerranée occidentale, il faut prendre d’autres mesures urgentes et réduire significativement la mortalité par pêche pour les chalutiers. Ce considérant précise également que, pour l’année 2022, l’effort de pêche maximal autorisé pour les chalutiers, fixé conformément à l’article 7, paragraphe 3, sous b), du règlement 2019/1022, devrait donc être réduit de 6 % par rapport au niveau de référence 2015-2017.
45 L’ensemble de ces explications permet ainsi de comprendre que le Conseil a utilisé la marge d’appréciation qui lui est octroyée par l’article 7, paragraphe 5, du règlement 2019/1022 pour adopter une mesure de gestion de l’effort de pêche applicable aux palangriers démersaux, visant, conformément à l’avis du CSTEP, à gérer la mortalité par pêche entraînée par ceux-ci et venant en complément des mesures d’urgence concernant les chalutiers, et ce en vue d’atteindre progressivement l’objectif de mortalité par pêche qui s’impose à lui en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement.
46 Certes, comme le relève le Royaume d’Espagne, le considérant 9 du règlement attaqué ne se réfère pas à des « captures importantes » des espèces concernées, lesquelles constituent, aux termes de l’article 7, paragraphe 5, du règlement 2019/1022, un critère d’application de cette disposition. Il ne précise pas non plus à quel avis particulier du CSTEP il se réfère, ni ne cite les parties de cet avis dans lesquelles ce comité aurait fait référence à de telles « captures importantes » et aurait recommandé la première mesure litigieuse.
47 Toutefois, en premier lieu, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée aux points 35 et 36 du présent arrêt, d’une part, il n’est pas exigé, au regard de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents et, d’autre part, s’agissant d’actes à portée générale tels que le règlement attaqué, l’auteur de l’acte n’est pas tenu de prévoir une motivation spécifique pour les différents choix techniques opérés.
48 En deuxième lieu, il convient de relever que le Royaume d’Espagne, en tant qu’État membre, a été étroitement associé au processus d’élaboration de la première mesure litigieuse et connaît donc les raisons qui sont à la base de cette mesure, ce qu’il ne conteste pas.
49 En effet, il ressort du dossier soumis à la Cour que ladite mesure a été présentée par la Commission dans un document informel (non-paper) du 24 novembre 2021 actualisant sa proposition initiale de règlement à la suite de la publication des avis du CSTEP et du CSC de la CGPM pour l’année 2021, lequel a été transmis par le Conseil aux États membres le même jour.
50 Dans ce document informel, la Commission s’est référée, notamment, au rapport 21-13 du CSTEP du mois d’octobre 2021, dans lequel ce comité a indiqué qu’il était nécessaire d’adopter une approche globale, combinant des mesures de gestion sous la forme de réductions de l’effort de pêche et de TAC. S’agissant plus particulièrement de la première mesure litigieuse, la Commission s’est référée au rapport 21‑01 du CSTEP du mois de mars 2021, dans lequel ce comité a indiqué que la mortalité par pêche provoquée par des engins de pêche autres que des chalutiers pouvait atteindre 48 % des reproducteurs de merlu européen, lesquels jouaient un rôle essentiel dans la reconstitution des stocks. Sur cette base, elle a proposé d’assurer la réduction de la mortalité par pêche du merlu européen au moyen d’une réduction complémentaire de l’effort de pêche pour les palangriers afin de protéger spécifiquement les reproducteurs de merlu européen et d’assurer une reconstitution rapide du stock. Par ailleurs, il résulte des éléments fournis par le Conseil que cette proposition a été largement discutée lors du processus d’adoption du règlement attaqué et que, dans ce cadre, le Royaume d’Espagne a présenté des observations à cet égard.
51 Au demeurant, dans le cadre du présent recours, en particulier dans le cadre du deuxième moyen, le Royaume d’Espagne se réfère aux rapports du CSTEP publiés en 2021, et notamment aux rapports 21-01 et 21-13 de celui-ci, pour contester les conclusions qui en ont été tirées par les institutions s’agissant de la nécessité d’adopter une mesure d’effort de pêche visant les palangriers.
52 En troisième lieu, il importe de souligner que les questions soulevées par le Royaume d’Espagne dans le cadre du présent moyen et portant sur le point de savoir, d’une part, s’il peut être déduit de ces rapports que des « captures importantes » de merlu européen ont été effectuées au moyen de palangres dans les zones visées par la première mesure litigieuse et, d’autre part, si une mesure complémentaire d’effort de pêche visant spécifiquement ces engins était nécessaire constituent des questions relatives au bien-fondé de la première mesure litigieuse, lesquelles doivent être clairement distinguées de la question du respect de l’obligation de motivation [voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen) , C-611/17, EU:C:2019:332, point 48 et jurisprudence citée].
53 Il résulte de tout ce qui précède que le Conseil a exposé, à suffisance de droit, les raisons pour lesquelles il a adopté la première mesure litigieuse, de manière à permettre, conformément à la jurisprudence rappelée au point 35 du présent arrêt, à la partie requérante, en l’occurrence le Royaume d’Espagne, de connaître les justifications de cette mesure et à la Cour d’exercer son contrôle sur celle-ci.
54 Il s’ensuit que le premier moyen ne peut qu’être écarté.
Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 5, du règlement 2019/1022
– Argumentation des parties
55 Par son deuxième moyen, le Royaume d’Espagne soutient que la première mesure litigieuse est contraire aux exigences de l’article 7, paragraphe 5, du règlement 2019/1022, en ce qu’elle ne repose pas sur un avis scientifique faisant état de captures importantes de stocks de merlu européen et de rouget de vase.
56 En premier lieu, le Royaume d’Espagne souligne que cette disposition doit être interprétée en ce sens que l’existence d’un tel avis scientifique conditionne la possibilité effective, pour le Conseil, de fixer, en vertu de ladite disposition, une mesure d’effort de pêche maximal autorisé pour des engins spécifiques autres que les chaluts.
57 En deuxième lieu, il ressortirait d’une interprétation littérale, contextuelle et téléologique de cette disposition que la notion de « captures importantes », visée à celle-ci, se réfère aux captures d’un certain stock par des engins de pêche autres que des chaluts qui, en raison de leur importance quantitative, sont susceptibles de nuire de manière significative à la PCP dans la zone concernée, ce qui rendrait nécessaire la fixation d’un effort de pêche maximal autorisé pour ces engins de pêche.
58 En troisième lieu, le Royaume d’Espagne affirme que les rapports 21-01 et 21-13 du CSTEP ne permettent pas de conclure à l’existence de captures importantes de merlu européen et de rouget de vase dans les zones concernées. En effet, d’une part, le premier de ces rapports indiquerait que les palangriers de fond contribueraient à 1 % des captures totales de merlu européen dans les SRG 1-5-6-7 et à 0 % de celles de rouget de vase dans les SRG 1‑6-7. D’autre part, le second de ces rapports indiquerait que la réduction de l’effort de pêche pour les engins autres que les chaluts serait la seule mesure de gestion apportant des améliorations pour le merlu européen dans les SRG 8-9-10-11, mais que tel ne serait pas le cas dans les SRG 1-2-5-6-7.
59 En quatrième lieu, il fait observer que le large pouvoir d’appréciation reconnu au Conseil par les arrêts du 8 novembre 2007, Espagne/Conseil (C‑141/05, EU:C:2007:653, point 92 et jurisprudence citée), du 11 janvier 2017, Espagne/Conseil (C‑128/15, EU:C:2017:3, points 46, 58 et 61), et du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen) (C‑611/17, EU:C:2019:332, point 57 et jurisprudence citée), ne l’autorise pas à ignorer la décision politique adoptée par le législateur de l’Union, qui serait contenue à l’article 7, paragraphe 5, du règlement 2019/1022, de même rang législatif que le règlement no 1380/2013 et adopté, comme ce dernier, sur le fondement de l’article 43, paragraphe 2, TFUE.
60 En cinquième lieu, se référant, notamment, à l’arrêt du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen) (C‑611/17, EU:C:2019:332, point 55 et jurisprudence citée), le Royaume d’Espagne estime que, eu égard aux avis scientifiques sur lesquels repose la première mesure litigieuse, le Conseil a dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation, quand bien même il n’aurait pas commis d’erreur manifeste.
61 Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste l’interprétation de la notion de « captures importantes » défendue par le Royaume d’Espagne, laquelle n’aurait pas, selon lui, une portée purement quantitative. Il fait également valoir que, au regard de l’état des stocks, de la capture, par les palangriers, de nombreux reproducteurs de merlus européens et du caractère limité des autres mesures de protection de ces stocks, la première mesure litigieuse est nécessaire pour atteindre l’objectif principal du plan pluriannuel et qu’elle est conforme à l’article 7, paragraphe 5, du règlement 2019/1022.
– Appréciation de la Cour
62 À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 43, paragraphe 2, TFUE, il appartient au Parlement européen et au Conseil d’adopter, conformément à la procédure législative ordinaire, les dispositions nécessaires à la poursuite des objectifs de la PCP. Par ailleurs, conformément à l’article 43, paragraphe 3, TFUE, le Conseil, sur proposition de la Commission, adopte les mesures relatives à la fixation et à la répartition des possibilités de pêche.
63 Selon la jurisprudence de la Cour, les paragraphes 2 et 3 de l’article 43 TFUE poursuivent des finalités différentes et ont chacun un champ d’application spécifique de sorte qu’ils peuvent être utilisés séparément pour fonder l’adoption de mesures déterminées dans le cadre de la PCP, étant entendu que, lorsqu’il adopte des actes sur le fondement de l’article 43, paragraphe 3, TFUE, le Conseil doit agir en respectant les limites de ses compétences ainsi que, le cas échéant, le cadre juridique déjà établi en application de l’article 43, paragraphe 2, TFUE. En outre, les mesures susceptibles d’être adoptées dans le cadre de tels actes ne se limitent pas à la fixation et à la répartition des possibilités de pêche, pour autant qu’elles n’impliquent pas un choix politique réservé au législateur de l’Union en raison de leur caractère nécessaire pour poursuivre des objectifs afférents à la PCP (voir, en ce sens, arrêt du 1er décembre 2015, Par lement et Commission/Conseil, C‑124/13 et C‑125/13, EU:C:2015:790, points 58 et 59 ainsi que jurisprudence citée).
64 Cela étant, il convient de souligner que, ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante, lorsque le Conseil détermine les TAC et répartit les possibilités de pêche entre les États membres, il est appelé à procéder à l’évaluation d’une situation économique complexe, pour laquelle il dispose d’un large pouvoir d’appréciation. En pareille circonstance, le pouvoir discrétionnaire dont jouit le Conseil porte non pas exclusivement sur la détermination de la nature et de la portée des dispositions à prendre, mais aussi, dans une certaine mesure, sur la constatation des données de base. En contrôlant l’exercice d’une telle compétence, le juge doit se limiter à examiner si cet exercice n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou si l’autorité en question n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (arrêt du 11 janvier 2017, Espagne/Conseil, C‑128/15, EU:C:2017:3, point 46 et jurisprudence citée).
65 En l’occurrence, il y a lieu de relever que l’article 7 du règlement 2019/1022, adopté par le Parlement et le Conseil sur le fondement de l’article 43, paragraphe 2, TFUE, instaure, dans le cadre du plan pluriannuel établi par ce règlement, un régime de gestion de l’effort de pêche applicable à tous les navires pratiquant la pêche à l’aide de chaluts. En effet, ainsi que l’indique le considérant 22 dudit règlement, les chaluts sont les principaux engins de pêche utilisés pour exploiter les stocks démersaux en Méditerranée occidentale. Cependant, ainsi que l’énonce également ce considérant, ce régime de gestion de l’effort de pêche devrait, « le cas échéant », intégrer d’autres engins de pêche.
66 À cet effet, ledit article 7 prévoit, à son paragraphe 5, que, « lorsque les meilleurs avis scientifiques disponibles font état de captures importantes d’un stock particulier avec des engins de pêche autres que des chaluts », le Conseil a la faculté d’adopter une mesure de même nature pour ce type d’engins sur la base de ces avis.
67 Par son deuxième moyen, le Royaume d’Espagne invite, en substance, la Cour à vérifier si le Conseil n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation, fixées par l’article 7, paragraphe 5, du règlement 2019/1022, en adoptant une mesure d’effort de pêche spécifique aux palangriers pour ce qui concerne le merlu européen et le rouget de vase dans les SRG 1-2-5-6-7, alors que, selon cet État membre, les avis scientifiques sur lesquels le Conseil s’est fondé ne font pas état de « captures importantes », au moyen de palangres, des stocks de ces espèces dans les zones géographiques concernées.
68 À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que la notion de « captures importantes » n’est pas définie par le droit de l’Union, et notamment par le règlement 2019/1022, de sorte que, conformément à une jurisprudence constante, la signification et la portée de ces termes doivent être déterminées conformément à leur sens habituel en langage courant, tout en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utilisés et des objectifs poursuivis par la réglementation dont ils font partie (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2014, Baltlanta, C‑410/13, EU:C:2014:2134, point 41 et jurisprudence citée).
69 S’agissant du sens habituel en langage courant, d’une part, il se déduit de l’expression « captures importantes d’un stock particulier avec des engins de pêche autres que des chaluts », figurant à l’article 7, paragraphe 5, de ce règlement, que le terme « capture », employé au pluriel, désigne les poissons ou les autres produits de la pêche qui sont capturés par des engins de pêche au cours d’une ou de plusieurs opérations de pêche. Cette interprétation littérale est confirmée par l’emploi du terme « captures » dans plusieurs définitions énoncées à l’article 4 du règlement no 1380/2013, telles que celle figurant au point 28 de cet article, selon lequel les termes « activité de pêche » s’entendent, notamment, du « fait de localiser le poisson, de mettre à l’eau, de déployer, de traîner ou de remonter un engin de pêche » et « de ramener les captures à bord ».
70 D’autre part, l’adjectif « importantes » revêt un caractère général et imprécis, cet adjectif pouvant, selon son sens habituel en langage courant, se référer, dans le contexte particulier de l’article 7, paragraphe 5, du règlement 2019/1022, non seulement à l’importance quantitative des captures d’un stock particulier, mais également à l’incidence significative de ces captures sur l’état de ce stock.
71 Le caractère général et imprécis de la notion de « captures importantes » se reflète dans un certain nombre d’autres versions linguistiques de cette disposition, telles que les versions en langues espagnole (« importantes capturas »), allemande (« erhebliche Fänge »), grecque (« σημαντική αλίευση »), anglaise (« significant catches »), néerlandaise (« significante vangsten ») ou portugaise (« capturas significativas »).
72 Certes, ainsi que le Royaume d’Espagne le met en exergue, la version italienne de ladite disposition emploie l’expression « catturati quantitativi rilevanti », privilégiant ainsi l’interprétation quantitative de cette notion. Toutefois, selon une jurisprudence constante, la formulation utilisée dans l’une des versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de la même disposition ou se voir attribuer, à cet égard, un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques. Les dispositions du droit de l’Union doivent, en effet, être interprétées et appliquées de manière uniforme, à la lumière des versions établies dans toutes les langues de l’Union. En cas de disparité entre les diverses versions linguistiques d’un texte du droit de l’Union, la disposition en cause doit être interprétée en fonction du contexte et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (arrêt du 12 septembre 2019, A e.a., C‑347/17, EU:C:2019:720, point 38 ainsi que jurisprudence citée).
73 Or, les objectifs du règlement 2019/1022 plaident en faveur d’une interprétation large de la notion de « captures importantes ».
74 En effet, aux termes de l’article 4 de ce règlement, lu à la lumière des considérants 18 et 19 de celui-ci, en vue d’atteindre et de maintenir le RMD pour les stocks cibles relevant du champ d’application dudit règlement, l’objectif ciblé de mortalité par pêche conforme aux fourchettes de FRMD, au sens de l’article 2 du même règlement, doit être atteint pour ces stocks, progressivement et par paliers, d’ici à l’année 2020 si possible, et au plus tard le 1er janvier 2025.
75 Ainsi qu’il résulte du considérant 22 du règlement 2019/1022, le régime de gestion de l’effort de pêche vise précisément à assurer, notamment, la réalisation des objectifs de mortalité par pêche pour les stocks pêchés au moyen des engins de pêche couverts par ce régime.
76 Par conséquent, en permettant au Conseil d’intégrer dans ledit régime de gestion de l’effort de pêche des engins de pêche autres que les chaluts, lorsque les « meilleurs avis scientifiques disponibles » font état de « captures importantes » par lesdits engins de pêche, le législateur de l’Union a entendu lui conférer la faculté de soumettre au même régime toutes les catégories d’engins de pêche ayant une incidence significative sur le niveau de mortalité par pêche des stocks concernés à long terme, non seulement en raison de la quantité des captures réalisées, mais aussi de l’incidence qualitative de ces captures sur le processus de reproduction du stock concerné.
77 La genèse de l’article 7, paragraphe 5, du règlement 2019/1022 corrobore cette interprétation. En effet, le texte final de cette disposition n’a pas repris la proposition d’amendement no 71 figurant dans le rapport de la commission de la pêche du Parlement, du 10 janvier 2019, sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un plan pluriannuel pour les pêcheries exploitant des stocks démersaux en Méditerranée occidentale (A8-0005/2019), laquelle visait à remplacer les termes « des captures importantes » par « une augmentation des captures de plus de 10 % ». Le rejet de cette proposition par le législateur de l’Union confirme l’intention de ce dernier de ne pas limiter les situations dans lesquelles le régime de gestion de l’effort de pêche peut être étendu à d’autres engins de pêche que les chaluts à l’hypothèse de captures quantitativement importantes.
78 En deuxième lieu, il convient de relever que, ainsi que cela ressort du dossier soumis à la Cour, le rapport 21-01 du CSTEP a recommandé d’adopter des mesures de gestion concernant d’autres engins de pêche que les chaluts, notamment les palangres, en vue de limiter la mortalité des individus reproducteurs des stocks de merlu européen et de rouget de vase.
79 À cet égard, comme l’a également fait observer le Conseil, il ressort de ce rapport ainsi que du rapport 2021-01 du groupe de travail d’experts de ce comité, que, si les palangriers ne représentent que 1 % des captures de merlu européen dans les SRG 1-2-5-6-7, la proportion de la mortalité par pêche de cette espèce qui leur est attribuable est, selon le premier de ces rapports, estimée à 4 %, et, selon le second de ces rapports, comprise entre 4,5 % et 10,4 %, et s’élève, respectivement, à 76 % et 46 % pour les individus des classes d’âge 4 et 5, à savoir les plus âgés. La Commission précise, à cet égard, que, étant donné que cette espèce met plusieurs années pour atteindre la maturité reproductive, il est essentiel de limiter les captures des individus l’ayant déjà atteinte.
80 Il ressort de ces éléments que les captures de merlu européen par les palangriers sont susceptibles d’avoir une incidence significative sur le processus de reproduction de cette espèce, en raison du fait que ces captures entraînent la mortalité d’une part importante des individus les plus âgés. En outre, le Royaume d’Espagne, qui fonde lui-même son argumentation sur les rapports du CSTEP présentés en 2021, ne conteste pas que ces éléments ressortent des « meilleurs avis scientifiques disponibles », au sens de l’article 7, paragraphe 5, du règlement 2019/1022.
81 Par ailleurs, conformément à cette disposition, l’adoption d’une mesure d’effort de pêche maximal pour des engins de pêche autres que des chaluts peut être justifiée par les captures importantes « d’un stock particulier ». Cette disposition doit être lue à la lumière, d’une part, de l’article 4, paragraphe 3, du même règlement, en vertu duquel, conformément à l’article 16, paragraphe 4, du règlement no 1380/2013, le Conseil établit l’effort de pêche maximal autorisé pour chaque groupe d’effort de pêche, « dans la fourchette de FRMD disponible à ce moment‑là pour le stock le plus vulnérable » et, d’autre part, de l’article 2, point 13, ainsi que de l’annexe I du règlement 2019/1022, dont il ressort que le merlu européen et le rouget de vase font partie du même groupe de stocks.
82 Il en résulte que le Conseil pouvait adopter la première mesure litigieuse en se fondant sur les seules captures de merlu européen au moyen de palangres dans les SRG 1-2-5-6-7, indépendamment du fait que, selon le rapport 21‑01 du CSTEP, les palangriers ne contribuent pas, dans cette zone, aux captures de rougets de vase.
83 En troisième lieu, s’agissant de la nécessité de l’adoption de la première mesure litigieuse au regard de l’objectif ciblé de mortalité par pêche correspondant au RMD pour le 1er janvier 2025 au plus tard, il ressort du rapport 21-03 du CSTEP de novembre 2021 que, dans les SRG concernées, la situation du merlu européen était caractérisée par une diminution de la biomasse et que la progression vers l’objectif de réalisation du RMD au 1er janvier 2025, au plus tard, était en retard. En outre, il ressort du rapport 21-13 du CSTEP qu’aucun des scénarios étudiés dans ce rapport ne permettait d’atteindre cet objectif en dehors de l’application d’un TAC. Toutefois, dans ledit rapport, il est fait observer que l’application de mesures supplémentaires au régime de gestion de l’effort de pêche existant permettrait d’améliorer, dans de nombreux cas, l’état des stocks.
84 Or, d’une part, premièrement, il ressort de plusieurs avis du CSTEP figurant au dossier que les propositions des autorités espagnoles concernant des zones d’interdictions de la pêche, soumises en 2021, ne permettaient pas d’atteindre les objectifs que ces autorités s’étaient engagées à respecter. Deuxièmement, ce comité a également souligné, au cours de la même période, que les mesures d’amélioration de la sélectivité nécessitaient des efforts supplémentaires pour mieux déterminer les options possibles. Troisièmement, en raison des incidences socio-économiques de la fixation de TAC pour le merlu européen, soulignées par le CSTEP, le Conseil a renoncé à adopter une telle mesure.
85 D’autre part, certes, comme le souligne le Royaume d’Espagne, le CSTEP a relevé que la réduction de l’effort de pêche pour les filets maillants et les palangres serait la seule mesure apportant de nettes améliorations dans les SRG 8-9-10-11, mais non dans les SRG 1‑2‑5‑6‑7. Toutefois, comme le Conseil le fait valoir, la première mesure litigieuse, qui s’applique à ces dernières SRG, permet d’éviter, pour l’année 2022, une augmentation de l’effort de pêche de merlu européen par les palangriers dans lesdites SRG, ce qui est justifié au regard de l’état des stocks de cette espèce.
86 Il ressort de ce qui précède que, eu égard à l’objectif ciblé de mortalité par pêche pour les stocks de merlu européen, à l’état de ces stocks dans les SRG concernées, à l’impact significatif de la pêche à la palangre sur la mortalité des individus reproducteurs de cette espèce et compte tenu de l’évaluation des autres mesures par le CSTEP, une mesure complémentaire de gestion de l’effort de pêche des palangriers était nécessaire en vue de se rapprocher de cet objectif.
87 Par conséquent, il y a lieu de considérer que, en adoptant la première mesure litigieuse, le Conseil n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation, fixées par l’article 7, paragraphe 5, du règlement 2019/1022, et que, par conséquent, le deuxième moyen doit être écarté.
Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité
– Argumentation des parties
88 Le Royaume d’Espagne soutient que la première mesure litigieuse viole le principe de proportionnalité, en ce qu’elle est manifestement inappropriée par rapport à l’objectif visé.
89 En premier lieu, il invoque les arguments énoncés dans le cadre du deuxième moyen, relatifs à l’absence d’avis scientifiques justifiant cette mesure.
90 En deuxième lieu, le Royaume d’Espagne fait valoir que, conformément à l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1380/2013, l’objectif de durabilité environnementale à long terme des activités de pêche doit être mis en œuvre en cohérence avec les objectifs de retombées positives économiques et sociales de ces activités, et en préservant l’équilibre entre ces objectifs. Les exigences prévues à l’article 7, paragraphe 5, du règlement 2019/1022 garantiraient, notamment, cette mise en cohérence.
91 En troisième lieu, il affirme que d’autres mesures spécifiques ayant le même objectif que la première mesure litigieuse sont déjà mises en œuvre pour les stocks de merlu européen et de rouget de vase, telles que des zones d’interdiction de la pêche de ces espèces, qu’il aurait lui‑même fixées en vue de se conformer aux dispositions de l’article 11 du règlement 2019/1022. En outre, il aurait proposé d’accroître la sélectivité des engins traînants, option qui aurait été jugée particulièrement intéressante par le CSTEP et dont l’efficacité aurait été reconnue dans le règlement attaqué lui-même. Ces mesures auraient des effets plus importants que la première mesure litigieuse et permettraient d’atteindre les objectifs poursuivis par le Conseil d’une manière moins préjudiciable aux intérêts du Royaume d’Espagne et plus conforme à la PCP.
92 En outre, alors que le régime de gestion de l’effort de pêche fixé pour les palangriers s’appliquerait à plus de 2 000 navires polyvalents, pour la plupart de très petit tonnage et dépourvus de système de surveillance par satellite, ce qui rendrait la gestion des jours de pêche pratiquement impossible, celui concernant les chalutiers s’appliquerait à moins de 600 navires, dont quinze seulement d’une longueur inférieure à 12 mètres, et tous équipés d’un système de surveillance par satellite, ce qui faciliterait la gestion des jours de pêche applicables. Ce contraste refléterait le caractère disproportionné de la première mesure litigieuse.
93 Dans la réplique, il fait valoir, notamment, que, au regard de la période de référence, allant de l’année 2015 à l’année 2017, la réduction cumulée de l’effort de pêche atteint 23,5 %, soit 30 000 jours de pêche en moins.
94 Le Conseil, soutenu par la Commission, fait valoir que la première mesure litigieuse est conforme au principe de proportionnalité.
– Appréciation de la Cour
95 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés [arrêt du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C‑611/17, EU:C:2019:332, point 55 et jurisprudence citée].
96 Cela étant, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont le Conseil dispose pour déterminer les TAC et répartir les possibilités de pêche entre les États membres, il n’y a pas lieu, pour la Cour, de contrôler si les mesures qu’il a adoptées dans ce cadre sont les plus appropriées, mais seulement de vérifier si celles-ci ne sont pas manifestement inappropriées [voir, en ce sens, arrêts du 11 janvier 2017, Espagne/Conseil, C‑128/15, EU:C:2017:3, point 72 et jurisprudence citée, ainsi que du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C‑611/17, EU:C:2019:332, point 56 et jurisprudence citée].
97 Premièrement, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort de l’examen du deuxième moyen, effectué aux points 75 à 77 du présent arrêt, la première mesure litigieuse repose sur les « meilleurs avis scientifiques disponibles », au sens de l’article 7, paragraphe 5, du règlement 2019/1022. Les arguments du Royaume d’Espagne relatifs à la prétendue absence de tels avis scientifiques doivent donc être écartés.
98 Deuxièmement, comme le précise le Royaume d’Espagne, le caractère proportionné de la première mesure litigieuse doit être apprécié à la lumière de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1380/2013, aux termes duquel la PCP garantit que les activités de pêche et d’aquaculture soient durables à long terme sur le plan environnemental et gérées en cohérence avec les objectifs visant à obtenir des retombées positives économiques, sociales et en matière d’emploi et à contribuer à la sécurité de l’approvisionnement alimentaire.
99 À cet égard, le Royaume d’Espagne soutient, en substance, que les zones d’interdiction de la pêche qu’il a instaurées et les mesures de sélectivité des engins de pêche traînants qu’il a préconisées auraient des effets plus importants que la première mesure litigieuse et permettraient d’atteindre l’objectif poursuivi par le Conseil de manière moins préjudiciable aux intérêts socio-économiques de cet État membre.
100 Or, aux points 80 à 83 du présent arrêt, il a déjà été constaté que l’adoption de la première mesure litigieuse était nécessaire au regard de l’objectif ciblé de mortalité par pêche correspondant au RMD pour le 1er janvier 2025 au plus tard, eu égard, notamment, à l’évaluation par le CSTEP des autres mesures visant à atteindre cet objectif. En particulier, ainsi qu’il a été relevé au point 81 de cet arrêt, il ressort de cette évaluation que les zones d’interdiction de la pêche invoquées par le Royaume d’Espagne ne permettaient pas d’atteindre les objectifs que les autorités espagnoles s’étaient engagées à respecter et que les mesures de sélectivité préconisées par cet État membre nécessitaient des efforts supplémentaires pour mieux déterminer les options possibles.
101 Troisièmement, s’agissant des difficultés pratiques de mise en œuvre de la première mesure litigieuse par comparaison avec une mesure de gestion de l’effort de pêche applicable aux seuls chalutiers, il convient, tout d’abord, de relever que cette mesure litigieuse ne se substitue pas aux mesures analogues déjà adoptées à l’égard des chalutiers, mais s’ajoute à ces dernières. Ensuite, le fait, invoqué par le Royaume d’Espagne, que ladite mesure s’appliquerait à un grand nombre de navires, pour la plupart de faible tonnage et dépourvus de système de surveillance par satellite, ne démontre pas le caractère « pratiquement impossible » de la gestion des jours de pêche de ces navires. Enfin, en tout état de cause, les éventuelles difficultés de mise en œuvre de la même mesure ne sauraient, à elles seules, démontrer son caractère manifestement inapproprié.
102 Quatrièmement, s’agissant de l’importance de la diminution de l’effort de pêche cumulé en ce qui concerne le merlu européen, le Royaume d’Espagne ne conteste pas que, ainsi qu’il ressort du considérant 9 du règlement attaqué, la première mesure litigieuse n’entraîne pas de réduction de l’effort de pêche des palangriers par rapport à la période 2015-2017, mais seulement une limitation de celui-ci à son niveau actuel. La diminution de l’effort de pêche de cette espèce, qu’il invoque, est, en réalité, attribuable à une mesure analogue à la première mesure litigieuse, mais visant les chalutiers et qui a été adoptée à l’annexe III, sous a), du règlement attaqué. Selon le considérant 8 de ce règlement, cette mesure devrait entraîner une réduction de cet effort de pêche de 6 % par rapport à ladite période. Or, le Royaume d’Espagne ne démontre pas en quoi la réduction de l’effort de pêche des chalutiers a une incidence sur l’examen de la proportionnalité de la première mesure litigieuse.
103 Il résulte de ce qui précède que la première mesure litigieuse n’est pas manifestement inappropriée. Il convient donc d’écarter le troisième moyen et partant, de rejeter le recours, en tant qu’il vise cette mesure.
Sur les moyens visant la seconde mesure litigieuse
Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation
– Argumentation des parties
104 Dans le cadre du présent moyen, le Royaume d’Espagne avance, s’agissant de la seconde mesure litigieuse, un grief, en substance, analogue à celui invoqué dans le cadre du premier moyen. À cet égard, il allègue que le considérant 10 du règlement attaqué ne contient pas de référence précise à l’avis du CSTEP ou à celui du CSC de la CGPM sur lesquels cette mesure serait fondée, ni à la partie de ces avis faisant état de la nécessité d’adopter ladite mesure, eu égard aux exigences de l’article 7, paragraphe 3, sous b), du règlement 2019/1022, lequel article énoncerait le caractère complémentaire d’une telle mesure.
105 Le Conseil, soutenu par la Commission, considère, en se fondant sur une argumentation analogue à celle exposée au point 34 du présent arrêt, que le présent moyen doit être écarté.
– Appréciation de la Cour
106 En vertu de l’article 7, paragraphe 3, sous b), du règlement 2019/1022, la réduction de l’effort de pêche des chalutiers peut être complétée par toute mesure technique ou autre mesure de conservation pertinente adoptée conformément au droit de l’Union, en vue d’atteindre le FRMD au plus tard le 1er janvier 2025.
107 Les motifs de l’adoption de la seconde mesure litigieuse, qui est fondée sur cette disposition, sont exposés au considérant 10 du règlement attaqué.
108 À cet égard, dans ce considérant 10, le Conseil a constaté qu’il ressortait tant des avis scientifiques du CSTEP que de ceux du CSC de la CGPM que la mortalité par pêche de la crevette rouge devait « diminuer de manière significative », notamment dans les SRG visées par la seconde mesure litigieuse, et que le CSTEP a[vait] estimé que la « biomasse de la crevette rouge diminuait » et, en 2021, que « la mortalité par pêche de cette espèce n’avait pas changé et que d’autres mesures de gestion étaient donc nécessaires ». Le Conseil en a conclu que, « compte tenu des avis scientifiques et de l’état inchangé des stocks », il lui appartenait, conformément à l’article 7, paragraphe 3, sous b), du règlement 2019/1022, de compléter le régime de gestion de l’effort de pêche par des limites de capture maximales spécifiques pour la crevette rouge, notamment dans les SRG visées par la seconde mesure litigieuse. Il a donc exposé, avec la clarté et la précision requises, les raisons l’ayant amené à adopter, dans le cadre du pouvoir d’appréciation qui lui est conféré par la disposition en cause, une mesure de conservation complémentaire de la réduction de l’effort de pêche, afin de se conformer à l’objectif de mortalité par pêche fixé pour le 1er janvier 2025.
109 Par ailleurs, de manière analogue à ce qui a été constaté, aux points 40 et 41 du présent arrêt, en ce qui concerne la justification de la première mesure litigieuse, cette motivation est complétée et éclairée, en particulier, par les considérants 6 à 8 du règlement attaqué.
110 Pour des raisons de même nature que celles exposées aux points 44 à 48 du présent arrêt, les arguments du Royaume d’Espagne relatifs à l’absence de référence précise, au considérant 10 de ce règlement, aux avis scientifiques mentionnés dans celui-ci ne sauraient remettre en cause ces constats.
111 En effet, d’une part, eu égard aux principes rappelés au point 44 dudit arrêt, il ne saurait être exigé du Conseil qu’il indique, dans ce considérant 10, les références précises à ces avis et cite les parties de ceux-ci sur lesquelles il se fonde, dès lors que les conclusions qu’il en a tirées y sont clairement exposées.
112 D’autre part, le Royaume d’Espagne, qui a été étroitement associé au processus d’adoption du règlement attaqué, a pu prendre connaissance des explications concernant la seconde mesure litigieuse qui figurent dans le document informel de la Commission mentionné au point 46 du présent arrêt.
113 En particulier, dans ce document, la Commission, se référant à l’avis du CSTEP du mois de septembre 2021, a indiqué que le niveau de surexploitation des stocks de crevettes vivant en eaux profondes était élevé. Dans ce contexte, selon ledit document, la proposition de la Commission « sui[vait] une approche proportionnée visant à compléter la réduction continue de l’effort de pêche au chalut par des mesures complémentaires pertinentes pour les stocks les plus surexploités, comme le permet[tait l’article 7, paragraphe 3, sous b), du [règlement 2019/1022] ». Ainsi, afin de réduire rapidement la mortalité par pêche, la Commission a proposé d’adopter des mesures de TAC et de quotas pour ces stocks, et notamment pour la crevette rouge dans les SRG 1‑2‑5-6-7.
114 La circonstance alléguée par le Royaume d’Espagne, selon laquelle l’avis du CSTEP auquel la Commission se réfère observe une diminution de la mortalité par pêche de la crevette rouge dans les SRG 1-5-6-7, constitue une question relative au bien-fondé de la motivation de la seconde mesure litigieuse et n’est pas pertinente dans le cadre du présent moyen.
115 Il résulte de ce qui précède que, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 35 et 36 du présent arrêt, le Conseil a exposé à suffisance de droit les raisons pour lesquelles il a adopté la seconde mesure litigieuse. Le quatrième moyen ne peut donc qu’être écarté.
Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 3, sous b), du règlement 2019/1022
– Argumentation des parties
116 Par son cinquième moyen, le Royaume d’Espagne soutient que, en adoptant, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 3, sous b), du règlement 2019/1022, la seconde mesure litigieuse, le Conseil a dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation fixées par cette disposition.
117 D’une part, il fait valoir que, dans le cadre des négociations en vue de l’adoption du règlement 2019/1022, la possibilité d’établir un TAC, en tant que mesure de conservation, envisagée au considérant 26 et à l’article 8 de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un plan pluriannuel pour les pêcheries exploitant des stocks démersaux en Méditerranée occidentale (COM/2018/0115 final), émanant de la Commission, a été explicitement écartée, ainsi qu’il résulterait du rapport du Parlement sur cette proposition, cité au point 74 du présent arrêt, et du texte final de celle-ci, tel qu’issu des échanges informels entre le Parlement, le Conseil et la Commission.
118 Par conséquent, selon cet État membre, autoriser le Conseil à adopter la seconde mesure litigieuse reviendrait à lui permettre d’adopter une décision politique, nécessitant l’adoption d’un acte législatif, pour laquelle, selon la jurisprudence issue de l’arrêt du 1er décembre 2015, Parlement et Commission/Conseil (C‑124/13 et C‑125/13, EU:C:2015:790), l’article 43, paragraphe 3, TFUE ne lui conférerait pas la compétence. En outre, selon cette jurisprudence, le Conseil serait tenu de respecter le cadre juridique déjà établi en application de l’article 43, paragraphe 2, TFUE.
119 D’autre part, se référant à ses arguments énoncés dans le cadre du deuxième moyen, le Royaume d’Espagne soutient, en substance, que, à l’instar de l’article 7, paragraphe 5, du règlement 2019/1022, l’article 7, paragraphe 3, sous b), de celui-ci requiert qu’une mesure adoptée sur son fondement soit justifiée par un avis scientifique.
120 Or, il affirme que, en l’occurrence, les données scientifiques les plus récentes à la date de l’adoption du règlement attaqué, issues, en particulier du rapport 21-11 du CSTEP sur l’état des stocks en Méditerranée occidentale, rendu public le 9 décembre 2021, et du rapport du CSC de la CGPM mentionné au considérant 10 de ce règlement, ne font pas apparaître une diminution de la biomasse et une augmentation de la mortalité en ce qui concerne la crevette rouge dans les SRG 1-2-5-6-7.
121 Dans le cadre de la réplique, le Royaume d’Espagne ajoute que la possibilité de prévoir un TAC dans le cadre du règlement attaqué, malgré le fait que cela n’ait pas été prévu dans le cadre du règlement 2019/1022 et en l’absence du recours à une telle mesure dans le cadre de la fixation des possibilités de pêche pour l’année 2020 ou l’année 2021, pourrait être contraire aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.
122 Le Conseil, soutenu par la Commission, affirme, en substance, que le cadre législatif applicable n’exclut pas l’adoption d’un TAC au titre de l’article 7, paragraphe 3, sous b), du règlement 2019/1022 et que la seconde mesure litigieuse est conforme aux avis scientifiques pertinents. La Commission ajoute que l’argument du Royaume d’Espagne relatif à la violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime est irrecevable.
– Appréciation de la Cour
123 En vertu de l’article 7, paragraphe 3, sous b), du règlement 2019/1022, l’effort de pêche maximal autorisé est réduit de 30 % au maximum durant la période s’écoulant de la deuxième à la cinquième année de mise en œuvre du plan pluriannuel établi par ce règlement. Cette disposition précise que la réduction de l’effort de pêche peut être complétée par toute mesure technique ou autre mesure de conservation pertinentes adoptées conformément au droit de l’Union, en vue d’atteindre le FRMD au plus tard le 1er janvier 2025.
124 Dans le cadre du présent moyen, le Royaume d’Espagne soutient, eu égard à la genèse du règlement 2019/1022, que le législateur de l’Union a exclu que la réduction de l’effort de pêche visée à ladite disposition puisse être complétée, au sens de la même disposition, par un TAC et que, en tout état de cause, l’adoption d’une « mesure de conservation pertinente » complémentaire sur le fondement de la disposition en question doit être justifiée par un avis scientifique, lequel ferait défaut en l’occurrence.
125 Or, en premier lieu, d’une part, il convient de relever que, en se référant à « toute mesure technique ou autre mesure de conservation pertinentes adoptées conformément au droit de l’Union », le libellé de l’article 7, paragraphe 3, sous b), de ce règlement n’exclut aucun type particulier de mesure de conservation, mais apparaît, au contraire, laisser au Conseil le choix, le cas échéant, des mesures complémentaires du régime de gestion de l’effort de pêche les plus appropriées pour atteindre le FRMD au plus tard le 1er janvier 2025.
126 D’autre part, cette interprétation est confirmée par les termes de l’article 7, paragraphe 1, sous e), du règlement no 1380/2013, en vertu desquels les mesures pour la conservation et l’exploitation durable des ressources biologiques de la mer peuvent inclure, entre autres, « des mesures relatives à la fixation et à la répartition des possibilités de pêche ». De telles mesures peuvent, assurément, prendre la forme de TAC ou, comme en l’occurrence, de limites maximales de capture telles que la seconde mesure litigieuse, le contenu de ces dernières mesures ne se différenciant pas fondamentalement d’un TAC.
127 Ces considérations ne sont pas remises en cause par l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel, au cours du processus législatif ayant conduit à l’adoption du règlement 2019/1022, la possibilité expresse d’établir un TAC, qui figurait au considérant 26 et à l’article 8 de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un plan pluriannuel pour les pêcheries exploitant des stocks démersaux en Méditerranée occidentale (COM/2018/0115 final), a été écartée.
128 En effet, à l’article 8 de cette proposition, il était envisagé de prévoir que « [l]orsque le meilleur avis scientifique disponible montr[ait] que le régime de gestion de l’effort n’[était] pas suffisant pour atteindre les objectifs énoncés aux articles 3 et 4, le Conseil arrêt[ait] des mesures de gestion complémentaires fondées sur les [TAC]. » Ainsi, comme le confirme le considérant 26 de ladite proposition, cet article 8 visait à fixer une obligation à l’égard du Conseil d’adopter des TAC, lorsque des avis scientifiques montraient que le régime de gestion de l’effort de pêche prévu était insuffisant pour atteindre les objectifs de mortalité par pêche du plan pluriannuel établi par le règlement 2019/1022.
129 Par conséquent, en ne reprenant pas cette proposition, le législateur de l’Union a seulement entendu éviter que, en cas de résultats insuffisants du régime de gestion de l’effort de pêche, des TAC doivent obligatoirement être fixés par le Conseil. Notamment, dans son rapport du 10 janvier 2019, cité au point 74 du présent arrêt, le Parlement a indiqué qu’une telle mesure n’était pas adaptée à la mer Méditerranée, compte tenu de la difficulté à l’appliquer dans les pêcheries plurispécifiques où les stocks sont, en outre, partagés avec des États tiers, et qu’il était préférable d’appliquer les mesures techniques permettant d’améliorer l’état du stock en réduisant la mortalité par pêche des espèces.
130 Il n’en demeure pas moins vrai que, dans sa version finale, l’article 7, paragraphe 3, sous b), du règlement 2019/1022 prévoit la faculté, pour le Conseil, d’adopter, en complément du régime de l’effort de pêche, non seulement des mesures techniques, mais aussi d’« autres mesures de conservation pertinentes », ce qui inclut, entre autres, la fixation de possibilités de pêche, sous la forme, notamment, de TAC ou de limites maximales de capture.
131 Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient le Royaume d’Espagne, en adoptant une mesure de limite maximale de capture pour les stocks de crevette rouge dans les SRG 1-2-5-6-7, le Conseil n’a pas pris une décision impliquant un choix politique réservé au législateur de l’Union, au sens de la jurisprudence rappelée au point 60 du présent arrêt, mais a fait usage du pouvoir d’appréciation qui lui était accordé par l’article 7, paragraphe 3, sous b), du règlement 2019/1022, dans le respect des limites de sa compétence fondée sur l’article 43, paragraphe 3, TFUE, laquelle inclut expressément la fixation et la répartition des possibilités de pêche.
132 En deuxième lieu, s’agissant de l’argumentation du Royaume d’Espagne relative à l’absence de données scientifiques justifiant l’adoption de la seconde mesure litigieuse, il convient de relever, tout d’abord, que cette argumentation repose sur une lecture inexacte du considérant 10 du règlement attaqué, selon laquelle ce considérant indiquerait que les rapports du CSTEP et du CSC de la CGPM feraient état d’une diminution de la biomasse de la crevette rouge et de l’augmentation de la mortalité de cette espèce.
133 En effet, il ressort clairement des termes du considérant 10 de ce règlement, d’une part, que le constat du CSTEP concernant la diminution de la biomasse de ladite espèce, auquel ce considérant se réfère, a été effectué en 2020 et non en 2021. D’autre part, s’agissant de la mortalité de la même espèce, ledit considérant se borne à indiquer que, en 2020, le CSTEP et la CSC de la CGPM avaient considéré que la mortalité par pêche dans les SRG concernées devait diminuer de manière significative pour atteindre le RMD d’ici le 1er janvier 2025, au plus tard, et que, en 2021, le CSTEP avait fait le constat que cette mortalité n’avait pas changé et que d’autres mesures de gestion étaient donc nécessaires.
134 Ensuite, il résulte expressément du rapport 21-13 du CSTEP qu’aucun des scénarios examinés ne permettait d’atteindre le RMD au 1er janvier 2025 pour les stocks surexploités, tels ceux de la crevette rouge dans les SRG concernées, à l’exception de celui incluant l’application de TAC, et que l’application de mesures supplémentaires telles que des zones d’interdiction de la pêche, l’amélioration de la sélectivité ou des TAC permettrait d’améliorer, dans de nombreux cas, l’état des stocks par rapport au régime actuel de gestion de l’effort à lui seul.
135 Enfin, s’agissant des données les plus récentes sur la crevette rouge concernant sa mortalité par pêche et l’état de sa biomasse, il convient de relever, d’une part, que, si le Royaume d’Espagne invoque une diminution de cette mortalité en 2021, les taux de 1,68 dans la SRG 1 et de 0,85 dans les SRG 6-7, auxquels cet État membre se réfère à cet égard, sont encore considérablement éloignés de la valeur de 0,29, indiquée par le CSTEP dans son rapport 21-11 comme la valeur souhaitée pour atteindre le RMD. D’autre part, il ressort du rapport du CSC de la CGPM du mois de juin 2021 que l’état des stocks, notamment de la crevette rouge, se trouvait en-deçà des limites biologiques de sécurité et que ce dernier stock était en état de surexploitation.
136 Il ressort donc clairement des avis scientifiques sur lesquels le Conseil s’est fondé que la fixation de TAC ou de limites de capture était une mesure qui pouvait être adoptée en complément du régime de gestion de l’effort de pêche, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 3, sous b), du règlement 2019/1022, en vue de la réalisation de l’objectif d’atteindre le FRMD au plus tard le 1er janvier 2025, fixé par cette disposition.
137 En troisième lieu, il convient de relever que l’argumentation exposée au point 118 du présent arrêt, par laquelle le Royaume d’Espagne invoque, en substance, une violation, par le Conseil, des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, a été formulée pour la première fois dans le mémoire en réplique.
138 Aux termes de l’article 127, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Toutefois, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, un argument qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé dans la requête introductive d’instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci ne saurait être déclaré irrecevable (arrêt du 20 décembre 2017, Espagne/Conseil, C‑521/15, EU:C:2017:982, point 141).
139 En l’espèce, il convient, d’une part, de constater que cette argumentation s’inscrit dans le cadre de la partie du mémoire en réplique qui constitue l’ampliation du cinquième moyen de la requête introductive d’instance. D’autre part, l’analyse de ce moyen et de ladite argumentation fait apparaître qu’ils critiquent tous deux le même aspect de la seconde mesure litigieuse, à savoir, en substance, le fait que cette mesure serait contraire à l’article 7, paragraphe 3, sous b), du règlement 2019/1022 dès lors que la genèse de cette disposition démontre, selon le Royaume d’Espagne, que celle-ci exclut la possibilité d’adopter une telle mesure. Or, une telle contradiction est, selon les circonstances, susceptible de constituer une violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime. L’argumentation en cause présente donc, en l’espèce, un lien étroit avec le cinquième moyen. Par conséquent, contrairement à ce que fait valoir la Commission, elle ne saurait être écartée comme étant irrecevable.
140 Toutefois, ladite argumentation est dénuée de fondement. D’une part, en ce qu’elle vise la violation du principe de sécurité juridique, force est de constater qu’elle ne se distingue pas, en substance, de celle exposée au point 121 du présent arrêt et écartée aux points 122 à 128 de celui-ci. D’autre part, en ce qu’elle vise le principe de protection de la confiance légitime, il suffit de rappeler que, comme il a été constaté aux points 126 et 127 du présent arrêt, en ne reprenant pas, dans la version finale de ladite disposition, la proposition de la Commission visée au point 125 de cet arrêt, le législateur de l’Union a seulement entendu éviter que, en cas de résultats insuffisants du régime de gestion de l’effort de pêche, des TAC doivent obligatoirement être fixés, tout en laissant la possibilité, au Conseil, d’adopter de telles mesures, si nécessaires, en complément du régime de l’effort de pêche. Par conséquent, eu égard au caractère clair, précis et prévisible dans ses effets de la même disposition, le Royaume d’Espagne ne pouvait ignorer que cette institution était susceptible de fixer une mesure telle que la seconde mesure litigieuse et ne saurait se prévaloir d’assurances précises en sens contraire qui lui auraient été fournies par les autorités de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C‑611/17, EU:C:2019:332, points 111 à 114 et jurisprudence citée].
141 Il résulte de tout ce qui précède que le cinquième moyen ne peut être qu’écarté.
Sur le sixième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité
– Argumentation des parties
142 En premier lieu, le Royaume d’Espagne soutient que la seconde mesure litigieuse fait double emploi avec la mesure déjà existante relative au régime de gestion de l’effort de pêche pour les chalutiers, établi par le règlement 2019/1022 et fixé annuellement par le Conseil. En effet, la crevette rouge serait la seule espèce capturée dans le cadre de l’attribution de jours de pêche en eau profonde pour la flotte de pêche espagnole dans les SRG 1‑2‑5‑6‑7, de telle sorte que l’établissement d’une limite de capture maximale pour la même espèce et les mêmes zones serait redondante. Il ajoute, en substance, que ces deux limites sont incompatibles. D’autres mesures ayant le même objectif existeraient également, telles que les zones d’interdiction de la pêche.
143 En deuxième lieu, il affirme qu’il ressort du rapport 21‑13 du CSTEP que l’instauration de limites de captures maximales est la plus dommageable des mesures de conservation pour la performance économique d’une flotte de pêche et nécessite une analyse scientifique plus approfondie que celle qui a été menée en l’occurrence. Or, des mesures de gestion alternatives, non encore en place, telles que la fixation d’une taille minimale de référence pour la conservation des crevettes rouges ou l’augmentation de la sélectivité des engins traînants, proposée à plusieurs reprises par le Royaume d’Espagne à la Commission, auraient des effets beaucoup plus importants sur la conservation de cette espèce que ceux de la seconde mesure litigieuse tout en étant moins préjudiciables aux intérêts de cet État membre.
144 En troisième lieu, dans sa réplique, le Royaume d’Espagne conteste les arguments du Conseil relatifs au caractère équilibré du choix d’un TAC, notamment en faisant valoir que l’adoption de chacune des mesures litigieuses ne reflète pas l’application de critères de décision cohérents. En effet, s’agissant de la première de ces mesures, le Conseil aurait opté pour une mesure ayant une moindre incidence socio-économique, à l’inverse de la seconde, laquelle, en outre, s’appliquerait dans un secteur où seule opère la flotte de pêche espagnole.
145 Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste l’argumentation du Royaume d’Espagne en faisant valoir, en substance, le caractère approprié de la seconde mesure litigieuse au regard de l’objectif visant à atteindre le RMD au 1er janvier 2025, au plus tard. La Commission considère que l’argument visé au point précédent est tardif et donc irrecevable.
– Appréciation de la Cour
146 À titre liminaire, il convient de rappeler que, comme il a été souligné au point 93 du présent arrêt, dans le cadre de l’examen d’un moyen tiré du caractère disproportionné d’une mesure de fixation des possibilités de pêche, il y a lieu, pour la Cour, non pas de contrôler si cette mesure est la plus appropriée, mais seulement de vérifier si elle n’est pas manifestement inappropriée.
147 D’une part, eu égard à l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel la mesure de limite de captures maximales serait redondante par rapport à la mesure d’effort de pêche déjà existante et ne serait pas compatible avec cette dernière, il ressort du rapport 21-13 du CSTEP, auquel le Conseil se réfère, que la combinaison de ces deux mesures permet de tirer parti des avantages que chacune d’entre elle présente.
148 En particulier, le fait que le cumul de la limite résultant de la gestion de l’effort de pêche et de la limite de capture maximale a pour effet l’interruption de la pêche de la crevette rouge, dès lors qu’une de ces limites est atteinte, illustre l’efficacité de cette combinaison et non leur caractère incompatible. Ainsi, il ressort des éléments soumis à la Cour par le Conseil et la Commission que, tandis que la mesure de gestion de l’effort de pêche permet de réguler les activités de pêche, la limite de capture maximale permet de réduire la mortalité par pêche, en particulier celle des juvéniles de crevette rouge, essentiels à la reproduction de l’espèce et à la reconstitution du stock, compte tenu de l’insuffisance des mesures de sélectivité des engins de pêche pour empêcher la capture de ces individus.
149 D’autre part, s’agissant des répercussions économiques des mesures de TAC et des avantages comparatifs des autres mesures préconisées par le Royaume d’Espagne, il y a lieu de relever que, selon le rapport 21-13 du CSTEP, ces mesures de TAC sont les plus efficaces pour atteindre l’objectif de mortalité par pêche, fixé à un niveau correspondant au RMD au 1er janvier 2025. En outre, il ressort également des avis scientifiques émis par ce comité que les autres mesures préconisées par le Royaume d’Espagne étaient insuffisantes, à elles seules, pour atteindre cet objectif. Enfin, il convient de souligner le caractère relativement modéré de la réduction des captures de crevette rouge entraînée par la seconde mesure litigieuse, limitée à 5 % par rapport au niveau des captures opérées en 2020 par la flotte de pêche espagnole, dernière année pour laquelle des données complètes étaient disponibles, en comparaison avec la réduction de 13 % qui était envisagée dans le document informel de la Commission mentionné au point 46 du présent arrêt.
150 Par conséquent, en considérant que la seconde mesure litigieuse était la plus appropriée pour atteindre, en complément du régime de l’effort de pêche, l’objectif de mortalité, fixé à un niveau correspondant au RMD au 1er janvier 2025, après avoir mis en balance l’efficacité de cette mesure avec les répercussions économiques de celle-ci sur les activités de pêche, le Conseil n’a pas adopté une mesure manifestement inappropriée, eu égard au principe de proportionnalité et aux exigences de mise en cohérence des objectifs de la PCP, énoncées à l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1380/2013.
151 Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments du Royaume d’Espagne.
152 Tout d’abord, s’agissant de l’argument selon lequel le CSTEP a considéré que l’instauration de mesures de TAC nécessitait une analyse scientifique plus approfondie, il ressort d’une jurisprudence constante que les mesures de conservation des ressources de pêche ne doivent pas être pleinement conformes aux avis scientifiques et que l’absence ou le caractère non concluant de tels avis ne doit pas empêcher le Conseil d’adopter les mesures qu’il juge indispensables pour réaliser les objectifs de la PCP (arrêt du 11 janvier 2017, Espagne/Conseil, C‑128/15, EU:C:2017:3, point 50 et jurisprudence citée). Au demeurant, le CSTEP a également relevé des incertitudes concernant les mesures de sélectivité préconisées par le Royaume d’Espagne, qui nécessitaient une analyse plus détaillée, et a jugé nécessaire d’envisager des scénarios plus ambitieux concernant les interdictions de la pêche. Ses avis concernant ces mesures n’étaient donc pas plus concluants que ceux concernant les mesures de TAC.
153 Ensuite, s’agissant de l’argument selon lequel la seconde mesure litigieuse concerne presque uniquement la flotte de pêche espagnole, le Conseil fait observer, à juste titre, que cette circonstance est due au fait que c’est cette flotte qui opère principalement dans les SRG 1-2-5-6-7 et que, en revanche, il a adopté des limites de capture maximales dans les SRG 8-9-10-11, pour la crevette rouge et le gambon rouge, affectant seulement la République française et la République italienne, mais non le Royaume d’Espagne. Au demeurant, il ressort de l’annexe III, sous e), du règlement attaqué que le Conseil a pris en compte la situation spécifique de la flotte de pêche espagnole dans le cadre de la seconde mesure litigieuse en accordant au Royaume d’Espagne un quota de 872 tonnes de crevette rouge sur un total de 928 tonnes pour l’Union.
154 Enfin, s’agissant de l’argument figurant dans la réplique, tiré de ce que les mesures litigieuses ne reflètent pas l’application de critères de décision cohérents, dont la Commission conteste la recevabilité, il y a lieu de constater qu’il constitue une ampliation du sixième moyen et présente un lien étroit avec l’énoncé de ce moyen figurant dans la requête. Il est donc recevable, conformément à la jurisprudence rappelée au point 135 du présent arrêt. Sur le fond, il y a lieu de relever que les mesures litigieuses ne sont pas comparables. En effet, chacune de ces mesures a été arrêtée, comme le souligne la Commission, en fonction de la situation de conservation spécifique de chaque espèce et de sa biologie propre, ainsi qu’en tenant compte des incidences spécifiques des activités de pêche ciblant ces espèces sur leur mortalité. En tout état de cause, eu égard au pouvoir d’appréciation dont le Conseil disposait pour arrêter lesdites mesures, un tel argument ne saurait être de nature à démontrer le caractère manifestement inapproprié de la seconde mesure litigieuse.
155 Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’écarter le sixième moyen et, partant, de rejeter le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
156 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant conclu à la condamnation du Royaume d’Espagne aux dépens et ce dernier ayant succombé en ses moyens, il convient de le condamner au paiement de ceux-ci.
157 Conformément à l’article 140, paragraphe 1, du même règlement, la Commission supportera ses propres dépens en tant que partie intervenante au litige.
Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Le Royaume d’Espagne est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.
3) La Commission européenne supporte ses propres dépens.
Signatures
* Langue de procédure : l’espagnol.
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