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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Getin Noble Bank (Delai de prescription des actions en restitution) (Consumer protection - Unfair terms in consumer contracts - Mortgage loan agreement indexed to a foreign currency containing unfair terms concerning the exchange rate - Judgment) French Text [2023] EUECJ C-28/22 (14 December 2023) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2023/C2822.html Cite as: ECLI:EU:C:2023:992, [2023] EUECJ C-28/22, EU:C:2023:992 |
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ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)
14 décembre 2023 (*)
« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Article 6, paragraphe 1, et article 7, paragraphe 1 – Effets de la constatation du caractère abusif d’une clause – Contrat de prêt hypothécaire indexé sur une devise étrangère contenant des clauses abusives concernant le taux de change – Nullité de ce contrat – Actions en restitution – Délai de prescription »
Dans l’affaire C‑28/22,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Okręgowy w Warszawie (tribunal régional de Varsovie, Pologne), par décision du 19 novembre 2021, parvenue à la Cour le 12 janvier 2022, dans la procédure
TL,
WE
contre
Mandataire liquidateur de Getin Noble Bank S.A., anciennement Getin Noble Bank S.A.,
LA COUR (neuvième chambre),
composée de Mme O. Spineanu‑Matei, présidente de chambre, M. S. Rodin (rapporteur) et Mme L. S. Rossi, juges,
avocat général : M. A. M. Collins,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour WE et TL, par Me M. Woźniak, radca prawny,
– pour le mandataire liquidateur de Getin Noble Bank S.A., anciennement Getin Noble Bank S.A., initialement par Mes Ł. Hejmej, M. Przygodzka et A. Szczęśniak, adwokaci, puis par M. M. Pugowski, aplikant radcowski et Mes J. Szewczak et Ł. Żak, adwokaci,
– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna et Mme S. Żyrek, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par M. N. Ruiz García et Mme A. Szmytkowska, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre du litige opposant TL et WE au mandataire liquidateur de Getin Noble Bank S.A., anciennement Getin Noble Bank S.A., au sujet du remboursement de sommes versées à cette dernière au titre d’un contrat de prêt hypothécaire annulé au motif qu’il contenait des clauses abusives.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Le dixième considérant de la directive 93/13 énonce :
« considérant qu’une protection plus efficace du consommateur peut être obtenue par l’adoption de règles uniformes concernant les clauses abusives ; [...] »
4 L’article 6, paragraphe 1, de cette directive est ainsi libellé :
« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »
5 L’article 7, paragraphe 1, de ladite directive prévoit :
« Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. »
Le droit polonais
6 L’article 117 de l’ustawa – Kodeks cywilny (loi portant code civil), du 23 avril 1964 (Dz. U. no 16, position 93), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « code civil »), énonce :
« §1. Sous réserve des exceptions prévues par la loi, les créances pécuniaires sont soumises à un délai de prescription.
§2. Au terme du délai de prescription, le débiteur peut se soustraire à son obligation, sauf s’il renonce à invoquer la prescription. Toutefois, la renonciation à la prescription avant l’expiration du délai est nulle.
§21. Après expiration du délai de prescription, il n’est plus possible de faire valoir une créance contre un consommateur. »
7 L’article 1171 de ce code prévoit :
« §1. Dans des cas exceptionnels, la juridiction peut, après avoir mis en balance les intérêts des parties, ne pas tenir compte de l’expiration du délai de prescription d’une action contre un consommateur si l’équité l’exige.
§2. Dans l’exercice du pouvoir visé au paragraphe 1, la juridiction doit notamment prendre en considération :
1) la durée du délai de prescription ;
2) la durée de la période entre l’expiration du délai de prescription et l’introduction de la demande ;
3) la nature des circonstances qui ont fait que le créancier n’a pas fait valoir sa créance, y compris l’incidence du comportement du débiteur sur le retard pris par le créancier pour faire valoir sa demande. »
8 L’article 118 dudit code, dans sa version en vigueur jusqu’au 8 juillet 2018, se lisait comme suit :
« Sauf clause spécifique contraire, le délai de prescription est de dix ans, et de trois ans pour les créances sur des paiements périodiques et les créances liées à l’exercice d’une activité commerciale. »
9 L’article 118 du même code, dans sa version en vigueur depuis le 8 juillet 2018, énonce :
« Sauf clause spécifique contraire, le délai de prescription est de six ans, et de trois ans pour les créances sur des paiements périodiques et les créances liées à l’exercice d’une activité commerciale. Toutefois, le délai de prescription expire le dernier jour de l’année civile, sauf s’il est inférieur à deux ans. »
10 Aux termes de l’article 120, paragraphe 1, du code civil :
« Le délai de prescription commence à courir le jour où la créance est devenue exigible. Si l’exigibilité d’une créance dépend de l’accomplissement d’un acte spécifique par le titulaire du droit, le délai commence à courir à partir de la date à laquelle la créance serait devenue exigible si le titulaire du droit avait accompli l’acte dans les meilleurs délais. »
11 L’article 355 de ce code est libellé comme suit :
« §1. Le débiteur doit agir en bon père de famille (devoir de diligence).
§2. Pour définir le devoir de diligence dans le cadre d’une activité économique, il faut tenir compte de la nature professionnelle de cette activité. »
12 L’article 3851 dudit code dispose :
« §1. Les clauses d’un contrat conclu avec un consommateur qui n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle ne lient pas le consommateur lorsqu’elles définissent les droits et obligations de celui-ci d’une façon contraire aux bonnes mœurs, en portant manifestement atteinte à ses intérêts (clauses contractuelles illicites). La présente disposition n’affecte pas les clauses qui définissent les obligations principales des parties, dont le prix ou la rémunération, si elles sont formulées de manière non équivoque.
§2. Lorsqu’une clause du contrat ne lie pas le consommateur en application du paragraphe 1, les parties restent liées par les autres clauses du contrat.
§3. Les clauses d’un contrat qui n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle sont des clauses contractuelles sur le contenu desquelles le consommateur n’a pas eu d’influence réelle. Il s’agit en particulier des clauses contractuelles reprises d’un modèle de contrat proposé au consommateur par le cocontractant.
§4. Il appartient à quiconque allègue qu’une clause a été négociée individuellement d’apporter la preuve de cette allégation. »
13 L’article 405 du même code prévoit :
« Toute personne qui, sans base juridique, a obtenu un avantage patrimonial aux dépens d’une autre personne est tenue de fournir l’avantage en nature et, si cela n’est pas possible, d’en restituer la valeur. »
14 L’article 410 du code civil se lit comme suit :
« §1. Les dispositions des articles précédents s’appliquent notamment en cas de prestation indue.
§2. Une prestation est indue si la personne qui l’a fournie n’était absolument pas tenue de la fournir ou n’était pas tenue de la fournir à la personne à qui elle a été fournie, ou si le fondement de la prestation a disparu ou si le but visé par la prestation n’a pas été atteint, ou si l’acte juridique exigeant la prestation était nul et n’est pas devenu valable après que la prestation a été fournie. »
15 Aux termes de l’article 455 de ce code :
« Si le délai d’exécution d’une prestation n’est pas précisé ou ne découle pas de la nature de l’obligation, celle-ci doit être exécutée sans délai après que le débiteur a été invité à s’exécuter. »
16 L’article 481, paragraphe 1, dudit code énonce :
« Si un débiteur est en retard dans l’exécution d’une prestation pécuniaire, le créancier peut exiger des intérêts moratoires, même s’il n’a subi aucun préjudice et même si le retard est dû à des circonstances dont le débiteur n’est pas responsable. »
17 L’article 496 du même code prévoit :
« Si, à la suite de la résiliation du contrat, les parties doivent restituer des contreparties, chacune d’elles dispose d’un droit de rétention jusqu’à ce que l’autre partie offre de restituer la prestation obtenue ou garantisse le droit à restitution. »
18 L’article 497 du code civil est libellé comme suit :
« L’article précédent s’applique mutatis mutandis en cas de résiliation ou de nullité du contrat. »
19 L’article 5, paragraphes 1, 3 et 4, de l’ustawa – Kodeks cywilny oraz niektórych innych ustaw (loi portant modification de la loi établissant le code civil et de certaines autres lois), du 13 avril 2018 (Dz. U. 2018, position 1104), dispose :
« 1. Les dispositions [du code civil], dans la version de la présente loi, s’appliquent à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente loi aux créances nées avant la date d’entrée en vigueur de la présente loi et non encore prescrites à cette date.
[...]
3. Les dispositions [du code civil], dans sa version en vigueur jusqu’à ce jour, s’appliquent aux créances des consommateurs nées avant l’entrée en vigueur de la présente loi et non encore prescrites à cette date, dont les délais de prescription sont définis à l’article 118 et à l’article 125, paragraphe 1, [du code civil].
4. Les créances prescrites à l’égard d’un consommateur pour lesquelles aucune exception de prescription n’a été soulevée à la date d’entrée en vigueur de la présente loi sont, à compter de cette date, soumises aux effets de la prescription énoncés dans [le code civil], dans la version de la présente loi. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
20 Le 7 septembre 2007, TL et WE ont conclu avec une banque, dont Getin Noble Bank est le successeur en droit, un contrat de prêt hypothécaire libellé en zlotys polonais et indexé sur le franc suisse (ci-après le « contrat de prêt »).
21 Selon les termes de ce contrat, le montant du prêt utilisé en zlotys polonais a été converti en un montant exprimé en francs suisses. Aux fins de la conversion, la banque a appliqué le taux d’achat de cette dernière monnaie établi dans son tableau des taux de change (ci-après les « clauses de conversion »). TL et WE étaient tenus de verser les mensualités en zlotys polonais pour un montant équivalent à la mensualité exprimée en francs suisses.
22 Le 27 juillet 2017, TL et WE ont adressé à Getin Noble Bank une réclamation par laquelle ils soutenaient que les clauses de conversion étaient abusives et demandaient à cette banque de leur rembourser les mensualités qu’ils lui avaient déjà versées en application de ces clauses.
23 Le 28 septembre 2017, TL et WE ont intenté un recours en justice en soutenant, d’une part, que les clauses de conversion étaient illicites et, d’autre part, que le contrat de prêt était nul. Au cours de la procédure, le juge saisi a informé TL et WE que, dans l’hypothèse où ces clauses seraient jugées illicites, ce contrat serait déclaré nul. Les requérants au principal ont également été informés que, dans cette hypothèse, ils seraient tenus de rembourser le principal du prêt sans délai après y avoir été invités par la banque et que celle-ci pourrait leur réclamer le paiement de montants plus élevés. Lors d’une audience tenue le 12 novembre 2021, TL et WE ont confirmé leur volonté de ne pas remplacer lesdites clauses et de ne pas maintenir en vigueur ledit contrat.
24 Par un jugement interlocutoire du 19 novembre 2021, qui n’est pas définitif, le contrat de prêt a été déclaré nul.
25 Le 9 juillet 2021, TL et WE ont reçu une déclaration de Getin Noble Bank selon laquelle cette dernière exerçait son droit de rétention de la prestation éventuellement due à TL et WE jusqu’à ce que ces derniers offrent de lui rembourser la contrepartie de cette prestation, à savoir le montant du prêt mis à leur disposition par la banque en vertu du contrat de prêt, ou de garantir le droit au remboursement de ce montant.
26 Getin Noble Bank a soulevé une exception de rétention qu’elle tire de l’action en restitution dont elle dispose à l’égard des requérants au principal aux fins du recouvrement des fonds qui leur ont été versés dans le cadre de l’exécution du contrat de prêt. Toutefois, l’opposabilité de cette exception dépend de la question de savoir si cette action est prescrite.
27 TL et WE soutiennent que le délai de prescription des créances de Getin Noble Bank a commencé à courir à la date à laquelle cette dernière a reçu la réclamation visée au point 22 du présent arrêt ou à celle à laquelle le recours mentionné au point 23 de cet arrêt lui a été notifié. Selon les requérants au principal, étant donné que ces deux événements ont eu lieu au cours de l’année 2017, ces créances auraient été prescrites au cours de l’année 2020.
28 Getin Noble Bank fait valoir que le délai de prescription de ses créances n’a pas encore commencé à courir. Selon cette banque, ce délai court à partir de la date à laquelle une juridiction a rendu une décision définitive sur le litige concernant l’opposabilité des clauses de conversion et la validité du contrat de prêt.
29 Le Sąd Okręgowy w Warszawie (tribunal régional de Varsovie, Pologne), qui est la juridiction de renvoi, informe la Cour que, selon une résolution du 7 mai 2021 du Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne), en premier lieu, une clause abusive est, dès l’origine, privée d’effet de plein droit et, en second lieu, un consommateur peut, dans un délai raisonnable, décider de donner ou non son consentement à cette clause tant dans le cadre d’une procédure judiciaire que dans celui d’une procédure extrajudiciaire, pourvu qu’il ait été pleinement informé des conséquences juridiques pouvant résulter de l’inopposabilité définitive de ladite clause, y compris de celles relatives à l’éventuelle annulation subséquente du contrat en cause. Si un consommateur dûment informé refuse de donner son consentement à la clause abusive concernée, cette dernière serait privée de ses effets.
30 Selon la juridiction de renvoi, une telle interprétation a pour effet que, à partir de la date à laquelle le consommateur concerné décide de ne pas donner son consentement à une telle clause, sans laquelle le contrat en cause ne peut subsister, ou à partir de la date d’expiration de ce délai raisonnable, le contrat devient définitivement nul ou, si les conditions pour qu’il puisse être maintenu en appliquant une réglementation supplétive sont réunies, prend effet rétroactivement sous la forme de cette réglementation.
31 À cet égard, cette juridiction estime que l’application de cette interprétation soulève certains problèmes. À cet égard, outre le fait que le consommateur concerné est tenu de déclarer sa volonté de contester les clauses abusives en cause et d’initier une procédure judiciaire, il ne ressort pas clairement de ladite interprétation à quelle date les délais de prescription commencent à courir. Si ladite juridiction considère que ces délais peuvent être trouvés dans les dispositions générales du droit polonais, elle s’interroge sur la compatibilité de ces dispositions avec la directive 93/13.
32 En outre, la juridiction de renvoi estime qu’il y a lieu de préciser la portée de l’arrêt du 29 avril 2021, Bank BPH (C‑19/20, EU:C:2021:341). À cet égard, cette juridiction demande à la Cour de clarifier si l’obligation d’informer un consommateur des effets de l’inopposabilité des clauses abusives d’un contrat peut avoir une incidence sur les demandes de restitution présentées après l’annulation de ce contrat. Selon la juridiction de renvoi, il semble ressortir de la jurisprudence de la Cour que la constatation du caractère abusif d’une clause contractuelle implique non seulement que le consommateur n’est pas lié par cette clause, mais aussi qu’il dispose d’un droit à restitution dont la portée ne saurait dépendre de déclarations supplémentaires.
33 La juridiction de renvoi se demande si la directive 93/13 produit des effets sur les règles de droit polonais relatives aux délais de prescription. À cet égard, cette juridiction indique que, en droit polonais, d’une part, l’obligation de rembourser l’indu devient exigible lorsqu’elle n’est pas exécutée sans délai après que le débiteur de la prestation concernée a été invité à exécuter celle-ci et, d’autre part, si l’exigibilité d’une créance dépend d’une action spécifique de l’ayant droit, le délai de prescription commence à courir à partir du jour où la créance serait devenue exigible si l’ayant droit avait accompli cette action dans les meilleurs délais. Ladite juridiction précise que cela doit être compris en ce sens que le délai de prescription d’une telle action commence à courir à partir d’une date qui n’est pas strictement définie, mais qui est déterminée par l’écoulement du temps à partir de la date à laquelle la prestation indue a été fournie, permettant, premièrement, à la personne l’ayant fournie d’inviter le destinataire de celle-ci à la restituer, deuxièmement, à cette personne de porter cette invitation à la connaissance de ce destinataire et, troisièmement, à ce dernier de restituer ladite prestation « sans délai ».
34 Or, la juridiction de renvoi s’interroge sur la conformité au droit de l’Union de l’interprétation de ces règles retenue par le Sąd Najwyższy (Cour suprême). À cet égard, la juridiction de renvoi indique que, conformément à cette interprétation, le délai de prescription de l’action en répétition de l’indu dont dispose un professionnel en raison de l’invalidité d’un contrat liée au caractère abusif d’une clause de celui-ci ne peut commencer à courir qu’après que le contrat concerné est devenu définitivement inopposable. Or, ce contrat se trouverait dans une situation d’inopposabilité suspendue jusqu’à ce que le consommateur concerné y mette fin, ce qu’il pourrait faire à tout moment soit en acceptant d’être lié par cette clause, soit en refusant de l’être. S’agissant du délai de prescription de l’action en répétition de l’indu dont dispose ce consommateur, cette dernière juridiction précise que ce délai ne peut pas commencer à courir avant que ledit consommateur ait pris connaissance ou ait dû raisonnablement prendre connaissance du caractère abusif de ladite clause.
35 Selon la juridiction de renvoi, si le début du délai de prescription de l’action du professionnel en répétition de l’indu dépend du comportement actif du consommateur, il n’en reste pas moins que le professionnel peut être exonéré de toute responsabilité en ce qui concerne des clauses abusives figurant dans un contrat, à condition que le consommateur n’entreprenne aucune action visant à contester ce contrat et à faire valoir ses droits. Cette interprétation semble, de l’avis de cette juridiction, contraire à la directive 93/13, dans la mesure où un professionnel sachant qu’un consommateur peut perdre sa créance en raison de la prescription de celle-ci ne serait pas dissuadé d’introduire des clauses abusives dans des contrats et où, par ailleurs, il serait non seulement tenté d’appliquer de telles clauses, mais aussi de poursuivre l’exécution de ces contrats, en profitant du fait qu’un consommateur n’a pas nécessairement connaissance et conscience de ses droits.
36 En outre, la juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité avec la directive 93/13 des exigences supplémentaires imposées au consommateur, liées à la nécessité, pour celui-ci, de présenter, outre des demandes clairement définies, une déclaration selon laquelle il est conscient des conséquences de la contestation des clauses contractuelles abusives en cause. Cependant, si un consommateur introduit une demande extrajudiciaire en restitution, le professionnel auquel une telle demande est adressée ne pourrait pas être sûr que ce consommateur a été dûment informé des conséquences de l’annulation du contrat concerné, comme l’exige le droit de l’Union. Cette juridiction semble considérer qu’il découle d’un tel constat que le consommateur serait tenu de présenter, outre une réclamation, des déclarations supplémentaires et même de faire vérifier cette réclamation dans le cadre d’une procédure juridictionnelle.
37 À cet égard, la juridiction de renvoi précise que, au cours d’une procédure judiciaire, l’absence d’une telle déclaration peut être remplacée par le respect de l’obligation, pour la juridiction saisie, d’informer le consommateur concerné de ces conséquences et par le maintien de la demande en restitution du consommateur.
38 Selon cette juridiction, la conclusion à laquelle la Cour est parvenue dans l’arrêt du 29 avril 2021, Bank BPH (C‑19/20, EU:C:2021:341), selon laquelle une juridiction nationale, constatant le caractère abusif d’une clause d’un contrat conclu par un professionnel avec un consommateur, a l’obligation d’informer ce dernier des conséquences de l’annulation de ce contrat, indépendamment du fait que ce consommateur soit représenté par un mandataire professionnel, doit être réservée à des faits tels que ceux qui étaient en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, à savoir lorsque cette juridiction nationale a examiné d’office la validité dudit contrat. La juridiction de renvoi considère qu’une interprétation large de cette conclusion ne serait pas conforme au système de protection des consommateurs, qui serait fondé sur le principe selon lequel un consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé bénéficie d’une protection, sans toutefois « exiger une vérification distincte de la connaissance du consommateur pour reconnaître que sa déclaration a produit les effets prévus ».
39 En outre, l’interprétation retenue par le Sąd Najwyższy (Cour suprême) aurait également pour effet qu’un professionnel ne sera en défaut d’exécution qu’à la date à laquelle le jugement constatant l’invalidité du contrat en raison de clauses abusives sera devenu définitif, ce qui exclut le droit du consommateur concerné au paiement d’intérêts pour la période comprise entre la date d’introduction de la demande de remboursement et la date à laquelle ce jugement devient définitif. Cela inciterait, en méconnaissance de la directive 93/13, les professionnels à rejeter systématiquement de telles demandes en comptant sur le fait, d’une part, que certains consommateurs renonceront à faire valoir leurs droits devant une juridiction et, d’autre part, que, même si certains consommateurs introduisent des actions en justice, les professionnels concernés ne seraient pas exposés aux conséquences pratiques d’un retard de paiement.
40 La juridiction de renvoi se demande également si le fait de subordonner le caractère définitivement non contraignant d’un contrat à la résolution définitive, par le juge, du litige relatif au caractère abusif des clauses de ce contrat ne conduirait pas à un affaiblissement significatif de la position du consommateur concerné, de nature à compromettre la réalisation des objectifs de la directive 93/13.
41 À supposer que la directive 93/13 ne s’oppose pas à ce que les conséquences de la nullité d’un contrat ne surviennent qu’après que le consommateur concerné a fait une déclaration selon laquelle il a été pleinement informé des effets qui découlent de cette nullité, la juridiction de renvoi se demande si cette directive exige qu’un professionnel auquel est adressée une demande en restitution est tenu de vérifier, de sa propre initiative, si le consommateur concerné est conscient de ces effets.
42 À cet égard, cette juridiction indique que, en droit polonais, le début du délai de prescription des créances d’un professionnel découlant de l’inopposabilité d’un contrat dépend du moment auquel celui-ci aurait pu inviter le consommateur concerné à restituer la prestation en cause. Selon elle, s’il est admis que l’inopposabilité unilatérale des clauses contractuelles abusives fait obstacle à une telle invitation, la question se pose de savoir s’il incombe au professionnel de procéder à la vérification de l’effectivité de l’invitation à s’exécuter que lui a adressée le consommateur, notamment en lui fournissant des explications quant aux droits et aux obligations réciproques en cas d’annulation du contrat.
43 Dans l’hypothèse où il serait permis de faire dépendre le début du délai de prescription des créances d’un professionnel liées à l’inopposabilité d’un contrat de tout événement postérieur à la réception, par ce professionnel, d’une demande en restitution du consommateur concerné ou de toute autre contestation de l’opposabilité ou de la licéité des clauses contractuelles en cause, ladite juridiction soulève la question de la compatibilité d’une telle solution avec la directive 93/13, compte tenu du fait que, en droit polonais, ce délai ne commence à courir que lorsqu’un contrat a été définitivement annulé.
44 En outre, la juridiction de renvoi se demande si une situation dans laquelle les demandes en restitution d’un consommateur à l’égard d’un professionnel sont prescrites indépendamment de la prescription des créances en restitution du professionnel concerné est conforme à la directive 93/13, étant donné que cela pourrait aboutir à ce que ces demandes soient prescrites avant que ce professionnel n’invoque son droit de rétention en ce qui concerne la totalité des prestations qu’il a fournies à ce consommateur. Dans ce cas-là, la restitution partielle, par le professionnel, des prestations fournies par le consommateur serait subordonnée à l’offre de restitution, par ce dernier, de la totalité des prestations lui ayant été fournies par ce professionnel.
45 Cette juridiction se demande s’il serait conforme à la directive 93/13 d’admettre qu’un professionnel est en défaut non pas à partir du moment où il est invité à restituer les prestations indues, mais seulement à partir du moment où il est établi que le consommateur concerné a connaissance des effets de la nullité du contrat en cause et qu’il renonce à une protection contre ces effets. Une telle interprétation aurait pour conséquence qu’un consommateur serait privé de son droit aux intérêts de retard pour une période qui, compte tenu de la durée d’une procédure judiciaire, pourrait aller jusqu’à plusieurs années.
46 Ladite juridiction informe la Cour que, selon une interprétation du droit polonais généralement admise par les juridictions polonaises, l’exercice, par un débiteur, de son droit de rétention entraîne la cessation de l’état de retard. Or, le fait que le débiteur reste en défaut serait une condition préalable à l’obligation de payer des intérêts de retard. Ainsi, cette interprétation reposerait sur le principe que le débiteur concerné est prêt à s’exécuter, mais qu’il dispose d’un droit, opposable à son créancier, le dispensant de l’obligation de s’exécuter sans délai.
47 Dans le cadre des litiges relatifs aux droits tirés de la directive 93/13, les professionnels, tels que le défendeur au principal, contesteraient le bien-fondé des prétentions des consommateurs et, dès lors, ne seraient pas disposés à restituer à ces derniers les prestations concernées. Or, la juridiction de renvoi exprime de sérieux doutes quant au fait que l’interprétation, par les juridictions polonaises, des règles du droit polonais relatives aux délais de prescription soit compatible avec la directive 93/13, dans la mesure où cette interprétation aurait pour conséquence que des professionnels rejettent les demandes légitimes de consommateurs et qu’ils ne sont pas tenus responsables de l’utilisation injustifiée des fonds en cause ainsi que de leur restitution tardive aux consommateurs concernés.
48 Dans ces conditions, le Sąd Okręgowy w Warszawie (tribunal régional de Varsovie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Est-il compatible avec l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive [93/13] d’interpréter le droit national en ce sens que, lorsqu’un contrat ne peut plus rester contraignant après la suppression des clauses illicites [qu’il contient], le délai de prescription des actions en restitution [du professionnel] commence à courir à dater d’un des faits suivants :
a) la formulation de demandes ou de moyens par le consommateur contre le professionnel fondés sur le caractère illicite des clauses contractuelles ou de la fourniture par la juridiction d’informations sur la possibilité de qualifier d’illicites des clauses contractuelles, ou
b) une déclaration du consommateur selon laquelle il a reçu des informations exhaustives sur les effets (conséquences juridiques) liés à l’impossibilité que le contrat reste contraignant, y compris des informations sur la possibilité que le professionnel fasse valoir des droits à restitution et sur l’étendue de ces droits, ou
c) la vérification, dans le cadre d’une procédure judiciaire, du fait que le consommateur a connaissance (conscience) des effets (conséquences juridiques) de l’impossibilité que le contrat reste contraignant ou des informations fournies par la juridiction sur ces effets, ou
d) le prononcé par une juridiction d’un arrêt définitif mettant fin au litige entre le professionnel et le consommateur[ ?]
2) Est-il compatible avec l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive [93/13] d’interpréter le droit national en ce sens que, lorsqu’un contrat ne peut plus rester contraignant après la suppression des clauses illicites [qu’il contient], le professionnel contre lequel un consommateur a fait valoir des demandes liées à l’existence de clauses illicites dans le contrat n’est pas tenu de prendre des mesures autonomes visant à vérifier si le consommateur a connaissance des effets de la suppression des clauses illicites ou de l’impossibilité que le contrat reste contraignant ?
3) Est-il compatible avec l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive [93/13] d’interpréter le droit national en ce sens que, lorsqu’un contrat ne peut plus rester contraignant après la suppression des clauses illicites [qu’il contient], le délai de prescription de l’action en restitution du consommateur commence à courir avant le délai de prescription de l’action en restitution du professionnel ?
4) Est-il compatible avec l’article 7, paragraphe 1, de la directive [93/13] d’interpréter le droit national en ce sens que, lorsqu’un contrat ne peut plus rester contraignant après la suppression des clauses illicites [qu’il contient], le professionnel a le droit de subordonner la restitution des prestations reçues du consommateur à la condition que le consommateur offre en même temps de restituer les prestations reçues du professionnel ou que le consommateur garantisse cette restitution, sans tenir compte, pour déterminer le montant de la prestation due par le consommateur, des sommes pour lesquelles l’action en restitution est prescrite ?
5) Est-il compatible avec l’article 7, paragraphe 1, de la directive [93/13] d’interpréter le droit national en ce sens que, lorsqu’un contrat ne peut plus rester contraignant après la suppression des clauses illicites [qu’il contient], au cas où le professionnel exerce le droit visé à la quatrième question, le consommateur n’aura pas droit à une partie ou à la totalité des intérêts [...] depuis la réception par le professionnel de l’invitation à restituer les prestations ? »
Sur la compétence de la Cour
49 Getin Noble Bank fait valoir que la demande de décision préjudicielle vise, en substance, à obtenir de la Cour l’interprétation du droit polonais, ce qui échapperait à la compétence de cette dernière.
50 À cet égard, il y a lieu de relever que l’argument invoqué par Getin Noble Bank repose sur la prémisse erronée selon laquelle l’exercice, par les États membres, de leur droit de définir les modalités dans le cadre desquelles le constat du caractère abusif d’une clause contenue dans un contrat est établi et les effets juridiques concrets de ce constat sont matérialisés échappe au champ d’application du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C‑154/15, C‑307/15 et C‑308/15, EU:C:2016:980, point 66).
51 En effet, la Cour a déjà jugé que l’encadrement par le droit national de la protection garantie aux consommateurs par la directive 93/13 ne saurait modifier l’étendue et, partant, la substance de cette protection, et par là même remettre en cause le renforcement de l’efficacité de ladite protection par l’adoption de règles uniformes concernant les clauses abusives, qui a été voulu par le législateur de l’Union européenne, ainsi qu’il est indiqué au dixième considérant de cette directive [arrêt du 15 juin 2023, Bank M. (Conséquences de l’annulation du contrat), C‑520/21, EU:C:2023:478, point 60 et jurisprudence citée].
52 Pour autant que l’argument invoqué par Getin Noble Bank vise la première question préjudicielle et le fait que cette question ne préciserait pas laquelle des interprétations du droit polonais visées à cette question, sous a) à d), est celle retenue dans l’ordre juridique polonais, il y a lieu de relever, en premier lieu, que, selon une jurisprudence constante, si les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence, il n’en demeure pas moins que la procédure instituée à l’article 267 TFUE constitue un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation de ce droit qui leur sont nécessaires pour la solution des litiges qu’elles sont appelées à trancher. La justification du renvoi préjudiciel est non pas la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais le besoin inhérent à la solution effective d’un litige. Comme il ressort des termes mêmes de l’article 267 TFUE, la décision préjudicielle sollicitée doit être « nécessaire » pour permettre à la juridiction de renvoi de « rendre son jugement » dans l’affaire dont elle se trouve saisie (ordonnance du 7 avril 2022, J.P., C‑521/20, EU:C:2022:293, point 17 et jurisprudence citée).
53 En second lieu, dans le cadre de la procédure instituée à l’article 267 TFUE, la Cour n’est compétente pour se prononcer ni sur l’interprétation de dispositions législatives ou réglementaires nationales ni sur la conformité de telles dispositions avec le droit de l’Union. En effet, il ressort d’une jurisprudence constante que, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel au titre de l’article 267 TFUE, la Cour peut uniquement interpréter le droit de l’Union dans les limites des compétences attribuées à l’Union (ordonnance du 10 janvier 2022, Anatecor, C‑400/21, EU:C:2022:30, point 13 et jurisprudence citée).
54 Cela étant, il incombe à la Cour, en présence de questions formulées de manière impropre ou dépassant le cadre des fonctions qui lui sont dévolues par l’article 267 TFUE, d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments du droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige (voir, en ce sens, ordonnance du 10 janvier 2022, Anatecor, C‑400/21, EU:C:2022:30, point 15 et jurisprudence citée).
55 En l’occurrence, il ressort de la demande de décision préjudicielle, d’une part, que le Sąd Najwyższy (Cour suprême) a retenu, dans sa résolution du 7 mai 2021, une interprétation du droit polonais selon laquelle le délai de prescription des créances de professionnels découlant de la nullité d’un contrat de prêt hypothécaire contenant des clauses abusives ne commence à courir que lorsque ce contrat devient définitivement inopposable ou lorsqu’un jugement constatant la nullité dudit contrat devient définitif.
56 D’autre part, eu égard aux doutes que la juridiction de renvoi nourrit quant à la conformité de cette interprétation du droit national avec la directive 93/13 en ce qui concerne le point de départ du délai de prescription des actions en restitution découlant de l’invalidité d’un contrat en raison de clauses abusives contenues dans ce contrat, cette juridiction ne demande pas à la Cour d’interpréter elle-même le droit national, mais présente divers points de départ possibles de ce délai et demande à la Cour, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent ou non à de telles possibilités.
57 Partant, il ne saurait être retenu que la première question porte sur l’interprétation du droit polonais et, de ce fait, l’argument de Getin Noble Bank tiré de l’incompétence de la Cour doit être rejeté.
58 Il résulte de ce qui précède que la Cour est compétente pour statuer sur la demande de décision préjudicielle.
Sur les questions préjudicielles
Sur les première et troisième questions
59 Par ses première et troisième questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d’effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une interprétation jurisprudentielle du droit national selon laquelle, à la suite de l’annulation d’un contrat de prêt hypothécaire conclu avec un consommateur par un professionnel, en raison de clauses abusives contenues dans ce contrat, le délai de prescription des créances de ce professionnel découlant de la nullité dudit contrat commence à courir uniquement à partir de la date à laquelle ce dernier devient définitivement inopposable, alors que le délai de prescription des créances de ce consommateur découlant de la nullité du même contrat commence à courir à partir de la date à laquelle celui-ci a pris connaissance, ou aurait dû raisonnablement prendre connaissance, de la nature abusive de la clause entraînant cette nullité.
60 Il convient de rappeler, en premier lieu, que, selon une jurisprudence constante, en l’absence de réglementation spécifique de l’Union en la matière, les modalités de mise en œuvre de la protection des consommateurs prévue par la directive 93/13 relèvent de l’ordre juridique interne des États membres en vertu du principe de l’autonomie procédurale de ces derniers. Cependant, ces modalités ne doivent pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d’équivalence) ni être aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) [arrêt du 8 septembre 2022, D.B.P. e.a. (Crédit hypothécaire libellé en devises étrangères), C‑80/21 à C‑82/21, EU:C:2022:646, point 86 ainsi que jurisprudence citée].
61 En deuxième lieu, en ce qui concerne le principe d’effectivité, il y a lieu de relever que chaque cas où se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’application du droit de l’Union doit être analysé en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités, devant les diverses instances nationales. Dans cette perspective, il convient de prendre en considération, le cas échéant, les principes qui sont à la base du système juridictionnel national, tels que la protection des droits de la défense, le principe de sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure [arrêt du 8 septembre 2022, D.B.P. e.a. (Crédit hypothécaire libellé en devises étrangères), C‑80/21 à C‑82/21, EU:C:2022:646, point 87 ainsi que jurisprudence citée].
62 En troisième et dernier lieu, la Cour a précisé que l’obligation, pour les États membres, d’assurer l’effectivité des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union implique, notamment pour les droits découlant de la directive 93/13, une exigence de protection juridictionnelle effective, consacrée également à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui vaut, entre autres, en ce qui concerne la définition des modalités procédurales relatives aux actions en justice fondées sur de tels droits [arrêt du 8 septembre 2022, D.B.P. e.a. (Crédit hypothécaire libellé en devises étrangères), C‑80/21 à C‑82/21, EU:C:2022:646, point 88 ainsi que jurisprudence citée].
63 En l’occurrence, les première et troisième questions visent, plus particulièrement, l’asymétrie éventuelle des voies de droit prévues par le droit polonais, d’une part, pour les professionnels et, d’autre part, pour les consommateurs concernant le point de départ du délai de prescription des actions en restitution découlant de la nullité d’un contrat en raison de clauses abusives contenues dans ce contrat.
64 À cet égard, la Cour a considéré, dans le cadre d’une affaire portant sur la fixation d’une limite temporelle au pouvoir du juge d’écarter, d’office ou à la suite d’une exception soulevée par le consommateur, une clause abusive, que la fixation d’une telle limite était de nature à porter atteinte à l’effectivité de la protection prévue aux articles 6 et 7 de la directive 93/13 dans la mesure où il suffirait aux professionnels, pour priver les consommateurs du bénéfice de cette protection, d’attendre l’expiration du délai fixé par le législateur national pour demander l’exécution des clauses abusives qu’ils continueraient d’utiliser dans les contrats (voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 2002, Cofidis, C‑473/00, EU:C:2002:705, point 35).
65 Dans le même ordre d’idées, Mme l’avocate générale Kokott a considéré, en substance, aux points 63 à 67 de ses conclusions dans les affaires Cofidis et OPR-Finance (C‑616/18 et C‑679/18, EU:C:2019:975), portant sur l’interprétation de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil (JO 2008, L 133, p. 66), que des délais nationaux de prescription différents prévus, d’une part, pour les professionnels et, d’autre part, pour les consommateurs créent une asymétrie des voies de droit pouvant porter atteinte à l’effectivité de la protection prévue par cette directive.
66 Ainsi, une situation dans laquelle le délai de prescription des créances d’un consommateur découlant de la nullité d’un contrat de prêt hypothécaire commence à courir avant la date à laquelle l’inopposabilité définitive de ce contrat est constatée par une juridiction, bien que ce délai n’expire pas avant que ce consommateur ait pris connaissance ou ait pu raisonnablement prendre connaissance de ses droits, alors que le délai de prescription prévu pour les créances correspondantes du professionnel commence à courir à la date à laquelle cette inopposabilité définitive est constatée par une juridiction, comporte une asymétrie susceptible de porter atteinte à la protection dudit consommateur garantie par la directive 93/13.
67 À cet égard, il convient de rappeler, d’une part, que les contrats de prêt hypothécaire sont généralement exécutés au cours de longues périodes, de telle sorte que même un délai de prescription d’une durée de six ou de dix ans applicable aux actions en restitution des consommateurs peut s’avérer, sous certaines conditions, incompatible avec le principe d’effectivité [voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2022, D.B.P. e.a. (Crédit hypothécaire libellé en devises étrangères), C‑80/21 à C‑82/21, EU:C:2022:646, point 100].
68 D’autre part, il convient de relever que le consommateur est en droit de faire valoir les droits qu’il tire de la directive 93/13 tant devant une juridiction que, comme en l’occurrence, par voie extrajudiciaire, afin de pouvoir éventuellement remédier au caractère abusif d’une clause en la modifiant par voie contractuelle (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2021, Bank BPH, C‑19/20, EU:C:2021:341, point 49), sans que ce droit soit limité par le droit national.
69 Ainsi, il ressort du point 29 du présent arrêt que, selon l’interprétation du droit polonais retenue par le Sąd Najwyższy (Cour suprême) dans sa résolution du 7 mai 2021, un consommateur, pourvu qu’il soit pleinement informé des conséquences juridiques de l’inopposabilité définitive d’une clause abusive, peut donner ou refuser de donner son consentement à cette clause tant dans le cadre d’une procédure judiciaire que dans celui d’une procédure extrajudiciaire.
70 Or, dans la mesure où il ne peut pas être exclu, ce qu’il incombe toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier, que, en vertu du droit polonais, un consommateur qui introduit une réclamation extrajudiciaire soit réputé connaître les droits qu’il tire de la directive 93/13, dès lors que cette réclamation est assortie d’une déclaration expresse selon laquelle il a reçu une information complète quant aux conséquences de l’éventuelle invalidité du contrat concerné, le risque que le délai de prescription des créances d’un consommateur découlant de la nullité d’un contrat de prêt hypothécaire expire avant même que celui prévu pour les créances correspondantes du professionnel concerné commence à courir n’est pas éliminé.
71 Par ailleurs, selon les indications fournies par la juridiction de renvoi mentionnées au point 39 du présent arrêt, l’interprétation du droit polonais retenue par le Sąd Najwyższy (Cour suprême) dans sa résolution du 7 mai 2021, qui implique que le délai de prescription des créances d’un professionnel ne commence à courir qu’à partir de la date à laquelle un jugement constatant la nullité du contrat de prêt hypothécaire en cause devient définitif, aurait également comme conséquence que ce professionnel ne se trouve en défaut d’exécution de ce contrat qu’à partir de cette date. Partant, le consommateur concerné, dans l’hypothèse où ses créances de restitution ne seraient pas prescrites, ne pourrait pas obtenir des intérêts de retard à partir de la date d’introduction de sa demande de remboursement des sommes payées en vertu des clauses abusives figurant dans ledit contrat, ce qui inciterait, en violation de la directive 93/13, ledit professionnel à rejeter systématiquement de telles demandes.
72 Ainsi, une asymétrie des voies de droit, telle que celle en cause au principal, est de nature à inciter d’autant plus le professionnel, à la suite d’une réclamation extrajudiciaire du consommateur, à rester inactif ou à faire durer la phase extrajudiciaire en prolongeant des négociations, afin que le délai de prescription des créances du consommateur expire, que, d’une part, celui prévu pour ses propres créances ne commencerait à courir qu’à partir de la date à laquelle l’inopposabilité définitive du contrat de prêt hypothécaire concerné serait constatée par une juridiction et, d’autre part, la durée de la phase extrajudiciaire n’aurait pas d’impact sur les intérêts dus au consommateur.
73 Une telle asymétrie est donc susceptible de méconnaître, en premier lieu, le principe d’effectivité, visé aux points 60 et 61 du présent arrêt, selon lequel les modalités de mise en œuvre de la protection des consommateurs prévue par la directive 93/13 ne doivent pas être aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union.
74 En second et dernier lieu, une telle asymétrie est susceptible de méconnaître l’effet dissuasif que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, de cette directive, entend attacher au constat du caractère abusif des clauses contenues dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel [voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2023, Bank M. (Conséquences de l’annulation du contrat), C‑520/21, EU:C:2023:478, point 58 et jurisprudence citée].
75 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précédent, il y a lieu de répondre aux première et troisième questions que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d’effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une interprétation jurisprudentielle du droit national selon laquelle, à la suite de l’annulation d’un contrat de prêt hypothécaire conclu avec un consommateur par un professionnel, en raison de clauses abusives contenues dans ce contrat, le délai de prescription des créances de ce professionnel découlant de la nullité dudit contrat commence à courir uniquement à partir de la date à laquelle ce dernier devient définitivement inopposable, alors que le délai de prescription des créances de ce consommateur découlant de la nullité du même contrat commence à courir à partir de la date à laquelle celui-ci a pris connaissance, ou aurait dû raisonnablement prendre connaissance, de la nature abusive de la clause entraînant cette nullité.
Sur la deuxième question
76 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une interprétation jurisprudentielle du droit national selon laquelle il n’incombe pas à un professionnel ayant conclu un contrat de prêt hypothécaire avec un consommateur de vérifier si ce dernier a connaissance des effets de la suppression des clauses abusives contenues dans ce contrat ou de l’impossibilité que ce contrat reste contraignant si ces clauses étaient supprimées.
77 Il convient de rappeler, en premier lieu, que le juge national saisi d’un litige relatif à la directive 93/13 est tenu d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle relevant du champ d’application de cette directive et, ce faisant, de suppléer au déséquilibre qui existe entre le consommateur et le professionnel, dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová, C‑377/14, EU:C:2016:283, point 52 ainsi que jurisprudence citée).
78 Afin d’assurer la protection voulue par ladite directive, la situation d’inégalité du consommateur par rapport au professionnel ne peut être compensée que par une intervention positive, extérieure aux parties au contrat, du juge national saisi de tels litiges (arrêt du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová, C‑377/14, EU:C:2016:283, point 53 et jurisprudence citée).
79 Si la Cour a, certes, jugé que le système prévu par la directive 93/13 ne saurait faire obstacle à ce que les parties à un contrat remédient au caractère abusif d’une clause qu’il contient en la modifiant par voie contractuelle, pour autant que, d’une part, la renonciation par le consommateur à se prévaloir du caractère abusif de cette clause procède de son consentement libre et éclairé et, d’autre part, la nouvelle clause modificatrice ne soit pas elle-même abusive, il n’en reste pas moins que tant une telle renonciation que le caractère abusif de la nouvelle clause modificatrice peuvent faire l’objet d’un nouveau litige (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2021, Bank BPH, C‑19/20, EU:C:2021:341, points 49 à 51).
80 Partant, s’il incombe aux établissements de crédit d’organiser leurs activités de manière conforme à la directive 93/13 [voir en ce sens, arrêt du 15 juin 2023, Bank M. (Conséquences de l’annulation du contrat), C‑520/21, EU:C:2023:478, point 83], il n’en reste pas moins qu’un établissement de crédit n’est pas tenu de vérifier si un consommateur avec lequel il a conclu un contrat de prêt hypothécaire a connaissance des effets de la suppression des clauses abusives contenues dans ce contrat.
81 Par conséquent, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une interprétation jurisprudentielle du droit national selon laquelle il n’incombe pas à un professionnel ayant conclu un contrat de prêt hypothécaire avec un consommateur de vérifier si ce dernier a connaissance des effets de la suppression des clauses abusives contenues dans ce contrat ou de l’impossibilité que ce contrat reste contraignant si ces clauses étaient supprimées.
Sur la quatrième question
82 Eu égard à la réponse donnée aux première et troisième questions, il n’y a pas lieu de répondre à la quatrième question, posée dans l’hypothèse où la directive 93/13 ne s’opposerait pas à ce à ce que les demandes en restitution d’un consommateur soient prescrites indépendamment de la prescription des créances du professionnel.
Sur la cinquième question
83 Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d’effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une interprétation jurisprudentielle du droit national selon laquelle, lorsqu’un contrat de prêt hypothécaire conclu avec un consommateur par un professionnel ne peut plus rester contraignant après la suppression des clauses abusives figurant dans ce contrat, ce professionnel peut invoquer un droit de rétention lui permettant de subordonner la restitution des prestations qu’il a reçues de ce consommateur à la présentation, par ce dernier, d’une offre de restituer les prestations qu’il a lui-même reçues dudit professionnel ou d’une garantie portant sur la restitution de ces dernières prestations, lorsque l’exercice, par le même professionnel, de ce droit de rétention entraîne la perte, pour ledit consommateur, du droit d’obtenir des intérêts de retard à partir de l’expiration du délai imparti au professionnel concerné pour s’exécuter, après que celui-ci a reçu l’invitation à restituer les prestations qui lui avaient été payées en exécution dudit contrat.
84 Il semble ressortir de la décision de renvoi que, conformément à une interprétation jurisprudentielle du droit polonais, en cas d’invalidité d’un contrat, l’état de retard d’une partie cesse par le fait de l’exercice, par cette partie, du droit de rétention de la prestation qu’elle doit à l’autre partie jusqu’à ce que cette dernière ait soit offert d’exécuter, soit fourni une garantie pour l’exécution de la prestation qu’elle doit elle-même, de telle sorte que, en l’absence de l’interprétation retenue par le Sąd Najwyższy (Cour suprême) dans sa résolution du 7 mai 2021, des intérêts de retard seraient dus au consommateur à partir de l’expiration du délai imparti au professionnel pour s’exécuter, après que celui-ci a reçu une demande en ce sens du consommateur, jusqu’à la date à laquelle l’exception de rétention a été invoquée.
85 En effet, étant donné que, selon les explications fournies par la juridiction de renvoi, il ressort de cette résolution que le professionnel ne se trouve pas en retard d’exécution avant le moment où le contrat de prêt hypothécaire concerné devient définitivement inopposable, le consommateur perd le droit à une partie ou à la totalité des intérêts de retard, ce qui aggrave ainsi davantage sa position juridique et financière.
86 Or, l’effectivité de la protection conférée aux consommateurs par la directive 93/13 serait compromise si ceux-ci, lorsqu’ils invoquent les droits qu’ils tirent de cette directive, étaient exposés au risque de ne pas obtenir des intérêts de retard sur les sommes qui doivent leur être restituées en raison de l’invalidité d’un tel contrat à partir de l’expiration du délai imparti au professionnel pour s’exécuter, après que ce professionnel a reçu une invitation à restituer ces sommes.
87 Il y a dès lors lieu de répondre à la cinquième question que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d’effectivité doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une interprétation jurisprudentielle du droit national selon laquelle, lorsqu’un contrat de prêt hypothécaire conclu avec un consommateur par un professionnel ne peut plus rester contraignant après la suppression des clauses abusives figurant dans ce contrat, ce professionnel peut invoquer un droit de rétention lui permettant de subordonner la restitution des prestations qu’il a reçues de ce consommateur à la présentation, par ce dernier, d’une offre de restituer les prestations qu’il a lui-même reçues dudit professionnel ou d’une garantie portant sur la restitution de ces dernières prestations, lorsque l’exercice, par le même professionnel, de ce droit de rétention entraîne la perte, pour ledit consommateur, du droit d’obtenir des intérêts de retard à partir de l’expiration du délai imparti au professionnel concerné pour s’exécuter, après que celui-ci a reçu l’invitation à restituer les prestations qui lui avaient été payées en exécution dudit contrat.
Sur les dépens
88 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :
1) L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d’effectivité,
doivent être interprétés en ce sens que :
ils s’opposent à une interprétation jurisprudentielle du droit national selon laquelle, à la suite de l’annulation d’un contrat de prêt hypothécaire conclu avec un consommateur par un professionnel, en raison de clauses abusives contenues dans ce contrat, le délai de prescription des créances de ce professionnel découlant de la nullité dudit contrat commence à courir uniquement à partir de la date à laquelle ce dernier devient définitivement inopposable, alors que le délai de prescription des créances de ce consommateur découlant de la nullité du même contrat commence à courir à partir de la date à laquelle celui-ci a pris connaissance, ou aurait dû raisonnablement prendre connaissance, de la nature abusive de la clause entraînant cette nullité.
2) L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13
doivent être interprétés en ce sens que :
ils ne s’opposent pas à une interprétation jurisprudentielle du droit national selon laquelle il n’incombe pas à un professionnel ayant conclu un contrat de prêt hypothécaire avec un consommateur de vérifier si ce dernier a connaissance des effets de la suppression des clauses abusives contenues dans ce contrat ou de l’impossibilité que ce contrat reste contraignant si ces clauses étaient supprimées.
3) L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d’effectivité,
doivent être interprétés en ce sens que :
ils s’opposent à une interprétation jurisprudentielle du droit national selon laquelle, lorsqu’un contrat de prêt hypothécaire conclu avec un consommateur par un professionnel ne peut plus rester contraignant après la suppression des clauses abusives figurant dans ce contrat, ce professionnel peut invoquer un droit de rétention lui permettant de subordonner la restitution des prestations qu’il a reçues de ce consommateur à la présentation, par ce dernier, d’une offre de restituer les prestations qu’il a lui-même reçues dudit professionnel ou d’une garantie portant sur la restitution de ces dernières prestations, lorsque l’exercice, par le même professionnel, de ce droit de rétention entraîne la perte, pour ledit consommateur, du droit d’obtenir des intérêts de retard à partir de l’expiration du délai imparti au professionnel concerné pour s’exécuter, après que celui-ci a reçu l’invitation à restituer les prestations qui lui avaient été payées en exécution dudit contrat.
Signatures
* Langue de procédure : le polonais.
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