Les Mousquetaires and ITM Entreprises v Commission (Appeal - Competition - Agreements, decisions and concerted practices - Judgment) French Text [2023] EUECJ C-682/20P (09 March 2023)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2023/C68220P.html
Cite as: EU:C:2023:170, ECLI:EU:C:2023:170, [2023] EUECJ C-682/20P

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ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

9 mars 2023 (*)

« Pourvoi – Concurrence – Ententes – Décision de la Commission européenne ordonnant une inspection – Voies de recours contre le déroulement de l’inspection – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Droit à un recours effectif – Règlement (CE) no 1/2003 – Article 19 – Règlement (CE) no 773/2004 – Article 3 – Enregistrement des entretiens effectués par la Commission dans le cadre de ses enquêtes – Point de départ de l’enquête de la Commission »

Dans l’affaire C‑682/20 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 15 décembre 2020,

Les Mousquetaires SAS, établie à Paris (France),

ITM Entreprises SAS, établie à Paris,

représentées par Mes J.-M. Blutel, N. Jalabert-Doury et K. Mebarek, avocats,

parties requérantes,

les autres parties à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par M. P. Berghe, Mme A. Cleenewerck de Crayencour, MM. A. Dawes et I. V. Rogalski, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme A.-L. Meyer et M. O. Segnana, en qualité d’agents,

partie intervenante en première instance,


LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, M. L. Bay Larsen, vice-président de la Cour, faisant fonction de juge de la première chambre, MM. P. G. Xuereb (rapporteur), A. Kumin et Mme I. Ziemele, juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : Mme V. Giacobbo, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 février 2022,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 juillet 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur pourvoi, Les Mousquetaires SAS et ITM Entreprises SAS (ci-après « Intermarché ») demandent l’annulation partielle de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 5 octobre 2020, Les Mousquetaires et ITM Entreprises/Commission (T‑255/17, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2020:460), par lequel ce dernier a partiellement rejeté leur recours fondé sur l’article 263 TFUE tendant à l’annulation de la décision C(2017) 1057 final de la Commission, du 9 février 2017, ordonnant à Intermarché ainsi qu’à toutes les sociétés directement ou indirectement contrôlées par elle de se soumettre à une inspection conformément à l’article 20, paragraphes 1 et 4, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil (AT.40466 – Tute 1) (ci-après la « première décision litigieuse »), et de la décision C(2017) 1361 final de la Commission, du 21 février 2017, ordonnant à Les Mousquetaires ainsi qu’à toutes les sociétés directement ou indirectement contrôlées par elle de se soumettre à une inspection conformément à l’article 20, paragraphes 1 et 4, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil (AT.40466 – Tute 1) (ci-après la « seconde décision litigieuse », et, prise ensemble avec la première décision litigieuse, les « décisions litigieuses »).

 Le cadre juridique

 Le règlement (CE) no 1/2003

2        Aux termes du considérant 25 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1) :

« La détection des infractions aux règles de concurrence devenant de plus en plus difficile, il est nécessaire, pour protéger efficacement la concurrence, de compléter les pouvoirs d’enquête de la Commission [européenne]. La Commission doit notamment pouvoir interroger toute personne susceptible de disposer d’informations utiles et pouvoir enregistrer ses déclarations. En outre, au cours d’une inspection, les agents mandatés par la Commission doivent pouvoir apposer des scellés pendant la durée nécessaire à l’inspection. Les scellés ne doivent normalement pas être apposés pendant plus de soixante-douze heures. Les agents mandatés par la Commission doivent aussi pouvoir demander toutes les informations ayant un lien avec l’objet et le but de l’inspection. »

3        Sous le chapitre V, intitulé « Pouvoirs d’enquête », figure l’article 17 de ce règlement, lui-même intitulé « Enquêtes par secteur économique et par type d’accords », lequel énonce, à son paragraphe 1 :

« Lorsque l’évolution des échanges entre États membres, la rigidité des prix ou d’autres circonstances font présumer que la concurrence peut être restreinte ou faussée à l’intérieur du marché commun, la Commission peut mener son enquête sur un secteur particulier de l’économie ou un type particulier d’accords dans différents secteurs. Dans le cadre de cette enquête, la Commission peut demander aux entreprises ou aux associations d’entreprises concernées les renseignements nécessaires à l’application des articles [101] et [102 TFUE] et effectuer les inspections nécessaires à cette fin. »

4        L’article 19 dudit règlement, intitulé « Pouvoir de recueillir des déclarations », prévoit :

« 1.      Pour l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par le présent règlement, la Commission peut interroger toute personne physique ou morale qui accepte d’être interrogée aux fins de la collecte d’informations relatives à l’objet d’une enquête.

2.      Lorsque l’entretien prévu au paragraphe 1 est réalisé dans les locaux d’une entreprise, la Commission informe l’autorité de concurrence de l’État membre sur le territoire duquel l’entretien a lieu. Les agents de l’autorité de concurrence de l’État membre concerné peuvent, si celle-ci le demande, prêter assistance aux agents et aux autres personnes les accompagnant mandatés par la Commission pour conduire l’entretien. »

5        L’article 20 du même règlement, intitulé « Pouvoirs de la Commission en matière d’inspection », dispose :

« 1.      Pour l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par le présent règlement, la Commission peut procéder à toutes les inspections nécessaires auprès des entreprises et associations d’entreprises.

2.      Les agents et les autres personnes les accompagnant mandatés par la Commission pour procéder à une inspection sont investis des pouvoirs suivants :

a)      accéder à tous les locaux, terrains et moyens de transport des entreprises et associations d’entreprises ;

b)      contrôler les livres ainsi que tout autre document professionnel, quel qu’en soit le support ;

c)      prendre ou obtenir sous quelque forme que ce soit copie ou extrait de ces livres ou documents ;

d)      apposer des scellés sur tous les locaux commerciaux et livres ou documents pendant la durée de l’inspection et dans la mesure où cela est nécessaire aux fins de celle-ci ;

e)      demander à tout représentant ou membre du personnel de l’entreprise ou de l’association d’entreprises des explications sur des faits ou documents en rapport avec l’objet et le but de l’inspection et enregistrer ses réponses.

3.      Les agents et les autres personnes les accompagnant mandatés par la Commission pour procéder à une inspection exercent leurs pouvoirs sur production d’un mandat écrit qui indique l’objet et le but de l’inspection, ainsi que la sanction prévue à l’article 23 au cas où les livres ou autres documents professionnels qui sont requis seraient présentés de manière incomplète et où les réponses aux demandes faites en application du paragraphe 2 du présent article seraient inexactes ou dénaturées. La Commission avise, en temps utile avant l’inspection, l’autorité de concurrence de l’État membre sur le territoire duquel l’inspection doit être effectuée.

4.      Les entreprises et associations d’entreprises sont tenues de se soumettre aux inspections que la Commission a ordonnées par voie de décision. La décision indique l’objet et le but de l’inspection, fixe la date à laquelle elle commence et indique les sanctions prévues aux articles 23 et 24, ainsi que le recours ouvert devant la Cour de justice [de l’Union européenne] contre la décision. La Commission prend ces décisions après avoir entendu l’autorité de concurrence de l’État membre sur le territoire duquel l’inspection doit être effectuée.

5.      Les agents de l’autorité de concurrence de l’État membre sur le territoire duquel l’inspection doit être effectuée ainsi que les agents mandatés ou désignés par celle-ci doivent, à la demande de cette autorité ou de la Commission, prêter activement assistance aux agents et aux autres personnes les accompagnant mandatés par la Commission. Ils disposent à cette fin des pouvoirs définis au paragraphe 2.

6.      Lorsque les agents ou les autres personnes les accompagnant mandatés par la Commission constatent qu’une entreprise s’oppose à une inspection ordonnée en vertu du présent article, l’État membre intéressé leur prête l’assistance nécessaire, en requérant au besoin la force publique ou une autorité disposant d’un pouvoir de contrainte équivalent, pour leur permettre d’exécuter leur mission d’inspection.

7.      Si, en vertu du droit national, l’assistance prévue au paragraphe 6 requiert l’autorisation d’une autorité judiciaire, cette autorisation doit être sollicitée. L’autorisation peut également être demandée à titre préventif.

8.      Lorsqu’une autorisation visée au paragraphe 7 est demandée, l’autorité judiciaire nationale contrôle que la décision de la Commission est authentique et que les mesures coercitives envisagées ne sont ni arbitraires ni excessives par rapport à l’objet de l’inspection. Lorsqu’elle contrôle la proportionnalité des mesures coercitives, l’autorité judiciaire nationale peut demander à la Commission, directement ou par l’intermédiaire de l’autorité de concurrence de l’État membre, des explications détaillées, notamment sur les motifs qui incitent la Commission à suspecter une violation des articles [101] et [102 TFUE], ainsi que sur la gravité de la violation suspectée et sur la nature de l’implication de l’entreprise concernée. Cependant, l’autorité judiciaire nationale ne peut ni mettre en cause la nécessité de l’inspection ni exiger la communication des informations figurant dans le dossier de la Commission. Le contrôle de la légalité de la décision de la Commission est réservé à la Cour de justice. »

6        L’article 23 du règlement no 1/2003, intitulé « Amendes », prévoit, à son paragraphe 1 :

« La Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d’entreprises des amendes jusqu’à concurrence de 1 % du chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent lorsque, de propos délibéré ou par négligence :

[...]

c)      elles présentent de façon incomplète, lors des inspections effectuées au titre de l’article 20, les livres ou autres documents professionnels requis, ou ne se soumettent pas aux inspections ordonnées par voie de décision prise en application de l’article 20, paragraphe 4 ;

d)      en réponse à une question posée conformément à l’article 20, paragraphe 2, point e),

–        elles fournissent une réponse incorrecte ou dénaturée, ou

–        elles omettent de rectifier dans un délai fixé par la Commission une réponse incorrecte, incomplète ou dénaturée donnée par un membre du personnel, ou

–        elles omettent ou refusent de fournir une réponse complète sur des faits en rapport avec l’objet et le but d’une inspection ordonnée par une décision prise conformément à l’article 20, paragraphe 4 ;

e)      des scellés apposés en application de l’article 20, paragraphe 2, point d), par les agents ou les autres personnes les accompagnant mandatés de la Commission, ont été brisés. »

 Le règlement (CE) no 773/2004

7        L’article 2 du règlement (CE) no 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101] et [102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18), intitulé « Ouverture de la procédure », prévoit, à son paragraphe 3 :

« La Commission peut exercer ses pouvoirs d’enquête en application du chapitre V du règlement [no 1/2003] avant d’ouvrir une procédure. »

8        Sous le chapitre III, intitulé « Enquêtes menées par la Commission », figure l’article 3 du règlement no 773/2004, lui-même intitulé « Pouvoir de recueillir des déclarations », lequel dispose :

« 1.      Lorsque la Commission interroge une personne avec son consentement, conformément à l’article 19 du règlement [no 1/2003], elle indique, au début de l’entretien, sur quelle base juridique celui-ci est fondé ainsi que son objectif, et elle en rappelle le caractère volontaire. Elle informe aussi la personne interrogée de son intention d’enregistrer l’entretien.

2.      L’entretien peut être réalisé par tout moyen de communication, y compris par téléphone ou par voie électronique.

3.      La Commission peut enregistrer sous toute forme les déclarations faites par les personnes interrogées. Une copie de tout enregistrement est mise à la disposition de la personne interrogée pour approbation. La Commission fixe, au besoin, un délai dans lequel la personne interrogée peut communiquer toute correction à apporter à la déclaration. »

 Les antécédents du litige et les décisions litigieuses

9        Les antécédents du litige, qui figurent aux points 2 à 11 de l’arrêt attaqué, peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés comme suit.

10      Les Mousquetaires est la société holding d’un groupe qui exerce ses activités dans le secteur de la distribution alimentaire et non alimentaire en France et en Belgique. Intermarché est sa filiale.

11      Ayant reçu des informations relatives à des échanges d’informations entre Intermarché et des entreprises concurrentes, notamment, Casino, la Commission a, par la première décision litigieuse, ordonné une inspection dans les locaux d’Intermarché et de ses filiales.

12      Le dispositif de cette décision se lit comme suit :

« Article premier

[...] Intermarché [...] ainsi que toutes les sociétés directement ou indirectement contrôlées par elle, sont tenues de se soumettre à une inspection concernant leur éventuelle participation à des pratiques concertées contraires à l’article 101 [TFUE] dans les marchés de l’approvisionnement en biens de consommation courante, dans le marché de vente de services aux fabricants de produits de marque et dans les marchés de vente aux consommateurs de biens de consommation courante. Ces pratiques concertées consistent en :

a)      des échanges d’informations, depuis 2015, entre des entreprises et/ou des associations d’entreprises, notamment AgeCore et/ou ses membres, notamment Intermarché, et [International Casino Dia Corporation (ICDC)] [...] et/ou ses membres, notamment Casino, concernant les rabais obtenus par eux sur les marchés de l’approvisionnement en biens de consommation courante dans les secteurs des produits alimentaires, produits d’hygiène et produits d’entretien et les prix sur le marché de vente de services aux fabricants de produits de marque dans les secteurs des produits alimentaires, produits d’hygiène et produits d’entretien, dans plusieurs États membres de l’Union européenne, notamment [en] France, et

b)      des échanges d’informations, au moins depuis 2016, entre Casino et Intermarché concernant leurs stratégies commerciales futures, notamment en termes d’assortiment, de développement de magasins, d’e-commerce et de politique promotionnelle sur les marchés de l’approvisionnement en biens de consommation courante et sur les marchés de vente aux consommateurs de biens de consommation courante, en France.

Cette inspection peut avoir lieu dans n’importe quel local de l’entreprise [...]

Intermarché autorise les fonctionnaires et autres personnes mandatées par la Commission pour procéder à une inspection et les fonctionnaires et autres personnes mandatées par l’autorité de concurrence de l’État membre concerné pour les aider ou nommées par ce dernier à cet effet, à accéder à tous ses locaux et moyens de transport pendant les heures normales de bureau. Elle soumet à inspection les livres ainsi que tout autre document professionnel, quel qu’en soit le support, si les fonctionnaires et autres personnes mandatées en font la demande et leur permet de les examiner sur place et de prendre ou obtenir sous quelque forme que ce soit copie ou extrait de ces livres ou documents. Elle autorise l’apposition de scellés sur tous les locaux commerciaux et livres ou documents pendant la durée de l’inspection et dans la mesure où cela est nécessaire aux fins de celle-ci. Elle donne immédiatement sur place des explications orales sur l’objet et le but de l’inspection si ces fonctionnaires ou personnes en font la demande et autorise tout représentant ou membre du personnel à donner de telles explications. Elle autorise l’enregistrement de ces explications sous quelque forme que ce soit.

Article 2

L’inspection peut débuter le 20 février 2017 ou peu de temps après.

Article 3

Intermarché [...] ainsi que toutes les sociétés directement ou indirectement contrôlées par elle sont destinataires de la présente décision.

Cette décision est notifiée, juste avant l’inspection, à l’entreprise qui en est destinataire, en vertu de l’article 297, paragraphe 2, [TFUE]. »

13      Ayant été informée de cette inspection par la Commission, l’Autorité de la concurrence (France) a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance d’Evry (France), afin de lui demander l’autorisation de réaliser des opérations de visite et de saisie dans les locaux des requérantes. Par ordonnance du 17 février 2017, ce juge a autorisé les visites et les saisies sollicitées à titre préventif. Aucune des mesures prises lors de l’inspection n’ayant nécessité l’usage des « pouvoirs de contrainte », au sens de l’article 20, paragraphes 6 à 8, du règlement no 1/2003, cette ordonnance n’a pas été notifiée aux requérantes.

14      L’inspection a débuté le 20 février 2017, date à laquelle les inspecteurs de la Commission, accompagnés de représentants de l’Autorité de la concurrence, se sont présentés dans les locaux d’Intermarché.

15      À la suite de doutes relatifs à la qualité d’employé d’Intermarché de l’une des personnes visées par l’inspection, la Commission a adopté la seconde décision litigieuse, ordonnant une inspection dans les locaux de la société holding, Les Mousquetaires, et de ses filiales, pour les mêmes motifs que ceux visés dans la première décision litigieuse.

16      Dans le cadre de cette inspection, la Commission a, notamment, visité des bureaux, saisi du matériel informatique (ordinateurs portables, téléphones mobiles, tablettes, périphériques de stockage), copié des informations qu’il contenait et interrogé plusieurs personnes.

17      Par lettres du 24 février 2017, les requérantes ont fait part à la Commission de réserves quant aux décisions litigieuses et au déroulement des inspections ordonnées par celles-ci, en contestant notamment la copie de documents relevant prétendument de la vie privée des membres de leur personnel. Par lettre du 13 avril 2017, les requérantes ont demandé à la Commission de restituer certains de ces documents.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 avril 2017, les requérantes ont introduit, en vertu de l’article 263 TFUE, un recours tendant, notamment, à l’annulation des décisions litigieuses. À l’appui de leur recours, les requérantes ont invoqué, en substance, cinq moyens. Le premier était fondé sur une exception d’illégalité de l’article 20, paragraphe 4, du règlement no 1/2003, le deuxième était tiré de l’absence de notification régulière des décisions litigieuses, le troisième de la privation de leur droit de se défendre contre l’inspection, le quatrième de la méconnaissance de l’obligation de motivation et le cinquième était tiré de la violation du droit à l’inviolabilité du domicile.

19      Dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité la Commission à produire les indices d’infractions présumées dont elle disposait à la date des décisions litigieuses.

20      En réponse à cette invitation, la Commission a notamment produit des comptes rendus d’entretiens tenus en 2016 et en 2017 avec treize fournisseurs des produits de consommation courante concernés qui concluaient régulièrement des accords avec Casino et Intermarché (annexes Q.1 à Q.13 de la réponse de la Commission du 10 janvier 2019) (ci-après les « entretiens avec les fournisseurs »).

21      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal, ayant estimé que la Commission ne détenait pas d’indices suffisamment sérieux permettant de suspecter l’existence d’une infraction consistant en des échanges d’informations entre Casino et Intermarché concernant leurs stratégies commerciales futures, a annulé l’article 1er, sous b), de chacune des décisions litigieuses et rejeté le recours pour le surplus.

 Les conclusions des parties

22      Par leur pourvoi, les requérantes demandent à la Cour :

–        d’annuler le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué ;

–        de faire droit à leurs conclusions présentées en première instance et d’annuler les décisions litigieuses, et

–        de condamner la Commission aux entiers dépens de l’ensemble de la procédure, y compris ceux de la procédure devant le Tribunal.

23      La Commission demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner les requérantes aux dépens.

24      Le Conseil de l’Union européenne demande à la Cour :

–        de rejeter le premier moyen du pourvoi, et

–        de condamner les requérantes aux dépens du pourvoi.

 Sur le pourvoi

25      À l’appui de leur pourvoi, les requérantes soulèvent cinq moyens. Le premier moyen est tiré d’erreurs de droit et d’un défaut de motivation commis par le Tribunal dans le cadre de son analyse de l’effectivité des voies de recours concernant le déroulement des inspections. Le deuxième moyen est tiré de la violation des articles 6 et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), de l’article 296 TFUE et de l’article 20, paragraphe 4, du règlement no 1/2003 en ce que le Tribunal aurait méconnu l’obligation de motivation et de limitation des décisions d’inspection. Le troisième moyen est tiré d’une erreur de droit et d’une violation du règlement no 1/2003 en ce que le Tribunal aurait caractérisé une phase procédurale « avant adoption de mesures impliquant le reproche d’avoir commis une infraction » non soumise à ce règlement. Le quatrième moyen est tiré de la violation des articles 6 et 8 de la CEDH et de l’article 19 du règlement no 1/2003 en ce que le Tribunal a qualifié d’« indices suffisamment sérieux » des éléments affectés d’irrégularités formelles et substantielles. Enfin, le cinquième moyen est tiré du défaut de motivation résultant de l’absence de contrôle de la valeur probante de ces indices et d’une erreur quant à la qualification d’« indice ».

 Sur le premier moyen, tiré d’erreurs de droit et d’un défaut de motivation de l’arrêt attaqué dans le cadre de l’analyse de l’effectivité des voies de recours concernant le déroulement des inspections

 Argumentation des parties

26      Les requérantes contestent les points 83 à 112 de l’arrêt attaqué par lesquels le Tribunal a rejeté l’exception d’illégalité de l’article 20, paragraphe 4, du règlement no 1/2003, tirée de l’absence de recours effectif permettant de contester le déroulement des inspections.

27      Par la première branche du premier moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a violé son obligation de motivation dans le cadre de l’analyse de l’effectivité des voies de recours concernant le déroulement des inspections.

28      Par la seconde branche du premier moyen, les requérantes invoquent une violation du droit à un recours effectif. Elles soulignent que, dans son arrêt du 2 octobre 2014, Delta Pekárny a.s. c. République tchèque (CE:ECHR:2014:1002JUD000009711), la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que la conformité à la CEDH d’une ingérence, telle que celle causée par une inspection, requiert, entre autres, un recours effectif permettant de contester, en droit comme en fait, non seulement la légalité de l’autorisation, mais aussi les conditions de déroulement d’une inspection à laquelle l’entreprise a l’obligation de se soumettre.

29      Par le premier grief de la seconde branche du premier moyen, les requérantes contestent les motifs par lesquels le Tribunal a, aux points 83 et 87 de l’arrêt attaqué, estimé que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme permet de vérifier le respect du droit à un recours effectif contre les mesures prises dans le cadre d’une inspection, en procédant à une analyse non pas individuelle, mais globale de ces voies de recours.

30      Il ressortirait, à cet égard, du paragraphe 42 de l’arrêt de la Cour EDH du 21 décembre 2010, Société Canal Plus et autres c. France (CE:ECHR:2010:1221JUD002940808), que tant le recours en contestation de légalité de l’autorisation d’une inspection que le recours en contestation des mesures prises dans le cadre de ces inspections devraient être effectifs.

31      Par conséquent, le Tribunal aurait commis une erreur de droit, aux points 83 et 99 à 111 de l’arrêt attaqué, en examinant, ensemble, ces voies de recours et en considérant que les inconvénients de l’une de ces voies de recours pouvaient être compensés par les avantages de l’autre.

32      Selon les requérantes, si le Tribunal avait procédé à un examen séparé desdites voies de recours, il aurait dû écarter trois des six voies de recours qu’il a reconnues comme étant effectives, à savoir le recours contre la décision clôturant la procédure d’application de l’article 101 TFUE, le recours contre la décision d’inspection et, enfin, le recours en responsabilité extracontractuelle. Toutes les autres voies de droit seraient partielles et ne permettraient pas de vérifier, en droit et en fait, que l’ensemble des conditions de déroulement d’une inspection ont satisfait à l’article 8 de la CEDH, même en les engageant toutes.

33      Par le deuxième grief de la seconde branche du premier moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal, en jugeant que des recours partiels sont effectifs, impose au justiciable l’obligation de créer les conditions nécessaires permettant d’utiliser toutes ces voies de droit.

34      Or, tant le référé que l’action ex post en matière de protection des données et le recours sur le fondement de la jurisprudence issue de l’arrêt du 17 septembre 2007, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission (T‑125/03 et T‑253/03, EU:T:2007:287), en matière de protection des communications entre avocats et clients supposeraient que l’entreprise, en se détournant de l’inspection en cours, parvienne à provoquer une décision explicite ou implicite de la Commission méconnaissant le droit de préserver la confidentialité de la correspondance entre avocats et clients ou, le cas échéant, le droit au respect de la vie privée. Ces voies de recours reposeraient également sur l’acceptation de la Commission de placer les données sous enveloppe scellée dans l’attente de la décision du Tribunal. Le référé pendant l’inspection supposerait en outre que l’entreprise se détourne de l’inspection en cours, à laquelle elle a obligation de coopérer activement.

35      Quant au recours contre une décision sanctionnant un cas d’obstruction de l’inspection, l’existence de cette voie de recours exigerait que l’entreprise se rende coupable d’une obstruction au point de se voir infliger une sanction. Or, une telle exigence serait contraire à l’article 52 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

36      Par le troisième grief de la seconde branche du premier moyen, les requérantes soulignent que, aux points 94 et 96 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit lorsqu’il a examiné la possibilité d’admettre deux voies de recours à ce jour inédites, à savoir, d’une part, un référé visant la suspension de l’inspection elle-même et, d’autre part, un recours ex-post concernant la protection des données privées des dirigeants et des salariés. En effet, les recours hypothétiques ne sauraient être qualifiés de recours effectifs.

37      La Commission et le Conseil estiment que l’argumentation des requérantes est non fondée. Le Conseil considère, en outre, que le grief pris d’un défaut de motivation est irrecevable, dès lors que les requérantes n’identifient pas avec la précision requise les éléments critiqués de l’arrêt attaqué ni ne développent d’argumentation juridique étayée venant au soutien de ce grief.

 Appréciation de la Cour

38      Par sa première branche du premier moyen du pourvoi, les requérantes font valoir que le Tribunal a violé son obligation de motivation dans le cadre de l’analyse de l’effectivité des voies de recours concernant le déroulement des inspections.

39      En ce qui concerne la recevabilité de cette branche qui est contestée par le Conseil, il y a lieu de rappeler, d’emblée, qu’il est de jurisprudence constante qu’un défaut ou une insuffisance de motivation relève de la violation des formes substantielles, au sens de l’article 263 TFUE, et constitue un moyen d’ordre public pouvant, voire devant, être soulevé d’office par le juge de l’Union (arrêts du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 34, ainsi que du 28 janvier 2016, Quimitécnica.com et de Mello/Commission, C‑415/14 P, non publié, EU:C:2016:58, point 57). Il s’ensuit que l’argumentation du Conseil relative à l’irrecevabilité de la première branche du premier moyen doit être écartée.

40      S’agissant du bien-fondé de cette branche, il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, la motivation d’un arrêt doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement du Tribunal, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel (arrêt du 25 mars 2021, Deutsche Telekom/Commission, C‑152/19 P, EU:C:2021:238, point 98 et jurisprudence citée).

41      En l’espèce, aux points 78 à 82 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a tout d’abord rappelé que le droit à un recours effectif était consacré à l’article 47 de la Charte et aux articles 6 et 13 de la CEDH. Après avoir rappelé que la CEDH ne constitue pas, tant que l’Union n’y a pas adhéré, un instrument juridique formellement intégré à l’ordre juridique de l’Union, de sorte que le contrôle de légalité doit être opéré au regard uniquement des droits fondamentaux garantis par la Charte, il a souligné qu’il résulte tant de l’article 52 de la Charte que des explications relatives à cet article que les dispositions de la CEDH et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relatives à ces dispositions doivent être prises en compte lors de l’interprétation et de l’application des dispositions de la Charte dans une espèce donnée.

42      Il a considéré, à cet égard, que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, le respect du droit à un recours effectif doit être examiné, en matière de visites domiciliaires, à la lumière des quatre conditions suivantes, à savoir, premièrement, il doit exister un contrôle juridictionnel effectif, en fait comme en droit, de la régularité de la décision de procéder à de telles visites ou des mesures prises dans le cadre de celles-ci, deuxièmement, le ou les recours disponibles doivent permettre, en cas de constat d’irrégularité, soit de prévenir la survenance de l’opération, soit, dans l’hypothèse où une opération irrégulière aurait déjà eu lieu, de fournir à l’intéressé un redressement approprié, troisièmement, l’accessibilité du recours concerné doit être certaine et, quatrièmement, le contrôle juridictionnel doit intervenir dans un délai raisonnable.

43      Le Tribunal a ensuite relevé, au point 83 de l’arrêt attaqué, qu’il ressortait également de cette jurisprudence que le déroulement d’une opération d’inspection devait pouvoir faire l’objet d’un contrôle juridictionnel effectif et que le contrôle devait être effectif dans les circonstances particulières de l’affaire en cause, ce qui impliquait la prise en compte de l’ensemble des voies de droit à la disposition d’une entreprise faisant l’objet d’une inspection et ainsi une analyse globale de ces voies de droit. Le Tribunal a estimé, aux points 86 et 87 de l’arrêt attaqué, que, la vérification du respect du droit au recours effectif devant reposer sur une analyse globale des voies de droit susceptibles de donner lieu au contrôle des mesures prises dans le cadre d’une inspection, il était indifférent que, prises individuellement, chacune des voies de droit examinées ne remplisse pas les conditions requises pour que soit admise l’existence d’un droit à un recours effectif.

44      Dans ce contexte, le Tribunal a, de plus, indiqué, aux points 88 et 89 de l’arrêt attaqué, que, outre la possibilité d’adresser des demandes au conseiller-auditeur de la Commission, il existait six voies de droit permettant de porter devant le juge de l’Union des contestations relatives à une opération d’inspection, à savoir le recours contre la décision d’inspection, le recours contre la décision de la Commission sanctionnant une obstruction à l’inspection sur le fondement de l’article 23, paragraphe 1, sous c) à e), du règlement no 1/2003, le recours contre tout acte remplissant les conditions jurisprudentielles de l’acte susceptible de recours qu’adopterait la Commission à la suite de la décision d’inspection et dans le cadre du déroulement des opérations d’inspection, tel qu’une décision rejetant une demande de protection de documents au titre de la confidentialité des communications entre avocats et clients, le recours contre la décision clôturant la procédure ouverte au titre de l’article 101 TFUE, l’action en référé et le recours en responsabilité extracontractuelle.

45      Le Tribunal a précisé, aux points 90 à 98 de l’arrêt attaqué, en quoi il considérait que ces voies de droit permettaient de porter devant le juge de l’Union des contestations relatives au déroulement des inspections.

46      Enfin, le Tribunal a jugé, au terme d’une analyse effectuée aux points 100 à 110 de l’arrêt attaqué, que le système de contrôle du déroulement des opérations d’inspection constitué de l’ensemble des voies de droit énumérées au point 44 du présent arrêt pouvait être considéré comme satisfaisant aux quatre conditions découlant de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

47      Ainsi, au point 111 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l’exception d’illégalité de l’article 20, paragraphe 4, du règlement no 1/2003, fondée sur la violation du droit à un recours effectif.

48      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que prétendent les requérantes, les motifs par lesquels le Tribunal a rejeté l’argumentation prise de l’absence de recours effectif à l’égard des conditions de déroulement des inspections, ressortent de façon claire et non équivoque des points 78 à 111 de l’arrêt attaqué, résumés aux points 41 à 47 du présent arrêt. Ces motifs ont permis aux requérantes de connaître les justifications de l’arrêt attaqué, ainsi que cela ressort, du reste, du contenu de leur pourvoi, et permettent à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel.

49      Partant, il y a lieu de rejeter la première branche du première moyen tirée d’un défaut de motivation comme étant non fondée.

50      Par la seconde branche du premier moyen, les requérantes invoquent une violation du droit à un recours effectif.

51      S’agissant du premier grief de la seconde branche du premier moyen, tiré de ce que le Tribunal aurait dû procéder à un examen individuel des différentes voies de recours afin de vérifier si le droit à un recours effectif contre les mesures prises dans le cadre d’une inspection est assuré, il y a lieu de rappeler que le droit à un recours effectif est consacré à l’article 47 de la Charte.

52      Il importe de rappeler également que l’article 52, paragraphe 3, de la Charte précise que, dans la mesure où cette dernière contient des droits correspondant à ceux garantis par la CEDH, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère cette convention [arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême), C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 116].

53      Or, ainsi qu’il ressort des explications afférentes à l’article 47 de la Charte, qui, conformément à l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, TUE et à l’article 52, paragraphe 7, de la Charte, doivent être prises en considération pour l’interprétation de celle-ci, les premier et deuxième alinéas de cet article 47 correspondent respectivement à l’article 13 et à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH [arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême), C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 117]. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH constitue une lex specialis par rapport à l’article 13 de cette convention, les exigences du second se trouvant comprises dans celles, plus strictes, du premier (Cour EDH, 15 mars 2022, Grzęda c. Pologne, CE:ECHR:2022:0315JUD004357218, § 352 et jurisprudence citée).

54      La Cour a en outre jugé qu’elle devait veiller à ce que l’interprétation qu’elle effectue de l’article 47, premier alinéa, de la Charte assure un niveau de protection qui ne méconnaît pas celui garanti à l’article 13 de la CEDH, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme [voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2018, Belastingdienst/Toeslagen (Effet suspensif de l’appel), C‑175/17, EU:C:2018:776, point 35].

55      À cet égard, il convient de relever qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que la protection offerte par l’article 13 de la CEDH ne va pas jusqu’à exiger une forme particulière de recours (Cour EDH, 20 mars 2008, Boudaïeva et autres c. Russie, CE:ECHR:2008:0320JUD001533902, § 190) et que même si aucun recours offert par le droit interne, pris isolément, ne satisfait par lui-même aux exigences de cet article 13, tel peut être le cas de ces recours, considérés dans leur globalité (Cour EDH, 10 juillet 2020, Mugemangango c. Belgique, CE:ECHR:2020:0710JUD000031015, § 131 et jurisprudence citée).

56      En outre, en cas d’atteinte au droit au respect du domicile, consacré à l’article 8 de la CEDH, un recours est effectif, au sens de l’article 13 de la CEDH, si le requérant a accès à une procédure lui permettant de contester la régularité des perquisitions et des saisies réalisées et d’obtenir un redressement approprié si celles-ci ont été ordonnées ou exécutées de manière illégale (Cour EDH, 19 janvier 2017, Posevini c. Bulgarie, CE:ECHR:2017:0119JUD006363814, § 84).

57      À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative à l’article 6, paragraphe 1, ou à l’article 8 de la CEDH, que, en matière de visites domiciliaires, l’absence de délivrance préalable d’une autorisation d’inspection par un juge, qui aurait pu circonscrire ou contrôler le déroulement de cette inspection, peut être contrebalancée par un contrôle judiciaire ex post facto sur la légalité et la nécessité d’une telle mesure d’instruction à condition que ce contrôle soit efficace dans les circonstances particulières de l’affaire en cause. Cela implique que les personnes concernées puissent obtenir un contrôle juridictionnel effectif, en fait comme en droit, de la mesure litigieuse et de son déroulement. Lorsqu’une opération jugée irrégulière a déjà eu lieu, le ou les recours disponibles doivent permettre de fournir à l’intéressé un redressement approprié (Cour EDH, 2 octobre 2014, Delta Pekárny a.s. c. République tchèque, CE:ECHR:2014:1002JUD000009711, § 86 et § 87 ainsi que jurisprudence citée).

58      Ainsi, dès lors que le contrôle judiciaire a posteriori de l’inspection peut, sous certaines conditions, contrebalancer l’absence de contrôle judiciaire préalable et qu’un redressement approprié doit être fourni par « le ou les recours disponibles », il y a lieu de considérer qu’il convient, en principe, de tenir compte de l’ensemble des recours disponibles afin de déterminer si les exigences de l’article 47 de la Charte sont remplies.

59      Par ailleurs, les requérantes ayant invoqué, par la voie d’une exception, l’illégalité de l’article 20 du règlement no 1/2003, le Tribunal, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 51 de ses conclusions, était tenu pour se prononcer sur cette exception, de procéder à une appréciation globale du système de contrôle juridictionnel des mesures prises dans le cadre des inspections, dépassant les circonstances particulières de l’affaire en cause.

60      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que c’est à tort que les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en procédant à une analyse globale de l’ensemble des voies de droit disponibles pour contester le déroulement des inspections.

61      S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel le Tribunal ne pouvait pas mettre en balance les inconvénients d’un recours contre les mesures prises dans le cadre d’une inspection avec les avantages d’un recours en contestation de la légalité de la décision d’inspection, il suffit de relever, à l’instar de M. l’avocat général aux points 46 et 47 de ses conclusions, que cet argument procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué. Il ressort en effet des points 90 à 98 de cet arrêt que le Tribunal a examiné dans quelle mesure les différentes voies de recours à la disposition des requérantes, y inclus le recours contre la décision d’inspection, permettaient de porter devant un juge des griefs relatifs à la régularité du déroulement de l’inspection, et donc dans quelle mesure, malgré l’absence d’une seule et unique voie de recours, ce déroulement pouvait faire l’objet d’un contrôle juridictionnel effectif, conformément à la jurisprudence citée aux points 55 à 57 du présent arrêt.

62      Enfin, s’agissant de l’argumentation des requérantes selon laquelle, si le Tribunal avait procédé à un examen séparé des différentes voies de droit, il aurait dû, d’une part, écarter trois des six voies de recours qu’il a reconnues comme étant effectives, à savoir le recours contre la décision clôturant la procédure d’application de l’article 101 TFUE, le recours contre la décision d’inspection et, enfin, le recours en responsabilité extracontractuelle, et, d’autre part, estimer que toutes les autres voies de droit étaient partielles, il suffit de relever que cette argumentation doit être rejetée dès lors qu’elle est fondée sur la prémisse erronée selon laquelle le Tribunal ne pouvait pas procéder à une analyse globale de l’ensemble des voies de droit disponibles pour contester le déroulement des inspections.

63      Le premier grief de la seconde branche du premier moyen doit donc être rejeté.

64      S’agissant des deuxième et troisième griefs, tirés de ce que le Tribunal, en jugeant que des recours partiels et dont la disponibilité n’est pas claire sont effectifs, ferait peser sur le justiciable la charge de créer les conditions permettant d’engager ces recours, dont la certitude ne serait pas acquise, il suffit de relever, d’une part, que selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme rappelée au point 57 du présent arrêt, il n’est pas requis que l’ensemble des griefs pouvant être soulevés contre les mesures prises par l’autorité publique sur le fondement de la décision prescrivant la visite le soient dans le cadre d’une seule et même voie de recours et, d’autre part, ainsi que l’a relevé, en substance, M. l’avocat général au point 66 de ses conclusions, que l’absence de pratique judiciaire établie ne peut pas être décisive pour nier le caractère effectif d’une voie de recours.

65      Il s’ensuit que ces griefs ne sont pas fondés.

66      Il ressort de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit en ce qui concerne la régularité formelle des indices justifiant les inspections

 Argumentation des parties

67      Par le troisième moyen, les requérantes reprochent, en substance, au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit et d’avoir violé le règlement no 1/2003, d’une part, en jugeant, au point 193 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’est pas tenue de respecter les règles régissant ses pouvoirs d’enquête, en particulier, l’obligation d’enregistrement des entretiens, résultant des dispositions combinées de l’article 19 du règlement no 1/2003 et de l’article 3 du règlement no 773/2004, lorsqu’aucune enquête n’a encore été formellement ouverte, et, d’autre part, en refusant, au point 206 de l’arrêt attaqué, d’écarter les indices issus des entretiens avec les fournisseurs comme étant entachés d’une irrégularité formelle.

68      Elles soutiennent que le Tribunal a estimé, à tort, aux points 189, 192, 193, 196 et 198 de l’arrêt attaqué, que l’appréciation du caractère suffisamment sérieux des indices à la disposition de la Commission doit être effectué en prenant en compte la circonstance que la décision d’inspection s’inscrit dans le cadre de la phase d’instruction préliminaire, avant qu’aucune enquête, au sens du chapitre V du règlement no 1/2003, n’ait encore été formellement ouverte, justifiant ainsi que la Commission ne soit pas tenue de respecter certaines règles impératives de ce règlement, dont celles relatives à l’obligation d’enregistrer les entretiens desquels sont issus ces indices. Elles critiquent la distinction ainsi opérée par le Tribunal entre les mesures postérieures à l’ouverture formelle d’une enquête, qui seraient régies par le règlement no 1/2003, et celles, antérieures à cette ouverture, qui ne relèveraient pas de ce règlement.

69      Par la première branche du troisième moyen, les requérantes font valoir que cette distinction repose sur une lecture erronée de la jurisprudence citée au point 194 de l’arrêt attaqué. En effet, cette jurisprudence opérerait une distinction entre la phase d’instruction antérieure à la communication des griefs et la suite de la procédure administrative. En outre, cette jurisprudence définirait le point de départ non pas de l’enquête, mais de la période à prendre en considération pour déterminer si la durée de la procédure était raisonnable.

70      Par la deuxième branche du troisième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, au point 193 de l’arrêt attaqué, que le règlement no 1/2003 ne s’appliquait pas avant l’adoption d’une première décision d’inspection.

71      En effet, il résulterait du considérant 25 du règlement no 1/2003 et de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 773/2004 que le règlement no 1/2003 s’applique à tous les actes de la Commission pris pour l’application des articles 101 et 102 TFUE, dès le stade de la détection des pratiques concernées. Elles soulignent, à cet égard, que ce dernier règlement s’applique aux enquêtes sectorielles et aux déclarations de clémence, sans qu’aucune mesure impliquant le reproche d’avoir commis une infraction ait été adoptée par la Commission. Soustraire à l’application du règlement no 1/2003 les actes d’enquête effectués avant une décision d’inspection risquerait de priver les entreprises et les tiers de leurs droits procéduraux ainsi que de leur droit à un recours juridictionnel effectif contre une telle décision.

72      Par la troisième branche du troisième moyen, les requérantes contestent la distinction opérée par le Tribunal, au point 193 de l’arrêt attaqué, entre les preuves d’une infraction et les indices qui fondent une décision d’inspection, distinction selon laquelle les indices ne sauraient être soumis au même degré de formalisme que les preuves. Selon les requérantes, les indices et les preuves doivent être soumis au même formalisme et aux mêmes règles procédurales destinées à garantir l’authenticité, la loyauté et la crédibilité de la preuve.

73      La Commission conteste cette argumentation.

74      À titre liminaire, la Commission précise que l’ouverture de l’enquête diffère tant de l’ouverture d’un dossier que de l’ouverture de la procédure, au sens de l’article 2 du règlement no 773/2004. L’ouverture de l’enquête interviendrait dès le premier usage de ses pouvoirs d’enquête et l’adoption de mesures impliquant le reproche d’avoir commis une infraction et entraînant des répercussions importantes sur la situation des entités suspectées. L’ouverture du dossier serait un acte interne pris par le greffe de la direction générale de la concurrence de la Commission lorsqu’il attribue un numéro d’affaire, et dont la seule portée serait de sauvegarder des documents. L’ouverture de la procédure correspondrait à la date à laquelle la Commission adopte une décision au titre de l’article 2 du règlement no 773/2004, en vue de prendre une décision en application du chapitre III du règlement no 1/2003.

75      Cela étant rappelé, la Commission fait valoir, en premier lieu, qu’elle n’est pas tenue de respecter le formalisme des règlements no 1/2003 et no 773/2004 avant l’ouverture d’une enquête.

76      Premièrement, la Commission nie qu’une telle obligation découle de la jurisprudence et fait valoir que le Tribunal n’a pas dénaturé la jurisprudence citée au point 194 de l’arrêt attaqué. Le fait que cette jurisprudence concerne l’appréciation de la durée raisonnable de la procédure serait indifférent à cet égard.

77      Deuxièmement,  la Commission est de l’avis qu’il ne ressort pas des règlements no 1/2003 et no 773/2004 qu’elle est tenue de respecter le formalisme de ces règlements avant même d’avoir ouvert une enquête.

78      De surcroît, l’argument des requérantes, tiré de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 773/2004, résulterait d’une confusion entre l’ouverture de l’enquête et l’ouverture de la procédure qui auraient pourtant lieu à des moments différents et entraineraient des conséquences juridiques distinctes.

79      En outre, selon la Commission, seraient dénuées de pertinence les références faites par les requérantes tant au considérant 25 du règlement no 1/2003 qu’aux enquêtes sectorielles ou aux déclarations de clémence.

80      Troisièmement, les requérantes ne sauraient prétendre que permettre à la Commission de s’affranchir du formalisme des règlements no 1/2003 et no 773/2004 avant l’ouverture de l’enquête porterait atteinte à leur droit à un recours effectif permettant de contrôler, en droit et en fait, la légalité des décisions d’inspection. D’une part, cette affirmation serait contredite par le contrôle des indices effectué en l’espèce par le Tribunal, qui a conduit à l’annulation partielle des décisions litigieuses. D’autre part, même lorsqu’un témoignage oral n’a pas fait l’objet d’un enregistrement, le Tribunal disposerait de la possibilité d’auditionner des témoins, conformément à l’article 94 de son règlement de procédure.

81      L’application du formalisme des règlements no 1/2003 et no 773/2004 avant l’ouverture de l’enquête porterait préjudice à la mise en œuvre du droit de la concurrence par la Commission, en l’empêchant de recueillir et d’utiliser des indices reçus sous forme orale. Empêcher la Commission de recueillir des indices sous forme orale compromettrait l’efficacité des enquêtes en retardant la date des inspections.

82      En deuxième lieu, la Commission fait, tout d’abord, valoir que le but de l’inspection étant de recueillir les éléments nécessaires pour vérifier la réalité et la portée de l’infraction soupçonnée sur la base des indices en sa possession, les indices sont nécessairement soumis à un degré de formalisme moindre que les preuves et, en particulier, elle ne serait pas tenue d’enregistrer de tels indices au titre de l’article 19 du règlement no 1/2003 et de l’article 3 du règlement no 773/2004.

83      Ensuite, cette institution affirme que soumettre les indices à un degré de formalisme moindre que les preuves permet de concilier, d’une part, l’impératif de célérité qui guide l’adoption des décisions d’inspection et l’efficacité de l’enquête de la Commission et, d’autre part, la préservation des droits de la défense des entreprises concernées.

84      Enfin, l’authenticité d’une preuve ne serait pas un préalable nécessaire à sa crédibilité. La Cour aurait en effet rappelé aux points 65 à 69 de l’arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission (C‑99/17 P, EU:C:2018:773), que le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre appréciation des preuves, dont il découlerait que le seul critère pertinent pour apprécier la valeur probante des preuves régulièrement produites résiderait dans leur crédibilité. Par conséquent, la valeur probante d’une preuve devrait être évaluée de manière globale, de telle sorte qu’avancer de simples doutes non étayés quant à l’authenticité d’une preuve ne suffit pas pour compromettre sa crédibilité. Ces principes s’appliqueraient, à plus forte raison, aux indices, dont la valeur probante est, par définition, moindre.

 Appréciation de la Cour

85      Par le troisième moyen, pris en ses trois branches, les requérantes reprochent, en substance, au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit, au point 193 de l’arrêt attaqué, en considérant que la Commission n’est pas tenue de respecter l’obligation d’enregistrement des entretiens résultant des dispositions combinées de l’article 19 du règlement no 1/2003 et de l’article 3 du règlement no 773/2004 avant d’avoir ouvert formellement une enquête et fait usage des pouvoirs d’enquête qui lui sont conférés en particulier par les articles 18 à 20 du règlement no 1/2003.

86      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union requiert de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également du contexte dans lequel elle s’inscrit ainsi que des objectifs et de la finalité que poursuit l’acte dont elle fait partie (arrêt du 1er août 2022, HOLD Alapkezelő, C‑352/20, EU:C:2022:606, point 42 et jurisprudence citée).

87      En premier lieu, il ressort du libellé même de l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 que ce dernier a vocation à s’appliquer à tout entretien visant la collecte d’informations relatives à l’objet d’une enquête (arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 84).

88      L’article 3 du règlement no 773/2004, qui soumet les entretiens fondés sur l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 au respect de certaines formalités, n’apporte pas de précision concernant le champ d’application de cette dernière disposition.

89      Or, il importe de rappeler que la Cour a jugé que, en vertu de l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 et de l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 773/2003, il pèse sur la Commission une obligation d’enregistrer, sous la forme de son choix, tout entretien mené par elle, au titre de l’article 19 du règlement no 1/2003, aux fins de collecter des informations relatives à l’objet d’une enquête de sa part (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, points 90 et 91).

90      Il convient donc de préciser qu’il y a lieu d’opérer une distinction en fonction de l’objet des entretiens auxquels la Commission procède, seuls ceux visant à collecter des informations relatives à l’objet d’une enquête de la Commission relevant du champ d’application de l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 et, partant, de l’obligation d’enregistrement.

91      Cela étant précisé, aucun élément tiré du libellé de l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 ou de l’article 3 du règlement no 773/2004 ne permet d’inférer que l’application de cette obligation d’enregistrement dépend de la question de savoir si l’entretien mené par la Commission a eu lieu avant l’ouverture formelle d’une enquête, afin de collecter des indices d’une infraction, ou après, afin de collecter des preuves d’une infraction.

92      En effet, ces dispositions ne prévoient nullement que l’application de l’obligation d’enregistrement dépend de la question de savoir si les informations qui en constituent l’objet peuvent être qualifiées d’indices ou de preuves. Au contraire, en raison du caractère générique du terme « informations », figurant à l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, il convient de considérer que cette disposition s’applique indistinctement à chacune de ces catégories.

93      Certes, les notions d’« indices » et de « preuves » ne sauraient être confondues, un indice ne pouvant, par sa nature et à la différence d’une preuve, suffire à établir un fait donné.

94      Il n’en demeure pas moins que la qualification d’indice ou de preuve dépend non pas d’une étape spécifique de la procédure, mais de la valeur probante des informations concernées, des indices suffisamment sérieux et convergents, réunis en « faisceau », pouvant eux-mêmes prouver une infraction et être utilisés dans la décision finale de la Commission adoptée sur le fondement de l’article 101 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, EU:C:2010:389, point 47).

95      Dès lors, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 141 de ses conclusions, l’obligation d’enregistrement des entretiens ne peut dépendre de la qualification des informations recueillies d’indices ou de preuves, car la valeur probante de ces informations ne peut être appréciée par la Commission qu’à l’issue de ces entretiens, au cours des phases subséquentes de la procédure.

96      Par ailleurs, l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 et l’article 3 du règlement no 773/2004 ne prévoient pas non plus que l’application de l’obligation d’enregistrement dépend du stade de la procédure auquel les entretiens sont effectués. Certes, l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 prévoit que les entretiens fondés sur cette disposition sont ceux menés aux fins de la collecte d’informations relatives à l’objet d’une enquête, ce qui suppose qu’une enquête soit en cours. En revanche, il ne ressort pas de cette disposition que ces entretiens doivent avoir lieu après l’ouverture formelle d’une enquête, telle que définie par le Tribunal au point 193 de l’arrêt attaqué, comme étant le moment où la Commission adopte une mesure impliquant le reproche d’avoir commis une infraction.

97      En deuxième lieu, s’agissant du contexte de l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, il y a lieu de relever, d’une part, que cet article figure au chapitre V de ce règlement, relatif aux pouvoirs d’enquête de la Commission. Or, l’application des dispositions de ce chapitre n’est pas nécessairement subordonnée à l’adoption, par cette institution, d’une mesure impliquant le reproche d’avoir commis une infraction.

98      Ainsi, la Commission peut, conformément à l’article 17 dudit règlement, mener des enquêtes sectorielles, lesquelles ne nécessitent pas, au préalable, l’adoption de mesures de cette nature à l’égard d’entreprises.

99      Il convient, d’autre part, de relever que l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 773/2004, en vertu duquel « [l]a Commission peut exercer ses pouvoirs d’enquête en application du chapitre V du règlement [no 1/2003] avant d’ouvrir une procédure » conforte l’interprétation selon laquelle les dispositions relatives aux pouvoirs d’enquête de la Commission énumérés audit chapitre – y compris l’article 19 – peuvent trouver à s’appliquer avant qu’une enquête ait été formellement ouverte, contrairement à ce qui découle du point 193 de l’arrêt attaqué.

100    Il est vrai que, dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 182), ainsi que du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission (C‑105/04 P, EU:C:2006:592, point 38), cités au point 194 de l’arrêt attaqué, la Cour a identifié le point de départ de l’enquête préalable diligentée par la Commission, en matière de concurrence, comme étant la date à laquelle cette institution, faisant usage des pouvoirs que lui a conférés le législateur de l’Union, prend des mesures impliquant le reproche d’avoir commis une infraction et entraînant des répercussions importantes sur la situation des entreprises suspectées.

101    Cependant, les affaires à l’origine de ces arrêts concernaient la détermination du point de départ de la procédure administrative aux fins de vérifier le respect, par la Commission, du principe du délai raisonnable. Or, cette vérification nécessite d’examiner si cette institution a agi de manière diligente à partir de la date à laquelle elle a informé de l’existence d’une enquête l’entreprise suspectée d’avoir commis une infraction au droit de la concurrence de l’Union.

102    En revanche, cette date ne saurait être prise en considération afin de déterminer à partir de quand la Commission est tenue de respecter l’obligation d’enregistrement des entretiens résultant des dispositions combinées de l’article 19 du règlement no 1/2003 et de l’article 3 du règlement no 773/2004. En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 150 de ses conclusions, une entreprise peut être visée par les déclarations de tiers recueillies au cours de tels entretiens, sans en avoir connaissance. Dès lors, la prise en considération de ladite date reviendrait à reporter l’application de l’obligation d’enregistrement et des garanties procédurales qui s’y attachent, prévues à ces dispositions au bénéfice des tiers interrogés et de l’entreprise soupçonnée, jusqu’à ce que la Commission adopte une mesure informant cette entreprise de l’existence de soupçons à son égard. En raison de ce report, les entretiens avec les tiers réalisés antérieurement à une telle mesure seraient soustraits du champ d’application de l’obligation d’enregistrement des entretiens et des garanties procédurales qui leurs sont applicables.

103    En troisième et dernier lieu, s’agissant de la finalité du règlement no 1/2003, il ressort du considérant 25 de ce règlement que la détection des infractions aux règles de concurrence devenant de plus en plus difficile, l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 vise à compléter les pouvoirs d’enquête de la Commission en permettant, notamment, à cette dernière d’interroger toute personne susceptible de disposer d’informations utiles et d’enregistrer ses déclarations (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 85). Or, l’expression « détection des infractions », figurant audit considérant, conforte l’interprétation selon laquelle les entretiens menés par la Commission, à un stade préliminaire, afin de récolter des indices relatifs à l’objet d’une enquête relèvent également de l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 1/2003.

104    Par ailleurs, il importe de préciser que, en vertu de l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 773/2004, la Commission a la possibilité d’enregistrer les entretiens sous toute forme. La Commission ne saurait donc valablement soutenir que le fait de lui imposer une obligation d’enregistrement l’empêcherait de recueillir et d’utiliser des indices lorsque ceux-ci ne peuvent revêtir qu’une forme orale et compromettrait l’efficacité des enquêtes en retardant la date de l’inspection. De même, la Commission ne saurait soutenir qu’une telle obligation a un effet dissuasif, dès lors qu’elle a la possibilité de protéger l’identité des personnes interrogées.

105    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, au point 193 de l’arrêt attaqué, qu’il convenait d’exclure du champ d’application du règlement no 1/2003 les entretiens au cours desquels ont été collectés des indices ayant ensuite servi de fondement à une décision ordonnant l’inspection d’une entreprise, au motif qu’aucune enquête au sens du chapitre V de ce règlement n’était alors ouverte, la Commission n’ayant pas adopté de mesure impliquant, à l’égard de cette entreprise, le reproche d’avoir commis une infraction. Afin de déterminer si ces entretiens relevaient de ce champ d’application, le Tribunal aurait dû examiner si ceux-ci visaient à collecter des informations relatives à l’objet d’une enquête, en tenant compte de leur teneur et de leur contexte.

106    En l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 205 et 206 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que les indices issus des entretiens avec les fournisseurs ne sauraient être écartés comme entachés d’une irrégularité formelle au motif du non-respect de l’obligation d’enregistrement prévue à l’article 19 du règlement no 1/2003 et à l’article 3 du règlement no 773/2004, notamment, parce que ces entretiens se sont tenus avant l’ouverture d’une enquête au titre du règlement no 1/2003 et qu’ils n’impliquaient pas, à l’égard des requérantes et a fortiori à l’égard des fournisseurs, un quelconque reproche d’avoir commis une infraction.

107    Or, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 155 de ses conclusions, il suffit d’indiquer, à cet égard, que, lorsque la Commission procède à des entretiens, dont l’objet est défini à l’avance et dont le but est ouvertement celui d’obtenir des informations sur le fonctionnement d’un marché donné et sur le comportement des acteurs de ce marché en vue de détecter d’éventuels comportements infractionnels ou de consolider ses soupçons quant à l’existence de tels comportements, la Commission exerce son pouvoir de recueillir des déclarations au titre de l’article 19 du règlement no 1/2003.

108    Par conséquent, les entretiens avec les fournisseurs relevaient du champ d’application de l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 et la Commission était tenue de procéder à un enregistrement de ces déclarations conformément à l’article 3 du règlement no 773/2004.

109    Il s’ensuit que le Tribunal a commis une erreur de droit, en estimant, au point 206 de l’arrêt attaqué, que l’obligation d’enregistrement, prévue à l’article 19 du règlement no 1/2003 et à l’article 3 du règlement no 773/2004, ne s’appliquait pas aux entretiens avec les fournisseurs et que les indices issus de ces entretiens n’étaient pas entachés d’une irrégularité formelle.

110    Il ressort de tout ce qui précède que les trois branches du troisième moyen sont fondées et que, par conséquent, il y a lieu d’accueillir le pourvoi et d’annuler le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué en ce que le Tribunal a rejeté pour le surplus le recours contre les décisions litigieuses, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi. Par suite, il y a également lieu d’annuler le point 3, relatif aux dépens, du dispositif de l’arrêt attaqué.

 Sur le recours devant le Tribunal

111    Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

112    Tel est le cas en l’espèce.

113    Il y a donc lieu d’examiner le grief, soulevé par les requérantes devant le Tribunal dans le cadre de leur moyen relatif à la violation du droit à l’inviolabilité du domicile, tiré, en substance, de ce que les indices issus des entretiens avec les fournisseurs doivent être écartés en raison du non-respect, de la part de la Commission, de l’article 19 du règlement no 1/2003 et de l’article 3 du règlement no 773/2004.

114    À l’appui de ce grief, les requérantes soutiennent que les comptes rendus des entretiens avec les fournisseurs n’étaient pas des enregistrements conformes à ces dispositions, dès lors, notamment, qu’ils n’avaient pas été soumis à l’approbation des personnes interrogées.

115    La Commission rétorque avoir satisfait à son obligation d’enregistrement en ayant rédigé des comptes rendus exhaustifs reflétant fidèlement le contenu des déclarations des fournisseurs et en les versant au dossier, sous un numéro d’identification officiel. Ce type de compte rendu constituerait l’une des formes d’enregistrement, à laquelle l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 773/2004 permet à la Commission de recourir, au même titre qu’un enregistrement audio ou audiovisuel ou qu’une retranscription verbatim.

116    À cet égard, il convient de relever que l’article 3, paragraphe 3, première phrase, du règlement no 773/2004, qui précise que la Commission « peut enregistrer sous toute forme les déclarations faites par les personnes interrogées », implique que, si la Commission décide, avec le consentement de la personne interrogée, de procéder à un entretien sur le fondement de l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, elle est tenue d’enregistrer cet entretien dans son intégralité, sans préjudice du choix laissé à la Commission sur la forme de cet enregistrement (arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 90).

117    En outre, il ressort de l’article 3, paragraphe 3, deuxième et troisième phrases, du règlement no 773/2004 que la Commission doit mettre à disposition de la personne interrogée pour approbation une copie de l’enregistrement et qu’elle fixe, au besoin, un délai durant lequel cette personne peut communiquer toute correction à apporter à la déclaration.

118    En l’espèce, la Commission n’a ni allégué ni a fortiori prouvé qu’elle avait mis à la disposition des fournisseurs pour approbation les comptes rendus qu’elle avait rédigés.

119    Or, l’obligation faite à la Commission de mettre à disposition de la personne interrogée pour approbation une copie de l’enregistrement, prévue à l’article 19 du règlement no 1/2003, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 773/2004, vise, en particulier, à assurer l’authenticité des déclarations faites par la personne interrogée, en garantissant que ces déclarations doivent effectivement lui être attribuées et que leur contenu reflète fidèlement et dans son intégralité lesdites déclarations et non l’interprétation qui en est faite par la Commission.

120    Dès lors, un indice, tiré d’une déclaration recueillie par la Commission, sans que cette exigence, imposée par l’article 19 du règlement no 1/2003, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 773/2004, soit respectée, doit être considéré comme étant irrecevable et être, par conséquent, écarté.

121    Ainsi, ces comptes rendus, de nature purement interne, ne sauraient être considérés comme remplissant les exigences de l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 773/2004 qui s’applique aux entretiens qui tombent dans le champ d’application de l’article 19 du règlement no 1/2003.

122    Ce constat ne saurait être infirmé par les points 65 à 69 de l’arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission (C‑99/17 P, EU:C:2018:773).

123    Certes, la Cour a jugé que le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre appréciation des preuves, dont il découle que le seul critère pertinent pour apprécier la valeur probante des preuves régulièrement produites résiderait dans leur crédibilité et que, par conséquent, la valeur probante d’une preuve devrait être évaluée de manière globale, de telle sorte qu’avancer de simples doutes non étayés quant à l’authenticité d’une preuve ne suffit pas pour compromettre sa crédibilité (arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, points 65 à 69).

124    Cependant, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, la preuve dont l’authenticité était remise en cause était un courriel interne à une entreprise et non l’enregistrement d’une déclaration recueillie par la Commission entachée d’une violation de l’article 19 du règlement no 1/2003, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 773/2004.

125    Ainsi, le principe de la libre appréciation des preuves ne peut être invoqué pour échapper aux règles de formes applicables à l’enregistrement des déclarations recueillies par la Commission au titre de l’article 19 du règlement no 1/2003. À cet égard, il convient de relever que le constat d’une irrégularité dans la collecte d’indices, au regard de l’article 19 du règlement no 1/2003, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 773/2004, réside dans l’impossibilité pour la Commission d’utiliser ces indices dans la suite de la procédure (voir, par analogie, arrêt du 18 juin 2015, Deutsche Bahn e.a./Commission, C‑583/13 P, EU:C:2015:404, point 45 ainsi que jurisprudence citée).

126    En l’espèce, dès lors que, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 208 de ses conclusions, les informations issues des entretiens avec les fournisseurs constituaient l’essentiel des indices sur lesquels reposent les décisions litigieuses et qu’elles sont entachées d’une irrégularité formelle au motif du non-respect de l’obligation d’enregistrement prévue à l’article 3 du règlement no 773/2004, il y a lieu de conclure que la Commission ne détenait pas, à la date d’adoption des décisions litigieuses, d’indices suffisamment sérieux qu’elle était en droit d’utiliser et qui justifiaient les présomptions énoncées à l’article 1er, sous a), de ces décisions. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’annuler lesdites décisions dans leur intégralité.

 Sur les dépens

127    Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

128    L’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant conclu à la condamnation de la Commission aux dépens et celle-ci ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par les requérantes dans le cadre du présent pourvoi. Par ailleurs, les décisions litigieuses étant annulées, la Commission est condamnée à supporter l’entièreté des dépens exposés par les requérantes dans le cadre de la procédure de première instance.

129    En vertu de l’article 184, paragraphe 4, du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’elle n’a pas, elle-même formé le pourvoi, une partie intervenante en première instance ne peut être condamnée aux dépens dans la procédure de pourvoi que si elle a participé à la phase écrite ou orale de la procédure devant la Cour. Lorsqu’une telle partie participe à la procédure, la Cour peut décider qu’elle supporte ses propres dépens. Le Conseil, partie intervenante en première instance, ayant participé à la phase écrite et à la phase orale de la procédure devant la Cour, il y a lieu de décider qu’il supportera ses propres dépens afférents tant à la procédure de pourvoi qu’à la procédure de première instance.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :

1)      Le point 2 du dispositif de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 5 octobre 2020, Les Mousquetaires et ITM Entreprises/Commission (T255/17, EU:T:2020:460) est annulé en ce qu’il a rejeté pour le surplus le recours des requérantes contre la décision C(2017) 1057 final de la Commission, du 9 février 2017, ordonnant à Intermarché ainsi qu’à toutes les sociétés directement ou indirectement contrôlées par elle de se soumettre à une inspection conformément à l’article 20, paragraphes 1 et 4, du règlement no 1/2003 du Conseil (AT.40466 – Tute 1) et la décision C(2017) 1361 final de la Commission, du 21 février 2017, ordonnant à Les Mousquetaires ainsi qu’à toutes les sociétés directement ou indirectement contrôlées par elle de se soumettre à une inspection conformément à l’article 20, paragraphes 1 et 4, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil (AT.40466 – Tute 1).

2)      Le point 3 du dispositif de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 5 octobre 2020, Les Mousquetaires et ITM Entreprises/Commission (T255/17, EU:T:2020:460), est annulé en tant qu’il a statué sur les dépens.

3)      La décision C(2017) 1057 final de la Commission, du 9 février 2017, ordonnant à Intermarché ainsi qu’à toutes les sociétés directement ou indirectement contrôlées par elle de se soumettre à une inspection conformément à l’article 20, paragraphes 1 et 4, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil (AT.40466 – Tute 1), et la décision C(2017) 1361 final de la Commission, du 21 février 2017, ordonnant à Les Mousquetaires ainsi qu’à toutes les sociétés directement ou indirectement contrôlées par elle de se soumettre à une inspection conformément à l’article 20, paragraphes 1 et 4, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil (AT.40466 – Tute 1), sont annulées.

4)      La Commission européenne est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par Les Mousquetaires SAS et par ITM Entreprises SAS, afférents tant à la procédure de première instance qu’à la procédure de pourvoi.

5)      Le Conseil de l’Union européenne supporte ses propres dépens afférents tant à la procédure de première instance qu’à la procédure de pourvoi.

Arabadjiev

Bay Larsen

Xuereb

Kumin

 

Ziemele

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 mars 2023.

Le greffier

 

Le président de chambre

A. Calot Escobar

 

A. Arabadjiev


*      Langue de procédure : le français.

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