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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Spain v Commission (EAGF and EAFRD – Expenditure excluded from financing – Expenditure effected by Spain – Voluntary coupled support in the animal sector - Judgment) French Text [2023] EUECJ T-450/21 (20 September 2023) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2023/T45021.html Cite as: ECLI:EU:T:2023:571, [2023] EUECJ T-450/21, EU:T:2023:571 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
20 septembre 2023 (*)
« FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Dépenses effectuées par l’Espagne – Soutien couplé facultatif dans le secteur animal – Traitement des notifications tardives – Régularisations – Conditions d’admissibilité – Article 53, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement délégué (UE) no 639/2014 – Sanctions administratives – Article 31 du règlement délégué (UE) no 640/2014 – Proportionnalité – Principe de non‑discrimination – Qualité suffisante des contrôles sur place – Article 34, paragraphes 3 à 5, du règlement d’exécution (UE) no 809/2014 »
Dans l’affaire T‑450/21,
Royaume d’Espagne, représenté par M. I. Herranz Elizalde, en qualité d’agent,
partie requérante,
soutenu par
République française, représentée par MM. J.-L. Carré et G. Bain, en qualité d’agents,
partie intervenante,
contre
Commission européenne, représentée par Mme J. Aquilina, M. A. Sauka et Mme F. Castilla Contreras, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (première chambre),
composé de MM. D. Spielmann, président, V. Valančius (rapporteur) et T. Tóth, juges,
greffier : Mme P. Núñez Ruiz, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 28 mars 2023,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le Royaume d’Espagne demande l’annulation de la décision d’exécution (UE) 2021/988 de la Commission, du 16 juin 2021, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2021, L 218, p. 9, ci‑après la « décision attaquée »), en tant qu’elle concerne certaines dépenses qu’il a effectuées.
Antécédents du litige
2 Par la décision attaquée, la Commission européenne a, sur le fondement de l’article 52 du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1290/2005 et (CE) no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549), appliqué une correction financière d’un montant net de 5 010 303,63 euros, au titre du soutien couplé facultatif, pour les exercices financiers 2017 et 2018 afférents aux années de demande 2016 et 2017.
Sur le début de la procédure administrative
3 La décision attaquée a été adoptée au terme d’une procédure administrative qui a débuté, dans le cadre de l’enquête NAC/2018/004/ES, relative à la vérification de la conformité de certaines dépenses effectuées par le Royaume d’Espagne au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) (ci-après l’« enquête »), par un contrôle effectué par les services de la direction générale (DG) « Agriculture et développement rural » de la Commission, du 19 au 23 mars 2018, afin de vérifier le respect des règles de l’Union européenne en matière de gestion et de contrôle des mesures de soutien couplé dans le secteur bovin, visés à l’article 52 du règlement (UE) no 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) no 637/2008 du Conseil et le règlement (CE) no 73/2009 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 608), pour les années de demande 2016 et 2017.
4 Par courrier, portant la référence Ares (2018) 3895289, du 23 juillet 2018, la DG « Agriculture et développement rural » a communiqué aux autorités espagnoles les résultats de l’enquête, en demandant des informations ainsi que des éclaircissements complémentaires et a invité les autorités espagnoles à participer à une réunion bilatérale.
5 Dans ledit courrier, la DG « Agriculture et développement rural » a fait état de l’existence de lacunes constatées dans le cadre de trois contrôles clés, relatifs, premièrement, à l’exactitude du calcul de l’aide, y compris concernant l’application de sanctions administratives, deuxièmement, à la qualité des contrôles sur place et, troisièmement, au nombre requis de contrôles.
6 Les autorités espagnoles ont répondu à la DG « Agriculture et développement rural » par courrier du 23 octobre 2018.
7 Dans ledit courrier, les autorités espagnoles ont contesté l’existence de lacunes constatées à l’issue de l’enquête.
8 Par courrier, portant la référence Ares (2019) 710404, du 7 février 2019, la DG « Agriculture et développement rural » a convié les autorités espagnoles à une réunion bilatérale.
9 Dans ledit courrier, d’une part, la DG « Agriculture et développement rural » a, notamment, précisé que, après avoir examiné la réponse des autorités espagnoles, elle demeurait d’avis que le régime de soutien couplé facultatif dans le secteur animal en Espagne n’avait pas été mis en œuvre conformément au droit de l’Union et a rejeté les arguments des autorités espagnoles.
10 D’autre part, sur la base des informations disponibles et conformément à la communication de la Commission C(2015) 3675 final, du 8 juin 2015, intitulée « Lignes directrices relatives au calcul des corrections financières dans le cadre des procédures d’apurement de conformité et d’apurement des comptes », la DG « Agriculture et développement rural » a indiqué qu’elle envisageait d’exclure certaines dépenses du financement de l’Union.
11 Par courrier, portant la référence Ares (2019) 1329861, du 27 février 2019, les autorités espagnoles ont répondu à la DG « Agriculture et développement rural ».
12 Par courrier, portant la référence Ares (2019) 2626708, du 15 avril 2019, la DG « Agriculture et développement rural » a établi le procès-verbal de la réunion bilatérale qui avait eu lieu le 12 mars 2019, en invitant les autorités espagnoles à lui fournir des informations complémentaires, tout en maintenant, en substance, ses appréciations quant à l’existence de lacunes relatives à l’exactitude du calcul de l’aide, y compris concernant l’application de sanctions administratives, quant à la suffisance de la qualité des contrôles sur place et quant à leur quantité.
13 Les autorités espagnoles y ont répondu par courriers des 14 juin, 17 juin et 18 juillet 2019.
Sur la procédure de conciliation
14 Par courrier, portant la référence Ares (2020) 5500328, du 29 janvier 2020, la DG « Agriculture et développement rural » a, en application de l’article 34, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement d’exécution (UE) no 908/2014 de la Commission, du 6 août 2014, portant modalités d’application du règlement no 1306/2013 en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les règles relatives aux contrôles, les garanties et la transparence (JO 2014, L 255, p. 59), fait formellement savoir aux autorités espagnoles que, à la suite de la réunion bilatérale du 12 mars 2019 et après avoir pris acte du complément d’information transmis par les autorités espagnoles à la suite de ladite réunion, elle restait d’avis que, pour les années de demande 2016 et 2017, la mise en œuvre en Espagne du régime de soutien couplé facultatif n’était pas conforme au droit de l’Union et que, par conséquent, elle proposait d’exclure du financement de l’Union un montant net de 5 010 303,63 euros, en en précisant les motifs en annexe audit courrier (ci-après la « lettre de conciliation »).
15 En date du 11 mars 2020, en réponse à la lettre de conciliation, les autorités espagnoles ont, en application de l’article 40, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 908/2014, demandé à la DG « Agriculture et développement rural » la mise en œuvre de la procédure de conciliation concernant les lacunes constatées.
16 L’organe de conciliation de la DG « Agriculture et développement rural » a adopté son rapport le 14 juillet 2020 (ci-après le « rapport de l’organe de conciliation »).
17 Dans le cadre de son appréciation, l’organe de conciliation a notamment considéré ce qui suit :
« Sur la base des éléments du dossier et de l’audition des services [de la DG “Agriculture et développement rural”] et des autorités [espagnoles], l’organe conclut qu’une conciliation n’a pas été possible.
L’organe considère que le nœud du problème réside dans la divergence d’opinions des deux parties concernant l’application de la législation de l’Union, c’est-à-dire, principalement, la question de savoir si l’article 31 du règlement délégué (UE) no 640/2014 est impérativement applicable dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 53, paragraphe 4, du règlement délégué (UE) no 639/2014. Quand bien même l’organe ne saurait prendre position sur cette question juridique, il pourrait toutefois être soutenu que l’article 53 ne dispose pas expressément que l’article 31 s’applique, mais, de même, que l’article 53 ne prévoit pas non plus que l’article 31 ne s’applique pas.
[…] »
Sur la position finale de la DG « Agriculture et développement rural » et sur la décision attaquée
18 Par courrier du 8 janvier 2021, portant la référence NAC/2018/004/ES/FIL Ares (2021) 156885, la DG « Agriculture et développement rural » a communiqué aux autorités espagnoles sa position finale à la suite du rapport de l’organe de conciliation (ci-après la « lettre finale »).
19 Dans la lettre finale, la DG « Agriculture et développement rural » a maintenu sa position, telle qu’énoncée dans la lettre de conciliation, en la complétant au regard des appréciations portées dans le rapport de l’organe de conciliation, reproduites au point 17 ci-dessus.
20 Par la décision attaquée, la Commission a, sur le fondement de l’article 52 du règlement no 1306/2013, appliqué une correction financière d’un montant net de 5 010 303,63 euros pour les exercices financiers 2017 et 2018 afférents aux années de demande 2016 et 2017.
21 Les motifs de la correction financière appliquée par la Commission ont été résumés dans le rapport de synthèse faisant état des résultats des contrôles menés par la Commission dans le cadre de l’apurement de conformité, sur le fondement de l’article 52 du règlement no 1306/2013 (ci-après le « rapport de synthèse »).
Conclusions des parties
22 Le Royaume d’Espagne, soutenu par la République française, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée en tant qu’elle concerne certaines dépenses qu’il a effectuées ;
– condamner la Commission aux dépens.
23 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.
En droit
24 Le Royaume d’Espagne conteste la décision attaquée en ce qu’il lui est ordonné le paiement de la somme correspondant à la correction financière indiquée au point 2 ci-dessus.
25 À titre liminaire, d’une part, il y a lieu de rappeler que le FEAGA et le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) ne financent que les interventions effectuées conformément aux dispositions du droit de l’Union dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (voir arrêt du 4 septembre 2015, Royaume-Uni/Commission, T‑503/12, EU:T:2015:597, point 52 et jurisprudence citée).
26 D’autre part, s’il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles de l’Union, une fois cette violation établie, il revient à l’État membre de démontrer, le cas échéant, que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à en tirer (voir arrêt du 4 septembre 2015, Royaume-Uni/Commission, T‑503/12, EU:T:2015:597, point 53 et jurisprudence citée).
27 En l’espèce, le Royaume d’Espagne ne conteste, ainsi qu’il l’a confirmé en réponse à une question posée par le Tribunal au titre des mesures d’organisation de la procédure, que les appréciations de la Commission dans la décision attaquée quant aux lacunes établies dans le cadre des premier et deuxième contrôles clés et les corrections financières afférentes, à savoir celles relatives à l’exactitude du calcul de l’aide, y compris concernant les sanctions administratives, et aux lacunes dans la réalisation de contrôles sur place présentant une qualité suffisante. Dès lors, il n’y a pas lieu de statuer sur la légalité de la décision attaquée en ce qui concerne les lacunes ayant trait à l’exécution du nombre requis de contrôles.
28 Au soutien de son recours, le Royaume d’Espagne invoque deux moyens, qu’il rattache, d’une part, aux contrôles de l’exactitude du calcul de l’aide, y compris l’application de sanctions administratives, et, d’autre part, à la réalisation de contrôles sur place présentant une qualité suffisante.
Sur le premier moyen, relatif aux contrôles de l’exactitude du calcul de l’aide, y compris l’application de sanctions administratives
29 Au soutien de ce moyen, qui se subdivise, en substance, en quatre branches, le Royaume d’Espagne fait, en substance, grief à la Commission d’avoir violé l’article 53, paragraphe 4, du règlement délégué (UE) no 639/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement n° 1307/2013 et modifiant l’annexe X dudit règlement (JO 2014, L 181, p. 1), tel que modifié par le règlement délégué (UE) 2015/1383 de la Commission, du 28 mai 2015 (JO 2015, L 214, p. 1), ainsi que les principes de proportionnalité et de non-discrimination.
Sur la première branche, relative à l’imposition de sanctions administratives pour manquement aux exigences en matière d’identification et d’enregistrement d’animaux avant la date fixée par un État membre
30 Au soutien de cette branche, le Royaume d’Espagne, soutenu par la République française, conteste les affirmations de la Commission, laquelle prétend que les manquements à l’article 53, paragraphe 4, du règlement délégué no 639/2014 doivent être considérés comme des cas de non-conformité, au sens de l’article 31 du règlement délégué (UE) no 640/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement n° 1306/2013 en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les conditions relatives au refus ou au retrait des paiements et les sanctions administratives applicables aux paiements directs, le soutien au développement rural et la conditionnalité (JO 2014, L 181, p. 48), en raison desquels des sanctions administratives doivent être appliquées.
31 À cet effet, le Royaume d’Espagne rappelle l’évolution du cadre juridique quant aux animaux qualifiés d’irréguliers et à leur prise en compte aux fins du calcul des sanctions administratives. Il souligne que l’origine historique de la modification réglementaire qui a permis d’éviter qu’un animal ne soit pas considéré comme définitivement irrégulier réside dans l’arrêt du 24 mai 2007, Maatschap Schonewille‑Prins (C‑45/05, EU:C:2007:296). En vertu de cet arrêt, un animal pour lequel des manquements relatifs à l’identification et à l’enregistrement avaient été détectés était considéré comme définitivement irrégulier. Ledit arrêt aurait amené la Commission à ajouter un nouvel alinéa à l’article 138 du règlement (CE) no 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) n° 2019/93, (CE) n° 1452/2001, (CE) n° 1453/2001, (CE) n° 1454/2001, (CE) n° 1868/94, (CE) n° 1251/1999, (CE) n° 1254/1999, (CE) n° 1673/2000, (CEE) n° 2358/71 et (CE) n° 2529/2001 (JO 2003, L 270, p. 1), qui permet aux animaux d’être réputés admissibles au bénéfice des paiements lorsque les informations pertinentes ont été communiquées à l’autorité compétente le premier jour de la période de rétention de l’animal.
32 Il rappelle également que, en vue de garantir la proportionnalité et sans préjudice d’autres conditions d’admissibilité applicables fixées par l’État membre, les animaux des espèces bovine, ovine et caprine doivent être considérés comme admissibles dans la mesure où les exigences en matière d’identification et d’enregistrement ont été satisfaites avant une date déterminée. Ainsi, l’article 53, paragraphe 4, du règlement délégué no 639/2014 a été complété par l’ajout d’un deuxième alinéa par le règlement délégué (UE) 2015/1383 de la Commission, du 28 mai 2015, modifiant le règlement délégué n° 639/2014 en ce qui concerne les conditions d'admissibilité liées aux exigences d’identification et d’enregistrement des animaux aux fins du soutien couplé prévu par le règlement n° 1307/2013 (JO 2015, L 214, p. 1).
33 Conformément à la modification introduite à l’article 53, paragraphe 4, du règlement délégué no 639/2014, le Royaume d’Espagne a communiqué à la Commission les dates à prendre en compte aux fins de la gestion des soutiens couplés facultatifs à l’élevage, à savoir le 1er janvier de l’année de demande de soutien s’agissant des soutiens couplés aux vaches allaitantes et aux bovins à lait et le premier jour de la période de rétention flottante s’agissant des soutiens aux bovins d’alimentation.
34 Selon le Royaume d’Espagne, à la suite de la modification de l’article 53, paragraphe 4, du règlement délégué no 639/2014, il n’y a pas lieu d’appliquer des sanctions administratives aux animaux pour cause d’absence d’identification et d’enregistrement avant la date communiquée par l’État membre, dans la mesure où il serait absurde et disproportionné de permettre aux animaux d’être admissibles au bénéfice des soutiens s’ils remplissent les conditions d’admissibilité avant cette date et en même temps de sanctionner le bénéficiaire pour cette raison.
35 Le Royaume d’Espagne souligne que c’est la modification postérieure de l’article 31, paragraphe 3, du règlement délégué no 640/2014 par le règlement délégué (UE) 2016/1393 de la Commission, du 4 mai 2016, modifiant le règlement délégué n° 640/2014 (JO 2016, L 225, p. 41), qui a introduit cette référence à l’article 53, paragraphe 4, du règlement délégué no 639/2014.
36 Selon le Royaume d’Espagne, il ressort d’une interprétation littérale, systémique et téléologique de l’article 31, paragraphe 3, du règlement délégué no 640/2014 que ses dispositions ne peuvent pas mener à l’imposition de sanctions administratives avant la date fixée par l’État membre conformément à l’article 53, paragraphe 4, du règlement délégué no 639/2014.
37 Le Royaume d’Espagne considère donc que l’interprétation de la Commission est manifestement disproportionnée dans la mesure où le désavantage occasionné, qui consiste à priver de contenu effectif l’article 53, paragraphe 4, du règlement délégué no 639/2014, va au-delà de ce qui est nécessaire au regard des objectifs poursuivis, à savoir dissuader les bénéficiaires de commettre des infractions.
38 D’une part, le Royaume d’Espagne ajoute que, contrairement à ce que soutient la Commission, la réglementation en cause ne fournit pas en soi une réponse claire à la question de savoir quand les animaux non identifiés ou enregistrés correctement doivent être pris en compte aux fins des sanctions et que, pour répondre à cette question, il ne saurait être ignoré que, conformément au considérant 27 du règlement délégué no 640/2014, les sanctions administratives applicables aux régimes d’aide liée aux animaux et aux mesures de soutien lié aux animaux doivent être définies conformément aux principes de dissuasion et de proportionnalité et que, pour ce qui est des critères d’admissibilité, il importe qu’elles tiennent compte des particularités des différents régimes d’aide ou mesures de soutien.
39 D’autre part, si le Royaume d’Espagne reconnaît l’importance des systèmes d’identification et d’enregistrement des animaux et la nécessité d’un régime de sanctions, il considère que, si la modification de l’article 53, paragraphe 4, du règlement délégué no 639/2014 visait à empêcher qu’un animal qui ne respecte pas les exigences en matière d’identification et d’enregistrement soit exclu du droit au soutien couplé facultatif, cette modification est, en pratique, privée d’effet utile par l’interprétation que la Commission fait du régime de sanctions.
40 Il soutient que l’argument de la Commission selon lequel le manquement n’est pris en compte que pour l’année pour laquelle la sanction administrative est imposée, et non pour les années futures pour lesquelles une demande d’aide serait présentée, est inapplicable dans le cas de l’aide à l’alimentation des veaux, visé dans le recours dans la présente affaire, puisque l’animal doit être abattu pour être admissible au bénéfice du soutien et n’est donc admissible, de toute évidence, qu’une seule fois.
41 La République française soutient les arguments du Royaume d’Espagne.
42 La Commission conteste cette argumentation.
43 À cet égard, il convient de relever que, dans le cadre de la première branche de son argumentation relative aux contrôles de l’exactitude de l’aide, y compris l’application de sanctions administratives, le Royaume d’Espagne invoque, en substance, une violation de l’article 53, paragraphe 4, du règlement délégué no 639/2014 et de l’article 31, paragraphe 3, du règlement délégué no 640/2014 ainsi que du principe de proportionnalité, en ce que la correction financière opérée dans la décision attaquée repose sur l’imposition inappropriée de sanctions administratives pour manquement aux exigences en matière d’identification et d’enregistrement d’animaux avant la date fixée par un État membre.
44 Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, dans sa version initiale, non applicable au litige, l’article 53, intitulé « Conditions d’octroi du soutien », du règlement délégué no 639/2014 disposait, en son paragraphe 4 :
« Lorsque la mesure de soutien couplé concerne des bovins […], les États membres définissent, comme condition d’admissibilité au bénéfice du soutien, les exigences en matière d’identification et d’enregistrement des animaux prévues respectivement par le règlement […] no 1760/2000 […] »
45 Les considérants 2 à 5 du règlement délégué no 2015/1383, applicable au litige, dont l’article 1er a modifié l’article 53, paragraphe 4, du règlement délégué no 639/2014, énoncent :
« (2) Conformément à l’article 53, paragraphe 4, du règlement délégué [n°] 639/2014 […] lorsque la mesure de soutien couplé concerne des bovins […], les États membres doivent définir comme condition d’admissibilité au bénéfice du soutien les exigences en matière d’identification et d’enregistrement des animaux prévues respectivement par le règlement [n°] 1760/2000 […] En conséquence, dès le moment où les exigences en matière d’identification et d’enregistrement des animaux ne sont pas respectées, les animaux concernés cessent définitivement d’être admissibles au bénéfice du soutien couplé volontaire, même si les lacunes en question sont corrigées par la suite.
(3) Afin de remédier à cette situation, l’article 117 du règlement (CE) no 73/2009 du Conseil prévoyait que, dans le cas des paiements pour la viande bovine, un animal était réputé admissible au bénéfice du paiement lorsque les informations requises étaient communiquées à l’autorité compétente le premier jour de la période de rétention de l’animal concerné.
(4) Compte tenu du fait que les paiements pour la viande bovine ont été supprimés et que la période de rétention n’est plus une condition d’admissibilité au bénéfice du soutien couplé facultatif, l’article 53, paragraphe 4, du règlement délégué [n°] 639/2014 ne contient pas de disposition similaire.
(5) Afin de garantir le respect du principe de proportionnalité et sans préjudice d’autres conditions d’admissibilité applicables fixées par les États membres, il convient cependant de considérer les bovins comme admissibles au bénéfice du soutien dès lors que les exigences d’identification et d’enregistrement sont remplies à une certaine date […] »
46 Ainsi, l’article 1er du règlement délégué no 2015/1383 a modifié l’article 53, paragraphe 4, du règlement délégué no 639/2014, en introduisant un second alinéa, applicable en l’espèce, lequel dispose ce qui suit :
« Toutefois, sans préjudice d’autres conditions d’admissibilité, un animal est également réputé admissible au bénéfice du soutien lorsque les exigences en matière d’identification et d’enregistrement visées au premier alinéa sont remplies à une date fixée par l’État membre, laquelle n’est pas postérieure :
a) au premier jour de la période de rétention de l’animal concerné, lorsqu’une période de rétention est appliquée ;
b) à une date choisie sur la base de critères objectifs et compatible avec la mesure correspondante notifiée conformément à l’annexe I, lorsque aucune période de rétention n’est appliquée. »
47 L’article 31 du règlement délégué no 640/2014, intitulé « Sanctions administratives en ce qui concerne les animaux relevant des régimes d’aide liée aux animaux ou des mesures de soutien lié aux animaux », dans sa version applicable au litige, dispose :
« 1. Le montant total de l’aide ou du soutien auquel le bénéficiaire peut prétendre au titre d’un régime d’aide liée aux animaux ou d’une mesure de soutien lié aux animaux ou d’un type d’opération liée à cette mesure de soutien pour l’année de demande considérée est payé sur la base du nombre d’animaux déterminés conformément à l’article 30, paragraphe 3, pour autant que, à la suite de contrôles administratifs ou de contrôles sur place :
a) pas plus de trois animaux non déterminés soient constatés, et
b) les animaux non déterminés puissent être identifiés individuellement par tout moyen prévu dans le règlement (CE) no 1760/2000 ou le règlement (CE) no 21/2004.
2. Si plus de trois animaux sont non déterminés, le montant total de l’aide ou du soutien auquel le bénéficiaire peut prétendre au titre du régime d’aide ou de la mesure de soutien ou du type d’opération liée à cette mesure de soutien, visé au paragraphe 1 pour l’année de demande considérée, est réduit :
a) du pourcentage à fixer conformément au paragraphe 3, s’il n’excède pas 20 %;
b) de deux fois le pourcentage à fixer conformément au paragraphe 3, s’il est supérieur à 20 % mais inférieur ou égal à 30 %.
Si le pourcentage fixé conformément au paragraphe 3 dépasse 30 %, l’aide ou le soutien auquel le bénéficiaire aurait pu prétendre en application de l’article 30, paragraphe 3, n’est pas octroyé au titre du régime d’aide ou de la mesure de soutien ou du type d’opération liée à cette mesure de soutien pour l’année de demande considérée.
Si le pourcentage fixé conformément au paragraphe 3 dépasse 50 %, l’aide ou le soutien auquel le bénéficiaire aurait pu prétendre en application de l’article 30, paragraphe 3, n’est pas octroyé au titre du régime d’aide ou de la mesure de soutien ou du type d’opération liée à cette mesure de soutien pour l’année de demande considérée. En outre, le bénéficiaire se voit imposer une sanction supplémentaire d’un montant équivalent à celui correspondant à la différence entre le nombre d’animaux déclarés et le nombre d’animaux déterminés conformément à l’article 30, paragraphe 3. Si ce montant ne peut être entièrement recouvré au cours des trois années civiles suivant celle de la constatation, conformément à l’article 28 du règlement d’exécution (UE) no 908/2014, le solde est annulé.
En ce qui concerne les espèces autres que celles mentionnées à l’article 30, paragraphe 4, du présent règlement, les États membres peuvent décider de déterminer un nombre d’animaux différent du seuil de trois animaux prévu aux paragraphes 1 et 2 du présent article. Lors de la détermination de ce nombre, les États membres s’assurent qu’il équivaut en substance à ce seuil, en prenant en considération, notamment, le nombre d’unités de gros bétail et/ou le montant de l’aide ou du soutien octroyés.
3. Afin de fixer les pourcentages visés au paragraphe 2, le nombre d’animaux non déterminés constatés d’un régime d’aide ou d’une mesure de soutien ou d’un type d’opération est divisé par le nombre d’animaux déterminés pour ce régime d’aide ou cette mesure de soutien ou ce type d’opération liée à cette mesure de soutien pour l’année de demande considérée.
4. Lorsque le calcul du montant total de l’aide ou du soutien auquel le bénéficiaire peut prétendre au titre d’un régime d’aide ou d’une mesure de soutien ou d’un type d’opération liée à cette mesure de soutien pour l’année de demande considérée est fondé sur le nombre de jours pendant lesquels les animaux remplissant les conditions d’admissibilité sont présents dans l’exploitation, le calcul du nombre d’animaux non déterminés constatés, visés au paragraphe 2, doit également être fondé sur le nombre de jours où ces animaux sont présents dans l’exploitation. »
48 En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que la question principale qui oppose les parties est celle de savoir si, alors qu’un retard est constaté au titre des exigences en matière d’identification et d’enregistrement, mais que ces exigences ont été remplies par la suite et que les autres conditions d’admissibilité sont réunies, un tel retard emporte ou non l’application de sanctions administratives.
49 Selon l’interprétation du cadre juridique retenue par la Commission, dès lors que les exigences d’identification et d’enregistrement ont été remplies tardivement, même si elles ont été régularisées par la suite, il y a lieu de faire application de sanctions administratives (ci-après l’« interprétation retenue par la Commission »), ce que conteste le Royaume d’Espagne, soutenu par la République française, dans la présente affaire.
50 À cet égard et en premier lieu, quant au cadre juridique applicable en l’espèce, d’une part, il convient de relever que, si la lettre de l’article 31 du règlement délégué no 640/2014 ne prévoit pas expressément l’application de sanctions administratives dans une situation comme celle en cause en l’espèce, elle ne l’exclut pas non plus, ainsi que cela ressort également du rapport de l’organe de conciliation mentionné aux points 16 et 17 ci-dessus.
51 D’autre part, alors que l’article 53, paragraphe 4, deuxième alinéa, sous a), du règlement délégué no 639/2014 ne prévoit pas expressément l’application de sanctions administratives en vertu de l’article 31 du règlement délégué no 640/2014, cette disposition prévoit en revanche que, si le retard est régularisé à une certaine date et que les autres conditions sont réunies, comme en l’espèce, l’animal demeure admissible au soutien.
52 Il en ressort, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, qu’une distinction est établie entre les manquements aux conditions d’admissibilité d’un animal au bénéfice du soutien et les sanctions administratives prévues pour les manquements aux exigences en matière d’identification et d’enregistrement, ce qui ressort notamment, par analogie, du considérant 14 du règlement délégué 2016/1393, lequel dispose ce qui suit :
« Afin de garantir la fiabilité des données utilisées pour les besoins du système “sans demande” visé à l’article 21, paragraphe 4, du règlement d’exécution no 809/2014, tout animal potentiellement admissible devrait faire l’objet de contrôles sur place. Les sanctions administratives prévues à l’article 31 du règlement délégué no 640/2014 s’appliquent lorsque des cas de non-conformité sont constatés. Sans préjudice d’autres conditions d’admissibilité, ces animaux potentiellement admissibles seront néanmoins considérés admissibles au bénéfice de l’aide à condition qu’il ait été remédié aux cas de non-conformité aux exigences en matière d’identification et d’enregistrement, au plus tard le premier jour de la période de détention ou au plus tard à la date choisie par l’État membre, conformément à l’article 53, paragraphe 4, du règlement délégué no 639/2014. Il y a donc lieu de préciser à l’article 31, paragraphe 3, du règlement délégué no 640/2014 que tout animal potentiellement admissible non identifié ou enregistré correctement est pris en compte dans le total des animaux pour lesquels des cas de non-conformité ont été constatés, indépendamment de leur situation en ce qui concerne le respect des conditions d’admissibilité fixées à l’article 53, paragraphe 4, du règlement délégué no 639/2014. »
53 Il en résulte que, si un manquement aux obligations d’identification et d’enregistrement est détecté avant le début de la période de rétention et corrigé au plus tard le premier jour de cette période, l’animal reste éligible au paiement de l’aide.
54 Toutefois, si la question de l’identification et de l’enregistrement concerne une notification tardive, les sanctions administratives doivent continuer à s’appliquer.
55 En effet, bien que les animaux concernés restent éligibles au paiement dans le cadre du mécanisme de soutien couplé facultatif, un manquement prenant la forme d’une notification tardive, en tant que tel, ne peut être rectifié et entraîne l’application d’une sanction administrative.
56 La modification de l’article 53, paragraphe 4, du règlement délégué no 639/2014 vise à ne pas exclure un animal du bénéfice du soutien durant toute sa vie dans le cas où un manquement aux exigences en matière d’identification et d’enregistrement détecté précédemment est ensuite régularisé avant une certaine date qui doit être fixée par l’État membre.
57 Bien que l’objectif de la modification soit de garantir la proportionnalité, cette modification ne doit pas conduire à un affaiblissement des exigences fondamentales prévues par la réglementation sur l’identification et l’enregistrement des animaux, de sorte que, dans certains cas, une sanction administrative doit être infligée à la suite de la constatation d’un manquement, même si, à une date ultérieure, ce manquement est rectifié et l’animal peut être pris en considération pour le paiement de l’aide.
58 À cet égard, le Royaume d’Espagne ne saurait utilement faire valoir, aux fins d’établir l’incohérence de l’interprétation de la Commission, la modification opérée à l’article 31, paragraphe 3, du règlement délégué no 640/2014 par le règlement délégué (UE) 2021/841 de la Commission, du 19 février 2021, modifiant le règlement délégué n° 640/2014 en ce qui concerne les règles relatives aux cas de non-conformité au regard du système d’identification et d’enregistrement des bovins, des ovins et des caprins et au calcul du niveau des sanctions administratives en ce qui concerne les animaux déclarés au titre des régimes d’aide liée aux animaux ou des mesures de soutien lié aux animaux (JO 2021, L 186, p. 12), toute référence à l’article 53, paragraphe 4, du règlement délégué n° 639/2014 ayant été supprimée dans ledit article 31 du règlement délégué no 640/2014 .
59 En effet, certes, la Commission a justifié cette suppression en expliquant que, afin de garantir la proportionnalité et sans préjudice d’autres conditions d’admissibilité fixées par l’État membre, il convient de considérer les bovins, les ovins et les caprins comme admissibles au bénéfice de l’aide ou du soutien sans application de sanctions administratives tant qu’une notification tardive d’un événement lié à un animal a eu lieu avant le début d’une période de rétention ou avant une date de référence donnée, établie par l’État membre conformément à l’article 53, paragraphe 4, du règlement délégué no 639/2014.
60 Il n’en reste pas moins que, ainsi que l’a souligné à juste titre la Commission, l’article 31, paragraphe 3, du règlement délégué no 640/2014 tel que modifié par le règlement délégué no 2021/841, n’était pas applicable ratione temporis aux années de demande en question dans la présente affaire.
61 Ensuite et ainsi que le prétend le Royaume d’Espagne, l’interprétation retenue par la Commission peut certes affecter, dans certaines circonstances, l’effet utile de la modification apportée par l’article 1er du règlement délégué no 2015/1383 à l’article 53, paragraphe 4, du règlement délégué no 639/2014.
62 En effet, alors que cette modification a visé, ainsi que le fait valoir la Commission, à ne pas exclure un animal de son admissibilité potentielle en cas de retards quant au respect des exigences en matière d’identification et d’enregistrement, pour autant que toutes les autres conditions sont réunies et que le retard est régularisé à une certaine date, l’application de sanctions administratives, dans certaines circonstances, comme en l’espèce, peut produire, durant l’année de demande en cause, les mêmes effets exclusifs, à savoir le non-octroi de l’aide.
63 Il en est ainsi lorsque, comme en Espagne, le fait constitutif du droit à l’aide réside, notamment, mais non exclusivement, ainsi que le Royaume d’Espagne l’a affirmé lors de l’audience, dans l’abattage de l’animal.
64 Il n’en demeure pas moins, ainsi que l’a fait valoir à juste titre la Commission, que le bénéfice résultant de la modification de l’article 53, paragraphe 4, du règlement délégué no 639/2014 dépend de la manière dont les mesures de soutien ont été conçues au niveau national, c’est-à-dire de la question de savoir si l’État membre a établi que, pour être admissible, l’animal doit mettre bas, produire du lait ou être abattu. Or, le choix du Royaume d’Espagne de considérer que le fait constitutif du droit au soutien réside, notamment, dans l’abattage de l’animal ne saurait être pris en compte pour mettre en évidence une contradiction dans le motif sur lequel repose la modification de l’article 53, paragraphe 4, du règlement délégué no 639/2014.
65 Il s’ensuit que le grief tiré de l’effet utile de la modification de l’article 53, paragraphe 4, du règlement délégué no 639/2014 invoqué par le Royaume d’Espagne doit être rejeté.
66 Enfin, force est de constater que la thèse retenue par la Commission est conforme à l’économie du cadre juridique applicable à l’aune des objectifs poursuivis par le législateur de l’Union.
67 Il ressort en effet clairement dudit cadre l’importance de notifier rapidement les déplacements des animaux, dans la mesure où les objectifs poursuivis par le législateur de l’Union sont d’améliorer la confiance des consommateurs dans la qualité de la viande bovine et des produits à base de cette viande, de préserver la protection de la santé publique et de renforcer la stabilité durable du marché de la viande bovine (voir, par analogie, arrêt du 24 mai 2007, Maatschap Schonewille‑Prins, C‑45/05, EU:C:2007:296, point 40).
68 Afin que ces objectifs puissent être atteints, il est indispensable que le système d’identification et d’enregistrement des bovins soit entièrement efficace et fiable à tout moment, afin, notamment, de permettre aux autorités compétentes de localiser dans les meilleurs délais, en cas d’épizootie, la provenance d’un animal et de prendre immédiatement les dispositions nécessaires en vue d’éviter tout risque pour la santé publique. Or, tel ne saurait être le cas si le détenteur d’animaux ne notifie pas les déplacements de ses bovins à la base de données informatisée dans les délais prescrits (voir, par analogie, arrêt du 24 mai 2007, Maatschap Schonewille‑Prins, C‑45/05, EU:C:2007:296, point 41).
69 Par conséquent, des notifications tardives, telles que celles en cause dans la présente affaire, doivent emporter impérativement l’application de sanctions administratives.
70 Ainsi et indépendamment de la question de savoir si l’interprétation retenue par la Commission est opposable aux États membres en général et au Royaume d’Espagne en particulier de par des courriers adressés à certains États membres sur la plateforme en ligne dénommé « communication and information resource centre for administrations, businesses and citizens » (Circabc) , l’interprétation retenue par la Commission doit être validée.
71 Partant, il y a lieu de rejeter le grief tiré d’une violation de l’article 53, paragraphe 4, deuxième alinéa, sous a), du règlement délégué no 639/2014 et de l’article 1er du règlement délégué no 2015/1383.
72 En second lieu, les objectifs poursuivis par le législateur de l’Union justifient le rejet du grief tiré d’une violation du principe de proportionnalité.
73 Ainsi que la Cour l’a itérativement jugé, le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 24 mai 2007, Maatschap Schonewille‑Prins, C‑45/05, EU:C:2007:296, point 45 et jurisprudence citée).
74 Il n’en demeure pas moins, d’une part, que la Cour a également jugé que le principe de proportionnalité ne saurait justifier l’exemption de sanctions administratives en cas de manquement aux exigences en matière d’identification et d’enregistrement, ces sanctions visant à garantir le respect desdites exigences en matière d’identification et d’enregistrement (voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2007, Maatschap Schonewille‑Prins, C‑45/05, EU:C:2007:296, points 40 à 43 et 49 à 52).
75 D’autre part, ainsi que la Commission l’a fait valoir à juste titre, le régime de sanctions en vigueur prévoit une certaine progressivité dans l’application des réductions et des sanctions en fonction de la gravité et de l’importance de la violation commise par l’éleveur.
76 En effet, le régime prévu à l’article 31, paragraphe 2, du règlement délégué no 640/2014 repose précisément sur des critères de proportionnalité, étant donné que, en fonction du nombre d’animaux à l’égard desquels les exigences n’ont pas été respectées, une sanction plus ou moins grave est appliquée, une sanction en plus de la réduction du montant de l’aide n’étant exigée que lorsque le pourcentage résultant de l’article 31, paragraphe 3, du règlement délégué no 640/2014 est supérieur à 50 %, que, dans tous les autres cas, il n’y a pas de sanction supplémentaire et que, dans le cas contraire, il s’agit seulement d’une réduction proportionnelle au nombre d’animaux pour lesquels des cas de non-conformité ont été constatés, et ce uniquement lorsque, conformément à l’article 31, paragraphe 2, du règlement délégué no 640/2014, les cas de non-conformité concernent plus de trois animaux.
77 Dès lors, le grief tiré d’une violation du principe de proportionnalité doit être rejeté.
78 Partant, il y a lieu de rejeter la première branche, relative à l’imposition de sanctions administratives pour manquement aux exigences en matière d’identification et d’enregistrement d’animaux avant la date fixée par un État membre.
Sur la deuxième branche, relative à l’imposition de sanctions administratives en cas de manquement aux exigences en matière d’identification et d’enregistrement des animaux dans un système « sans demande »
79 Le Royaume d’Espagne, soutenu par la République française, fait valoir, en substance, qu’il applique un système principalement « sans demande », conformément à l’article 21, paragraphe 4, du règlement d’exécution (UE) no 809/2014 de la Commission, du 17 juillet 2014, établissant les modalités d’application du règlement n° 1306/2013 en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les mesures en faveur du développement rural et la conditionnalité (JO 2014, L 227, p.69), en vertu duquel un bénéficiaire peut demander une aide pour le nombre maximal d’animaux satisfaisant à toutes les exigences pour le versement d’une aide d’après les informations figurant dans la base de données d’identification et d’enregistrement des animaux, les avantages de ce type de gestion étant multiples tant pour l’administration que pour les éleveurs demandeurs des aides quant à la simplification et à la réduction de la charge administrative.
80 Dans le cadre de ce système, les animaux qui, d’après la base de données d’identification et d’enregistrement des animaux, satisfont aux exigences en matière d’admissibilité sont appelés animaux potentiellement subventionnables (ci-après « APS »), un APS étant défini, en tant qu’animal potentiellement admissible, à l’article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, point 17, du règlement délégué no 640/2014 comme un animal qui, a priori, pourrait potentiellement satisfaire aux critères d’admissibilité pour l’octroi de l’aide au titre du régime d’aide liée aux animaux ou d’un soutien au titre d’une mesure de soutien lié aux animaux, pendant l’année de demande considérée. En d’autres termes, un animal qui, a priori, ne remplirait pas toutes les exigences en matière d’admissibilité ne serait pas un APS.
81 Le Royaume d’Espagne précise que, depuis la campagne 2009, le système intégré de traçabilité animale (ci-après le « Sitran ») est utilisé en tant que base de données pour la réalisation des contrôles administratifs sur la totalité des dossiers pour lesquels l’une des aides liées aux animaux est demandée, afin de pouvoir obtenir, après réalisation de différents contrôles croisés, la liste des APS. Le Sitran est utilisé pour examiner le respect de l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1760/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juillet 2000, établissant un système d’identification et d’enregistrement des bovins et concernant l’étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine, et abrogeant le règlement (CE) nº 820/97 du Conseil (JO 2020, L 204, p. 1), s’agissant des délais prévus pour la communication des transferts depuis et vers l’exploitation, ainsi que des naissances et des morts, à savoir sept jours pour la communication du mouvement d’entrée ou de sortie de l’exploitation ainsi que pour la communication des naissances ou des morts des animaux, ces contrôles administratifs étant réalisés pour la totalité des demandes présentées et chaque animal enregistré dans la base de données de traçabilité animale étant donc examiné.
82 Selon le Royaume d’Espagne, conformément à l’article 53, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement délégué no 639/2014, l’une des exigences aux fins de l’octroi des mesures de soutien couplé lié aux bovins est que les animaux doivent être correctement identifiés et enregistrés conformément aux dispositions du règlement no 1760/2000, de sorte qu’un animal auquel correspond un cas de non-conformité en matière d’enregistrement dans la base de données ne satisfait plus à toutes les exigences en matière d’octroi de la mesure de soutien et ne peut donc plus être considéré comme un APS, ni être pris en compte pour le calcul des sanctions administratives.
83 Le Royaume d’Espagne soulève la question de savoir comment un animal pourrait être considéré comme un APS lorsque, par les contrôles croisés réalisés par le biais du Sitran, l’administration sait a priori qu’il ne satisfait pas à une condition d’admissibilité en raison d’un manquement à l’exigence concernant le délai maximal réservé à l’enregistrement d’un mouvement. Cet animal serait à tous égards un animal non déclaré pour lequel aucun soutien n’est demandé et il serait absurde d’appliquer au bénéficiaire des sanctions administratives du fait des animaux à l’égard desquels aurait été détecté un manquement à la réglementation concernant les délais réservés à l’enregistrement des mouvements des animaux.
84 Ainsi, la position de la Commission obligerait le Royaume d’Espagne à considérer un animal, dont il sait a priori, grâce aux contrôles croisés avec le Sitran, qu’il ne satisfait pas aux critères d’identification et d’enregistrement, comme un APS qui serait pris en compte aux fins de l’application des sanctions administratives conformément aux dispositions de l’article 31 du règlement délégué no 640/2014.
85 À cet effet, le Royaume d’Espagne souligne que, jusqu’à la campagne 2018, les irrégularités en matière d’identification et d’enregistrement des animaux à prendre en compte pour le calcul des sanctions administratives étaient uniquement celles détectées sur les APS lors des contrôles sur place, jamais celles qui étaient détectées lors des contrôles administratifs, puisque le résultat de ces contrôles est connu a priori et qu’il en découle que cet animal n’est pas considéré comme un APS.
86 En vertu de cette approche, le Royaume d’Espagne considère qu’il n’existe aucun risque pour le FEAGA, puisque sont totalement garanties, premièrement, la non-perception du soutien couplé lié à un animal pour lequel un manquement en matière d’identification et d’enregistrement aurait été détecté pendant la réalisation des contrôles administratifs sur la totalité des dossiers de demande de soutien, deuxièmement, l’extraction au niveau national de la liste des APS pour chaque mesure de soutien et, troisièmement, la réalisation de différents contrôles sur place aléatoires et fondés sur une analyse des risques.
87 Le Royaume d’Espagne fait enfin observer que les conditions d’admissibilité des soutiens couplés, en matière d’identification et d’enregistrement des animaux, n’ont pas changé par rapport à la période antérieure à celle en cause. En d’autres termes, le respect des exigences en matière d’identification et d’enregistrement des animaux prévues par le règlement no 1760/2000 continuerait à être pris en compte. Depuis lors, la Commission aurait procédé à différents audits sur les soutiens liés aux animaux sans formuler d’observations relatives à des manquements aux exigences en matière d’identification et d’enregistrement des animaux.
88 Le Royaume d’Espagne considère donc que l’interprétation de la Commission est manifestement disproportionnée, en ce qu’elle n’est pas nécessaire, puisque plus onéreuse, pour prévenir les risques encourus par le FEAGA, dans la mesure où le système espagnol exclut ce risque en garantissant totalement le non-octroi d’un soutien couplé lié à un animal pour lequel aurait été détectée a priori une non-conformité relative à l’identification et à l’enregistrement pendant la réalisation des contrôles administratifs sur la totalité des dossiers de demande de soutien (animal qui, par définition, ne pourrait pas être un APS) et sans préjudice des sanctions administratives qui seraient imposées aux APS à la suite de contrôles sur place.
89 En résumé, il n’y aurait donc pas lieu d’appliquer des sanctions administratives aux animaux pour lesquels une non-conformité en matière d’identification et d’enregistrement aurait été constatée a priori pendant la réalisation des contrôles administratifs sur la totalité des dossiers de demande de soutien d’un État membre qui, comme le Royaume d’Espagne, applique un système « sans demande », lequel, par nature, exclut tout risque pour le FEAGA.
90 La Commission conteste cette argumentation.
91 À cet égard, il convient, à titre liminaire, de rappeler que, aux termes de l’article 21, paragraphe 4, du règlement d’exécution no 809/2014, les « États membres peuvent mettre en place des procédures permettant d’utiliser les informations contenues dans la base de données informatisée pour les animaux aux fins de la demande d’aide liée aux animaux ou de la demande de paiement, à condition que cette base de données informatisée offre, pour chaque animal, le niveau de garantie et de mise en œuvre nécessaire pour la bonne gestion des régimes d’aide ou des mesures de soutien concernés ».
92 En l’espèce, le fait que le Sitran offre, pour chaque animal, le niveau de garantie et de mise en œuvre nécessaire pour la bonne gestion des régimes d’aide ou des mesures de soutien concernés n’est pas contesté.
93 Il convient également de rappeler que, aux termes de l’article 31, paragraphe 3, du règlement délégué no 640/2014, « [a]fin de fixer les pourcentages visés aux paragraphes 1 et 2, le nombre d’animaux déclarés au titre d’un régime d’aide liée aux animaux ou d’une mesure de soutien lié aux animaux et pour lesquels des cas de non-conformité ont été constatés est divisé par le nombre d’animaux déterminés pour ce régime d’aide ou cette mesure de soutien en ce qui concerne la demande d’aide ou de paiement correspondante pour l’année de demande considérée » et que, « [l]orsqu’un État membre fait usage de la possibilité de disposer d’un système “sans demande” […], tout animal potentiellement admissible non identifié ou enregistré correctement dans le système d’identification et d’enregistrement des animaux est pris en compte dans le total des animaux pour lesquels des cas de non-conformité ont été constatés ».
94 Or, en l’espèce, il est certes constant que, conformément à l’article 53, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement délégué no 639/2014, l’une des exigences aux fins de l’octroi des mesures de soutien couplé lié aux bovins est que les animaux doivent être correctement identifiés et enregistrés conformément aux dispositions du règlement no 1760/2000, de sorte qu’un animal auquel correspond un cas de non-conformité en matière d’enregistrement dans le Sitran ne satisfait plus à toutes les exigences en matière d’octroi de la mesure de soutien et ne peut donc plus être considéré comme un APS.
95 Partant, si, par un contrôle administratif au moyen du Sitran, l’administration sait a priori qu’un animal ne satisfait pas à une condition d’admissibilité en raison d’un manquement à l’exigence concernant le délai maximal réservé à l’enregistrement d’un mouvement, cet animal ne saurait être considéré comme un APS. Ainsi que le Royaume d’Espagne le fait valoir à juste titre, il serait à tous égards un animal non déclaré pour lequel aucun soutien n’est demandé.
96 Il n’en demeure pas moins que ledit animal révélerait un cas de non-conformité justifiant l’application de sanctions administratives.
97 En effet, d’une part, aux termes de l’article 31, paragraphe 3, du règlement délégué no 640/2014, les sanctions sont calculées au regard des animaux potentiellement admissibles pour lesquels des non-conformités ont été relevées.
98 Or, dans un système « sans demande », tous les animaux présents dans la base de données sont considérés comme potentiellement admissibles et donc susceptibles de relever des animaux pour lesquels des non-conformités sont relevées. Dès lors, en cas de manquement aux exigences en matière d’enregistrement et d’identification durant la période de rétention ou postérieurement à la date à laquelle l’animal peut être admissible au bénéfice du soutien conformément à l’article 53, paragraphe 4, du règlement délégué no 639/2014, l’animal concerné doit être pris en compte pour l’imposition de sanctions administratives.
99 D’autre part, ainsi que le Royaume d’Espagne l’a lui-même fait observer dans ses écritures devant le Tribunal, le système « sans demande » visé à l’article 21, paragraphe 4, du règlement d’exécution no 809/2014, fonctionne de manière différente, chaque système comportant des avantages et des inconvénients, et il incombe exclusivement aux États membres de décider du système qui leur est le mieux adapté, après évaluation du niveau de garantie conféré par leurs bases de données d’identification et d’enregistrement et par leurs procédures de contrôle.
100 Or, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, la décision de l’État membre d’opter pour un système « avec demande » ou pour un système « sans demande » n’a aucune incidence sur l’application des sanctions administratives au bénéficiaire, l’application de sanctions administratives s’effectuant sans qu’une distinction soit opérée entre le système « sans demande » et le système « avec demande ». L’argumentation du Royaume d’Espagne selon lequel son approche ne créerait aucun risque pour le FEAGA ne saurait, au demeurant, remettre en cause cette appréciation.
101 Partant, il y a lieu de rejeter la deuxième branche comme étant non fondée.
Sur la troisième branche, relative au traitement discriminatoire des États membres qui appliquent un système « sans demande » et sur les droits de la défense
102 Le Royaume d’Espagne fait valoir qu’un traitement discriminatoire est infligé aux États membres qui utilisent un système « sans demande », par rapport à ceux qui ont recours à un système « avec demande ».
103 En ce sens, il fait valoir que, à la différence du système « sans demande », dans les États membres disposant d’un système fondé sur des demandes traditionnelles, les éleveurs déclarent les animaux pour lesquels ils demandent l’aide. Ainsi, d’après les dispositions de l’article 21, paragraphe 1, sous c), du règlement d’exécution no 809/2014, la demande doit contenir, entre autres informations, le nombre d’animaux de chaque espèce faisant l’objet d’une demande d’aide ou de paiement liés aux animaux et, en ce qui concerne les bovins, leur code d’identification. En outre, les administrations doivent leur fournir à intervalles réguliers toutes les informations figurant dans leurs bases de données sur leurs exploitations et sur leurs animaux.
104 Par conséquent, les éleveurs ne déclareraient pas des animaux pour lesquels ils auraient connaissance d’un cas de non‑conformité relatif à l’identification et à l’enregistrement des animaux.
105 Or, selon le Royaume d’Espagne, dans un système « sans demande », même si un éleveur est conscient qu’un animal est irrégulier, il ne dispose d’aucun mécanisme lui permettant d’éliminer de la demande d’aide les animaux qui n’ont pas satisfait aux exigences réglementaires en matière d’identification et d’enregistrement, de sorte qu’un outil de simplification tel que celui-ci se retourne contre les éleveurs, qui ne peuvent pas éviter d’être sanctionnés au titre des animaux présentant un problème d’identification.
106 La Commission conteste cette argumentation.
107 À cet égard, il convient de considérer que, dans le cadre de la troisième branche de son argumentation relative aux contrôles de l’exactitude de l’aide, y compris l’application de sanctions administratives, le Royaume d’Espagne invoque en substance une violation des principes de non-discrimination et, ainsi qu’il l’a confirmé en réponse à une question posée par le Tribunal au titre des mesures d’organisation de la procédure, du respect des droits de la défense.
108 Concernant, d’une part, le grief tiré d’une violation du principe de non-discrimination, il suffit de constater que, par son argumentation, le Royaume d’Espagne ne conteste pas la légalité de la décision attaquée, mais le cadre juridique applicable, sans exciper formellement de son illégalité. Or, à cet égard, comme l’indique la Commission dans ses écritures, chaque système, avec ou sans demande, a ses avantages et inconvénients. Ainsi dans le système « avec demande », l’éleveur doit identifier un à un les animaux pour lesquels il demande l’aide et le risque d’en oublier un ou de ne pas recevoir l’aide pour celui-ci est accru. Dans un système « sans demande », comme celui choisi par le Royaume d’Espagne, un animal en particulier ne peut pas être exclu, mais l’agriculteur peut toujours retirer sa demande d’aide s’il voit que le nombre d’animaux ne respectant pas les exigences supposera non seulement la perte de l’aide, mais aussi l’imposition de sanctions supplémentaires. Dès lors, si ces systèmes sont différents, il n’en résulte pas une discrimination rendant illégal le choix laissé aux États membres, qui, au demeurant, peuvent opter pour l’un ou l’autre.
109 En outre, il convient de rappeler que la décision de l’État membre d’opter pour un système « avec demande » ou pour un système « sans demande » n’a aucune incidence sur l’application des sanctions administratives au bénéficiaire, l’application de sanctions administratives s’effectuant sans qu’une distinction soit opérée entre le système « sans demande » et le système « avec demande ».
110 Partant, il y a lieu de rejeter le grief tiré d’une violation du principe de non-discrimination.
111 Concernant, d’autre part, le grief tiré d’une violation du principe du respect des droits de la défense, il suffit de relever que, par son argumentation, le Royaume d’Espagne n’invoque une violation des droits de la défense qu’en ce qui concerne les agriculteurs en cause, et non à son égard, de sorte qu’une éventuelle violation des droits de la défense, telle qu’invoquée, ne saurait affecter la légalité de la décision attaquée dont il est le seul destinataire.
112 Dès lors, il y a lieu de rejeter le grief tiré d’une violation du principe de respect des droits de la défense et, partant, l’ensemble de la troisième branche.
Sur la quatrième branche, relative aux pénalités élevées infligées aux demandeurs d’aides liées aux animaux ainsi qu’à l’absence de proportionnalité par rapport aux mesures de soutien lié à la surface comportant des contrôles préliminaires
113 Selon le Royaume d’Espagne, dans le système actuel de calcul des sanctions administratives, aucune distinction n’est faite en fonction du nombre de jours de retard dans la notification du mouvement d’un animal, ce qui concerne tout particulièrement le Royaume d’Espagne qui comporte de larges troupeaux qui se déplacent en transhumance et pour lesquels le mouvement concerne donc l’ensemble du troupeau et pas uniquement un nombre restreint d’animaux. Dans de tels troupeaux, un retard de quelques jours seulement dans la communication du mouvement entraînerait l’absence d’aides et même une sanction pluriannuelle. En d’autres termes, dans le système actuel de calcul des sanctions administratives, un retard de notification d’une journée serait traité de la même façon qu’un retard d’un mois, voire que l’absence de notification.
114 Le Royaume d’Espagne souligne qu’il existe ainsi une très grande disparité entre les critères relatifs à la gestion des soutiens liés à la surface et ceux applicables aux soutiens liés aux animaux, car, dans les systèmes de soutien lié à la surface, des mesures de souplesse visant à réduire les sanctions appliquées aux agriculteurs sont de plus en plus souvent introduites.
115 Le Royaume d’Espagne ajoute que, dans le cas des aides liées à la surface, les agriculteurs peuvent être alertés des incidences éventuelles dans leur demande d’aide par deux moyens différents, à savoir les contrôles préliminaires et les contrôles de suivis, l’objectif étant d’aider les bénéficiaires à satisfaire aux critères d’admissibilité, aux engagements et aux autres obligations et de leur permettre de remédier aux problèmes ou de corriger la situation.
116 La Commission conteste cette argumentation.
117 À cet égard, il convient de relever, concernant les pénalités élevées infligées aux demandeurs d’aides liées aux animaux ainsi que l’absence de proportionnalité par rapport aux mesures de soutien lié à la surface comportant des contrôles préliminaires, que le Royaume d’Espagne considère que l’interprétation de la Commission est aussi manifestement disproportionnée en ce qu’elle discrimine les États membres qui utilisent un système « sans demande » pour la gestion des aides liées aux animaux et qu’elle pénalise les demandeurs d’aides en n’établissant aucune distinction en ce qui concerne les délais de notification des mouvements d’animaux, ce qui contraste avec les critères plus flexibles utilisés pour la gestion des aides liées à la surface
118 Or, d’une part, force est de constater que la première partie de l’argumentation du Royaume d’Espagne coïncide avec son argumentation tirée d’une discrimination des États membres qui ont recours à un système « sans demande ». Dès lors, il est renvoyé à cet égard aux considérations figurant aux points 109 à 112 ci-dessus.
119 D’autre part, ainsi que la Commission le fait observer à juste titre, le Royaume d’Espagne n’explique aucunement dans quelle mesure le régime d’aides liées à la surface est transposable au régime du soutien couplé facultatif aux animaux ni dans quelle mesure les deux régimes d’aide sont équivalents.
120 En tout état de cause, le régime d’aides liées à la surface ne saurait être comparable au régime de soutien couplé facultatif, qui porte sur les animaux, et, dès lors, ce premier régime ne saurait être invoqué pour alléguer l’absence de proportionnalité en ce qui concerne le régime d’aide en cause dans la présente affaire.
121 Partant, il y a lieu de rejeter la quatrième branche du premier moyen du Royaume d’Espagne.
Sur le second moyen, relatif à la réalisation de contrôles sur place présentant une qualité suffisante
122 Concernant la réalisation de contrôles sur place présentant une qualité suffisante, la Commission a, dans la lettre finale, considéré, en substance, que la taille maximale de l’échantillon aléatoire de 25 % n’avait pas été respectée et que l’efficacité adéquate de l’analyse des risques n’avait pas été garantie en conformité avec les dispositions de l’article 34, paragraphes 3 à 5, du règlement d’exécution no 809/2014, ce que conteste le Royaume d’Espagne.
123 À ce titre, le Royaume d’Espagne fait valoir que, pour les organismes payeurs dont le taux aléatoire est supérieur au taux de risque, il y a lieu de tenir compte, tout d’abord, du fait que le système de contrôle ou de méthodologie concernant la sélection de l’échantillon par analyse des risques n’a souffert d’aucune défaillance, mais qu’une circonstance totalement aléatoire qui échappe au contrôle de l’organisme payeur peut être intervenue, alors que la législation de l’Union, qui rend obligatoire la réalisation d’une évaluation annuelle des facteurs de risque, a été strictement respectée.
124 Ensuite, une erreur aléatoire est maximisée dans le cas d’échantillons de petite taille.
125 Enfin, parfois, un seul dossier « aberrant » fausse les résultats en produisant une valeur totalement atypique qui n’implique pas l’existence d’une mauvaise efficacité de l’analyse de risques, ni une prise en compte incorrecte des facteurs.
126 À cet égard, il convient, à titre liminaire, de rappeler les dispositions pertinentes du règlement no 1306/2013 et du règlement d’exécution no 809/2014.
127 L’article 7, paragraphe 3, du règlement no 1306/2013 dispose que, « [a]u plus tard le 15 février de l’année suivant l’exercice financier concerné, le responsable de l’organisme payeur agréé établit [...] c) un résumé annuel des rapports finaux d’audit et des contrôles effectués, y compris une analyse de la nature et de l’étendue des erreurs et des faiblesses relevées dans les systèmes, ainsi que les mesures correctrices à prendre ou à prévoir ».
128 En son considérant 29, le règlement no 1306/2013 indique, en ce qui concerne les statistiques relatives aux contrôles effectués par les États membres, que celles-ci servent à déterminer le taux d’erreur au niveau de l’État membre et, plus généralement, à vérifier la bonne gestion du FEAGA et du Feader, tout en précisant que les statistiques de contrôle sont une source importante d’information pour la Commission, en permettant à celle-ci de vérifier la bonne gestion du FEAGA et du Feader, et constituent un élément essentiel de la déclaration annuelle d’assurance.
129 L’article 59, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 énonce que, « [p]our les contrôles sur place, l’autorité responsable prélève un échantillon de contrôle dans l’ensemble des demandeurs, constitué, le cas échéant, en partie de manière aléatoire en vue d’obtenir un taux d’erreur représentatif et en partie sur la base du niveau de risque, qui vise les domaines où le risque d’erreur est le plus élevé ».
130 L’article 34, paragraphe 3, du règlement d’exécution no 809/2014 prévoit que, « [a]ux fins des articles 32 et 33, entre 20 % et 25 % du nombre minimal de bénéficiaires devant faire l’objet de contrôles sur place et, lorsque l’article 32, paragraphe 2 bis, est appliqué, 100 % des collectifs et entre 20 % et 25 % des engagements devant faire l’objet de contrôles sur place sont sélectionnés de manière aléatoire », le « nombre restant de bénéficiaires et d’engagements devant faire l’objet de contrôles sur place [étan]t sélectionné sur la base d’une analyse des risques ».
131 En son paragraphe 5, l’article 34 du règlement d’exécution no 809/2014 dispose que, « [c]haque année, il est procédé comme suit à une évaluation et à une actualisation de l’efficacité de l’analyse des risques :
a) en déterminant la pertinence de chaque facteur de risque ;
b) en comparant les résultats pour établir la différence éventuelle entre la surface déclarée et la surface déterminée de l’échantillon fondé sur les risques et sélectionné de manière aléatoire ; ou en comparant les résultats pour établir la différence éventuelle entre les animaux déclarés et les animaux déterminés de l’échantillon fondé sur les risques et sélectionné de manière aléatoire ;
c) en tenant compte de la situation spécifique et, le cas échéant, de l’évolution de l’importance des facteurs de risque dans l’État membre ;
d) en prenant en considération la nature de la non-conformité qui entraîne une augmentation du taux de contrôle conformément à l’article 35 ».
132 Ainsi, l’efficacité de l’analyse des risques doit être évaluée et actualisée chaque année, conformément à l’article 34, paragraphe 5, du règlement d’exécution no 809/2014.
133 Par ailleurs, le considérant 33 du règlement d’exécution n° 809/2014 dispose que, pour garantir des analyses de risque appropriées et efficaces, il convient d’évaluer et d’actualiser leur efficacité sur une base annuelle, en tenant compte de la pertinence de chaque critère de risque, en comparant les résultats des échantillons sélectionnés sur une base aléatoire et en fonction des risques, la situation spécifique dans chaque État membre et la nature de la non-conformité.
134 C’est à la lumière du rappel de ces dispositions pertinentes et de ces considérations qu’il convient d’apprécier les arguments du Royaume d’Espagne relatifs à la réalisation de contrôles sur place présentant une qualité suffisante.
135 En l’espèce, la Commission souligne que, durant la procédure administrative, la DG « Agriculture et développement rural » a constaté à l’égard de onze organismes payeurs que les taux d’erreur de certains échantillons aléatoires étaient supérieurs à ceux des échantillons fondés sur les risques, de sorte que la Commission a conclu que l’analyse des risques utilisée pour ces échantillons n’était pas adéquate et que, dès lors, les agriculteurs qui présentaient un risque d’erreur accru n’étaient pas sélectionnés ou vérifiés aux fins des contrôles sur place. La DG « Agriculture et développement rural » en a conclu que l’analyse des risques utilisée avait violé l’article 59, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 et l’article 34, paragraphes 3 et 5, du règlement d’exécution no 809/2014.
136 Dans la requête, le Royaume d’Espagne ne conteste toutefois la correction financière appliquée eu égard à cette lacune qu’en ce qui concerne des centres de paiement dans la Comunidad Autónoma de Andalucía (Communauté autonome d’Andalousie, Espagne) et la Comunidad Autónoma de Cataluña (Communauté autonome de Catalogne, Espagne), ce qu’il a confirmé en réponse à une question posée par le Tribunal au titre des mesures d’organisation de la procédure, tout en demandant une égalité de traitement de tous les organismes payeurs.
Concernant l’Andalousie
137 Concernant l’Andalousie, le Royaume d’Espagne fait valoir que, dans le cadre de l’action qu’il a menée, l’organisme payeur concerné a tenu compte des dispositions de l’article 34, paragraphe 5, du règlement d’exécution no 809/2014, qui établit la pertinence de chaque critère de risque. Ainsi, les critères de risque qui devaient être pris en compte dans la sélection de l’échantillon aux fins de l’analyse des risques auraient été actualisés et des éléments spécifiques adaptés à la réalité des demandes auraient été intégrés. Il aurait ensuite été procédé au calcul du facteur de risque de chacun d’eux. Le Royaume d’Espagne insiste sur le fait que le système de contrôle n’a présenté aucune défaillance, de même que la méthodologie de sélection de l’échantillon aux fins de l’analyse de risque, et que la législation de l’Union exigeant une évaluation annuelle des facteurs de risque a été strictement appliquée.
138 Le Royaume d’Espagne fait observer que, dans ces conditions, le règlement d’exécution no 809/2014 rend obligatoire la révision des critères de contrôle lors de chaque campagne afin d’en vérifier l’efficacité et, dans l’hypothèse où ils ne seraient pas efficaces, il impose leur modification afin que l’analyse des risques présente une telle efficacité. Cependant, le fait que les critères de contrôle ne soient pas aussi efficaces que prévu lors de leur conception n’aurait pas pour effet de rendre l’organisme payeur redevable d’une sanction immédiate. Il devrait en revanche en résulter l’obligation de réviser ces critères et de les modifier, en éliminant ceux qui ne fonctionnent pas, en en ajoutant de nouveaux ou en modifiant la prise en compte de leur valeur, le tout afin de parvenir à une analyse des risques efficace.
139 Le Royaume d’Espagne souligne que l’organisme payeur d’Andalousie a procédé à un travail de révision en évaluant les critères mentionnés, d’après les résultats obtenus chaque année, et que ces critères ont été ajustés en fonction de ces résultats, conformément à l’article 34, paragraphe 5, du règlement d’exécution no 809/2014. Un tableau détaillé est fourni pour les années 2016 et 2017.
140 En dépit de la réalisation de cette étude détaillée des dossiers aléatoires en 2016 et en 2017, du fait des problèmes constatés sur une certaine ligne, le taux d’erreur aléatoire a dépassé le taux de risque observé lors des campagnes 2016 et 2017. Ce serait pourquoi, lors de la communication des données relatives à l’ensemble sectoriel ovins-caprins, toutes les autres lignes ont été faussées, alors qu’en réalité une seule ligne sur les quatre composant l’ensemble était concernée par la circonstance à l’origine de la non‑conformité, c’est-à-dire le fait que le taux d’erreur aléatoire était supérieur au taux de risque.
141 Le Royaume d’Espagne indique qu’à cette ligne ne correspondent qu’un petit nombre de demandes (987 pour la campagne 2016 et 951 pour la campagne 2017) ainsi qu’un montant élevé, si une comparaison est effectuée avec n’importe laquelle des autres lignes du groupe sectoriel, de sorte que des conclusions fiables ne sauraient en être tirées.
142 Il n’existerait donc en définitive qu’un tout petit nombre de dossiers présentant des divergences, mais pesant beaucoup dans le taux d’erreur eu égard aux montants élevés du régime d’aide en cause. Cela aurait pour effet de fausser les données de l’ensemble sectoriel, puisque le degré de confiance attaché aux données statistiques n’est pas adéquat, ces résultats n’étant pas représentatifs.
143 Le Royaume d’Espagne rappelle que les 30 dossiers de la ligne M26 contrôlés de manière aléatoire pour la campagne 2016 représentent 14,35 % (30/209) de l’ensemble des dossiers aléatoires du groupe sectoriel et les dossiers présentant des problèmes représentent 6,70 % de ce groupe. En définitive, ce pourcentage de 6,70 % (14/209) de dossiers dont le contrôle a fait apparaître des problèmes représente 43,61 % du taux d’erreur du groupement sectoriel ovins-caprins et, en revanche, le reste des dossiers du groupement présentant des problèmes de l’échantillon aléatoire, soit 64 en tout (34 pour la ligne M20, 14 pour la ligne M22 et 16 pour la ligne M23), qui représentent 30,62 % des dossiers (64/209), constitue 56,39 % du taux d’erreur mentionné. En d’autres termes, à eux seuls, les 14 dossiers de la ligne M26 affectés par des problèmes représentent 43,61 % du taux d’erreur, tandis que le reste des dossiers présentant des problèmes, soit 64 dossiers, représente 56,39 % du taux d’erreur du groupement.
144 Le niveau de confiance des données statistiques ne serait donc pas adéquat, car elles ne sont pas représentatives compte tenu tant de la taille des sous-échantillons que des différences significatives dans les montants unitaires par régimes d’aide.
145 Il ressortirait des tableaux fournis que les taux d’erreur demeurent dans les marges fixées et le taux aléatoire en dessous du risque.
146 Le Royaume d’Espagne souligne que la sélection aléatoire est réalisée préalablement à la sélection de l’échantillon fondé sur le risque. Cela étant, les dossiers qui ont une forte probabilité d’être sélectionnés selon les critères de risque adéquats sont sélectionnés au préalable de manière aléatoire ; au cas où lesdits dossiers auraient une forte influence sur le calcul du taux d’erreur, ils feraient apparaître les critères de risque comme inadéquats.
147 Enfin, quant à l’efficacité de l’analyse des risques lors des contrôles sur place, le Royaume d’Espagne répète, d’une part, avoir strictement appliqué la législation de l’Union et s’être conformé à l’article 34, paragraphe 5, du règlement d’exécution n° 809/2014 et, d’autre part, que la sélection aléatoire a été réalisée avant la sélection fondée sur le risque, que cette ligne comporte peu de demandeurs, que la taille des échantillons est réduite et non représentative de l’ensemble, que la fiabilité des données statistiques ne présente donc pas un niveau de fiabilité suffisant et que les données sont faussées en raison du poids des dossiers que le Tribunal pourrait considérer comme constituant des cas « aberrants ».
148 En substance, selon le Royaume d’Espagne, la Commission commet une erreur d’approche dans la mesure où, dans le cadre de l’établissement de la preuve du respect de la légalité, l’extrapolation des résultats à l’ensemble doit reposer sur un échantillon présentant des garanties, dès lors que les résultats peuvent avoir une grande importance et impliquer des corrections financières importantes pour les États membres.
149 Le Royaume d’Espagne ajoute que les allégations concernant l’organisme payeur d’Andalousie quant à l’existence de lacunes relatives à la réalisation de contrôles sur place présentant une qualité suffisante ont été formulées à plusieurs reprises, en particulier dans les réponses complémentaires apportées par le Royaume d’Espagne au procès-verbal de la réunion bilatérale, envoyées par courriels du 17 juin 2019 pour la campagne 2017 et du 18 juillet 2019 pour la campagne 2016.
150 Auraient ainsi été reprises les allégations concernant le fait que la seule ligne d’aide dans laquelle le taux d’erreur aléatoire dépasse le taux de risque est la ligne M26, de sorte que, lorsque les données sont transposées à l’ensemble du secteur des ovins et caprins, ces dernières seraient dénaturées. À cet effet, le Royaume d’Espagne précise que, avec des données statistiques concrètes à la date en cause, cette ligne de contrôle présente un faible nombre de demandeurs par rapport aux autres lignes et un très petit échantillon de contrôle, le nombre de dossiers sélectionnés de manière aléatoire ne représentant que 15 % de tous les dossiers aléatoires du groupe sectoriel, dont seul un petit nombre aurait un impact, ce qui ne permettrait pas de tirer des conclusions fiables.
151 Il serait également souligné dans ces courriels que, dès lors que la sélection de l’échantillon aléatoire précède la sélection de l’échantillon fondé sur les risques, si un nombre important de dossiers ayant une forte probabilité d’être sélectionnés selon les critères de risque adéquats sont sélectionnés au préalable de manière aléatoire, ces dossiers pourraient avoir une forte influence sur le calcul du taux d’erreur, faisant apparaître les critères de risque comme inadéquats, ce qui poserait le problème que posent les dossiers « aberrants ».
152 Ces conclusions auraient été reprises dans le rapport du Royaume d’Espagne aux fins de l’audition devant l’organe de conciliation.
153 Par conséquent, les arguments et les données à discuter dans la présente procédure ont déjà été soumis au cours de la procédure administrative, sans préjudice du fait que ceux soumis dans la requête sont plus à jour et plus détaillés.
154 La Commission conteste cette argumentation.
155 Concernant l’Andalousie, la Commission fait observer que les données utilisées ainsi que les calculs et l’analyse effectués par le Royaume d’Espagne concernant l’Andalousie, exposés aux points 139 à 150 ci‑dessus, n’ont pas été fournis et n’ont pas été invoqués devant elle durant la procédure administrative, de sorte qu’il n’y a pas lieu de les prendre en considération.
156 À cet égard, il faut rappeler que, durant la procédure d’apurement des comptes, les informations qui sont fournies par l’État membre doivent être transmises aux services de la Commission dans les délais prévus à l’article 34 du règlement d’exécution no 908/2014.
157 En l’espèce, le Royaume d’Espagne soutient avoir communiqué, durant la procédure administrative, les éléments chiffrés pertinents concernant l’Andalousie, par une lettre de la Communauté autonome d’Andalousie en réponse à la lettre du 26 juin 2019 de la DG « Agriculture et développement rural » demandant l’envoi de l’estimation relative aux statistiques de la campagne 2016.
158 Force est toutefois de constater que, dans ladite lettre, il est établi que les taux d’erreur des échantillons aléatoires, de 3,05 %, étaient supérieurs à ceux des échantillons fondés sur les risques, de 2,86 %.
159 Ce faisant, le Royaume d’Espagne a, durant la procédure administrative, admis l’existence d’une violation de l’article 34, paragraphes 3 et 5, du règlement d’exécution no 809/2014.
160 Certes, dans le cadre du présent recours, le Royaume d’Espagne a produit devant le Tribunal des données, qu’il qualifie de données étant plus à jour et plus détaillées, qui divergent des données fournies dans la lettre de la Communauté autonome d’Andalousie en réponse à la lettre du 26 juin 2019 de la DG « Agriculture et développement rural ».
161 Toutefois, indépendamment de la fiabilité de ces dernières données, force est de constater qu’elles n’ont pas été fournies durant la procédure administrative, ce que ne conteste pas le Royaume d’Espagne.
162 À cet égard, après la communication officielle des conclusions par la Commission, qui a lieu dans un délai de six mois suivant l’envoi du procès-verbal de la réunion bilatérale, conformément à l’article 34, paragraphe 6, du règlement d’exécution no 908/2014, les informations supplémentaires ne peuvent être prises en compte que si elles sont nécessaires pour éviter la surestimation brute du préjudice financier et si la transmission tardive est dûment justifiée par des facteurs externes. Or, en l’espèce, de telles considérations n’ont pas été invoquées par le Royaume d’Espagne.
163 Partant, les données produites par le Royaume d’Espagne devant le Tribunal ne sauraient être prises en compte aux fins d’apprécier la légalité de la décision attaquée et doivent donc être écartées.
164 Dès lors, les griefs relatifs à la réalisation de contrôles sur place présentant une qualité suffisante concernant l’Andalousie doivent être rejetés.
Concernant la Catalogne
165 Pour la campagne 2017, le Royaume d’Espagne détaille la distorsion des données observées au sein des organismes payeurs pour certaines mesures, en faisant valoir que, si des écarts sont constatés, ils sont dus, d’une part, au faible nombre d’échantillons excluant leur représentativité et, d’autre part, à l’existence de cas dits « aberrants », qui faussent les valeurs moyennes des taux établis dans les contrôles aléatoires.
166 La Commission conteste l’argumentation du Royaume d’Espagne.
167 À cet égard, il convient de relever qu’il ressort du rapport de synthèse que, en 2017, 411 contrôles sur place ont été effectués, lesquels ont donné lieu à un taux d’erreur de 3,49 % dans les dossiers de l’échantillon aléatoire et de 0,97 % dans les dossiers de l’échantillon fondé sur les risques.
168 Ces données ne sont pas contestées par le Royaume d’Espagne, lequel admet ainsi une violation de l’article 59, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 et de l’article 34, paragraphes 3 et 5, du règlement d’exécution no 809/2014.
169 D’une part, le Royaume d’Espagne invoque, pour justifier cet écart, le faible nombre d’échantillons, excluant leur représentativité.
170 Or, il suffit de relever, tout comme la Commission, que cette argumentation manque en fait, en ce que des échantillons recueillis dans le cadre de 411 contrôles ne sauraient être considérés comme non représentatifs de l’ensemble de la population concernée.
171 D’autre part, le Royaume d’Espagne fait valoir, pour justifier cet écart, l’existence de cas dits « aberrants », qui faussent les valeurs moyennes des taux établis dans les contrôles aléatoires, d’autant plus dans le cas d’échantillons restreints.
172 Or, il suffit de relever, tout comme la Commission, que cette argumentation manque en droit, en ce que cette approche du Royaume d’Espagne ne repose sur aucun fondement juridique.
173 Au surplus et ainsi que l’a relevé à juste titre la Commission, cette approche, consistant à écarter des cas, parce que jugés « aberrants », des résultats d’un contrôle aléatoire reviendrait à ôter tout effet utile à la nature aléatoire des contrôles des taux d’erreur établis sur place.
174 Partant, les données alternatives proposées par le Royaume d’Espagne ne sauraient affecter la légalité de la décision attaquée.
175 Dès lors, les griefs relatifs à la réalisation de contrôles sur place présentant une qualité suffisante concernant la Catalogne doivent être rejetés.
Sur le traitement équitable de tous les organismes payeurs
176 Le Royaume d’Espagne fait également valoir, en substance, que la Commission se devait d’appliquer des critères identiques pour tous les organismes payeurs en Espagne.
177 Or, il ressortirait d’extraits d’échanges entre la Commission et des organismes payeurs de Cantabrie, de Castille-et-León et de Galice que les explications données par ces trois organismes payeurs sur le point en cause sont les mêmes que celles fournies tout au long de la procédure pour l’organisme payeur de Catalogne, toutes fondées sur les mêmes circonstances, et que la Commission les a prises en compte pour certains organismes payeurs, et non pour d’autres, sans fournir la moindre explication raisonnable pour une telle divergence d’approche.
178 La Commission conteste l’argumentation du Royaume d’Espagne.
179 D’emblée, il convient de relever que, dans le cadre de son argumentation relative à la réalisation de contrôles sur place présentant une qualité suffisante, le Royaume d’Espagne invoque, formellement, une violation du droit à un « traitement équitable » de tous les organismes payeurs.
180 Selon le Royaume d’Espagne, la Commission se devait d’appliquer des critères identiques pour tous les organismes payeurs en Espagne. Il fait valoir en ce sens que plusieurs organismes payeurs auraient présenté avec succès des arguments relatifs aux effets des petits échantillons et des cas « aberrants ».
181 En l’espèce, au titre de cette lacune, la Commission a opéré des corrections financières pour neuf autres communautés autonomes en rejetant des arguments relatifs aux effets des petits échantillons et des cas « aberrants » et en procédant à des corrections que le Royaume d’Espagne ne conteste pas dans le cadre du présent recours. Elle a en outre accepté ces arguments en partie pour une autre communauté autonome et en totalité pour deux autres communautés autonomes, ce dont se prévaut le Royaume d’Espagne.
182 Or, force est de constater que le Royaume d’Espagne n’a pas établi que ces deux dernières communautés autonomes se trouvaient dans une situation objectivement comparable à celles de l’Andalousie et de la Catalogne.
183 En tout état de cause, concernant l’Andalousie, la Commission fait observer, sans être contredite sur ce point par le Royaume d’Espagne, que les données fournies concernaient l’année de demande 2018, ne relevant pas des années de demande couvertes dans la décision attaquée.
184 Concernant la Catalogne, il ne saurait être fait grief à la Commission d’avoir rejeté l’argument tiré de la taille insuffisante d’un échantillon établi sur la base de 411 contrôles.
185 Ainsi, il y a lieu de rejeter le grief que le Royaume d’Espagne a tiré du traitement inéquitable des organismes payeurs.
186 Dès lors, il y a lieu de rejeter le second moyen et, partant, le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
187 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
188 Le Royaume d’Espagne ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.
189 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.
190 La République française étant intervenue au soutien des conclusions du Royaume d’Espagne, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.
3) La République française supportera ses propres dépens.
Spielmann | Valančius | Tóth |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 septembre 2023.
Signatures
* Langue de procédure : l’espagnol.
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