Agentsia „Patna infrastruktura“ (Financement europeen d'infrastructures routières) (European Union Cohesion Fund - detected irregularities - Judgment) French Text [2024] EUECJ C-471/22 (30 January 2024)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/C47122.html
Cite as: ECLI:EU:C:2024:99, EU:C:2024:99, [2024] EUECJ C-471/22

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ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

30 janvier 2024 (*)

« Renvoi préjudiciel – Fonds de cohésion de l’Union européenne – Règlement (CE) no 1083/2006 – Articles 99 et 101 – Corrections financières en rapport avec des irrégularités détectées – Règlement (UE) 2021/1060 – Article 104 – Corrections financières effectuées par la Commission – Décision de la Commission annulant en partie une contribution de ce fonds – Validité – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 41 – Droit à une bonne administration – Article 47, premier alinéa – Droit à un recours effectif devant un tribunal »

Dans l’affaire C‑471/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Administrativen sad Sofia-grad (tribunal administratif de Sofia, Bulgarie), par décision du 4 juillet 2022, parvenue à la Cour le 13 juillet 2022, dans la procédure

Agentsia « Patna infrastruktura »

contre 

Rakovoditel na Upravlyavashtia organ na Operativna programa « Transport » 2007-2013 i direktor na direktsia « Koordinatsia na programi i proekti » v Ministerstvo na transporta (RUO),

LA COUR (troisième chambre),

composée de Mme K. Jürimäe, présidente de chambre, MM. N. Piçarra (rapporteur), M. Safjan, N. Jääskinen et M. Gavalec, juges,

avocat général : Mme T. Ćapeta,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour l’Agentsia « Patna infrastruktura », par M. I. Ivanov,

–        pour le Rakovoditel na Upravlyavashtia organ na Operativna programa « Transport » 2007-2013 i direktor na direktsia « Koordinatsia na programi i proekti » v Ministerstvo na transporta (RUO), par M. M. Georgiev,

–        pour le gouvernement bulgare, par Mme T. Mitova, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mmes P. Carlin, D. Drambozova et M. G. Wils, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte, d’une part, sur la validité de la décision C(2021) 5739 final de la Commission, du 27 juillet 2021, annulant une partie de la participation du Fonds de cohésion pour le programme opérationnel « Transport » 2007‑2013 au titre de l’objectif « Convergence » en Bulgarie (ci‑après la « décision du 27 juillet 2021 »), et, d’autre part, sur l’interprétation des articles 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte ») ainsi que de l’article 296, paragraphe 3, TFUE et des articles 98 et 100 du règlement (CE) no 1083/2006 du Conseil, du 11 juillet 2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) no 1260/1999 (JO 2006, L 210, p. 25).

2        Cette demande a été introduite dans le cadre d’un litige opposant l’Agentsia « Patna infrastruktura » (Agence des infrastructures routières, Bulgarie) (ci‑après l’« API ») au Rakovoditel na Upravlyavashtia organ na Operativna programa « Transport » 2007‑2013 i direktor na direktsia Koordinatsia na programi i proekti v Ministerstvo na transporta (chef de l’autorité de gestion du programme opérationnel « Transport » 2007‑2013 et directeur de la Direction de la coordination des programmes et des projets au ministère des Transports, Bulgarie) (ci‑après l’« autorité de gestion ») au sujet de la correction financière de 5 % de la valeur d’un contrat du 27 février 2012, financé par une subvention octroyée en exécution du programme opérationnel « Transport » 2007‑2013, que cette autorité a appliquée à l’API par lettre du 29 décembre 2021.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 Le règlement no 1083/2006

3        Le considérant 65 du règlement no 1083/2006, applicable ratione temporis au litige au principal, énonçait :

« En application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, la mise en œuvre et le contrôle des interventions devraient relever en premier lieu de la responsabilité des États membres. »

4        Aux termes de l’article 2, point 7, de ce règlement :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

7)      “irrégularités” : toute violation d’une disposition du droit communautaire résultant d’un acte ou d’une omission d’un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général de l’Union européenne par l’imputation au budget général d’une dépense indue. »

5        L’article 60 dudit règlement, intitulé « Fonctions de l’autorité de gestion », prévoyait :

« L’autorité de gestion est chargée de la gestion et de la mise en œuvre du programme opérationnel conformément au principe de bonne gestion financière, et en particulier :

a)      de veiller à ce que les opérations soient sélectionnées en vue d’un financement selon les critères applicables au programme opérationnel et qu’elles soient conformes, pendant toute la durée de leur exécution, aux règles communautaires et nationales applicables ;

[...] »

6        L’article 70 du même règlement, intitulé « Gestion et contrôle », disposait, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.      Les États membres assument la responsabilité de la gestion et du contrôle des programmes opérationnels, en particulier au travers des mesures suivantes :

a)      ils s’assurent que les systèmes de gestion et de contrôle des programmes opérationnels sont établis conformément aux dispositions des articles 58 à 62 et qu’ils fonctionnent efficacement ;

b)      ils préviennent, détectent et corrigent les irrégularités et recouvrent les sommes indûment payées, le cas échéant augmentées d’intérêts de retard. Ils les notifient à la Commission [européenne] et tiennent celle-ci informée de l’évolution des procédures administratives et judiciaires.

2.      Lorsque des montants indûment payés à un bénéficiaire ne peuvent pas être recouvrés, l’État membre est responsable du remboursement des montants perdus au budget général de l’Union européenne, lorsqu’il est établi que la perte résulte de sa propre faute ou négligence. »

7        L’article 98 du règlement no 1083/2006, intitulé « Corrections financières par les États membres », était libellé comme suit :

« 1.      Il incombe en premier lieu aux États membres de rechercher les irrégularités, d’agir lorsque est constaté un changement important affectant la nature ou les conditions de mise en œuvre ou de contrôle des opérations ou des programmes opérationnels, et de procéder aux corrections financières nécessaires.

2.      Les États membres procèdent aux corrections financières requises en rapport avec les irrégularités individuelles ou systémiques détectées dans les opérations ou les programmes opérationnels. Les corrections auxquelles procèdent les États membres consistent à annuler tout ou partie de la participation publique pour le programme opérationnel. Les États membres tiennent compte de la nature et de la gravité des irrégularités et de la perte financière qui en résulte pour le Fonds.

[...] »

8        L’article 99 de ce règlement, intitulé « Critères applicables aux corrections », énonçait :

« 1.      La Commission peut procéder à des corrections financières en annulant tout ou partie de la participation communautaire à un programme opérationnel lorsque, après avoir effectué les vérifications nécessaires, elle conclut que :

a)      il existe une grave insuffisance du système de gestion ou de contrôle du programme qui a mis en péril la participation communautaire déjà versée au programme ;

b)      les dépenses figurant dans un état des dépenses certifié sont irrégulières et n’ont pas été corrigées par l’État membre avant l’ouverture de la procédure de correction au titre du présent paragraphe ;

c)      un État membre ne s’est pas acquitté de ses obligations au titre de l’article 98 avant l’ouverture de la procédure de correction au titre du présent paragraphe.

2.      La Commission fonde ses corrections financières sur des cas individuels d’irrégularité recensés, en tenant compte de la nature systémique de l’irrégularité pour déterminer s’il convient d’appliquer une correction forfaitaire ou extrapolée.

3.      Lorsqu’elle décide du montant d’une correction, la Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’irrégularité, ainsi que de l’ampleur et des implications financières des insuffisances constatées dans le programme opérationnel concerné.

4.      Lorsque la Commission fonde sa position sur des faits établis par d’autres auditeurs que ceux de ses propres services, elle tire ses propres conclusions en ce qui concerne leurs conséquences financières après avoir examiné les mesures prises par l’État membre concerné en application de l’article 98, paragraphe 2, les rapports fournis au titre de l’article 70, paragraphe 1, point b), ainsi que les réponses de l’État membre.

5.      Lorsqu’un État membre ne respecte pas ses obligations au titre de l’article 15, paragraphe 4, la Commission peut, en fonction du degré de non‑respect de ces obligations, procéder à une correction financière en annulant tout ou partie de la contribution des Fonds structurels en faveur de l’État membre concerné.

Le taux applicable à la correction financière visée au présent paragraphe est fixé dans les modalités d’application du présent règlement que la Commission adopte conformément à la procédure visée à l’article 103, paragraphe 3. »

9        L’article 100 dudit règlement, intitulé « Procédure », disposait :

« 1.      Avant de statuer sur une correction financière, la Commission ouvre la procédure en informant l’État membre de ses conclusions provisoires et en l’invitant à faire part de ses observations dans un délai de deux mois.

[...]

2.      La Commission tient compte de tout élément fourni par l’État membre dans les délais visés au paragraphe 1.

3.      Si l’État membre n’accepte pas les conclusions provisoires de la Commission, celle-ci l’invite à une audition au cours de laquelle les deux parties s’efforcent, dans un esprit de coopération fondée sur le partenariat, de parvenir à un accord sur les observations et les conclusions à en tirer.

[...]

5.      En l’absence d’accord, la Commission statue sur la correction financière dans les six mois suivant la date de l’audition en tenant compte de toutes les informations et observations présentées au cours de la procédure. S’il n’y a pas d’audition, la période de six mois débute deux mois après la date de l’envoi de la lettre d’invitation par la Commission. »

10      L’article 101 du même règlement, intitulé « Obligations des États membres », prévoyait :

« L’application d’une correction financière par la Commission n’affecte pas l’obligation de l’État membre de procéder au recouvrement prévu à l’article 98, paragraphe 2, du présent règlement et de récupérer l’aide d’État au titre de l’article [107 TFUE] et au titre de l’article 14 du règlement (CE) nº 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] [(JO 1999, L 83, p. 1)]. »

 Le règlement (UE) 2021/1060

11      Le règlement (UE) 2021/1060 du Parlement européen et du Conseil, du 24 juin 2021, portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen plus, au Fonds de cohésion, au Fonds pour une transition juste et au Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture, et établissant les règles financières applicables à ces Fonds et au Fonds « Asile, migration et intégration », au Fonds pour la sécurité intérieure et à l’instrument de soutien financier à la gestion des frontières et à la politique des visas (JO 2021, L 231, p. 159), dispose, à son article 104, intitulé « Corrections financières effectuées par la Commission » :

« [...]

2.      Avant de se prononcer sur une correction financière, la Commission informe l’État membre de ses conclusions et offre à celui‑ci la possibilité de présenter ses observations dans un délai de deux mois et de démontrer que l’ampleur réelle de l’irrégularité est moindre que celle estimée par la Commission. Ce délai peut être prolongé d’un commun accord.

3.      Lorsque l’État membre n’accepte pas les conclusions de la Commission, celle-ci l’invite à une audition afin de s’assurer qu’elle dispose de toutes les informations et observations pertinentes pour fonder ses conclusions relatives à l’application de la correction financière.

4.      La Commission se prononce sur une correction financière en tenant compte de l’ampleur, de la fréquence et des incidences financières des irrégularités ou des insuffisances graves, au moyen d’un acte d’exécution, dans un délai de dix mois à compter de la date de l’audition ou de la date à laquelle ont été transmises les informations complémentaires qu’elle avait demandées.

Lorsqu’elle se prononce sur une correction financière, la Commission tient compte de toutes les informations et observations communiquées.

[...] »

 Le droit bulgare

12      L’article 70 du Zakon za upravlenie na sredstvata ot evropeyskite strukturni i investitsionni fondove (loi relative à la gestion des ressources des fonds structurels et des investissements européens, DV no 101, du 22 décembre 2015), dans sa version applicable aux faits au principal (ci‑après la « loi sur les fonds européens »), prévoit, à son paragraphe 1 :

« Le soutien financier provenant des Fonds européens structurels et d’investissement peut être supprimé en totalité ou en partie en effectuant une correction financière pour les motifs suivants :

[...]

9.      pour une irrégularité constituant une violation des règles de désignation d’un contractant au titre du chapitre quatre, commise par un acte ou une omission du bénéficiaire, qui a ou aurait pour effet de porter préjudice aux Fonds européens structurels et d’investissement ;

10.      pour toute autre irrégularité constituant une violation du droit applicable de l’Union et/ou bulgare, commise par un acte ou une omission de la part du bénéficiaire, qui a ou aurait pour effet de porter préjudice aux Fonds européens structurels et d’investissement ».

13      Conformément à l’article 71, paragraphe 1, de la loi sur les fonds européens, « en procédant à des corrections financières, le soutien financier accordé au titre du chapitre trois du Fonds social européen est retiré, ou le montant des fonds dépensés (coûts éligibles du projet) est réduit, afin d’atteindre ou de rétablir la situation dans laquelle toutes les dépenses certifiées à la Commission européenne sont conformes au droit de l’Union applicable et à la législation bulgare ».

14      L’article 73 de la loi sur les fonds européens prévoit :

« (1)      La correction financière est déterminée quant au fondement et au montant par une décision motivée du chef de l’autorité de gestion qui a approuvé le projet.

(2)      Avant d’adopter la décision visée au paragraphe 1, l’autorité de gestion doit veiller à ce que le bénéficiaire ait la possibilité de présenter, dans un délai raisonnable, qui ne peut être inférieur à deux semaines, ses objections écrites relatives au fondement et au montant de la correction financière et, le cas échéant, d’y joindre des éléments de preuve. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

15      L’API a bénéficié du programme opérationnel « Transport » 2007‑2013 en vertu d’une convention conclue avec l’autorité de gestion. En exécution de cette convention, à la suite de procédures de passation de marchés publics, elle a conclu trois contrats, chacun ayant pour objet la conception et la construction d’une route.

16      Le 18 mai 2017, la Commission a ouvert une procédure de correction financière et accordé un délai de deux mois à la République de Bulgarie pour présenter ses observations. Une réunion technique entre la Commission et cet État membre a eu lieu le 4 décembre 2019 afin de clarifier leurs positions. Une audition s’est également tenue le 2 mars 2021, à la suite de laquelle ledit État membre a fourni des informations complémentaires à la Commission.

17      Par la décision du 27 juillet 2021, dont la République de Bulgarie est destinataire, la Commission a estimé que les trois procédures de passation de marchés publics en question avaient été organisées par l’API en violation de certaines dispositions de la directive 2004/18/CE du Parlement et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO 2004, L 134, p. 114). Sur le fondement de l’article 99, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1083/2006, la Commission a, dès lors, annulé une partie de la contribution du Fonds de cohésion au programme opérationnel en cause et appliqué un taux forfaitaire de correction financière de 5 % aux dépenses déclarées au titre des opérations concernées par ces marchés publics.

18      À la suite de cette décision, l’autorité de gestion a engagé, concernant chacun desdits marchés publics, une procédure de correction financière à l’égard de l’API. Par lettre du 29 décembre 2021, elle a ainsi appliqué une correction financière s’élevant à 5 % de la valeur d’un des contrats de passation de marché public en cause. L’API a introduit un recours contre cette décision devant l’Administrativen sad Sofia‑grad (tribunal administratif de Sofia, Bulgarie), la juridiction de renvoi.

19      Cette juridiction doute de la validité de la décision du 27 juillet 2021. Elle relève, notamment, que la Commission, outre qu’elle n’a pas suffisamment motivé cette décision ni tenu compte d’une éventuelle contradiction entre l’avis de marché publié en question et le cahier des charges, faisant partie du dossier d’appel d’offres, s’est prévalue à plusieurs reprises d’une jurisprudence de la Cour relative à l’interprétation de la directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux (JO 2004, L 134, p. 1), alors que la directive applicable à l’affaire dont elle est saisie est la directive 2004/18.

20      La juridiction de renvoi se demande, par ailleurs, si l’article 41 de la Charte permet à la Commission de constater une violation des règles applicables en matière de marchés publics en se fondant uniquement sur les observations de l’État membre et non pas sur celles du pouvoir adjudicateur, si les autorités nationales compétentes doivent constater l’irrégularité dans le cadre d’une procédure autonome avant d’appliquer une correction financière ou si elles peuvent se fonder sur le constat d’irrégularité opéré par la Commission, et, dans un tel cas, si l’article 47 de la Charte s’oppose à ce que la juridiction compétente pour contrôler la mesure de correction nationale soit liée par le constat d’irrégularité effectué par la Commission.

21      Dans ces conditions, l’Administrativen sad Sofia‑grad (tribunal administratif de Sofia) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      La [décision du 27 juillet 2021] est‑elle valide au regard des exigences de bien‑fondé, de motivation, de complétude et d’impartialité de l’examen effectué prévues à l’article 296, paragraphe 3, TFUE et du principe de bonne administration prévu à l’article 41 de la [Charte] ?

2)      Convient‑il d’interpréter l’article 100 du règlement no 1083/2006 en ce sens que, pour que sa décision soit légale, la Commission ne doit pas établir, analyser et qualifier tous les faits juridiquement pertinents dans la procédure, mais doit limiter et former ses conclusions uniquement sur la base de la communication et de l’échange d’observations, ou d’informations, avec l’État membre ?

3)      Dans une situation comme celle de l’espèce, dans laquelle un acte entré en vigueur de la Commission impose une correction financière à un État membre pour une irrégularité commise dans l’utilisation des fonds de l’Union européenne dans le cadre de trois procédures de passation de marchés publics distinctes, les autorités nationales compétentes doivent‑elles mener une procédure d’irrégularité autonome afin d’appliquer une correction financière légale conformément à l’article 98 du règlement no 1083/2006 ?

4)      En cas de réponse négative à la question précédente, faut‑il considérer que le droit des personnes de participer à la procédure de fixation d’une correction financière menée par les États membres est garanti conformément au droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la Charte ?

5)      Dans une situation telle que celle de l’espèce, dans laquelle un acte entré en vigueur de la Commission impose une correction financière à un État membre pour une irrégularité commise dans l’utilisation de fonds de l’Union européenne dans le cadre de trois procédures de passation de marchés publics distinctes, convient‑il d’interpréter l’article 47 de la Charte en ce sens que la juridiction nationale saisie d’un recours contre une décision imposant une correction financière à une autorité nationale compétente pour l’une de ces procédures de passation de marchés est liée par les constatations et les conclusions de la Commission, ou cette disposition suppose-t-elle que, dans le cadre d’un contrôle juridictionnel complet et par tous les moyens autorisés par la loi, la juridiction doit établir et examiner tous les faits et circonstances juridiquement pertinents du litige en apportant la solution juridique nécessaire ?

6)      En cas de réponse à la question précédente en ce sens que la juridiction nationale est liée par la décision de la Commission, y compris en ce qui concerne les constatations de fait que celle-ci comporte, est-il possible de considérer que le droit à un recours effectif et à un procès équitable des personnes auxquelles une correction financière a été imposée est garanti conformément à l’article 47 de la Charte ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les première et deuxième questions

22      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, si la juridiction de renvoi vise, dans sa deuxième question, l’article 100 du règlement nº 1083/2006, en l’occurrence, la Commission a toutefois suivi la procédure instaurée à l’article 104 du règlement 2021/1060, estimant que ce dernier article était applicable ratione temporis eu égard à la nature procédurale des dispositions qu’il comprend.

23      Dans ces conditions, les deux premières questions, qu’il convient d’examiner ensemble, doivent être comprises comme visant à déterminer si, au regard de l’article 296, paragraphe 2, TFUE, de l’article 41 de la Charte et de l’article 104 du règlement 2021/1060, la décision du 27 juillet 2021 est entachée d’invalidité.

24      En premier lieu, en ce qui concerne la prétendue violation, par la Commission, du droit d’être entendu, garanti à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, du fait de l’absence d’audition du bénéficiaire des fonds, il résulte notamment des considérants 22 à 27 de la décision du 27 juillet 2021, ainsi que des observations écrites de l’autorité de gestion, du gouvernement bulgare et de la Commission que, bien que l’article 104 du règlement 2021/1060 ne prévoie pas expressément l’obligation pour la Commission d’entendre le bénéficiaire des fonds, tant les représentants de cette autorité que ceux de l’API ont en l’occurrence participé à une réunion technique ainsi qu’à une audition, organisées par la Commission, dans le cadre de la procédure prévue à cet article.

25      En second lieu, en ce qui concerne la prétendue violation, par la Commission, de son obligation de motivation, prévue à l’article 296, paragraphe 2, TFUE et à l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte, il importe de rappeler que cette motivation doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de son auteur, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de cet acte et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir, notamment, arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63 ; du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, EU:C:2001:178, point 35, ainsi que du 2 septembre 2021, EPSU/Commission, C‑928/19 P, EU:C:2021:656, point 108).

26      L’exigence de motivation doit ainsi être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est donc pas exigé que la motivation d’un acte spécifie tous les éléments de fait et de droit qui pourraient être considérés comme étant pertinents (voir, en ce sens, arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63, ainsi que du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C‑280/08 P, EU:C:2010:603, point 131).

27      À cet égard, tout d’abord, la Commission, après avoir présenté, ainsi que le prévoit l’article 104, paragraphe 2, du règlement 2021/1060, les motifs l’ayant amenée à conclure à l’existence d’une irrégularité, aux considérants 28 à 36 de la décision du 27 juillet 2021, a répondu, aux considérants 49 à 67 de celle-ci, aux arguments avancés par la République de Bulgarie lors des différents échanges qui se sont déroulés au cours de la procédure prévue à cet article 104. La Commission a ainsi apprécié si les justifications invoquées par cet État membre pouvaient être considérées comme constituant des circonstances exceptionnelles justifiant de déroger aux règles de la directive 2004/18 visées en l’occurrence.

28      Ensuite, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission n’aurait pas pris en considération la spécificité de chacun des trois contrats concernés par la mesure de correction financière, il ressort des considérants 32, 33 et, surtout, 56 à 59 de la décision du 27 juillet 2021 que le pouvoir adjudicateur a imposé à chaque membre du consortium avec lequel ces contrats avaient été signés, pour chacun desdits contrats, une exigence identique, à savoir une expérience dans la construction de routes dont la structure est capable de supporter une charge par essieu de 11,5 tonnes, et ce sans qu’une circonstance exceptionnelle le justifie. La Commission, en se fondant sur le point 91 de l’arrêt du 5 avril 2017, Borta (C‑298/15, EU:C:2017:266), a considéré comme étant disproportionnée cette exigence imposée uniformément à tous les membres d’un consortium, indépendamment de leurs capacités professionnelles spécifiques au sein de ce consortium.

29      Le fait que, ainsi que le relève la juridiction de renvoi, cet arrêt porte sur la directive 2004/17, alors que la directive applicable dans l’affaire au principal est la directive 2004/18, n’exclut pas la pertinence de la directive 2004/17 ni dudit arrêt. En effet, ces deux directives ont un objet similaire, partagent les mêmes bases juridiques et la disposition pertinente de la directive 2004/18 est libellée de la même manière que celle qui lui correspond dans la directive 2004/17, l’arrêt du 5 avril 2017, Borta (C‑298/15, EU:C:2017:266), se référant d’ailleurs à l’arrêt du 7 avril 2016, Partner Apelski Dariusz (C‑324/14, EU:C:2016:214), lequel concerne l’interprétation de la directive 2004/18.

30      Enfin, en ce qui concerne la prétendue contradiction entre l’avis de marché publié et le cahier des charges, faisant partie du dossier d’appel d’offres, portant sur le point de savoir si les critères de sélection devaient être remplis par chaque consortium ou individuellement par chaque membre du consortium, il doit être constaté qu’une telle contradiction, à la supposer établie, n’a pas été soulevée par les parties au cours de la procédure de correction financière menée en application de l’article 104 du règlement 2021/1060. Il ne peut donc être reproché à la Commission d’avoir manqué à son obligation de motivation à cet égard.

31      Au vu des motifs qui précèdent, il y a lieu de conclure que l’examen conjoint de la première et de la deuxième question n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de la décision du 27 juillet 2021.

 Sur les troisième et quatrième questions

32      Par ses  troisième et quatrième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 98, paragraphe 2, du règlement nº 1083/2006, lu en combinaison avec l’article 41 de la Charte, doit être interprété en ce sens que, lorsque, dans une décision adoptée sur le fondement de l’article 99 de ce règlement, la Commission constate une irrégularité, au sens de l’article 2, point 7, dudit règlement, et applique, en conséquence, une correction financière à un État membre, les autorités nationales compétentes doivent procéder au recouvrement des sommes indûment perçues, en appliquant une correction financière au bénéficiaire des fonds, à l’issue d’une procédure administrative autonome.

33      Il ressort des articles 98 et 99 du règlement nº 1083/2006, lus à la lumière du considérant 65 de ce règlement, qu’il incombe, en premier lieu, à l’État membre de contrôler la bonne utilisation des fonds et de constater, le cas échéant, l’existence d’une irrégularité, au sens de l’article 2, point 7, dudit règlement. L’article 98, paragraphe 2, premier alinéa, du même règlement précise ainsi que les États membres ont l’obligation de procéder à des corrections financières lorsqu’ils détectent des irrégularités en rapport avec les opérations ou les programmes opérationnels (voir, en ce sens, arrêts du 26 mai 2016, Județul Neamț et Județul Bacău, C‑260/14 et C‑261/14, EU:C:2016:360, point 48, ainsi que du 6 décembre 2017, Compania Naţională de Administrare a Infrastructurii Rutiere, C‑408/16, EU:C:2017:940, points 64 et 65).

34      Une telle interprétation est corroborée par l’article 60, sous a), du règlement nº 1083/2006, aux termes duquel il incombe à l’autorité de gestion de veiller à ce que les opérations sélectionnées en vue d’un financement soient conformes pendant toute la durée de leur exécution, aux règles de l’Union et aux règles nationales applicables.

35      Ce n’est ainsi qu’à titre subsidiaire, afin de pallier une défaillance de l’État membre, que la Commission est habilitée, sur le fondement de l’article 99 du règlement no 1083/2006, à adopter des mesures de correction financière après avoir conclu qu’un État membre ne s’est pas acquitté de ses obligations au titre de l’article 98 de ce règlement. En l’occurrence, la Commission a relevé, dans la décision du 27 juillet 2021, qu’aucune décision n’avait été adoptée par la République de Bulgarie sur le fondement de l’article 98 dudit règlement.

36      En outre, il résulte de l’article 101 du règlement nº 1083/2006 que l’application d’une correction financière par la Commission à un État membre n’affecte pas l’obligation de ce dernier de procéder au recouvrement, en application de l’article 98, paragraphe 2, de ce règlement, des fonds européens indûment perçus auprès de leurs bénéficiaires.

37      Une telle interprétation est corroborée par l’article 70, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1083/2006, lequel dispose que les États membres, qui assument la responsabilité de la gestion et du contrôle des programmes opérationnels, ont l’obligation de recouvrer les sommes indûment payées, le cas échéant augmentées d’intérêts de retard.

38      Il s’ensuit que, dans la mesure où les États membres ont l’obligation de récupérer les fonds européens indûment perçus en conséquence d’un abus ou d’une négligence de la part des bénéficiaires de ces fonds, le fait qu’ils ont remboursé l’Union, conformément à la décision de la Commission dont ils sont destinataires, ne les dispense pas, en principe, de procéder à la récupération desdits fonds auprès de ces bénéficiaires (voir, par analogie, arrêts du 13 mars 2008, Vereniging Nationaal Overlegorgaan Sociale Werkvoorziening e.a., C‑383/06 à C‑385/06, EU:C:2008:165, points 38 et 58 ; du 21 décembre 2011, Chambre de commerce et d’industrie de l’Indre, C‑465/10, EU:C:2011:867, point 34, ainsi que du 18 décembre 2014, Somvao, C‑599/13, EU:C:2014:2462, points 44 et 45).

39      Partant, lorsque la Commission adopte une décision de correction financière sur le fondement de l’article 99 du règlement no 1083/2006, l’État membre est tenu, en vertu de l’article 101 de ce règlement, de procéder au recouvrement des sommes indûment perçues en adoptant des mesures de correction financière, au titre de l’article 98, paragraphe 2, dudit règlement, sauf si ce recouvrement est devenu impossible en conséquence d’une faute ou d’une négligence de cet État membre (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2020, Elme Messer Metalurgs, C‑743/18, EU:C:2020:767, point 71).

40      En adoptant de telles mesures de mise en œuvre du droit de l’Union, les États membres sont tenus de respecter les principes généraux de ce droit ainsi que les dispositions de la Charte (voir, en ce sens, arrêts du 26 mai 2016, Județul Neamț et Județul Bacău, C‑260/14 et C‑261/14, EU:C:2016:360, point 54, ainsi que du 17 novembre 2022, Avicarvil Farms, C‑443/21, EU:C:2022:899, point 38).

41      Dès lors que, dans ce contexte, la juridiction de renvoi se réfère, en particulier, à l’article 41 de la Charte, relatif au droit à une bonne administration, il importe de souligner que cet article s’adresse aux institutions, aux organes et aux organismes de l’Union et non aux organes ou aux entités des États membres, si bien qu’un particulier ne peut invoquer ledit article à l’égard des autorités nationales (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 2014, YS e.a., C‑141/12 et C‑372/12, EU:C:2014:2081, point 67). Toutefois, dès lors qu’un État membre met en œuvre le droit de l’Union, les exigences découlant du principe de bonne administration, en tant que principe général du droit de l’Union, notamment le droit de toute personne de voir ses affaires traitées impartialement et dans un délai raisonnable, trouvent à s’appliquer dans le cadre de la procédure conduite par l’autorité nationale compétente [voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, N., C‑604/12, EU:C:2014:302, points 49 et 50, ainsi que du 10 février 2022, Bezirkshauptmannschaft Hartberg-Fürstenfeld (Délai de prescription), C‑219/20, EU:C:2022:89, point 37].

42      Dans la mesure où la juridiction de renvoi se réfère également au droit de participer à la procédure, il y a lieu de préciser qu’un tel droit, en ce qu’il permet d’exercer le droit d’être entendu, fait partie intégrante des droits de la défense, dont le respect constitue un principe général du droit de l’Union. Le droit d’être entendu garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts, y compris lorsqu’une telle formalité n’est pas prévue par la réglementation applicable. La règle selon laquelle le destinataire d’une décision faisant grief doit être mis en mesure de faire valoir ses observations avant que celle-ci ne soit prise a pour but de permettre à l’autorité compétente de tenir utilement compte de l’ensemble des éléments pertinents (voir, en ce sens, arrêt du 5 novembre 2014, Mukarubega, C‑166/13, EU:C:2014:2336, points 44 à 47 et 49).

43      Cette règle est ainsi applicable à une procédure de correction financière, menée par les autorités nationales sur le fondement de l’article 98, paragraphe 2, du règlement nº 1083/2006, à la suite d’une décision de la Commission constatant une irrégularité.

44      Eu égard aux motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre aux troisième et quatrième questions que l’article 98, paragraphe 2, du règlement nº 1083/2006, lu en combinaison avec les principes généraux du droit de l’Union de bonne administration, du respect des droits de la défense et d’égalité des armes, doit être interprété en ce sens que, lorsque, dans une décision adoptée sur le fondement de l’article 99 de ce règlement, la Commission constate une irrégularité, au sens de l’article 2, point 7, dudit règlement, et applique, en conséquence, une correction financière à un État membre, les autorités nationales compétentes doivent, en principe, procéder au recouvrement des sommes indûment perçues, en appliquant une correction financière au bénéficiaire des fonds, à l’issue d’une procédure administrative autonome au cours de laquelle ce bénéficiaire a pu faire connaître de manière utile et effective ses observations.

 Sur les cinquième et sixième questions

45      Par ses cinquième et sixième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 47 de la Charte doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une juridiction nationale soit liée par une décision définitive de la Commission annulant en tout ou en partie, en raison d’une irrégularité, la contribution d’un fonds de l’Union européenne, lorsque cette juridiction est saisie d’un recours contre l’acte national appliquant, en exécution de cette décision, une correction financière au bénéficiaire de ce fonds.

46      Le droit à une protection juridictionnelle effective garanti à l’article 47 de la Charte est constitué de divers éléments, parmi lesquels figurent les droits de la défense, le principe d’égalité des armes, le droit d’accès aux tribunaux ainsi que le droit de se faire conseiller, défendre et représenter (arrêt du 6 novembre 2012, Otis e.a., C‑199/11, EU:C:2012:684, point 48).

47      Or, comme cela a été rappelé au point 42 du présent arrêt, le droit d’être entendu, qui fait partie intégrante des droits de la défense, garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d’une procédure [arrêt du 26 octobre 2021, Openbaar Ministerie (Droit d’être entendu par l’autorité judiciaire d’exécution), C‑428/21 PPU et C‑429/21 PPU, EU:C:2021:876, point 62]. Ce droit serait violé si une décision juridictionnelle pouvait se fonder sur des faits et des documents dont les parties elles-mêmes, ou l’une d’entre elles, n’ont pas pu prendre connaissance et sur lesquels elles n’ont donc pas été en mesure de prendre position (arrêt du 17 novembre 2022, Harman International Industries, C‑175/21, EU:C:2022:895, point 63).

48      De même, le principe d’égalité des armes, qui est, à l’instar du principe du contradictoire, un corollaire du droit à un procès équitable, implique l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause, y compris ses preuves, dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire. Ce principe garantit ainsi l’égalité des droits et des obligations des parties en ce qui concerne, notamment, les règles régissant l’administration des preuves et le débat contradictoire devant la juridiction compétente. Il en résulte que tout document fourni à cette juridiction doit pouvoir être évalué et contesté par toute partie à la procédure [voir, en ce sens, arrêts du 6 novembre 2012, Otis e.a., C‑199/11, EU:C:2012:684, points 71 et 72 ; du 10 février 2022, Bezirkshauptmannschaft HartbergFürstenfeld (Délai de prescription), C‑219/20, EU:C:2022:89, point 46, ainsi que du 17 novembre 2022, Harman International Industries, C‑175/21, EU:C:2022:895, point 62].

49      Il s’ensuit que, lorsqu’une juridiction d’un État membre est saisie d’un recours contre un acte national appliquant une correction financière au bénéficiaire d’un fonds de l’Union européenne, adoptée en exécution d’une décision définitive de la Commission annulant en tout ou en partie la contribution d’un tel fonds, en raison d’une irrégularité, cette juridiction doit pouvoir examiner aussi la validité de cette dernière décision. Si ladite juridiction estime qu’un ou plusieurs moyens d’invalidité de la décision de la Commission, invoqués par les parties ou soulevés d’office, sont fondés, elle doit surseoir à statuer et saisir la Cour d’un renvoi préjudiciel en appréciation de validité, la Cour étant seule compétente pour constater l’invalidité d’un acte de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 25 février 2021, VodafoneZiggo Group/Commission, C‑689/19 P, EU:C:2021:142, point 144).

50      Un tel mécanisme de renvoi préjudiciel, en ce qu’il permet de contester, devant la Cour, le constat d’irrégularité opéré par la Commission, permet de garantir le droit à un recours effectif, prévu à l’article 47 de la Charte, dont bénéficient les destinataires de l’acte national de recouvrement, dès lors que, par cet acte, les autorités de l’État membre mettent en œuvre le droit de l’Union.

51      Eu égard aux motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre aux cinquième et sixième questions que l’article 47 de la Charte doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’une juridiction nationale soit liée par une décision définitive de la Commission annulant en tout ou en partie, en raison d’une irrégularité, la contribution d’un fonds de l’Union européenne, lorsque cette juridiction est saisie d’un recours contre l’acte national appliquant, en exécution de cette décision, une correction financière au bénéficiaire de ce fonds, dès lors qu’il lui échoit de saisir la Cour d’un renvoi préjudiciel en appréciation de validité de ladite décision, si elle nourrit des doutes concernant la validité de cette dernière.

 Sur les dépens

52      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

1)      L’examen conjoint de la première et de la deuxième questions n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de la décision C(2021) 5739 final de la Commission, du 27 juillet 2021, annulant une partie de la participation du Fonds de cohésion pour le programme opérationnel « Transport » 20072013 au titre de l’objectif « Convergence » en Bulgarie.

2)      L’article 98, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1083/2006 du Conseil, du 11 juillet 2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) no 1260/1999, lu en combinaison avec les principes généraux du droit de l’Union de bonne administration, du respect des droits de la défense et d’égalité des armes,

doit être interprété en ce sens que :

lorsque, dans une décision adoptée sur le fondement de l’article 99 de ce règlement, la Commission européenne constate une irrégularité, au sens de l’article 2, point 7, dudit règlement, et applique, en conséquence, une correction financière à un État membre, les autorités nationales compétentes doivent, en principe, procéder au recouvrement des sommes indûment perçues, en appliquant une correction financière au bénéficiaire des fonds, à l’issue d’une procédure administrative autonome au cours de laquelle ce bénéficiaire a pu faire connaître de manière utile et effective ses observations.

3)      L’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

doit être interprété en ce sens que :

il ne s’oppose pas à ce qu’une juridiction nationale soit liée par une décision définitive de la Commission annulant en tout ou en partie, en raison d’une irrégularité, la contribution d’un fonds de l’Union européenne, lorsque cette juridiction est saisie d’un recours contre l’acte national appliquant, en exécution de cette décision, une correction financière au bénéficiaire de ce fonds, dès lors qu’il lui échoit de saisir la Cour d’un renvoi préjudiciel en appréciation de validité de ladite décision, si elle nourrit des doutes concernant la validité de cette dernière.

Signatures


*      Langue de procédure : le bulgare.

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