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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> SPAR Magyarorszag (Common organisation of the markets in agricultural products - Judgment) French Text [2024] EUECJ C-557/23 (12 September 2024) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/C55723.html Cite as: ECLI:EU:C:2024:737, [2024] EUECJ C-557/23 |
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ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
12 septembre 2024 (*)
« Renvoi préjudiciel – Organisation commune des marchés des produits agricoles – Règlement (UE) no 1308/2013 – Réglementation nationale prévoyant des prix réglementés pour certains produits agricoles ainsi que l’obligation de proposer à la vente une quantité déterminée de ces produits – Amendes »
Dans l’affaire C‑557/23,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Szegedi Törvényszék (cour de Szeged, Hongrie), par décision du 6 septembre 2023, parvenue à la Cour le même jour, dans la procédure
SPAR Magyarország Kft.
contre
Bács-Kiskun Vármegyei Kormányhivatal,
LA COUR (troisième chambre),
composée de Mme K. Jürimäe, présidente de chambre, M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de juge de la troisième chambre, MM. N. Piçarra, N. Jääskinen (rapporteur) et M. Gavalec, juges,
avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour SPAR Magyarország Kft., par Mes G. Báthory, V. Łuszcz et L. Wallacher, ügyvédek,
– pour le gouvernement hongrois, par M. M. Z. Fehér ainsi que Mmes R. Kissné Berta et K. Szíjjártó, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller et N. Scheffel, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement autrichien, par M. A. Posch, Mme J. Schmoll et M. M. Kopetzki, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par M. M. Konstantinidis et Mme Zs. Teleki, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) nº 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 671, et rectificatif JO 2016, L 130, p. 32), tel que modifié par le règlement (UE) 2021/2117 du Parlement européen et du Conseil, du 2 décembre 2021 (JO 2021, L 435, p. 262) (ci-après le « règlement OCM »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant SPAR Magyarország Kft. au Bács-Kiskun Vármegyei Kormányhivatal (services administratifs du département de Bács-Kiskun, Hongrie) (ci-après l’« autorité nationale ») au sujet de la décision de cette autorité d’infliger à SPAR Magyarország une amende au titre de la protection des consommateurs.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Les considérants 172, 185 et 189 du règlement OCM énoncent :
« (172) En raison de la spécificité du secteur agricole, qui dépend du bon fonctionnement de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, y compris de l’application effective des règles de concurrence à tous les secteurs interdépendants tout au long de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, dont le niveau de concentration peut être élevé, il convient d’accorder une attention particulière à l’application des règles de concurrence établies à l’article 42 [TFUE]. [...]
[...]
(185) Afin de répondre de manière concrète et efficace aux menaces de perturbations du marché causées par des hausses ou des baisses significatives des prix sur les marchés intérieurs ou extérieurs ou par d’autres événements et circonstances perturbant significativement ou menaçant de perturber le marché, lorsque cette situation ou ses effets sur le marché risquent de se prolonger ou de se dégrader, il convient de déléguer à la Commission [européenne] le pouvoir d’adopter certains actes en ce qui concerne les mesures nécessaires pour rééquilibrer cette situation du marché tout en respectant les obligations découlant des accords internationaux et pour autant que toute autre mesure pouvant être appliquée en vertu du présent règlement apparaisse insuffisante, y compris des mesures visant à étendre ou à modifier la portée, la durée ou d’autres aspects d’autres mesures prévues par le présent règlement, ou à prévoir des restitutions à l’exportation, ou à suspendre les droits à l’importation en totalité ou en partie, notamment pour certaines quantités ou périodes si besoin est.
[...]
(189) Il y a lieu d’autoriser la Commission à adopter les mesures d’urgence nécessaires pour résoudre des problèmes spécifiques. »
4 L’article 1er de ce règlement est libellé comme suit :
« 1. Le présent règlement établit une organisation commune des marchés pour les produits agricoles, c’est-à-dire tous les produits énumérés à l’annexe I des traités, à l’exclusion des produits de la pêche et de l’aquaculture définis dans les actes législatifs de l’Union [européenne] sur l’organisation commune des marchés des produits de la pêche et de l’aquaculture.
2. Les produits agricoles définis au paragraphe 1 sont répartis dans les secteurs suivants énumérés dans les parties respectives de l’annexe I :
a) céréales, partie I ;
[...]
c) sucre, partie III ;
[...]
p) lait et produits laitiers, partie XVI ;
[...]
s) œufs, partie XIX ;
t) viande de volaille, partie XX ;
[...]
x) autres produits, partie XXIV. »
5 Le chapitre I du titre II de la partie II dudit règlement comporte une section 1, intitulée « Normes de commercialisation », laquelle couvre les articles 73 à 91 du même règlement.
6 Aux termes de l’article 73 du règlement OCM :
« Sans préjudice des autres dispositions applicables aux produits agricoles ainsi que des dispositions arrêtées dans le secteur vétérinaire, phytosanitaire et dans celui des denrées alimentaires, en vue de garantir le respect des normes sanitaires et d’hygiène et de protéger la santé des personnes, des plantes et des animaux, la présente section fixe les règles concernant les normes de commercialisation. »
7 L’article 74 de ce règlement prévoit :
« Les produits pour lesquels des normes de commercialisation ont été fixées par secteur ou par produit conformément à la présente section ne peuvent être commercialisés dans l’Union que s’ils sont conformes auxdites normes. »
8 L’article 75 dudit règlement énonce :
« 1. Des normes de commercialisation peuvent s’appliquer à l’un ou plusieurs des produits et secteurs suivants :
a) huile d’olive et olives de table ;
b) fruits et légumes ;
c) produits de fruits et légumes transformés ;
d) bananes ;
e) plantes vivantes ;
f) œufs ;
g) viande de volaille ;
h) matières grasses tartinables destinées à la consommation humaine ;
[...]
3. Sans préjudice de l’article 26 du règlement (UE) no 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil [, du 25 octobre 2011, concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, modifiant les règlements (CE) no 1924/2006 et (CE) no 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 87/250/CEE de la Commission, la directive 90/496/CEE du Conseil, la directive 1999/10/CE de la Commission, la directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2002/67/CE et 2008/5/CE de la Commission et le règlement (CE) no 608/2004 de la Commission (JO 2011, L 304, p. 18)], les normes de commercialisation visées au paragraphe 1 peuvent porter sur un ou plusieurs des éléments énumérés ci-après, déterminés sur la base des secteurs ou des produits et en fonction des caractéristiques de chaque secteur, de la nécessité de réglementer la mise sur le marché et des conditions énoncées au paragraphe 5 du présent article :
a) les définitions techniques, dénominations et dénominations de vente pour des secteurs autres que celles fixées à l’article 78 ;
b) les critères de classification comme le classement en catégories, le poids, la taille, l’âge et la catégorie ;
c) l’espèce, la variété végétale ou la race animale, ou le type commercial ;
d) la présentation, l’étiquetage lié aux normes de commercialisation obligatoires, le conditionnement, les règles applicables aux centres de conditionnement, le marquage, l’année de récolte et l’utilisation de mentions spécifiques, sans préjudice des articles 92 à 123 ;
e) les critères comme l’aspect, la consistance, la conformation, les caractéristiques du produit et la teneur en eau ;
f) les substances spécifiques utilisées dans la production ou les composants ou éléments constitutifs, y compris leur contenu quantitatif, leur pureté et leur identité ;
g) le type d’activité agricole, la méthode de production y compris les pratiques œnologiques et les systèmes avancés de production durable ;
h) le coupage de moût et de vin, compris leurs définitions, mélange et restrictions y afférentes ;
i) la fréquence de collecte, de livraison, de conservation et de manipulation, la méthode de conservation et la température, le stockage et le transport ;
j) le lieu de production et/ou l’origine (à l’exclusion de la viande de volaille et des matières grasses tartinables) ;
k) les restrictions concernant l’usage de certaines substances et le recours à certaines pratiques ;
l) l’utilisation spécifique ;
m) les conditions régissant la cession, la détention, la circulation et l’utilisation de produits non conformes aux normes de commercialisation adoptées conformément au paragraphe 1 ou aux définitions, dénominations et dénominations de vente visées à l’article 78, ainsi qu’à l’élimination des sous-produits.
[...]
5. Les normes de commercialisation par secteur ou par produit adoptées conformément au paragraphe 1 du présent article sont établies sans préjudice des articles 84 à 88 et de l’annexe IX et tiennent compte :
a) des spécificités du produit concerné ;
b) de la nécessité de garantir des conditions permettant de faciliter la mise sur le marché des produits ;
c) de l’intérêt, pour les producteurs, de communiquer les caractéristiques du produit et les caractéristiques de production, ainsi que de l’intérêt des consommateurs de recevoir une information adéquate et transparente, y compris concernant le lieu de production, à déterminer au cas par cas au niveau géographique pertinent, après réalisation d’une évaluation portant notamment sur les coûts et les charges administratives supportés par les opérateurs, ainsi que sur les bénéfices apportés aux producteurs et au consommateur final ;
d) des méthodes disponibles pour déterminer les caractéristiques physiques, chimiques et organoleptiques des produits ;
e) des recommandations normalisées adoptées par les organisations internationales ;
f) de la nécessité de préserver les caractéristiques naturelles et essentielles des produits et d’éviter que la composition du produit concerné ne subisse une modification importante.
[...] »
9 L’article 83, paragraphe 5, du même règlement dispose :
« Les États membres peuvent uniquement adopter ou maintenir des dispositions nationales supplémentaires pour des produits bénéficiant d’une norme de commercialisation de l’Union si ces dispositions respectent le droit de l’Union, notamment le principe de la libre circulation des marchandises, et sous réserve de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil [, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information (JO 1998, L 204, p. 37)]. »
10 Aux termes de l’article 90 bis, paragraphe 3, du règlement OCM :
« Les États membres effectuent des contrôles, sur la base d’une analyse de risques, afin de vérifier que les produits visés à l’article 1er, paragraphe 2, respectent les règles établies dans la présente section et, le cas échéant, appliquent des sanctions administratives. »
11 L’article 219 de ce règlement, intitulé « Mesures de prévention de perturbations du marché », prévoit, à son paragraphe 1 :
« Afin de répondre de manière concrète et efficace aux menaces de perturbations du marché causées par des hausses ou des baisses significatives des prix sur les marchés intérieurs ou extérieurs ou par d’autres événements et circonstances perturbant significativement ou menaçant de perturber le marché, lorsque cette situation ou ses effets sur le marché sont susceptibles de se poursuivre ou de s’aggraver, la Commission est habilitée à adopter des actes délégués en conformité avec l’article 227 en vue de prendre les mesures nécessaires pour rééquilibrer cette situation de marché tout en respectant les obligations découlant des accords internationaux conclus conformément au traité [FUE] et dès lors que toute autre mesure pouvant être appliquée en vertu du présent règlement apparaît insuffisante ou inadaptée.
Lorsque, dans les cas de menaces de perturbations du marché visées au premier alinéa du présent paragraphe, des raisons d’urgence impérieuses le requièrent, la procédure prévue à l’article 228 s’applique aux actes délégués adoptés en application du premier alinéa du présent paragraphe.
[...] »
12 L’article 221 dudit règlement est intitulé « Mesures destinées à résoudre des problèmes spécifiques ». Les paragraphes 1 et 2 de cet article disposent :
« 1. La Commission adopte des actes d’exécution prenant les mesures d’urgence nécessaires et justifiables pour résoudre des problèmes spécifiques. [...]
2. Afin de résoudre des problèmes spécifiques, et pour des raisons d’urgence impérieuses dûment justifiées, liées à des situations susceptibles d’entraîner une détérioration rapide de la production et des conditions du marché à laquelle il pourrait être difficile de faire face si l’adoption de ces mesures était différée, la Commission adopte des actes d’exécution immédiatement applicables [...] »
Le droit hongrois
13 L’az árak megállapításáról szóló 1990. évi LXXXVII. törvény veszélyhelyzet ideje alatt történő eltérő alkalmazásáról szóló 6/2022 (I. 14.) Korm. rendelet [décret gouvernemental 6/2022 (I. 14.) instituant des dérogations temporaires à l’application, dans la situation d’urgence, de la loi no LXXXVII de 1990, relative à la détermination des prix], du 14 janvier 2022 (Magyar Közlöny 2022/5., ci-après le « décret gouvernemental litigieux »), est entré en vigueur le 1er février 2022 pour une période initiale de trois mois. En raison de prorogations successives, il est resté en vigueur jusqu’au 31 juillet 2023. Il a par ailleurs été modifié à deux reprises avec effet au 10 novembre 2022 et au 12 janvier 2023.
14 Les dispositions du décret gouvernemental litigieux, applicables au litige au principal, sont reproduites aux points 15 à 20 du présent arrêt et correspondent à celles qui étaient en vigueur entre le 12 janvier 2023 et le 31 juillet 2023.
15 En vertu de l’article 1er du décret gouvernemental litigieux :
« (1) Afin de prévenir les effets néfastes des dysfonctionnements du marché, les produits visés à l’annexe 1 s’ajoutent, pour la période comprise entre le 1er février 2022 et le 31 juillet 2023, à la liste des produits à prix réglementé figurant au point I, sous A), de l’annexe de l’az árak megállapításáról szóló 1990. évi LXXXVII. törvény [(loi no LXXXVII de 1990, relative à la détermination des prix)].
(2) Le prix de détail brut applicable aux produits énumérés à l’annexe 1 dans un magasin ou un centre commercial et dans la vente par correspondance ne peut pas être supérieur au prix de détail brut appliqué au 15 octobre 2021 par un distributeur vendant des biens de consommation courante au sens de l’a kereskedelemről 2005. évi CLXIV. törvény [(loi no CLXIV de 2005 sur le commerce)] (ci-après le “distributeur”).
[...] »
16 L’article 1/A du décret gouvernemental litigieux disposait :
« (1) Pour la période comprise entre l’entrée en vigueur de l’az árak megállapításáról szóló 1990. évi LXXXVII. törvény veszélyhelyzet ideje alatt történő eltérő alkalmazásáról szóló 6/2022 (I. 14.) Korm. rendelet módosításáról szóló 451/2022 (XI. 9.) Korm. rendelet [(décret gouvernemental 451/2022 [XI. 9.], portant modification du décret gouvernemental 6/2022 [I. 14.] instituant des dérogations temporaires à l’application, dans la situation d’urgence, de la loi no LXXXVII de 1990, relative à la détermination des prix)], et le 31 juillet 2023, les produits visés à l’annexe 2 viennent s’ajouter aux produits à prix réglementé énumérés à l’article 1, paragraphe 1.
(2) Le prix de détail brut applicable aux produits énumérés à l’annexe 2 dans un magasin ou un centre commercial et dans la vente par correspondance ne peut pas être supérieur au prix de détail brut appliqué par le distributeur au 30 septembre 2022.
(3) Au lieu du prix de vente brut au détail appliqué au 30 septembre 2022,
a) si le prix de vente brut au détail appliqué au 30 septembre 2022 n’est pas disponible, c’est le dernier prix de vente brut au détail appliqué par le distributeur avant le 30 septembre 2022 qui s’applique,
b) si le prix de vente brut au détail visé au point a) ne peut pas être établi, c’est le prix moyen à la consommation publié sur le site du Központi Statisztikai Hivatal [(office central des statistiques, Hongrie)] pour le mois de septembre 2022 qui s’applique, pour autant qu’il soit disponible.
[...]
(6) Aucun autre coût ou frais ne peut être facturé lors de la fixation des prix conformément au paragraphe 2. »
17 Aux termes de l’article 2 du décret gouvernemental litigieux :
« (1) Le distributeur est tenu
a) de commercialiser les produits énumérés à l’annexe 1 qu’il commercialisait au 15 octobre 2021,
b) de proposer à la vente les produits susmentionnés, pour des quantités qui correspondent au moins aux quantités journalières moyennes qu’il avait en stock pour le jour de la semaine considéré en 2021,
c) de veiller à ce que le stock des produits susmentionnés – si nécessaire jusqu’au double de la quantité visée au point b) – et leur mise à la disposition des acheteurs restent à un niveau suffisant pour assurer – en évitant les pénuries – la continuité de l’approvisionnement.
(2) Le distributeur a l’obligation d’afficher les informations liées à l’article 1er, paragraphe 1, sous la forme et avec le contenu qui seront précisés par le ministre de la Coordination des Politiques générales, à un endroit bien visible dans le magasin et, en cas de vente par correspondance, de les publier sur la page d’accueil. »
18 L’article 2/A du décret gouvernemental litigieux prévoyait :
« (1) Le distributeur est tenu
a) de commercialiser les produits énumérés à l’annexe 2 qu’il commercialisait au 30 septembre 2022,
b) de proposer à la vente les produits susmentionnés, pour des quantités qui correspondent, pour le jour de la semaine considéré, au moins aux quantités journalières moyennes qu’il avait en stock en 2022,
c) de veiller à ce que le stock des produits susmentionnés – si nécessaire jusqu’au double de la quantité visée au point b) – et leur mise à la disposition des acheteurs restent à un niveau suffisant pour assurer – en évitant les pénuries – la continuité de l’approvisionnement.
(2) Le distributeur a l’obligation d’afficher les informations liées à l’article 1/A, paragraphe 1, sous la forme et avec le contenu qui seront précisés par le ministre de la Coordination des Politiques générales, à un endroit bien visible dans le magasin et, en cas de vente par correspondance, de les publier sur la page d’accueil. »
19 L’article 3, paragraphes 1 à 4, du décret gouvernemental litigieux énonçait :
« (1) Dans les affaires administratives non contentieuses relevant de l’article 16 de [la loi no LXXXVII de 1990, relative à la détermination des prix,] et ayant pour objet la mise en œuvre des dispositions du présent décret gouvernemental, l’autorité générale de protection des consommateurs désignée par le décret gouvernemental relatif à la désignation d’une autorité générale de protection des consommateurs (ci-après l’“autorité”) agit d’office, avec la participation, compte tenu de l’article 1er, paragraphe 5, et de l’article 1/A, paragraphe 5, du Nemzeti Élelmiszerlánc-biztonsági Hivatal [(Office national de sécurité de la chaîne alimentaire, Hongrie)].
(2) Par dérogation à l’article 16 de [la loi no LXXXVII de 1990, relative à la détermination des prix], et à l’article 38/B de l’a Magyarország gazdasági stabilitásáról szóló 2011. évi CXCIV. törvény [(loi no CXCIV de 2011, relative à la stabilité économique de la Hongrie)], l’autorité qui, au cours de son contrôle, prend connaissance d’une violation des obligations visées aux articles 1er et 2,
a) impose une amende comprise entre 50 000 forints hongrois [(HUF) (environ 131 euros)] et 3 000 000 [HUF (environ 7 849 euros)], ou
b) peut ordonner par voie de décision au distributeur de cesser temporairement ses activités pour une période qui ne peut être ni inférieure à un jour ni supérieure à six mois.
(3) La sanction prévue au paragraphe 2, sous a), peut être appliquée à plusieurs reprises, en cas d’infractions découvertes lors de plusieurs contrôles consécutifs, même si c’est le même jour et dans le même magasin, de telle sorte que, lorsqu’une nouvelle amende est infligée, son montant soit égal au moins au double de celui de l’amende infligée pour l’infraction précédente, sans qu’il faille tenir compte de la disposition relative au montant maximum de l’amende.
(4) En cas d’infraction répétée, les sanctions prévues au paragraphe 2, sous a) et b), peuvent être appliquées conjointement. »
20 L’annexe 1 du décret gouvernemental litigieux prévoyait :
« Produits à prix réglementé
1. sucre cristallisé (sucre blanc)
2. farine de blé blanche T55
3. huile alimentaire de tournesol raffinée
4. jambon de porcins domestiques (y compris non désossés, avec couenne, en filets, coupés, tranchés ou hachés, vendus préemballés ou non, frais, réfrigérés ou congelés)
5. filets de poulet, carcasse – dos, ainsi que croupion et pointe d’aile, ensemble ou séparés (y compris les produits non désossés, avec peau, en filets, coupés, tranchés ou hachés, vendus préemballés ou non, frais, réfrigérés ou congelés)
6. lait de vache, traité thermiquement à ultra-haute température, contenant 2,8 % de matières grasses en masse »
21 L’annexe 2 du décret gouvernemental litigieux indiquait :
« Produits à prix réglementé
1. Œufs frais, en coquille, de l’espèce Gallus domesticus (autres que les œufs à couver, fécondés)
2. Pommes de terre de table, à l’exclusion des pommes de terre nouvelles ».
Le litige au principal et les questions préjudicielles
22 Il ressort de la décision de renvoi que, afin de prévenir les effets néfastes des dysfonctionnements du marché dans le contexte de la situation d’urgence liée à la pandémie de COVID-19, le gouvernement hongrois a, au début de l’année 2022, adopté le décret gouvernemental litigieux en vertu duquel certains produits agricoles de base, énumérés à l’annexe 1 de ce dernier, à savoir certains types de sucre, de farine de blé, d’huile de tournesol, de viande de porc et de volaille ainsi que de lait, étaient commercialisés à des prix réglementés. Conformément au décret gouvernemental litigieux, le prix brut de vente au détail de ces produits appliqué par les distributeurs vendant des biens de consommation courante ne pouvait pas être supérieur au prix de vente au détail brut appliqué à la date du 15 octobre 2021. En outre, si ces distributeurs commercialisaient les mêmes produits à cette date, ils étaient tenus de les commercialiser et ce, dans une quantité journalière correspondant au moins à la quantité journalière moyenne proposée à la vente le jour de la semaine considéré de l’année 2021.
23 En raison de la guerre en Ukraine, le gouvernement hongrois a modifié le décret gouvernemental litigieux en ce sens que, à compter du 10 novembre 2022, la quantité de référence à prendre en compte était non plus la quantité journalière moyenne proposée à la vente de l’année 2021, mais la quantité journalière moyenne que le distributeur concerné avait en stock le jour de la semaine considéré au cours de cette année.
24 À compter de cette même date, le gouvernement hongrois a également étendu l’application des prix réglementés à deux autres produits, à savoir les œufs et les pommes de terre. Les distributeurs vendant ces produits étaient tenus de les commercialiser dans des quantités correspondant aux quantités journalières moyennes qu’ils avaient en stock le jour de la semaine considéré de l’année 2022, et le prix desdits produits ne pouvait pas être supérieur à celui appliqué le 30 septembre 2022. Le décret gouvernemental litigieux est resté en vigueur jusqu’au 31 juillet 2023, après avoir été modifié une dernière fois avec effet au 12 janvier 2023.
25 À la suite d’un contrôle effectué par l’autorité nationale, le 1er février 2023, dans l’un des espaces de vente de SPAR Magyarország en Hongrie, cette autorité a constaté que, pour cinq des produits agricoles visés par le décret gouvernemental litigieux, les quantités journalières moyennes proposées à la vente étaient inférieures aux quantités journalières moyennes qui étaient en stock le jour de la semaine considéré au cours de l’année 2021 ou de l’année 2022. Par une décision du 9 mai 2023, ladite autorité a constaté une infraction aux dispositions du décret gouvernemental litigieux et a infligé à SPAR Magyarország une amende au titre de la protection des consommateurs. Dans le cadre de la détermination du montant de l’amende, la même autorité a notamment pris en compte le caractère irréversible du préjudice causé par l’infraction, le nombre important de consommateurs concernés par cette infraction compte tenu de l’emplacement de l’espace de vente en cause, la durée de ladite infraction, la répétition et la fréquence du comportement infractionnel, la gravité de la même infraction eu égard à l’importance de SPAR Magyarország et aux obligations légales prétendument violées, mais également l’attitude coopérative de ce distributeur.
26 SPAR Magyarország a introduit un recours en annulation contre la décision de l’autorité nationale devant la juridiction de renvoi, par lequel elle conteste la base juridique de cette décision et le montant de l’amende qui lui a été infligée. À l’appui de son recours, elle fait valoir que, selon son interprétation, le décret gouvernemental litigieux n’avait pas pour objet d’introduire une obligation générale d’approvisionnement, l’objectif étant en définitive que les distributeurs répondent pleinement à la demande des consommateurs. Or, si elle n’a pas proposé à la vente les quantités prévues par ce décret, elle soutient cependant qu’elle a toujours répondu à l’ensemble des demandes de ces consommateurs et qu’elle disposait, au jour du contrôle, d’un stock de clôture pour chacun des produits concernés. Elle n’aurait, dès lors, pas commis d’infraction.
27 L’autorité nationale conclut au rejet du recours. Elle souligne qu’une infraction est commise lorsque le commerçant ne respecte pas son obligation de proposer à la vente les quantités prévues par le décret gouvernemental litigieux. Il existerait à cet égard une responsabilité objective, comme l’aurait confirmé la Kúria (Cour suprême, Hongrie). Cette dernière aurait notamment considéré que, aux fins de la prévention des effets préjudiciables des dysfonctionnements du marché et de la protection accrue des consommateurs en tant qu’objectif d’intérêt général, les dispositions en cause établissent une responsabilité objective. Ainsi, le distributeur serait tenu de garantir les quantités de marchandises spécifiées dans ce décret aux prix réglementés.
28 La juridiction de renvoi éprouve des doutes quant au point de savoir si le décret gouvernemental litigieux, qui impose, sous peine d’amende, une obligation de proposer à la vente une certaine quantité de produits agricoles relevant du champ d’application du règlement OCM, à un prix de vente au détail réglementé, est compatible avec le droit de l’Union, dans la mesure où une telle réglementation porte atteinte au principe de la libre détermination des prix de vente des produits agricoles sur la base du libre jeu de la concurrence et ne respecte pas le principe de proportionnalité.
29 Dans ces conditions, la Szegedi Törvényszék (cour de Szeged, Hongrie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Faut-il interpréter l’article 83, paragraphe 5, du [règlement OCM] en ce sens qu’il s’oppose à une mesure nationale, telle que celle en cause au principal, qui, en raison d’une situation d’urgence, impose au distributeur de proposer à la vente, à un prix réglementé, des produits agricoles relevant du champ d’application du règlement OCM en une quantité qui est fonction non pas de la quantité journalière moyenne commercialisée par le distributeur enregistrée lors de l’année de référence, mais, indépendamment de celle-ci, de la quantité journalière moyenne enregistrée dans le stock du distributeur lors de l’année de référence ?
2) Faut-il interpréter l’article 90 bis, paragraphe 3, du règlement OCM en ce sens qu’il s’oppose à une mesure nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit l’imposition obligatoire d’une amende même lorsque, le jour du contrôle, le distributeur propose à la vente les produits agricoles relevant du champ d’application du règlement OCM en une quantité égale à la quantité journalière moyenne commercialisée enregistrée lors de l’année de référence, et que les consommateurs ont accès au produit concerné ? »
Sur les questions préjudicielles
30 À titre liminaire, il y a lieu d’examiner l’argumentation, exposée dans les observations écrites du gouvernement autrichien et de la Commission, selon laquelle les dispositions visées par la juridiction de renvoi, à savoir l’article 83, paragraphe 5, et l’article 90 bis, paragraphe 3, du règlement OCM, ne s’appliquent ni à la plupart des produits concernés par le décret gouvernemental litigieux ni aux exigences posées par ce décret.
31 En vertu de l’article 83, paragraphe 5, du règlement OCM, les États membres peuvent adopter ou maintenir des dispositions nationales supplémentaires pour des produits bénéficiant d’une norme de commercialisation de l’Union si ces dispositions respectent le droit de l’Union, notamment le principe de la libre circulation des marchandises. L’article 90 bis, paragraphe 3, de ce règlement prévoit une obligation pour les États membres d’effectuer des contrôles relatifs aux règles de commercialisation de ces produits et d’imposer des sanctions en cas de non-conformité desdits produits à ces règles. Ces deux dispositions relevant de la section 1 du chapitre I du titre II de la partie II dudit règlement, relative aux normes de commercialisation, elles ont uniquement vocation à s’appliquer en présence de telles normes qui portent sur les éléments énumérés à l’article 75, paragraphe 3, du même règlement.
32 Or, d’une part, la fixation d’un prix maximal pour certains produits et l’obligation de proposer à la vente une quantité déterminée de ces produits ne relèvent pas des éléments spécifiques visés à l’article 75, paragraphe 3, du règlement OCM ou des caractéristiques particulières visées au paragraphe 5 de cet article. D’autre part, il ressort du paragraphe 1 dudit article que, parmi les huit produits visés par le décret gouvernemental litigieux, seuls les œufs et la viande de volaille peuvent faire l’objet d’une norme de commercialisation. Or, à cet égard, ni le règlement (CE) no 589/2008 de la Commission, du 23 juin 2008, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les normes de commercialisation applicables aux œufs (JO 2008, L 163, p. 6), ni le règlement (CE) no 543/2008 de la Commission, du 16 juin 2008, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les normes de commercialisation pour la viande de volaille (JO 2008, L 157, p. 46), ne comportent de règles de commercialisation relatives, d’une part, à la fixation d’un prix maximal et, d’autre part, à l’obligation pour les distributeurs de proposer à la vente une quantité déterminée de ces deux produits. Dès lors, aucun élément ne permet de conclure que, s’agissant desdits deux produits, il existerait une norme de commercialisation justifiant l’application des dispositions visées au point 30 du présent arrêt.
33 Il y a donc lieu de considérer que les dispositions visées dans les questions de la juridiction de renvoi ne sont pas pertinentes, en tant que telles, afin d’apprécier la conformité du décret gouvernemental litigieux au règlement OCM. Toutefois, compte tenu du fait que la Cour a pour mission d’interpréter toutes les dispositions du droit de l’Union dont les juridictions nationales ont besoin pour statuer sur les litiges qui leur sont soumis, même si ces dispositions ne sont pas expressément visées dans les questions qui lui sont adressées par ces juridictions (arrêt du 22 février 2024, Deutsche Rentenversicherung Bund, C‑283/21, EU:C:2024:144, point 39 et jurisprudence citée), un tel constat n’empêche pas d’examiner la conformité de ce décret au droit de l’Union et, plus particulièrement, aux dispositions de ce règlement, dès lors que ledit décret porte sur des produits qui relèvent du champ d’application dudit règlement.
34 Dans ces conditions, lesdites questions, qu’il y a lieu d’examiner conjointement, doivent être comprises comme visant, en substance, à savoir si le règlement OCM doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une mesure nationale qui, en raison d’une situation d’urgence, d’une part, impose à un distributeur de proposer à la vente des produits agricoles relevant du champ d’application de ce règlement, à un prix réglementé et en une quantité journalière moyenne enregistrée dans le stock du distributeur lors d’une année de référence, et, d’autre part, prévoit l’imposition obligatoire d’une amende en cas de violation des obligations prévues par cette mesure nationale.
35 À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) qui ressort, conformément à l’article 4, paragraphe 2, sous d), TFUE, d’une compétence partagée entre l’Union et les États membres, ces derniers disposent d’un pouvoir législatif leur permettant, ainsi qu’il résulte de l’article 2, paragraphe 2, TFUE, d’exercer leur compétence dans la mesure où l’Union n’a pas exercé la sienne [arrêt du 11 mars 2021, Commission/Hongrie (Marges bénéficiaires), C‑400/19, EU:C:2021:194, point 34 et jurisprudence citée].
36 Selon une jurisprudence constante, en présence d’un règlement portant organisation commune de marché (ci-après l’ « OCM ») dans un domaine déterminé, les États membres sont néanmoins tenus de s’abstenir de prendre toute mesure qui serait de nature à y déroger ou à y porter atteinte. Sont également incompatibles avec une OCM les réglementations qui font obstacle à son bon fonctionnement, même si la matière en question n’a pas été réglée de façon exhaustive par cette OCM [arrêt du 11 mars 2021, Commission/Hongrie (Marges bénéficiaires), C‑400/19, EU:C:2021:194, point 35 et jurisprudence citée].
37 Or, en l’absence de mécanisme de fixation des prix, la libre détermination des prix de vente sur la base du libre jeu de la concurrence est une composante du règlement OCM et constitue l’expression du principe de la libre circulation des marchandises dans des conditions de concurrence effective [voir, en ce sens, arrêt du 11 mars 2021, Commission/Hongrie (Marges bénéficiaires), C‑400/19, EU:C:2021:194, point 36 et jurisprudence citée].
38 Cependant, l’établissement d’une OCM n’empêche pas les États membres d’appliquer des règles nationales qui poursuivent un objectif d’intérêt général autre que ceux couverts par cette OCM, même si ces règles sont susceptibles d’avoir une incidence sur le fonctionnement du marché intérieur dans le secteur concerné, sous réserve que ces règles soient propres à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif [arrêt du 11 mars 2021, Commission/Hongrie (Marges bénéficiaires), C‑400/19, EU:C:2021:194, point 37 et jurisprudence citée].
39 En premier lieu, ainsi qu’il ressort tant des constatations de la juridiction de renvoi que des observations écrites de SPAR Magyarország, du gouvernement autrichien et de la Commission, le décret gouvernemental litigieux porte atteinte au libre jeu de la concurrence, qui, ainsi qu’il a été rappelé au point 37 du présent arrêt, est une composante du règlement OCM. En effet, l’obligation de proposer à la vente des produits agricoles à des prix réglementés et dans des quantités déterminées empêche les distributeurs de fixer librement leurs prix de vente et les quantités qu’ils souhaitent vendre sur la base de considérations économiques fondées sur le libre jeu de la concurrence.
40 En deuxième lieu, conformément à la jurisprudence rappelée au point 38 du présent arrêt, le décret gouvernemental litigieux doit être justifié par la poursuite d’un objectif d’intérêt général autre que ceux couverts par l’OCM.
41 En l’occurrence, selon le gouvernement hongrois, ce décret gouvernemental poursuivait un double objectif, à savoir la lutte contre l’inflation et la protection des consommateurs défavorisés au moyen d’un approvisionnement garanti en denrées alimentaires de base à des prix abordables.
42 À cet égard, il convient, certes, de relever que la Commission est, sous certaines conditions, habilitée, en vertu des articles 219 et 221 du règlement OCM, à prendre les mesures nécessaires pour répondre, d’une part, aux menaces de perturbations du marché causées par des hausses ou des baisses significatives des prix sur les marchés intérieurs ou extérieurs ou par d’autres événements et circonstances, y compris dans des situations d’urgence, et, d’autre part, à des problèmes spécifiques dans des situations d’urgence. Ces dispositions ne sauraient cependant pas, compte tenu des situations spécifiques qu’elles régissent, être interprétées de manière large, au point de considérer que le règlement OCM dans son ensemble couvrirait les objectifs d’intérêt général poursuivis par le décret gouvernemental litigieux, à savoir la lutte contre l’inflation et la protection des consommateurs défavorisés au moyen d’un approvisionnement garanti en denrées alimentaires de base à des prix abordables.
43 Dans ces conditions, un État membre est susceptible d’invoquer l’objectif de lutte contre l’inflation ou de protection des consommateurs défavorisés afin de justifier des mesures, telles que celles figurant dans le décret gouvernemental litigieux, qui portent atteinte au système de détermination des prix dans des conditions de concurrence effective, sur lequel est fondé le règlement OCM.
44 Les mesures de fixation d’un prix maximal ainsi que l’obligation de proposer à la vente une quantité déterminée de produits, telles que celles prévues par le décret gouvernemental litigieux, doivent, toutefois, satisfaire aux conditions qui ressortent de la jurisprudence de la Cour en ce qui concerne la proportionnalité, à savoir être propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. À cet égard, l’examen de la proportionnalité doit se faire en tenant compte des objectifs de la PAC ainsi que du bon fonctionnement de l’OCM, ce qui impose une mise en balance entre ces objectifs et ceux poursuivis par le décret gouvernemental litigieux (voir, en ce sens, arrêt du 23 décembre 2015, Scotch Whisky Association e.a., C‑333/14, EU:C:2015:845, point 28).
45 En outre, en ce qui concerne la question de savoir si la mesure en cause est propre à garantir la réalisation des objectifs poursuivis, il convient de relever que, conformément à une jurisprudence constante, une législation nationale n’est propre à garantir la réalisation de l’objectif recherché que si elle répond véritablement au souci d’atteindre celui-ci d’une manière cohérente et systématique (arrêt du 23 décembre 2015, Scotch Whisky Association e.a., C‑333/14, EU:C:2015:845, point 37).
46 En l’occurrence, il y a lieu de constater que, même à supposer que le décret gouvernemental litigieux soit apte à protéger les consommateurs défavorisés au moyen d’un approvisionnement garanti en denrées alimentaires de base à des prix abordables et à combattre l’inflation, ce décret va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs [voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2021, Commission/Hongrie (Marges bénéficiaires), C‑400/19, EU:C:2021:194, point 37 et jurisprudence citée].
47 En effet, comme le gouvernement allemand et la Commission l’ont fait valoir en substance dans leurs observations écrites, l’atteinte au libre accès des distributeurs au marché dans des conditions de concurrence effective, libre accès assuré par le règlement OCM, ainsi que, par voie de conséquence, les perturbations sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement causées par les prix réglementés imposés à ces distributeurs et l’obligation pour ces derniers de proposer à la vente les quantités requises des produits concernés vont au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis par ledit décret.
48 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de répondre aux questions posées que le règlement OCM doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une mesure nationale qui, en raison d’une situation d’urgence, d’une part, impose à un distributeur de proposer à la vente des produits agricoles relevant du champ d’application de ce règlement, à un prix réglementé et en une quantité journalière moyenne enregistrée dans le stock du distributeur lors d’une année de référence, et, d’autre part, prévoit l’imposition obligatoire d’une amende en cas de violation des obligations prévues par cette mesure nationale.
Sur les dépens
49 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :
Le règlement (UE) nº 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) nº 922/72, (CEE) nº 234/79, (CE) nº 1037/2001 et (CE) nº 1234/2007 du Conseil, tel que modifié par le règlement (UE) 2021/2117 du Parlement européen et du Conseil, du 2 décembre 2021,
doit être interprété en ce sens que :
il s’oppose à une mesure nationale qui, en raison d’une situation d’urgence, d’une part, impose à un distributeur de proposer à la ventedes produits agricoles relevant du champ d’application de ce règlement, à un prix réglementé et en une quantité journalière moyenne enregistrée dans le stock du distributeur lors d’une année de référence, et, d’autre part, prévoit l’imposition obligatoire d’une amende en cas de violation des obligations prévues par cette mesure nationale.
Signatures
* Langue de procédure : le hongrois.
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