Micreos Food Safety (Food safety - Specific hygiene rules applicable to foodstuffs of animal origin - Judgment) French Text [2024] EUECJ C-745/22 (22 February 2024)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/C74522.html
Cite as: [2024] EUECJ C-745/22, ECLI:EU:C:2024:160, EU:C:2024:160

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ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

22 février 2024 (*)

« Renvoi préjudiciel – Sécurité des denrées alimentaires – Règles spécifiques d’hygiène applicables aux denrées alimentaires d’origine animale – Règlement (CE) no 853/2004 – Article 3, paragraphe 2 – Substance visant à éliminer la contamination de la surface des produits d’origine animale – Notion – Contamination par la bactérie pathogène Listeria monocytogenes – Substance visant à prévenir la contamination de la surface des produits d’origine animale et s’appliquant hors abattoirs lors des dernières étapes du processus de production – Mise sur le marché – Approbation préalable par la Commission européenne »

Dans l’affaire C‑745/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État, Grèce), par décision du 8 novembre 2022, parvenue à la Cour le 2 décembre 2022, dans la procédure

Micreos Food Safety BV

contre

Eniaios Foreas Elenchou Trofimon (EFET),

LA COUR (septième chambre),

composée de M. F. Biltgen, président de chambre, M. N. Wahl et Mme M. L. Arastey Sahún (rapporteure), juges,

avocat général : Mme T. Ćapeta,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour Micreos Food Safety BV, par Me S. Pappas, avocat,

–        pour l’Eniaios Foreas Elenchou Trofimon (EFET), par Me E. Strataki, dikigoros,

–        pour le gouvernement hellénique, par Mmes E. Leftheriotou et A.‑E. Vasilopoulou, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. M. Konstantinidis, B. Rechena et Mme M. Zerwes, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 2, du règlement (CE) no 853/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, fixant des règles spécifiques d’hygiène applicables aux denrées alimentaires d’origine animale (JO 2004, L 139, p. 55, et rectificatif JO 2004, L 226, p. 22), tel que modifié par le règlement (UE) 2019/1243 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2019 (JO 2019, L 198, p. 241) (ci-après le « règlement no 853/2004 »), ainsi que de l’article 3, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement (CE) no 1333/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, sur les additifs alimentaires (JO 2008, L 354, p. 16).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Micreos Food Safety BV, société établie aux Pays-Bas, à l’Eniaios Foreas Elenchou Trofimon (EFET) (organisme unique de contrôle de denrées alimentaires, Grèce) au sujet du refus de ce dernier d’autoriser la mise sur le marché hellénique du ListexTM P100, produit qui vise à éviter par voie de pulvérisation la présence de la bactérie pathogène Listeria monocytogenes dans les denrées alimentaires d’origine animale prêtes à être consommées, telles que les produits de la pêche et les produits laitiers ainsi que les produits à base de viande.

 Le cadre juridique

 Le règlement (CE) no 178/2002

3        L’article 3 du règlement (CE) no 178/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (JO 2002, L 31, p. 1), prévoit, à ses points 3 et 14 :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

3)      “exploitant du secteur alimentaire”, la ou les personnes physiques ou morales chargées de garantir le respect des prescriptions de la législation alimentaire dans l’entreprise du secteur alimentaire qu’elles contrôlent ;

[...]

14)      “danger”, un agent biologique, chimique ou physique présent dans les denrées alimentaires ou les aliments pour animaux, ou un état de ces denrées alimentaires ou aliments pour animaux, pouvant avoir un effet néfaste sur la santé ».

 Le règlement (CE) no 852/2004

4        L’article 2, paragraphe 1, du règlement (CE) no 852/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relatif à l’hygiène des denrées alimentaires (JO 2004, L 139, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 226, p. 3), prévoit, à ses points c) et f) :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

c)      “établissement” : toute unité d’une entreprise du secteur alimentaire ;

[...]

f)      “contamination” : la présence ou l’introduction d’un danger ».

 Le règlement no 853/2004

5        Aux termes des considérants 6, 9, 10 et 18 du règlement no 853/2004 :

« (6)      Il est souhaitable de pousser encore plus loin la simplification en appliquant les mêmes règles, le cas échéant, à tous les produits d’origine animale.

[...]

(9)      La refonte a pour principal objectif d’assurer au consommateur un niveau élevé de protection en matière de sécurité alimentaire, notamment en soumettant les exploitants du secteur alimentaire aux mêmes règles dans l’ensemble de la Communauté [européenne], et de veiller au bon fonctionnement du marché intérieur des produits d’origine animale, de manière à contribuer à la réalisation des objectifs de la politique agricole commune.

(10)      Il y a lieu de maintenir et, si nécessaire pour garantir la protection des consommateurs, de renforcer les règles détaillées en matière d’hygiène pour les produits d’origine animale.

[...]

(18)      Il convient que les exigences en matière de structure et d’hygiène énoncées dans le présent règlement s’appliquent à tous les types d’établissements, y compris les petites entreprises et les abattoirs mobiles. »

6        L’article 1er de ce règlement, intitulé « Champ d’application », dispose, à son paragraphe 1 :

« Le présent règlement établit, à l’intention des exploitants du secteur alimentaire, des règles spécifiques applicables aux denrées alimentaires d’origine animale. Ces règles viennent en complément de celles qui sont fixées dans le règlement (CE) no 852/2004. Elles sont applicables aux produits d’origine animale transformés ou non transformés. »

7        Aux termes de l’article 2 du règlement no 853/2004, intitulé « Définitions » :

« Les définitions mentionnées ci-après sont applicables aux fins du présent règlement :

1)      les définitions prévues par le règlement (CE) no 178/2002 ;

2)      les définitions prévues par le règlement (CE) no 852/2004 ;

[...] »

8        L’article 3 du règlement no 853/2004, intitulé « Obligations générales », prévoit, à son paragraphe 2 :

« Les exploitants du secteur alimentaire n’utilisent aucune substance autre que l’eau potable, ou, si le règlement (CE) no 852/2004 ou le présent règlement l’autorise, que l’eau propre, pour éliminer la contamination de la surface des produits d’origine animale, sauf si l’utilisation de cette substance a été approuvée par la Commission [européenne]. À cet effet la Commission est habilitée à adopter des actes délégués conformément à l’article 11 bis complétant le présent règlement. [...] »

9        Le point 8.1 de l’annexe I du règlement no 853/2004 énonce :

« “produits d’origine animale” :

–        les denrées alimentaires d’origine animale, y compris le miel et le sang,

–        les mollusques bivalves, les échinodermes, les tuniciers et les gastéropodes marins vivants destinés à la consommation humaine,

et

–        les autres animaux destinés à être préparés en vue d’être fournis vivants au consommateur final ».

 Le règlement no 1333/2008

10      L’article 1er, premier alinéa, du règlement no 1333/2008 dispose :

« Le présent règlement établit les règles relatives aux additifs alimentaires utilisés dans les denrées alimentaires en vue d’assurer le fonctionnement efficace du marché intérieur tout en garantissant un niveau élevé de protection de la santé humaine et un niveau élevé de protection des consommateurs, y compris la protection des intérêts des consommateurs et la loyauté des pratiques dans le commerce des denrées alimentaires, en tenant compte, le cas échéant, de la protection de l’environnement. »

11      L’article 2 de ce règlement est libellé comme suit :

« 1.      Le présent règlement s’applique aux additifs alimentaires.

2.      Il ne s’applique pas aux substances ci-après, sauf si elles sont utilisées en tant qu’additifs alimentaires :

a)      les auxiliaires technologiques ;

[...] »

12      Aux termes de l’article 3, paragraphe 2, dudit règlement :

« Aux fins du présent règlement, les définitions suivantes s’appliquent également :

a)      on entend par “additif alimentaire” toute substance habituellement non consommée comme aliment en soi et non utilisée comme ingrédient caractéristique dans l’alimentation, possédant ou non une valeur nutritive, et dont l’adjonction intentionnelle aux denrées alimentaires, dans un but technologique, au stade de leur fabrication, transformation, préparation, traitement, conditionnement, transport ou entreposage a pour effet, ou peut raisonnablement être estimée avoir pour effet, qu’elle devient elle‑même ou que ses dérivés deviennent, directement ou indirectement, un composant de ces denrées alimentaires ;

[...]

b)      on entend par “auxiliaire technologique” toute substance :

i)      non consommée comme ingrédient alimentaire en soi ;

ii)      volontairement utilisée dans la transformation de matières premières, de denrées alimentaires ou de leurs ingrédients pour répondre à un certain objectif technologique pendant le traitement ou la transformation ; et

iii)      pouvant avoir pour résultat la présence non intentionnelle mais techniquement inévitable de résidus de cette substance ou de ses dérivés dans le produit fini, à condition que ces résidus ne présentent pas de risque sanitaire et n’aient pas d’effets technologiques sur le produit fini ;

[...] »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

13      Micreos Food Safety fabrique des produits à base de phage, dont le Listex™ P100.

14      Au cours de l’année 2015, à la suite de plusieurs prises de contact informelles ayant eu lieu à partir de l’année 2007, Micreos Food Safety a demandé à la Commission d’approuver le Listex™ P100 en tant que décontaminant pour les denrées alimentaires d’origine animale prêtes à être consommées, conformément à l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 853/2004.

15      Sur la base d’un avis scientifique rendu le 7 juillet 2016 par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), la Commission a élaboré un projet de règlement autorisant l’utilisation du Listex™ P100 et l’a soumis à son comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux. Or, ce projet de règlement n’ayant pas obtenu le soutien nécessaire au sein de ce comité, la Commission a informé Micreos Food Safety, informellement au mois d’octobre 2017 ainsi que, formellement, par un courrier du 19 février 2018, de son intention de ne plus poursuivre la procédure d’approbation en l’absence de soutien politique nécessaire.

16      Par un courrier du 26 février 2018, Micreos Food Safety a fait valoir, auprès de la Commission, que le Listex™ P100 constituait non pas un « décontaminant », au sens du règlement no 853/2004, mais un « auxiliaire technologique », au sens de l’article 3, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1333/2008, et que, dès lors, il ne relève pas du champ d’application du règlement no 853/2004.

17      Par un courrier du 9 avril 2018, la Commission a réitéré sa décision de ne pas poursuivre la procédure d’approbation du Listex™ P100.

18      Le 15 octobre 2018, Micreos Food Safety a invité la Commission à poursuivre cette procédure d’approbation et a déposé, à la suite de la décision de la Commission de ne pas poursuivre ladite procédure, une plainte auprès du Médiateur européen qui a été rejetée par une décision du 4 mars 2019.

19      Par des courriers du 25 avril et du 9 mai 2019, Micreos Food Safety a de nouveau invité la Commission à examiner la qualification du Listex™ P100 en tant qu’« auxiliaire technologique non décontaminant ».

20      Par deux courriers du 17 juin 2019 (ci-après les « deux courriers du 17 juin 2019 »), adressés respectivement à Micreos Food Safety et à la Public Advice International Foundation, qui représentait cette société, la Commission a rappelé, d’une part, son intention de ne pas poursuivre la procédure d’approbation du Listex™ P100 sur la base du règlement no 853/2004. D’autre part, cette institution a affirmé que, quand bien même le Listex™ P100 constituerait un « auxiliaire technologique », au sens de l’article 3, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1333/2008, ce produit relèverait toujours du champ d’application du règlement no 853/2004, dans la mesure où il serait utilisé à des fins de décontamination. Par ailleurs, aucune autorisation n’aurait été délivrée pour le Listex™ P100 en vertu de l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 853/2004.

21      Le 16 août 2019, Micreos Food Safety a introduit un recours devant le Tribunal de l’Union européenne visant l’annulation des décisions que contiendraient les deux courriers du 17 juin 2019 ainsi qu’une demande en référé tendant au sursis à l’exécution de ces décisions, à savoir, premièrement, le rejet de la demande tendant à l’approbation du Listex™ P100 en tant que décontaminant, conformément au règlement no 853/2004, deuxièmement, le rejet de la demande subsidiaire tendant à la qualification de ce produit d’« auxiliaire technologique », au sens de l’article 3, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1333/2008, et, troisièmement, l’interdiction de mise sur le marché du Listex™ P100 dans l’Union européenne en tant qu’« auxiliaire technologique ».

22      Par l’ordonnance du 26 septembre 2019, Micreos Food Safety/Commission (T‑568/19 R, EU:T:2019:694), le président du Tribunal a rejeté la demande en référé introduite par Micreos Food Safety, au motif que, d’une part, les deux courriers du 17 juin 2019 ne contiendraient pas de décision d’interdiction de mise sur le marché du Listex™ P100. D’autre part, cette société n’aurait pas pour autant été dépourvue de protection juridictionnelle, dans la mesure où elle pouvait, dans un premier temps, contester les actes correspondants au niveau national devant les juridictions compétentes afin que, dans un second temps, une demande de décision préjudicielle soit présentée à la Cour.

23      Le 8 novembre 2019, la Commission a transmis un document aux chefs des services vétérinaires des États membres, soutenant que le Listex™ P100 relevait du champ d’application de l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 853/2004, étant donné qu’il vise à réduire la contamination par la bactérie pathogène Listeria monocytogenes des denrées alimentaires d’origine animale prêtes à être consommées. Partant, nonobstant sa qualification éventuelle d’« auxiliaire technologique », au sens de l’article 3, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1333/2008, ce produit nécessiterait toujours une approbation sur le fondement du règlement no 853/2004. En outre, la Commission a rappelé qu’aucune autorisation n’avait été délivrée pour le Listex™ P100 en vertu de l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 853/2004 et que le droit de l’Union ne laisserait aucune marge d’appréciation aux États membres pour autoriser ledit produit en tant qu’« auxiliaire technologique ».

24      Le 27 avril 2020, Micreos Food Safety a demandé, auprès du secrétaire d’État à la Santé (Grèce), l’autorisation de mise sur le marché hellénique du Listex™ P100 en tant qu’« auxiliaire technologique » pour les denrées alimentaires d’origine animale prêtes à être consommées. Cette demande a été par la suite transmise au ministère du Développement agricole et de l’Alimentation (Grèce), puis à l’autorité compétente au niveau national, à savoir l’EFET.

25      Par une décision du 24 juin 2020, le président du conseil d’administration de l’EFET a rejeté ladite demande en raison, d’une part, de l’absence de cadre juridique précis, dans le droit hellénique, concernant les auxiliaires technologiques ainsi que, d’autre part, des réserves exprimées par l’EFSA, dans son avis scientifique du 7 juillet 2016, quant à la qualification et à la sûreté du Listex™ P100.

26      Le 28 septembre 2020, Micreos Food Safety a introduit un recours devant le Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État, Grèce), qui est la juridiction de renvoi, tendant à l’annulation de cette décision du 24 juin 2020.

27      Au soutien de son recours, Micreos Food Safety fait valoir que, premièrement, l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 853/2004 ne concernerait que la décontamination de denrées alimentaires d’origine animale effectuée dans des abattoirs, deuxièmement, le Listex™ P100 serait également destiné à une utilisation hors des abattoirs lors des toutes dernières étapes du processus de production, à savoir après le traitement thermique de ces denrées, lorsque celles-ci ont déjà été désinfectées et préparées pour la découpe et le conditionnement et, troisièmement, le Listex™ P100 viserait non pas à éliminer la contamination, mais à prévenir une contamination dans l’hypothèse où la présence de la bactérie pathogène Listeria monocytogenes excéderait les seuils autorisés.

28      Par l’ordonnance du 18 décembre 2020, Micreos Food Safety/Commission (T‑568/19, EU:T:2020:647), le Tribunal a rejeté comme étant irrecevable le recours de Micreos Food Safety visant l’annulation des deux courriers du 17 juin 2019, au motif que ceux-ci, d’une part, ne sauraient être considérés comme constituant des « actes attaquables », au sens de l’article 263 TFUE, et, d’autre part, ne seraient pas destinés à produire des effets de droit obligatoires, même s’ils contiennent des appréciations juridiques. Par ailleurs, le Tribunal a réaffirmé que Micreos Food Safety n’était pas pour autant dépourvue de protection juridictionnelle, dès lors qu’elle pouvait intenter des recours contre les actes adoptés par les autorités nationales devant les juridictions nationales, permettant ainsi à ces dernières d’interroger la Cour par la voie de questions préjudicielles, en vertu de l’article 267 TFUE.

29      Par un document du 7 février 2022, le président du conseil d’administration de l’EFET a fait savoir à la juridiction de renvoi que, premièrement, le Listex™ P100 devrait être considéré comme nécessitant une approbation en tant que « décontaminant », conformément à l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 853/2004, dans la mesure où ce produit viserait à réduire la contamination par la bactérie pathogène Listeria monocytogenes des denrées alimentaires d’origine animale prêtes à être consommées, deuxièmement, en l’absence d’une approbation au niveau de l’Union, ledit produit ne saurait être mis sur le marché en tant que « décontaminant », conformément à l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 853/2004 et, troisièmement, le même produit continuerait à relever du champ d’application du règlement no 853/2004, même s’il était qualifié d’« auxiliaire technologique » en vertu du règlement no 1333/2008. Le document du 7 février 2022 énumère également les raisons pour lesquelles il ne serait pas possible de qualifier le Listex™ P100 d’« auxiliaire technologique » pour un objectif autre que la décontamination, notamment l’absence de preuves nécessaires ainsi que l’existence de doutes sur l’efficacité et la sûreté de ce produit.

30      La juridiction de renvoi considère que le recours de Micreos Food Safety devrait être rejeté, au motif, d’une part, que les objectifs poursuivis par le législateur de l’Union consisteraient, conformément au considérant 9 du règlement no 853/2004, à assurer au consommateur concerné un niveau élevé de protection en matière de sécurité alimentaire et, d’autre part, que l’article 3, paragraphe 2, de ce règlement s’appliquerait à la décontamination des produits d’origine animale effectuée dans tous les types d’établissements, ainsi qu’il ressortirait du considérant 18 dudit règlement, et donc également hors des abattoirs et quelle que soit l’étape du processus de production. Par ailleurs, l’argument de Micreos Food Safety selon lequel le Listex™ P100 servirait à prévenir la contamination serait dépourvu de pertinence, puisqu’une telle prévention constituerait également une « élimination de la contamination de la surface des produits d’origine animale », au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 853/2004.

31      Néanmoins, le Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Convient-il d’interpréter le [règlement no 853/2004] en ce sens que le champ d’application de l’article 3, paragraphe 2, de celui-ci s’étend également à un produit tel que le Listex™ P100 de [Micreos Food Safety], qui possède les propriétés décrites dans l’avis [scientifique] de l’[EFSA] du 7 juillet 2016, qui est en outre – selon [Micreos Food Safety] – appliqué hors abattoirs et aux toutes dernières étapes du processus de production et qui ne vise pas à éliminer la contamination de surface des produits d’origine animale, mais à prévenir cette contamination (et, par conséquent, en ce sens que la mise sur le marché de l’Union de ce produit suppose qu’il soit préalablement approuvé par la Commission conformément à l’article 11 bis du [règlement no 853/2004]) ?

En cas de réponse négative à la première question :

2)      Convient-il d’interpréter le règlement no 1333/2008 en ce sens que le produit susmentionné de [Micreos Food Safety] constitue un “additif alimentaire” ou un “auxiliaire technologique”[, au sens, respectivement, du point a) et du point b) de l’article 3, paragraphe 2, de celui-ci] ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

32      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 853/2004 doit être interprété en ce sens qu’il exige que soit approuvée par la Commission l’utilisation d’un produit, tel que le Listex™ P100, visant à éviter la présence de la bactérie pathogène Listeria monocytogenes dans les denrées alimentaires d’origine animale prêtes à être consommées.

33      À cet égard, il importe de rappeler que l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 853/2004 prévoit que les exploitants du secteur alimentaire n’utilisent aucune substance autre que l’eau potable, ou, si les règlements nos 852/2004 ou 853/2004 l’autorisent, que de l’eau propre, pour éliminer la contamination de la surface des produits d’origine animale, sauf si l’utilisation de cette substance a été approuvée par la Commission.

34      S’agissant, en premier lieu, des activités et des personnes visées à l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 853/2004, qui fait partie du chapitre II de celui-ci, intitulé « Obligations des exploitants du secteur alimentaire », il convient de constater que cet article vise de manière générale « les exploitants du secteur alimentaire ».

35      Conformément à l’article 2 du règlement no 853/2004, les définitions mentionnées dans les règlements nos 178/2002 et 852/2004 sont applicables aux fins du règlement no 853/2004. Or, l’article 3, point 3, du règlement n° 178/2002 définit « les exploitants du secteur alimentaire » comme étant « la ou les personnes physiques ou morales chargées de garantir le respect des prescriptions de la législation alimentaire dans l’entreprise du secteur alimentaire qu’elles contrôlent ».

36      En outre, il ressort du considérant 18 du règlement no 853/2004 que les exigences en matière de structure et d’hygiène énoncées dans ce règlement s’appliquent à tous les types d’établissements, y compris les petites entreprises et les abattoirs mobiles. L’article 2, paragraphe 1, sous c), du règlement no 852/2004 précise à cet égard que le terme « établissement » comprend « toute unité d’une entreprise du secteur alimentaire ».

37      Il s’ensuit que l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 853/2004 ne saurait être interprété en ce sens qu’il s’applique uniquement aux établissements d’abattoirs, dès lors que le législateur de l’Union a adopté une définition large de la notion d’« exploitants du secteur alimentaire ».

38      En deuxième lieu, une telle interprétation est confortée par le libellé de la définition de la notion de « produits d’origine animale », prévue à l’annexe I, point 8.1, du règlement no 853/2004, laquelle vise, notamment, des produits présents hors abattoirs, à savoir « les denrées alimentaires d’origine animale, y compris le miel et le sang ». Une limitation du champ d’application de l’article 3, paragraphe 2, de ce règlement aux carcasses en tant que produits issus des abattoirs ne saurait donc non plus ressortir du libellé de cette dernière disposition. Une telle limitation irait par ailleurs à l’encontre de l’objectif énoncé au considérant 6 dudit règlement, lequel vise une simplification accrue en appliquant les mêmes règles d’hygiène, le cas échéant, à tous les produits d’origine animale.

39      En troisième lieu, s’agissant de la définition de la notion de « contamination », au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 853/2004, il convient de rappeler que cette disposition exige l’approbation préalable de la Commission pour l’utilisation de toute substance autre que l’eau en vue d’éliminer la contamination de la surface de tels produits d’origine animale.

40      La juridiction de renvoi éprouve des doutes quant au bien-fondé de l’allégation de Micreos Food Safety selon laquelle le Listex™ P100 est destiné non pas à éliminer une contamination par la bactérie pathogène Listeria monocytogenes, mais à prévenir une telle contamination ainsi qu’à éviter que les denrées alimentaires ne franchissent pas, tout au long de la durée de leur entreposage et jusqu’à leur consommation, les seuils de contamination microbiologique autorisés par le règlement (CE) no 2073/2005 de la Commission, du 15 novembre 2005, concernant les critères microbiologiques applicables aux denrées alimentaires (JO 2005, L 338, p. 1).

41      À cet égard, il importe de constater que l’article 2, paragraphe 1, sous f), du règlement no 852/2004 définit le terme « contamination » comme étant « la présence ou l’introduction d’un danger ». Quant à la notion de « danger », elle est définie à l’article 3, point 14, du règlement no 178/2002 comme étant « un agent biologique, chimique ou physique présent dans les denrées alimentaires ou les aliments pour animaux, ou un état de ces denrées alimentaires ou aliments pour animaux, pouvant avoir un effet néfaste sur la santé ».

42      Il s’ensuit que le législateur de l’Union a manifestement souhaité promouvoir un niveau élevé de sécurité alimentaire en adoptant également une définition large de la notion de « contamination », au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 853/2004 (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2019, A e.a., C‑347/17, EU:C:2019:720, point 40).

43      Il ressort du dossier dont dispose la Cour que, d’une part, la bactérie pathogène Listeria monocytogenes est omniprésente dans la nature et que, d’autre part, le Listex™ P100 exige la présence de cette bactérie pour pouvoir déployer son effet décontaminant. Il apparaît ainsi que l’objectif atteignable invoqué par Micreos Food Safety, consistant à prévenir le développement de ladite bactérie à des niveaux supérieurs admissibles en vertu du règlement no 2073/2005, constitue, en l’occurrence, l’élimination d’une contamination. En effet, il ne saurait être déduit de la définition large de la notion de « contamination », telle que rappelée au point précédent, que l’effet potentiellement néfaste de la présence de la même bactérie dépende du dépassement ou non des niveaux admissibles de cette dernière en vertu du règlement no 2073/2005.

44      En outre, ainsi que la Commission le relève dans ses observations écrites, la notion de « contamination », au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 853/2004, recouvre le risque d’introduction d’un danger lié à la bactérie pathogène Listeria monocytogenes à tout stade du processus de production, de transformation ainsi que du conditionnement des denrées alimentaires d’origine animale, dès lors que l’article 3, paragraphe 2, de ce règlement ne définit ni ne circonscrit le moment auquel il convient de procéder à l’élimination d’une telle contamination.

45      Une telle interprétation est corroborée par l’objectif poursuivi par le règlement no 853/2004 qui, ainsi que l’énonce son considérant 9, est d’assurer au consommateur concerné un niveau élevé de protection en matière de sécurité des denrées alimentaires. Par ailleurs, le considérant 10 dudit règlement démontre avec force que le législateur de l’Union fait de la santé des consommateurs sa préoccupation première, dans la mesure où il y est mentionné qu’« [i]l y a lieu de maintenir et, si nécessaire pour garantir la protection des consommateurs, de renforcer les règles détaillées en matière d’hygiène pour les produits d’origine animale » (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2019, A e.a., C‑347/17, EU:C:2019:720, point 43).

46      Dès lors, tant l’économie générale du règlement no 853/2004 que l’objectif de celui-ci commandent de prendre en considération toutes les sources de contamination (arrêt du 12 septembre 2019, A e.a., C‑347/17, EU:C:2019:720, point 44), une telle interprétation mettant en évidence le choix du législateur de l’Union de privilégier la mise en œuvre des règles spécifiques d’hygiène visant à éviter la contamination de surfaces plutôt que l’utilisation ultérieure de décontaminants.

47      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 853/2004 doit être interprété en ce sens qu’il exige que soit approuvée par la Commission l’utilisation d’un produit, tel que le Listex™ P100, visant à éviter la présence de la bactérie pathogène Listeria monocytogenes dans les denrées alimentaires d’origine animale prêtes à être consommées.

 Sur la seconde question

48      Eu égard à la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question, laquelle est posée dans l’hypothèse où la Cour apporterait une réponse négative à la première question.

 Sur les dépens

49      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

L’article 3, paragraphe 2, du règlement (CE) no 853/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, fixant des règles spécifiques d’hygiène applicables aux denrées alimentaires d’origine animale, tel que modifié par le règlement (UE) 2019/1243 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2019,

doit être interprété en ce sens que :

il exige que soit approuvée par la Commission européenne l’utilisation d’un produit, tel que le Listex™ P100, visant à éviter la présence de la bactérie pathogène Listeria monocytogenes dans les denrées alimentaires d’origine animale prêtes à être consommées.

Signatures


*      Langue de procédure : le grec.

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