Tsakiris v EUIPO - Coca-Cola 3E Ellados (Le Petit Dejeuner TSAKIRIS FAMILY) (EU trade mark - Judgment) French Text [2024] EUECJ T-303/23 (24 April 2024)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T30323.html
Cite as: ECLI:EU:T:2024:269, EU:T:2024:269, [2024] EUECJ T-303/23

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

24 avril 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative Le Petit Déjeuner TSAKIRIS FAMILY – Marque nationale figurative antérieure TSAKIRIS CHIPS – Atteinte à la renommée – Usage sans juste motif – Article 8, paragraphe 5, et article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 [devenus article 8, paragraphe 5, et article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001] – Article 81 TFUE »

Dans l’affaire T‑303/23,

Tsakiris AE Paragogis & Emporias Trofimon, établie à Thessalonique (Grèce), représentée par Me A. Papaspyropoulos, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. E. Markakis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Coca-Cola 3E Ellados AVEE, établie à Maroússi (Grèce), représentée par Me E. Kyriakidi, avocate,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. F. Schalin (rapporteur), président, Mmes P. Škvařilová‑Pelzl et G. Steinfatt, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Tsakiris AE Paragogis & Emporias Trofimon, demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 16 mars 2023 (affaire R 1012/2020‑1) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 27 décembre 2018, Tsakiris-Protypos Viomichania Trofimon-Snacks AVEE, aux droits de laquelle vient l’intervenante, Coca-Cola 3E Ellados AVEE, a présenté à l’EUIPO une demande de nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée le 24 mai 2017 à la suite d’une demande déposée par la requérante le 27 septembre 2016 pour le signe figuratif suivant :

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3        Les produits couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient de la classes 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient à la description suivante : « Grains transformés, amidons et dérivés, préparations pour boulangerie et levures ; céréales en forme de chips ; en-cas à base de galette tortilla ; en-cas faits à partir de muesli ; en-cas à base de maïs ; en-cas à base de céréales ; en-cas de céréales aromatisés au fromage ; en-cas au maïs soufflé goût fromage ; en-cas à base de blé complet ; en-cas à base de blé ; en-cas à base de farine de riz ; en-cas à base de maïs sous forme d’anneaux ; en-cas à base de maïs soufflé ; en-cas à base de farine de soja ; en-cas à base de farine de céréales ; en-cas principalement à base de pain ; en-cas principalement à base de céréales extrudées ; en-cas à base de blé extrudé ; en-cas consistant principalement en produits céréaliers ; en-cas à base d’amidon de céréales ; en-cas à base de farine de biscotte ; en-cas à base de farine de pommes de terre ; en-cas à base de farine de maïs ».

4        La demande de nullité était fondée, notamment, sur la marque grecque figurative antérieure, enregistrée sous le numéro 173332 et désignant des « pommes chips » relevant de la classe 29, et correspondant à la description suivante :

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5        Les motifs invoqués à l’appui de la demande en nullité étaient ceux visés, premièrement, à l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement [devenus article 60, paragraphe 1, sous a), et article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)], deuxièmement, à l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 5, du même règlement (devenu article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001), troisièmement, à l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du même règlement [devenus article 60, paragraphe 1, sous c), et article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001] et, quatrièmement, à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

6        Le 21 avril 2020, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité.

7        Le 22 mai 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

8        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours, sur le fondement de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 5, du même règlement.

9        La chambre de recours a considéré, en substance, que, eu égard au degré de similitude moyen entre les marques en conflit, tenant à leur élément commun « tsakiris », et à la probabilité raisonnable que le public pertinent, constitué du grand public en Grèce, établisse une association entre lesdites marques, la titulaire de la marque contestée pouvait, sans juste motif, tirer un profit indu du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure auprès dudit public. En outre, selon la chambre de recours, il n’y avait pas lieu de remettre en cause cette appréciation au regard des décisions nationales invoquées par la requérante, qu’il s’agisse des décisions administratives ou de la décision judiciaire relative à une action en contrefaçon, qui ne présentaient pas d’effet contraignant pour l’EUIPO, la décision judiciaire en question ayant par ailleurs fait l’objet d’un recours devant la cour suprême grecque.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens dans l’hypothèse de la convocation à une audience.

12      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      La requérante se prévaut d’un moyen unique, tiré de la violation de l’article 81 TFUE et, par extension, d’une violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), et avec l’article 8, paragraphe 5, du même règlement, de l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du même règlement, et de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

14      La requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours a méconnu, d’une part, le principe de reconnaissance mutuelle et d’exécution des décisions judiciaires et extrajudiciaires entre les États membres, tel qu’il découle de l’article 81 TFUE ainsi que, notamment, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1) et, d’autre part, les règles régissant la procédure civile en Grèce et s’attachant au respect de l’autorité de la chose jugée.

15      À cet égard, la requérante expose que, par le jugement no 10299/2019, rendu le 10 septembre 2019 par le Polymeles Protodikeio Thessalonikis (tribunal de grande instance de Thessalonique, Grèce), confirmé en appel par l’arrêt no 1402/2020 du 22 juin 2020 du Trimeles Efeteio Thessalonikis (cour d’appel de Thessalonique, en formation à trois juges, Grèce), l’action introduite par l’intervenante et tendant, notamment, à lui interdire d’utiliser dans le commerce, de quelque manière et sous quelque forme que ce soit, la dénomination, les marques et les signes distinctifs TSAKIRIS et de commercialiser et vendre des produits consistant en des en-cas sous les signes distinctifs TSAKIRIS FAMILY et Le Petit Déjeuner – TSAKIRIS FAMILY, au motif d’une similitude avec ses propres marques et d’un risque de concurrence déloyale, a été rejetée.

16      Or, selon la requérante, nonobstant le pourvoi en cassation formé par l’intervenante devant l’Areios Pagos (Cour de cassation, Grèce) à l’encontre de l’arrêt du 22 juin 2020 du Trimeles Efeteio Thessalonikis (cour d’appel de Thessalonique, en formation à trois juges), ce dernier est doté de l’autorité de la chose jugée en vertu des dispositions du code de procédure civile grecque et il doit être exécuté directement au sein de l’Union européenne en vertu de l’article 81 TFUE et des dispositions du règlement no 1215/2012. Dès lors, dans un souci de cohérence, lorsqu’elle a adopté la décision attaquée, la chambre de recours aurait dû tenir compte des motifs figurant dans ledit arrêt s’agissant des questions de fond telles que l’absence de concurrence parasitaire et de profit déloyal au détriment de l’intervenante par l’usage de la marque contestée, l’absence de mauvaise foi lors du dépôt de ladite marque, l’utilisation de la dénomination TSAKIRIS liée au nom de famille des fondateurs de la requérante et l’absence de tout risque de confusion lié à l’usage de la marque contestée.

17      Après le dépôt du recours, la requérante a déposé un nouvel élément de preuve consistant en une copie du jugement no 9598 rendu le 30 juin 2023 par la treizième chambre du Dioikitiko Protodikeio Athinon (tribunal administratif de première instance d’Athènes, Grèce), dont elle expose qu’il emporte rejet du recours formé par l’intervenante à l’encontre de l’enregistrement par l’office grec des marques d’une marque nationale identique à la marque contestée, après avoir procédé à l’examen d’une argumentation juridique semblable à celle du cas d’espèce.

18      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

 Sur le droit applicable

19      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 27 septembre 2016, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009, tel que modifié par le règlement (UE) 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015 (JO 2015, L 341, p. 21) (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

 Sur la recevabilité de la pièce produite pour la première fois devant le Tribunal

20      En l’espèce, la requérante a produit, en tant qu’annexe A 34, une copie du jugement no 9598, du 30 juin 2023, de la treizième chambre du Dioikitiko Protodikeio Athinon (tribunal administratif de première instance d’Athènes).

21      La pièce mentionnée ci-dessus, bien qu’elle ait été produite pour la première fois devant le Tribunal, n’est pas une preuve proprement dite, mais concerne la pratique décisionnelle des juridictions nationales, à laquelle, même si elle est postérieure à la procédure devant l’EUIPO, une partie a le droit de se référer [voir, en ce sens, arrêts du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 20, et du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, EU:T:2005:438, point 16].

22      En effet, ni les parties ni le Tribunal ne sauraient être empêchés de s’inspirer, dans l’interprétation du droit de l’Union, d’éléments tirés de la jurisprudence nationale, internationale ou du juge de l’Union. Une telle possibilité de se référer à des décisions nationales et internationales n’est pas visée par la jurisprudence selon laquelle le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours au regard des éléments présentés par les parties devant celles-ci, dès lors qu’il ne s’agit pas de reprocher aux chambres de recours de ne pas avoir pris en compte des éléments de fait dans un arrêt national, international ou du juge de l’Union précis, mais qu’il s’agit d’invoquer des décisions à l’appui d’un moyen tiré de la violation par les chambres de recours d’une disposition du règlement no 207/2009 [voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2006, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Johnson’s Veterinary Products (VITACOAT), T‑277/04, EU:T:2006:202, points 70 et 71].

23      En tout état de cause, il y a lieu de relever que, dans la mesure où le jugement no 9598 de la treizième chambre du Dioikitiko Protodikeio Athinon (tribunal administratif de première instance d’Athènes) a été rendu le 30 juin 2023, soit après le dépôt de la requête qui a eu lieu le 29 mai 2023, la requérante n’aurait pas pu le présenter dans cette dernière, ce qui justifiait son dépôt tardif au regard de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, selon lequel « les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure […], à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié ».

24      Dans les circonstances de l’espèce, l’annexe A 34 doit être déclarée recevable.

 Sur la recevabilité du recours, en ce qu’il est tiré de la violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement, de l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du même règlement, et de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

25      Le recours formé devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 72 du règlement 2017/1001, l’article 188 du règlement de procédure prévoyant, quant à lui, que les mémoires des parties ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. Par conséquent, le contrôle exercé par le Tribunal ne peut aller au-delà du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours. De même, un requérant n’a pas le pouvoir de modifier devant le Tribunal les termes du litige, tels qu’ils résultaient des prétentions et des allégations avancées par lui-même et par l’intervenant [voir arrêt du 19 octobre 2022, H&H/EUIPO – Giuliani (Swisse), T‑486/20, non publié, EU:T:2022:642, points 44 et 45 et jurisprudence citée].

26      Dans la décision attaquée, la chambre de recours s’est uniquement fondée, pour accueillir la demande de nullité de la marque contestée, sur le fait que la requérante pouvait, sans juste motif, tirer un profit indu du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure auprès du public pertinent, au sens de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 5, du même règlement.

27      La demande de la requérante tendant à ce que le Tribunal constate, en substance, une violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement, de l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du même règlement, et de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 vise à obtenir de ce dernier qu’il apprécie des questions de droit sur lesquelles la chambre de recours ne s’est pas prononcée et, dès lors, modifie le litige devant la chambre de recours au sens de l’article 188 du règlement de procédure. Il s’ensuit que le recours doit être écarté d’emblée comme étant partiellement irrecevable, en ce qu’il se fonde sur une violation des dispositions en question.

 Sur le moyen unique en ce qu’il est tiré de la violation de l’article 81 TFUE et, par extension, d’une violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 5, du même règlement

28      La requérante estime, en substance, que, en vertu de l’article 81 TFUE, les décisions rendues par les juridictions grecques dans le cadre de litiges l’ayant opposée à l’intervenante s’imposaient à la chambre de recours lorsque cette dernière a adopté la décision attaquée, ce qui aurait dû la conduire au constat d’une absence de violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 5, du même règlement.

29      À titre liminaire, il y a lieu de rejeter l’argument de l’EUIPO selon lequel le moyen soulevé par la requérante serait irrecevable dans la mesure où, en substance, il n’existerait aucun rapport entre le contrôle de la légalité de la décision attaquée et la coopération judiciaire au sein de l’Union en vertu de l’article 81 TFUE.

30      En effet, si le moyen soulevé par la requérante consiste à critiquer le bien-fondé de la décision attaquée en ce que, en substance, les solutions issues de décisions rendues par des juridictions nationales s’imposaient à la chambre de recours, il ne saurait être considéré comme étant irrecevable au seul motif d’une éventuelle absence de lien entre le champ d’application de l’article 81 TFUE et la légalité de la décision attaquée, qui relève d’une appréciation au fond. En revanche, pour les motifs exposés ci-après, ledit moyen n’apparaît pas fondé et ne peut qu’être rejeté.

31      Sur le fond, il est exact, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, que l’article 81 TFUE, qui figure dans le chapitre 3 du traité FUE, relatif à la collaboration judiciaire en matière civile, concerne la coopération judiciaire au sein de l’Union, alors que le contentieux de l’espèce porte sur le contrôle de la légalité de décisions de nature administrative rendues, dans un premier temps, par la division d’annulation puis, dans un second temps, par la chambre de recours. Il n’en demeure pas moins, ainsi qu’il découle, en particulier, des considérants 16 et 17 du règlement no 207/2009, que le législateur de l’Union a mis en place des mécanismes visant à garantir la protection uniforme de la marque de l’Union européenne sur l’ensemble du territoire de l’Union, confirmant ainsi le caractère unitaire de la marque de l’Union européenne (arrêt du 21 juillet 2016, Apple and Pear Australia et Star Fruits Diffusion/EUIPO, C‑226/15 P, EU:C:2016:582, point 49). Le considérant 17 du règlement no 207/2009 énonce, notamment, qu’« [i]l convient d’éviter que des jugements contradictoires soient rendus à la suite d’actions dans lesquelles sont impliquées les mêmes parties et qui sont formées pour les mêmes faits sur la base d’une marque [de l’Union européenne] et de marques nationales parallèles ».

32      Dans cette perspective, l’article 56, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, tel que modifié par le règlement 2015/2424, dispose :

« 3. Une demande en déchéance ou en nullité est irrecevable lorsqu’une demande ayant le même objet et la même cause a été tranchée sur le fond entre les mêmes parties soit par l’[EUIPO] soit par un tribunal des marques de l’Union européenne visé à l’article 95 et que la décision de l’[EUIPO] ou de ce tribunal concernant cette demande est passée en force de chose jugée. »

33      De même, l’article 100, paragraphes 2 et 6, du règlement no 207/2009, tel que modifié par le règlement 2015/2424, dispose :

« 2. Un tribunal des marques [de l’Union européenne] rejette une demande reconventionnelle en déchéance ou en nullité, si une décision rendue par l’[EUIPO] entre les mêmes parties sur une demande ayant le même objet et la même cause est déjà devenue définitive.

[…]

6. Lorsqu’un tribunal des marques de l’Union européenne a rendu une décision passée en force de chose jugée sur une demande reconventionnelle en déchéance ou en nullité d’une marque de l’Union européenne, une copie de cette décision est transmise à l’[EUIPO] sans tarder, soit par le tribunal, soit par l’une des parties à la procédure nationale. L’[EUIPO] ou toute autre partie intéressée peut demander des informations quant à cette transmission. L’[EUIPO] inscrit au registre la mention de la décision et prend les mesures nécessaires pour se conformer à son dispositif. »

34      S’agissant de l’allégation de la requérante tirée spécifiquement d’une violation du principe d’autorité de la chose jugée par la chambre de recours, il doit être rappelé que la Cour a considéré que, bien que le règlement no 207/2009 ne définisse pas expressément la notion d’« autorité de la chose jugée », il découlait, en particulier, de l’article 56, paragraphe 3, et de l’article 100, paragraphe 2, de ce règlement que celui-ci exigeait, afin que des décisions d’une juridiction d’un État membre ou de l’EUIPO devenues définitives soient revêtues de l’autorité de la chose jugée et puissent donc lier une telle juridiction ou l’EUIPO, que les procédures parallèles devant ceux-ci aient comporté les mêmes parties, le même objet et la même cause (voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2016, Apple and Pear Australia et Star Fruits Diffusion/EUIPO, C‑226/15 P, EU:C:2016:582, point 52).

35      Or, au point 49 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré, en méconnaissance des dispositions de l’article 56, paragraphe 3, et de l’article 100, paragraphe 6, du règlement no 207/2009, que, à l’instar des décisions rendues par les offices nationaux des marques, les décisions des juridictions nationales qui avaient été invoquées par la requérante ne s’imposaient pas à elle, en se référant à la jurisprudence selon laquelle « les décisions rendues par les offices et les tribunaux nationaux concernant des litiges entre des marques identiques ou similaires au niveau national n’[avaient] pas d’effet contraignant sur l’EUIPO, étant donné que le régime de la marque de l’Union européenne [était] un système autonome dont l’application [était] indépendante de tout système national ». Toutefois, bien que, dans les circonstances de l’espèce, cette considération ait été erronée s’agissant des décisions des juridictions nationales invoquées par la requérante, cela n’a entraîné aucune conséquence sur le bien-fondé de l’analyse de la demande de nullité de la marque contestée.

36      En effet, au point 50 de la décision attaquée, la chambre de recours a également procédé à un examen des décisions nationales invoquées par la requérante, avant de parvenir à la conclusion, au point 51 de la décision attaquée, qu’elles ne pouvaient avoir d’incidence sur ladite décision.

37      À cet égard, s’agissant de l’arrêt no 1402/2020, du 22 juin 2020, du Trimeles Efeteio Thessalonikis (cour d’appel de Thessalonique, en formation à trois juges), rendu à la suite de l’appel interjeté à l’encontre du jugement no 10299/2019, du 10 septembre 2019, du Polymeles Protodikeio Thessalonikis (tribunal de grande instance de Thessalonique), la chambre de recours a relevé, à juste titre, que le litige civil en question concernait une action en contrefaçon intentée par l’intervenante et que, dans ce cadre, la renommée de la marque contestée, détenue par la requérante, avait été prise en compte, alors que, en l’espèce, il s’agissait d’un critère non pertinent pour évaluer la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, conditionnée par la renommée de la marque antérieure. Dans ces conditions, mêmes s’ils opposaient les mêmes parties et qu’ils étaient fondés sur des marques identiques ou semblables, les litiges en cause, consistant, d’une part, en une demande en nullité et, d’autre part, en une action en contrefaçon, avaient des objets différents.

38      Ainsi, l’erreur invoquée par la requérante, selon laquelle, en substance, la chambre de recours a considéré, à tort, que l’autorité de la chose jugée s’attachant à l’arrêt no 1402/2020, du 22 juin 2020, du Trimeles Efeteio Thessalonikis (cour d’appel de Thessalonique, en formation à trois juges) aurait été affectée par le pourvoi formé à son encontre, présente un caractère inopérant, dans la mesure où, quelle qu’ait été l’issue du pourvoi, il n’était pas susceptible d’avoir une incidence sur la différence d’objet entre les litiges en cause.

39      En outre, la chambre de recours a relevé, à bon droit, que, s’agissant des décisions administratives de l’office grec des marques invoquées par la requérante, qui ont donné lieu à des contestations devant les juridictions administratives nationales et, notamment, au jugement no 9598, du 30 juin 2023, de la treizième chambre du Dioikitiko Protodikeio Athinon (tribunal administratif de première instance d’Athènes), lesdites décisions concernaient le risque de confusion et non la renommée de la marque antérieure, qui est un élément déterminant pour constater l’existence d’un motif de nullité reposant sur les critères de mise en œuvre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009. Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir considéré que les décisions en question n’étaient pas pertinentes en l’espèce.

40      Ainsi, l’examen des décisions des juridictions nationales ou des décisions administratives invoquées par la requérante permet de constater que cette dernière n’a aucunement établi l’existence de procédures parallèles à celle de la présente espèce et ayant comporté les mêmes parties, le même objet et la même cause, au sens de la jurisprudence citée au point 34 ci-dessus. L’argument tiré d’une violation du principe d’autorité de la chose jugée doit donc être rejeté.

41      Il y a enfin lieu de constater que, pour étayer sa requête, la requérante s’est contentée de reproduire intégralement des passages du jugement no 10299/2019, du 10 septembre 2019, du Polymeles Protodikeio Thessalonikis (tribunal de grande instance de Thessalonique). En revanche, elle n’a développé aucune argumentation spécifique susceptible de remettre en cause le raisonnement de la chambre de recours s’agissant des appréciations ayant abouti au constat que les conditions de mise en œuvre de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 5, du même règlement, étaient remplies.

42      En l’espèce, au regard des éléments figurant dans le dossier de l’affaire, rien ne permet de remettre en cause les appréciations de la chambre de recours s’agissant de la composition du public pertinent, constitué du grand public en Grèce (points 20 et 21 de la décision attaquée), de l’acquisition par la marque antérieure d’une renommée, au regard des éléments de preuve qui ont été produits par l’intervenante devant l’EUIPO (points 22 à 24 de la décision attaquée), de l’existence d’un degré moyen de similitude entre les signes en conflit (points 26 à 32 de la décision attaquée), de l’établissement d’un lien entre les marques en conflit par le public concerné (points 33 à 39 de la décision attaquée), du profit indu tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure par l’usage de la marque contestée (points 40 à 45 de la décision attaquée) et de l’absence de juste motif pour l’usage de ladite marque (points 46 et 47 de la décision attaquée).

43      Il y a donc lieu de considérer que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a estimé que la demande de nullité de la marque contestée, basée sur une violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 5, du même règlement, était fondée.

44      Dès lors, il y a lieu de rejeter le moyen unique soulevé par la requérante comme étant infondé, en ce qu’il est tiré d’une violation de l’article 81 TFUE et, par extension, d’une violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 5, du même règlement et, partant, de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

45      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

46      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de l’intervenante, conformément aux conclusions de cette dernière.

47      En revanche, l’EUIPO n’ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens que dans l’hypothèse de la convocation à une audience, il convient, en l’absence d’organisation d’une audience, de décider que l’EUIPO supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Tsakiris AE Paragogis & Emporias Trofimon est condamnée à supporter ses propres dépens et ceux de Coca-Cola 3E Ellados AVEE.

3)      L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supportera ses propres dépens.

Schalin

Škvařilová-Pelzl

Steinfatt

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 avril 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : le grec.

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