Portigon v CRU (Economic and monetary union - Banking union - Single Resolution Mechanism for credit institutions and certain investment firms (SRM) - - Judgment) French Text [2024] EUECJ T-360/21 (29 May 2024)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T36021.html
Cite as: [2024] EUECJ T-360/21, EU:T:2024:332, ECLI:EU:T:2024:332

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

29 mai 2024 (*) (1)

« Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Fonds de résolution unique (FRU) – Décision du CRU sur le calcul des contributions ex ante pour 2021 – Exception d’illégalité – Base juridique du règlement no 806/2014 – Article 114 TFUE – Égalité de traitement – Marge d’appréciation de la Commission – Marge d’appréciation du CRU – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑360/21,

Portigon AG, établie à Düsseldorf (Allemagne), représentée par Mes D. Bliesener, V. Jungkind et C. van Kampen, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par MM. J. Kerlin et D. Ceran, en qualité d’agents, assistés de Mes B. Meyring, T. Klupsch et S. Ianc, avocats,

partie défenderesse,

soutenu par

Parlement européen, représenté par MM. U. Rösslein, M. Menegatti et Mme G. Bartram, en qualité d’agents,

par

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. J. Bauerschmidt, Mmes J. Haunold et A. Westerhof Löfflerová, en qualité d’agents,

et par

Commission européenne, représentée par M. D. Triantafyllou et Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),

composé de MM. A. Kornezov, président, G. De Baere, D. Petrlík (rapporteur), K. Kecsmár et Mme S. Kingston, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 1er mars 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Portigon AG, demande l’annulation de la décision SRB/ES/2021/22 du Conseil de résolution unique (CRU), du 14 avril 2021, sur le calcul des contributions ex ante pour 2021 au Fonds de résolution unique (ci-après la « décision attaquée »), en ce qu’elle la concerne.

I.      Antécédents du litige

2        La requérante est un établissement de crédit établi en Allemagne qui se trouve dans un processus de démantèlement. Elle continue à posséder certains agréments pour effectuer des opérations bancaires et fournir des services financiers, tels que des opérations de dépôt et de crédit et des services de paiement. Cependant, elle ne détient ces agréments qu’aux fins d’achever son démantèlement de manière ordonnée.

3        Parmi les opérations effectuées à cette fin sont, notamment, pertinentes pour la présente affaire celles qui impliquent Erste Abwicklungsanstalt (ci-après l’« EAA »).

4        L’EAA a été instituée en vertu du Finanzmarktstabilisierungsfondsgesetz (loi portant création d’un fonds de stabilisation des marchés financiers), du 17 octobre 2008 (BGBl. 2008 I, p. 1982), aux fins du démantèlement et de la protection d’une partie des opérations bancaires de la requérante.

5        La requérante a transféré une grande partie de ses actifs et de ses passifs à l’EAA aux fins de son démantèlement. Une partie de ces actifs et de ces passifs a fait l’objet d’une transmission réelle à l’EAA par voie de scission. Cette partie des actifs et des passifs n’est plus inscrite au bilan de la requérante.

6        Une autre partie des actifs et des passifs de la requérante n’a pas fait l’objet de cette scission, mais uniquement d’un transfert dit « économique » ou d’une garantie de la part de l’EAA. À cette fin, la requérante a conclu avec l’EAA des conventions qui visent à transférer les risques à cette dernière, alors qu’elle a conservé la propriété réelle de cette partie de ses actifs et de ses passifs.

7        Les actifs et passifs de la requérante n’ayant fait l’objet que d’un transfert économique à l’EAA incluent, notamment, les éléments du portefeuille d’instruments dérivés de gré à gré (ci-après le « portefeuille d’instruments dérivés EAA-OTC »). Celui-ci est composé, en substance, d’une part, de droits et d’obligations de la requérante nés de, ou liés à, certains instruments dérivés et, d’autre part, de sûretés garantissant les créances nées de ces instruments dérivés.

8        La requérante a la responsabilité légale et réglementaire de la gestion des actifs du portefeuille de l’EAA n’ayant pas fait l’objet d’une transmission réelle à cette dernière par voie de scission. Comme l’EAA ne peut pas exploiter elle-même ces actifs, la requérante les gère en tant que mandataire fiduciaire en vertu de contrats conclus avec l’EAA. La requérante intervient à ce titre en son propre nom, mais selon les instructions et pour le compte de l’EAA.

9        Jusqu’à leur réalisation ou à leur transfert à l’EAA, les éléments du portefeuille d’instruments dérivés EAA-OTC figurent au bilan de la requérante à titre d’actifs ou de passifs fiduciaires.

10      Par la décision attaquée, le CRU a fixé, conformément à l’article 70, paragraphe 2, du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1), les contributions ex ante au Fonds de résolution unique (FRU) (ci-après les « contributions ex ante »), pour l’année 2021 (ci-après la « période de contribution 2021 »), des établissements relevant des dispositions combinées de l’article 2 et de l’article 67, paragraphe 4, de ce règlement (ci-après les « établissements »), dont la requérante.

11      Par avis de perception du 21 avril 2021, la Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht (BaFin, Office fédéral de contrôle des services financiers, Allemagne), en sa qualité d’autorité de résolution nationale (ci-après l’« ARN »), au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 3, du règlement no 806/2014, a enjoint à la requérante d’acquitter sa contribution ex ante pour la période de contribution 2021, telle qu’elle avait été fixée par le CRU.

12      La requérante, d’une part, et le CRU et la BaFin, d’autre part, sont en désaccord quant aux éléments qui doivent être retenus aux fins du calcul de la contribution ex ante de la requérante. En particulier, la requérante estime qu’il n’y a pas lieu de tenir compte à cet égard des passifs faisant partie du portefeuille d’instruments dérivés EAA-OTC et qu’elle n’appartient pas à un groupe qui a été mis en restructuration après avoir reçu une aide de l’État ou un financement équivalent au sens de l’article 6, paragraphe 8, sous a), du règlement délégué (UE) 2015/63 de la Commission, du 21 octobre 2014, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contributions ex ante aux dispositifs de financement pour la résolution (JO 2015, L 11, p. 44). Le CRU et la BaFin estiment, en revanche, que la contribution ex ante de la requérante doit être calculée sur la base du total de son bilan et que la requérante est un établissement en restructuration.

II.    Décision attaquée

13      La décision attaquée comprend un corps qui est accompagné de trois annexes.

14      Le corps de la décision attaquée décrit le processus de détermination des contributions ex ante pour la période de contribution 2021, qui est applicable à tous les établissements.

15      Plus particulièrement, dans la section 5 de ladite décision, le CRU a déterminé le niveau cible annuel, mentionné à l’article 4 du règlement d’exécution (UE) 2015/81 du Conseil, du 19 décembre 2014, définissant des conditions uniformes d’application du règlement no 806/2014 en ce qui concerne les contributions ex ante au Fonds de résolution unique (JO 2015, L 15, p. 1), pour la période de contribution 2021 (ci-après le « niveau cible annuel »).

16      Le CRU a expliqué qu’il avait fixé ce niveau cible annuel à un huitième de 1,35 % du montant moyen des dépôts couverts, calculé trimestriellement, de l’ensemble des établissements en 2020 (ci-après le « montant moyen des dépôts couverts en 2020 »), tel qu’il avait été obtenu à partir des données communiquées par les systèmes de garantie des dépôts conformément à l’article 16 du règlement délégué 2015/63.

17      Dans la section 6 de la décision attaquée, le CRU a décrit la méthode à suivre pour le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2021. À cet égard, il a précisé, au considérant 59 de ladite décision, que, pour cette période, 13,33 % des contributions ex ante avaient été calculées sur la « base nationale », c’est-à-dire sur la base des données communiquées par des établissements agréés sur le territoire de l’État membre participant concerné (ci-après la « base nationale »), conformément à l’article 103 de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190), et conformément à l’article 4 du règlement délégué 2015/63. Le reste des contributions ex ante (à savoir 86,67 %) a été calculé sur la « base de l’union bancaire », c’est-à-dire sur la base des données communiquées par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participant au mécanisme de résolution unique (MRU) (ci-après la « base de l’union » et les « États membres participants »), conformément aux articles 69 et 70 du règlement no 806/2014 et à l’article 4 du règlement d’exécution 2015/81.

18      Dans cette même section 6 de la décision attaquée, le CRU a également expliqué qu’il existait, en substance, deux catégories d’établissements assujettis aux contributions ex ante. La première catégorie comprend les établissements qui doivent verser une contribution forfaitaire eu égard à leurs caractéristiques particulières, telles que leur taille ou la nature de leurs activités. Le calcul de la contribution ex ante de ces établissements est régi par les articles 10 et 11 du règlement délégué 2015/63.

19      Les établissements relevant de la seconde catégorie doivent verser une contribution ex ante ajustée à leur profil de risque, que le CRU a fixée en suivant les phases principales suivantes.

20      Dans la première phase, le CRU a calculé, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014, la contribution annuelle de base de chaque établissement, qui est proportionnelle au montant du passif de l’établissement concerné, hors fonds propres et dépôts couverts (ci-après le « passif net »), rapporté au passif net de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants. Conformément à l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, le CRU a déduit certains types de passifs du passif net de l’établissement à prendre en compte pour la détermination de cette contribution.

21      Dans la seconde phase du calcul de la contribution ex ante, le CRU a procédé à un ajustement de la contribution annuelle de base en fonction du profil de risque de l’établissement concerné, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014. Il a évalué ce profil de risque sur la base des quatre piliers de risque mentionnés à l’article 6 du règlement délégué 2015/63, qui sont composés d’indicateurs de risque. Afin de classer les établissements selon leur niveau de risque, tout d’abord, le CRU a établi – pour chaque indicateur de risque appliqué pour la période de contribution 2021 – des bins (paniers) dans lesquels ont été regroupés les établissements, conformément à l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », point 3, de ce règlement délégué. Les établissements appartenant au même bin se sont vu attribuer une valeur commune pour l’indicateur de risque donné, dite « valeur discrétisée ». En combinant les valeurs discrétisées pour chaque indicateur de risque, le CRU a calculé le « multiplicateur d’ajustement en fonction du profil de risque » de l’établissement concerné (ci-après le « multiplicateur d’ajustement »). En multipliant la contribution annuelle de base de cet établissement par le multiplicateur d’ajustement de celui-ci, le CRU a obtenu la « contribution annuelle de base ajustée en fonction du profil de risque » dudit établissement.

22      Ensuite, le CRU a additionné toutes les contributions annuelles de base ajustées en fonction des profils de risque pour obtenir un « dénominateur commun » utilisé pour calculer la part du niveau cible annuel que chaque établissement devait verser.

23      Enfin, le CRU a calculé la contribution ex ante de chaque établissement en répartissant le niveau cible annuel entre tous les établissements sur la base du ratio existant entre la contribution annuelle de base ajustée en fonction du profil de risque, d’une part, et le dénominateur commun, d’autre part.

24      L’annexe I de la décision attaquée contient une fiche individuelle pour chaque établissement soumis au versement des contributions ex ante, dont la requérante, qui comporte les résultats du calcul de la contribution ex ante de chacun de ces établissements. Chacune de ces fiches expose le montant de la contribution annuelle de base de l’établissement concerné ainsi que la valeur de son multiplicateur d’ajustement, tant sur la base de l’union que sur la base nationale, en mentionnant, pour chaque indicateur de risque, le numéro du bin auquel ledit établissement a été assigné. En outre, la fiche individuelle expose des données qui sont utilisées pour le calcul des contributions ex ante de tous les établissements concernés et que le CRU a déterminées en additionnant ou en combinant les données individuelles de tous ces établissements. Enfin, cette fiche comporte les données déclarées par l’établissement concerné dans le formulaire de déclaration et utilisées dans le calcul de sa contribution ex ante.

25      L’annexe II de la décision attaquée comprend des données statistiques relatives au calcul des contributions ex ante pour chaque État membre participant, sous une forme résumée et agrégée. Cette annexe précise, notamment, le montant global des contributions ex ante à verser par les établissements concernés pour chacun de ces États membres. Par ailleurs, ladite annexe énumère, pour chaque indicateur de risque, le nombre de bins, le nombre d’établissements appartenant à chacun des bins ainsi que les valeurs minimales et maximales de ces bins. Dans le cas des bins relatifs à la base nationale, ces valeurs sont, pour des raisons de confidentialité, diminuées ou augmentées d’un montant aléatoire, la répartition originale des établissements étant maintenue.

26      L’annexe III de la décision attaquée, intitulée « Évaluation des commentaires soumis dans le cadre de la consultation sur les contributions ex ante au Fonds de résolution unique pour 2021 », examine les observations présentées par les établissements lors de la procédure de consultation menée par le CRU entre les 5 et 19 mars 2021 en vue de l’adoption de la décision attaquée.

III. Conclusions des parties

27      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, en ce qu’elle la concerne ;

–        condamner le CRU aux dépens.

28      Le CRU conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, en cas d’annulation de la décision attaquée, maintenir les effets de cette dernière jusqu’à son remplacement ou, à tout le moins, pendant une période de six mois à compter de la date à laquelle le jugement sera définitif.

29      Le Parlement européen conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en ce qu’il est fondé sur une exception d’illégalité du règlement no 806/2014 et de la directive 2014/59 ;

–        condamner la requérante aux dépens.

30      Le Conseil de l’Union européenne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

31      La Commission européenne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

IV.    En droit

32      À l’appui de son recours, la requérante soulève huit moyens, tirés :

–        le premier, d’une part, d’une exception d’illégalité du règlement no 806/2014, de la directive 2014/59 et du règlement délégué 2015/63, au motif qu’ils violent l’article 114 TFUE, l’article 290 TFUE et l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 et, d’autre part, d’une violation, par la décision attaquée, des dispositions de l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014, de l’article 8, paragraphe 1, sous f), du règlement d’exécution 2015/81 et de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 ;

–        le deuxième, d’une exception d’illégalité du règlement no 806/2014, de la directive 2014/59 et du règlement délégué 2015/63, au motif qu’ils violent l’article 41, paragraphe 2, sous c), et l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ;

–        le troisième, d’une violation des articles 16 et 20 de la Charte ;

–        le quatrième, d’une violation de l’article 5, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81, de l’obligation de motivation, du droit d’être entendu et de l’obligation d’instruction ;

–        le cinquième, d’une violation de l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 ;

–        le sixième, d’une exception d’illégalité du règlement délégué 2015/63 et d’une violation, par la décision attaquée, de l’article 103, paragraphe 7, sous a), de la directive 2014/59 et de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 ;

–        le septième, d’une violation de l’article 5, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2015/63, lu conjointement avec l’article 70, paragraphe 6, du règlement no 806/2014 ;

–        le huitième, d’une violation des dispositions combinées de l’article 70, paragraphe 6, du règlement no 806/2014 et de l’article 6, paragraphe 8, sous a), du règlement délégué 2015/63.

33      Il convient d’examiner d’abord les moyens par lesquels la requérante excipe de l’illégalité du règlement no 806/2014, de la directive 2014/59 ainsi que du règlement délégué 2015/63, puis les moyens portant directement sur la légalité de la décision attaquée.

A.      Sur les exceptions d’illégalité du règlement no 806/2014, de la directive 2014/59 et du règlement délégué 2015/63

1.      Sur le premier moyen, en ce qu’il est fondé sur des exceptions d’illégalité

34      Dans le cadre de son premier moyen, la requérante soulève, premièrement, des exceptions d’illégalité à l’encontre du règlement no 806/2014 et de la directive 2014/59, deuxièmement, des griefs visant la légalité de la décision attaquée et, troisièmement, trois exceptions d’illégalité à l’encontre du règlement délégué 2015/63.

35      Il convient tout d’abord d’examiner les exceptions d’illégalité, les griefs portant sur la légalité de la décision attaquée étant appréciés aux points 337 à 351 ci-après.

a)      Sur le premier moyen, en ce qu’il est tiré d’exceptions d’illégalité du règlement no 806/2014 et de la directive 2014/59

36      La requérante soulève des exceptions d’illégalité à l’encontre du règlement no 806/2014 et de la directive 2014/59 au motif que le législateur de l’Union a erronément choisi l’article 114, paragraphe 1, TFUE en tant que base juridique pour leur adoption.

37      D’une part, lesdits actes ne présenteraient aucun lien avec le marché intérieur, puisque, si les contributions ex ante étaient prévues au niveau des États membres, elles ne constitueraient pas une entrave à la libre circulation des services et n’entraîneraient pas non plus de distorsions de concurrence sensibles.

38      D’autre part, le législateur de l’Union ne serait pas habilité à fonder le système des contributions ex ante sur l’article 114, paragraphe 1, TFUE, puisque ces contributions relèveraient des « dispositions fiscales » au sens de l’article 114, paragraphe 2, TFUE. En particulier, les versions en anglais et en français de l’article 114, paragraphe 2, TFUE révéleraient que le champ d’application de cette disposition irait au-delà de la notion d’« impôt ». Par conséquent, le législateur de l’Union aurait dû se fonder sur les articles 113 ou 115 TFUE pour instituer l’obligation de verser des contributions ex ante.

39      Le CRU, le Parlement, le Conseil et la Commission contestent cette argumentation.

40      À titre liminaire, il convient de rappeler que le choix de la base juridique d’un acte de l’Union doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel, parmi lesquels figurent la finalité et le contenu de l’acte [voir avis 1/15 (Accord PNR UE-Canada), du 26 juillet 2017, EU:C:2017:592, point 76 et jurisprudence citée ; arrêt du 4 septembre 2018, Commission/Conseil (Accord avec le Kazakhstan), C‑244/17, EU:C:2018:662, point 36].

41      Les actes législatifs adoptés sur le fondement de l’article 114, paragraphe 1, TFUE doivent, d’une part, comporter des mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres et, d’autre part, avoir pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur (arrêt du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil, C‑270/12, EU:C:2014:18, point 100).

42      En premier lieu, il importe de rappeler que l’article 114 TFUE ne saurait être utilisé en tant que base juridique que lorsqu’il ressort objectivement et effectivement de l’acte juridique que ce dernier a pour objectif d’améliorer les conditions de l’établissement et du fonctionnement du marché intérieur (voir arrêt du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil, C‑270/12, EU:C:2014:18, point 113 et jurisprudence citée).

43      En l’espèce, il découle, notamment, des considérants 1 et 3 du règlement no 806/2014 ainsi que du considérant 1 de la directive 2014/59 que ces actes ont été adoptés dans un contexte de crise économique et financière, lequel a révélé, s’agissant de l’Union, un manque d’instruments permettant de faire face efficacement au risque présenté par les établissements ayant des difficultés financières, ce qui contraignait les États membres à utiliser les moyens financiers publics pour soutenir de tels établissements.

44      Il découle également du considérant 1 du règlement no 806/2014 et du considérant 3 de la directive 2014/59 que cette crise a mis en évidence les menaces pesant sur le fonctionnement du marché intérieur des services bancaires et le risque croissant de fragmentation financière. Cela constituait une véritable source de préoccupation au sein du marché intérieur dans lequel les banques auraient dû être en mesure d’exercer des activités transfrontalières importantes, alors qu’un repli de ces activités était constaté, lié à une crainte de contagion.

45      Par ailleurs, le législateur de l’Union a souligné, aux considérants 2 à 4 et 12 du règlement no 806/2014 et aux considérants 4 et 5 de la directive 2014/59, que les divergences entre les réglementations nationales en matière de résolution et entre les pratiques administratives correspondantes ainsi que l’absence de processus décisionnel unifié pour la résolution dans l’union bancaire alimentaient une défiance des systèmes bancaires nationaux envers ceux des autres États membres, y compris les États membres ne participant pas au MRU, et contribuaient à l’instabilité du marché en ne garantissant aucune prévisibilité quant à l’issue d’une défaillance d’une banque. Ces divergences pouvaient également entraîner des coûts d’emprunts plus élevés pour certaines banques et leurs clients en raison uniquement du lieu d’établissement de ces banques, indépendamment de leur solvabilité réelle.

46      De plus, le législateur de l’Union a mis en exergue, aux considérants 9 et 19 du règlement no 806/2014, le fait que tant que les réglementations et les pratiques en matière de résolution ainsi que les modalités de partage des charges ne dépasseraient pas le niveau national et que les ressources financières nécessaires au financement des procédures de résolution seraient collectées et dépensées au niveau national, le lien entre les États membres et le secteur bancaire ne serait pas totalement brisé et le marché intérieur resterait fragmenté. Cette situation restreindrait les activités transfrontalières des banques, créerait des obstacles à l’exercice des libertés fondamentales et fausserait la concurrence dans le marché intérieur.

47      Enfin, ainsi qu’il ressort de ses considérants 9 et 10, la directive 2014/59 a pour objet d’empêcher que des autorités nationales n’aient pas le même niveau de contrôle des établissements ou la même capacité de procéder à la résolution de ces derniers, ce qui peut influer de manière variable sur les coûts de financement des établissements d’un État membre à l’autre, entravant ainsi l’exercice de la liberté d’établissement que leur confère le marché intérieur.

48      C’est au regard de ces considérations que le règlement no 806/2014 vise à desserrer le lien existant entre la situation budgétaire de chaque État membre, telle qu’elle est perçue, et les coûts de financement des banques et des entreprises qui y sont implantées ainsi qu’à faire peser la responsabilité du financement de la stabilisation du système financier sur le secteur financier dans son ensemble.

49      Ainsi, comme l’indique son article 1er, le règlement no 806/2014 établit, notamment, des règles uniformes et une procédure uniforme pour la résolution des établissements, qui devraient être appliquées par le CRU, et ce afin de pallier les menaces évoquées aux points 43 à 46 ci-dessus.

50      De même, la directive 2014/59 établit, notamment, des règles harmonisées et une procédure harmonisée pour la résolution des établissements, afin de répondre aux préoccupations du législateur de l’Union décrites aux points 43 à 45 et 47 ci-dessus.

51      Le FRU et les dispositifs de financement nationaux sont des éléments essentiels de ces règles et de cette procédure, qui permettent, comme il ressort des articles 67 et 76 et du considérant 107 du règlement no 806/2014 ainsi que des articles 100 et 101 et des considérants 103, 104 et 108 de la directive 2014/59, d’assurer l’exercice efficient des pouvoirs de résolution et de contribuer au financement des instruments de résolution en assurant leur application efficiente.

52      Afin de garantir des moyens financiers suffisants dans le FRU et les dispositifs de financement nationaux, ces derniers sont financés, au regard des considérations énoncées aux points 43 à 46 et 48 ci-dessus, notamment, par les contributions ex ante versées par les établissements.

53      Par conséquent, le versement de ces contributions assure l’application efficiente des règles uniformes ou harmonisées et de la procédure uniforme ou harmonisée pour la résolution des établissements. Les règles fixant lesdites contributions permettent, à leur tour, comme cela ressort des considérants 12 et 19 du règlement no 806/2014 et des considérants 9 et 10 de la directive 2014/59, d’éviter que des pratiques nationales divergentes n’entravent l’exercice des libertés fondamentales ou ne faussent la concurrence dans le marché intérieur.

54      Eu égard à ce qui précède, il convient de constater que le règlement no 806/2014 et la directive 2014/59 ont pour objectif d’améliorer les conditions de l’établissement et du fonctionnement du marché intérieur.

55      Par ailleurs, en ce qui concerne la condition énoncée à l’article 114, paragraphe 1, TFUE, selon laquelle l’acte de l’Union concerné doit comporter des mesures relatives au rapprochement des dispositions des États membres, il ressort, notamment, du considérant 2 du règlement no 806/2014 et du considérant 4 de la directive 2014/59, d’une part, qu’il n’y avait pas de processus décisionnel unifié pour la résolution des établissements dans l’Union et, d’autre part, qu’il existait des différences de fond et de procédure considérables entres les dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’insolvabilité des établissements dans les États membres.

56      Dans ce contexte, le législateur de l’Union a créé des règles et une procédure uniformes, au niveau de l’union bancaire, et harmonisées, au niveau des États membres, pour la résolution des établissements, ainsi qu’une procédure uniforme pour la perception des contributions ex ante afin d’assurer l’application efficiente de ces règles et de ces procédures, comme cela a été exposé aux points 49 à 53 ci-dessus.

57      Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que le règlement no 806/2014 et la directive 2014/59 satisfont aux conditions énoncées à l’article 114, paragraphe 1, TFUE.

58      En second lieu, il convient d’examiner l’argument de la requérante selon lequel les dispositions du règlement no 806/2014 et de la directive 2014/59 imposant aux établissements l’obligation de verser des contributions ex ante devraient être considérées comme des « dispositions fiscales » et ne seraient, dès lors, pas couvertes par la compétence d’harmonisation du législateur de l’Union en vertu de l’article 114, paragraphe 2, TFUE.

59      L’article 114, paragraphe 2, TFUE prévoit que le paragraphe 1 de cette disposition ne s’applique pas, notamment, aux « dispositions fiscales ».

60      En ce qui concerne l’interprétation de l’expression « dispositions fiscales », il y a lieu de constater que le traité FUE ne contient pas de définition de cette dernière (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Commission/Conseil, C‑338/01, EU:C:2004:253, point 63).

61      Cela étant, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’un prélèvement versé par les opérateurs économiques d’un secteur particulier n’a pas de nature fiscale dans une situation où, en particulier, il est directement affecté au seul financement des dépenses de ce secteur et où ces dépenses sont nécessaires au fonctionnement de ce dernier afin, notamment, de le stabiliser (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 11 juillet 1989, Schräder HS Kraftfutter, 265/87, EU:C:1989:303, points 9 et 10).

62      Or, ce raisonnement s’applique également dans le cas des contributions ex ante, qui suivent une logique d’ordre assurantiel et qui sont versées par les opérateurs économiques d’un secteur particulier en vue de financer exclusivement les dépenses de ce secteur.

63      Ainsi, s’agissant de la nature des contributions ex ante, il a déjà été relevé au point 43 ci-dessus que le règlement no 806/2014 et la directive 2014/59 avaient été adoptés dans un contexte de crise économique et financière qui avait révélé, s’agissant de l’Union, un manque d’instruments permettant de faire face efficacement au risque présenté par les établissements ayant des difficultés financières, ce qui contraignait les États membres à utiliser les moyens financiers publics pour soutenir de tels établissements. Le MRU vise à éviter les conséquences dommageables des défaillances des établissements survenues lors de telles crises, dès lors que la défaillance des établissements dans un seul État membre peut compromettre la stabilité des marchés financiers dans leur ensemble, ainsi que cela ressort des considérants 8 et 12 du règlement no 806/2014. Il en va de même pour la directive 2014/59, comme cela ressort de ses considérants 3 et 5.

64      Dans ce contexte, le législateur de l’Union a considéré qu’il incombait au secteur financier dans son ensemble de financer la stabilisation du système financier, ainsi que cela ressort, notamment, du considérant 100 du règlement no 806/2014 et du considérant 103 de la directive 2014/59.

65      Dans cette optique, la nature spécifique des contributions ex ante consiste, comme le confirment les considérants 105 à 107 de la directive 2014/59 et le considérant 41 du règlement no 806/2014, à garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113).

66      Par conséquent, conformément à l’article 67, paragraphes 2 et 4, et au considérant 61 du règlement no 806/2014 ainsi qu’aux articles 101 et 103 et au considérant 49 de la directive 2014/59, les contributions ex ante sont collectées auprès des opérateurs économiques du secteur financier afin d’alimenter le FRU, auquel il est permis d’avoir recours uniquement aux fins de l’application efficiente des instruments de résolution et de l’exercice efficient des pouvoirs de résolution lorsque de telles mesures s’avèrent nécessaires pour atteindre l’objectif de stabilité financière de ce secteur.

67      À cet égard, il convient de relever que, ainsi qu’il découle de l’article 1er du règlement no 806/2014 et de l’article 1er de la directive 2014/59, les mesures mentionnées au point 66 ci-dessus ne sont appliquées qu’au profit des établissements qui sont tenus de verser les contributions ex ante.

68      Certes, le règlement no 806/2014 et la directive 2014/59 n’établissent aucun lien automatique entre le versement de la contribution ex ante et la résolution de l’établissement concerné. C’est la raison pour laquelle les contributions ex ante ne sauraient être considérées comme des primes d’assurance dont la mensualisation et le remboursement seraient possibles (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2021, ABLV Bank/CRU, T‑758/18, EU:T:2021:28, points 70 et 73).

69      Il n’en demeure pas moins que les établissements profitent à double titre du FRU et des dispositifs de financement nationaux, lesquels sont financés précisément par leurs contributions ex ante.

70      D’une part, lorsque la défaillance des établissements est avérée ou prévisible, leur situation financière peut être régularisée dans le cadre d’une procédure de résolution qui peut être entamée en leur faveur si les autres conditions prévues par l’article 18 du règlement no 806/2014 ou l’article 32 de la directive 2014/59 sont également remplies. Une telle procédure permet ainsi d’utiliser des moyens financiers du FRU ou des dispositifs de financement nationaux au profit de tels établissements, étant entendu que ces moyens ont été alimentés par les contributions de ces derniers.

71      D’autre part, tous les établissements bénéficient de leurs contributions ex ante au travers de la stabilité du système financier, laquelle est assurée par le FRU et les dispositifs de financement nationaux.

72      En effet, le risque couvert par le FRU et les dispositifs de financement nationaux est celui que l’ensemble du secteur financier fait courir à la stabilité du système financier (voir arrêt du 20 janvier 2021, ABLV Bank/CRU, T‑758/18, EU:T:2021:28, point 72).

73      Il s’ensuit que le FRU et les dispositifs de financement nationaux visent, dans une optique d’ordre non pas fiscal, mais assurantiel, à garantir la stabilité du secteur financier dans son ensemble, en ayant pour objectif d’assurer une protection contre sa propre crise au bénéfice de tous les établissements.

74      Cette finalité d’ordre assurantiel se reflète d’ailleurs également dans le calcul des contributions ex ante, étant donné que celles-ci ne résultent pas de l’application d’un taux déterminé à une assiette, mais, en application des articles 102 et 103 de la directive 2014/59 ainsi que des articles 69 et 70 du règlement no 806/2014, de la définition d’un niveau cible final, puis d’un niveau cible annuel, lequel est ensuite réparti entre les établissements (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113). Cette répartition du niveau cible annuel est fondée, notamment, ainsi qu’il découle également du considérant 107 de cette directive et du considérant 109 de ce règlement, sur le risque que représente chaque établissement pour la stabilité du système financier, ce qui incite les établissements à adopter des modes de fonctionnement moins risqués.

75      Il découle de ce qui précède que les établissements versent les contributions ex ante dans une logique d’ordre assurantiel, étant entendu que ces contributions sont directement affectées au seul financement des dépenses du secteur financier dont ces établissements relèvent et que ces dépenses s’avèrent nécessaires pour le fonctionnement de ce secteur afin, notamment, de le stabiliser en cas de défaillance de certains établissements et de limiter des effets de contagion.

76      Par conséquent, les dispositions du règlement no 806/2014 et de la directive 2014/59 qui obligent les établissements à verser des contributions ex ante et précisent les modalités de leur calcul ne constituent pas des « dispositions fiscales » au sens de l’article 114, paragraphe 2, TFUE.

77      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel, conformément à certaines versions linguistiques de l’article 114, paragraphe 2, TFUE, les termes « dispositions fiscales » devraient avoir une portée plus étendue.

78      En effet, toutes les versions linguistiques d’un acte de l’Union doivent, par principe, se voir reconnaître la même valeur. Afin de préserver l’unité d’interprétation du droit de l’Union, il importe dès lors, en cas de divergences entre ces versions, d’interpréter la disposition concernée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (voir arrêt du 20 février 2018, Belgique/Commission, C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 49 et jurisprudence citée).

79      Ainsi, la formulation utilisée dans certaines versions linguistiques d’un acte ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cet acte ou se voir attribuer, à cet égard, un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques. Une telle approche serait en effet incompatible avec l’exigence d’uniformité d’application du droit de l’Union (voir arrêt du 20 février 2018, Belgique/Commission, C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 50 et jurisprudence citée).

80      Eu égard à ce qui précède, le premier moyen, en ce qu’il repose sur des exceptions d’illégalité du règlement no 806/2014 et de la directive 2014/59, doit être rejeté.

b)      Sur le premier moyen, en ce qu’il est tiré d’exceptions d’illégalité du règlement délégué 2015/63

81      La requérante soulève trois exceptions d’illégalité à l’encontre du règlement délégué 2015/63.

82      À titre liminaire, il convient de relever que l’article 4 du règlement délégué 2015/63 prévoit que le CRU calcule la contribution ex ante que doit verser chaque établissement en proportion du profil de risque de l’établissement sur la base des informations fournies par celui-ci et en application de la méthode énoncée aux articles 4 à 13 de ce règlement délégué.

83      L’article 5 du règlement délégué 2015/63, intitulé « Ajustement au risque des contributions annuelles de base », indique, notamment, les passifs qui sont exclus du calcul de ces contributions. L’article 6 de ce règlement délégué énumère les piliers et indicateurs de risque que le CRU doit prendre en compte pour évaluer le profil de risque des établissements, tandis que l’article 7 dudit règlement délégué précise la pondération relative de chaque pilier de risque et indicateur de risque qui doit être appliquée par le CRU lorsqu’il évalue le profil de risque de chaque établissement.

84      L’article 8 du règlement délégué 2015/63 est, quant à lui, relatif à l’application des indicateurs de risque dans des cas spécifiques.

85      Par ailleurs, l’article 9 du règlement délégué 2015/63, intitulé « Application de l’ajustement en fonction du profil de risque à la contribution annuelle de base », prévoit que le CRU calcule le multiplicateur d’ajustement sur la base des indicateurs de risque mentionnés à l’article 6 de ce règlement délégué conformément à la formule et aux procédures exposées à l’annexe I dudit règlement délégué et qu’il calcule la contribution annuelle de chaque établissement pour chaque période de contribution en multipliant la contribution annuelle de base par ce multiplicateur d’ajustement, conformément à la formule et aux procédures exposées à l’annexe I de ce même règlement délégué.

86      Enfin, l’annexe I du règlement délégué 2015/63 établit la procédure de calcul des contributions annuelles des établissements en plusieurs étapes.

1)      Sur la première exception d’illégalité, tirée de ce que le règlement délégué 2015/63 dépasse les compétences conférées à la Commission par la directive 2014/59

87      Selon la requérante, le règlement délégué 2015/63 excède les limites définies par la directive 2014/59, qui constitue son acte délégant. Le cadre de cette directive étant tracé par l’article 114, paragraphe 1, TFUE, il serait interdit à un acte délégué de s’écarter du cadre délimité par cette dernière disposition et de s’appliquer à des établissements qui n’ont pas de rapport avec le marché intérieur. Tel serait le cas de la requérante, qui est en train de démanteler ses activités.

88      Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

89      Il convient de relever que la présente exception d’illégalité est fondée sur la prémisse erronée selon laquelle la requérante « n’a pas de rapport avec le marché intérieur ».

90      En effet, même si la requérante se trouve dans un processus de démantèlement de ses activités, il n’en reste pas moins que, selon ses propres indications, elle continue à effectuer des opérations bancaires et à fournir des services financiers. Dans ces conditions, elle participe, à ce titre, aux échanges au sein du marché intérieur.

91      Ensuite, à supposer qu’il convienne de comprendre le grief de la requérante en ce sens que la Commission était tenue d’exclure du champ d’application du règlement délégué 2015/63 les établissements ayant un faible niveau d’activités sur le marché intérieur, il convient de relever ce qui suit.

92      Les contributions ex ante calculées sur la base nationale sont imposées sur le fondement de l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59.

93      Il ressort de cette disposition que doivent verser ces contributions les « établissements » au sens de l’article 2, paragraphe 1, point 23, de la directive 2014/59.

94      Il découle de l’article 2, paragraphe 1, point 23, de la directive 2014/59, lu conjointement avec l’article 2, paragraphe 1, point 2, de cette même directive, que font partie de ces établissements, notamment, les établissements de crédit au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 1, du règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1), qui ne figurent pas parmi les entités visées à l’article 2, paragraphe 5, de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338).

95      Or, selon l’article 4, paragraphe 1, point 1, du règlement no 575/2013, on entend par « établissement de crédit » une entreprise dont l’activité consiste à recevoir du public des dépôts ou d’autres fonds remboursables et à octroyer des crédits pour son propre compte, et ce indépendamment de l’importance de ces activités.

96      De même, bien que l’article 2, paragraphe 5, de la directive 2013/36 exclue certaines entités du champ d’application de cette directive, il n’en exclut pas des établissements ayant un faible niveau d’activités sur le marché intérieur, tels que des établissements en cours de démantèlement.

97      Il découle de ce qui précède que l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59 soumet tous les établissements qu’il vise au versement des contributions ex ante, indépendamment de l’intensité de leurs activités sur le marché intérieur.

98      En outre, l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, qui constitue la base juridique du règlement délégué 2015/63, n’oblige pas la Commission à exempter certains établissements de l’obligation de verser des contributions ex ante en raison du faible niveau de leurs activités sur le marché intérieur du fait qu’ils font l’objet d’un démantèlement.

99      Dans ces conditions, l’argument de la requérante selon lequel le règlement 2015/63 enfreint la directive 2014/59 au motif qu’il n’a pas exempté de son champ d’application de tels établissements ne peut qu’être rejeté.

100    Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument de la requérante selon lequel il découlerait de l’économie et de la finalité de la directive 2014/59 et du règlement délégué 2015/63, ainsi que de leur interprétation à la lumière de l’article 114 TFUE, que ces actes ne soumettent pas à l’obligation de verser des contributions ex ante des établissements en cours de démantèlement qui ne seraient pas en concurrence avec les autres établissements opérant sur le marché intérieur.

101    À cet égard, d’une part, il convient de constater que le libellé des dispositions mentionnées aux points 93, 94 et 98 ci-dessus est clair et précis s’agissant du champ d’application personnel de cette obligation et de l’absence d’obligation pour la Commission d’exempter certains types d’établissements de ce champ d’application. D’autre part, il découle du point 90 ci-dessus que la requérante exerce toujours des activités sur le marché intérieur.

102    Eu égard à ce qui précède, la présente exception d’illégalité doit être rejetée.

2)      Sur la deuxième exception d’illégalité, tirée de ce que le règlement délégué 2015/63 viole des éléments essentiels de la directive 2014/59

103    La requérante soutient, en substance, que le règlement délégué 2015/63 n’a pas suffisamment tenu compte du profil de risque des établissements concernés dans le cadre de l’élaboration de la méthode de calcul des contributions ex ante. L’article 6 de ce règlement délégué violerait ainsi une disposition essentielle de la directive 2014/59, à savoir son article 103, paragraphe 7.

104    Cette violation découlerait, notamment, du fait que l’article 6 du règlement délégué 2015/63 ne prévoirait aucune réduction ou exonération des contributions ex ante en faveur des établissements, tels que la requérante, dont l’exposition au risque, la probabilité de résolution ou l’importance pour la stabilité des marchés financiers sont très réduites, voire inexistantes.

105    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

106    À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans le contexte d’un pouvoir délégué au sens de l’article 290 TFUE, la Commission dispose, dans le cadre de l’exercice des compétences qui lui sont conférées, d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’elle est appelée, notamment, à effectuer des appréciations et des évaluations complexes (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission, C‑44/16 P, EU:C:2017:357, point 53 et jurisprudence citée).

107    Tel est le cas en ce qui concerne la fixation des critères d’adaptation des contributions ex ante au profil de risque en vertu de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59.

108    À cet égard, il convient de rappeler que la nature spécifique de ces contributions consiste, ainsi qu’il ressort des considérants 105 à 107 de la directive 2014/59 et du considérant 41 du règlement no 806/2014, à garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour que ce dernier puisse remplir ses fonctions, tout en encourageant l’adoption, par les établissements concernés, de modes de fonctionnement moins risqués (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113).

109    Dans ce contexte, et ainsi qu’il ressort du considérant 114 de la directive 2014/59, le législateur de l’Union a chargé la Commission de préciser, par acte délégué, la façon d’ajuster les contributions des établissements aux dispositifs de financement pour la résolution en proportion de leur profil de risque.

110    Dans cette même optique, le considérant 107 de cette directive précise que, pour assurer un calcul équitable des contributions ex ante aux dispositifs de financement nationaux et encourager l’adoption de modes de fonctionnement moins risqués, il convient que ces contributions soient fonction du risque de crédit, de liquidité et de marché encouru par les établissements.

111    Il découle de ce qui précède que la Commission devait élaborer des règles d’ajustement des contributions ex ante en fonction du profil de risque des établissements en poursuivant deux objectifs liés, à savoir, d’une part, assurer la prise en compte des différents risques que génèrent les activités des établissements, bancaires ou plus largement financières, et, d’autre part, encourager ces mêmes établissements à suivre des modes de fonctionnement moins risqués.

112    Or, ainsi qu’il ressort des documents afférents à l’adoption du règlement délégué 2015/63, notamment les documents « JRC technical work supporting Commission second level legislation on risk based contributions to the (single) resolution fund » [Étude technique du JRC au soutien de la législation de deuxième niveau de la Commission sur les contributions fondées sur les risques au fonds de résolution (unique), ci-après l’« étude technique du JRC »], et « Commission Staff Working Document: estimates of the application of the proposed methodology for the calculation of contributions to resolution financing arrangements » (Document de travail des services de la Commission : estimations de l’application de la méthode proposée pour le calcul des contributions aux dispositifs de financement des résolutions), l’élaboration de telles règles impliquait des appréciations et des évaluations complexes de la part de la Commission dans la mesure où celle-ci devait examiner les différents éléments au vu desquels les divers types de risque étaient appréhendés dans les secteurs bancaire et financier.

113    Eu égard à ce qui précède, la Commission disposait d’un large pouvoir d’appréciation aux fins d’adopter, en vertu de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, les règles précisant la notion d’« adaptation des contributions ex ante en fonction du profil de risque des établissements ».

114    Dans ces conditions, s’agissant de la méthode d’adaptation des contributions annuelles de base au titre de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice du pouvoir d’appréciation octroyé à la Commission n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si celle-ci n’a pas manifestement dépassé les limites de ce pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2011, Etimine, C‑15/10, EU:C:2011:504, point 60).

115    Par conséquent, il appartient à la requérante de démontrer que l’article 6 du règlement délégué 2015/63 est entaché de tels vices.

116    À cet égard, tout d’abord, il ressort des points 92 à 97 ci-dessus que la directive 2014/59 ne prévoit aucune exemption en ce qui concerne l’obligation de versement des contributions ex ante en faveur des établissements dont l’exposition au risque, la probabilité de résolution ou l’importance pour la stabilité des marchés financiers sont réduites. Aucune exemption similaire n’est prévue par le règlement no 806/2014 non plus.

117    De même, outre les fonds propres et les dépôts couverts, ni la directive 2014/59 ni le règlement no 806/2014 n’ont prévu d’exemption en ce qui concerne certains passifs des établissements, comme les passifs détenus à titre fiduciaire, aux fins du calcul des contributions ex ante.

118    Ainsi, conformément à l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59 et à l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, tous les établissements sont, en principe, soumis à l’obligation de verser des contributions ex ante et tous les passifs de ces établissements sont à prendre en compte, en principe, aux fins du calcul de ces contributions, outre les fonds propres et les dépôts couverts.

119    Une telle approche correspond à la logique d’ordre assurantiel du système des contributions ex ante, selon laquelle l’ensemble du secteur financier doit procurer des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113). En effet, conformément à cette logique, tous les établissements, y compris ceux dont la probabilité de résolution est prétendument plus faible au regard des passifs qu’ils détiennent, bénéficient de leurs contributions ex ante à travers la stabilité du système financier assurée par le FRU.

120    Dans ces conditions, la requérante ne saurait soutenir que la Commission était tenue d’exclure du régime des contributions ex ante les établissements possédant des passifs détenus à titre fiduciaire ou qu’elle était obligée d’exclure dudit régime de tels passifs, et ce au seul motif que ces derniers présentent un risque plus faible ou qu’un établissement possédant lesdits passifs a une moindre probabilité de résolution ou une moindre importance pour la stabilité des marchés financiers.

121    Ensuite, conformément à l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59 et à l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, la contribution ex ante est ajustée en fonction du profil de risque des établissements. Ainsi, en vertu de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, la Commission est habilitée à préciser, par un acte délégué, les modalités de cette adaptation des contributions ex ante en fonction du profil de risque desdits établissements.

122    À cette fin, l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 prévoit huit éléments que la Commission doit prendre en compte aux fins d’une telle adaptation. Or, bien que l’« exposition au risque de l’établissement », la « probabilité que l’établissement soit soumis à une procédure de résolution » et l’« importance de l’établissement pour la stabilité du système financier ou de l’économie d’un ou de plusieurs États membres ou de l’Union » figurent parmi ces éléments, de sorte que la Commission est tenue de les prendre en compte lors de l’adoption d’un acte délégué tel que le règlement délégué 2015/63, ils ne constituent que trois des huit éléments dont la Commission doit tenir compte dans l’élaboration d’un tel acte.

123    En outre, rien dans l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 n’indique que la Commission est tenue d’accorder une importance prépondérante à un ou à plusieurs desdits éléments.

124    Enfin et en tout état de cause, les trois éléments avancés par la requérante en ce qui concerne les établissements se trouvant dans une situation comparable à la sienne, à savoir leur exposition au risque, la probabilité de leur résolution ou leur importance pour la stabilité des marchés financiers, ont bel et bien été pris en compte dans les différents piliers et indicateurs de risque prévus à l’article 6 du règlement délégué 2015/63, de sorte que la situation particulière de tels établissements est reflétée dans le calcul des contributions ex ante.

125    Dans ces conditions, la requérante n’a pas démontré que l’article 6 du règlement délégué 2015/63 était entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou que, en l’adoptant, la Commission aurait manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation du fait que cette disposition ne prévoit pas de réduction ou d’exonération des contributions ex ante en faveur des établissements, tels que la requérante, dont l’exposition au risque, la probabilité de résolution ou l’importance pour la stabilité des marchés financiers seraient prétendument très réduites, voire inexistantes.

126    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel le règlement délégué 2015/63 ne prévoirait aucun mécanisme prenant en considération un modèle d’entreprise à risque particulièrement faible, ce qui serait illustré par le fait que, en vertu de l’article 6, paragraphe 6, sous a), de ce règlement délégué, le « modèle économique global » d’un établissement peut uniquement être pris en compte par le CRU pour augmenter la contribution ex ante de l’établissement concerné.

127    En effet, en vertu de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, la Commission, lorsqu’elle adopte des actes délégués pour mettre en œuvre cette disposition, est obligée de tenir compte des éléments énumérés sous a) à h) de ladite disposition, aux fins de préciser la notion d’« adaptation des contributions ex ante en fonction du profil de risque des établissements ». Or, rien dans l’article 103, paragraphe 7, de cette directive ne lui impose l’obligation de prévoir un pilier ou un indicateur de risque dans le cadre duquel le modèle d’entreprise d’un établissement pourrait, en tant que tel, mener à une réduction de la contribution ex ante de ce dernier.

128    En outre et en tout état de cause, les différents piliers et indicateurs de risque prévus à l’article 6 du règlement délégué 2015/63 permettent de tenir compte, d’une manière ciblée, de diverses caractéristiques d’un modèle d’entreprise à faible risque, de sorte qu’un établissement ayant un tel modèle se voit imposer une contribution ex ante moins élevée.

129    Eu égard à ce qui précède, la présente exception d’illégalité doit être rejetée.

3)      Sur la troisième exception d’illégalité, tirée de la subdélégation de pouvoir au CRU

130    La requérante fait valoir que le règlement délégué 2015/63 viole l’article 290, paragraphe 1, TFUE, puisque l’article 6, paragraphe 1, sous d), du règlement délégué 2015/63 confie au CRU le pouvoir de déterminer des indicateurs de risque supplémentaires. Or, il résulterait de l’article 290, paragraphe 1, TFUE et de l’article 103, paragraphe 7, sous d), de la directive 2014/59 qu’il incombe à la Commission de définir les modalités d’adaptation des contributions ex ante dues par les établissements en fonction de la probabilité de leur résolution et que la Commission ne saurait subdéléguer ce pouvoir.

131    Cette illégalité du règlement délégué 2015/63 ne saurait être palliée par l’article 6, paragraphes 5 à 8, de ce même règlement délégué, par lequel sont fixés des détails concernant la détermination de différents sous-indicateurs de risque, ni par l’article 7, paragraphe 4, dudit règlement délégué, qui prévoit un système de pondération des sous-indicateurs de risque.

132    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

133    À titre liminaire, il convient de rejeter l’argument de la Commission selon lequel le présent grief est inopérant, dès lors que le règlement délégué 2015/63, considéré isolément, ne serait pas adressé au CRU, mais uniquement aux autorités de résolution nationales, et que ce ne serait qu’en vertu de la règle énoncée à l’article 70, paragraphe 6, du règlement no 806/2014 que le CRU serait lié par les dispositions du règlement délégué 2015/63.

134    Il est vrai que le règlement délégué 2015/63 a été adopté sur le fondement de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 et que l’article 6, paragraphe 1, sous d), de ce règlement délégué ne s’adresse ainsi, dans un premier temps, qu’aux ARN. Cette disposition n’a été étendue au CRU que par le biais de l’article 70, paragraphe 6, et de l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, selon lesquels les actes délégués adoptés au titre dudit article 103, paragraphe 7, s’appliquent également à la détermination des contributions ex ante en vertu du règlement no 806/2014 et selon lesquels le CRU est considéré, aux fins de l’application du règlement no 806/2014 et de la directive 2014/59, comme une ARN lorsqu’il exécute des tâches et exerce des pouvoirs qui sont confiés aux ARN en vertu de cette directive.

135    Dans ces conditions, l’argumentation de la Commission peut être comprise en ce sens que ce n’est pas par une décision de la Commission, figurant dans le règlement délégué 2015/63, mais par une décision du législateur de l’Union, figurant dans le règlement no 806/2014, que les pouvoirs visés à l’article 6, paragraphe 1, sous d), du règlement délégué 2015/63 ont été confiés au CRU. Ainsi, il ne s’agirait pas d’une subdélégation de pouvoir de la Commission au CRU, mais d’une délégation directe du législateur de l’Union au CRU dans un acte législatif.

136    Toutefois, une telle conclusion n’est pas compatible avec la chronologie de l’adoption des actes en cause, notamment au regard du fait que le règlement no 806/2014 a été adopté avant le règlement délégué 2015/63. En effet, alors que le règlement no 806/2014 a été adopté le 15 juillet 2014, à savoir deux mois après l’adoption de la directive 2014/59, le règlement délégué 2015/63 n’a été adopté que le 21 octobre 2014, à savoir plus de trois mois plus tard.

137    Il s’ensuit, d’une part, que le législateur de l’Union ne pouvait pas valider, par l’adoption du règlement no 806/2014, l’éventuel octroi au CRU, par le règlement délégué 2015/63, d’une partie des pouvoirs délégués à la Commission par l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59. D’autre part, la Commission était nécessairement consciente, au moment de l’adoption du règlement délégué 2015/63, que, lorsqu’elle confiait – en vertu de l’article 6, paragraphe 1, sous d), de ce règlement – certains pouvoirs aux « autorités de résolution », elle confiait ces pouvoirs, pour ce qui concernait les États membres auxquels s’adressait le règlement no 806/2014, au CRU.

138    Par ailleurs, le fait que la Commission était bien consciente de cette circonstance est confirmé par le libellé du considérant 7 du règlement délégué 2015/63, selon lequel « la notion d’autorité de résolution au sens [de ce] règlement [délégué] doit également inclure le CRU ».

139    La décision de confier certains pouvoirs au CRU dans le cadre du pilier de risque « indicateurs de risque supplémentaires à déterminer par l’autorité de résolution » (ci-après le « pilier de risque IV ») – et ce indépendamment de leur nature – ressort donc d’une décision de la Commission, cette décision ayant été prise lorsqu’elle a adopté le règlement délégué 2015/63.

140    Ensuite, il convient d’analyser la nature des pouvoirs octroyés au CRU afin d’évaluer si la Commission lui a délégué des pouvoirs au titre de l’article 290, paragraphe 1, TFUE.

141    Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, sous d), du règlement délégué 2015/63, le pilier de risque IV se compose des indicateurs de risque supplémentaires à déterminer par l’ARN.

142    Conformément à l’article 6, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement délégué 2015/63, le pilier de risque IV se compose de trois indicateurs de risque, à savoir, premièrement, les « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité », deuxièmement, l’« éventuelle appartenance de l’établissement à un système de protection institutionnel » et, troisièmement, la « mesure dans laquelle l’établissement a déjà bénéficié d’un soutien financier public exceptionnel ».

143    Selon l’article 6, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement délégué 2015/63, le CRU doit tenir compte, lorsqu’il détermine ces indicateurs de risque, « de la probabilité que l’établissement concerné soit mis en résolution et de la probabilité consécutive que le dispositif de financement pour la résolution soit utilisé à cette fin ».

144    Il ressort du libellé de l’article 6, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement délégué 2015/63 que cette disposition octroie une marge d’appréciation au CRU s’agissant de la façon dont celui-ci doit « tenir compte », aux fins de la détermination desdits indicateurs de risque, « de la probabilité que l’établissement concerné soit mis en résolution et de la probabilité consécutive que le dispositif de financement pour la résolution soit utilisé à cette fin », car les critères indiqués dans ladite disposition doivent être précisés par le CRU pour pouvoir être appliqués à un cas particulier.

145    S’agissant du premier indicateur de risque qui relève du pilier de risque IV et qui est relatif aux activités de négociation, aux expositions hors bilan, aux instruments dérivés, à la complexité et à la résolvabilité de l’établissement, l’article 6, paragraphe 6, du règlement délégué 2015/63 prévoit plusieurs éléments que le CRU doit prendre en compte lors de la détermination de cet indicateur, dont certains peuvent conduire à augmenter le profil de risque de l’établissement concerné et d’autres à le diminuer.

146    Ainsi, les éléments pouvant entraîner une augmentation de ce profil de risque sont au nombre de quatre, à savoir, premièrement, « l’importance des activités de négociation par rapport à la taille du bilan, au niveau des fonds propres, au degré de risque des expositions et au modèle économique global de l’établissement », deuxièmement, « l’importance des expositions hors bilan par rapport à la taille du bilan, au niveau des fonds propres et au degré de risque des expositions », troisièmement, « l’importance du montant des instruments dérivés par rapport à la taille du bilan, au niveau des fonds propres, au degré de risque des expositions et au modèle économique global de l’établissement » et, quatrièmement, « la mesure dans laquelle […] le modèle économique et la structure organisationnelle de l’établissement sont jugés complexes ».

147    Les éléments pouvant entraîner une diminution dudit profil de risque sont au nombre de deux, à savoir « le montant relatif des instruments dérivés qui sont compensés par une contrepartie centrale » et « la mesure dans laquelle […] l’établissement peut faire l’objet d’une résolution rapide et sans obstacles juridiques ».

148    Il résulte du libellé de l’article 6, paragraphe 6, du règlement délégué 2015/63 que cette disposition octroie au CRU une marge d’appréciation s’agissant de l’« importance » que le CRU doit attacher aux « activités de négociation », aux « expositions hors bilan » et au « montant des instruments dérivés » et de l’articulation entre les différents éléments mentionnés dans cette disposition.

149    Ainsi, s’il ressort de l’article 6, paragraphe 6, du règlement délégué 2015/63 que, selon le premier sous-indicateur de risque mentionné par cette disposition, il convient de comparer l’importance des « activités de négociation » par rapport à la taille du bilan, au niveau des fonds propres, au degré de risque des expositions et au modèle économique global de l’établissement, ladite disposition ne contient pas de précisions concernant la mise en œuvre concrète de cette comparaison.

150    Il en va de même en ce qui concerne les deuxième et troisième sous-indicateurs de risque prévus à l’article 6, paragraphe 6, sous a), ii) et iii), du règlement délégué 2015/63.

151    S’agissant, par ailleurs, de la détermination de l’indicateur de risque l’« éventuelle appartenance de l’établissement à un système de protection institutionnel », il découle de l’article 6, paragraphe 7, du règlement délégué 2015/63 que le CRU doit tenir compte de l’adéquation du montant des fonds immédiatement disponibles avec celui des fonds nécessaires « pour permettre un soutien crédible et efficace de [l’établissement concerné] » et du degré de sécurité juridique ou contractuelle quant au fait que ces fonds « seront pleinement utilisés avant que le moindre soutien public extraordinaire puisse être demandé ».

152    Il ressort du libellé de cette disposition que le CRU dispose d’une marge d’appréciation s’agissant du respect des conditions prévues par ladite disposition, lesquelles sont liées à l’adéquation des fonds disponibles du système de protection institutionnel concerné avec les fonds nécessaires au financement de l’établissement en cause et au degré de sécurité juridique ou contractuelle concernant ces fonds.

153    Il en va de même s’agissant de la pondération des différents indicateurs de risque dans le cadre du pilier de risque IV, prévue à l’article 7, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63.

154    En effet, bien que l’article 7, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63 indique de façon claire la pondération relative des trois indicateurs de risque qui composent le pilier de risque IV et qui sont mentionnés au point 142 ci-dessus, il ne ressort pas de cette disposition de quelle façon la pondération des différents sous-indicateurs de risque au sein des deux premiers indicateurs de risque doit être effectuée. En particulier, ladite disposition ne précise pas si cette pondération doit être répartie entre de tels sous-indicateurs de risque d’une manière proportionnelle. Ainsi, l’article 7, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63 confère un pouvoir d’appréciation au CRU s’agissant de déterminer la pondération des différents sous-indicateurs de risque constituant ces indicateurs de risque, lesquels doivent être pris en compte, conformément à l’article 6, paragraphes 5 à 7, du règlement délégué 2015/63.

155    Il résulte de ce qui précède que les dispositions figurant à l’article 6, paragraphes 5 à 7, et à l’article 7, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63, relatives au pilier de risque IV, confèrent un pouvoir d’appréciation au CRU.

156    Cependant, l’attribution d’une telle marge d’appréciation n’équivaut pas à une délégation de pouvoir de la Commission au CRU au sens de l’article 290, paragraphe 1, TFUE.

157    À cet égard, il convient d’établir une distinction entre le pouvoir visé par l’article 290, paragraphe 1, TFUE, à savoir celui d’adopter des actes non législatifs de portée générale qui complètent ou modifient certains éléments non essentiels d’un acte législatif, et le pouvoir d’appliquer les actes de portée générale – législatifs ou non législatifs – aux personnes ou aux situations qui entrent dans le champ d’application de tels actes.

158    Or, d’une part, le règlement délégué 2015/63 ne contient aucune disposition par laquelle la Commission aurait conféré au CRU une délégation en vue d’adopter des actes de portée générale qui compléteraient ou modifieraient certains éléments de la directive 2014/59, du règlement no 806/2014 ou de ce règlement délégué. En revanche, plusieurs dispositions dudit règlement délégué, telles que ses articles 4 et 6 à 9, confirment le pouvoir octroyé au CRU par la directive 2014/59 et par le règlement no 806/2014 d’appliquer ces actes de portée générale en calculant les contributions ex ante des établissements qui entrent dans leur champ d’application.

159    D’autre part, malgré la dénomination du pilier de risque IV figurant à l’article 6, paragraphe 1, sous d), du règlement délégué 2015/63, à savoir « indicateurs de risque supplémentaires à déterminer par l’autorité de résolution », les principes essentiels concernant l’application de ce pilier de risque ont été précisés par la Commission elle-même à l’article 6, paragraphes 5 à 8, de ce règlement délégué. De même, la Commission a fixé les règles de pondération relative des indicateurs de risque au sein de ce pilier de risque à l’article 7, paragraphe 4, dudit règlement délégué.

160    Il s’ensuit que le règlement délégué 2015/63 n’a pas conféré au CRU le pouvoir d’adopter des actes de portée générale, au sens de l’article 290, paragraphe 1, TFUE.

161    Eu égard à ce qui précède, la présente exception d’illégalité doit être rejetée et, par suite, le premier moyen en ce qu’il est fondé sur des exceptions d’illégalité.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré d’une exception d’illégalité du règlement no 806/2014, de la directive 2014/59 et du règlement délégué 2015/63, au motif qu’ils violent l’article 41, paragraphe 2, sous c), et l’article 47 de la Charte

162    Par le deuxième moyen, la requérante fait valoir que le règlement délégué 2015/63 ne permet pas au CRU de motiver ses décisions de manière suffisante et, dès lors, excipe de l’illégalité du règlement no 806/2014, de la directive 2014/59 et de ce règlement délégué en raison d’une violation de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte et du droit à une protection juridictionnelle effective tel qu’il est consacré à l’article 47 de la Charte.

a)      Sur la recevabilité

163    Lors de l’audience, le Parlement a soutenu que le deuxième moyen et, notamment, le point 122 de la requête, ne soulevaient pas d’exception d’illégalité à l’encontre du règlement no 806/2014, de la directive 2014/59 et du règlement délégué 2015/63. En tout état de cause, si le Tribunal estimait qu’une telle exception avait bien été formulée dans la requête, cette exception devrait être déclarée irrecevable au motif que la requérante ne développe pas d’arguments qui attesteraient de cette illégalité, en violation de l’article 76 du règlement de procédure du Tribunal.

164    Le CRU ne conteste pas la recevabilité du deuxième moyen.

165    Or, le Parlement, en tant que partie intervenante, n’a qualité pour soulever une exception d’irrecevabilité que dans la mesure où une telle exception a été soulevée par la partie qu’il soutient, qu’il s’agisse d’une exception d’irrecevabilité à l’encontre du recours dans son intégralité ou uniquement à l’encontre de l’un des moyens qui l’appuient (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, points 67 à 69 et jurisprudence citée). Tel n’est pas le cas en l’espèce, de sorte que l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Parlement est elle-même irrecevable et doit ainsi être rejetée.

166    Toutefois, étant donné que l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Parlement est d’ordre public, il convient de l’examiner d’office.

167    À cet égard, il y a lieu de relever que la requérante a présenté le deuxième moyen dans sa requête sous l’intitulé « Deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 41, paragraphe 2, sous c) et de l’article 47 de la Charte et de l’inapplicabilité partielle du règlement délégué […] 2015/63 ».

168    Aux points 106 à 126 de la requête, la requérante développe une argumentation suffisamment détaillée à l’appui de ce moyen. Dans le cadre de cette argumentation, au point 122 de la requête, la requérante a précisé que « [p]our autant que l’on estim[ait] toutefois, contrairement aux considérations qui préc[é]d[aien]t, que le règlement [no 806/2014] ou la [directive 2014/59] impos[ai]ent la méthode de calcul définie par le règlement délégué […] 2015/63, le règlement [no 806/2014] ou la [directive 2014/59] violeraient eux aussi, dans cette mesure, les articles 41, paragraphe 2, sous c), et 47, paragraphe 1, de la Charte ».

169    Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient le Parlement, la requête soulève bel et bien des exceptions d’illégalité à l’encontre du règlement no 806/2014, de la directive 2014/59 et du règlement délégué 2015/63 et ces exceptions sont appuyées par des arguments présentés à leur soutien.

b)      Sur le fond

170    Le deuxième moyen s’articule, en substance, autour de deux branches.

1)      Sur la première branche, portant sur une violation de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte

171    La requérante fait valoir que le règlement délégué 2015/63 ne permet pas au CRU de motiver ses décisions de manière suffisante et, dès lors, excipe de l’illégalité de ce règlement délégué en raison d’une violation de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte. En particulier, la méthode de calcul des contributions ex ante instaurée par ce règlement délégué implique un exercice comparatif des différents établissements devant verser ces contributions, de sorte que la requérante ne pourrait pas vérifier l’exactitude du calcul de sa contribution ex ante sans avoir accès aux données des autres établissements, accès dont elle est pourtant privée.

172    Par ailleurs, le droit à une décision motivée serait vidé de sa substance par l’invocation de la protection des secrets des affaires des autres établissements. En fournissant des données agrégées, le CRU n’aurait pas établi d’équilibre approprié entre les droits fondamentaux de la requérante et la protection des secrets des affaires des autres établissements.

173    Enfin, pour autant que le Tribunal estimerait que la directive 2014/59 et le règlement no 806/2014 imposent la méthode de calcul définie par le règlement délégué 2015/63, cette directive et ce règlement violeraient eux aussi, dans cette mesure, l’article 41, paragraphe 2, sous c) de la Charte.

174    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

175    À titre liminaire, il convient de rappeler que les articles 4 à 9 du règlement délégué 2015/63 énoncent, ainsi qu’il découle des points 82 à 86 ci-dessus, les règles que le CRU doit appliquer pour déterminer la contribution annuelle de base et pour ajuster cette dernière en fonction du profil de risque des établissements. Ces règles sont ensuite mises en œuvre, de manière plus concrète, à l’annexe I de ce règlement délégué.

176    En application de l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », du règlement délégué 2015/63, il appartient au CRU de calculer, dans un premier temps, un nombre de bins afin de comparer les établissements eu égard aux différents indicateurs et sous-indicateurs de risque. Dans un deuxième temps, il incombe au CRU d’assigner, en principe, le même nombre d’établissements à chaque bin, en commençant par assigner au premier bin les établissements pour lesquels les valeurs de l’indicateur brut sont les plus faibles. Dans un troisième temps, il appartient au CRU d’assigner à tous les établissements figurant dans un bin donné le même score, dénommé « indicateur discrétisé », dont il doit tenir compte pour le reste du calcul de leur multiplicateur d’ajustement.

177    L’article 296, deuxième alinéa, TFUE dispose que les actes juridiques sont motivés. De même, le droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la Charte, prévoit l’obligation, pour les institutions, les organes et les organismes de l’Union, de motiver leurs décisions.

178    La motivation d’une décision d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union revêt une importance toute particulière, en tant qu’elle permet à l’intéressé de décider en pleine connaissance de cause s’il entend introduire un recours contre cette décision ainsi qu’à la juridiction compétente d’exercer son contrôle, et qu’elle constitue donc l’une des conditions de l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 103 et jurisprudence citée).

179    Une telle motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. À cet égard, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée et, en particulier, de l’intérêt que les personnes concernées par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Par conséquent, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 104 et jurisprudence citée).

180    Afin d’examiner si cette motivation est suffisante en ce qui concerne une décision fixant les contributions ex ante, il convient de rappeler, premièrement, qu’il ne saurait être déduit de la jurisprudence de la Cour que la motivation de toute décision d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union mettant à la charge d’un opérateur privé le paiement d’une somme d’argent doit nécessairement comprendre l’intégralité des éléments permettant à son destinataire de vérifier l’exactitude du calcul du montant de cette somme d’argent (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 105 et jurisprudence citée).

181    Deuxièmement, les institutions, les organes et les organismes de l’Union sont, en principe, tenus, en application du principe de protection du secret des affaires, qui constitue un principe général du droit de l’Union, lequel est, notamment, concrétisé à l’article 339 TFUE, de ne pas révéler aux concurrents d’un opérateur privé des informations confidentielles fournies par celui-ci (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 109 et jurisprudence citée).

182    Troisièmement, considérer que la motivation de la décision du CRU fixant des contributions ex ante doit nécessairement permettre aux établissements de vérifier l’exactitude du calcul de leur contribution ex ante impliquerait, nécessairement, d’interdire au législateur de l’Union d’instituer un mode de calcul de cette contribution intégrant des données dont le caractère confidentiel est protégé par le droit de l’Union et, partant, de réduire de manière excessive le large pouvoir d’appréciation dont doit disposer, à cette fin, ce législateur, en l’empêchant, notamment, d’opter pour une méthode susceptible d’assurer une adaptation dynamique du financement du FRU aux évolutions du secteur financier, par la prise en compte comparative, en particulier, de la situation financière de chaque établissement agréé sur le territoire d’un État membre participant au FRU (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 118).

183    Quatrièmement, s’il résulte de ce qui précède que l’obligation de motivation pesant sur le CRU doit être mise en balance, en raison de la logique du système de financement du FRU et du mode de calcul établi par le législateur de l’Union, avec l’obligation du CRU de respecter le secret des affaires des établissements concernés, il n’en demeure pas moins que cette dernière obligation ne doit pas être interprétée à ce point extensivement qu’elle vide l’obligation de motivation de sa substance (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 120).

184    Toutefois, il ne saurait être considéré, dans le cadre de la mise en balance de l’obligation de motivation avec le principe de protection du secret des affaires, que motiver une décision mettant à la charge d’un opérateur privé le paiement d’une somme d’argent sans lui fournir l’intégralité des éléments permettant de vérifier avec exactitude le calcul du montant de cette somme d’argent porte nécessairement, dans tous les cas, atteinte à la substance de l’obligation de motivation (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 121).

185    S’agissant de la décision du CRU fixant des contributions ex ante, l’obligation de motivation doit être considérée comme étant respectée lorsque les personnes concernées par cette décision, tout en ne se voyant pas transmettre de données couvertes par le secret des affaires, disposent de la méthode de calcul utilisée par le CRU et d’informations suffisantes pour comprendre, en substance, de quelle façon leur situation individuelle a été prise en compte, aux fins du calcul de leur contribution ex ante, au regard de la situation de l’ensemble des autres établissements concernés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 122).

186    Dans un tel cas, ces personnes sont, en effet, en mesure de vérifier si leur contribution ex ante a été fixée de manière arbitraire, en méconnaissant la réalité de leur situation économique ou en utilisant des données relatives au reste du secteur financier dépourvues de plausibilité. Lesdites personnes peuvent, dès lors, comprendre les justifications de la décision fixant leur contribution ex ante et évaluer s’il apparaît utile d’introduire un recours contre cette décision, de sorte qu’il serait excessif d’exiger du CRU qu’il communique chacun des éléments chiffrés sur lesquels s’appuie le calcul de la contribution de chaque établissement concerné (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 123).

187    Il résulte de ce qui précède que le CRU n’est pas, notamment, tenu de fournir à un établissement les données lui permettant de vérifier, de manière complète, l’exactitude de la valeur du multiplicateur d’ajustement, puisque cette vérification supposerait de disposer de données couvertes par le secret des affaires relatives à la situation économique de chacun des autres établissements concernés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 135).

188    Dans ce contexte, il convient de relever que le règlement délégué 2015/63 ne fait aucunement obstacle à la possibilité, pour le CRU, de divulguer, sous une forme agrégée et anonymisée, des informations suffisantes pour permettre à un établissement de comprendre de quelle façon sa situation individuelle a été prise en compte dans le calcul de sa contribution ex ante, au regard de la situation de l’ensemble des autres établissements concernés (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 139).

189    En particulier, le règlement délégué 2015/63 permet au CRU de divulguer, sans méconnaître son obligation de respecter le secret des affaires, les valeurs limites de chaque bin et les indicateurs de risque s’y rapportant, pour que l’établissement concerné s’assure, notamment, que le score qui lui a été attribué lors de la discrétisation des indicateurs de risque, telle que définie à l’annexe I de ce règlement délégué, correspond effectivement à sa situation économique, que cette discrétisation a été opérée de manière conforme à la méthode définie par ledit règlement délégué sur la base de données plausibles et que l’ensemble des facteurs de risque devant être pris en considération en application du règlement no 806/2014 ainsi que du règlement délégué 2015/63 l’ont bien été (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 137).

190    Il découle de ce qui précède que le règlement délégué 2015/63 n’empêche pas le CRU de se conformer à son obligation de motivation, en lui permettant de fournir aux établissements concernés des informations suffisantes pour comprendre les raisons justifiant les décisions fixant les contributions ex ante (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 141).

191    Il en va de même pour la directive 2014/59 et le règlement no 806/2014, qui énoncent les principes du calcul des contributions ex ante. S’agissant de cette directive, les principes prévus par celle-ci ont été ensuite mis en œuvre par le règlement délégué 2015/63, qui a été adopté au titre de l’article 103, paragraphe 7, de ladite directive. Le régime de ce règlement délégué a été, enfin, rendu applicable, par l’article 70, paragraphe 6, du règlement no 806/2014, au calcul des contributions ex ante perçues sur la base de ce règlement.

192    Les conclusions susmentionnées ne sont pas remises en cause par les arguments de la requérante.

193    Premièrement, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait pu établir une méthode de calcul ne subordonnant pas les contributions ex ante de chaque établissement à celles dues par tous les autres établissements, il y a lieu de relever qu’une telle interdépendance des contributions ex ante découle d’un choix législatif exprimé aux articles 102 et 103 de la directive 2014/59 ainsi qu’aux articles 69 et 70 du règlement no 806/2014.

194    Le législateur de l’Union ayant valablement fait le choix d’une telle méthode (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 116), il n’appartenait pas à la Commission de modifier celle-ci par un acte délégué.

195    Deuxièmement, la requérante ne peut contester la légalité du règlement délégué 2015/63 en s’appuyant sur la pratique d’autres autorités financières, notamment celle de l’Autorité bancaire européenne (ABE), qui montrerait qu’un autre système de motivation des décisions fixant des contributions ex ante est possible.

196    En effet, ainsi qu’il a été établi aux points 107 à 113 ci-dessus, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation aux fins de préciser, par le règlement délégué 2015/63, les règles relatives à l’adaptation des contributions ex ante en fonction du profil de risque des établissements, de sorte qu’il ne revient pas au Tribunal de déterminer si l’approche adoptée par la Commission était la seule ou la meilleure possible, mais si elle était manifestement inappropriée (voir, par analogie, arrêt du 12 juillet 2001, Jippes e.a., C‑189/01, EU:C:2001:420, point 83). Par conséquent, le seul fait qu’il existe des approches alternatives ne signifie pas que ce règlement délégué est illégal.

197    Troisièmement, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel le secret des affaires des établissements devrait bénéficier d’une plus faible protection en raison de l’écoulement du temps.

198    Certes, il découle de la jurisprudence de la Cour que, lorsque les informations qui ont pu constituer des secrets d’affaires à une certaine époque datent de cinq ans ou plus, elles sont considérées, en principe, du fait de l’écoulement du temps, comme étant historiques et comme ayant perdu, de ce fait, leur caractère confidentiel, à moins que, exceptionnellement, la partie qui se prévaut de ce caractère ne démontre que, en dépit de leur ancienneté, ces informations constituent encore des éléments essentiels de sa position commerciale ou de celles de tiers concernés (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 juin 2018, Baumeister, C‑15/16, EU:C:2018:464, point 54 et jurisprudence citée).

199    Néanmoins, les données utilisées pour le calcul des contributions ex ante pour une période de contribution donnée datent de moins de cinq ans. En effet, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 14, paragraphes 1 à 4, du règlement délégué 2015/63, le CRU doit tenir compte des données des établissements qui sont disponibles au 31 décembre de l’année précédant la période de contribution.

200    Eu égard à ce qui précède, la première branche du deuxième moyen doit être rejetée.

2)      Sur la deuxième branche, portant sur la violation de l’article 47 de la Charte

201    La requérante prétend que le règlement délégué 2015/63 viole le principe d’effectivité du contrôle juridictionnel consacré à l’article 47 de la Charte, et ce pour les mêmes raisons que celles invoquées dans le cadre de la première branche du présent moyen, portant sur l’obligation de motivation. En effet, eu égard au lien étroit entre ledit principe et cette obligation, le fait que le règlement délégué 2015/63 ne permet pas au CRU de motiver ses décisions de manière suffisante implique que ce règlement délégué se heurte également au principe d’effectivité du contrôle juridictionnel.

202    Pour autant que le Tribunal estimerait que la directive 2014/59 et le règlement no 806/2014 imposent la méthode de calcul définie par le règlement délégué 2015/63, cette directive et ce règlement violeraient eux aussi, dans cette mesure, l’article 47, paragraphe 1, de la Charte.

203    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

204    L’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard, soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite sur sa demande, sans préjudice du pouvoir du juge compétent d’exiger de l’autorité en cause qu’elle communique lesdits motifs, afin de lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent, ainsi que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de la décision en cause (voir arrêts du 26 avril 2018, Donnellan, C‑34/17, EU:C:2018:282, point 55, et du 24 novembre 2020, Minister van Buitenlandse Zaken, C‑225/19 et C‑226/19, EU:C:2020:951, point 43).

205    En outre, eu égard au principe du contradictoire, lequel fait partie des droits de la défense mentionnés à l’article 47 de la Charte, les parties à un procès doivent avoir le droit de prendre connaissance de toutes les pièces ou observations présentées au juge en vue d’influer sur sa décision et de les discuter. En effet, le droit fondamental à un recours juridictionnel effectif ne permet pas de fonder une décision juridictionnelle sur des faits et des documents dont les parties elles-mêmes, ou l’une d’entre elles, n’ont pas pu prendre connaissance et sur lesquels elles n’ont donc pas été en mesure de prendre position (voir arrêts du 4 juin 2013, ZZ, C‑300/11, EU:C:2013:363, points 55 et 56, et du 23 octobre 2014, Unitrading, C‑437/13, EU:C:2014:2318, point 21).

206    Cependant, dans certains cas exceptionnels, une autorité de l’Union peut s’opposer à la communication à l’intéressé des motifs précis et complets qui constituent le fondement d’une décision prise à l’encontre de celui-ci, en invoquant des raisons relevant de la protection des données confidentielles. Dans un tel cas, il est nécessaire de mettre en œuvre des techniques et des règles de droit permettant de concilier, d’une part, les considérations légitimes relatives à la protection de données confidentielles ayant été prises en considération pour l’adoption d’une telle décision et, d’autre part, la nécessité de garantir à suffisance au justiciable le respect de ses droits procéduraux, tels que le droit d’être entendu ainsi que le principe du contradictoire (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, points 115 à 120 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 125).

207    Au regard de la nature spécifique des contributions ex ante, une telle conciliation doit être également effectuée dans le cas du calcul de ces contributions. En effet, ainsi qu’il ressort des considérants 105 à 107 de la directive 2014/59 et du considérant 41 du règlement no 806/2014, lesdites contributions visent à garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions, tout en encourageant l’adoption, par les établissements concernés, de modes de fonctionnement moins risqués. Ainsi, le calcul des contributions ex ante repose, non sur l’application d’un taux à une assiette, mais, en application des articles 102 et 103 de la directive 2014/59 ainsi que des articles 69 et 70 du règlement no 806/2014, sur la définition d’un niveau cible final devant être atteint par la somme de ces contributions prélevées avant le 31 décembre 2023 (ci-après le « niveau cible final »), puis d’un niveau cible annuel devant être réparti entre les établissements agréés sur le territoire des États membres participants (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113).

208    Dès lors que le niveau cible final est défini comme devant s’élever à au moins 1 % du montant des dépôts couverts de l’ensemble de ces établissements et que la contribution annuelle de base de chaque établissement est calculée proportionnellement au montant de son passif net, rapporté au passif net cumulé de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants, il apparaît que le principe même de la méthode de calcul des contributions ex ante, tel qu’il ressort de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014, implique l’utilisation, par le CRU, de données couvertes par le secret des affaires (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 114).

209    Or, les institutions et organismes de l’Union sont, en principe, tenus, en application du principe de protection du secret des affaires, qui constitue un principe général du droit de l’Union, lequel est, notamment, concrétisé à l’article 339 TFUE, de ne pas révéler aux concurrents d’un opérateur privé des informations confidentielles fournies par celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, points 109 et 114 et jurisprudence citée).

210    Dans ces conditions, il appartenait au législateur de l’Union, lors de la mise en place du système de calcul des contributions ex ante par la directive 2014/59 et le règlement no 806/2014, ainsi qu’à la Commission, lors de la mise en œuvre de ce système par le règlement délégué 2015/63, de concilier le respect du secret des affaires avec le principe de protection juridictionnelle effective, de sorte que les données couvertes par ce secret ne puissent pas être communiquées aux intéressés et qu’elles ne puissent pas, notamment, être incluses dans la motivation des décisions fixant le montant des contributions ex ante.

211    Cette caractéristique du système de calcul des contributions ex ante n’empêche pas pour autant l’exercice d’un contrôle juridictionnel effectif par le juge de l’Union.

212    En effet, d’une part, rien dans les dispositions dont la requérante excipe de l’illégalité ne s’oppose à ce que, conformément à l’article 88, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 806/2014, le CRU divulgue, lors de l’adoption de sa décision fixant les contributions ex ante, des informations confidentielles obtenues dans le cadre de son activité sous une forme résumée ou agrégée, de telle sorte que les établissements concernés ne puissent être identifiés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 136).

213    D’autre part, lorsque la motivation d’une telle décision doit être limitée en vue d’assurer la protection des données confidentielles, il appartient à l’auteur de cette décision, en cas de recours devant les juridictions de l’Union mettant en cause ces données, de se justifier devant ces dernières dans le cadre de l’instruction contentieuse (voir, en ce sens, arrêts du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 110, et du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 145).

214    Le cas échéant, afin d’exercer un contrôle juridictionnel effectif conforme aux exigences de l’article 47 de la Charte, les juridictions de l’Union peuvent solliciter du CRU la production de données susceptibles de justifier les calculs dont l’exactitude est contestée devant elles, en assurant, en tant que de besoin, la confidentialité de ces données (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 146).

215    En outre, en procédant à un examen de l’ensemble des éléments de droit et de fait fournis par le CRU, il incombe au juge de l’Union de vérifier le bien-fondé des raisons invoquées par celui-ci pour s’opposer à la communication des données utilisées aux fins du calcul de la contribution ex ante (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 126).

216    S’il s’avère que les raisons invoquées par le CRU s’opposent effectivement à la communication d’informations ou d’éléments de preuve produits devant le juge de l’Union, il est nécessaire de mettre en balance de manière appropriée les exigences liées au droit à une protection juridictionnelle effective, en particulier au respect du principe du contradictoire, et celles découlant de la protection du secret des affaires (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 128).

217    Il découle de ce qui précède que le régime du calcul des contributions ex ante sur la base de données couvertes par le secret des affaires, tel qu’il est prévu par la directive 2014/59, le règlement no 806/2014 et le règlement délégué 2015/63, est conforme au principe de protection juridictionnelle effective.

218    Dans ces conditions, la deuxième branche du deuxième moyen et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble, doivent être rejetés.

3.      Sur le sixième moyen, en ce qu’il est tiré de l’illégalité du règlement délégué 2015/63

219    Dans le cadre du sixième moyen, la requérante a formulé, en substance, quatre griefs. Par les deux premiers griefs, la requérante soulève des exceptions d’illégalité à l’encontre du règlement délégué 2015/63. Par les deux autres griefs, elle conteste la légalité de la décision attaquée elle-même.

220    Il convient tout d’abord d’examiner les exceptions d’illégalité, les griefs portant sur la légalité de la décision attaquée étant appréciés aux points 403 à 420 ci-après.

a)      Sur le grief portant sur une incompatibilité du règlement délégué 2015/63 avec l’article 103, paragraphes 2 et 7, de la directive 2014/59

221    La requérante soutient, en substance, que l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 oblige la Commission, lorsqu’elle adopte des actes délégués pour mettre en œuvre cette disposition, à exclure les passifs non exposés au risque, tels que ses passifs fiduciaires, du calcul des contributions ex ante. Étant donné que le règlement délégué 2015/63 ne prévoit pas de telle exclusion, il enfreindrait l’article 103, paragraphe 7, de ladite directive.

222    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

223    Comme il a été exposé aux points 116 à 118 ci-dessus, outre les fonds propres et les dépôts couverts, tous les passifs des établissements sont à prendre en compte, en principe, aux fins du calcul des contributions ex ante, conformément à l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59 et à l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014.

224    En outre, rien dans l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 n’oblige la Commission à exclure certains passifs qui seraient prétendument dépourvus de risque du calcul des contributions ex ante. D’une part, ainsi qu’il a été exposé aux points 122 et 123 ci-dessus, l’élément « exposition au risque de l’établissement », prévu sous a) de cette disposition, n’est qu’un élément parmi d’autres devant être pris en compte par la Commission lorsqu’elle adopte des actes délégués pour mettre en œuvre ladite disposition. D’autre part, il ne découle pas de ladite disposition que la Commission devrait accorder une importance prépondérante à un ou à plusieurs desdits éléments.

225    Dans ces conditions, la requérante n’a pas établi que le règlement délégué 2015/63 est incompatible avec l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59.

226    Ainsi, le présent grief doit être rejeté.

b)      Sur le grief portant sur l’incompatibilité du règlement délégué 2015/63 avec l’article 114 TFUE, en ce que la Commission aurait dû tenir compte des modalités nationales divergentes de mise en œuvre de la directive 86/635

227    La requérante soutient que le règlement délégué 2015/63 viole l’article 114 TFUE dans la mesure où il n’exclut pas les fonds qu’un établissement gère en son nom propre, mais pour le compte d’autrui, des passifs retenus aux fins du calcul des contributions ex ante, et ce au motif qu’il ne prend pas en compte les modalités nationales divergentes de mise en œuvre de l’article 10, paragraphe 1, troisième phrase, de la directive 86/635/CEE du Conseil, du 8 décembre 1986, concernant les comptes annuels et les comptes consolidés des banques et autres établissements financiers (JO 1986, L 372, p. 1).

228    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.  

229    Conformément à l’article 70, paragraphe 2, second alinéa, sous b), du règlement no 806/2014 et à l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59, le CRU calcule une contribution annuelle de base pour chaque établissement. Cette contribution est proportionnelle au montant du passif net de l’établissement concerné rapporté au passif net cumulé de tous les établissements agréés sur le territoire des États membres participants – en ce qui concerne la partie de cette contribution calculée sur la base de l’union – et de tous les établissements agréés sur le territoire de l’État membre où l’établissement en question a son siège – pour la partie de ladite contribution calculée sur la base nationale.

230    En ce qui concerne la détermination des passifs devant être pris en compte aux fins de ce calcul, il convient de relever que l’article 3, paragraphe 1, point 11, du règlement délégué 2015/63 définit le « total du passif » comme le « total du passif au sens de la section 3 de la directive 86/635/[…] ou au sens des normes internationales d’information financière visées dans le règlement (CE) no 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil[, du 19 juillet 2002, sur l’application des normes comptables internationales (JO 2002, L 243, p. 1)] ».

231    Par ailleurs, conformément à l’article 10, paragraphe 1, de la directive 86/635, qui fait partie de la section 3 de cette directive, les fonds qu’un établissement gère en son nom propre, mais pour le compte d’autrui, doivent figurer, en règle générale, au bilan de cet établissement lorsque celui-ci est titulaire des actifs correspondants.

232    Cela étant, l’article 10, paragraphe 1, troisième phrase, de la directive 86/635 dispose que les États membres peuvent permettre aux établissements concernés de faire figurer ces fonds hors bilan à condition qu’il existe un régime particulier permettant d’exclure lesdits fonds de la masse en cas de liquidation collective de l’établissement.

233    À cet égard, les parties ont affirmé que, en vertu des dispositions adoptées par la République fédérale d’Allemagne pour se conformer à l’article 10 de la directive 86/635, les passifs relatifs aux activités fiduciaires de la requérante devaient figurer au bilan de celle-ci.

234    Les parties ont également indiqué, à titre d’exemple, que la République d’Autriche avait fait usage de la faculté offerte par l’article 10, paragraphe 1, troisième phrase, de la directive 86/635 de permettre aux établissements de faire figurer hors bilan les fonds gérés en leur nom propre, mais pour le compte d’autrui.

235    Il s’ensuit, selon la requérante, que, si un établissement a son siège dans un État membre comme la République d’Autriche, au lieu de la République fédérale d’Allemagne, il peut faire figurer les passifs relatifs à de telles activités fiduciaires hors bilan, de sorte que ces passifs ne sont pas pris en compte pour le calcul de sa contribution annuelle de base.

236    Dans ce contexte, la requérante soutient que la Commission, en n’ayant pas tenu compte dans le règlement délégué 2015/63 de cette différence entre les règles comptables des différents États membres pour ce qui concerne les activités fiduciaires, a créé des distorsions de concurrence contraires à l’article 114 TFUE.

237    Or, dans la mesure où l’exception d’illégalité de la requérante est fondée sur l’article 114 TFUE, il convient de relever que cette disposition crée une base juridique pour le Parlement et le Conseil afin d’arrêter des actes législatifs ayant pour objet l’élimination des entraves aux échanges résultant des disparités entre les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres [voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2021, Brunswick Bowling Products/Commission, T‑152/19, EU:T:2021:539, point 37 (non publié)].

238    En revanche, l’article 114 TFUE n’habilite pas la Commission, lorsqu’elle adopte des actes délégués au titre de l’article 290 TFUE, à agir au-delà de la délégation conférée par le législateur de l’Union sur la base de cette dernière disposition. Par conséquent, il n’appartient pas à la Commission de remédier à des modalités nationales divergentes de mise en œuvre du droit de l’Union, à moins qu’elle ne se voie octroyer une habilitation à cette fin par un acte législatif.

239    En l’occurrence, ni la directive 2014/59 ni le règlement no 806/2014 n’ont habilité la Commission à harmoniser les règles nationales comptables qui concernent les fonds qu’un établissement gère en son nom propre, mais pour le compte d’autrui.

240    Dans ces conditions, la requérante ne saurait reprocher à la Commission d’avoir violé l’article 114 TFUE en ayant prétendument créé des distorsions de concurrence contraires à cette disposition en raison de l’adoption du règlement délégué 2015/63.

241    Il s’ensuit que le présent grief doit être rejeté.

B.      Sur les moyens portant sur la légalité de la décision attaquée

1.      Sur la motivation du niveau cible annuel

242    À titre liminaire, il convient de rappeler qu’un défaut ou une insuffisance de motivation constitue un moyen d’ordre public pouvant, voire devant, être soulevé d’office par le juge de l’Union (voir arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 34 et jurisprudence citée).

243    Par une mesure d’organisation de la procédure et lors de l’audience, le Tribunal a interrogé d’office les parties sur les éventuels défauts de motivation dont serait entachée la décision attaquée en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel.

244    Afin d’examiner si la décision attaquée est entachée d’un tel défaut, il convient de rappeler que, conformément à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, au terme de la période initiale de huit années à compter du 1er janvier 2016 (ci-après la « période initiale »), les moyens financiers disponibles dans le FRU doivent atteindre le niveau cible final, qui correspond à au moins 1 % du montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.

245    Selon l’article 69, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, au cours de la période initiale, les contributions ex ante doivent être réparties aussi uniformément que possible dans le temps jusqu’à ce que le niveau cible final mentionné au point 244 ci-dessus soit atteint, mais en tenant dûment compte de la phase du cycle d’activité et de l’incidence que les contributions procycliques peuvent avoir sur la position financière des établissements.

246    L’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 précise que, chaque année, les contributions dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépassent pas 12,5 % du niveau cible final.

247    En ce qui concerne le mode de calcul des contributions ex ante, l’article 4, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 prévoit que le CRU détermine leur montant sur la base du niveau cible annuel, compte tenu du niveau cible final, et sur la base du montant moyen des dépôts couverts de l’année précédente, calculé trimestriellement, pour tous les établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.

248    De même, selon l’article 4 du règlement d’exécution 2015/81, le CRU calcule la contribution ex ante pour chaque établissement sur la base du niveau cible annuel, qui doit être établi au regard du niveau cible final et conformément à la méthode exposée dans le règlement délégué 2015/63.

249    En l’espèce, ainsi qu’il ressort du considérant 48 de la décision attaquée, le CRU a fixé, pour la période de contribution 2021, le montant du niveau cible annuel à 11 287 677 212,56 euros.

250    Aux considérants 36 et 37 de la décision attaquée, le CRU a expliqué, en substance, que le niveau cible annuel devait être déterminé sur la base d’une analyse portant sur l’évolution des dépôts couverts au cours des années précédentes, sur toute évolution pertinente de la situation économique ainsi que sur une analyse portant sur les indicateurs relatifs à la phase du cycle d’activité et sur les effets que des contributions procycliques auraient sur la situation financière des établissements. Par la suite, le CRU a considéré approprié de fixer un coefficient qui était fondé sur cette analyse et sur les moyens financiers disponibles dans le FRU (ci-après le « coefficient »). Le CRU a appliqué ce coefficient à un huitième du montant moyen des dépôts couverts en 2020, aux fins d’obtenir le niveau cible annuel.

251    Le CRU a exposé la démarche suivie pour fixer le coefficient aux considérants 38 à 47 de la décision attaquée.

252    Au considérant 38 de la décision attaquée, le CRU a constaté une tendance constante à la hausse des dépôts couverts pour tous les établissements des États membres participants. En particulier, le montant moyen de ces dépôts, calculé trimestriellement, s’élevait pour l’année 2020 à 6,689 billions d’euros.

253    Aux considérants 40 et 41 de la décision attaquée, le CRU a présenté l’évolution pronostiquée des dépôts couverts pour les trois années restantes de la période initiale, à savoir de 2021 à 2023. Il a estimé que les taux annuels de croissance des dépôts couverts jusqu’à la fin de la période initiale se situeraient entre 4 % et 7 %.

254    Aux considérants 42 à 45 de la décision attaquée, le CRU a présenté une évaluation de la phase du cycle d’activité et de l’effet procyclique potentiel que les contributions ex ante pourraient avoir sur la situation financière des établissements. Pour ce faire, il a indiqué avoir tenu compte de plusieurs indicateurs, tels que la prévision de croissance du produit intérieur brut de la Commission et les projections de la BCE à cet égard ou le flux de crédit du secteur privé en pourcentage du produit intérieur brut.

255    Au considérant 46 de la décision attaquée, le CRU a conclu que, s’il était raisonnable de s’attendre à la poursuite de la croissance des dépôts couverts au sein de l’union bancaire, le rythme de cette croissance serait inférieur à celui de l’année 2020. À cet égard, le CRU a indiqué, au considérant 47 de la décision attaquée, avoir adopté une « approche prudente » en ce qui concernait les taux de croissance des dépôts couverts pour les années à venir jusqu’à 2023.

256    Au regard de ces considérations, le CRU a fixé, au considérant 48 de la décision attaquée, la valeur du coefficient à 1,35 %. Il a ensuite calculé le montant du niveau cible annuel, en multipliant le montant moyen des dépôts couverts en 2020 par ce coefficient et en divisant le résultat de ce calcul par huit, conformément à la formule mathématique suivante, figurant au considérant 48 de ladite décision :

« Cible0 [montant du niveau cible annuel] = Total dépôts couverts2020 * 0,0135 * ⅛ = EUR 11 287 677 212,56 ».

257    Il ressort, en substance, des explications du CRU lors de l’audience qu’il a déterminé le niveau cible annuel pour la période de contribution 2021 comme suit.

258    Premièrement, sur la base d’une analyse prospective, le CRU a fixé le montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants, pronostiqué pour la fin de la période initiale, à environ 7,5 billions d’euros. Pour aboutir à ce montant, le CRU a pris en compte le montant moyen des dépôts couverts en 2020, à savoir 6,689 billions d’euros, un taux de croissance annuel des dépôts couverts de 4 % ainsi que le nombre de périodes de contribution restantes jusqu’à la fin de la période initiale, à savoir trois.

259    Deuxièmement, conformément à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, le CRU a calculé 1 % de ces 7,5 billions d’euros pour obtenir le montant estimé du niveau cible final devant être atteint le 31 décembre 2023, à savoir environ 75 milliards d’euros.

260    Troisièmement, le CRU a déduit de ce dernier montant les ressources financières déjà disponibles dans le FRU en 2021, c’est-à-dire environ 42 milliards d’euros, pour obtenir le montant qu’il restait à percevoir pendant les périodes de contribution restantes avant la fin de la période initiale, à savoir de 2021 à 2023. Ce montant s’élevait à environ 33 milliards d’euros.

261    Quatrièmement, le CRU a divisé ce dernier montant par trois pour le répartir uniformément entre lesdites trois périodes de contribution restantes. Le niveau cible annuel pour la période de contribution 2021 a été ainsi fixé au montant mentionné au point 249 ci-dessus, à savoir environ 11,287 milliards d’euros.

262    Le CRU a également affirmé, lors de l’audience, qu’il avait rendu publics des éléments d’information sur lesquels avait été fondée la méthode décrite aux points 258 à 261 ci-dessus et qui auraient permis à la requérante de comprendre la méthode par laquelle le niveau cible annuel avait été déterminé. En particulier, il a précisé qu’il avait publié sur son site Internet, en mai 2021, c’est-à-dire après l’adoption de la décision attaquée, mais avant l’introduction du présent recours, une fiche descriptive dénommée « Fact Sheet 2021 » (ci-après la « fiche descriptive »), qui indiquait le montant estimé du niveau cible final. De même, le CRU a affirmé que le montant des moyens financiers disponibles dans le FRU était également disponible sur son site Internet ainsi que par le biais d’autres sources publiques, et ce bien avant l’adoption de la décision attaquée.

263    Afin d’examiner si le CRU a respecté son obligation de motivation en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel, il convient tout d’abord de rappeler qu’un défaut ou une insuffisance de motivation constitue un moyen d’ordre public pouvant, voire devant, être soulevé d’office par le juge de l’Union (voir arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 34 et jurisprudence citée). Par conséquent, le Tribunal peut, voire doit, prendre en compte également d’autres défauts de motivation que ceux invoqués par la requérante, et ce, notamment, lorsque ceux-ci se révèlent au cours de la procédure.

264    Une telle motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. À cet égard, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée et, en particulier, de l’intérêt que les personnes concernées par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Par conséquent, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 104 et jurisprudence citée).

265    Par ailleurs, cette motivation doit être, entre autres, dépourvue de contradictions pour permettre aux intéressés de connaître les motifs réels de cette décision, en vue de défendre leurs droits devant la juridiction compétente, et à cette dernière d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 169 et jurisprudence citée ; du 22 septembre 2005, Suproco/Commission, T‑101/03, EU:T:2005:336, points 20 et 45 à 47, et du 16 décembre 2015, Grèce/Commission, T‑241/13, EU:T:2015:982, point 56).

266    De même, lorsque l’auteur de la décision attaquée fournit certaines explications concernant les motifs de celle-ci au cours de la procédure devant le juge de l’Union, ces explications doivent être cohérentes avec les considérations exposées dans cette décision (voir, en ce sens, arrêts du 22 septembre 2005, Suproco/Commission, T‑101/03, EU:T:2005:336, points 45 à 47, et du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, points 54 et 55).

267    En effet, si les considérations exposées dans la décision attaquée ne sont pas cohérentes avec de telles explications fournies lors de la procédure juridictionnelle, la motivation de la décision concernée ne remplit pas les fonctions rappelées aux points 178 et 179 ci-dessus. En particulier, une telle incohérence empêche, d’une part, les intéressés de connaître les motifs réels de la décision attaquée, avant l’introduction du recours, et de préparer leur défense à leur égard et, d’autre part, le juge de l’Union d’identifier les motifs ayant servi de véritable support juridique à cette décision et d’examiner leur conformité aux règles applicables.

268    Enfin, il y a lieu de rappeler que, lorsque le CRU adopte une décision fixant les contributions ex ante, il doit porter à la connaissance des établissements concernés la méthode de calcul de ces contributions (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 122).

269    Il doit en aller de même pour la méthode de détermination du niveau cible annuel, ce montant revêtant une importance essentielle dans l’économie d’une telle décision. En effet, ainsi qu’il ressort de l’article 4 du règlement d’exécution 2015/81, le mode de calcul des contributions ex ante consiste en la répartition dudit montant entre tous les établissements concernés, de sorte qu’une augmentation ou une réduction de ce même montant entraîne une augmentation ou une réduction correspondante de la contribution ex ante de chacun de ces établissements.

270    Il ressort de ce qui précède que, si le CRU est tenu de fournir aux établissements, par le biais de la décision attaquée, des explications concernant la méthode de détermination du niveau cible annuel, ces explications doivent être cohérentes avec les explications fournies par le CRU pendant la procédure juridictionnelle et portant sur la méthode réellement appliquée.

271    Or, tel n’est pas le cas dans la présente affaire.

272    En effet, il convient tout d’abord de relever que la décision attaquée a exposé, au considérant 48, une formule mathématique qu’elle a présentée comme étant à la base de la détermination du niveau cible annuel. Or, il s’avère que cette formule n’intègre pas les éléments de la méthode réellement appliquée par le CRU, telle qu’explicitée lors de l’audience. En effet, ainsi qu’il ressort des points 258 à 261 ci-dessus, le CRU a obtenu le montant du niveau cible annuel, dans le cadre de cette méthode, en déduisant du niveau cible final les moyens financiers disponibles dans le FRU, en vue de calculer le montant qu’il restait à percevoir jusqu’à la fin de la période initiale et en divisant ce dernier montant par trois. Or, ces deux étapes du calcul ne trouvent aucune expression dans ladite formule mathématique.

273    Par ailleurs, cette constatation ne saurait être remise en cause par l’affirmation du CRU selon laquelle il a publié, en mai 2021, la fiche descriptive, qui contenait une fourchette indiquant les éventuels montants du niveau cible final, et, sur son site Internet, le montant des moyens financiers disponibles dans le FRU. En effet, indépendamment de la question de savoir si la requérante avait effectivement connaissance de ces montants, ces derniers n’étaient pas, à eux seuls, de nature à lui permettre de comprendre que les deux opérations mentionnées au point 272 ci-dessus avaient été effectivement appliquées par le CRU, étant précisé, au surplus, que la formule mathématique prévue au considérant 48 de la décision attaquée ne les mentionnait même pas.

274    Des incohérences similaires affectent également la manière dont a été fixé le coefficient de 1,35 %, qui joue pourtant un rôle primordial dans la formule mathématique mentionnée au point 256 ci-dessus. En effet, ce coefficient pourrait être compris en ce sens qu’il est fondé, parmi d’autres paramètres, sur la croissance pronostiquée des dépôts couverts pendant les années restantes de la période initiale. Or, cela est incohérent avec les explications fournies par le CRU lors de l’audience, dont il découle que, ce coefficient a été fixé de manière à pouvoir justifier le résultat du calcul du montant du niveau cible annuel, c’est-à-dire après que le CRU a calculé ce montant en application des quatre étapes exposées aux points 258 à 261 ci-dessus et, notamment, par la division par trois du montant issu de la déduction des moyens financiers disponibles dans le FRU du niveau cible final. Or, cette démarche ne ressort aucunement de la décision attaquée.

275    En outre, il convient de rappeler que, selon la fiche descriptive, le montant du niveau cible final estimé se situait dans une fourchette comprise entre 70 et 75 milliards d’euros. Or, cette fourchette s’avère incohérente avec la fourchette du taux de croissance des dépôts couverts comprise entre 4 % et 7 % figurant au considérant 41 de la décision attaquée. En effet, le CRU a indiqué à l’audience que, aux fins de la détermination du niveau cible annuel, il avait tenu compte du taux de croissance des dépôts couverts de 4 % – qui était le taux le plus bas de la seconde fourchette – et qu’il avait ainsi obtenu le niveau cible final estimé de 75 milliards d’euros – qui constituait la valeur la plus élevée de la première fourchette. Il s’avère ainsi qu’il existe une discordance entre ces deux fourchettes. En effet, d’une part, la fourchette portant sur le taux d’évolution des dépôts couverts comprend également des valeurs supérieures au taux de 4 %, dont l’application aurait pourtant abouti à un montant estimé du niveau cible final supérieur à ceux inclus dans la fourchette relative à ce niveau cible. D’autre part, il est impossible pour la requérante de comprendre la raison pour laquelle le CRU a inclus dans la fourchette afférente audit niveau cible des montants inférieurs à 75 milliards d’euros. En effet, pour y aboutir, il aurait été nécessaire d’appliquer un taux en deçà de 4 %, qui n’est pourtant pas compris dans la fourchette relative au taux de croissance des dépôts couverts. Dans ces conditions, la requérante n’était pas en mesure de déterminer la manière dont le CRU avait utilisé la fourchette portant sur le taux d’évolution de ces dépôts pour aboutir au calcul du niveau cible final estimé.

276    Il s’ensuit que, en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel, la méthode réellement appliquée par le CRU, telle qu’explicitée lors de l’audience, ne correspond pas à celle décrite dans la décision attaquée, de sorte que les motifs réels, au regard desquels a été fixé ce niveau cible, ne pouvaient être identifiés sur la base de la décision attaquée ni par les établissements ni par le Tribunal.

277    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que la décision attaquée est entachée de vices de motivation en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel.

278    Compte tenu des enjeux juridiques et économiques de la présente affaire, il est pourtant dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de poursuivre l’examen des moyens soulevés par la requérante.

2.      Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de formes substantielles et de l’article 5, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81

279    Le quatrième moyen s’articule autour de quatre branches, qui, à leur tour, s’articulent autour de plusieurs griefs.

a)      Sur la première branche, tirée d’une absence d’authentification de la décision attaquée 

1)      Sur le premier grief, portant sur la violation de l’article 5, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81

280    La requérante soutient que le CRU a violé l’article 5, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81, qui exige que le CRU communique aux ARN « ses décisions sur le calcul des contributions annuelles ». Le CRU n’aurait pas satisfait à cette exigence, car il se serait borné à envoyer à la BaFin le projet d’une telle décision, et non la décision finale. Cela découlerait du fait que la décision attaquée, telle que notifiée par la BaFin, ne serait parvenue à la requérante que dans une version non signée, à savoir sans signature manuscrite et sans mention d’une signature électronique, et n’aurait pas de numéro découlant du système documentaire dénommé « Advanced Records System » (ci-après l’« ARES »).

281    Le CRU conteste cette argumentation.

282    À titre liminaire, il convient de préciser que, dans le cadre du présent grief, la requérante invoque uniquement une violation de l’article 5, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81.

283    Or, cette disposition se limite à énoncer que le CRU est tenu de communiquer ses décisions sur le calcul des contributions ex ante aux ARN concernées des États membres participants. Elle n’exige pas que le CRU communique à ces ARN une version de cette décision qui soit signée et qui porte un numéro correspondant à un système documentaire, tel qu’un numéro issu de l’ARES. De même, elle n’oblige pas le CRU à s’assurer que les ARN transmettent une telle version aux établissements.

284    Il s’ensuit que la requérante ne saurait reprocher au CRU d’avoir violé l’article 5, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81 en ayant communiqué à la BaFin une version de la décision attaquée qui n’était pas signée et ne comportait pas de numéro issu de l’ARES.

285    Par ailleurs et en tout état de cause, il convient de préciser que le dossier devant le Tribunal contient deux versions de la décision attaquée. La première est la version de cette décision qui n’est pas signée et qui, selon les indications de la requérante, a été notifiée par le CRU à la BaFin, puis à elle. La seconde version de ladite décision, que la requérante a obtenue directement du CRU à la suite d’une demande d’accès au dossier, porte la signature électronique de la présidente du CRU ainsi qu’un numéro issu de l’ARES et une date et une heure précises sur sa première page.

286    Or, la requérante n’a identifié aucune différence entre ces deux versions en ce qui concernait leur contenu substantiel, de sorte qu’elle ne saurait soutenir que la version notifiée à la BaFin n’était pas la version finale de la décision attaquée.

287    Partant, le premier grief de la première branche du quatrième moyen doit être rejeté.

2)      Sur le deuxième grief, portant sur l’authentification incorrecte de la décision attaquée

288    La requérante soutient que la décision attaquée n’a pas été correctement authentifiée, ce que le CRU conteste.

289    La requérante soulève, en substance, deux arguments.

290    En premier lieu, bien que les documents que la requérante a obtenus à la suite de sa demande d’accès au dossier comportent une signature électronique et un numéro issu de l’ARES, ces éléments ne constitueraient pas une authentification de la décision attaquée.

291    À cet égard, il convient de rappeler que l’authentification d’un acte, qui constitue une forme substantielle, a pour but d’assurer la sécurité juridique en figeant le texte adopté par son auteur, permettant ainsi de vérifier, en cas de contestation, la correspondance parfaite avec ce dernier des textes notifiés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 152 et jurisprudence citée).

292    Dans son mémoire en défense, le CRU a expliqué que la décision attaquée avait été authentifiée par le biais de l’outil informatique « EU Sign ». Avec cet outil, la présidente du CRU a apposé une signature électronique, une date et une heure précises ainsi qu’un numéro issu de l’ARES sur le document comportant cette décision.

293    Sur ce point, il ressort de la jurisprudence qu’une méthode d’authentification fondée sur l’utilisation d’un tel système est de nature à satisfaire aux exigences d’authentification rappelées au point 291 ci-dessus (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, points 157 à 161).

294    En conséquence, le premier argument de la requérante doit être écarté.

295    En second lieu, la requérante fait valoir qu’il ressort des documents dont elle dispose que la signature de la présidente du CRU ne se rapporte qu’au corps de la décision attaquée. En conséquence, la requérante ne disposerait toujours pas d’une version signée de l’annexe I de la décision attaquée.

296    Or, l’article 1er du dispositif de la décision attaquée, tel qu’il figure à la page 51 du corps de cette décision dans sa version en allemand, énonce que « [l]e calcul des contributions ex ante annuelles individuelles au [FRU] pour la période de contribution 2021, tel qu’il est exposé à l’annexe I, est approuvé ». Il en ressort que cette annexe I fait partie intégrale de ladite décision. Dans ces conditions, le CRU n’est pas tenu d’authentifier une telle annexe séparément du corps de ladite décision.

297    En conséquence, le second argument de la requérante et, partant, le deuxième grief dans son intégralité, doivent être rejetés.

3)      Sur le troisième grief, portant sur le processus décisionnel du CRU

298    La requérante soutient qu’il n’est « pas évident » que le CRU se soit prononcé sur les résultats des calculs des contributions ex ante. L’article 1er de la décision attaquée disposerait que le CRU entérine les calculs repris à l’annexe I de cette décision. Or, une décision adoptée avec un renvoi à une annexe ne serait pas suffisante, car elle ne constituerait pas une décision portant sur le calcul effectif des contributions ex ante. En effet, l’annexe I de la décision attaquée ne contiendrait que des résultats intermédiaires arrondis, à l’exclusion des valeurs complètes, et ne serait qu’un instrument assurant la publicité du calcul des contributions à l’égard des établissements. Or, le processus décisionnel du CRU devrait porter sur la « décision matérielle reproduite dans les instruments assurant sa publicité ». Une décision se rapportant uniquement à ses modalités de communication serait insuffisante si une décision matérielle n’a pas été adoptée.

299    Le CRU conteste cette argumentation.

300    À cet égard, il ressort de l’article 1er du dispositif de la décision attaquée que les membres de la session exécutive du CRU, qui constitue l’organe décisionnel de ce dernier en ce qui concerne la fixation des contributions ex ante, se sont prononcés sur les contributions ex ante individuelles de chaque établissement pour la période de contribution 2021 telles qu’elles ont été exposées à l’annexe I de ladite décision.

301    Par ailleurs, ainsi qu’il ressort de l’annexe A.20 de la requête, l’extrait de l’annexe I de la décision attaquée qui concernait la requérante, tel qu’il a été communiqué par la BaFin à cette dernière, contient des détails sur le calcul de sa contribution ex ante et les données qui sont à la base de ce calcul.

302    En ce qui concerne le caractère suffisant de ces données pour l’information des membres de la session exécutive du CRU qui ont adopté la décision attaquée, la requérante se limite à reprocher au CRU le fait que les données chiffrées figurant à l’annexe I de cette décision étaient arrondies.

303    Or, toutes les données chiffrées, qui font partie de cette annexe et comportent des chiffres après la virgule, sont arrondies à quatre décimales, à l’exception des données chiffrées se rapportant au multiplicateur d’ajustement, qui sont arrondies à douze décimales.

304    Un tel niveau de détail était suffisant pour permettre aux membres de la session exécutive du CRU d’adopter la décision attaquée en pleine connaissance de cause.

305    Dans ces conditions, le troisième grief de la première branche du quatrième moyen doit être rejeté et, partant, cette première branche dans son ensemble.

b)      Sur la deuxième branche, tirée d’une motivation insuffisante de la décision attaquée

306    La requérante soutient que la décision attaquée ne respecte pas les exigences en matière de motivation, car il ne serait pas possible de recalculer intégralement les contributions ex ante qu’elle doit verser.

307    Le CRU  conteste cette argumentation.

308    À cet égard, la Cour a déjà jugé que considérer que la motivation de la décision du CRU fixant des contributions ex ante devait nécessairement permettre aux établissements de vérifier l’exactitude du calcul de leur contribution ex ante impliquerait, nécessairement, d’interdire au législateur de l’Union d’instituer un mode de calcul de cette contribution intégrant des données dont le caractère confidentiel est protégé par le droit de l’Union et, partant, de réduire de manière excessive le large pouvoir d’appréciation dont doit disposer, à cette fin, ce législateur, en l’empêchant, notamment, d’opter pour une méthode susceptible d’assurer une adaptation dynamique du financement du FRU aux évolutions du secteur financier, par la prise en compte comparative, en particulier, de la situation financière de chaque établissement agréé sur le territoire d’un État membre participant au FRU (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 118).

309    Il s’ensuit que la requérante ne saurait prétendre que le CRU a violé son obligation de motivation au motif qu’il ne serait pas possible de recalculer intégralement les contributions ex ante qu’elle doit verser.

310    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel la décision attaquée n’a pas expliqué les motifs pour lesquels ses multiplicateurs d’ajustement avaient augmenté, alors que le total de son bilan et l’étendue de ses instruments dérivés, à la date de référence déterminante pour le calcul des contributions ex ante 2021, étaient en recul par rapport au cycle précédent.

311    En effet, le caractère suffisant de la motivation de la décision attaquée ne saurait être apprécié à la lumière de celui d’une décision du CRU portant sur une autre période de contribution.

312    En tout état de cause, à l’instar de ce qu’a relevé le CRU et ainsi qu’il découle de la jurisprudence citée au point 308 ci-dessus, l’économie de la méthode de calcul des contributions ex ante implique que le résultat de l’évaluation annuelle des risques d’un établissement dépend du niveau de risque assumé par celui-ci par rapport au niveau de risque des autres établissements. Or, le niveau de risque de ces établissements peut diminuer d’une année à l’autre. Par conséquent, un recul du total du bilan et de l’étendue des instruments dérivés n’entraîne pas automatiquement une amélioration du multiplicateur d’ajustement d’un établissement.

313    Par conséquent, la deuxième branche du quatrième moyen doit être rejetée.

c)      Sur la troisième branche, tirée d’une instruction insuffisante

314    La requérante prétend que le CRU n’a pas procédé à une évaluation vérifiable de la prise en charge par l’EAA des risques qu’elle présentait. Dans la réponse du CRU aux observations que la requérante avait soumises dans le formulaire que tous les établissements doivent remplir préalablement au calcul de leur contribution ex ante (ci-après la « réponse individuelle du CRU »), qui était annexée à la décision attaquée, le CRU mentionnerait, certes, les contrats avec l’EAA. Cependant, il n’aurait pas abordé les conséquences induites par ces contrats pour le profil de risque de la requérante. Ce faisant, le CRU n’aurait pas établi à suffisance de droit les faits pertinents aux fins du calcul des contributions ex ante et aurait violé son obligation d’instruction découlant de l’article 41 de la Charte.

315    Le CRU conteste cette argumentation.

316    Le principe de bonne administration, tel que consacré à l’article 41 de la Charte, impose aux institutions et aux organismes de l’Union d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14, et du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑191/98, T‑212/98 à T‑214/98, EU:T:2003:245, point 404).

317    En l’espèce, il est constant que, pendant la procédure administrative, la requérante a fait valoir que les passifs dont les risques étaient pris en charge par l’EAA ne devaient pas être pris en compte pour le calcul de sa contribution ex ante et que le CRU était tenu d’appliquer à ces passifs, par analogie, l’article 5 du règlement délégué 2015/63 pour les exclure dudit calcul.

318    Or, aux points 23 et 24 de la réponse individuelle du CRU, ce dernier a indiqué, en substance, qu’il ne lui était pas loisible d’appliquer par analogie cette disposition aux accords entre l’EAA et la requérante. À cet égard, le CRU s’est référé à la jurisprudence issue de l’arrêt du 3 décembre 2019, Iccrea Banca (C‑414/18, EU:C:2019:1036, point 93), selon laquelle l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 ne confère pas aux autorités compétentes, en l’espèce le CRU, le pouvoir discrétionnaire d’exclure certains passifs, au titre de l’adaptation en fonction du profil de risque des établissements, des contributions visées à l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59, mais énumère, au contraire, de manière précise les conditions dans lesquelles un passif fait l’objet d’une telle exclusion.

319    Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au CRU de violer l’article 41 de la Charte au motif qu’il n’a pas examiné avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce.

320    Partant, la troisième branche du quatrième moyen doit être rejetée.

d)      Sur la quatrième branche, tirée d’une violation du droit d’être entendu

321    La requérante  prétend qu’elle n’a pas été suffisamment entendue, en violation de l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), de la Charte, dès lors que le CRU ne lui a donné qu’un peu plus de 72 heures pour répondre à une consultation organisée par ses soins.

322    Le CRU conteste cette argumentation.  

323    Le droit d’être entendu, consacré par l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (voir arrêt du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, point 87 et jurisprudence citée).

324    En l’espèce, avant l’adoption de la décision attaquée, le CRU a lancé deux procédures de consultation qui impliquaient la requérante.

325    La première procédure a été menée à l’échelle de l’Union et a été organisée entre les 5 et 19 mars 2021. Dans le cadre de cette procédure, le CRU a communiqué un projet de décision attaquée aux établissements concernés et les a invités, par le biais d’un formulaire en ligne, à soumettre leurs commentaires sur le contenu de ce projet. Plus précisément, le CRU a invité les établissements à formuler, d’une part, des observations sur treize sujets prédéfinis qui leur donnaient la possibilité de faire des commentaires sur plusieurs aspects du calcul des contributions ex ante, y compris la méthode et les résultats de ce calcul. D’autre part, dans le cadre du thème 14, les établissements pouvaient soulever toute autre question qu’ils jugeaient pertinente pour le calcul de la contribution ex ante pour la période de contribution 2021 et qui n’était pas déjà couverte par les thèmes prédéfinis.

326    La seconde procédure impliquait la requérante seule. Dans le cadre de cette procédure, la requérante a été invitée à présenter des observations sur un projet de réponse individuelle du CRU.

327    À la suite d’une question du Tribunal posée lors de l’audience, la requérante a précisé que, par la présente branche, elle contestait uniquement cette seconde procédure.

328    À cet égard, il découle de l’annexe A.17 de la requête que, le 8 mars 2021, la BaFin a envoyé à la requérante, par voie postale, une version en anglais du projet de réponse individuelle du CRU, d’une longueur de cinq pages, et l’a invitée à soumettre des observations sur ce projet jusqu’au 19 mars 2021. En outre, il ressort de l’annexe A.16 de la requête que la BaFin a également envoyé à la requérante, le 10 mars 2021, une traduction en allemand dudit projet.

329    La requérante fait valoir qu’elle n’a reçu le projet de réponse individuelle du CRU, dans sa version en allemand, que le 15 mars 2021 et, dans sa version en anglais, que le 16 mars 2021, comme l’attesteraient un tampon interne apposé par elle sur la version en allemand de ce projet et une note manuscrite apposée sur la version en anglais dudit projet.

330    Toutefois, la requérante n’apporte aucun élément de preuve fiable pour démontrer la date à laquelle les services postaux lui ont remis les courriers contenant les versions en allemand et en anglais dudit projet, et encore moins pour démontrer que ces services ont pris de retard dans cette remise. À cet égard, l’apposition d’un tampon interne ou d’une note manuscrite, dans la mesure où ces derniers ne proviennent ni des services postaux ni d’un autre tiers indépendant, ne constitue pas une preuve adéquate de la date de réception de ces courriers.

331    En tout état de cause, à supposer même que la requérante n’ait reçu les versions en allemand et anglais du projet de réponse individuelle du CRU que, respectivement, le 15 mars et le 16 mars 2021, c’est-à-dire, respectivement, quatre jours et trois jours avant le terme du délai pour soumettre ses observations dans le cadre de la consultation individuelle, il convient de relever qu’elle n’a pas démontré en quoi la prétendue brièveté d’un tel délai aurait porté atteinte à son droit d’être entendue dans les circonstances particulières de l’espèce.

332    En effet, le projet de réponse individuelle du CRU concernait des sujets qui étaient totalement familiers à la requérante. Dans ce projet, le CRU répondait à des éléments soulevés par la requérante elle-même dans une lettre qu’elle avait jointe au formulaire que tous les établissements devaient remplir préalablement au calcul de leur contribution ex ante. Ainsi, elle avait une connaissance approfondie de la problématique faisant l’objet dudit projet.

333    En outre, le projet de réponse individuelle du CRU ne comportait que cinq pages et sa teneur n’était pas particulièrement complexe, surtout pour un opérateur avisé tel que la requérante. Il ressort d’ailleurs du dossier que la requérante a pu soumettre, avant l’échéance du délai en cause, six pages d’observations sur ce projet.

334    Enfin, rien n’indique que la requérante ait demandé que le délai en cause soit prorogé et cette dernière ne précise pas non plus quel aspect spécifique dudit projet aurait exigé des recherches supplémentaires ne pouvant être effectuées dans le délai imparti.

335    Eu égard à ce qui précède, la requérante ne saurait soutenir que le CRU ne lui a pas donné la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative qui a conduit à l’adoption de la décision attaquée.

336    Par conséquent, la quatrième branche du quatrième moyen et, partant, le quatrième moyen dans son ensemble, doivent être rejetés.

3.      Sur le premier moyen, concernant la violation des dispositions de l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014, de l’article 8, paragraphe 1, sous f), du règlement d’exécution 2015/81 et de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 

337    La requérante soutient que, en la soumettant à l’obligation de contribuer au FRU, le CRU a violé les dispositions combinées de l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014, de l’article 8, paragraphe 1, sous f), du règlement d’exécution 2015/81 et de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59.

338    Certes, selon le libellé du règlement no 806/2014, tous les établissements titulaires d’un agrément bancaire, y compris la requérante, seraient assujettis, par principe, à l’obligation de contribuer au FRU. Cependant, le libellé d’une norme ne permettrait pas à lui seul d’établir la véritable teneur de celle-ci. D’une part, l’interprétation du droit secondaire devrait impérativement tenir compte des principes gouvernant les normes du droit primaire. D’autre part, la véritable teneur d’une norme juridique ne pourrait être déterminée qu’au regard de son sens et de sa finalité ainsi que de sa corrélation systémique à d’autres normes.

339    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

340    À cet égard, il ressort des considérations exposées aux points 93 à 97 ci-dessus que tous les établissements au sens de l’article 2, paragraphe 1, point 23, de la directive 2014/59, lu conjointement avec l’article 2, paragraphe 1, point 2, de cette même directive et l’article 4, paragraphe 1, point 1, du règlement no 575/2013, doivent verser des contributions ex ante calculées sur la base nationale, conformément à l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59.

341    Il en va de même en ce qui concerne les contributions ex ante calculées sur la base de l’union. En effet, en vertu d’une lecture conjointe de l’article 3, paragraphe 1, point 13, du règlement no 806/2014, de l’article 3, paragraphe 2, de ce même règlement et de l’article 2, paragraphe 1, point 2, de la directive 2014/59, tous les établissements au sens de ces dispositions doivent verser de telles contributions, conformément à l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014.

342    Or, la requérante ne conteste pas qu’elle constitue un établissement au sens de ces dispositions.

343    Par conséquent, la requérante relève du champ d’application personnel de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014 en tant qu’établissement tenu de verser des contributions ex ante.

344    Cette conclusion n’est pas infirmée par les arguments de la requérante.

345    En premier lieu, compte tenu des considérations énoncées au point 101 ci-dessus, la requérante ne saurait soutenir qu’il ressort de l’article 114 TFUE, base légale tant du règlement no 806/2014 que de la directive 2014/59, que les établissements en cours de démantèlement ne devraient, par principe, pas être assujettis à une contribution ex ante.

346    En deuxième lieu, la requérante fait valoir que l’article 67, paragraphe 2, première phrase, du règlement no 806/2014, lu conjointement avec l’article 14, paragraphe 2, sous b), de ce règlement, limite la définition de la notion d’« établissement soumis au versement des contributions ex ante », puisqu’aucun des objectifs de la résolution énoncés à cet article 14 ne peut plus être atteint dans le cas d’un établissement en cours de démantèlement, tel que la requérante. Il en irait, notamment, ainsi pour l’objectif mentionné à l’article 14, paragraphe 2, sous a), de ce règlement, à savoir l’assurance de la continuité des fonctions critiques, et pour l’objectif mentionné à l’article 14, paragraphe 2, sous b), dudit règlement, à savoir éviter les effets négatifs significatifs sur la stabilité financière, notamment en prévenant la contagion.

347    À cet égard, il y a lieu de relever que les dispositions invoquées par la requérante ne précisent pas les objectifs du règlement no 806/2014 en tant que tels, mais ceux de la résolution. Or, en application de l’article 16, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, le CRU peut adopter une mesure de résolution uniquement lorsque les trois conditions prévues par l’article 18 de ce règlement sont remplies. Il s’ensuit que les éventuels établissements soumis à une résolution peuvent constituer une catégorie plus restreinte que celle des établissements soumis aux contributions ex ante. Les objectifs de la résolution ne sont ainsi pas déterminants pour l’étendue du champ d’application personnel du règlement no 806/2014 en ce qui concerne l’obligation de verser des contributions ex ante.

348    En troisième lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, son exclusion du champ d’application personnel de l’obligation de contribuer au FRU ne saurait pas non plus être déduite des éléments figurant à l’article 103, paragraphe 7, sous a), d) et g), de la directive 2014/59.

349    En effet, il découle des termes de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, ainsi que des termes de l’article 103, paragraphe 2, de cette même directive, que l’article 103, paragraphe 7, de ladite directive n’a pas vocation à définir le champ d’application personnel de l’obligation de verser des contributions ex ante. Cette disposition se borne à énumérer les éléments dont la Commission doit tenir compte lorsqu’elle adopte des actes délégués pour préciser la notion d’« adaptation des contributions en fonction du profil de risque des établissements » visée à l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59.

350    En dernier lieu, la requérante ne développe aucune argumentation autonome et ciblée concernant l’article 8, paragraphe 1, sous f), du règlement d’exécution 2015/81, qui irait au-delà de l’argumentation examinée ci-dessus. Le grief tiré d’une violation de cette disposition doit, dès lors, être rejeté.

351    Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le grief tiré d’une violation des dispositions de l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014, de l’article 8, paragraphe 1, sous f), du règlement d’exécution 2015/81 et de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 et, partant, le premier moyen dans son intégralité.

4.      Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des articles 20 et 16 de la Charte

352    Le troisième moyen s’articule, en substance, autour de deux branches.

a)      Sur la première branche, tirée d’une violation de l’article 20 de la Charte

353    La requérante fait valoir que la décision attaquée viole le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination tel qu’il est consacré à l’article 20 de la Charte, puisqu’elle est traitée de la même manière que des établissements qui ne sont pas en cours de démantèlement. À cet égard, elle souligne, d’une part, qu’elle utilise ses agréments bancaires uniquement aux fins de son démantèlement et, d’autre part, que son exposition au risque, sa probabilité de résolution et son importance pour la stabilité des marchés financiers sont très réduites, voire inexistantes.

354    Une inégalité de traitement ne serait pas exclue par le fait que la méthode de calcul des contributions ex ante aboutit à des contributions ex ante différentes pour différents établissements. En effet, une prise en compte appropriée de la situation particulière de la requérante devrait conduire à une réduction de sa contribution à zéro, ce qui ne serait pas possible du fait de l’article 9, paragraphe 3, du règlement délégué 2015/63, qui prévoit que le multiplicateur d’ajustement doit être fixé dans une fourchette comprise entre 0,8 et 1,5.

355    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

356    L’article 20 de la Charte consacre le principe général du droit de l’Union d’égalité de traitement, lequel exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 3 février 2021, Fussl Modestraße Mayr, C‑555/19, EU:C:2021:89, point 95).

357    À cet égard, premièrement, il y a lieu d’examiner si un établissement en cours de démantèlement, tel que la requérante, se trouve dans une situation comparable à celle des autres établissements assujettis aux contributions ex ante.

358    Selon une jurisprudence constante, le caractère comparable de telles situations s’apprécie eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Ces éléments doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève cet acte (voir arrêt du 3 février 2021, Fussl Modestraße Mayr, C‑555/19, EU:C:2021:89, point 99 et jurisprudence citée).

359    En ce qui concerne le but poursuivi par la réglementation dont la décision attaquée relève, il convient de rappeler que cette réglementation relève du domaine du MRU, dont la création vise, conformément au considérant 12 du règlement no 806/2014, à garantir une approche neutre dans le traitement des établissements défaillants, à renforcer la stabilité des établissements dans les États membres participants et à prévenir la propagation d’éventuelles crises aux États membres ne participant pas à ce mécanisme, afin de faciliter le fonctionnement du marché intérieur dans son ensemble.

360    En vue d’assurer un financement des activités du MRU, la directive 2014/59, le règlement no 806/2014 et le règlement délégué 2015/63 ont instauré les contributions ex ante, dont la nature spécifique consiste, ainsi qu’il ressort des considérants 105 à 107 de cette directive et du considérant 41 de ce règlement, à garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions et à encourager les établissements à adopter des modes de fonctionnement moins risqués (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113).

361    Eu égard à ces principes et à ces objectifs, la requérante soutient à tort que les établissements qui sont en cours de démantèlement se trouvent, en raison de ce démantèlement, dans une situation différente de celle des autres établissements assujettis aux contributions ex ante.

362    Premièrement, il convient de relever que, ainsi qu’il découle du considérant 102 du règlement no 806/2014, les contributions ex ante sont collectées auprès des établissements préalablement à toute opération de résolution et indépendamment de celle-ci.

363    Deuxièmement, conformément à l’article 67, paragraphe 4, et à l’article 70 du règlement no 806/2014 ainsi qu’à l’article 103 de la directive 2014/59, l’obligation de verser des contributions ex ante s’applique à tous les établissements titulaires d’un agrément bancaire en tant qu’établissements au sens des dispositions combinées de l’article 2, de l’article 3, paragraphe 1, point 13, de ce règlement ainsi que de l’article 2, paragraphe 1, point 2, de cette directive.

364    Or, en l’espèce, la requérante ne conteste pas que, pendant la période de contribution concernée, elle était un établissement opérant avec un agrément bancaire au sens des dispositions mentionnées au point 363 ci-dessus, et ce indépendamment de son démantèlement.

365    Il s’ensuit que la requérante pouvait exercer des activités bancaires à travers lesquelles elle a pu exposer le système financier à un certain risque.

366    Troisièmement, la méthode de calcul des contributions ex ante, telle qu’elle a été instaurée par le règlement délégué 2015/63, est à même de refléter – d’une manière comparable à celle des autres établissements – les spécificités du profil de risque des établissements faisant l’objet d’un démantèlement.

367    En effet, la méthode de calcul des contributions ex ante prend en compte la taille des établissements par le biais du calcul de la contribution annuelle de base, cette dernière étant fondée sur un montant proportionnel du passif net de l’établissement concerné, rapporté au passif net de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants. Ainsi, la contribution annuelle de base d’un établissement diminue en comparaison de celle des autres établissements et reflète ainsi sa situation spécifique si, dans le cadre d’un démantèlement, cet établissement réduit le montant de son passif net. En outre, les différents piliers et indicateurs de risque prévus à l’article 6 du règlement délégué 2015/63 permettent de tenir compte, d’une manière ciblée, de diverses caractéristiques des établissements, y compris des établissements faisant l’objet d’un démantèlement, de sorte qu’un tel établissement se voit imposer une contribution ex ante moins élevée lorsque son profil de risque diminue en raison d’un tel démantèlement.

368    Quatrièmement, contrairement à ce que la requérante soutient, les établissements en cours de démantèlement ne sont pas exclus de tout bénéfice que procure l’existence du FRU.

369    En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 71 ci-dessus, la seule existence de ce fonds contribue à la stabilité du secteur financier, laquelle profite à tous les établissements concernés, y compris les établissements qui font l’objet d’un démantèlement.

370    À cet égard, il convient de souligner que la possibilité non seulement de déclencher la résolution d’un établissement dont la défaillance est prévisible ou avérée, mais également de la faciliter, correspond à l’objectif poursuivi par la création du FRU. Or, la stabilité du secteur financier contribue à faciliter une telle résolution, puisqu’elle accroît la prévisibilité et l’efficacité de cette dernière.

371    Dans ces circonstances, la requérante n’a pas démontré qu’elle se trouvait dans une situation différente de celle des établissements qui ne sont pas en cours de démantèlement, compte tenu des principes et des objectifs énoncés aux points 359 et 360 ci-dessus.

372    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel les contributions ex ante constitueraient une « taxe bancaire » qui méconnaîtrait « l’impératif d’égalité de traitement fiscal imposé par l’article 20 de la Charte ».

373    Sur ce point, d’une part, il y a lieu de relever que la requérante ne précise ni le contenu ni la portée de l’« impératif d’égalité de traitement fiscal imposé par l’article 20 de la Charte ». D’autre part, la prémisse sur laquelle la requérante se fonde, à savoir celle selon laquelle les contributions ex ante constituent des « taxes » ou des dispositions fiscales, est erronée pour les motifs exposés aux points 59 à 76 ci-dessus.

374    Eu égard à ce qui précède, la première branche du troisième moyen doit être rejetée.

b)      Sur la seconde branche, tirée d’une violation de l’article 16 de la Charte

375    La requérante fait valoir que la décision attaquée viole la liberté d’entreprise, telle qu’elle est consacrée à l’article 16 de la Charte, puisque cette décision lui inflige des désavantages hors de proportion avec les objectifs que ladite décision vise à atteindre. En effet, il serait, notamment, exclu que les contributions ex ante puissent jamais être utilisées à son profit ou à celui d’établissements se trouvant dans une situation similaire, car les conditions de recours aux instruments de résolution ne seraient pas remplies dans son cas.

376    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

377    La protection conférée par l’article 16 de la Charte comporte la liberté d’exercer une activité économique ou commerciale, la liberté contractuelle et la concurrence libre (voir arrêt du 21 décembre 2021, Bank Melli Iran, C‑124/20, EU:C:2021:1035, point 79 et jurisprudence citée).

378    Cependant, la liberté d’entreprise ne constitue pas une prérogative absolue. Elle peut être soumise à un large éventail d’interventions de la puissance publique susceptibles d’établir, dans l’intérêt général, des limitations à l’exercice de l’activité économique (voir, en ce sens, arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, points 45 et 46 et jurisprudence citée, et du 21 décembre 2021, Bank Melli Iran, C‑124/20, EU:C:2021:1035, points 80 et 81 et jurisprudence citée).

379    Cette circonstance trouve, notamment, son reflet dans la manière dont il convient d’apprécier les actes de l’Union au regard de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte (voir, en ce sens, arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 47, et du 21 décembre 2021, Bank Melli Iran, C‑124/20, EU:C:2021:1035, point 82).

380    Conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, toute limitation de l’exercice des droits et des libertés consacrés par la Charte doit être prévue par la loi, respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés et, dans le respect du principe de proportionnalité, être nécessaire et répondre effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui (arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 48, et du 21 décembre 2021, Bank Melli Iran, C‑124/20, EU:C:2021:1035, point 83).

381    En l’espèce, à supposer que l’obligation faite à la requérante de verser des contributions ex ante constitue une ingérence dans sa liberté d’entreprise, il y a tout d’abord lieu de relever que cette obligation découle, notamment, des articles 69 et 70 du règlement no 806/2014 et des articles 102 et 103 de la directive 2014/59, de sorte qu’elle est prévue par la loi.

382    Ensuite, l’obligation de verser des contributions ex ante poursuit un objectif d’intérêt général. En effet, ainsi qu’il ressort du considérant 1 du règlement délégué 2015/63, les dispositifs de financement pour la résolution doivent disposer de ressources financières suffisantes pour permettre un fonctionnement efficace du mécanisme de résolution. Par conséquent, il est loisible au CRU de percevoir des contributions ex ante auprès des établissements concernés afin de financer la mise en œuvre dudit mécanisme, ce dernier visant à renforcer la stabilité de ces établissements dans les États membres participants et à prévenir la propagation d’éventuelles crises aux États membres non participants, ainsi qu’il a été relevé aux points 43 à 53 ci-dessus.

383    En outre, la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément qui permettrait de constater que, eu égard à cet objectif, l’obligation de contribuer au FRU constituerait une intervention démesurée ou intolérable portant atteinte à la substance même de sa liberté d’entreprise.

384    Enfin, en ce qui concerne le principe de proportionnalité, la requérante ne démontre pas, en particulier, qu’il existe des moyens moins restrictifs que le versement des contributions ex ante pour permettre d’atteindre d’une manière aussi efficace les objectifs poursuivis par le règlement no 806/2014 et la directive 2014/59, tels que, notamment, celui d’assurer que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions, tout en encourageant l’adoption, par les établissements concernés, de modes de fonctionnement moins risqués (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113).

385    Dans ces circonstances, la requérante ne saurait reprocher à la décision attaquée une méconnaissance de l’article 16 de la Charte.

386    Ainsi, la seconde branche du troisième moyen doit être rejetée.

387    De même, doit être rejeté le grief soulevé dans le cadre du troisième moyen selon lequel le fait que le CRU fonde sa décision sur le règlement délégué 2015/63 et que celui-ci ne prescrive pas d’exemption en ce qui concerne les contributions ex ante pour des établissements comme la requérante ne saurait remédier à la violation, par la décision attaquée, des articles 20 et 16 de la Charte, car ce règlement délégué violerait, lui aussi, ces dispositions en ce qu’il aurait pour effet d’imposer à la requérante une obligation de verser des contributions ex ante.

388    En effet, dès lors qu’une telle référence au règlement délégué 2015/63 doit être comprise en ce sens que la requérante soulève une exception d’illégalité à l’encontre de ce règlement délégué, au motif d’une violation des articles 20 et 16 de la Charte, il convient de rejeter une telle exception d’illégalité pour les motifs exposés aux points 357 à 363 et 378 à 384 ci-dessus.

389    Partant, le troisième moyen doit être rejeté dans son intégralité.

5.      Sur le cinquième moyen, tiré, à titre subsidiaire, d’une violation de l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, en ce que le CRU aurait erronément fixé le niveau cible annuel

390    Tout d’abord, la requérante soutient que le CRU a violé l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 en fixant un niveau cible annuel qui s’écartait du niveau cible final escompté dans les travaux préparatoires de ce règlement, à savoir 55 000 000 000 d’euros, puisqu’il a calculé le niveau cible annuel sur la base d’un niveau cible final de 90 301 417 700,48 euros. Ensuite, les contributions ex ante ne seraient pas réparties sur dix ans, comme l’aurait envisagé le législateur de l’Union, mais seulement sur huit ans. Enfin, il découlerait du libellé de l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 qu’il n’appartiendrait pas au CRU de calculer le niveau cible au regard du montant des dépôts couverts escomptés au terme de la période initiale – comme il l’a fait –, mais sur la base du montant des dépôts couverts au début de cette période.

391    Le CRU conteste cette argumentation.

392    En premier lieu, il ressort, certes, du point 4.3.2 de l’exposé des motifs de la proposition COM(2013) 520 final de la Commission, du 10 juillet 2013, qui a abouti à l’adoption du règlement no 806/2014, que, sur la base des données concernant l’année 2011, la Commission avait considéré qu’un niveau cible final du FRU correspondant à 1 % des dépôts couverts s’élèverait à environ 55 000 000 000 d’euros. Il ressort également de ce point de l’exposé des motifs qu’il était envisagé que le FRU atteigne son niveau cible final au terme de dix années.

393    Cependant, l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, tel qu’il a été adopté par le législateur de l’Union, dispose que, « [a]u terme [de la] période initiale », « les moyens financiers disponibles du [FRU] atteignent au moins 1 % du montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements de crédit agréés dans tous les États membres participants ».

394    Il ressort du libellé de l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, d’une part, que le chiffre de 55 000 000 000 d’euros n’a trouvé aucune expression dans le texte législatif adopté et, d’autre part, que le législateur de l’Union a décidé de ne pas suivre la proposition de la Commission s’agissant de la période à la fin de laquelle le FRU devait atteindre son niveau cible final.

395    En second lieu, il ressort également du libellé de l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 que la date de la fin de la période initiale n’est pas seulement déterminante pour fixer la date à laquelle les moyens financiers disponibles du FRU doivent atteindre au moins 1 % du montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements agréés dans tous les États membres participants, à savoir le niveau cible final, mais également pour préciser le montant de ces dépôts qui doit être pris en considération aux fins de calculer ce niveau cible.

396    Ensuite, il découle des travaux préparatoires du règlement no 806/2014 que, contrairement à ce que prétend la requérante, l’article 69, paragraphe 1, de ce règlement est fondé sur une approche dynamique du niveau cible final, en ce sens que ce dernier doit être déterminé au regard du montant des dépôts couverts à la fin de la période initiale. En effet, au point 4.3.2 de l’exposé des motifs de sa proposition COM(2013) 520 final, du 10 juillet 2013, qui a abouti à l’adoption dudit règlement, la Commission a expliqué que le niveau cible final resterait dynamique et qu’il augmenterait si le secteur bancaire se développait.

397    La nécessité de prendre en compte l’évolution du montant des dépôts couverts s’explique par l’objectif de perception des contributions ex ante, qui est de garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour que ce dernier puisse remplir ses fonctions, ainsi que cela ressort du considérant 41 du règlement no 806/2014 (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113). L’objectif du MRU consiste, conformément au considérant 12 de ce règlement, à renforcer à son tour la stabilité des établissements dans les États membres participants et à prévenir la propagation d’éventuelles crises aux États membres non participants.

398    À cet égard, il ressort du point 4.3.2 de l’exposé des motifs de la proposition COM(2013) 520 final que, plus la taille du secteur bancaire croît dans le temps, plus les ressources financières devant être mises à disposition du FRU devraient augmenter. Une estimation de cette taille permet ainsi de prévoir le montant des moyens financiers qui devraient être procurés au FRU afin que ce dernier puisse être utilisé, en cas de crise affectant le secteur bancaire, pour financer les instruments de résolution et assurer ainsi leur application efficace, conformément à l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, lu à la lumière du considérant 101 de ce même règlement.

399    Or, dans le cadre de l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, le législateur de l’Union a opté pour une approche selon laquelle le montant des dépôts couverts vise à estimer la taille du secteur bancaire et à calculer ainsi les ressources financières qui doivent être mises à disposition du FRU. Dans une telle optique, une éventuelle augmentation du montant des dépôts couverts entre le début et la fin de la période initiale reflète un accroissement de la taille du secteur bancaire, ce qui implique une augmentation des moyens financiers requis par le FRU à la fin de cette période.

400    Il découle de ce qui précède que l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 doit être interprété en ce sens que le montant du niveau cible final, prévu par cette disposition, doit être déterminé au regard du montant des dépôts couverts existant à la fin de la période initiale.

401    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que le CRU n’a pas méconnu l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014.

402    Ainsi, le cinquième moyen doit être rejeté.

6.      Sur le sixième moyen, en ce qu’il est tiré de l’applicabilité directe de l’article 103, paragraphe 7, sous a), de la directive 2014/59 ainsi que d’une application par analogie de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63

403    Le sixième moyen contient deux griefs qui portent sur la légalité de la décision attaquée.

a)      Sur le grief portant sur l’applicabilité directe de l’article 103, paragraphe 7, sous a), de la directive 2014/59

404    La requérante soutient que, en ayant refusé d’exclure le portefeuille d’instruments dérivés EAA-OTC du calcul des contributions ex ante, le CRU a méconnu l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, qui fixe les critères pour l’adaptation des contributions annuelles de base au profil de risque des établissements. Des opérations fiduciaires telles que la gestion de ce portefeuille, que la requérante détient à titre fiduciaire pour le compte de l’EAA, n’emporteraient pas une exposition au risque pour elle. Une telle absence d’exposition au risque devrait être prise en considération aux fins du calcul des contributions ex ante en vertu de l’article 103, paragraphe 7, sous a), de la directive 2014/59. Cette disposition serait applicable au calcul desdites contributions en vertu de l’article 70, paragraphe 2, sous b), du règlement no 806/2014.

405    Le CRU conteste cette argumentation.

406    Il est vrai que l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014 prévoit que le calcul de la contribution ex ante de chaque établissement s’appuie sur une contribution qui est adaptée en fonction du profil de risque de l’établissement concerné et qui est fondée sur les critères fixés à l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59.

407    Cependant, cette disposition n’indique pas que le CRU est tenu d’adapter la contribution ex ante directement au regard de tels critères.

408    En revanche, il ressort du libellé même de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, auquel l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014 fait référence et qui prévoit l’adoption d’un acte délégué pour mettre en œuvre les critères prévus à cet article 103, paragraphe 7, que le législateur de l’Union n’a pas entendu que ces derniers critères soient d’une application directe aux ARN telles que le CRU.

409    Il en va d’autant plus ainsi que l’article 70, paragraphe 6, du règlement no 806/2014 dispose que les actes délégués précisant la notion d’« adaptation des contributions en fonction du profil de risque des établissements », adoptés par la Commission au titre de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, s’appliquent au calcul des contributions ex ante sur le fondement de ce règlement.

410    Il découle de ce qui précède qu’il n’incombait pas au CRU d’adapter la contribution ex ante de la requérante directement au regard des critères prévus par l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, mais qu’il lui appartenait de le faire sur le fondement des critères plus précis qui sont prévus par le règlement délégué 2015/63 et qui mettent en œuvre ces premiers critères.

411    Or, l’article 5 du règlement délégué 2015/63 énumère, d’une manière exhaustive, les passifs que le CRU est tenu d’exclure aux fins du calcul de la contribution annuelle de base des établissements, étant entendu que les passifs détenus à titre fiduciaire ne sont pas mentionnés dans cette disposition.

412    Partant, la requérante ne saurait soutenir que le CRU devait, sur la base de l’article 103, paragraphe 7, sous a), de la directive 2014/59 et indépendamment des cas visés à l’article 5 du règlement délégué 2015/63, exclure les passifs relatifs aux activités fiduciaires de la requérante lors du calcul de sa contribution annuelle de base, au motif que ces passifs ne présenteraient pas de risque.

413    Par conséquent, le présent grief du sixième moyen doit être rejeté.

b)      Sur le grief, invoqué à titre subsidiaire, portant sur l’analogie avec les prêts de développement

414    À titre subsidiaire, la requérante prétend que le CRU aurait dû appliquer par analogie l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 au portefeuille d’instruments dérivés EAA-OTC qu’elle détient à titre fiduciaire. En effet, tout comme l’établissement intermédiaire en matière de prêts de développement, le mandataire fiduciaire constituerait, aux fins de la liquidation des passifs fiduciaires, une simple étape entre le partenaire originaire au contrat dérivé et le fiduciant.

415    Le CRU  et la Commission contestent cette argumentation.

416    L’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 exclut du calcul des contributions ex ante certains passifs détenus dans le cas des établissements qui gèrent des prêts de développement.

417    La notion de « prêt de développement » est définie à l’article 3, point 28, du règlement délégué 2015/63 comme couvrant les prêts octroyés par une banque de développement ou un établissement intermédiaire sur une base non concurrentielle et dans un but non lucratif en vue de promouvoir les objectifs de politique publique d’une administration centrale ou régionale d’un État membre.

418    Or, d’une part, il ressort des écritures de la requérante qu’elle ne gère pas de tels prêts, de sorte qu’elle ne constitue pas un établissement mentionné à l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63.

419    D’autre part, le CRU ne peut pas appliquer par analogie l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 aux passifs liés à des activités fiduciaires. En effet, ladite disposition ne confère pas au CRU le pouvoir discrétionnaire d’exclure certains passifs, au titre de l’adaptation en fonction du profil de risque des établissements, des contributions annuelles de base, mais énumère, au contraire, de manière précise et exhaustive les conditions dans lesquelles un passif fait l’objet d’une telle exclusion (voir arrêt du 3 décembre 2019, Iccrea Banca, C‑414/18, EU:C:2019:1036, point 93).

420    Ainsi, le second grief du sixième moyen et, partant, le sixième moyen dans son ensemble, doivent être rejetés.

7.      Sur le septième moyen, tiré d’une violation de l’article 5, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2015/63, lu conjointement avec l’article 70, paragraphe 6, du règlement no 806/2014, en raison de l’absence de prise en considération de la valeur nette des passifs liés aux contrats sur des instruments dérivés

421    Avant d’examiner le septième moyen, il convient de rappeler le contenu des dispositions pertinentes du règlement délégué 2015/63.

422    L’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, qui fait partie de la section 2 dudit règlement délégué, énumère six hypothèses d’exclusion des passifs du calcul des contributions ex ante.

423    Selon l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement délégué 2015/63, aux fins de cette section, le montant annuel moyen, calculé trimestriellement, des passifs visés à l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement délégué qui découlent de contrats sur instruments dérivés est valorisé conformément aux articles 429, 429 bis et 429 ter du règlement no 575/2013.

424    L’article 5, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement délégué 2015/63 énonce que, toutefois, la valeur attribuée aux passifs découlant de contrats sur instruments dérivés ne peut pas être inférieure à 75 % de la valeur des mêmes passifs résultant de l’application des dispositions comptables applicables à l’établissement concerné aux fins de l’élaboration des états financiers (ci-après la « valeur comptable »).

425    Enfin, l’article 5, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement délégué 2015/63 prévoit que, aux fins de la section 2 de ce règlement délégué, le total du passif visé à l’article 5, paragraphe 1, dudit règlement délégué exclut la valeur comptable des passifs découlant de contrats sur instruments dérivés et inclut la valeur correspondante calculée conformément à l’article 5, paragraphe 3, de ce même règlement délégué.

426    La requérante soutient que la décision attaquée a violé l’article 5, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2015/63, lu conjointement avec l’article 70, paragraphe 6, du règlement no 806/2014, puisque le CRU a calculé sa contribution ex ante sur la base d’une valeur de ses contrats dérivés qu’elle appelle « valeur brute » au lieu d’une valeur de ces contrats qu’elle appelle « valeur nette ».

427    Il découle de ses écritures que la requérante entend par cette notion de « valeur nette » une valeur de ses passifs qui exclut des passifs qui ne présentent pas de risque, alors que la « valeur brute » inclurait de tels passifs. Selon la requérante, les passifs dépourvus de risque sont, notamment, ceux liés au portefeuille d’instruments dérivés EAA-OTC, étant donné qu’elle jouit d’une protection intégrale et effective contre les risques émanant de ces passifs.

428    Cette protection découlerait d’un accord de compensation conclu entre la requérante et l’EAA, par lequel cette dernière prendrait en charge les risques liés au portefeuille d’instruments dérivés EAA-OTC.

429    Dans ce contexte, il importerait peu de savoir comment les dispositions du règlement no 575/2013 traitent divers passifs liés au portefeuille d’instruments dérivés EAA-OTC. Ce règlement poursuivrait une autre finalité que celle de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014. Certes, l’article 5, paragraphe 3, du règlement délégué 2015/63 disposerait que, s’agissant des types de passif à exclure des engagements d’un établissement en application de l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement délégué, le montant des engagements découlant de contrats dérivés doit être valorisé conformément aux articles 429, 429 bis et 429 ter du règlement no 575/2013. Or, ces dernières dispositions régiraient le calcul de ce qu’il est convenu d’appeler le ratio de levier, qui, comme il découlerait des considérants 91 à 94 du règlement no 575/2013, est un paramètre étranger au risque provenant du droit prudentiel.

430    En revanche, le calcul des contributions ex ante ajustées en fonction du profil de risque des établissements devrait, dans le respect du principe de proportionnalité, tenir, notamment, compte de l’exposition au risque des transactions. Il s’en déduirait, aux fins de l’inclusion des passifs dans l’assiette de calcul des contributions ex ante, qu’il ne serait pas possible de retenir les passifs couverts par l’accord de compensation que la requérante a conclu avec l’EAA. Dans ces conditions, le renvoi par l’article 5, paragraphe 3, du règlement délégué 2015/63 aux dispositions du règlement no 575/2013 ne pourrait pas couvrir tous les engagements résultant des instruments dérivés, mais seulement les engagements présentant à tout le moins un risque.

431    Le CRU conteste cette argumentation.

432    Selon l’article 5, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63, aux fins de la section 2 de ce règlement délégué, qui inclut cet article 5, le total du « passif visé au paragraphe 1 » dudit l’article 5 exclut la valeur comptable des passifs découlant de contrats sur instruments dérivés et inclut la valeur correspondante calculée conformément au paragraphe 3 de ce même article.

433    Aux termes de l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement délégué 2015/63, le montant annuel moyen, calculé trimestriellement, des « passifs visés au paragraphe 1 » dudit article 5 qui découlent de contrats sur instruments dérivés est valorisé conformément aux articles 429, 429 bis et 429 ter du règlement no 575/2013.

434    Il ressort ainsi du libellé même de l’article 5, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2015/63 que ces dispositions s’appliquent uniquement aux passifs visés au paragraphe 1 de cet article.

435    Or, il découle du point 419 ci-dessus que les passifs liés au portefeuille d’instruments dérivés EAA-OTC n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63.

436    En outre, la requérante n’explique pas quelle autre hypothèse prévue par l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 serait applicable aux passifs liés au portefeuille d’instruments dérivés EAA-OTC.

437    Il s’ensuit que l’argumentation de la requérante dans le cadre de son septième moyen, qui est fondée sur une prétendue violation de l’article 5, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2015/63, est inopérante et que le septième moyen doit ainsi être rejeté.

8.      Sur le huitième moyen, tiré d’une violation de l’article 6, paragraphe 8, sous a), du règlement délégué 2015/63, lu conjointement avec l’article 70, paragraphe 6, du règlement no 806/2014, en raison de la qualification de la requérante d’établissement au sens de cette dernière disposition

438    La requérante soutient que la décision attaquée contrevient aux dispositions combinées de l’article 70, paragraphe 6, du règlement no 806/2014 et de l’article 6, paragraphe 8, sous a), du règlement délégué 2015/63, en ce que cette décision qualifie la requérante d’établissement en restructuration au sens de cette dernière disposition, ce qui majore son multiplicateur d’ajustement.

439    Comme le règlement délégué 2015/63 aurait été adopté en vertu de l’article 103, paragraphes 7 et 8, de la directive 2014/59 et que celle-ci aurait institué à l’échelon de l’Union le premier régime unifié de redressement et de résolution des établissements bancaires, les aides d’État ou financements équivalents, qui sont visés à l’article 6, paragraphe 8, sous a), du règlement délégué 2015/63, se référeraient aux seules prestations de soutien consenties dans le cadre de la directive 2014/59 ou à compter de son entrée en vigueur. Cette interprétation serait corroborée par le libellé des considérants 41 et 55, de l’article 2, paragraphe 1, point 28, et de l’article 31, paragraphe 2, sous c), de ladite directive.

440    Or, les prestations versées à la requérante par l’EAA lui auraient été accordées, à l’époque, au moyen de fonds d’État en vertu de la réglementation nationale et avant l’entrée en vigueur de la directive 2014/59, et non au moyen de ressources du FRU en vertu de cette directive ou du règlement no 806/2014. En conséquence, le CRU n’aurait pas dû lui appliquer la valeur maximale pour l’indicateur de risque « mesure dans laquelle l’établissement a déjà bénéficié d’un soutien financier public exceptionnel ».

441    Le CRU conteste cette argumentation.

442    L’article 6, paragraphe 5, sous c), du règlement délégué 2015/63 dispose que le pilier de risque IV se compose, parmi d’autres indicateurs de risque, de l’indicateur de risque « mesure dans laquelle l’établissement a déjà bénéficié d’un soutien financier public exceptionnel ».

443    En vertu de l’article 2, paragraphe 1, point 28, de la directive 2014/59, lu conjointement avec l’article 3, premier alinéa, du règlement délégué 2015/63, l’on entend par « soutien financier public exceptionnel » une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE ou tout autre soutien financier public au niveau supranational qui, s’il était accordé au niveau national, constituerait une aide d’État, accordés dans le but de préserver ou de rétablir la viabilité, la liquidité ou la solvabilité d’un établissement.

444    En l’espèce, d’une part, il est constant que la requérante a été mise en restructuration après avoir reçu une telle aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

445    D’autre part, contrairement à ce que soutient la requérante, le fait que cette aide a été octroyée avant l’entrée en vigueur de la directive 2014/59 n’a pas d’impact sur la circonstance selon laquelle celle-ci relève de l’article 6, paragraphe 5, sous c), du règlement délégué 2015/63, lu conjointement avec l’article 2, paragraphe 1, point 28, de cette directive.

446    En effet, ni le libellé de l’article 2, paragraphe 1, point 28, de la directive 2014/59 ni celui de l’article 6, paragraphe 8, sous a), du règlement délégué 2015/63 ne comportent d’indication qui limiterait l’application dans le temps de cette dernière disposition dans le sens allégué par la requérante.

447    Cette conclusion est confirmée par la finalité de l’article 6, paragraphe 8, sous a), du règlement délégué 2015/63. En effet, ainsi que le CRU l’a soutenu en substance, le risque qu’un établissement qui a été mis en restructuration après avoir reçu un soutien financier public exceptionnel éprouve à nouveau des difficultés financières n’est pas diminué par le simple fait que ce soutien a été octroyé avant l’entrée en vigueur de la directive 2014/59.

448    Dans ces conditions, le CRU a considéré, à juste titre, que la requérante tombait dans le champ d’application de l’article 6, paragraphe 8, sous a), du règlement délégué 2015/63 et lui a appliqué, conformément à cette disposition, la valeur maximale pour l’indicateur de risque « mesure dans laquelle l’établissement a déjà bénéficié d’un soutien financier public exceptionnel ».

449    Cette conclusion n’est pas infirmée par la thèse de la requérante selon laquelle il convient d’interpréter l’article 6, paragraphe 8, sous a), du règlement délégué 2015/63 à la lumière du considérant 55 et de l’article 31, paragraphe 2, sous c), de la directive 2014/59, si bien que l’article 6, paragraphe 8, sous a), du règlement délégué 2015/63 ne concernerait que la période postérieure à l’entrée en vigueur de la directive 2014/59.

450    Aux termes du considérant 55 de la directive 2014/59, « les instruments de résolution devraient être mis en œuvre avant toute injection de fonds publics ou soutien public équivalent de nature exceptionnelle à un établissement ». Selon l’article 31, paragraphe 2, sous c), de cette directive, l’un des objectifs de la résolution est de « protéger les ressources de l’État par une réduction maximale du recours aux aides financières publiques exceptionnelles ».

451    Or, il suffit de relever que le considérant 55 et l’article 31, paragraphe 2, sous c), de la directive 2014/59 concernent les modalités d’une éventuelle application des instruments de résolution établis par la directive 2014/59, et non le calcul des contributions ex ante. Ainsi, aucune conclusion ne saurait en être tirée quant à l’interprétation de l’article 6, paragraphe 5, sous c), du règlement délégué 2015/63.

452    La même conclusion s’impose s’agissant des arguments de la requérante tirés de l’extrait du considérant 41 de la directive 2014/59 selon lequel « [u]n établissement ne devrait pas être considéré comme défaillant ou susceptible de l’être du simple fait qu’un soutien financier public exceptionnel lui a été accordé avant l’entrée en vigueur de [cette] directive ».

453    À cet égard, la requérante s’appuie sur une lecture partielle de ce considérant. En effet, comme il ressort de la première phrase dudit considérant (à savoir « [l]e cadre de résolution devrait prévoir une ouverture rapide de la procédure de résolution, avant que l’établissement financier ne présente un actif net négatif et voie se tarir tous ses fonds propres »), celui-ci vise les modalités de déclenchement d’une procédure de résolution. Par conséquent, aucune conclusion ne saurait en être tirée quant à l’interprétation de l’article 6, paragraphe 5, sous c), du règlement délégué 2015/63, lu à la lumière de l’article 2, paragraphe 1, point 28, de la directive 2014/59, qui porte sur le calcul des contributions ex ante.

454    De même, la requérante ne saurait s’appuyer sur le fait qu’une partie du libellé de l’article 2, paragraphe 1, point 28, de la directive 2014/59 (à savoir « qui est accordé dans le but de préserver ou de rétablir la viabilité, la liquidité ou la solvabilité d’un établissement ») est formulée au présent de l’indicatif.

455    En effet, comme le juge de l’Union l’a déjà constaté [voir, en ce sens, arrêt du 3 mars 2020, X (Mandat d’arrêt européen – Double incrimination), C‑717/18, EU:C:2020:142, point 20], le présent de l’indicatif est communément employé dans la réglementation de l’Union afin d’exprimer le caractère obligatoire d’une disposition. Il s’ensuit qu’il ne saurait en être inféré une quelconque indication quant à ses effets temporels.

456    Enfin, il y a lieu d’écarter l’argument de la requérante selon lequel l’application de l’article 6, paragraphe 8, sous a), du règlement délégué 2015/63 aux mesures de soutien antérieures à l’entrée en vigueur de la directive 2014/59 compromettrait des procédures de restructuration, en méconnaissance de l’effet utile de cette directive.

457    À cet égard, d’une part, il y a lieu de relever que cette directive même, à son article 103, paragraphe 7, sous e), prévoit qu’il y a lieu de tenir compte, dans le cadre du calcul des contributions ex ante, de la mesure dans laquelle l’établissement a déjà bénéficié d’un soutien financier public exceptionnel, sans préciser que ce soutien doit avoir été accordé après son entrée en vigueur.

458    D’autre part, comme il a été rappelé aux points 71 et 370 ci-dessus, l’un des objectifs de la directive 2014/59 est de renforcer la stabilité des marchés financiers, ce qui aide les établissements tels que la requérante dans l’achèvement de leur démantèlement, que ce processus ait débuté avant ou après l’entrée en vigueur de cette directive.

459    Eu égard à ce qui précède, le huitième moyen doit être rejeté.

C.      Conclusion

460    À la suite de l’examen d’office réalisé par le Tribunal, il y a lieu de constater que la décision attaquée est entachée de vices de motivation en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel. Ces vices étant, à eux seuls, de nature à fonder l’annulation de la décision attaquée, il y a lieu d’annuler cette dernière en tant qu’elle concerne la requérante.

V.      Sur la limitation dans le temps des effets de l’arrêt

461    Le CRU demande au Tribunal de maintenir, en cas d’annulation de la décision attaquée, les effets de celle-ci jusqu’à son remplacement ou, à tout le moins, pendant une période de six mois à compter de la date à laquelle l’arrêt est devenu définitif.

462    Dans ses écritures, la requérante s’oppose à cette demande, en soutenant qu’elle n’est en principe pas redevable de contributions ex ante, de sorte que les contributions qu’elle a versées doivent lui être remboursées.

463    En revanche, à l’audience, elle a précisé, à la suite d’une question du Tribunal, qu’elle ne s’opposait pas à ladite demande dans la mesure où la décision attaquée serait annulée sur la base de la violation d’une forme substantielle.

464    Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 264, second alinéa, TFUE, le juge de l’Union peut, s’il l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets d’un acte annulé qui doivent être considérés comme étant définitifs.

465    À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, eu égard à des motifs ayant trait à la sécurité juridique, les effets d’un tel acte peuvent être maintenus, notamment lorsque les effets immédiats de son annulation entraîneraient des conséquences négatives graves et que la légalité de l’acte attaqué est contestée non pas en raison de sa finalité ou de son contenu, mais pour des motifs de violation des formes substantielles (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 175 et jurisprudence citée).

466    En l’espèce, la décision attaquée a été prise en violation des formes substantielles. En revanche, le Tribunal n’a pas constaté, dans la présente procédure, d’erreur affectant la légalité au fond de cette décision.

467    En outre, à l’instar de ce que la Cour a jugé dans l’arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 177), il convient de constater que prononcer l’annulation de la décision attaquée sans prévoir le maintien de ses effets jusqu’à ce qu’elle soit remplacée par un nouvel acte serait de nature à porter atteinte à la mise en œuvre de la directive 2014/59, du règlement no 806/2014 et du règlement délégué 2015/63, qui constituent une partie essentielle de l’union bancaire, laquelle contribue à la stabilité de la zone euro.

468    Dans ces circonstances, il y a lieu de maintenir les effets de la décision attaquée, en ce qu’elle concerne la requérante, jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable qui ne saurait dépasser six mois à compter de la date du prononcé du présent arrêt, d’une nouvelle décision du CRU fixant la contribution ex ante au FRU de la requérante pour la période de contribution 2021.

VI.    Sur les dépens

469    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le CRU ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

470    Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Parlement, le Conseil et la Commission supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      La décision SRB/ES/2021/22 du Conseil de résolution unique (CRU), du 14 avril 2021, sur le calcul des contributions ex ante pour 2021 au Fonds de résolution unique est annulée en ce qu’elle concerne Portigon AG.

2)      Les effets de la décision SRB/ES/2021/22, en ce qu’elle concerne Portigon AG, sont maintenus jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable qui ne saurait dépasser six mois à compter de la date du prononcé du présent arrêt, d’une nouvelle décision du CRU fixant la contribution ex ante au Fonds de résolution unique de cet établissement pour la période de contribution 2021.

3)      Le CRU supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Portigon AG.

4)      Le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne supporteront leurs propres dépens.

Kornezov

De Baere

Petrlík

Kecsmár

 

      Kingston

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 mai 2024.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Décision attaquée

III. Conclusions des parties

IV. En droit

A. Sur les exceptions d’illégalité du règlement no 806/2014, de la directive 2014/59 et du règlement délégué 2015/63

1. Sur le premier moyen, en ce qu’il est fondé sur des exceptions d’illégalité

a) Sur le premier moyen, en ce qu’il est tiré d’exceptions d’illégalité du règlement no 806/2014 et de la directive 2014/59

b) Sur le premier moyen, en ce qu’il est tiré d’exceptions d’illégalité du règlement délégué 2015/63

1) Sur la première exception d’illégalité, tirée de ce que le règlement délégué 2015/63 dépasse les compétences conférées à la Commission par la directive 2014/59

2) Sur la deuxième exception d’illégalité, tirée de ce que le règlement délégué 2015/63 viole des éléments essentiels de la directive 2014/59

3) Sur la troisième exception d’illégalité, tirée de la subdélégation de pouvoir au CRU

2. Sur le deuxième moyen, tiré d’une exception d’illégalité du règlement no 806/2014, de la directive 2014/59 et du règlement délégué 2015/63, au motif qu’ils violent l’article 41, paragraphe 2, sous c), et l’article 47 de la Charte

a) Sur la recevabilité

b) Sur le fond

1) Sur la première branche, portant sur une violation de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte

2) Sur la deuxième branche, portant sur la violation de l’article 47 de la Charte

3. Sur le sixième moyen, en ce qu’il est tiré de l’illégalité du règlement délégué 2015/63

a) Sur le grief portant sur une incompatibilité du règlement délégué 2015/63 avec l’article 103, paragraphes 2 et 7, de la directive 2014/59

b) Sur le grief portant sur l’incompatibilité du règlement délégué 2015/63 avec l’article 114 TFUE, en ce que la Commission aurait dû tenir compte des modalités nationales divergentes de mise en œuvre de la directive 86/635

B. Sur les moyens portant sur la légalité de la décision attaquée

1. Sur la motivation du niveau cible annuel

2. Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de formes substantielles et de l’article 5, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81

a) Sur la première branche, tirée d’une absence d’authentification de la décision attaquée

1) Sur le premier grief, portant sur la violation de l’article 5, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81

2) Sur le deuxième grief, portant sur l’authentification incorrecte de la décision attaquée

3) Sur le troisième grief, portant sur le processus décisionnel du CRU

b) Sur la deuxième branche, tirée d’une motivation insuffisante de la décision attaquée

c) Sur la troisième branche, tirée d’une instruction insuffisante

d) Sur la quatrième branche, tirée d’une violation du droit d’être entendu

3. Sur le premier moyen, concernant la violation des dispositions de l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014, de l’article 8, paragraphe 1, sous f), du règlement d’exécution 2015/81 et de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59

4. Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des articles 20 et 16 de la Charte

a) Sur la première branche, tirée d’une violation de l’article 20 de la Charte

b) Sur la seconde branche, tirée d’une violation de l’article 16 de la Charte

5. Sur le cinquième moyen, tiré, à titre subsidiaire, d’une violation de l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, en ce que le CRU aurait erronément fixé le niveau cible annuel

6. Sur le sixième moyen, en ce qu’il est tiré de l’applicabilité directe de l’article 103, paragraphe 7, sous a), de la directive 2014/59 ainsi que d’une application par analogie de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63

a) Sur le grief portant sur l’applicabilité directe de l’article 103, paragraphe 7, sous a), de la directive 2014/59

b) Sur le grief, invoqué à titre subsidiaire, portant sur l’analogie avec les prêts de développement

7. Sur le septième moyen, tiré d’une violation de l’article 5, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2015/63, lu conjointement avec l’article 70, paragraphe 6, du règlement no 806/2014, en raison de l’absence de prise en considération de la valeur nette des passifs liés aux contrats sur des instruments dérivés

8. Sur le huitième moyen, tiré d’une violation de l’article 6, paragraphe 8, sous a), du règlement délégué 2015/63, lu conjointement avec l’article 70, paragraphe 6, du règlement no 806/2014, en raison de la qualification de la requérante d’établissement au sens de cette dernière disposition

C. Conclusion

V. Sur la limitation dans le temps des effets de l’arrêt

VI. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’allemand.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.

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