Imerys Aluminates Groupe v Commission (Non-contractual liability - Scheme for greenhouse gas emission allowance trading - Judgment) French Text [2024] EUECJ T-391/23 (20 November 2024)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T39123.html
Cite as: [2024] EUECJ T-391/23, EU:T:2024:848, ECLI:EU:T:2024:848

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ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

20 novembre 2024 (*)

« Responsabilité non contractuelle - Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre - Article 10 bis de la directive 2003/87/CE, telle que modifiée par la directive (UE) 2018/410 - Annexe I du règlement délégué (UE) 2019/331 - Définition des référentiels - Réponses à des questions fréquemment posées - Lien de causalité »

Dans l’affaire T‑391/23,

Imerys Aluminates Groupe, établie à Paris (France), représentée par Mes Y. Martinet et D. Todorova, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. B. De Meester, G. Gattinara et G. Wils, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, J. Laitenberger et Mme M. Stancu (rapporteure), juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 3 juillet 2024,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 268 TFUE, la requérante, Imerys Aluminates Groupe, demande réparation du préjudice qu’elle aurait subi à la suite de l’adoption par la Commission européenne, le 22 juillet 2019, du document dénommé « Frequently asked Questions on Free Allocation Rules for the EU ETS post 2020 » (questions fréquemment posées sur les règles d’allocation à titre gratuit de quotas d’émission dans l’Union européenne après 2020, ci-après les « FAQ »).

 Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

2        La requérante est un fabricant de ciment à base d’aluminates de calcium (ci‑après le « CAC »).

3        Elle exploite trois installations industrielles en France qui relèvent du champ d’application de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO 2003, L 275, p. 32), telle que modifiée par la directive (UE) 2018/410 du Parlement européen et du Conseil, du 14 mars 2018 (JO 2018, L 76, p. 3) (ci-après la « directive 2003/87 »).

4        Conformément à son article 2, paragraphe 1, la directive 2003/87 s’applique aux émissions résultant des activités visées à son annexe I, dont la « [p]roduction de clinker (ciment) dans des fours rotatifs avec une capacité de production supérieure à 500 tonnes par jour, ou dans d’autres types de fours, avec une capacité de production supérieure à 50 tonnes par jour ».

5        L’article 10 ter, paragraphe 1, de la directive 2003/87 détermine les secteurs et sous-secteurs considérés comme étant exposés à un risque de fuite de carbone. En vertu de cette disposition, « [ceux-ci] se voient allouer des quotas à titre gratuit pour la période allant jusqu’en 2030, à concurrence de 100 % de la quantité déterminée conformément à l’article 10 bis ». Selon l’article 10 bis, paragraphe 1, de la même directive, le volume des quotas d’émission à allouer gratuitement aux entreprises relevant des différents secteurs et sous-secteurs est déterminé sur la base de référentiels définis par la Commission par acte délégué. En vertu du paragraphe 2 de cet article, la Commission adopte des actes d’exécution afin de déterminer les valeurs des référentiels pour l’allocation de quotas à titre gratuit notamment au cours de la quatrième période d’application du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (ci-après le « SEQE ») allant de 2021 à 2025.

6        Le règlement délégué (UE) 2019/331 de la Commission, du 19 décembre 2018, définissant des règles transitoires pour l’ensemble de l’Union concernant l’allocation harmonisée de quotas d’émission à titre gratuit conformément à l’article 10 bis de la directive 2003/87 (JO 2019, L 59, p. 8) prévoit des règles détaillées concernant l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit. En vertu de l’article 10, paragraphe 1, de ce règlement délégué, l’exploitant qui demande l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit doit distinguer, au sein de son installation, les sous‑installations qui serviront de base à l’application des règles spécifiques d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit. Le paragraphe 2 du même article prévoit l’attribution aux différentes sous-installations des référentiels « de produit », « de chaleur », « de combustibles » et « avec émissions de procédé », définis, respectivement, aux points 2, 3, 6 et 10 de l’article 2 dudit règlement délégué.

7        Au cours de la troisième période d’application du SEQE, allant de 2013 à 2020, l’activité des trois installations de la requérante produisant du CAC a bénéficié de l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit en application des référentiels de produit de « clinker de ciment blanc » et de « clinker de ciment gris ».

8        Pour la quatrième période d’application du SEQE allant de 2021 à 2025, la requérante a présenté, le 30 mai 2019, une demande d’allocation de quotas à titre gratuit, fondée sur les référentiels de produit de clinker de ciment gris et de clinker de ciment blanc, aux autorités françaises. Au mois de septembre 2019, cette demande a été transmise à la Commission par lesdites autorités. Ces dernières ont indiqué à la requérante, au mois d’octobre 2020, que la Commission considérait que le CAC était un produit différent du ciment ordinaire dit « Portland », que sa production ne devrait pas relever des référentiels de produit de clinker de ciment et qu’il conviendrait d’appliquer un référentiel de repli aux installations de production de CAC.

9        Les référentiels de repli sont, conformément à l’article 10, paragraphe 2, du règlement délégué 2019/331, les référentiels de chaleur, de combustibles et les sous-installations avec émissions de procédé.

10      En ce qui concerne le référentiel de produit de clinker de ciment gris, les FAQ, dans leur version du 22 juillet 2019, énoncent : « Référentiel de clinker de ciment gris : le [CAC] est-il inclus ? Non. Il bénéficiera d’une allocation de quotas à titre gratuit sur la base d’une approche de repli ».

11      Par lettre du 19 octobre 2020 adressée aux autorités françaises, la requérante a contesté la position de la Commission mentionnée au point 8 ci-dessus. Cependant, à la suite d’un échange de courriels avec ces autorités, la requérante a présenté, le 24 novembre 2020, une nouvelle demande d’allocation de quotas à titre gratuit pour la quatrième période d’application du SEQE, fondée sur l’application d’un référentiel de repli.

12      Par lettre du 9 février 2021, la requérante a saisi la ministre française compétente d’une demande visant à ce que, aux fins de l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit lors de la quatrième période d’application du SEQE, l’application des référentiels de produit de clinker de ciment gris et de clinker de ciment blanc à la production de CAC soit maintenue.

13      Par la décision (UE) 2021/355 de la Commission, du 25 février 2021, concernant les mesures nationales d’exécution pour l’allocation transitoire à titre gratuit de quotas d’émission de gaz à effet de serre conformément à l’article 11, paragraphe 3, de la directive 2003/87 (JO 2021, L 68, p. 221), la Commission a accepté les mesures nationales d’exécution proposées par les autorités françaises pour la quatrième période d’application du SEQE. Parmi ces mesures figurait l’allocation, à titre gratuit, à la requérante de quotas d’émission sur la base d’un référentiel de repli, à savoir celui de combustibles, et non au titre de référentiels de produit de clinker de ciment.

14      L’article 14, paragraphe 4, du règlement délégué 2019/331 prévoit que les données résultant des mesures nationales d’exécution ainsi validées sont utilisées pour le calcul des valeurs révisées des référentiels visés à l’article 10 bis, paragraphe 2, de la directive 2003/87.

15      Le 12 mars 2021, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2021/447 déterminant les valeurs révisées des référentiels pour l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit pour la période 2021‑2025, conformément à l’article 10 bis, paragraphe 2, de la directive 2003/87 (JO 2021, L 87, p. 29).

16      En vertu de l’article 14, paragraphe 5, du règlement délégué 2019/331, les États membres déterminent et notifient les quantités annuelles provisoires de quotas alloués gratuitement à chaque installation en utilisant les valeurs révisées des référentiels pour la période d’allocation concernée. Puis, en vertu du paragraphe 7 de cet article, les États membres déterminent et communiquent à la Commission la quantité annuelle finale de quotas d’émission alloués à titre gratuit pour chaque année de la période d’allocation concernée.

17      Dans ce contexte, et en l’absence de réponse de la ministre française compétente à la lettre de la requérante, mentionnée au point 12 ci-dessus, la requérante a saisi le Conseil d’État (France), le 11 mai 2021, d’un recours tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet de cette ministre ainsi que d’un référé, lesquels ont été rejetés par arrêt du 17 février 2023 et par ordonnance du 10 juin 2021, respectivement. Dans son arrêt du 17 février 2023, le Conseil d’État a estimé que l’autorité nationale était tenue de mettre en œuvre le règlement d’exécution 2021/447.

18      Par ailleurs, le 9 juin 2022, la requérante a sollicité auprès de la ministre française compétente l’indemnisation du préjudice résultant de l’adoption, par cette ministre, de l’arrêté du 10 décembre 2021 fixant, d’une part, la liste des exploitants d’installations soumises à autorisation pour les émissions de gaz à effet de serre et, d’autre part, le montant des quotas d’émission à allouer à titre gratuit aux exploitants d’installations éligibles, pour la période allant de 2021 à 2025. La requérante soutenait à l’appui de sa demande que cet arrêté entérinait l’interprétation erronée concernant l’application des référentiels et lui octroyait ainsi un volume de quotas gratuits inférieur à celui attendu eu égard à l’allocation au cours de la période précédente d’application du SEQE.

19      Le 7 octobre 2022, la requérante a saisi le tribunal administratif de Paris (France) en vue d’obtenir l’indemnisation du préjudice résultant de la décision de la ministre française compétente de refuser l’application des référentiels de produit de clinker de ciment gris et de clinker de ciment blanc à la production de CAC, relevée par l’arrêté du 10 décembre 2021. Ce recours était pendant à la date d’introduction du présent recours ainsi qu’à la date du dépôt de la duplique. Par lettre du 25 mars 2024, la requérante a informé le Tribunal que le tribunal administratif de Paris avait rejeté ledit recours, par jugement du 29 février 2024 (ci-après le « jugement du 29 février 2024 »).

 Conclusions des parties

20      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que la Commission a, par les FAQ, adopté une interprétation lui faisant grief et s’imposant aux États membres ;

–        condamner la Commission à réparer le préjudice qu’elle aurait subi du fait de l’adoption des FAQ, chiffré à 40 075 347 euros ;

–        condamner la Commission aux dépens.

21      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable ;

–        en tout état de cause, rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

 Sur la recevabilité du recours

22      Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la Commission fait valoir que le présent recours est irrecevable.

23      La requérante conteste les arguments de la Commission sur la recevabilité du recours.

24      À cet égard, il convient de rappeler que le juge de l’Union est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond un recours, sans statuer préalablement sur sa recevabilité (voir, en ce sens, arrêts du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, points 51 et 52, et du 5 juillet 2023, SE/Commission, T‑223/21, EU:T:2023:375, point 106).

25      Dans les circonstances de l’espèce et dans un souci d’économie de la procédure, il y a lieu d’examiner d’emblée le bien-fondé du présent recours, sans statuer préalablement sur sa recevabilité, celui-ci étant, en tout état de cause et pour les motifs exposés aux points 33 à 93 ci-après, non fondé.

 Sur la recevabilité des documents produits par la requérante après la clôture de la phase écrite de la procédure

26      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 mars 2024, soit après la clôture de la phase écrite de la procédure, la requérante a informé le Tribunal de l’adoption du jugement du 29 février 2024, lequel lui a été notifié le 4 mars 2024. En se prévalant de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, la requérante a demandé le versement de ce jugement au dossier.

27      Le 28 juin 2024, la requérante a déposé plusieurs documents au greffe du Tribunal concernant, d’une part, l’actualisation des valeurs permettant de déterminer, selon elle, le préjudice allégué et, d’autre part, certains développements juridiques qui se sont produits après la clôture de la phase écrite de la procédure et qui seraient pertinents pour l’issue du présent litige.

28      Il convient de rappeler que, selon l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, à titre exceptionnel, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

29      En l’espèce, d’une part, les preuves supplémentaires produites, mentionnées aux points 26 et 27 ci-dessus, concernant des développements juridiques s’étant produits après la clôture de la phase écrite de la procédure sont recevables. D’autre part, quant au document comportant des valeurs actualisées aux fins du calcul du préjudice allégué, mentionné au point 27 ci-dessus, celui-ci ne saurait être assimilé à une preuve nouvelle, de sorte qu’il est également recevable. En effet, par ledit document, la requérante ne cherche ni à attester de la matérialité du préjudice allégué, ni à corroborer celle-ci, mais s’est bornée à fournir des précisions en ce qui concerne le montant exact de ce préjudice, sans en modifier les éléments constitutifs, tels qu’ils ressortent de la requête.

30      Par ailleurs, en application de l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a demandé à la requérante de produire le courriel de la Commission du 3 novembre 2020 adressé aux autorités françaises, qu’elle avait mentionné dans sa requête et dans sa réplique. Or, le document déposé le 10 juin 2024 au greffe du Tribunal ne comporte pas ce courriel, mais fait état d’un échange de courriels entre les autorités françaises et la requérante qui a eu lieu entre le 8 juin et le 16 novembre 2020.

31      Toutefois, le courriel du 16 novembre 2020 reproduit une position de la Commission, non datée, que celle-ci a communiquée aux autorités françaises en réponse à un courriel envoyé le 2 novembre 2020 par ces dernières. Partant, si le courriel du 16 novembre 2020 ne permet pas de prouver l’existence du courriel du 3 novembre 2020 évoqué par la requérante, il témoigne toutefois d’une prise de position par la Commission entre le 2 et le 16 novembre 2020. En outre, la requérante a admis qu’elle avait commis une erreur lorsqu’elle s’était référée au courriel du 3 novembre 2020.

32      Dans ces conditions, il convient de considérer que, par l’acte déposé au greffe du Tribunal le 10 juin 2024, la requérante cherchait non pas à produire une preuve nouvelle, au sens de l’article 85 du règlement de procédure, mais à répondre à la mesure d’organisation de la procédure du Tribunal, de sorte que le document transmis est recevable.

 Sur le fond

33      Par ses deux moyens, qu’il convient d’examiner ensemble, la requérante soutient que l’adoption par la Commission des FAQ et, à titre subsidiaire, l’adoption par celle-ci du règlement d’exécution 2021/447, en méconnaissance de l’article 10 bis de la directive 2003/87, constitue une violation suffisamment caractérisée de plusieurs règles de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, qui est à l’origine du préjudice allégué.

34      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 340, deuxième alinéa, TFUE prévoit que, en matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.

35      Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre la violation de l’obligation qui incombe à l’auteur de l’acte et le dommage subi par les personnes lésées (voir arrêt du 19 janvier 2022, Deutsche Telekom/Commission, T‑610/19, EU:T:2022:15, point 31 et jurisprudence citée).

36      Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union. En outre, le juge de l’Union n’est pas tenu d’examiner ces conditions dans un ordre déterminé (voir arrêt du 19 janvier 2022, Deutsche Telekom/Commission, T‑610/19, EU:T:2022:15, point 32 et jurisprudence citée).

37      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les conclusions en indemnité formulées par la requérante. En l’espèce, le Tribunal estime opportun d’entamer cet examen par l’appréciation de la condition relative au lien de causalité entre la violation alléguée et le dommage invoqué.

38      S’agissant de la condition relative au lien de causalité posée à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, il ressort de la jurisprudence qu’elle porte sur l’existence d’un lien suffisamment direct de cause à effet entre le comportement des institutions de l’Union et le dommage, lien dont il appartient à la partie requérante d’apporter la preuve, de telle sorte que le comportement reproché doit être la cause déterminante du préjudice (voir arrêt du 5 septembre 2019, Union européenne/Guardian Europe et Guardian Europe/Union européenne, C‑447/17 P et C‑479/17 P, EU:C:2019:672, point 32 et jurisprudence citée).

39      Plus précisément, le préjudice doit découler de manière suffisamment directe du comportement illégal, ce qui exclut, en particulier, les dommages qui ne seraient qu’une conséquence éloignée de ce comportement (arrêt du 5 septembre 2019, Union européenne/Guardian Europe et Guardian Europe/Union européenne, C‑447/17 P et C‑479/17 P, EU:C:2019:672, point 135, et ordonnance du 12 décembre 2007, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑113/04, non publiée, EU:T:2007:377, point 40).

40      À cet égard, il convient de relever que, dans ses écritures, la requérante soutient que, par les FAQ et, à titre subsidiaire, par le règlement d’exécution 2021/447, dans la mesure où ce règlement comporterait implicitement les règles d’interprétation énoncées explicitement dans les FAQ en ce qui concerne le référentiel applicable à la production de CAC, la Commission a, en méconnaissance de l’article 10 bis de la directive 2003/87, réinterprété les règles relatives à l’allocation, à titre gratuit, des quotas d’émission aux producteurs de CAC, tels que la requérante, lors de la quatrième période d’application du SEQE. Ce faisant, la Commission aurait violé les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime ainsi que l’article 6 de la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998, ce qui constituerait une faute de nature à engager la responsabilité de la Commission.

41      Ce comportement lui aurait causé un préjudice au motif que, pour la quatrième période d’application du SEQE, le nombre de quotas d’émission qui lui a été alloué à titre gratuit, calculé, à tort, en application d’un référentiel de repli, serait moins important que celui auquel elle aurait pu prétendre si la Commission avait appliqué, comme pour la troisième période d’application du SEQE, les référentiels de produit de clinker de ciment gris et de clinker de ciment blanc.

42      En ce qui concerne spécifiquement les FAQ, la requérante fait valoir que, bien que celles-ci n’aient pas d’effet juridiquement contraignant, elles avaient été présentées par la Commission comme étant contraignantes et elles avaient produit des effets matériels. En particulier, les FAQ auraient été interprétées, par les autorités et juridictions françaises, comme étant contraignantes. Il y aurait donc lieu de considérer que ces autorités et juridictions se trouvaient en situation de compétence liée, sans marge d’appréciation, et qu’elles se sont fondées sur les FAQ lorsqu’elles ont établi la liste des installations couvertes par le SEQE aux fins de sa présentation à la Commission.

43      Par ailleurs, interrogée par le Tribunal lors de l’audience sur les effets de la décision 2021/355 en ce qui concerne le préjudice prétendument subi en raison de l’application d’un référentiel de repli à ses installations de production de CAC, la requérante a soutenu qu’il y avait lieu d’interpréter sa requête comme établissant, du moins implicitement, que la décision 2021/355 aurait également été à l’origine de ce préjudice. En effet, cette décision aurait repris l’interprétation de la portée des référentiels déjà retenue dans les FAQ et devrait être rattachée au préjudice allégué au même titre que les FAQ ainsi que le règlement d’exécution 2021/447. L’ensemble de ces actes constituerait un bloc réglementaire et ferait nécessairement l’objet des débats dans le présent litige. Partant, le comportement reproché en l’espèce à la Commission comprendrait également la décision 2021/355.

44      Il y a lieu d’écarter d’emblée l’argumentation relative à cette interprétation de la requête, avancée par la requérante lors de l’audience.

45      En l’espèce, ni la requête ni la réplique ne mentionnent la décision 2021/355. Il en va également ainsi de leurs annexes. Contrairement à ce que soutient la requérante, cette décision n’a pas non plus été évoquée par le Conseil d’État dans son arrêt du 17 février 2023, qui s’est fondé, ainsi qu’il ressort du point 71 ci-après, uniquement sur le règlement d’exécution 2021/447.

46      En outre, l’argumentation développée par la requérante à l’appui de son recours fait largement abstraction de la réglementation régissant la détermination des référentiels applicables aux installations relevant du SEQE en vue de l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit. En particulier, une présentation claire et exhaustive des différentes étapes de cette procédure fait défaut.

47      À cet égard, les écritures de la requérante ne permettent pas de comprendre qu’elle soutenait que la décision 2021/355 contribuait d’une quelconque manière à la détermination des référentiels applicables à l’activité de production de CAC. Or, c’est précisément l’application d’un référentiel de repli qui serait, selon la requérante, à l’origine du préjudice allégué, à savoir l’allocation d’un nombre de quotas moins élevé que celui qu’elle aurait obtenu sur le fondement des référentiels de produit de clinker de ciment gris et de clinker de ciment blanc.

48      Il convient donc de constater qu’il ne ressort ni des conclusions en indemnité ni des moyens invoqués à leur soutien que la requérante aurait reproché à la Commission, même implicitement, l’adoption de la décision 2021/355 ou encore qu’elle aurait considéré que cette décision faisait partie d’un ensemble d’actes composé, par ailleurs, des FAQ et du règlement d’exécution 2021/447 qui aurait été à l’origine du préjudice qu’elle invoque.

49      Au demeurant, dans l’hypothèse où il conviendrait de considérer que, par son argumentation relative à la décision 2021/355, la requérante cherche à soulever un moyen supplémentaire non contenu dans sa requête, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, la production de moyens ou d’arguments nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ou ces arguments ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure ou qu’ils constituent l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci (voir arrêt du 12 mai 2021, Alba Aguilera e.a./SEAE, T‑119/17 RENV, EU:T:2021:254, point 121 et jurisprudence citée).

50      Or, eu égard aux considérations qui précèdent, ce moyen ne saurait être considéré comme une ampliation d’un moyen déjà énoncé dans la requête. En outre, force est de constater que la décision 2021/355, publiée au Journal officiel de l’Union européenne, constitue un élément de droit qui était ou, du moins, aurait dû être connu par la requérante au moment de l’introduction de son recours. Partant, ledit moyen a été présenté tardivement et doit être écarté comme étant irrecevable.

51      En ce qui concerne l’argumentation exposée aux points 40 à 42 ci-dessus, il y a lieu de déterminer si, par celle-ci, la requérante parvient à démontrer l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché et le préjudice allégué, ce dernier résultant, selon elle, de l’application d’un référentiel de repli à ses installations de production de CAC au lieu de l’application des référentiels de clinker de ciment gris et de clinker de ciment blanc.

52      Partant, il convient d’identifier, d’une part, l’acte qui a déterminé le référentiel applicable aux installations de production de CAC de la requérante aux fins de l’allocation de quotas d’émission lors de la quatrième période d’application du SEQE.

53      D’autre part, il convient d’analyser la nature et l’objet des FAQ ainsi que leurs effets prétendument produits au niveau national au moment de l’établissement des mesures nationales d’exécution transmises à la Commission dans le cadre de la procédure visant à déterminer le référentiel applicable aux installations de production de CAC de la requérante.

54      Par ailleurs, en réponse à l’argumentation développée par la requérante à titre subsidiaire, selon laquelle le règlement d’exécution 2021/447 serait à l’origine du préjudice allégué, l’objet de ce règlement d’exécution et son rôle dans le SEQE doivent être appréciés.

 Sur la détermination des référentiels applicables

55      Il convient de rappeler que, pour être éligible à l’allocation de quotas à titre gratuit, une installation doit être incluse dans les mesures nationales d’exécution dont l’adoption, par l’État membre sur le territoire duquel elle est située, est prévue à l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2003/87. Conformément au paragraphe 3 dudit article, les États membres ne peuvent accorder de quotas à titre gratuit aux installations dont la Commission a refusé l’inscription (arrêt du 26 juillet 2023, Arctic Paper Grycksbo/Commission, T‑269/21, EU:T:2023:429, point 37).

56      En particulier, il ressort de l’article 11, paragraphe 3, de la directive 2003/87 que la Commission accepte ou refuse les « mesures nationales d’exécution » au début de chaque période d’application du SEQE. Ces mesures comportent, conformément à l’article 10, paragraphe 2, et à l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué 2019/331, lus en combinaison avec son annexe IV, notamment une description des installations et sous-installations relevant du SEQE et de leur activité ainsi que la détermination des référentiels applicables à ces installations.

57      À cet égard, l’article 10, paragraphe 2, du règlement délégué 2019/331, lu en combinaison avec le considérant 14 et l’article 2, points 2, 3, 6 et 10, de ce règlement, distingue, notamment, les installations avec référentiel de produit, avec référentiel de chaleur, avec référentiel de combustibles et avec émissions de procédé, étant entendu que ces référentiels sont mutuellement exclusifs (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 8 septembre 2016, Borealis e.a., C‑180/15, EU:C:2016:647, points 61 et 62).

58      Conformément à l’article 4, à l’article 6 ainsi qu’à l’article 10, paragraphes 1 et 2, du règlement délégué 2019/331, les opérateurs peuvent soumettre aux autorités nationales compétentes leurs demandes d’allocation des quotas d’émission à titre gratuit. À cette fin, ils recueillent eux-mêmes les données relatives à leurs installations et déterminent, en fonction de celles-ci, les référentiels applicables. Les demandes d’allocation comprenant l’ensemble de ces données doivent être soumises auxdites autorités nationales. S’agissant de la quatrième période d’application du SEQE, l’article 4, paragraphe 1, du règlement délégué 2019/331 exige, en principe, que ces demandes soient présentées avant le 30 mai 2019.

59      En vertu de l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2003/87, lu en combinaison avec l’article 14, paragraphes 1 et 2, du règlement délégué 2019/331, les autorités nationales établissent, sur le fondement des données reçues, les mesures nationales d’exécution, à savoir, en substance, une liste des installations soumises au SEQE, dont les installations demandant l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit. Conformément à l’article 11, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2003/87, pour la quatrième période d’application du SEQE, ces mesures nationales d’exécution devaient être présentées à la Commission jusqu’au 30 septembre 2019.

60      Il ressort de l’article 11, paragraphe 3, de la directive 2003/87, lu en combinaison avec l’article 14, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2019/331, qu’il incombe, par la suite, à la Commission d’examiner l’inscription de chaque installation sur les listes nationales ainsi que les données associées fournies. Au terme de cet examen, la Commission adopte une décision par laquelle elle valide ou rejette, en tout ou en partie, les mesures nationales d’exécution, dont le choix des référentiels applicables aux installations relevant du SEQE en vue de l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit.

61      En l’espèce, s’agissant de la quatrième période d’application du SEQE, en adoptant la décision 2021/355, la Commission a validé notamment les mesures nationales d’exécution qui lui ont été transmises par les autorités françaises et qui prévoyaient l’allocation de quotas à la requérante pour la production de CAC en application d’un référentiel de repli. Ainsi, par cette décision, la Commission a définitivement déterminé le référentiel applicable à cette activité.

62      Cette description de la procédure, permettant de déterminer les référentiels applicables aux installations des opérateurs relevant du SEQE ainsi que, in fine, le nombre de quotas d’émission à allouer par les autorités nationales, a été confirmée, en substance, par la requérante ainsi que par la Commission lors de l’audience.

63      Il s’ensuit que c’est la décision 2021/355 qui a déterminé de manière définitive la situation juridique de la requérante en ce qui concerne le référentiel applicable à ses installations pour la production de CAC en vue de l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit au cours de la quatrième période d’application du SEQE.

 Sur la nature et l’objet des FAQ ainsi que sur leur perception par les autorités françaises

64      S’agissant des FAQ, il convient de constater qu’elles n’ont aucunement déployé d’effets de nature à affecter la situation juridique de la requérante. En effet, les FAQ constituent un simple document d’orientation. Elles énoncent elles-mêmes qu’elles ne reflètent pas une position officielle de la Commission et qu’elles ne sont pas juridiquement contraignantes.

65      Dans son arrêt du 11 novembre 2021, Energieversorgungscenter Dresden-Wilschdorf (C‑938/19, EU:C:2021:908, point 109), la Cour a confirmé que des documents tels que les FAQ sont dépourvus de valeur contraignante, ce que la requérante a reconnu dans sa requête, en se référant au même arrêt, ainsi qu’à l’occasion de l’audience.

66      Certes, malgré l’absence de valeur contraignante, les FAQ remplissaient une fonction importante permettant aux opérateurs économiques et aux États membres d’avoir une indication relative à la position que la Commission comptait retenir en ce qui concerne le champ d’application du référentiel de produit de clinker de ciment gris, tel que défini à l’annexe I du règlement délégué 2019/331.

67      Toutefois, en l’espèce, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 63 ci-dessus, ce n’est que par l’adoption de la décision 2021/355 que la Commission a définitivement entériné sa position en ce qui concerne le référentiel applicable aux installations de production de CAC de la requérante, de manière à affecter la position juridique de cette dernière.

68      Quant au courriel du 16 novembre 2020 adressé par les autorités françaises à la requérante, s’il fait effectivement état de la position de la Commission en ce qui concerne le référentiel applicable à la production de CAC, en ce sens que cette production ne relève pas du référentiel de produit de clinker de ciment, il ne permet pas de considérer, contrairement à ce que soutient la requérante, que la Commission aurait présenté les FAQ comme étant contraignantes à cet égard.

69      Par ailleurs, eu égard aux considérations qui précèdent, la requérante ne saurait valablement soutenir que les autorités et juridictions nationales étaient d’une quelconque manière liées par les FAQ lorsqu’elles ont transmis les mesures nationales d’exécution à la Commission.

70      Contrairement à ce que soutient la requérante, les juridictions françaises n’ont pas interprété les FAQ comme étant contraignantes. Certes, dans son arrêt du 17 février 2023, le Conseil d’État a jugé, tout comme le tribunal administratif de Paris dans son jugement du 29 février 2024, que les autorités françaises se trouvaient en situation de compétence liée en ce qui concerne les référentiels applicables. Ces juridictions se sont toutefois référées non pas à la transmission, par ces autorités, des mesures nationales d’exécution à la Commission, mais à une étape ultérieure de la procédure d’allocation des quotas d’émission à titre gratuit, à savoir l’exécution, au niveau national, des actes adoptés par la Commission après réception desdites mesures.

71      Plus précisément, le Conseil d’État a estimé que « l’autorité nationale [était] tenue de mettre en œuvre le règlement d’exécution [2021/447] » et, selon le tribunal administratif de Paris, « l’autorité nationale est tenue de mettre en œuvre la liste des installations telle que la Commission européenne l’a approuvée, y compris pour ce qui concerne [...] notamment [...] le référentiel applicable à la production de chaque installation », de sorte que « la ministre [française compétente] ne pouvait qu’allouer à la [requérante] les quotas gratuits résultant de la liste telle qu’approuvée par la Commission européenne et conforme aux référentiels arrêtés par celle-ci ».

72      C’est également en vain que la requérante soutient que, eu égard aux FAQ, les autorités françaises auraient considéré qu’elles se trouvaient dans une situation de compétence liée lorsqu’elles transmettaient les mesures nationales d’exécution à la Commission.

73      À cet égard, il suffit de constater que le dossier dont dispose le Tribunal ne permet pas de considérer que ces autorités se considéraient effectivement liées par les FAQ.

74      En effet, le 30 mai 2019, la requérante a sollicité l’allocation des quotas d’émission à titre gratuit pour la quatrième période d’application du SEQE pour ses installations de production de CAC au titre des référentiels de produit de clinker de ciment gris et de clinker de ciment blanc. En septembre 2019, les autorités françaises ont transmis cette demande à la Commission qui, au mois d’octobre 2020, leur a fait savoir qu’elle allait refuser cette demande. Cette information a été relayée par les autorités françaises à la requérante au courant du même mois. En réponse, la requérante a indiqué aux autorités françaises, par lettre du 19 octobre 2020, qu’elle continuait à considérer que l’application des référentiels de produit de clinker de ciment gris et de clinker de ciment blanc était justifiée.

75      Après avoir recontacté la Commission au début du mois de novembre, les autorités françaises ont adressé à la requérante le courriel du 16 novembre 2020, visé aux points 30 et 31 ci-dessus. Il ressort de ce dernier que la Commission a réitéré sa position déjà exprimée dans les FAQ et qu’elle a indiqué expressément que l’allocation des quotas d’émission pour la production de CAC devait être effectuée sur la base d’un référentiel de repli. En revanche, ainsi qu’il a été relevé au point 68 ci-dessus, ledit courriel ne permet pas d’affirmer que la Commission aurait présenté les FAQ comme étant contraignantes.

76      Par le même courriel, les autorités françaises ont demandé à la requérante de présenter une nouvelle demande d’allocation des quotas d’émission à titre gratuit, sur le fondement non pas de référentiels de produit, mais sur la base d’un référentiel de repli. Une telle demande a été effectivement introduite par la requérante le 24 novembre 2020, ce qui ressort de l’arrêt du Conseil d’État du 17 février 2023, cité dans la requête. La requérante a confirmé ces faits lors de l’audience, tout en indiquant que les autorités françaises ont « proposé » d’utiliser un référentiel de repli, ce qu’elle a accepté par « précaution », afin de ne pas « tout perdre ».

77      Ce n’est qu’après le dépôt de la nouvelle demande d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit que, par lettre du 9 février 2021, la requérante a demandé aux autorités françaises de lui allouer, en dépit de ladite demande, des quotas d’émission sur la base des référentiels de produit de clinker de ciment gris et de clinker de ciment blanc.

78      En revanche, il ne ressort pas des éléments du dossier dont dispose le Tribunal et exposés ci-dessus que la requérante aurait demandé aux autorités françaises de maintenir auprès de la Commission la demande initiale d’allocation des quotas d’émission du 30 mai 2019. De même, il n’est nullement établi que ces autorités auraient refusé une telle démarche.

79      Ainsi qu’il découle du point 70 ci-dessus, ce dernier constat ne saurait être infirmé par les décisions des juridictions françaises invoquées par la requérante. Ces décisions ont d’ailleurs été adoptées après la présentation définitive, à la Commission, des mesures nationales d’exécution établies par les autorités françaises sur le fondement de la nouvelle demande d’allocation de quotas du 24 novembre 2020.

80      Au demeurant, en adoptant un document juridiquement non contraignant, tel que les FAQ, la Commission ne saurait modifier la portée des référentiels qui figurent à l’annexe I du règlement délégué 2019/331.

81      Une telle modification a été envisagée par la Commission lorsqu’elle a adopté le règlement délégué (UE) 2024/873, du 30 janvier 2024, modifiant le règlement délégué 2019/331 en ce qui concerne les règles transitoires pour l’ensemble de l’Union concernant l’allocation harmonisée de quotas d’émission à titre gratuit (JO L, 2024/873).

82      Il ressort du document de la Commission intitulé « Document d’orientation no 9 sur la méthodologie harmonisée d’allocation gratuite pour le SEQE – version révisée 2024 » (« Guidance Document no 9 on the harmonised free allocation methodology for the EU ETS – 2024 revision ») que cette modification de la définition des référentiels de produit de clinker de ciment gris et de clinker de ciment blanc par le règlement délégué 2024/873 vise à y inclure la production de CAC.

83      Il résulte des considérations qui précèdent que l’adoption des FAQ, y compris envisagée au regard du comportement des autorités et juridictions nationales, n’est pas susceptible de constituer la cause déterminante du préjudice prétendument subi par la requérante et correspondant à la différence entre, d’une part, le volume des quotas qui, pour la période allant de 2021 à 2025, aurait dû lui être alloué en application des référentiels de produit de clinker de ciment gris et de clinker de ciment blanc et, d’autre part, le volume effectivement alloué pour cette période en application d’un référentiel de repli. En effet, les FAQ n’ont pas déterminé le référentiel applicable à la production de CAC dans les installations de la requérante. Les FAQ se sont limitées à mentionner, à titre purement informatif, l’approche que la Commission envisageait de suivre à l’avenir. C’est uniquement la décision 2021/355 qui peut avoir été la cause déterminante du préjudice allégué par la requérante, à le supposer établi.

84      Il s’ensuit que c’est à tort que la requérante soutient qu’il existerait un lien de causalité suffisamment direct, au sens de la jurisprudence citée aux points 38 et 39 ci-dessus, entre ce préjudice et les FAQ.

 Sur la nature et l’objet du règlement d’exécution 2021/447

85      En ce qui concerne l’argumentation invoquée par la requérante à titre subsidiaire, visant à établir l’existence d’un lien de causalité suffisamment direct entre le règlement d’exécution 2021/447 et le préjudice allégué, il convient de constater qu’un tel lien fait également défaut. En effet, ce règlement ne détermine aucunement les référentiels applicables aux installations relevant du SEQE, mais procède seulement à une actualisation des valeurs associées à ces référentiels. Par conséquent, il ne saurait être à l’origine du préjudice allégué.

86      À cet égard, il ressort de l’article 10 bis, paragraphe 2, troisième alinéa, de la directive 2003/87 que la Commission adopte des actes d’exécution afin de déterminer les valeurs révisées des référentiels pour l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit. Il ressort de la même disposition, sous a), que, pour la quatrième période d’application du SEQE, les valeurs des référentiels sont déterminées sur la base des informations fournies en application de l’article 11 de ladite directive. Cet article prévoit, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 59 ci-dessus, la présentation des mesures nationales d’exécution à la Commission qui comportent, en substance, une liste des installations soumises au SEQE.

87      En vertu de l’article 14, paragraphe 4, du règlement délégué 2019/331, si la Commission ne rejette pas l’inscription d’une installation sur cette liste, les données ainsi recueillies sont utilisées pour le calcul des valeurs révisées des référentiels visés à l’article 10 bis, paragraphe 2, de la directive 2003/87.

88      Il ressort notamment des considérants 3 et 4 du règlement d’exécution 2021/447 que les données des installations dont l’inscription a été validée par l’adoption de la décision 2021/355 ont été utilisées par la Commission afin de déterminer les valeurs révisées des référentiels pour la quatrième période d’application du SEQE. Conformément à l’article 1er de ce règlement d’exécution, ces valeurs révisées figurent dans son annexe.

89      Cette annexe comporte une liste des différents référentiels et leur associe des valeurs, exprimées en quotas par tonne. Elle prévoit expressément que « les définitions des produits couverts et des procédés et émissions couverts (limites du système) figurant à l’annexe I du règlement délégué (UE) 2019/331 s’appliquent ». En d’autres termes, ce règlement n’affecte aucunement les définitions des référentiels ou leur portée.

90      Certes, il découle de l’article 10 bis, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2003/87 ainsi que du considérant 3 du règlement d’exécution 2021/447 que les valeurs révisées des référentiels reposent sur la performance moyenne des 10 % d’installations les plus efficaces. Ainsi, du fait que les installations de production de CAC ne sont pas incluses dans les référentiels de produit de clinker de ciment gris et de clinker de ciment blanc, les émissions associées à celles-ci n’ont pas été utilisées pour la détermination des valeurs révisées de ces référentiels. Toutefois, cette circonstance n’est que la conséquence nécessaire de la détermination, par la décision 2021/355, des référentiels applicables aux installations relevant du SEQE en vue de l’allocation des quotas d’émission à titre gratuit.

91      Partant, la requérante ne saurait soutenir que, par le règlement d’exécution 2021/447, la Commission aurait implicitement interprété ou déterminé la portée des référentiels de produit de clinker de ciment gris et de clinker de ciment blanc.

92      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, en l’espèce, la requérante n’a pas établi l’existence d’un lien de causalité suffisamment direct entre, d’une part, le comportement reproché, à savoir l’adoption des FAQ et, à titre subsidiaire, du règlement d’exécution 2021/447, et, d’autre part, le préjudice allégué.

93      Par conséquent, l’une des conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union n’étant pas remplie, il y a lieu, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 36, 38 et 39 ci-dessus, de rejeter le présent recours, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions.

 Sur les dépens

94      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Imerys Aluminates Groupe est condamnée aux dépens.

Svenningsen

Laitenberger

Stancu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 novembre 2024.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

S. Papasavvas


*      Langue de procédure : le français.

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