Duro Felguera v Commission (State aid - Aid granted by the Spanish authorities to certain economic interest groupings (EIGs) and their investors - Judgment) French Text [2024] EUECJ T-401/14 (15 May 2024)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T40114.html
Cite as: ECLI:EU:T:2024:318, [2024] EUECJ T-401/14, EU:T:2024:318

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

15 mai 2024 (*)

« Aides d’État – Aide accordée par les autorités espagnoles en faveur de certains groupements d’intérêt économique (GIE) et de leurs investisseurs – Régime fiscal applicable à certains accords de location-financement pour l’acquisition de navires (régime espagnol de leasing fiscal) – Décision déclarant l’aide pour partie incompatible avec le marché intérieur et ordonnant partiellement sa récupération – Disparition partielle de l’objet du litige – Non-lieu à statuer partiel – Article 107, paragraphe 1, TFUE – Obligation de motivation – Aide nouvelle – Récupération – Clauses contractuelles protégeant les bénéficiaires contre la récupération d’une aide d’État illégale et incompatible avec le marché intérieur – Répartition des compétences entre la Commission et les autorités nationales »

Dans les affaires jointes T‑401/14, T‑406/14 à T‑408/14, T‑415/14 à T‑417/14, T‑433/14, T‑442/14 et T‑443/14,

Duro Felguera, SA, établie à Gijón (Espagne), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe (1), représentées, dans les affaires T‑401/14, T‑406/14 à T‑408/14, T‑415/14, T‑433/14, T‑442/14 et T‑443/14, par Me C. Pariente Araque, avocate, dans l’affaire T‑416/14, par Me O. Pastor Moreno Montserrat, avocate, et, dans l’affaire T‑417/14, par Mes Pariente Araque et C. Repaci, avocates,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Carpi Badía et Mme P. Němečková, en qualité d’agents, assistés de Me M. Segura Catalán, avocate,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),

composé de MM. A. Kornezov, président, G. De Baere, D. Petrlík, K. Kecsmár et Mme S. Kingston (rapporteure), juges,

greffier : Mme P. Nuñez Ruiz, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure, notamment :

–        l’ordonnance du 10 septembre 2014 portant jonction des affaires T‑401/14, T‑406/14 à T‑408/14, T‑415/14 à T‑417/14, T‑433/14, T‑442/14 et T‑443/14 aux fins des phases écrite et orale de la procédure ainsi que de la décision mettant fin à l’instance,

–        la décision du 2 mars 2016 de suspendre la procédure jusqu’à la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, EU:C:2018:591),

–        la décision du 21 novembre 2018 de suspendre la procédure jusqu’à ce que les décisions mettant fin à l’instance dans les affaires T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV soient passées en force de chose jugée,

–        la mesure d’organisation de la procédure du 23 février 2023 invitant les parties à se prononcer sur les conséquences à tirer de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), pour le traitement des affaires,

–        la réponse des requérantes du 15 mars 2023 invitant le Tribunal à constater d’office que les recours sont devenus sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer en application de l’article 131, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal,

–        la réponse de la Commission du 16 mars 2023 selon laquelle, en substance, l’ensemble des questions soulevées dans le cadre des présents recours ont été tranchées dans les recours concernés par l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), et les recours doivent être rejetés comme étant non fondés, sauf en ce qui concerne les deuxièmes et quatrièmes moyens, sur lesquels il n’y aura plus lieu de statuer lorsqu’elle aura adopté les mesures que comporte l’exécution dudit arrêt,

–        la mesure d’organisation de la procédure du 26 mai 2023 invitant les requérantes, d’une part, à se conformer aux exigences de l’article 130, paragraphe 2, du règlement de procédure si elles entendent demander au Tribunal de déclarer qu’il n’y a plus lieu de statuer dans cette affaire et, d’autre part, à préciser si, dans l’hypothèse où le Tribunal considérerait qu’il y a lieu de statuer, ladite demande devrait être comprise comme étant une demande de désistement,

–        la demande de non-lieu à statuer déposée par les requérantes le 16 juin 2023 ainsi que les observations de la Commission déposées le 5 juillet 2023,

–        l’ordonnance de jonction de la demande de non-lieu à statuer au fond du 21 septembre 2023,

à la suite de l’audience du 16 novembre 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par leurs recours fondés sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Duro Felguera, SA et les autres personnes morales dont les noms figurent en annexe, demandent l’annulation de la décision 2014/200/UE de la Commission, du 17 juillet 2013, concernant l’aide d’État SA.21233 C/11 (ex NN/11, ex CP 137/06) mise à exécution par l’Espagne – Régime fiscal applicable à certains accords de location-financement, également appelé « régime espagnol de leasing fiscal » (JO 2014, L 114, p. 1, ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

 Sur la décision attaquée

2        À la suite de plaintes dénonçant le fait que le régime espagnol de leasing fiscal tel qu’il était appliqué à certains accords de location‑financement pour l’acquisition de navires (ci-après le « RELF ») permettait aux compagnies maritimes d’acquérir des navires construits par des chantiers navals espagnols en bénéficiant de prix réduits de 20 à 30 %, la Commission européenne a ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, par la décision C(2011) 4494 final, du 29 juin 2011 (JO 2011, C 276, p. 5, ci‑après la « décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen »).

3        Au cours de la procédure formelle d’examen, la Commission a constaté que le RELF avait été utilisé, jusqu’à la date d’adoption de sa décision mentionnée au point 2 ci-dessus, pour des transactions consistant dans la construction de navires par les chantiers navals et leur acquisition par des compagnies maritimes ainsi que dans le financement de ces transactions par l’intermédiaire d’une structure juridique et financière ad hoc montée par une banque. Le RELF impliquait, pour chaque commande de navire, une compagnie maritime, un chantier naval, une banque, une société de location-vente et un groupement d’intérêt économique (GIE) constitué par cette banque et des investisseurs acquérant des participations dans ce GIE. Ce dernier prenait à bail le navire d’une société de location-vente dès le début de sa construction, puis louait celui-ci à une compagnie maritime sous couvert d’un contrat d’affrètement coque nue. Ledit GIE s’engageait à acheter ledit navire à la fin du contrat de location-vente, tandis que la compagnie maritime s’engageait à l’acheter à la fin du contrat d’affrètement coque nue. Selon la décision attaquée, il s’agissait d’un montage fiscal destiné à générer des avantages fiscaux en faveur d’investisseurs regroupés au sein d’un GIE « fiscalement transparent » en ce sens que les bénéfices et les pertes enregistrés par le GIE étaient transférés automatiquement aux investisseurs résidant en Espagne au prorata de leur participation dans le GIE, et à transférer une partie de ces avantages à une compagnie maritime sous la forme d’un rabais sur le prix du même navire.

4        La Commission a constaté que les opérations réalisées au titre du RELF combinaient cinq mesures prévues dans plusieurs dispositions du Real Decreto Legislativo 4/2004, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley del Impuesto sobre Sociedades (décret royal législatif 4/2004, par lequel est approuvé le texte refondu de la loi sur les impôts sur les sociétés), du 5 mars 2004 (BOE no 61, du 11 mars 2004, p. 10951, ci‑après la « loi sur l’impôt des sociétés »), et du Real Decreto 1777/2004, por el que se aprueba el Reglamento del Impuesto sobre Sociedades (décret royal 1777/2004, par lequel est approuvé le règlement de l’impôt sur les sociétés), du 30 juillet 2004 (BOE no 189, du 6 août 2004, p. 28377, ci-après le « règlement sur l’impôt des sociétés »). Ces cinq mesures étaient l’amortissement accéléré des actifs pris à bail prévu à l’article 115, paragraphe 6, de ladite loi, l’application discrétionnaire de l’amortissement anticipé résultant de l’article 48, paragraphe 4, de l’article 115, paragraphe 11, de cette loi ainsi que de l’article 49 dudit règlement, les dispositions relatives aux GIE, le régime de la taxation au tonnage prévu aux articles 124 à 128 de la même loi et les dispositions de l’article 50, paragraphe 3, de ce règlement.

5        Conformément à l’article 115, paragraphe 6, de la loi sur l’impôt des sociétés, l’amortissement accéléré commençait à la date à laquelle l’actif pris à bail était en état de fonctionner, c’est-à-dire pas avant que cet actif ne fût remis au preneur et que celui-ci commençât à l’utiliser. Néanmoins, l’article 115, paragraphe 11, de ladite loi prévoyait que le ministère de l’Économie et des Finances espagnol pouvait, sur demande formelle du preneur, fixer une date antérieure pour le début de l’amortissement concerné. Cet article imposait deux conditions générales pour l’amortissement anticipé. Les conditions spécifiques applicables aux GIE figuraient à l’article 48, paragraphe 4, de la même loi. La procédure d’autorisation prévue à l’article 115, paragraphe 11, de cette loi était détaillée à l’article 49 du règlement sur l’impôt des sociétés.

6        Le régime de la taxation au tonnage a été autorisé en tant qu’aide d’État compatible avec le marché intérieur en vertu des orientations communautaires sur les aides d’État au transport maritime du 5 juillet 1997 (JO 1997, C 205, p. 5), telles que modifiées par la communication C(2004) 43 de la Commission (JO 2004, C 13, p. 3) (ci-après les « orientations maritimes »), par la décision C(2002) 582 final de la Commission, du 27 février 2002, concernant l’aide d’État N 736/2001 mise à exécution par l’Espagne – Régime pour la taxation des sociétés de transport maritime en fonction du tonnage (JO 2004, C 38, p. 4), modifiée par la décision C(2004) 1931 final de la Commission, du 2 juin 2004, concernant l’aide d’État N 528/2003 mise à exécution par l’Espagne – Modification du régime pour la taxation des sociétés de transport maritime en fonction du tonnage (JO 2005, C 77, p. 29). Dans le cadre de ce régime, les entreprises inscrites à l’un des registres des compagnies maritimes et qui ont obtenu une autorisation de l’administration fiscale à cette fin sont imposées non pas en fonction de leurs gains et de leurs pertes, mais sur la base de leur tonnage. La législation espagnole permet aux GIE de s’inscrire à l’un de ces registres, bien qu’ils ne soient pas des compagnies maritimes.

7        L’article 125, paragraphe 2, de la loi sur l’impôt des sociétés prévoyait une procédure spéciale pour les navires déjà acquis au moment du passage au régime de la taxation au tonnage et pour les navires usagés acquis lorsque l’entreprise bénéficiait déjà de ce régime. En appliquant normalement ledit régime, les plus-values éventuelles étaient imposées en passant sous le même régime et il était supposé que la taxation des plus-values, quoique retardée, avait lieu lorsque le navire était vendu ou démoli. Toutefois, par dérogation à cette disposition, l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés disposait que, lorsque les navires étaient achetés par l’intermédiaire d’une option d’achat dans le cadre d’un contrat de location-vente préalablement approuvé par les autorités fiscales, ils étaient considérés comme étant des navires neufs et non usagés, au sens de l’article 125, paragraphe 2, de ladite loi, sans tenir compte du fait qu’ils étaient déjà amortis, de telle sorte que les plus-values éventuelles n’étaient pas taxées. Cette dérogation, qui n’avait pas été notifiée à la Commission, n’a été appliquée qu’aux contrats de location-vente spécifiques approuvés par les autorités fiscales dans le cadre de demandes d’application de l’amortissement anticipé en vertu de l’article 115, paragraphe 11, de cette loi, c’est-à-dire pour des navires récemment construits et donnés à bail, achetés au moyen d’opérations relevant du RELF et, à une seule exception près, sortis de chantiers navals espagnols.

8        Selon la décision attaquée, en appliquant l’ensemble de ces mesures, le GIE recueillait les avantages fiscaux en deux temps. Dans un premier temps, un amortissement anticipé et accéléré du coût du navire pris en location-vente était appliqué au titre du régime normal de l’impôt sur les sociétés, qui se traduisait par des pertes importantes pour ce GIE, lesquelles, en raison de la transparence fiscale des GIE, pouvaient être déduites des recettes propres des investisseurs au prorata de leur participation dans ledit GIE. Alors que cet amortissement anticipé et accéléré était normalement compensé, par la suite, par l’augmentation des impôts à acquitter lorsque ce navire était entièrement amorti ou lorsque ce dernier était vendu en générant une plus-value, l’économie fiscale résultant du transfert des pertes initiales aux investisseurs était conservée, dans un second temps, grâce au fait que le même GIE passait sous le régime de la taxation au tonnage, qui permettait l’exonération totale des bénéfices résultant de la vente dudit navire à la compagnie maritime.

9        Tout en considérant que le RELF devait être décrit comme un « système », la Commission a analysé également chacune des mesures en cause individuellement. Par la décision attaquée, elle a décidé que, parmi ces mesures, celles résultant de l’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés relatives à l’amortissement anticipé, de l’application du régime de la taxation au tonnage à des entreprises, à des navires ou à des activités non éligibles et de l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés constituaient une aide d’État aux GIE et à leurs investisseurs mise illégalement à exécution par le Royaume d’Espagne depuis le 1er janvier 2002, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Elle a déclaré que les mesures fiscales en cause étaient incompatibles avec le marché intérieur, hormis dans la mesure où l’aide correspondait à une rémunération conforme au marché pour l’intervention d’investisseurs financiers et où elle était transférée à des entreprises de transport maritime pouvant bénéficier des dispositions des orientations maritimes. Elle a décidé que le Royaume d’Espagne devait mettre un terme à l’application de ce régime d’aide dans la mesure où il était incompatible avec le marché intérieur et devait récupérer l’aide incompatible auprès des investisseurs des GIE qui en avaient bénéficié, sans que ces bénéficiaires puissent transférer la charge de la récupération de cette aide à d’autres personnes.

10      Néanmoins, la Commission a décidé qu’il ne serait pas procédé à la récupération de l’aide octroyée dans le cadre d’opérations de financement pour lesquelles les autorités nationales compétentes s’étaient engagées à concéder le bénéfice des mesures par un acte juridiquement contraignant adopté avant le 30 avril 2007, date de publication au Journal officiel de l’Union européenne de sa décision 2007/256/CE, du 20 décembre 2006, concernant le régime d’aide mis à exécution par la France au titre de l’article 39 CA du code général des impôts – Aide d’État C 46/04 (ex NN 65/04) (JO 2007, L 112, p. 41).

 Sur les autres recours introduits contre la décision attaquée

11      Par l’arrêt du 17 décembre 2015, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 et T‑719/13, EU:T:2015:1004), le Tribunal a accueilli deux autres recours introduits, contre la décision attaquée, par le Royaume d’Espagne et par Lico Leasing, SA et Pequeños y Medianos Astilleros Sociedad de Reconversión, SA (ci-après « PYMAR »), sur le fondement du moyen tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et de l’article 296 TFUE, et il a annulé la décision attaquée.

12      Par l’arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, EU:C:2018:591), la Cour a annulé l’arrêt du 17 décembre 2015, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 et T‑719/13, EU:T:2015:1004), et renvoyé les affaires T‑515/13 et T‑719/13 devant le Tribunal.

13      Par l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), le Tribunal a rejeté les recours.

14      Par l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour a partiellement annulé l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), et, statuant de manière définitive dans les deux recours concernés, elle a partiellement annulé la décision attaquée.

15      Dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour a, d’abord, rejeté les pourvois s’agissant de l’argumentation des parties requérantes concernant la prétendue absence de sélectivité du RELF. Elle a également rejeté les pourvois s’agissant des moyens portant sur l’application des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, tout en relevant une erreur de droit commise par le Tribunal, mais demeurant sans incidence sur son appréciation. Enfin, elle a accueilli le moyen du Royaume d’Espagne tiré d’un défaut de motivation de l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), en ce qui concerne la récupération de l’aide en cause. Elle a considéré que, en se limitant à constater que les parties requérantes n’avaient pas contesté la désignation des bénéficiaires effectuée dans la décision attaquée et en se référant à la logique ainsi qu’au contenu de cette décision, alors qu’il se déduisait du moyen soulevé que ces parties faisaient valoir, implicitement, mais nécessairement, qu’elles n’avaient pas été les seules bénéficiaires de l’aide en cause, une grande partie de cette dernière ayant été transférée aux compagnies maritimes, le Tribunal n’avait pas répondu à ce moyen. Elle a conclu que le Tribunal avait commis une violation de l’obligation de motivation et elle a annulé ledit arrêt du Tribunal à cet égard.

16      Statuant définitivement sur le litige, la Cour a accueilli le moyen soulevé par Lico Leasing et PYMAR par lequel ces parties faisaient valoir que les investisseurs des GIE n’avaient pas été les seuls bénéficiaires de l’aide en cause, une grande partie de cette dernière ayant été transférée aux compagnies maritimes. Elle a, partant, annulé l’article 1er de la décision attaquée en ce qu’il désignait les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision ainsi que l’article 4, paragraphe 1, de la même décision en ce qu’il enjoignait au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide en cause auprès des investisseurs des GIE qui avaient bénéficié de celle-ci.

 Conclusions des parties

17      Les requérantes concluent, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, annuler ladite décision dans la mesure où elle qualifie l’ensemble des mesures fiscales rassemblées sous le RELF d’aide d’État nouvelle et incompatible avec le marché intérieur ;

–        à titre plus subsidiaire, annuler les articles 1 et 4 de cette décision, qui identifient les investisseurs des GIE comme étant bénéficiaires des prétendues aides et les seuls destinataires de l’injonction de récupération ;

–        à titre encore plus subsidiaire, annuler l’article 4 de la même décision, dans la mesure où il ordonne la récupération des prétendues aides en violation des principes généraux du droit de l’Union ;

–        à titre encore plus subsidiaire, annuler l’article 4 de la décision en question dans la mesure où il se prononce sur la légalité de contrats privés conclus entre les investisseurs des GIE et d’autres entités ;

–        condamner la Commission aux dépens.

18      Les requérantes demandent également la communication d’une copie du dossier complet de la Commission relatif à la décision attaquée.

19      Dans leur demande de non-lieu à statuer, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater qu’il n’y a plus lieu de statuer sur les recours ;

–        condamner la Commission aux dépens.

20      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        à titre principal, condamner les requérantes aux dépens et, à titre subsidiaire, déclarer qu’elles supporteront, outre l’ensemble de leurs propres dépens, les trois quarts des dépens exposés par la Commission.

21      Dans ses observations sur la demande de non-lieu à statuer, la Commission soutient que les recours doivent être rejetés comme étant non fondés, sauf en ce qui concerne les deuxièmes et quatrièmes moyens, sur lesquels il n’y aura plus lieu de statuer lorsqu’elle aura adopté les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 2 février 2023 Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).

 En droit

22      Au soutien de leur recours, les requérantes avancent chacune six moyens :

–        les premiers, tirés de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce que la décision attaquée qualifie d’aide d’État le RELF et les mesures individuelles qui le constituent ;

–        les deuxièmes, tirés d’une erreur dans l’identification des bénéficiaires de l’aide ;

–        les troisièmes, tirés de la violation des articles 107 et 108 TFUE en ce que ladite décision qualifie le régime de la taxation au tonnage comme étant une aide nouvelle au lieu d’une aide existante ;

–        les quatrièmes, tirés de l’existence d’un défaut de motivation entachant cette décision en ce qui concerne l’identification des bénéficiaires de l’aide, ainsi que les conditions relatives à la distorsion de la concurrence et l’affectation des échanges entre États membres ;

–        les cinquièmes, tirés de la violation des principes d’égalité de traitement, de proportionnalité, de protection de la confiance légitime, et de sécurité juridique ;

–        les sixièmes, tirés de la violation du principe d’attribution des compétences, des articles 107 et 108 TFUE, de l’article 14 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1) et de l’article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), en ce que la même décision se prononce sur la validité de clauses contractuelles contenues dans des contrats privés conclus entre les investisseurs des GIE et d’autres entités privées.

23      Lors de l’audience, les requérantes ont confirmé que, dans l’hypothèse où le Tribunal estimerait qu’il n’y a pas lieu de prononcer un non‑lieu à statuer, elles renonceraient notamment aux premiers moyens tirés de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en ce que la décision attaquée qualifie d’aide d’État le RELF et les mesures individuelles qui le constituent, et aux cinquièmes moyens, tirés de la violation des principes d’égalité de traitement, de proportionnalité, de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique.

 Sur les demandes de non-lieu à statuer

24      En vertu de l’article 130, paragraphes 2 et 7, du règlement de procédure, à la suite d’une demande présentée par une partie, le Tribunal peut constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.

25      En l’espèce, les requérantes demandent qu’il soit constaté que les recours sont devenus sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.

26      Selon une jurisprudence constante, l’objet du litige, tel qu’il a été déterminé par la requête introductive d’instance, doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, point 42 et jurisprudence citée, et ordonnance du 14 janvier 2014, Miettinen/Conseil, T‑303/13, non publiée, EU:T:2014:48, point 16 et jurisprudence citée).

27      Ainsi, dans le cadre d’un recours introduit en vertu de l’article 263 TFUE, il a été jugé que l’annulation de la décision attaquée en cours d’instance privait de son objet le recours en ce qui concerne les conclusions tendant à l’annulation de ladite décision (voir, en ce sens, arrêts du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, EU:C:2004:234, point 37, et du 19 octobre 2005, CDA Datenträger Albrechts/Commission, T‑324/00, EU:T:2005:364, points 116 et 117).

28      En effet, par l’annulation de l’acte attaqué, la partie requérante obtient le seul résultat que son recours peut lui procurer et il n’y a, dès lors, plus matière à décision du juge de l’Union européenne (voir, en ce sens, ordonnance du 8 mars 1993, Lezzi Pietro/Commission, C‑123/92, EU:C:1993:87, point 10).

29      Il en va de même lorsque l’annulation partielle de l’acte attaqué a donné à la partie requérante le résultat qu’elle visait par une partie de son recours, de sorte qu’il n’y a plus lieu de statuer sur cette partie (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, EU:C:2004:234, points 37 et 38).

30      Par ailleurs, l’autorité absolue dont jouit un arrêt d’annulation d’une juridiction de l’Union s’attache tant au dispositif de l’arrêt qu’aux motifs qui en constituent le soutien nécessaire (voir arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, EU:C:2004:234, point 36 et jurisprudence citée).

31      En l’espèce, il convient de constater que, dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour n’a annulé la décision attaquée que partiellement. Comme il a été relevé au point 16 ci-dessus, elle a annulé l’article 1er de la décision attaquée, en ce qu’il désignait les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision ainsi que l’article 4, paragraphe 1, en ce qu’il enjoignait au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide en cause auprès des investisseurs des GIE qui avaient bénéficié de celle‑ci.

32      Aux points 138 et 139 de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour a précisé que la Commission avait commis une erreur de droit en ce qui concerne l’identification des bénéficiaires de l’aide en cause, dès lors que les GIE étaient tenus, en vertu de contrats juridiquement contraignants conclus avec les compagnies maritimes et soumis à l’administration fiscale, de transférer aux compagnies maritimes une partie de l’avantage fiscal obtenu.

33      Dans le cadre de leurs recours, les requérantes, qui sont soit des entreprises ayant effectué des investissements dans des GIE dans le cadre du RELF, soit des successeurs en droit desdites entreprises, soutiennent, dans le cadre de leurs deuxièmes moyens, que la Commission a commis une erreur en ce qu’elle a qualifié, dans la décision attaquée, les GIE et les investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide et en ce qu’elle a décidé que l’intégralité du montant de l’aide devait être récupérée auprès de ces derniers, bien que d’autres entreprises ayant participé aux opérations au titre du RELF, telles que les compagnies maritimes et, potentiellement, les chantiers navals, étaient également des bénéficiaires de ce régime et en ont également tiré avantage. Elles soutiennent également, dans le cadre de leurs quatrièmes moyens, que la décision attaquée est insuffisamment motivée s’agissant de l’identification des bénéficiaires du RELF.

34      Ainsi, par ces griefs soulevés dans le cadre de leurs deuxièmes et quatrièmes moyens, les requérantes demandent, en substance, que le Tribunal annule l’article 1er ainsi que l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, en ce qu’ils désignent les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires du RELF et en ce qu’ils enjoignent au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide en cause auprès desdits investisseurs.

35      Or, comme il a été relevé aux points 16 et 31 ci-dessus, l’article 1er ainsi que l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée ont été annulés partiellement, dans cette mesure, par la Cour.

36      Il s’ensuit que l’annulation partielle de la décision attaquée prononcée par la Cour a donné aux requérantes le résultat qu’elles recherchaient par une partie de leur recours, à savoir la disparition de cet aspect de la décision de l’ordre juridique de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 16 septembre 2014, Justice & Environment/Commission, T‑405/10, non publiée, EU:T:2014:821, point 20 et jurisprudence citée).

37      En effet, même à supposer que les griefs visés au point 33 ci-dessus soient fondés en droit, ils ne conduiraient pas à une annulation de la décision attaquée allant au-delà de celle prononcée par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60). En particulier, le grief, à le supposer fondé, selon lequel d’autres entreprises ayant participé aux opérations au titre du RELF, tels que notamment les chantiers navals, doivent également être considérés comme faisant partie du cercle des bénéficiaires du RELF et des entreprises visées par l’injonction de récupération, entraînerait l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée, dans la mesure où il désigne les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide en cause, ainsi que de l’article 4, paragraphe 1, de cette décision, dans la mesure où il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide en cause auprès des investisseurs des GIE qui ont bénéficié de celle-ci. Or, comme il est rappelé aux points 16, 31 et 35 ci-dessus, ces articles ont été partiellement annulés, dans cette mesure, par la Cour, dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).

38      Dès lors, il convient de considérer que les présents recours sont devenus sans objet dans cette mesure.

39      Les requérantes contestent, ensuite, dans le cadre de leurs sixièmes moyens, la méthode décrite aux considérants 263 à 269 de la décision attaquée afin de calculer le montant qui doit être remboursé par les investisseurs. En particulier, elles font valoir que le montant à restituer par les investisseurs ne devrait pas être supérieur au montant de la rentabilité qu’ils ont obtenue grâce à leur participation aux opérations du RELF et, dès lors, ne devrait pas comporter le coût des investissements. Or, selon elles, la méthode susmentionnée semble aboutir à ce que les investisseurs, en tant que bénéficiaires ultimes du RELF, soient tenus de restituer l’intégralité de l’avantage fiscal retiré du GIE, ce qui impliquerait la restitution non seulement du montant de la rentabilité de leurs investissements, mais aussi du coût des investissements lui-même, les plaçant ainsi dans une situation plus préjudiciable que celle qu’ils auraient connue s’ils n’avaient pas investi dans le RELF.

40      À cet égard, il convient de relever que, aux considérants 263 à 269, la décision attaquée comporte une section intitulée « Détermination des montants à récupérer », dans laquelle la Commission indique une méthode en quatre étapes, qu’elle estime que le Royaume d’Espagne doit appliquer afin de déterminer, dans chaque cas, le montant de l’aide incompatible à récupérer auprès des bénéficiaires. La Commission précise que cette méthode peut faire l’objet d’un ajustement important, notamment en vue de déterminer le montant réel de l’avantage fiscal dont ont bénéficié les investisseurs, compte tenu de leur situation fiscale individuelle.

41      Ces quatre étapes sont les suivantes :

–        premièrement, calculer l’avantage fiscal total généré par l’opération [ou valeur actuelle nette (VAN) des avantages fiscaux retirés par le GIE ou ses investisseurs, c’est-à-dire avant déduction de la partie de ces avantages transférée à la compagnie maritime par le biais d’une ristourne sur le prix] ;

–        deuxièmement, calculer l’avantage fiscal généré par les mesures fiscales générales appliquées à l’opération (c’est-à-dire la VAN – calculée de la même façon que dans la première étape – du montant des avantages fiscaux qu’auraient obtenus le GIE ou ses investisseurs dans une situation de référence dans laquelle seul l’amortissement accéléré aurait été utilisé à partir du moment où l’exploitation du navire a commencé et où l’opération serait taxée selon le régime ordinaire de l’impôt sur les sociétés) ;

–        troisièmement, calculer l’avantage fiscal équivalant à une aide d’État, à savoir la différence entre les montants obtenus à l’issue de la première et de la deuxième étapes ;

–        quatrièmement, calculer le montant de l’aide résultant du calcul de la troisième étape qui est compatible (c’est-à-dire l’avantage répercuté sur la compagnie maritime qui est compatible conformément à la section 11 des orientations maritimes, la Commission ayant, en effet, considéré, aux considérants 202 et suivants de la décision attaquée, qu’une partie de l’avantage transféré à la compagnie maritime pouvait être considérée comme étant compatible si cette compagnie, le navire en cause et les activités de transport étaient éligibles en vertu des orientations maritimes, comme cela a été indiqué au point 9 ci-dessus).

42      Or, l’argumentation des requérantes visant à contester la méthode décrite aux considérants 263 à 269 de la décision attaquée en ce qu’elle semble aboutir à ce que les investisseurs des GIE, en tant que seuls bénéficiaires, soient tenus de restituer l’intégralité de l’avantage fiscal retiré du GIE, repose sur la prémisse selon laquelle la récupération de l’aide illégale et incompatible avec le marché intérieur suivra ladite méthode.

43      Cependant, à la suite de l’annulation partielle de l’article 1er et de l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, les GIE et leurs investisseurs ne sont plus considérés comme étant les seuls bénéficiaires du RELF et les investisseurs ne sont plus considérés comme étant les seules entreprises auprès desquelles il doit être enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’aide. Ainsi, la méthode décrite aux considérants 263 à 269 de la décision attaquée, en ce qu’elle repose sur la prémisse, désormais erronée, selon laquelle l’intégralité de l’avantage doit être récupérée auprès des seuls investisseurs des GIE, est devenue obsolète à la suite de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).

44      En particulier, une partie significative de l’avantage pourrait devoir être restituée par d’autres bénéficiaires du RELF. Or, la méthode décrite aux considérants 263 à 269 de la décision attaquée est fondée sur une prémisse autre, jugée erronée par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), selon laquelle l’intégralité de l’avantage incompatible doit être restituée par les investisseurs des GIE. Ainsi, par exemple, dans la troisième étape de cette méthode, laquelle porte sur le « calcul de l’avantage fiscal équivalant à une aide d’État » (considérant 266 de ladite décision), il est affirmé que « l’aide reçue par le GIE et ses investisseurs en leur qualité de bénéficiaires des mesures fiscales en cause » correspond à « la [valeur actuelle nette] de l’avantage total retiré du recours à l’amortissement anticipé, le régime de la taxation au tonnage […] et l’exonération fiscale des plus-values obtenues ».

45      Dès lors, en vertu de l’article 266 TFUE qui lui impose de tirer les conséquences de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Commission doit notamment réexaminer intégralement la méthode de calcul des montants à récupérer. Celle-ci a d’ailleurs indiqué, dans sa réponse à une mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal le 25 mai 2023 et lors de l’audience, que l’ordre de récupération devait être adapté pour assurer l’exécution dudit arrêt.

46      Il s’ensuit que, comme les requérantes l’ont admis lors de l’audience, les recours ont perdu leur objet en ce qu’ils visent à contester la méthode décrite aux considérants 263 à 269 de la décision attaquée.

47      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de considérer que les présents recours sont devenus sans objet dans la mesure où ils visent à contester, d’une part, l’identification des bénéficiaires du RELF et des entreprises visées par l’injonction de récupération ainsi que la motivation de la décision attaquée à cet égard et, d’autre part, la méthode décrite aux considérants 263 à 269 de la décision attaquée.

48      En revanche, il y a toujours lieu de statuer sur les chefs de conclusions des requérantes en ce qu’ils tendent à l’annulation de parties de la décision attaquée n’ayant pas été annulées par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).

49      En effet, les chefs de conclusions présentés par les requérantes visent, dans cette mesure, une annulation de la décision attaquée allant au-delà de celle prononcée par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60). Ainsi, les requérantes ont demandé chacune au Tribunal, en particulier, dans le cadre des premiers chefs de conclusions de leurs recours, d’annuler la décision attaquée dans son intégralité, dans le cadre des deuxièmes chefs de conclusions de leurs recours, d’annuler cette décision dans la mesure où elle qualifie l’ensemble des mesures fiscales composant le RELF d’aide d’État nouvelle et incompatible avec le marché intérieur, dans le cadre des troisièmes chefs de conclusions de leurs recours, d’annuler les articles 1 et 4 de ladite décision, en ce qu’ils identifient les investisseurs des GIE comme étant bénéficiaires des prétendues aides, dans le cadre des quatrièmes chefs de conclusions de leurs recours, d’annuler l’article 4 de la même décision, dans la mesure où il ordonne la récupération des prétendues aides en violation des principes généraux du droit de l’Union et, dans le cadre des cinquièmes chefs de conclusions de leurs recours, d’annuler l’article 4 de la décision en question, dans la mesure où il se prononce sur la légalité de contrats privés conclus entre les investisseurs et d’autres entités.

50      Quant aux moyens soulevés à l’appui des chefs de conclusions mentionnés au point 49 ci-dessus, il convient de rappeler d’emblée, comme cela a été indiqué au point 23 ci-dessus, que les requérantes ont indiqué que, dans l’hypothèse où le Tribunal considérerait qu’il y a lieu de statuer sur les recours, elles renonceraient chacune aux premiers moyens tirés de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce que la décision attaquée qualifie d’aide d’État le RELF, et aux cinquièmes moyens, tirés de la violation des principes d’égalité de traitement, de proportionnalité, de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique.

51      Il en résulte qu’il y a lieu de statuer sur la partie des recours par laquelle les requérantes invoquent, dans le cadre des troisièmes moyens, une violation des articles 107 et 108 TFUE en ce que la décision attaquée considère qu’il y a une aide nouvelle au lieu d’une aide existante, dans le cadre des deuxièmes et quatrièmes moyens, une erreur dans l’identification des bénéficiaires de l’aide, ainsi qu’un défaut de motivation à cet égard, en ce que cette décision qualifie les GIE et leurs investisseurs comme étant bénéficiaires de l’aide, dans le cadre des quatrièmes moyens, un défaut de motivation en ce qui concerne les conditions relatives à la distorsion de la concurrence et à l’affectation des échanges entre États membres et, dans le cadre des sixièmes moyens, une violation du principe d’attribution des compétences, des articles 107 et 108 TFUE, de l’article 14 du règlement no 659/1999 et de l’article 16 de la Charte en ce que ladite décision se prononce sur la validité des clauses contractuelles contenues dans des contrats privés conclus entre les investisseurs et d’autres entités privées.

52      En effet, si ces moyens et griefs étaient accueillis, ils seraient susceptibles d’entraîner l’annulation de parties de la décision attaquée qui n’ont pas été annulées par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).

53      À cet égard, contrairement à ce qu’ont fait valoir les requérantes, l’identification des GIE et de leurs investisseurs en tant que bénéficiaires du RELF ainsi que l’ordre de récupération des aides auprès de ces derniers, contenu dans la décision attaquée, n’ont pas été entièrement annulés par la Cour avec pour conséquence que les recours auraient perdu leur objet dans leur intégralité.

54      En effet, l’affirmation des requérantes procède d’une interprétation erronée de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).

55      Par l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), comme cela a été relevé au point 16 ci-dessus, la Cour n’a annulé que partiellement la décision attaquée, à savoir uniquement son article 1er « en ce qu’il désigne les [GIE] et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision » (point 3 du dispositif de cet arrêt) et son article 4, paragraphe 1, « en ce qu’il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide visé dans cette décision auprès des investisseurs des [GIE] qui en ont bénéficié » (point 4 du même dispositif).

56      En revanche, l’identification des GIE et des investisseurs en tant que bénéficiaires du RELF et l’obligation à charge du Royaume d’Espagne de récupérer l’aide, ou une partie de celle-ci, au moins auprès de ces derniers n’ont pas été annulées par la Cour.

57      En effet, la conséquence logique de la constatation de l’illégalité d’une aide est sa suppression par voie de récupération afin de rétablir la situation antérieure (voir arrêt du 8 décembre 2011, Residex Capital IV, C‑275/10, EU:C:2011:814, point 33 et jurisprudence citée).

58      Or, dans l’arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, EU:C:2018:591, point 46), la Cour a jugé que la Commission avait considéré à bon droit que les GIE avaient la qualité de bénéficiaires du RELF. En outre, dans les recours ayant donné lieu à l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), les arguments des parties requérantes dans ces affaires visant à démontrer que le RELF ne constituait pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE au bénéfice des GIE et de leurs investisseurs ont été rejetés. Par ailleurs, les arguments de ces parties visant à démontrer que la récupération auprès des investisseurs des GIE était contraire aux principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique n’ont pas non plus été accueillis par la Cour.

59      Ainsi, à la suite de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la décision attaquée demeure valide en ce qu’elle déclare illégale et incompatible avec le marché intérieur l’aide qui bénéficie à tout le moins aux GIE et à leurs investisseurs, et oblige le Royaume d’Espagne à récupérer ladite aide, ou une partie de celle-ci, auprès de ces derniers. À cet égard, il convient de relever que la circonstance que, pour le calcul des montants à récupérer, la méthode décrite aux considérants 263 à 269 de la décision attaquée doive être modifiée à la lumière dudit arrêt ne modifie en rien le fait que cette obligation de récupération persiste en tant que telle.

60      Il résulte des considérations qui précèdent qu’il n’y a plus lieu de statuer sur les recours pour autant qu’ils tendent à l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée en ce qu’il désigne les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision et de l’article 4, paragraphe 1, de ladite décision en ce qu’il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide visée dans cette décision auprès des investisseurs des GIE qui en ont bénéficié.

 Sur le fond

 Sur les deuxièmes moyens, en ce qu’ils portent sur l’identification erronée des GIE et de leurs investisseurs comme étant bénéficiaires de l’aide en cause

61      Les requérantes font valoir que les GIE et leurs investisseurs n’auraient pas dû être identifiés comme étant bénéficiaires de l’aide en cause.

62      La Commission conteste les arguments des requérantes.

63      À cet égard, il suffit de relever que, aux points 137 à 140 de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour a définitivement jugé que les GIE et leurs investisseurs avaient été bénéficiaires de l’aide en cause.

64      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter comme étant manifestement non fondés les deuxièmes moyens, en ce qu’ils portent sur l’identification erronée des GIE et de leurs investisseurs comme étant bénéficiaires de l’aide en cause.

 Sur les quatrièmes moyens, en ce qu’ils portent sur l’existence d’un défaut de motivation entachant la décision attaquée en ce qui concerne l’identification des GIE et de leurs investisseurs comme étant bénéficiaires de l’aide en cause et les conditions relatives à la distorsion de la concurrence et à l’affectation des échanges entre États membres 

65      Dans le cadre de leurs quatrièmes moyens, les requérantes affirment que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation en ce qui concerne, en premier lieu, l’identification des GIE et de leurs investisseurs comme étant bénéficiaires de l’aide en cause et, en second lieu, les conditions relatives à la distorsion de la concurrence et à l’affectation des échanges entre États membres.

66      En ce qui concerne le défaut de motivation invoqué, il convient de relever que la motivation des actes des institutions de l’Union exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction de toutes les circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 4 juin 2020, Hongrie/Commission, C‑456/18 P, EU:C:2020:421, point 57).

67      S’il est vrai que la Commission n’est pas obligée de prendre position sur tous les éléments et arguments invoqués devant elle, y compris ceux clairement secondaires pour l’appréciation à livrer, il n’en demeure pas moins qu’elle doit exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision. En outre, la motivation doit être logique, ne présentant notamment pas de contradiction interne (arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 169).

68      En l’espèce, il convient de relever, en premier lieu, que, au considérant 161 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que l’avantage résultant du RELF profitait aux GIE au nom desquels les demandes d’application de l’amortissement anticipé ou de la taxation au tonnage ont été présentées et, par transparence, à leurs investisseurs car, sur le plan fiscal, les GIE sont des entités fiscalement transparentes et leurs revenus imposables ou leurs frais déductibles sont automatiquement transférés aux investisseurs.

69      À cet égard, il convient de relever que, certes, la Commission a expliqué, au considérant 19 de la décision attaquée, que l’« avantage fiscal, d’environ 30 % du prix brut initial du navire […] – initialement obtenu par le GIE et ses investisseurs – rest[ait] en partie (de l’ordre de 10 % à 15 %) aux mains des investisseurs et la partie restante (85 % à 90 %) [était] transférée à la compagnie maritime, qui dev[enai]t finalement propriétaire du navire en bénéficiant d’un rabais de 20 % à 30 % sur le prix brut initial de celui-ci ».

70      Cependant, s’il est vrai que la Commission a ainsi indiqué qu’une partie de l’avantage fiscal obtenu par les GIE était transférée aux compagnies maritimes par le biais d’une ristourne sur le prix et que les avantages fiscaux résultant de l’opération étaient de la sorte répartis entre les GIE ou leurs investisseurs et d’autres entreprises participant aux opérations dans le cadre du RELF, sans en tirer les conséquences de manière adéquate quant à l’inclusion de ces entreprises parmi les bénéficiaires du RELF comme cela a été constaté par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60, points 137 et 138), il n’en demeure pas moins que les requérantes sont en mesure de comprendre les raisons pour lesquelles les GIE et leurs investisseurs ont été, en ce qui les concerne, considérés comme des bénéficiaires du RELF dans la décision attaquée.

71      En second lieu, en ce qui concerne la motivation de la décision attaquée relative à la distorsion de la concurrence et à l’affectation des échanges entre États membres, il convient de relever qu’il ressort des points 93 à 101 de l’arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, EU:C:2018:591), que ladite décision est motivée à cet égard.

72      Compte tenu des considérations qui précèdent, les quatrièmes moyens doivent être rejetés.

 Sur les troisièmes moyens, tirés de la qualification erronée de certaines mesures composant le RELF en tant qu’aides nouvelles

73      Les requérantes soutiennent que la Commission a commis des erreurs de droit en considérant que certaines mesures composant le RELF, prises individuellement, constituaient des aides nouvelles plutôt que des aides existantes.

74      En particulier, les requérantes avancent, en substance, que les régimes de la taxation au tonnage aux GIE et de l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés avaient déjà été autorisés par la Commission dans la décision C(2002) 582, telle que modifiée par la décision C(2004) 1931, de sorte que, si lesdites mesures devaient être considérées comme étant des aides d’État, celles-ci constitueraient, le cas échéant, des aides existantes.

75      La Commission conteste les arguments des requérantes.

76      À cet égard, il convient de relever que les arguments des requérantes, contestant la qualification de certaines mesures fiscales composant le RELF en tant qu’aides nouvelles, sont fondés, en réalité, sur la prémisse selon laquelle lesdites mesures devraient être appréciées séparément, au regard de l’article 107 TFUE, et non en tenant compte du RELF dans son ensemble.

77      Or, cette prémisse est erronée. En effet, comme la Commission l’a indiqué au considérant 116 de la décision attaquée, les différentes mesures fiscales composant le RELF sont liées en droit, en substance, parce que l’amortissement anticipé était soumis à l’obtention d’une autorisation par les autorités fiscales, dont dépendait par ailleurs l’application de l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés établissant une exception au régime de la taxation au tonnage. Elles étaient, en outre, liées en fait, parce que l’autorisation administrative pour l’amortissement anticipé était accordée uniquement dans le contexte de contrats de location-vente de navires éligibles audit régime, qui ont pu dès lors bénéficier de la règle prévue à l’article 50, paragraphe 3, dudit règlement.

78      C’est en raison de l’existence d’un tel lien entre les mesures fiscales composant le RELF que le Tribunal a jugé, au point 101 de l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), que, étant donné qu’une des mesures permettant de bénéficier du RELF dans son ensemble était sélective, à savoir l’autorisation de l’amortissement anticipé, c’était sans commettre d’erreur que la Commission avait considéré, dans la décision attaquée, que le système était sélectif dans son ensemble, cette conclusion ayant été confirmée par la Cour aux points 71 et 72 de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).

79      En outre, la nécessité d’apprécier le RELF dans son ensemble comme étant un régime d’aide a été implicitement confirmée par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60). En effet, au point 137 de cet arrêt, la Cour, pour conclure que la Commission avait commis une erreur de droit quant à la désignation des bénéficiaires de l’aide en cause et, par voie de conséquence, quant à la récupération de celle-ci, s’est notamment appuyée sur le fait que la Commission avait considéré que le RELF constituait, dans son ensemble, un régime d’aide découlant de l’application de la législation fiscale espagnole et des autorisations accordées par l’administration fiscale espagnole, et destiné, peu important les procédés juridiques utilisés, à générer un avantage au profit notamment des GIE et des compagnies maritimes.

80      Il en découle que, en ce que l’ensemble des arguments des requérantes repose sur la prémisse erronée selon laquelle chacune des mesures fiscales composant le RELF mentionnées au point 74 ci-dessus doit être analysée individuellement au regard de l’article 107 TFUE, et non en appréciant le RELF dans son ensemble, ils doivent être rejetés comme étant manifestement non fondés.

81      Ainsi, pour répondre plus particulièrement aux griefs tirés de l’absence de l’aide nouvelle, il convient de relever que, si la Commission a établi, au considérant 238 de la décision attaquée, que, « prises isolément, les mesures constitu[ai]ent une aide d’État (à l’exception de l’amortissement accéléré d’actifs achetés à bail) », il n’en demeure pas moins que, comme cela est relevé au point 77 ci-dessus, le RELF a été analysé conjointement avec le régime de la taxation au tonnage et que c’est l’opération du RELF dans son ensemble qui a été considérée comme étant une aide d’État illégale et partiellement incompatible avec le marché intérieur, et que cette approche a été validée par la Cour, comme il a été rappelé au point 79 ci-dessus.

82      En effet, comme les requérantes l’ont confirmé dans leurs écritures et à l’audience, elles ne contestent pas que le RELF en tant que système n’a pas été notifié à la Commission, ni autorisé par cette institution dans une décision antérieure et que ledit régime, apprécié dans son ensemble, ne saurait, par conséquent, être qualifié d’aide existante. En outre, il est constant qu’au moins une des mesures fiscales composant le RELF, notamment l’amortissement anticipé, prise individuellement, n’a pas été notifiée à la Commission et que cette dernière ne l’a pas approuvée dans une décision antérieure.

83      Il en résulte que, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, la Commission ne devait pas recourir à la procédure applicable aux régimes d’aides existants lorsqu’elle a examiné le RELF dans la décision attaquée.

84      Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter les troisièmes moyens comme étant non fondés, sans qu’il soit nécessaire de répondre à l’argumentation des requérantes portant sur la qualification en tant qu’aide nouvelle des mesures fiscales en cause, prises individuellement.

 Sur les sixièmes moyens, relatifs aux clauses contractuelles protégeant les bénéficiaires contre la récupération d’une aide d’État illégale et incompatible 

85      Les sixièmes moyens sont tirés de la violation du principe d’attribution des compétences, des articles 107 et 108, TFUE, de l’article 14 du règlement no 659/1999, ainsi que de la liberté d’entreprise consacrée à l’article 16 de la Charte.

86      En particulier, les requérantes font valoir que la décision attaquée indique à tort que les clauses contractuelles en vertu desquelles les investisseurs pourraient réclamer, auprès des chantiers navals, les montants qu’ils ont dû rembourser à l’État (ci-après les « clauses d’indemnisation ») seraient interdites. Ainsi, la Commission s’arrogerait la compétence de les annuler.

87      Selon les requérantes, le pouvoir d’annuler des clauses contractuelles figurant dans des contrats privés n’est toutefois pas mentionné parmi les compétences attribuées à la Commission dans le cadre des procédures de contrôle des aides d’État. Ainsi, la Commission n’étant pas compétente pour apprécier la validité de relations contractuelles privées, il incomberait au juge national d’apprécier la validité des clauses d’indemnisation régies par le droit espagnol.

88      La Commission conteste les arguments des requérantes.

89      Tout d’abord, il convient de rappeler, s’agissant du principe d’attribution de compétences, que, conformément à l’article 5, paragraphe 2, TUE, l’Union n’agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités pour atteindre les objectifs que ces traités établissent. En vertu de l’article 4, paragraphe 1, TUE et de l’article 5, paragraphe 2, TUE toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux États membres.

90      S’agissant des principes régissant les rôles de la Commission et des autorités nationales en matière d’aides d’État, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 108 TFUE et à l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, applicable ratione temporis aux faits de l’espèce, la Commission est compétente non seulement pour apprécier la compatibilité d’une aide d’État avec le marché intérieur, mais aussi pour ordonner la récupération d’une aide illégale et incompatible avec le marché intérieur. En particulier, conformément à l’article 14, paragraphe 1, de ce règlement, la Commission peut, en cas de décision négative concernant une aide illégale, décider que l’État membre concerné « prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire ». Si l’ordre de récupération doit être exécuté par les autorités nationales, conformément aux procédures prévues par le droit national, il convient de rappeler que l’autonomie procédurale des États membres est limitée notamment par le principe d’effectivité du droit de l’Union, ainsi qu’il ressort, en substance, de l’article 14, paragraphe 3, du même règlement.

91      Ainsi, un État membre destinataire d’une décision l’obligeant à récupérer des aides illégales est tenu, en vertu de l’article 288 TFUE, de prendre toutes les mesures propres à assurer l’exécution de cette décision. Il doit parvenir à un recouvrement effectif des sommes dues aux fins d’éliminer la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel procuré par l’aide illégale (voir arrêt du 24 janvier 2013, Commission/Espagne, C‑529/09, EU:C:2013:31, point 91 et jurisprudence citée).

92      L’obligation pour l’État membre concerné de supprimer, par voie de récupération, une aide considérée par la Commission comme étant incompatible avec le marché intérieur vise, selon une jurisprudence constante de la Cour, au rétablissement de la situation antérieure à l’octroi de l’aide. Cet objectif est atteint dès que les aides en cause, augmentées le cas échéant des intérêts de retard, ont été restituées par le bénéficiaire ou, en d’autres termes, par les entreprises qui en ont eu la jouissance effective. Par cette restitution, le bénéficiaire perd, en effet, l’avantage dont il avait bénéficié sur le marché par rapport à ses concurrents et la situation antérieure au versement de l’aide est rétablie (voir arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission, C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60, point 130 et jurisprudence citée).

93      En outre, l’application des règles de l’Union en matière d’aides d’État repose sur une obligation de coopération loyale entre, d’une part, les juridictions nationales et, d’autre part, la Commission et les juridictions de l’Union, dans le cadre de laquelle chacun agit en fonction du rôle qui lui est assigné par le traité FUE. Dans le cadre de cette coopération, les juridictions nationales doivent prendre toutes les mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du droit de l’Union et s’abstenir de celles qui sont susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du traité, ainsi qu’il découle de l’article 4, paragraphe 3, TUE (voir arrêt du 13 février 2014, Mediaset, C‑69/13, EU:C:2014:71, point 29 et jurisprudence citée).

94      Ainsi, dans le cadre du contrôle du respect par les États membres des obligations mises à leur charge par les articles 107 et 108 du traité FUE, les juridictions nationales et la Commission remplissent des rôles complémentaires et distincts. Tandis que l’appréciation de la compatibilité de mesures d’aide avec le marché intérieur relève de la compétence exclusive de la Commission, agissant sous le contrôle du juge de l’Union, les juridictions nationales veillent à la sauvegarde des droits des justiciables en cas de violation de l’obligation de notification préalable des aides d’État à la Commission prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE (voir arrêt du 21 octobre 2003, van Calster e.a., C‑261/01 et C‑262/01, EU:C:2003:571, points 74 et 75 et jurisprudence citée).

95      C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’examiner les sixièmes moyens.

96      À titre liminaire, il convient de relever que la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, selon laquelle le Royaume d’Espagne doit récupérer l’aide auprès des bénéficiaires « sans que [ceux-ci] puissent transférer la charge de la récupération à d’autres personnes », est rédigée en termes larges et ne se limite pas expressément, dans son libellé, aux clauses d’indemnisation analysées par la Commission aux considérants 270 à 276 de ladite décision.

97      Toutefois, selon une jurisprudence constante, le dispositif d’un acte est indissociable de sa motivation, de sorte qu’il doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption (arrêts du 26 mars 2020, Hungeod e.a., C‑496/18 et C‑497/18, EU:C:2020:240, point 69 et jurisprudence citée, et du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 1258 et jurisprudence citée).

98      En outre, selon un principe général d’interprétation, un acte de l’Union doit être interprété, dans la mesure du possible, d’une manière qui ne remet pas en cause sa validité et en conformité avec l’ensemble du droit primaire (voir arrêt du 31 janvier 2013, McDonagh, C‑12/11, EU:C:2013:43, point 44 et jurisprudence citée).

99      Il s’ensuit que, en l’espèce, il convient de lire l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée à la lumière des considérants 270 à 276 de cette décision.

100    À cet égard, il est vrai que, au considérant 270 de la décision attaquée, la Commission fait référence, de façon générale, à « l’existence de certaines clauses dans des contrats conclus entre les investisseurs, les compagnies maritimes et les chantiers navals », selon lesquelles « les chantiers navals seraient dans l’obligation d’indemniser les autres parties si elles ne peuvent pas obtenir les avantages fiscaux prévus ». Or, il convient de relever que, dans ladite décision, la Commission n’a pas concrètement identifié ces clauses et n’a pas cité leur libellé. En outre, comme elle l’a, en substance, admis lors de l’audience, il convient de relever que lesdites clauses ne visent pas spécifiquement l’hypothèse de la récupération d’une aide d’État illégale ou incompatible avec le marché intérieur, mais, de façon plus générale, les conséquences de la possibilité que les autorités compétentes n’approuvent pas les avantages fiscaux découlant du RELF, ou que, à la suite de leur approbation, leur validité soit remise en cause.

101    Cependant, dans les considérants 271 et suivants de la décision attaquée, la Commission procède, de façon plus concrète, à l’identification des aspects spécifiques des clauses d’indemnisation qui s’avèrent, selon elle, problématiques dans le contexte de la récupération des aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur. Ainsi, aux considérants 272 à 274 de ladite décision, elle précise que l’objectif de la récupération, qui vise au rétablissement de la situation antérieure, et notamment à l’élimination de la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel procuré par l’aide illégale et incompatible avec le marché intérieur, serait irrémédiablement compromis si les acteurs du secteur privé pouvaient, grâce à des clauses contractuelles, altérer les effets des décisions de récupération arrêtées par la Commission. Elle considère, au considérant 275 de cette décision, que les clauses contractuelles qui protègent les bénéficiaires des aides contre la récupération d’une aide illégale et incompatible par le biais du transfert à d’autres personnes des risques juridiques et économiques de la récupération sont contraires à l’essence même du système de contrôle des aides d’État, qui constitue un ensemble de règles d’ordre public.

102    Partant, et nonobstant sa formulation large, la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée doit être comprise comme ne visant que les clauses d’indemnisation dans la mesure où elles peuvent être interprétées comme protégeant les bénéficiaires d’une aide illégale et incompatible avec le marché intérieur contre la récupération de celle-ci.

103    Ensuite, il convient de relever que, contrairement à ce que font valoir les requérantes, la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée n’implique pas que la Commission ait annulé les clauses d’indemnisation, une telle compétence revenant, le cas échéant, aux juridictions nationales.

104    En effet, la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée doit être comprise comme ne visant qu’à clarifier la portée de l’obligation de récupération incombant, conformément à la jurisprudence précitée aux points 91 et 92 ci-dessus, au Royaume d’Espagne.

105    En particulier, les clauses d’indemnisation, dans la mesure où elles peuvent être interprétées dans le sens indiqué au point 102 ci-dessus, pourraient faire obstacle à ce que l’État membre en cause se conforme à son obligation de récupération des aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur auprès des bénéficiaires qui en ont eu la jouissance effective. En effet, du fait de ces clauses, ces derniers éviteraient la charge de la récupération, ce qui ne permettrait pas le rétablissement de la situation antérieure à l’octroi de l’aide. Ainsi que le fait valoir, à juste titre, la Commission, une telle situation serait susceptible de compromettre l’effet utile du système de contrôle des aides d’État instauré par le traité. Il incombe donc au Royaume d’Espagne, y compris aux juridictions nationales, de faire en sorte que l’obligation de récupération de l’aide auprès des bénéficiaires ou, en d’autres termes, des entreprises qui en ont eu la jouissance effective, conformément à la jurisprudence citée au point 92 ci-dessus, soit pleinement respectée.

106    Ainsi, la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée n’implique pas que la Commission ait outrepassé la compétence dont elle est investie au titre de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 659/1999. En effet, s’il est vrai que la récupération s’effectue conformément aux procédures prévues par le droit national de l’État membre concerné, conformément à l’article 14, paragraphe 3, du même règlement, il n’en reste pas moins que cette dernière disposition exige que ces dernières permettent l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. Partant, rien ne s’oppose à ce que la Commission précise, dans ladite décision, que le Royaume d’Espagne doit faire en sorte que les bénéficiaires remboursent les montants des aides dont ils ont eu la jouissance effective, sans pouvoir transférer la charge de la récupération de ces montants à une autre partie au contrat.

107    En l’espèce, cette conclusion est d’autant plus justifiée que, ainsi que la Commission l’a confirmé lors de l’audience, les clauses d’indemnisation étaient prévues dans des contrats-cadres conclus entre les divers participants du RELF. Or, ces contrats-cadres faisaient partie de l’ensemble des contrats juridiquement contraignants qui, ainsi que la Cour l’a souligné dans son arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60, point 138), étaient soumis à l’administration fiscale et dont celle-ci tenait compte pour autoriser l’amortissement anticipé. Au point 137 de cet arrêt, la Cour a confirmé qu’il convenait d’apprécier le RELF dans son ensemble comprenant non seulement la législation fiscale espagnole pertinente, mais également les autorisations accordées par l’administration fiscale espagnole et, ainsi, lesdits contrats juridiquement contraignants.

108    Dans de telles circonstances, dès lors que, en appréciant la compatibilité du RELF avec les règles d’aide d’État, l’attention de la Commission a été attirée sur l’existence des clauses d’indemnisation prévues dans les contrats qui étaient soumis à l’administration fiscale et dont celle-ci tenait compte pour autoriser l’amortissement anticipé, elle n’a pas outrepassé ses compétences en rappelant, en substance, que le Royaume d’Espagne devait récupérer l’aide auprès des bénéficiaires de celle-ci, sans que ces derniers puissent, sur le fondement des clauses d’indemnisation, transférer la charge de la récupération à une autre partie au contrat, conformément à la jurisprudence citée au point 92 ci‑dessus.

109    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, les arguments des requérantes selon lesquels la Commission a outrepassé ses compétences en apportant la précision à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée doivent être écartés.

110    Aucun des autres arguments des requérantes ne saurait remettre en cause la légalité de ladite précision.

111    Premièrement, selon les requérantes, l’arrêt du 8 décembre 2011, Residex Capital IV (C‑275/10, EU:C:2011:814), cité dans la décision attaquée, ne soutient pas la position de la Commission. Au contraire, il ressortirait de cet arrêt que seules les juridictions nationales sont compétentes pour examiner la validité de clauses contractuelles entre particuliers et, ainsi, d’y mettre fin.

112    Cependant, contrairement à ce que font valoir les requérantes, rien dans la jurisprudence de la Cour ne s’oppose à ce que, en ordonnant la récupération d’une aide illégale et incompatible avec le marché intérieur, la Commission précise que l’État membre concerné doit la récupérer auprès de ses bénéficiaires, sans que ces derniers puissent, sur le fondement de clauses d’indemnisation comme celles de l’espèce, transférer la charge de la récupération à une autre partie à un contrat, et ce malgré les éventuelles conséquences de cette précision pour les contrats conclus entre parties privées.

113    Au contraire, dans l’arrêt du 8 décembre 2011, Residex Capital IV (C‑275/10, EU:C:2011:814), cité au considérant 274 de la décision attaquée, la Cour a souligné que l’obligation de récupération d’une aide d’État versée illégalement exigeait que le bénéficiaire perde l’avantage dont il disposait sur le marché par rapport à ses concurrents et que la situation antérieure au versement de l’aide soit rétablie (voir point 34 dudit arrêt). En outre, la Cour a jugé que, afin de remédier à la distorsion de concurrence causée par l’aide, les juridictions nationales pouvaient intervenir et déclarer la nullité des contrats, y compris au détriment de parties qui n’étaient pas bénéficiaires de l’aide. Or, en l’espèce, la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée ne fait que rappeler au Royaume d’Espagne l’obligation qui lui incombe de récupérer l’aide auprès des bénéficiaires de celle-ci afin que la situation antérieure au versement de ladite aide soit rétablie. Contrairement à ce que font valoir les requérantes, le fait que, à la différence de la présente affaire, celle ayant conduit à l’arrêt précité concerne les compétences des juridictions nationales de déclarer la nullité de contrats privés est sans pertinence à cet égard. En effet, comme il est relevé au point 103 ci-dessus, la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée n’implique pas que la Commission ait annulé les clauses d’indemnisation.

114    Deuxièmement, selon les requérantes, la décision attaquée violerait également la liberté d’entreprise, consacrée à l’article 16 de la Charte.

115    À cet égard, il convient de relever que, en vertu de l’article 16 de la Charte, la liberté d’entreprise est reconnue conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales.

116    La protection conférée par cet article comporte la liberté d’exercer une activité économique ou commerciale, la liberté contractuelle et la concurrence libre (voir arrêt du 16 juillet 2020, Adusbef e.a., C‑686/18, EU:C:2020:567, point 82 et jurisprudence citée).

117    Selon une jurisprudence constante, la liberté d’entreprise ne constitue pas une prérogative absolue. Elle peut être soumise à un large éventail d’interventions de la puissance publique susceptibles d’établir, dans l’intérêt général, des limitations à l’exercice de l’activité économique (voir arrêt du 16 juillet 2020, Adusbef e.a., C‑686/18, EU:C:2020:567, point 83 et jurisprudence citée).

118    Par ailleurs, il importe de rappeler également que, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, des limitations peuvent être apportées à l’exercice des droits et libertés consacrés par celle-ci, tels que la liberté d’entreprise, pour autant que ces limitations sont prévues par la loi, respectent le contenu essentiel de ces droits et libertés et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui (arrêt du 16 juillet 2020, Adusbef e.a., C‑686/18, EU:C:2020:567, point 86).

119    En l’espèce, même à supposer que la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée soit considérée comme limitant la liberté d’entreprise, il y a tout d’abord lieu de relever que cette limitation découle notamment de l’obligation de récupération, prévue par l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que par l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, de sorte qu’elle est prévue par la loi.

120    S’agissant de la condition tenant au respect du contenu essentiel de la liberté d’entreprise, il y a lieu de constater que les requérantes ne contestent pas que la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée n’affecte pas ce contenu essentiel.

121    Ensuite, cette précision poursuit un objectif d’intérêt général. En effet, ainsi qu’il est exposé aux points 105 et 106 ci-dessus, elle vise à assurer que les clauses d’indemnisation ne compromettent pas l’obligation de récupération incombant au Royaume d’Espagne et, plus généralement, à garantir l’effet utile du système de contrôle des aides d’État instauré par le traité.

122    En outre, les requérantes n’ont soumis au Tribunal aucun élément qui permettrait de constater que, eu égard à cet objectif, la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée constitue une intervention démesurée ou intolérable portant atteinte à la substance même de la liberté d’entreprise.

123    En ce qui concerne, enfin, le caractère nécessaire de la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, les requérantes n’avancent pas d’élément permettant de considérer que, en apportant cette précision, la Commission a dépassé les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis qui ont été rappelés au point 121 ci-dessus, tels que notamment celui du rétablissement de la situation antérieure à l’octroi de l’aide et la restitution des aides en cause par les bénéficiaires. Au demeurant, ainsi que le Tribunal l’a considéré au point 106 ci-dessus, l’article 4, paragraphe 1, de ladite décision ne fait que préciser la portée de l’obligation de récupération incombant au Royaume d’Espagne.

124    Eu égard à ce qui précède, les sixièmes moyens doivent être rejetés comme étant non fondés.

 Sur les demandes de production du dossier complet de la décision attaquée

125    Les requérantes demandent chacune la production d’une copie du dossier complet de la Commission relatif à la décision attaquée afin qu’elles puissent, le cas échéant, faire une offre de preuve, notamment au soutien de leurs premiers moyens, en ce qu’ils contestent la sélectivité du RELF, de leurs deuxièmes et quatrièmes moyens, en ce qu’ils contestent l’identification des GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires du RELF et le défaut de motivation à cet égard, et de leurs cinquièmes moyens, en ce qu’ils soulèvent une violation du principe d’égalité de traitement.

126    La Commission conclut au rejet de ces demandes.

127    Par ces demandes, les requérantes invitent, en substance, le Tribunal à adopter une mesure d’organisation de la procédure au sens de l’article 89 de son règlement de procédure, demandant à la Commission de produire l’ensemble du dossier administratif de la Commission relatif à la décision attaquée.

128    S’agissant des demandes de mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction soumises par une partie à un litige, il y a lieu de rappeler que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (voir arrêt du 26 janvier 2017, Mamoli Robinetteria/Commission, C‑619/13 P, EU:C:2017:50, point 117 et jurisprudence citée ; arrêt du 12 novembre 2020, Fleig/SEAE, C‑446/19 P, non publié, EU:C:2020:918, point 53).

129    En l’espèce, la mesure d’organisation de la procédure demandée n’apparaît pas nécessaire afin de statuer sur les présents recours.

130    En effet, comme il a été relevé au point 23 ci-dessus, les requérantes ont renoncé à leurs premiers et cinquièmes moyens et, comme il a été relevé aux points 33, 34 et 60 ci-dessus, il n’y a pas lieu de statuer sur les griefs soulevés dans le cadre des deuxièmes et quatrièmes moyens pour lesquels les requérantes demandent au Tribunal d’adopter une telle mesure d’organisation de la procédure.

131    En outre et en tout état de cause, les éléments contenus dans le dossier ainsi que les explications données lors de l’audience sont suffisants pour permettre au Tribunal de se prononcer, celui-ci ayant pu utilement statuer sur la base des conclusions, des moyens et des arguments développés en cours d’instance et au vu des documents déposés par les parties.

132    Dans ces conditions, il convient de rejeter les demandes de mesures d’organisation de la procédure.

 Conclusion

133    Il convient de conclure que les recours ont partiellement perdu leur objet et qu’ils doivent être considérés comme étant, pour le surplus, non fondés, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la qualité pour agir des requérantes, qui a été mise en doute par la Commission.

 Sur les dépens

134    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

135    Par ailleurs, aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

136    En l’espèce, il a été constaté qu’une partie du litige avait perdu son objet. Or, la disparition partielle de l’objet du litige est la conséquence d’une erreur de droit commise par la Commission qui a également été soulevée par les requérantes dans le cadre des présents recours, laquelle a entraîné l’annulation partielle de la décision attaquée prononcée par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).

137    En revanche, les requérantes ont succombé pour ce qui concerne la partie du litige pour laquelle il y a toujours lieu de statuer.

138    Dans ces circonstances, le Tribunal décide de condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur les recours dans la mesure où ils sont dirigés contre l’article 1er de la décision 2014/200/UE de la Commission, du 17 juillet 2013, concernant l’aide d’État SA.21233 C/11 (ex NN/11, ex CP 137/06) mise à exécution par l’Espagne – Régime fiscal applicable à certains accords de location-financement, également appelé « régime espagnol de leasing fiscal », en ce qu’il désigne les groupements d’intérêt économique et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision, et l’article 4, paragraphe 1, de ladite décision, en ce qu’il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide visée dans cette décision auprès des investisseurs des groupements d’intérêt économique qui en ont bénéficié.

2)      Les recours sont rejetés pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Kornezov

De Baere

Petrlík

Kecsmár

 

      Kingston

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 mai 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.


1      La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.

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