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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Erzeugergemeinschaft Winzersekt v EUIPO - Milz (Hinterland) (EU trade mark - Judgment) French Text [2024] EUECJ T-470/23 (04 September 2024) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T47023.html Cite as: ECLI:EU:T:2024:585, EU:T:2024:585, [2024] EUECJ T-470/23 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)
4 septembre 2024(*)
« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale Hinterland – Cause de nullité absolue – Caractère distinctif – Absence de caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (UE) 2017/1001 »
Dans l’affaire T‑470/23,
Erzeugergemeinschaft Winzersekt GmbH, établie à Sprendlingen (Allemagne), représentée par Me C. Düchs, avocat,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. Eberl, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant
Martin Milz, demeurant à Hergensweiler (Allemagne), représenté par Me M. Muhr, avocate,
LE TRIBUNAL (septième chambre),
composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, MM. G. Hesse et I. Dimitrakopoulos (rapporteur), juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
vu la phase écrite de la procédure,
vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Erzeugergemeinschaft Winzersekt GmbH, demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 28 juin 2023 (affaire R 2413/2022-1) (ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 Le 3 janvier 2022, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande en nullité de la marque de l’Union européenne verbale Hinterland qui a été enregistrée à la suite d’une demande déposée le 9 septembre 2019.
3 Les produits couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relèvent de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Boissons alcoolisées à l’exception des bières ; spiritueux ; boissons distillées ; schnaps ; liqueurs ; eaux-de-vie ; whisky ; genièvre [eau-de-vie] ; genièvre ; eaux-de-vie de fruits ».
4 Les causes invoquées à l’appui de la demande en nullité étaient celles visées à l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), c) et g), de ce même règlement.
5 Le 27 octobre 2022, la division d’annulation a accueilli la demande en nullité.
6 Le 7 décembre 2022, l’intervenant, M. Martin Milz, a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation. Par la demande du 13 janvier 2023 déposée auprès de l’EUIPO, l’intervenant a sollicité la renonciation partielle à sa marque pour les produits « boissons alcoolisées à l’exception des bières ». Cette renonciation a été enregistrée le 6 mars 2023 et publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 2023/046 du 8 mars 2023.
7 Par la décision attaquée, la chambre de recours a accueilli le recours et rejeté la demande en nullité de la marque contestée. Elle a estimé, en substance, que, d’une part, le terme « Hinterland » n’avait pas de signification concrète en ce qui concerne les produits désignés par ladite marque et qu’il disposait ainsi d’un caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. D’autre part, ce même terme ne constituerait pas une indication géographique, ni ne décrirait une caractéristique objective inhérente à la nature desdits produits et, dès lors, ne serait pas descriptif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement. Enfin, la chambre de recours a estimé que le terme « Hinterland » ne pouvait non plus tromper le public au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous g), de ce même règlement, étant donné qu’il n’a pas de signification concrète.
Conclusions des parties
8 La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– confirmer la décision de la division d’annulation ;
– condamner l’EUIPO et l’intervenant aux dépens, y compris ceux exposés devant l’EUIPO.
9 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens, si une audience est organisée.
10 L’intervenant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
Sur l’observation liminaire de la requérante
11 Au point 32 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, à la suite de l’inscription au registre de la renonciation, par l’intervenant, à la protection de sa marque pour les « boissons alcoolisées à l’exception des bières » (voir point 6 ci-dessus), l’objet du recours devant elle portait sur la liste limitée des produits, à savoir « spiritueux ; boissons distillées ; schnaps ; liqueurs ; eaux-de-vie ; whisky ; genièvre [eau-de-vie] ; genièvre ; eaux-de-vie de fruits », telle qu’elle résultait désormais dudit registre.
12 Dans la partie de sa requête intitulée « Observation liminaire », la requérante soutient que l’objet de la procédure sur lequel la chambre de recours s’est fondée dans la décision attaquée est erroné. Plus particulièrement, elle estime que la chambre de recours aurait dû se fonder sur la liste des produits dans sa version à la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée.
13 Or, à cet égard, par son argumentation, la requérante se borne à critiquer la détermination de l’objet du recours par ladite chambre, sans indiquer des conséquences concrètes que ladite détermination prétendument erronée aurait sur la légalité des conclusions de la chambre de recours figurant dans la décision attaquée. Il n’est pas contesté, non plus, que l’inscription de la renonciation à la protection de la marque contestée pour les « boissons alcoolisées à l’exception des bières » au registre, au cours de la procédure administrative devant la chambre de recours, était dotée d’un caractère régulier et effectif.
14 En outre, il ressort du dossier de la procédure devant l’EUIPO que, à la date de l’adoption de la décision attaquée, le litige qui persistait entre les parties devant la chambre de recours portait effectivement sur l’existence de la cause de nullité absolue, visée à l’article 59, paragraphe 1, sous a), lu conjointement, notamment, avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001 en ce qui concerne les produits désignés par la marque contestée à la suite de l’inscription au registre de la renonciation opérée par l’intervenant.
15 Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce qu’allègue la requérante, la chambre de recours n’a commis aucune erreur dans la délimitation de l’objet du recours devant elle, résumée au point 11 ci-dessus.
Sur le fond
16 La requérante invoque, en substance, deux moyens, tirés, le premier, de la violation des dispositions combinées de l’article 59, paragraphe 1, sous a), et de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, et, le second, de la violation des dispositions combinées de l’article 59, paragraphe 1, sous a), et de l’article 7, paragraphe 1, sous c), de ce même règlement. En effet, contrairement à la chambre de recours, la requérante estime que la marque contestée est dépourvue de caractère distinctif et est descriptive des produits désignés par cette dernière.
17 Avant d’examiner les moyens invoqués par la requérante dans le cadre de son recours, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, la nullité de la marque de l’Union européenne est déclarée, sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, lorsque cette marque a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 du même règlement.
18 Dans le cadre d’une procédure de nullité fondée sur un motif absolu de refus, la marque de l’Union européenne enregistrée étant présumée valide, il appartient à la personne ayant présenté la demande en nullité d’invoquer devant l’EUIPO les éléments concrets qui mettraient en cause sa validité [arrêt du 13 septembre 2013, Fürstlich Castell’sches Domänenamt/OHMI – Castel Frères (CASTEL), T‑320/10, EU:T:2013:424, point 28].
19 Il convient d’examiner d’abord le second moyen puis le premier moyen.
Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 59, paragraphe 1, sous a), et de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001
20 Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, à désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. En vertu de l’article 7, paragraphe 2 du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.
21 Ces signes ou indications sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service [arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 30, et du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, EU:T:2002:41, point 37].
22 Pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [voir arrêts du 12 janvier 2005, Deutsche Post EURO EXPRESS/OHMI (EUROPREMIUM), T‑334/03, EU:T:2005:4, point 25 et jurisprudence citée, et du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, EU:T:2005:247, point 25 et jurisprudence citée].
23 Il convient de rappeler que le choix, par le législateur de l’Union, du terme « caractéristique » met en exergue le fait que les signes visés à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 ne sont que ceux qui servent à désigner une propriété, facilement reconnaissable par le public pertinent, des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé. Ainsi, un signe ne saurait être refusé à l’enregistrement sur le fondement de cette disposition que s’il est raisonnable d’envisager qu’il sera effectivement reconnu par le public pertinent comme une description de l’une desdites caractéristiques [voir, en ce sens, arrêts du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 50, et du 3 juillet 2013, Airbus/OHMI (NEO), T‑236/12, EU:T:2013:343, point 32].
24 Partant, l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services concernés et, d’autre part, par rapport à la compréhension qu’en a le public pertinent [voir arrêt du 25 octobre 2005, Peek & Cloppenburg/OHMI (Cloppenburg), T‑379/03, EU:T:2005:373, point 37 et jurisprudence citée].
25 En interdisant l’enregistrement en tant que marque de tels signes ou indications, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les signes ou les indications descriptives des caractéristiques de produits ou de services pour lesquels l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que de tels signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque (voir arrêt du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 31 et jurisprudence citée).
26 S’agissant plus particulièrement des signes ou des indications pouvant servir pour désigner la provenance ou la destination géographique de catégories de produits ou le lieu de prestation de catégories de services pour lesquelles une marque de l’Union européenne est demandée, en particulier les noms géographiques, il existe un intérêt général à préserver leur disponibilité en raison notamment de leur capacité non seulement de révéler éventuellement la qualité et d’autres propriétés des catégories de produits ou de services concernées, mais également d’influencer diversement les préférences des consommateurs, par exemple en rattachant les produits ou les services à un lieu qui peut susciter des sentiments positifs (arrêts du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230, point 26, et du 6 septembre 2018, Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise/EUIPO, C‑488/16 P, EU:C:2018:673, point 37).
27 À cet égard, il convient de rappeler que sont exclus, d’une part, l’enregistrement des noms géographiques en tant que marques lorsqu’ils désignent des lieux géographiques déterminés qui sont déjà réputés ou connus pour la catégorie de produits ou de services concernés et qui, dès lors, présentent un lien avec celle-ci aux yeux du public pertinent et, d’autre part, l’enregistrement des noms géographiques susceptibles d’être utilisés par les entreprises qui doivent également être laissés disponibles pour celles-ci en tant qu’indications de provenance géographique de la catégorie de produits ou de services concernés (arrêt du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230, points 29, 30 et 37).
28 Dès lors, un signe ne saurait être refusé à l’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 que si le nom géographique pour lequel l’enregistrement est demandé en tant que marque désigne un lieu qui présente, au moment de la demande, aux yeux du public pertinent, un lien avec la catégorie de produits concernée ou s’il est raisonnable d’envisager que, dans l’avenir, un tel lien puisse être établi (arrêts du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230, point 31, et du 6 septembre 2018, Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise/EUIPO, C‑488/16 P, EU:C:2018:673, point 38).
29 En revanche, il y a lieu de relever que, en principe, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 ne s’oppose pas à l’enregistrement des noms géographiques qui sont inconnus du public pertinent ou, à tout le moins, inconnus en tant que désignation d’un lieu géographique ou encore des noms pour lesquels, en raison des caractéristiques du lieu désigné, il n’est pas vraisemblable que le public pertinent puisse envisager que la catégorie de produits concernée provienne de ce lieu (arrêts du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230, point 33, et du 6 septembre 2018, Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise/EUIPO, C‑488/16 P, EU:C:2018:673, point 39).
30 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner, au vu de l’appréciation exposée par la chambre de recours dans la décision attaquée, l’argumentation de la requérante.
31 Aux points 61 à 66 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que le terme « Hinterland », employé par la marque contestée, n’était pas descriptif des produits couverts par ladite marque. Selon elle, ce terme ne permettait de décrire aucune caractéristique des produits en cause du fait de leur fabrication dans l’arrière-pays (Hinterland). La notion d’« Hinterland » étant indéterminée, elle ne deviendrait descriptive que si elle était accompagnée d’un terme géographique concret approprié, dans la mesure où ce dernier définirait le « lieu central » auquel renvoie le terme « Hinterland ». Dès lors, la marque contestée ne pourrait pas être considérée comme désignant une caractéristique objective et inhérente à la nature des produits en cause et ne présenterait pas de lien suffisamment direct et concret avec ces derniers, afin de permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans aucune réflexion, une description de la destination ou de toute autre caractéristique de ces produits.
32 La requérante conteste cette appréciation et fait valoir que la marque contestée consiste en une indication pouvant servir, dans le commerce, pour désigner la provenance ou la destination géographique desdits produits. Selon elle, peu importe que le terme « Hinterland » ne corresponde à aucun nom géographique spécifique, étant donné que les termes géographiques abstraits qui décrivent de manière abstraite des particularités géographiques relèveraient également du motif absolu de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001. Elle ajoute que le terme « Hinterland » suggère, en outre, une proximité avec la nature par opposition à la ville et les avantages des boissons désignées par la marque contestée liés à leur caractère rural et provincial.
33 L’EUIPO et l’intervenant contestent les arguments de la requérante.
34 À titre liminaire, il convient de relever que, si la chambre de recours n’a pas expressément défini le public pertinent dans la décision attaquée, en l’absence de toute prétention de la part de la requérante à cet égard et compte tenu des produits en cause, à savoir diverses boissons alcoolisées, qui constituent des articles de consommation courante et font l’objet d’une distribution généralisée, pour lesquels le public pertinent est le consommateur moyen des produits de grande consommation, ladite chambre a implicitement mais certainement considéré que le public pertinent était constitué par le grand public [voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 30 novembre 2004, Geddes/OHMI (NURSERYROOM), T-173/03, EU:T:2004:347, point 18, du 10 juin 2008, Novartis/OHMI (BLUE SOFT), T-330/06, non publié, EU:T:2008:185, point 40 et jurisprudence citée, et du 12 mai 2010, Beifa Group/OHMI – Schwan-Stabilo Schwanhäußer (Instrument d'écriture), T-148/08, EU:T:2010:190, point 108 et jurisprudence citée]. S’agissant du profil linguistique de ce public, il n’est pas contesté par les parties, d’une part, que celui-ci se compose de l’ensemble des consommateurs anglophones, francophones et germanophones de l’Union et, d’autre part, que, aux fins de la présente affaire, il n’est pas nécessaire de déterminer si le public pertinent serait également composé des consommateurs hispanophones et lusophones.
35 En premier lieu, s’agissant de la signification de la marque contestée pour le public pertinent, selon le dictionnaire allemand Duden, le terme « Hinterland » signifie un « territoire situé autour d’un lieu central ou derrière une frontière importante (en particulier dans sa relation géographique, de transport, économique, culturelle, politique ou militaire avec ce lieu, avec cette frontière) » et il est entré dans les langues anglaise et française avec cette même signification.
36 En second lieu, s’agissant du rapport entre la marque contestée et les produits couverts par elle, force est de constater, à l’instar de la chambre de recours, que la marque contestée ne présente pas de lien suffisamment direct et concret avec les produits qu’elle désigne aux fins de permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans aucune réflexion, une description de la destination ou de toute autre caractéristique de ces produits.
37 À cet égard, premièrement, il est constant entre les parties que le terme « Hinterland » ne désigne ni un point géographique particulier, ni une zone géographique spécifique. Ainsi, ledit terme n’est pas susceptible d’être connu du public pertinent en tant que désignation d’un lieu géographique déterminé au sens de la jurisprudence précitée aux points 27 à 29 ci-dessus.
38 Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’allègue la requérante, il n’y a pas lieu de considérer que le terme abstrait « Hinterland » pourrait désigner les caractéristiques des produits liées à leur lieu de production et, plus généralement, à leur provenance géographique, ni même à leur lieu de consommation. En effet, il ne ressort ni de la requête, ni d’aucun élément du dossier qu’un tel terme puisse décrire de quelconques particularités géographiques d’un lieu, y compris abstrait et ce, d’autant plus qu’aucune disposition du règlement 2017/1001 ne prévoit qu’un terme géographique abstrait puisse relever du motif absolu de refus visé par l’article 7, paragraphe 1, sous c), de ce même règlement. En outre, en l’absence de signification concrète, ce terme ne renseigne le public pertinent sur aucune caractéristique ou particularité pour lesquelles un lieu géographique serait connu et pour lesquelles il serait vraisemblable que le public pertinent puisse envisager que les produits en cause proviennent de ce lieu ou qu’ils y soient fabriqués au sens de la jurisprudence citée aux points 27 à 29 ci-dessus.
39 Cette conclusion n’est pas infirmée par l’allégation de la requérante selon laquelle l’intervenant admettrait lui-même, dans la publicité sur son site Internet, le caractère descriptif du terme « Hinterland » en tant que provenance géographique des produits en cause. Certes, il ressort des éléments de preuve produits par la requérante qu’un commentaire, figurant sur le site Internet de l’intervenant, fait mention de la provenance du gin de l’arrière-pays (Hinterland). Toutefois, cet élément de preuve unique, dont la seule date mentionnée est postérieure à celle du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, ne permet pas, à lui seul, de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de cette marque et, dès lors, ne satisfait pas aux conditions découlant de la jurisprudence précitée aux points 18 et 27 à 29 ci-dessus afin d’établir que la marque contestée était perçue comme étant descriptive de la provenance géographique des diverses boissons alcoolisées en cause.
40 De plus, la seule circonstance que l’intervenant indiquerait dans sa publicité que l’un des produits désignés par la marque contestée, à savoir le gin, proviendrait d’un lieu, au demeurant, abstrait, ne saurait constituer une indication descriptive de sa provenance géographique, dans la mesure où un tel lieu n’est pas susceptible de désigner des caractéristiques, qualités ou particularités propres liées à l’origine géographique de celui-ci, de nature à caractériser un lieu déterminé.
41 Par ailleurs, la comparaison de la requérante entre le terme « Hinterland », lequel serait descriptif du lieu de production des produits désignés par la marque contestée, et un domaine viticole, lequel serait descriptif pour des vins, ces derniers n’étant, au demeurant, pas concernés par le présent recours, n’est pas pertinente, dans la mesure où, selon la jurisprudence rappelée au point 24 ci-dessus, l’appréciation du caractère descriptif de la marque contestée ne peut être opérée que, d’une part, par rapport aux produits concernés et, d’autre part, par rapport à la compréhension qu’en a le public pertinent. Il convient donc de l’écarter.
42 Secondement, il convient de confirmer l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la marque contestée n’est pas évocatrice de la nature ou du milieu rural. En effet, contrairement à ce que relève la requérante, le terme « Hinterland », dans le contexte des boissons alcoolisées en cause, ne renvoie pas spécifiquement à la nature ou à la proximité avec celle-ci.
43 À cet égard, il convient de rappeler que, pour tomber sous le coup de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, un signe verbal doit servir à désigner de manière spécifique, non vague et objective les caractéristiques essentielles des produits et services en cause [voir arrêt du 2 décembre 2008, Ford Motor/OHMI (FUN), T‑67/07, EU:T:2008:542, point 32 et jurisprudence citée].
44 Or, les prétendues caractéristiques alléguées par la requérante, lesquelles seraient décrites par le terme « Hinterland », ne sont pas indiquées ni individualisées par la marque contestée et demeurent, dans l’hypothèse où le public pourrait imaginer qu’elles sont évoquées, trop vagues et indéterminées pour regarder cette marque comme descriptive des produits en cause. Ainsi, contrairement à ce qu’allègue la requérante, le terme « Hinterland », employé par la marque contestée, ne sera pas compris immédiatement et sans équivoque par le public pertinent comme faisant référence à la campagne, ni à de prétendus avantages des diverses boissons alcoolisées en cause liés à leur caractère rural et provincial.
45 Enfin, la conclusion selon laquelle, confronté à la marque contestée, le public pertinent ne percevra pas immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits couverts par cette marque ou d’une de leurs caractéristiques est corroborée par les éléments de preuve produits par la requérante qui démontrent que le terme « Hinterland » est toujours utilisé en conjonction avec d’autres termes ou phrases qui en précisent la portée, de sorte que ce terme, à lui seul, ne permet pas au consommateur d’imaginer à quel type de produit ou caractéristique de ce dernier il se rattache.
46 Compte tenu de ce qui précède, il convient de considérer que la chambre de recours a correctement conclu que la marque contestée n’était pas descriptive des produits qu’elle désigne et qu’il n’y avait pas lieu d’annuler cette marque sur le fondement de l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, c), de ce même règlement.
47 Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le second moyen.
48 Toutefois, dans la mesure où le fait qu’une marque ne soit pas descriptive n’implique pas nécessairement qu’elle soit distinctive, il convient désormais d’examiner le premier moyen, tiré de la violation des dispositions combinées de l’article 59, paragraphe 1, sous a), et de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 59, paragraphe 1, sous a), et de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001
49 Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.
50 Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée).
51 Ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée).
52 La notion d’intérêt général sous-jacente à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 se confond, à l’évidence, avec la fonction essentielle de la marque qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 48).
53 Il ressort de la jurisprudence qu’un minimum de caractère distinctif suffit à faire obstacle à l’application du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 [arrêts du 27 février 2002, EUROCOOL, T‑34/00, EU:T:2002:41, point 39, et du 27 juin 2017, Aldi Einkauf/EUIPO – Fratelli Polli (ANTICO CASALE), T‑327/16, non publié, EU:T:2017:439, point 35].
54 En outre, pour revêtir le degré de distinctivité minimal exigé par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, le signe déposé doit seulement apparaître a priori apte à permettre au public pertinent d’identifier l’origine des produits ou des services désignés dans la demande de marque de l’Union européenne et de les distinguer de ceux d’autres entreprises, sans devoir être nécessairement doté d’un sens particulier, un signe parfaitement arbitraire pouvant être distinctif [voir arrêt du 13 juin 2007, IVG Immobilien/OHMI (I), T‑441/05, EU:T:2007:178, point 55 et jurisprudence citée].
55 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, comme le prétend la requérante, la chambre de recours a violé les dispositions combinées de l’article 59, paragraphe 1, sous a), et de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.
56 Aux points 42 à 48 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que le terme « Hinterland », employé par la marque contestée, n’avait pas de signification concrète par rapport aux produits en cause. En effet, celui‑ci ne désignerait ni un point géographique particulier, ni une zone géographique spécifique. Ce terme ne contiendrait aucune référence à la proximité de la nature. Une telle l’interprétation pourrait, tout au plus, résulter d’un processus de pensée analytique que les consommateurs ne feraient pas et ce, d’autant plus que la référence à un lieu central serait également trop vague. Elle en a conclu que le motif de refus absolu visé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 ne s’appliquait pas à la marque contestée.
57 La requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours, en faisant valoir, en substance, que le public pertinent voit dans le terme « Hinterland » une référence élogieuse à des attributs positifs, à savoir la proximité avec la nature par opposition à la ville, en particulier les grandes villes. Elle estime que la chambre de recours a interprété l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 de manière trop restrictive, dans la mesure où les termes géographiques abstraits peuvent également être dépourvus du caractère distinctif. Tel serait le cas du terme « Hinterland » qui indique au public pertinent la provenance géographique ou le lieu de consommation des produits en cause.
58 L’EUIPO et l’intervenant contestent les arguments de la requérante.
59 À titre liminaire, il convient de rappeler que le public pertinent est composé du grand public. Par ailleurs, le public au regard duquel il convient d’apprécier le présent motif absolu de refus est le public anglophone, francophone et germanophone de l’Union (voir point 34 ci-dessus).
60 Cela étant, en premier lieu, s’agissant de la perception du public pertinent de la marque contestée, il y a lieu de rappeler que le terme « Hinterland » a une signification pour le public pertinent, telle qu’elle est exposée au point 35 ci-dessus.
61 En second lieu, s’agissant du caractère distinctif pour les produits couverts par la marque contestée, il convient de considérer que l’appréciation de la chambre de recours, résumée au point 56 ci-dessus, est exempte d’erreur.
62 À cet égard, tout d’abord, contrairement aux arguments de la requérante, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que la marque contestée n’était pas descriptive. En effet, pour les raisons exposées aux points 35 à 46 ci-dessus, ladite marque n’est pas descriptive des produits qu’elle désigne ou de leurs caractéristiques, et, de ce fait, elle ne peut, pour ces mêmes raisons en l’espèce, être considérée comme étant dépourvue de caractère distinctif.
63 Ensuite, il convient de considérer que la circonstance, invoquée par la requérante, selon laquelle le terme « Hinterland » serait utilisé de manière générique pour désigner des lieux concrets est dénuée de pertinence. En effet, selon la jurisprudence, un signe verbal ne peut être considéré comme étant apte à identifier l’origine commerciale des produits qu’il désigne et, par conséquent, à remplir la fonction essentielle de la marque, en raison de son utilisation habituelle dans le langage courant, comme dans le commerce, en tant que terme laudatif générique. Il en est a fortiori de même lorsque le terme en cause ne consiste pas à exalter de manière indéterminée la nature, la fonction, la qualité ou l’une des qualités de n’importe quel produit ou service, mais à donner une information sur la nature des produits ou des services concernés [voir arrêt du 16 mai 2013, Restoin/OHMI (EQUIPMENT), T‑356/11, non publié, EU:T:2013:253, point 64 et jurisprudence citée].
64 Or, en l’espèce, la requérante n’a pas établi que le terme « Hinterland » serait utilisé de manière habituelle dans le langage courant, comme dans le commerce, dans une signification générique de nature à renseigner le public pertinent des qualités de n’importe quel produit en cause ou à donner des informations sur leur nature.
65 Quant à l’affirmation selon laquelle le terme « Hinterland », employé par la marque contestée, contiendrait une référence élogieuse à des attributs positifs des boissons alcoolisées en cause, à savoir la proximité avec la nature par opposition à la ville, il y a lieu de rappeler que, contrairement à ce qu’allègue la requérante, ledit terme, au sens de sa définition rappelée au point 35 ci-dessus, n’est pas associé à la proximité avec la nature. En tout état de cause, une éventuelle connotation élogieuse d’une marque ne la prive pas nécessairement d’un caractère distinctif (voir arrêt du 27 juin 2017, ANTICO CASALE, T‑327/16, non publié, EU:T:2017:439, point 44 et jurisprudence citée).
66 Enfin, la requérante n’est pas non plus fondée à soutenir que la chambre de recours aurait procédé à une interprétation trop restrictive de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. En effet, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, la conclusion sur le caractère distinctif de la marque contestée ne résulte pas de l’analyse du seul caractère concret ou abstrait du terme « Hinterland », mais de l’appréciation, conforme à la jurisprudence précitée au point 51 ci-dessus, de sa signification d’une part, par rapport aux produits en cause et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent.
67 Il résulte de ce qui précède que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que la marque contestée était dotée d’un caractère distinctif pour les produits en cause et qu’il n’y avait pas lieu d’annuler cette marque sur le fondement de l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, b), de ce même règlement.
68 Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le premier moyen et, partant, le recours dans son ensemble, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la recevabilité du deuxième chef des conclusions de la requérante.
Sur les dépens
69 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il convient de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’intervenant, conformément aux conclusions de ce dernier.
70 L’EUIPO n’a conclu à la condamnation de la requérante aux dépens qu’en cas d’organisation d’une audience. En l’absence d’organisation d’une audience, il convient de décider que celui‑ci supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (septième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Erzeugergemeinschaft Winzersekt GmbH est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par M. Martin Milz.
3) L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supportera ses propres dépens.
Kowalik-Bańczyk | Hesse | Dimitrakopoulos |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 septembre 2024.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.
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