Mordashova v Council (Common foreign and security policy - Restrictive measures adopted in respect of actions undermining or threatening the territorial integrity, sovereignty and independence of Ukraine - Judgment) French Text [2024] EUECJ T-497/22 (11 September 2024)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T49722.html
Cite as: [2024] EUECJ T-497/22, ECLI:EU:T:2024:604, EU:T:2024:604

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ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

11 septembre 2024 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine – Gel des fonds – Restrictions en matière d’admission sur le territoire des États membres – Liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques et faisant l’objet de restrictions en matière d’admission sur le territoire des États membres – Inscription et maintien du nom de la requérante sur la liste – Notion d’“association” – Article 2, paragraphe 1, in fine, de la décision 2014/145/PESC – Notion d’“avantage tiré d’un homme d’affaires influent exerçant des activités en Russie” – Article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 – Exception d’illégalité – Obligation de motivation – Erreur d’appréciation – Proportionnalité – Droit de propriété – Sécurité juridique – Principe de non-discrimination – Droit d’être entendu »

Dans l’affaire T‑497/22,

Marina Alexandrova Mordashova, demeurant à Moscou (Russie), représentée par Mes T. Bontinck, D. Bogaert, A. Guillerme, L. Burguin, M. Brésart et J. Goffin, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes M.-C. Cadilhac et D. Laurent, en qualité d’agents, assistées de Mes B. Maingain et A. Vandevelde, avocats,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, R. Mastroianni et S. L. Kalėda (rapporteur), juges,

greffier : Mme M. Zwozdziak-Carbonne, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 28 novembre 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Mme Marina Alexandrova Mordashova, demande l’annulation en ce qu’ils la concernent :

–        premièrement, de la décision (PESC) 2022/883 du Conseil, du 3 juin 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 153, p. 92), et du règlement d’exécution (UE) 2022/878 du Conseil, du 3 juin 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 153, p. 15) (ci-après, pris ensemble, les « actes initiaux ») ;

–        deuxièmement, de la décision (PESC) 2022/1530 du Conseil, du 14 septembre 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 149), et du règlement d’exécution (UE) 2022/1529 du Conseil, du 14 septembre 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de maintien de septembre 2022 ») ;

–        troisièmement, de la décision (PESC) 2023/572 du Conseil, du 13 mars 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 75 I, p. 134), et du règlement d’exécution (UE) 2023/571 du Conseil, du 13 mars 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 75 I, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de maintien de mars 2023 ») ;

–        quatrièmement, de la décision (PESC) 2023/1767 du Conseil, du 13 septembre 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 226, p. 104), et du règlement d’exécution (UE) 2023/1765 du Conseil, du 13 septembre 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 226, p. 3) (ci-après, pris ensemble, les « actes de maintien de septembre 2023 »).

 Antécédents du litige

2        La requérante est une ressortissante de nationalité russe.

3        La présente affaire s’inscrit dans le contexte des mesures restrictives décidées par l’Union européenne eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.

4        Le 17 mars 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 16).

5        Le même jour, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 6).

6        Le 25 février 2022, au vu de la gravité de la situation en Ukraine, le Conseil a adopté, d’une part, la décision (PESC) 2022/329, modifiant la décision 2014/145 (JO 2022, L 50, p. 1) (ci-après la « décision 2014/145 telle que modifiée »), et, d’autre part, le règlement (UE) 2022/330, modifiant le règlement no 269/2014 (JO 2022, L 51, p. 1), afin notamment d’amender les critères en application desquels des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes pouvaient être visés par les mesures restrictives en cause.

7        L’article 2, paragraphes 1 et 2, de la décision 2014/145 telle que modifiée, se lit comme suit :

« 1.      Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant :

a)      à des personnes physiques qui sont responsables d’actions ou de politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, ou la stabilité ou la sécurité en Ukraine, ou qui font obstruction à l’action d’organisations internationales en Ukraine, à des personnes physiques qui soutiennent ou mettent en œuvre de telles actions ou politiques ;

[…]

d)      à des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes qui apportent un soutien matériel ou financier aux décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée ou de la déstabilisation de l’Ukraine, ou qui tirent avantage de ces décideurs ;

[…]

f)      à des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes qui apportent un soutien matériel ou financier au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine, ou qui tirent avantage de ce gouvernement ;

g)      à des femmes et hommes d’affaires influents ou des personnes morales, des entités ou des organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine

et les personnes physiques et morales, les entités ou les organismes qui leur sont associés, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent, dont la liste figure en annexe [ci-après le « critère de l’association »].

2.      Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est, directement ou indirectement, mis à la disposition des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure à l’annexe, ou mis à leur profit ».

8        Les modalités de ce gel des fonds sont définies aux paragraphes suivants de l’article 2 de la décision 2014/145 telle que modifiée.

9        L’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2014/145 telle que modifiée, proscrit l’entrée ou le passage en transit sur le territoire des États membres des personnes physiques répondant à des critères en substance identiques à ceux énoncés à l’article 2, paragraphe 1, de cette même décision.

10      Le règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2022/330 (ci-après le « règlement no 269/2014 modifié »), impose l’adoption des mesures de gel de fonds et définit les modalités de ce gel en des termes identiques, en substance, à ceux de la décision 2014/145 telle que modifiée.

11      Dans ce contexte, le 3 juin 2022, le Conseil a adopté les actes initiaux.

12      Par ces actes initiaux, le nom de la requérante a été ajouté sur la ligne 1156 des listes des personnes, des entités et des organismes auxquels s’appliquent les mesures restrictives figurant à l’annexe de la décision 2014/145, et à l’annexe I du règlement no 269/2014 (ci-après les « listes en cause »), aux motifs suivants :

« [La requérante] est l’épouse d’Alexey Mordashov, président de la société Severgroup. Alexey Mordashov a transféré ses parts du géant du voyage TUI et de la société d’extraction d’or Nordgold, d’une valeur totale de plus de 1,5 milliard d’euros, à son épouse, [la requérante], par l’intermédiaire de diverses sociétés offshore, notamment Unifirm Limited, Ondero Limited et Ranel Assets Limited, qui sont détenues ou contrôlées par [la requérante]. [La requérante] est donc une personne physique associée à une personne inscrite sur la liste qui est responsable de soutenir des actions et des politiques compromettant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine ainsi que d’apporter un soutien financier et matériel, et elle tire avantage de décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine ».

13      Le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne du 3 juin 2022 (JO 2022, C 219I, p. 1), un avis à l’attention des personnes et des entités auxquelles s’appliquaient les mesures restrictives prévues dans les actes initiaux. Cet avis indiquait, notamment, que les personnes concernées pouvaient adresser au Conseil une demande de réexamen de la décision par laquelle leurs noms avaient été inscrits sur les listes en cause.

14      Par courriel du 10 juin 2022, la requérante a sollicité le Conseil aux fins de lui donner accès à l’ensemble du dossier la concernant, ce qui a été fait le 16 juin 2022 par transmission du document WK 6444/2022 (ci-après le « premier dossier WK »).

15      Le 16 juin 2022, la requérante a introduit une demande de réexamen des actes initiaux auprès du Conseil.

16      Le 12 août 2022, la requérante a introduit le présent recours en annulation.

17      Le 14 septembre 2022, le Conseil a adopté les actes de maintien de septembre 2022 prolongeant les mesures prises à l’encontre de la requérante jusqu’au 15 mars 2023. Lesdits actes ont maintenu le nom de la requérante sur les listes en cause sur le fondement de motifs identiques à ceux figurant dans les actes initiaux.

18      Par lettre du 15 septembre 2022, le Conseil a répondu à la demande de réexamen du 16 juin 2022, en rejetant cette demande.

19      Le 29 octobre 2022, la requérante a demandé au Conseil de reconsidérer sa situation en ce qui concerne le maintien des mesures restrictives à son égard.

20      Le 25 novembre la requérante a, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, déposé un premier mémoire en adaptation de la requête. Le Conseil a présenté ses observations sur ce dernier le 19 décembre 2022.

21      Le 22 décembre 2022, le Conseil a signifié à la requérante son intention de renouveler les mesures restrictives à son égard et lui a transmis le document WK 17699/2022 INIT (ci-après le « deuxième dossier WK »).

22      Le 19 janvier 2023, la requérante a présenté ses observations concernant le renouvellement des mesures restrictives à son égard.

23      Le 24 février 2023, le Conseil a répondu à la demande de réexamen du 29 octobre 2022 et aux observations de la requérante du 19 janvier 2023. En outre, le Conseil l’a autorisée à présenter des observations additionnelles avant le 3 mars 2023. La requérante a présenté ses observations additionnelles dans le délai imparti.

24      Le 13 mars 2023, le Conseil a adopté les actes de maintien de mars 2023. Lesdits actes ont maintenu le nom de la requérante sur les listes en cause aux motifs suivants :

« [La requérante] est la compagne d’Alexey Mordashov, président de la société Severgroup. Alexey Mordashov a transféré ses parts du géant du voyage TUI et de la société d’extraction d’or Nordgold, d’une valeur totale de plus de 1,5 milliards d’euros, à sa compagne, [la requérante], par l’intermédiaire de diverses sociétés offshore, notamment Unifirm Limited, Ondero Limited et Ranel Assets Limited, qui sont détenues ou contrôlées par [la requérante]. [La requérante] est donc une personne physique associée à une personne inscrite sur la liste, à savoir Alexey Mordashov ».

25      La requérante a déposé un deuxième mémoire en adaptation le 20 mai 2023. Le Conseil a présenté ses observations sur ce dernier le 13 juin 2023.

26      Le 30 mai 2023, la requérante a introduit une demande de réexamen auprès du Conseil.

27      Le 5 juin 2023, au vu de la poursuite de la guerre en Ukraine et le constat de l’existence d’une relation d’intérêt et de soutien mutuels entre le gouvernement de la Fédération de Russie et les femmes et hommes d’affaires influents exerçant une activité en Russie, le Conseil a adopté, d’une part, la décision (PESC) 2023/1094, modifiant la décision 2014/145 (JO 2023, L 146, p. 20) et, d’autre part, le règlement (UE) 2023/1089, modifiant le règlement no 269/2014 (JO 2023, L 146, p. 1), afin d’élargir les critères de désignation.

28      L’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée se lit dorénavant comme suit :

« g)      des femmes et hommes d’affaires influents exerçant des activités en Russie et aux membres de leur famille proche ou à d’autres personnes physiques, qui en tirent avantage, ou à des femmes et hommes d’affaires, des personnes morales, des entités ou des organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine, […] ».

29      Le 19 juin 2023, le Conseil a signifié à la requérante son intention de renouveler les mesures restrictives à son égard non pas sur le fondement du critère de l’association a une personne inscrite sur les listes en cause mais sur le fondement du critère g) en tant qu’il vise les membres de la famille proche des femmes et hommes d’affaires influents exerçant des activités en Russie ou les autres personnes physiques, qui en tirent avantage (ci-après le « deuxième volet du critère g) modifié »).

30      Par lettre du 29 juin 2023, la requérante a sollicité auprès du Conseil la prorogation du délai pour le dépôt de ses observations, initialement fixé au 4 juillet 2023, au motif que ce délai n’était pas suffisant au vu de l’application du deuxième volet du critère g) modifié.

31      Le 3 juillet 2023, le Conseil a prolongé le délai pour le dépôt des observations au 25 juillet 2023.

32      Le 10 juillet 2023, le Conseil a réitéré son intention de maintenir le nom de la requérante sur les listes en cause et lui a communiqué le dossier portant la référence WK 5142/2023 INIT (ci-après le « troisième dossier WK »).

33      Par lettre du 24 juillet 2023, la requérante a communiqué ses observations au Conseil.

34      Le 18 août 2023, le Conseil a communiqué à la requérante le dossier portant la référence WK 5142/2023 ADD 1 (ci-après le « quatrième dossier WK »), et l’a invitée à formuler ses observations pour le 1er septembre 2023. Le 31 août 2023, la requérante a présenté ses observations.

35      Le 13 septembre 2023, le Conseil a adopté les actes de maintien de septembre 2023, qui ont prolongé les mesures restrictives prises à l’encontre de la requérante jusqu’au 15 mars 2024 pour les motifs suivants :

« [La requérante] est la compagne d’Alexey Mordashov, Président de la société Severgroup. Alexey Mordashov a transféré ses parts dans le géant du voyage TUI et la société d’extraction d’or Nordgold, d’une valeur totale de plus de 1,5 milliard d’euros, à sa compagne, [la requérante], par l’intermédiaire de diverses sociétés offshore, notamment Unifirm Limited, Ondero Limited et Ranel Assets Limited, qui sont détenues ou contrôlées par [la requérante]. [La requérante] est donc membre de la famille proche d’Alexey Mordashov, son compagnon, dont elle tire avantage ».

36      Par lettre du 15 septembre 2023, le Conseil a notifié sa décision de renouveler les mesures restrictives à l’encontre de la requérante et répondu à ses observations.

37      Le 31 octobre 2023, la requérante a introduit une nouvelle demande de réexamen.

38      Le 3 novembre 2023, la requérante a déposé un troisième mémoire en adaptation. Le Conseil a présenté ses observations sur ce dernier le 23 novembre 2023.

 Conclusions des parties

39      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes initiaux et les actes de maintien de septembre 2022, de mars 2023 et de septembre 2023 (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués ») en tant qu’ils la concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

40      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        à titre subsidiaire, dans l’éventualité où le Tribunal annulerait les mesures restrictives adoptées à l’égard de la requérante, ordonner que les effets des décisions 2022/883, 2022/1530 et 2023/572 soient maintenus jusqu’à ce que l’annulation partielle des règlements d’exécution 2022/878, 2022/1529 et 2023/571 prenne effet ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

41      À l’appui de son recours en annulation, la requérante invoque quatre moyens, tirés, le premier, d’une violation du droit à la protection juridictionnelle effective et de l’obligation de motivation, le deuxième, d’une erreur manifeste d’appréciation, le troisième, d’une violation du principe de proportionnalité et des droits fondamentaux et, le quatrième, d’une violation du principe de sécurité juridique et d’égalité de traitement. Dans ses mémoires en adaptation, la requérante invoque également une violation du droit d’être entendue et la méconnaissance par le Conseil de son obligation de réexamen, qui se rattachent au premier moyen, et seront analysés dans le cadre d’une deuxième branche dudit moyen.

 Sur le premier moyen, tiré, d’une part, d’une violation du droit à la protection juridictionnelle effective et de l’obligation de motivation, et, d’autre part, d’une violation du droit d’être entendue et la méconnaissance par le Conseil de son obligation de réexamen

42      Le premier moyen s’articule en deux branches, la seconde étant soulevée par la requérante dans le cadre de ses mémoires en adaptation.

 Sur la première branche, tirée d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective et de l’obligation de motivation

43      S’agissant de la première branche, la requérante fait, tout d’abord, valoir que la motivation fournie par le Conseil ne lui permet pas de comprendre les critères appliqués, ni pourquoi ces critères lui seraient applicables. En effet, la discordance entre le projet d’exposé des motifs figurant dans le premier dossier WK et la motivation figurant dans les actes attaqués ainsi que celle figurant dans les versions linguistiques des actes attaqués ne lui aurait pas permis de comprendre pleinement les critères qui s’appliquent et de se défendre utilement, ce qui serait constitutif d’une violation de son droit à une protection juridictionnelle effective.

44      Ensuite, la requérante ajoute que le Conseil n’a pas formulé de motifs individuels, spécifiques et concrets, de nature à lui donner une indication suffisante sur le bien-fondé des actes attaqués. Le renvoi aux motifs d’une autre personne désignée et au contexte ne serait pas suffisant à cet égard. Le Conseil aurait ainsi violé l’exigence de fonder l’inscription sur les raisons individuelles.

45      Enfin, la requérante argue de l’insuffisance des motifs et des éléments de preuve pour corroborer les allégations du Conseil et justifier son inscription.

46      Le Conseil conteste les arguments de la requérante.

47      Selon une jurisprudence constante, le droit à une protection juridictionnelle effective, énoncé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite à sa demande (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 100 et jurisprudence citée).

48      L’obligation de motiver un acte faisant grief, telle que prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, qui constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 49 et jurisprudence citée).

49      La motivation exigée par l’article 296 TFUE et par l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de cet acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par ledit acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est notamment pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, ni qu’elle réponde de manière détaillée aux considérations formulées par l’intéressé lors de sa consultation avant l’adoption du même acte, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 53).

50      Ainsi, d’une part, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard. D’autre part, le degré de précision de la motivation d’un acte doit être proportionné aux possibilités matérielles et aux conditions techniques ou de délai dans lesquelles celui-ci doit intervenir (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 104 et jurisprudence citée).

51      En outre, la jurisprudence a précisé que la motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure restrictive ne devait pas seulement identifier la base juridique de cette mesure, mais également les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considérait, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé devait faire l’objet d’une telle mesure (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 105 et jurisprudence citée).

52      Enfin, il convient de rappeler que l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 67). En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 181).

53      En l’espèce, en premier lieu, il doit être relevé que le contexte général ayant conduit le Conseil à adopter les mesures restrictives en cause est clairement exposé dans les considérants des actes attaqués, qui font, notamment, référence à l’agression militaire non provoquée et injustifiée de la Fédération de Russie contre l’Ukraine. De même, les fondements juridiques sur la base desquels lesdits actes ont été adoptés, à savoir l’article 29 TUE et l’article 215 TFUE, sont clairement indiqués. Ainsi, le contexte et les circonstances ayant entouré l’adoption desdits actes étaient bien connus par la requérante.

54      En deuxième lieu, il résulte de manière suffisamment claire de la lecture des motifs des actes initiaux ainsi que des actes de maintien de novembre 2022 et de mars 2023, reproduits aux points 12 et 24 ci-dessus, que le nom de la requérante a été inscrit et maintenu sur les listes en cause sur le fondement du critère de l’association. De même, il résulte de la lecture des motifs des actes de maintien de septembre 2023, reprise au point 35 ci-dessus, que le nom de la requérante a été maintenu sur les listes en cause sur le fondement du deuxième volet du critère g) modifié.

55      En troisième lieu, il convient de relever que le Conseil a indiqué les raisons spécifiques et concrètes de l’inscription du nom de la requérante sur les listes en cause. En effet, il ressort des motifs des actes attaqués reproduits aux points 12, 24 et 35 ci-dessus, que le Conseil a constaté que M. Mordashov lui a transféré ses parts du géant du voyage TUI et de la société d’extraction d’or Nordgold, d’une valeur totale de plus de 1,5 milliard d’euros, ce qui serait l’élément constitutif de l’association ainsi que de l’avantage tiré par la requérante de M. Mordashov.

56      En quatrième lieu, la requérante soutient que l’identité de la personne qui tire avantage « des décideurs russes » ne ressort pas clairement des motifs des actes initiaux et des actes de maintien de septembre 2022. À cet égard, il suffit de relever que, en dépit de certaines divergences entre les versions linguistiques des actes initiaux et des actes de maintien de septembre 2022, l’expression « elle tire avantage de décideurs russes », lu dans son contexte, se rapporte clairement à l’expression « une personne inscrite sur la liste », à savoir M. Mordashov.

57      En cinquième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les éléments factuels sont insuffisants pour justifier son inscription, il suffit de relever que, conformément à la jurisprudence citée au point 52 ci-dessus, cet argument relève du fond de l’affaire et sera traité dans le cadre du deuxième moyen tiré d’une erreur d’appréciation.

58      Il ressort d’ailleurs de la requête, de la réplique ainsi que des premier, deuxième et troisième mémoires en adaptation que la requérante a compris ce qui lui était reproché et a pu se défendre en conséquence. En outre, les raisons de l’inscription du nom de la requérante ayant été clairement indiquées dans les actes attaqués, le Tribunal est en mesure d’en évaluer le bien-fondé.

59      Eu égard à ce qui précède, il convient d’écarter la première branche du premier moyen.

 Sur la seconde branche, tirée d’une violation du droit d’être entendu et de l’obligation de réexamen

60      Dans le cadre de ses mémoires en adaptation, la requérante soutient que son droit d’être entendue n’a pas été respecté avant l’adoption des actes de maintien. En effet, le premier dossier WK et le quatrième dossier WK auraient été communiqués tardivement ce qui ne lui aurait pas permis d’assurer sa défense. En outre, les éléments du deuxième dossier WK ne concerneraient que M. Mordashov. Ainsi, le Conseil n’aurait pas examiné avec soin et impartialité le bien-fondé des motifs allégués à l’encontre de la requérante à la lumière des observations formulées dans la demande de réexamen.

61      Le Conseil conteste les arguments de la requérante.

62      Le droit d’être entendu dans toute procédure, prévu à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d’une procédure administrative et avant qu’une décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts ne soit prise à son égard (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 75 et jurisprudence citée).

63      Dans le cadre d’une procédure portant sur l’adoption de la décision, notamment, de maintenir le nom d’une personne sur une liste figurant à l’annexe d’un acte portant mesures restrictives, le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective exige que l’autorité compétente de l’Union communique à la personne concernée les éléments dont elle dispose à l’encontre de celle-ci pour fonder sa décision, afin que cette personne puisse défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge de l’Union. Lors de cette communication, l’autorité compétente de l’Union doit permettre à cette personne de faire connaître utilement son point de vue à l’égard des motifs retenus à son égard (voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 111 et 112, et du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 76).

64      Le droit d’être entendu préalablement à l’adoption d’actes maintenant le nom d’une personne ou d’une entité sur une liste de personnes ou d’entités visées par des mesures restrictives s’impose lorsque le Conseil a retenu, dans la décision portant maintien de l’inscription de son nom sur cette liste, de nouveaux éléments contre cette personne, à savoir des éléments qui n’étaient pas pris en compte dans la décision initiale d’inscription de son nom sur cette même liste (voir arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 54 et jurisprudence citée).

65      Toutefois, lorsque le maintien du nom de la personne ou de l’entité concernée sur une liste de personnes ou d’entités visées par des mesures restrictives est fondé sur les mêmes motifs que ceux qui ont justifié l’adoption de l’acte initial sans que de nouveaux éléments aient été retenus à son égard, le Conseil n’est pas tenu, pour respecter son droit d’être entendu, de lui communiquer à nouveau les éléments retenus à charge (voir, en ce sens, arrêts du 7 avril 2016, Central Bank of Iran/Conseil, C‑266/15 P, EU:C:2016:208, points 32 et 33, et du 22 juin 2022, Haswani/Conseil, T‑479/21, non publié, EU:T:2022:383, point 85).

66      En l’espèce, s’agissant des actes de maintien de septembre 2022, par lettre du 15 septembre 2022, le Conseil a rejeté la première demande de réexamen au motif que les observations de la requérante ne remettaient pas en cause son appréciation selon laquelle la décision d’inscription de son nom sur les listes en cause était fondée sur des circonstances suffisamment concrètes. Ce faisant, le Conseil a informé la requérante du maintien des mesures restrictives à son égard pour les mêmes motifs que ceux ayant justifié l’adoption des actes initiaux sans qu’il soit nécessaire de retenir de nouveaux éléments à charge.

67      Concernant les actes de maintien de mars 2023, il y a lieu de constater que la requérante a fait usage de son droit de soumettre des observations et des éléments de preuve au Conseil à trois reprises, respectivement le 29 octobre 2022, le 19 janvier et le 2 mars 2023. Le Conseil a répondu à ces observations par lettres des 24 février et 14 mars 2023.

68      Concernant les actes de maintien de septembre 2023, il convient de relever que le Conseil a informé la requérante, par lettre du 19 juin 2023, qu’il envisageait de maintenir le nom de celle-ci sur les listes en cause. La requérante a présenté ses observations les 24 juillet et 31 août 2023. Par conséquent, la requérante a eu la possibilité de faire connaître son point de vue avant l’adoption des actes de maintien de septembre 2023.

69      Dans ces conditions, il y a lieu de relever que l’argument de la requérante selon lequel le Conseil n’aurait pas tenu compte de ses arguments et des pièces qu’elle a déposées procède d’une compréhension erronée des obligations du Conseil au titre du respect du droit d’être entendu.

70      En effet, d’une part, selon la jurisprudence, si le respect des droits de la défense et du droit d’être entendu exige que les institutions de l’Union permettent à la personne visée par un acte faisant grief de faire connaître utilement son point de vue, il ne peut leur imposer d’adhérer à celui-ci (arrêts du 7 juillet 2017, Arbuzov/Conseil, T‑221/15, non publié, EU:T:2017:478, point 84, et du 27 septembre 2018, Ezz e.a./Conseil, T‑288/15, EU:T:2018:619, point 330).

71      Ainsi, le seul fait que le Conseil n’a pas conclu à l’absence de bien‑fondé de la prorogation de l’imposition de mesures restrictives contre la requérante, ni même jugé utile de procéder à des vérifications au vu des observations présentées par elle, ne saurait impliquer que de telles observations n’ont pas été prises en compte (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2018, Ezz e.a./Conseil, T‑288/15, EU:T:2018:619, point 331).

72      D’autre part, selon la jurisprudence, le Conseil n’est pas tenu de répondre aux observations présentées par la personne ou l’entité concernée avant l’adoption des mesures restrictives envisagées (arrêt du 31 janvier 2019, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, C‑225/17 P, EU:C:2019:82, point 92).

73      Or, ainsi qu’il résulte des points 54 et 55 ci-dessus, les motifs des actes attaqués exposent les raisons spécifiques et concrètes du maintien de l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses.

74      À la lumière des circonstances qui précèdent, il convient de conclure que le Conseil s’est acquitté de ses obligations en ce qui concerne d’une part, le respect des droits de la défense de la requérante, et d’autre part, le respect du droit d’être entendu au cours de la procédure qui a abouti à l’adoption des actes de maintien de septembre 2022, de mars et de septembre 2023. En effet, la requérante a eu accès aux éléments qui ont justifié le maintien des mesures restrictives contre lui et a été mis en mesure de formuler, en temps utile, des observations à cet égard, ce qu’elle a effectivement fait. Ainsi, le droit d’être entendu de la requérante a bien été garanti.

75      Partant, il convient de rejeter la seconde branche du premier moyen et, dès lors, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

 Considérations liminaires

76      À titre liminaire, il importe de relever que le deuxième moyen doit être considéré comme tiré d’une erreur d’appréciation et non d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, s’il est vrai que le Conseil dispose d’un certain pouvoir d’appréciation pour déterminer, au cas par cas, si les critères juridiques sur lesquels se fondent les mesures restrictives en cause sont remplis, il n’en reste pas moins que les juridictions de l’Union doivent assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union (voir arrêts du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 61, et du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 121).

77      L’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige, notamment, que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

78      Une telle appréciation doit être effectuée en examinant les éléments de preuve et d’information non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre la personne ou l’entité sujette à une mesure de gel de ses fonds et le régime ou, en général, les situations combattues (voir arrêts du 20 juillet 2017, Badica et Kardiam/Conseil, T‑619/15, EU:T:2017:532, point 99, et du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 124).

79      C’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs. À cette fin, il n’est pas requis que le Conseil produise devant le juge de l’Union l’ensemble des informations et des éléments de preuve inhérents aux motifs allégués dans l’acte dont il est demandé l’annulation. Il importe que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne ou l’entité concernée (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 121 et 122, et du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 67 ; voir, également, arrêt du 1er juin 2022, Prigozhin/Conseil, T‑723/20, non publié, EU:T:2022:317, point 73 et jurisprudence citée).

80      Dans cette hypothèse, il incombe au juge de l’Union de vérifier l’exactitude matérielle des faits allégués au regard de ces informations ou éléments et d’apprécier la force probante de ces derniers en fonction des circonstances de l’espèce et à la lumière des éventuelles observations présentées, notamment, par la personne ou l’entité concernée à leur sujet (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 124). Ainsi, le juge de l’Union peut se fonder sur l’ensemble des éléments qui lui ont été communiqués tant à charge qu’à décharge par les parties au cours de la procédure judiciaire. Le fait qu’un élément ait été communiqué en tant qu’élément à décharge par la personne visée par les mesures restrictives n’empêche pas que cet élément lui soit éventuellement opposé pour constater le bien-fondé des motifs sous-tendant les mesures restrictives prises à son égard (voir arrêts du 3 mai 2016, Post Bank Iran/Conseil, T‑68/14, non publié, EU:T:2016:263, point 110 et jurisprudence citée, et du 12 février 2020, Ilunga Luyoyo/Conseil, T‑166/18, non publié, EU:T:2020:50, point 124 et jurisprudence citée).

81      À cet égard, il convient de relever que l’activité du juge de l’Union est régie par le principe de libre appréciation des preuves et le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité. En outre, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue, tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration et de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (arrêts du 8 juillet 2020, Zubedi/Conseil, T‑186/19, EU:T:2020:317, point 48, et du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 114).

82      S’agissant, plus particulièrement, du contrôle de légalité exercé sur les actes de maintien du nom de la personne visée par les mesures restrictives sur la liste en cause, il convient de rappeler que les mesures restrictives ont une nature conservatoire et, par définition, provisoire, dont la validité est toujours subordonnée à la perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à leur adoption ainsi qu’à la nécessité de leur maintien en vue de la réalisation de l’objectif qui leur est associé. C’est ainsi qu’il incombe au Conseil, lors du réexamen périodique de ces mesures restrictives, de procéder à une appréciation actualisée de la situation et d’établir un bilan de l’impact de telles mesures, en vue de déterminer si elles ont permis d’atteindre les objectifs visés par l’inscription initiale des noms des personnes et des entités concernées sur la liste litigieuse ou s’il est toujours possible de tirer la même conclusion concernant lesdites personnes et entités (voir arrêts du 27 avril 2022, Ilunga Luyoyo/Conseil, T‑108/21, EU:T:2022:253, point 55 et jurisprudence citée, et du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T-193/22, EU:T:2023:716, point 168).

83      Il en résulte que, pour justifier le maintien du nom d’une personne sur les listes en cause, il n’est pas interdit au Conseil de se fonder sur les mêmes éléments de preuve ayant justifié l’inscription initiale, la réinscription ou le maintien précédent du nom de ladite personne sur les listes en cause, pour autant que, d’une part, les motifs d’inscription sont inchangés et, d’autre part, le contexte n’a pas évolué d’une manière telle que ces éléments de preuve seraient devenus obsolètes (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 99). À ce titre, l’évolution du contexte inclut la prise en considération, d’une part, de la situation du pays à l’égard duquel le système de mesures restrictives a été établi ainsi que la situation particulière de la personne concernée (arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 78 ; voir également, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 101), et, d’autre part, de l’ensemble des circonstances pertinentes et, notamment, la réalisation des objectifs visés par les mesures restrictives (arrêt du 27 avril 2022, Ilunga Luyoyo/Conseil, T‑108/21, EU:T:2022:253, point 56 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, points 82 à 84 et jurisprudence citée).

84      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de vérifier si le Conseil a commis une erreur d’appréciation en décidant d’inscrire puis de maintenir le nom de la requérante sur les listes en cause. À cet égard, il y a lieu d’examiner séparément, d’une part, les actes initiaux, les actes de maintien de septembre 2022 et de mars 2023, adoptés sur le fondement du critère de l’association, et, d’autre part, les actes de maintien de septembre 2023, adoptés sur le fondement du deuxième volet du critère g) modifié.

 Sur les actes initiaux, les actes de maintien de septembre 2022 et les actes de maintien de mars 2023

85      La requérante fait valoir, en premier lieu, que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation en justifiant l’adoption des actes initiaux, des actes de maintien de septembre 2022 et des actes de maintien de mars 2023, par le fait qu’elle serait l’épouse ou la compagne de M. Mordashov et que, pour cette raison, elle serait associée à ce dernier au sens du critère de l’association. La requérante indique qu’elle n’est pas mariée à M. Mordashov et réside dans un lieu différent de celui-ci.

86      En deuxième lieu, la requérante soutient que le Conseil n’apporte pas d’éléments concrets, précis et concordants permettant d’établir un lien suffisant entre son comportement personnel et les griefs reprochés à M. Mordashov. En effet, les activités de TUI et Nordgold étant étrangères aux raisons pour lesquelles M. Mordashov a été inscrit sur les listes en cause, le transfert des parts de ces sociétés à la requérante ne serait pas de nature à démontrer son association avec celui-ci.

87      En troisième lieu, selon la requérante, il n’est pas clair en quoi la décision de l’inscrire sur les listes en cause répondrait à l’objectif de lutter contre les actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine. En particulier, le Conseil n’aurait pas établi que le transfert des parts de TUI et Nordgold à la requérante était mis en place pour contourner les mesures restrictives à l’encontre de M. Mordashov. Ce transfert ferait partie d’une planification successorale stratégique des actifs familiaux par M. Mordashov au profit de ses enfants mineurs. En outre, la requérante soutient ne tirer aucun avantage des décideurs russes.

88      Le Conseil conteste les arguments de la requérante.

89      Il y a lieu de relever que, si le critère de l’association est souvent employé dans les actes du Conseil, il n’est pas, en tant que tel, défini et sa signification dépend des contextes et des circonstances de l’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 28 juillet 2016, Tomana e.a./Conseil et Commission, C‑330/15 P, non publié, EU:C:2016:601, point 48 ; du 4 septembre 2015, NIOC e.a./Conseil, T‑577/12, non publié, EU:T:2015:596, point 114, et du 21 juillet 2016, Bredenkamp e.a./Conseil et Commission, T‑66/14, EU:T:2016:430, points 35 à 37). Toutefois, il peut être admis qu’il s’agit de personnes qui sont de façon générale liées par des intérêts communs (arrêt du 8 mars 2023, Prigozhina/Conseil, T‑212/22, non publié, EU:T:2023:104, point 93).

90      Le critère de l’association vise toute personne ou entité qui présente un lien d’association avec une personne ou entité inscrite sur les listes litigieuses sur le fondement d’un ou plusieurs critères prévus aux dispositions de l’article 2, paragraphe 1, sous a) à h), de la décision 2014/145 modifiée, en raison de l’existence d’un risque non négligeable que pour contourner les mesures restrictives qui les visent, les personnes sanctionnées sur le fondement d’un ou de plusieurs de ces critères exercent des pressions sur les personnes auxquelles elles sont liées (voir, par analogie, arrêts du 4 septembre 2015, NIOC e.a./Conseil, T‑577/12, non publié, EU:T:2015:596, point 114, et du 18 mai 2022, Foz/Conseil, T‑296/20, EU:T:2022:298, point 174).

91      En l’espèce, il ressort des motifs des actes attaqués reproduits aux points 12 et 24 ci-dessus, que les raisons pour lesquelles le Conseil a estimé qu’il existait un lien d’association entre la requérante et M. Mordashov reposent sur une combinaison d’éléments. Ces raisons ne se limitent pas au constat de l’existence des liens familiaux entre la requérante et M. Mordashov mais découlent tout particulièrement du fait que M. Mordashov « a transféré ses parts du géant du voyage TUI et de la société d’extraction d’or Nordgold, d’une valeur totale de plus de 1,5 milliards d’euros, à [la requérante] ». Ainsi, au-delà du lien familial, le constat du Conseil quant à l’existence d’un lien d’association se fonde sur le fait que la requérante et M. Mordashov sont liés par des intérêts économiques et financiers communs.

92      Or, il convient de constater que la requérante ne remet pas en cause les transactions ayant pour objet le transfert des parts de TUI et Nordgold. En effet, d’une part, elle conteste le fait d’être mariée à M. Mordashov ou de mener une vie commune et soutient qu’un lien familial entre elle et celui-ci, même à le supposer établi, ne serait pas susceptible de justifier son inscription. D’autre part, elle soutient que les transactions en cause ne suffisent pas à justifier le lien d’association entre elle et M. Mordashov.

93      En premier lieu, s’agissant de la contestation d’un lien familial entre la requérante et M. Mordashov, il y a lieu de relever que la requérante porte le même nom de famille que celui-ci, et qu’ils ont quatre enfants en commun, dont le dernier est né en 2020. Dans les pièces nos 1, 11, 13 et 14 du premier dossier WK, la requérante est présentée comme « épouse » ou « partenaire de vie » de M. Mordashov. En outre, le fait même que M. Mordashov lui a transféré les fonds d’une valeur de plus de 1,5 milliard d’euros atteste des liens de confiance entre eux. Ainsi, le Conseil pouvait valablement considérer que la requérante était un membre de la famille de M. Mordashov et retenir cet élément parmi les éléments pertinents aux fins de la démonstration de l’existence d’un lien d’association.

94      Ce constat ne saurait être remis en cause par l’argument de la requérante selon lequel elle n’habiterait pas avec M. Mordashov. Il y a lieu de relever que les factures téléphoniques et celles relatives aux charges de copropriété soumises par la requérante démontrent uniquement qu’elle et M. Mordashov possèdent chacun des biens immobiliers, mais ne sont pas de nature à remettre en cause l’existence de leurs liens familiaux.

95      Concernant l’argument de la requérante selon lequel elle n’est pas mariée à M. Mordashov, il y a lieu de relever que, dès lors que le Conseil pouvait valablement constater que la requérante était à tout le moins une « partenaire de vie » de M. Mordashov, l’existence d’un lien familial ne saurait être remis en cause du seul fait de l’absence de lien marital. En effet, le statut juridique n’est pas déterminant pour établir le lien familial entre la requérante et M. Mordashov lequel résulte, à suffisance de droit, des éléments factuels mentionnés au point 93 ci-dessus.

96      En deuxième lieu, s’agissant des liens économiques ou capitalistiques ou l’existence d’intérêts communs liant la requérante et M. Mordashov, il convient de relever qu’il est constant que, jusqu’au 28 février 2022, M. Mordashov détenait 34,2 % de TUI. Or, ainsi qu’il ressort du premier dossier WK (pièces nos 1, 3 et 5), et sans que la requérante ne le conteste, le jour où les fonds et ressources économiques de M. Mordashov ont été gelés en application de la décision (PESC) 2022/337 du Conseil, du 28 février 2022, modifiant la décision 2014/145 (JO 2022, L 59, p. 1), ce dernier a transféré 4,13 % des parts de TUI à la société Severgroup, contrôlée par lui-même, et 29,87 % des parts de TUI à la société Ondero, contrôlée par la société Ranel Assets qui est, à son tour, contrôlée par la requérante. Ainsi, à l’issue desdites transactions, à la date de l’adoption des actes attaqués, M. Mordashov et la requérante détenaient conjointement de participations indirectes dans TUI, à savoir, respectivement, 4,13 % et 29,87 % des parts dans cette société. De plus, ainsi qu’il ressort du même premier dossier WK (pièce no 11), le même jour, M. Mordashov a transféré à la requérante ses parts de Nordgold, d’une valeur de 1,1 milliard d’euros.

97      Eu égard aux considérations qui précèdent, le Conseil pouvait valablement constater, qu’il existait des liens économiques et financiers résultant des transactions susmentionnées, ainsi que des liens familiaux démontrant l’existence d’intérêts communs, de sorte qu’il pouvait considérer, sans commettre d’erreur d’appréciation, que la requérante devait être qualifiée de personne associée à M. Mordashov.

98      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments avancés par la requérante.

99      Premièrement, en ce qui concerne l’argument tiré de l’absence de lien entre son comportement personnel et les griefs reprochés à M. Mordashov, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 90 ci-dessus, le critère de l’association requiert uniquement la démonstration de l’existence d’intérêts communs avec une personne ou entité inscrite sur les listes en cause sur le fondement de l’un des critères prévus aux dispositions de l’article 2, paragraphe 1, sous a) à h), de la décision 2014/145 modifiée, sans qu’il ne soit exigé que ces intérêts soient liés aux griefs ayant justifié l’inscription de ladite personne ou entité sur le fondement de l’un de ces critères.

100    Deuxièmement, par son argument selon lequel son inscription sur les listes en cause ne répond pas à l’objectif de lutter contre les actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, la requérante conteste, en substance, la proportionnalité des mesures restrictives, ce qui sera analysé dans le cadre du troisième moyen.

101    Troisièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les transactions en cause s’inscrivent prétendument dans le processus de planification successorale, il convient de relever que, compte tenu de la nature et de l’ampleur des liens capitalistiques en cause, impliquant le transfert des participations dans les sociétés TUI et Nordgold, le constat du Conseil relatif à l’existence d’intérêts communs ne saurait être remis en cause par le prétendu objectif successoral sous-tendant ces transactions.

102    En toute état de cause, il convient de relever que, ainsi que l’indique le Conseil, l’argument de la requérante tiré du prétendu objectif successoral en faveur des enfants mineurs de M. Mordashov ne saurait convaincre eu égard aux circonstances entourant les transactions en cause. En effet, il ressort des arguments des parties que, en 2019, M. Mordashov a transféré le contrôle des parts de TUI et Nordgold à ses fils aînés, mais qu’il a repris leur contrôle en 2021 pour, ensuite, les transférer au bénéfice de la requérante. Ces circonstances tendent à confirmer que M. Mordashov avait l’intention de maintenir le contrôle des actifs en cause malgré leurs transferts à des membres de sa famille.

103    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que le Conseil a constaté que la requérante était associée à M. Mordashov.

 Sur les actes de maintien de septembre 2023

104    S’agissant des actes de maintien de septembre 2023, lesquels reposent sur le deuxième volet du critère g) modifié, la requérante soutient, en premier lieu, que ce volet doit être interprété, à la lumière du considérant 5 de la décision 2023/1094, comme visant les membres de la famille proche d’une femme ou d’un homme d’affaires influent, qui ont reçu un avantage consistant en un acte de transfert de fonds et d’avoirs, dans un seul but « de dissimuler ces actifs, de contourner les mesures restrictives ou de garder le contrôle des ressources dont ils disposent ». Ainsi, la requérante soutient que le Conseil est tenu de démontrer non seulement l’existence d’un lien familial proche ainsi que le fait de tirer avantage, mais également d’établir que ledit avantage consiste dans un « acte de complicité en vue d’échapper à l’application des sanctions ». Or, la requérante considère que le Conseil n’a pas effectué une telle démonstration.

105    En deuxième lieu, à titre subsidiaire, dans l’éventualité où le deuxième volet du critère g) modifié serait interprété en ce sens qu’il viserait les membres de la famille proche des hommes et des femmes d’affaires influents exerçant des activités en Russie à la seule condition qu’ils tirent avantage, sans qu’il soit nécessaire de démontrer des liens d’affaires ou l’existence de transferts de fonds ou d’avoirs ayant pour but de dissimuler ces actifs et contourner les mesures restrictives, la requérante soulève une exception d’illégalité à l’encontre de ce deuxième volet du critère g) modifié.

106    Il y a lieu de relever que le deuxième volet du critère g) modifié permet l’inscription sur les listes litigieuses notamment des membres de la famille proche ou d’autres personnes qui tirent avantage d’une femme ou d’un homme d’affaires influent exerçant des activités en Russie.

107    À cet égard, il importe de rappeler que, même si le préambule d’un acte de l’Union n’a pas de valeur juridique contraignante et ne saurait être invoqué ni pour déroger aux dispositions mêmes de l’acte concerné ni pour interpréter ces dispositions dans un sens contraire à leur libellé, il est susceptible d’en préciser le contenu, les considérants qui figurent dans ce préambule constituant des éléments d’interprétation importants de nature à éclairer sur la volonté de l’auteur de cet acte (voir arrêt du 26 janvier 2021, Hessischer Rundfunk, C‑422/19 et C‑423/19, EU:C:2021:63, point 64 et jurisprudence citée).

108    En l’occurrence, selon le considérant 5 de la décision 2023/1094, ce critère de désignation a été introduit afin d’accroître la pression exercée sur le gouvernement de la Fédération de Russie ainsi que pour éviter le risque de contournement des mesures restrictives. En particulier, il ressort, en substance, de ce considérant que la nécessité d’une désignation des membres de la famille proche ou d’autres personnes qui tirent avantage de femmes et hommes d’affaires influents exerçant des activités en Russie a été justifiée par le fait que ces derniers répartissent leurs fonds et avoirs entre les membres de leur famille proche et d’autres personnes notamment dans le but de dissimuler ces actifs, de contourner les mesures restrictives et de garder le contrôle des ressources dont ils disposent.

109    Ainsi, l’avantage, au sens du deuxième volet du critère g) modifié, doit être interprété en tenant compte des objectifs visés par ce critère énoncés au point 108, lesquels impliquent un accroissement du coût des actions de la Fédération de Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine. Dès lors, l’avantage au sens de cette disposition vise tout avantage de quelque nature que ce soit, qui n’est pas nécessairement indu, mais qui doit être quantitativement ou qualitativement non négligeable. Il peut donc s’agir d’un avantage financier ou non financier, tel qu’un don, un transfert de fonds ou de ressources économiques, une intervention en vue de favoriser l’attribution de contrats publics, une nomination ou une promotion. Par ailleurs, eu égard à l’objectif d’éviter les pratiques de contournement des mesures restrictives, expressément visé au considérant 5 de la décision 2023/1094, peuvent également relever du deuxième volet du critère g) modifié les avantages octroyés par les femmes et hommes d’affaires influents exerçant une activité en Russie dans une situation susceptible de conduire à un contournement des mesures restrictives qui les visent.

110    Dès lors, c’est à tort que la requérante soutient que le Conseil est tenu de démontrer non seulement l’existence d’un lien familial proche et le fait de tirer avantage, mais aussi d’établir que l’avantage consiste dans « un acte de complicité en vue d’échapper à l’application des sanctions ». En effet, si une situation susceptible de conduire à un contournement peut justifier l’existence d’un avantage au sens du deuxième volet du critère g) modifié, la preuve d’une telle situation ne doit pas nécessairement être rapportée par le Conseil aux fins de l’inscription du nom d’une personne au titre dudit critère g) modifié.

111    Pour contester la légalité du deuxième volet du critère g) modifié, la requérante fait valoir que ce volet instaure une présomption irréfragable selon laquelle tous les membres de la famille proche des femmes et hommes d’affaires influents exerçant des activités en Russie pourraient être désignés pour avoir bénéficié à un moment ou à un autre, d’un avantage quelconque, alors que le texte ne prévoit pas la possibilité de renverser une telle présomption.

112    Il y a lieu de rappeler que, selon l’article 277 TFUE, toute partie peut, à l’occasion d’un litige mettant en cause un acte de portée générale adopté par une institution, un organe ou un organisme de l’Union, se prévaloir des moyens prévus à l’article 263, deuxième alinéa, TFUE pour invoquer devant la Cour de justice de l’Union européenne l’inapplicabilité de cet acte.

113    L’article 277 TFUE constitue l’expression d’un principe général assurant à toute partie le droit de contester, par voie incidente, en vue d’obtenir l’annulation d’une décision qui lui est adressée, la validité des actes de portée générale qui forment la base d’une telle décision si cette partie ne disposait pas du droit d’introduire, en vertu de l’article 263 TFUE, un recours direct contre ces actes, dont elle subit ainsi les conséquences sans avoir été en mesure d’en demander l’annulation. L’acte général dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours et il doit exister un lien juridique direct entre la décision individuelle attaquée et l’acte général en question (voir arrêt du 17 février 2017, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, T‑14/14 et T‑87/14, EU:T:2017:102, point 55 et jurisprudence citée).

114    Concernant l’intensité du contrôle juridictionnel, selon une jurisprudence constante, les juridictions de l’Union doivent, conformément aux compétences dont elles sont investies en vertu du traité FUE, assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union. Cette exigence est expressément consacrée à l’article 275, second alinéa, TFUE (voir arrêts du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 58 et jurisprudence citée, et Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 65 et jurisprudence citée).

115    Il n’en demeure pas moins que le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la définition générale et abstraite des critères juridiques et des modalités d’adoption des mesures restrictives (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 41 et jurisprudence citée). Par conséquent, les règles de portée générale définissant ces critères et ces modalités, telles que les dispositions des actes attaqués prévoyant le critère litigieux visé par le présent moyen, font l’objet d’un contrôle juridictionnel restreint, se limitant à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur de droit ainsi que de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de détournement de pouvoir [voir, en ce sens, arrêts du 9 juillet 2009, Melli Bank/Conseil, T‑246/08 et T‑332/08, EU:T:2009:266, points 44 et 45, et du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 149 (non publié)].

116    À cet égard, il convient de constater que, ainsi qu’il ressort du point 106 ci-dessus, le volet litigieux ne repose pas uniquement sur les liens familiaux entre un membre de la famille proche et une femme et homme d’affaires influents, mais nécessite la démonstration de l’avantage tiré qui doit être quantitativement ou qualitativement non négligeable. Dès lors, le Conseil doit établir que cette personne tire avantage tel que défini au point 109 ci-dessus. En outre, rien dans le libellé du deuxième volet du critère g) modifié ne permet de tirer la conclusion que son application repose sur une présomption établie par le Conseil. Partant, l’argumentation de la requérante qui repose sur une prémisse erronée selon laquelle le critère litigieux instaurerait une présomption irréfragable, doit être rejetée.

117    Dès lors que la prémisse sur laquelle la requérante se fonde est erronée, il y a lieu de rejeter l’exception d’illégalité comme étant non fondée.

118    La requérante conteste, d’une part, le fait d’être un membre de la famille proche de M. Mordashov, et, d’autre part, soutient que le Conseil n’a pas établi que les transactions concernant TUI et Nordgold ont été réalisées dans le but de dissimuler ces actifs ou de contourner les mesures restrictives.

119    À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 93 ci-dessus, le Conseil pouvait constater, sans commettre d’erreur d’appréciation, l’existence de liens familiaux entre la requérante et M. Mordashov. S’agissant de la proximité de ces liens il suffit de relever que la requérante était la « compagne » de M. Mordashov, de sorte que le Conseil pouvait valablement considérer qu’il s’agissait d’une relation familiale avec une personne proche. La requérante n’avance d’ailleurs aucun argument supplémentaire de nature à remettre en cause ce constat, mais se limite à renvoyer aux éléments déjà examinés aux points 94 et 95 ci-dessus.

120    En second lieu, s’agissant du fait de tirer avantage, il convient de rappeler que la requérante ne conteste pas être la bénéficiaire des transactions des parts de TUI et Nordgold cédées par M. Mordashov, dont la valeur totale dépasse 1,5 milliard d’euros. Or, compte tenu de la nature et de l’ampleur de ces parts, il y a lieu de constater que la requérante a tiré l’avantage de M. Mordashov et que cet avantage est quantitativement et qualitativement non négligeable.

121    Par ailleurs, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le Conseil reste en défaut de démontrer que les transferts des parts de TUI et de Nordgold ont été réalisés dans le but de dissimuler ces actifs ou de contourner les mesures restrictives, il y a lieu de rappeler que, ainsi que cela ressort du point 110 ci-dessus, le Conseil n’est pas tenu d’établir de telles circonstances aux fins de l’application du deuxième volet du critère g) modifié.

122    Il résulte de tout ce qui précède que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que le Conseil a considéré, dans les actes de maintien de septembre 2023, que la requérante remplissait les conditions du deuxième volet du critère g) modifié.

123    Dès lors, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen dans son intégralité.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité et des droits fondamentaux

124    Dans le cadre du troisième moyen, la requérante invoque une violation, d’une part, du droit de la propriété, garanti par l’article 17 de la Charte, et, d’autre part, une violation du principe de proportionnalité, telle que prévue à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, et en tant que principe général du droit de l’Union.

125    La requérante fait valoir, tout d’abord, que l’inscription de son nom sur les listes en cause n’est ni appropriée ni nécessaire dans le but de lutter contre les actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine. En effet, elle n’aurait jamais été impliquée dans l’opération militaire en Ukraine et les sanctions à son égard ne seraient pas nécessaires. Elle ajoute que le Conseil n’a pas démontré de quelle manière les mesures restrictives la concernant seraient nécessaires, appropriées et permettraient d’exercer une pression sur les autorités russes.

126    Ensuite, elle souligne que le Conseil n’a pas démontré le risque de contournement des mesures restrictives prises à l’encontre de M. Mordashov.

127    En outre, la requérante soutient que, dans la mesure où le seul élément pour justifier son « association » avec M. Mordashov est l’existence d’enfants en commun, les mesures restrictives adoptées à son encontre seront définitives et donc disproportionnées.

128    Enfin, selon la requérante, l’inscription de son nom sur les listes en cause porterait atteinte de façon injustifiée et disproportionnée à son droit de propriété. De plus, cette inscription sur les listes en cause exposerait la requérante à la confiscation de ses fonds et ressources économiques.

129    Le Conseil conteste les arguments de la requérante.

130    Il convient de rappeler que le droit de propriété est consacré par l’article 17 de la Charte.

131    En l’espèce, les mesures restrictives en cause constituent des mesures conservatoires, qui ne sont pas censées priver les personnes concernées de leur propriété. Toutefois, elles entraînent incontestablement une restriction de l’usage du droit de propriété (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 mars 2014, Al Assad/Conseil, T‑202/12, EU:T:2014:113, point 115 et jurisprudence citée).

132    Cependant, selon une jurisprudence constante, ces droits fondamentaux ne jouissent pas, dans le droit de l’Union, d’une protection absolue, mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société (voir arrêt du 12 mars 2014, Al Assad/Conseil, T‑202/12, EU:T:2014:113, point 113 et jurisprudence citée).

133    À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, d’une part, « [t]oute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la [C]harte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés » et, d’autre part, « [d]ans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui ».

134    Ainsi, pour être conforme au droit de l’Union, une limitation de l’exercice du droit de propriété de la requérante doit répondre à quatre conditions. Premièrement, elle doit être « prévue par la loi », en ce sens que l’institution de l’Union adoptant des mesures susceptibles de restreindre les droits fondamentaux d’une personne, physique ou morale, doit disposer d’une base légale à cette fin. Deuxièmement, la limitation en cause doit respecter le contenu essentiel de ces droits. Troisièmement, ladite limitation doit viser un objectif d’intérêt général, reconnu comme tel par l’Union. Quatrièmement, la limitation en cause doit être proportionnée (voir, en ce sens, arrêts du 15 juin 2017, Kiselev/Conseil, T‑262/15, EU:T:2017:392, points 69 et 84 et jurisprudence citée, et du 13 septembre 2018, VTB Bank/Conseil, T‑734/14, non publié, EU:T:2018:542, point 140 et jurisprudence citée).

135    Il a été jugé que les mesures restrictives prévues par la décision 2014/145 et par le règlement no 269/2014 imposées aux personnes physiques et morales, aux entités et aux organismes figurant sur les listes annexées à ces actes remplissaient ces quatre conditions (arrêts du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, points 195 à 202, et du 6 décembre 2023, Zubitskiy/Conseil, T‑359/22, non publié, EU:T:2023:779, points 98 à 105).

136    Le fait que la requérante n’ait pas eu un rôle direct dans les actions liées à la Crimée ou à l’Ukraine est sans pertinence, puisqu’elle ne s’est pas vu imposer des mesures restrictives pour cette raison, mais en raison du fait qu’elle remplit les conditions pour l’application du critère de l’association et du deuxième volet du critère g) modifié qui n’exigent pas l’implication dans les situations combattues.

137    En ce qui concerne le caractère nécessaire des mesures restrictives en cause, il convient de constater que des mesures alternatives et moins contraignantes, telles qu’un système d’autorisation préalable ou une obligation de justification a posteriori de l’usage des fonds versés, ne permettent pas d’atteindre aussi efficacement les objectifs poursuivis, à savoir l’exercice d’une pression sur les décideurs russes responsables de la situation en Ukraine, notamment eu égard à la possibilité de contourner les restrictions imposées (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2016, Rotenberg/Conseil, T‑720/14, EU:T:2016:689, point 182 et jurisprudence citée). Par ailleurs, force est de constater que la requérante est restée en défaut d’indiquer quelles mesures alternatives moins contraignantes le Conseil aurait pu adopter.

138    De plus, il doit être rappelé que l’article 2, paragraphes 3 et 4, de la décision 2014/145 telle que modifiée, l’article 4, paragraphe 1, l’article 5, paragraphe 1, ainsi que l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 269/2014 tel que modifié prévoient la possibilité, d’une part, d’autoriser l’utilisation de fonds gelés pour faire face à des besoins essentiels ou pour satisfaire à certains engagements et, d’autre part, d’accorder des autorisations spécifiques permettant de dégeler des fonds, des avoirs financiers ou des ressources économiques.

139    Enfin, l’allégation de la requérante selon laquelle elle est exposée à des sanctions pénales et à une possible confiscation ne saurait remettre en cause la nature conservatoire des mesures en cause. En effet, cette allégation est fondée sur la prémisse erronée selon laquelle les mesures restrictives en cause en l’espèce incluent une confiscation des fonds et des ressources économiques gelés. Or, d’une part, les avoirs des intéressés n’étant pas confisqués en tant que produits du crime, mais gelés à titre conservatoire, ces mesures ne constituent pas une sanction pénale et elles n’impliquent, par ailleurs, aucune accusation de cette nature (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2007, Sison/Conseil, T‑47/03, non publié, EU:T:2007:207, point 101 et jurisprudence citée). D’autre part, la possibilité pour les États membres d’adopter des sanctions pénales en droit national, prévue à l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 269/2014, tel que modifié par le règlement (UE) 2022/880 du Conseil, du 3 juin 2022 (JO 2022, L 153, p. 75), n’est possible que dans le cas d’infractions aux dispositions du règlement no 269/2014, à savoir le non-respect et le contournement des mesures en cause.

140    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le moyen tiré de la violation des droits fondamentaux et du principe de proportionnalité.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de sécurité juridique et d’égalité de traitement

141    La requérante soutient, en substance, que les termes de la décision 2014/145 modifiée concernant le critère de l’association sont rédigés de manière extrêmement large et que l’absence de définition du terme « associé » confère au Conseil un pouvoir d’appréciation arbitraire qui n’est pas compatible avec les principes de sécurité juridique et d’égalité de traitement.

142    À titre liminaire, il convient de relever que, en réponse à une question du Tribunal lors de l’audience, la requérante a confirmé qu’elle ne soulève pas un moyen tiré de la violation des principes de sécurité juridique et d’égalité de traitement en ce qui concerne le deuxième volet du critère g) modifié.

143    S’agissant de la prétendue violation du principe de sécurité juridique par le critère de l’association, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, ce principe, qui constitue un principe général du droit de l’Union, exige notamment que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et sur les entreprises des conséquences défavorables. Une sanction, même de caractère non pénal, ne peut être infligée que si elle repose sur une base légale claire et non ambiguë. Le principe de sécurité juridique implique notamment que toute réglementation de l’Union, en particulier lorsqu’elle impose ou permet d’imposer des sanctions, soit claire et précise, afin que les personnes concernées puissent connaître sans ambiguïté les droits et obligations qui en découlent et prendre leurs dispositions en conséquence. Cette exigence d’une base juridique claire et précise a également été consacrée dans le domaine des mesures restrictives (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2015, NIOC e.a./Conseil, T‑577/12, non publié, EU:T:2015:596, points 131 et 132 et jurisprudence citée).

144    Or, il a été jugé que le critère de l’association limite le pouvoir d’appréciation du Conseil, en instaurant des critères objectifs, lesquels garantissent le degré de prévisibilité requis par le droit de l’Union et le respect du principe de sécurité juridique (voir arrêt du 6 septembre 2023, Pumpyanskiy/Conseil, T-291/22, non publié, EU:T:2023:499, point 126).

145    S’agissant de la prétendue violation du principe d’égalité de traitement, la requérante semble prétendre que le Conseil aurait violé ce principe dans la mesure où il n’aurait pas désigné d’autres personnes avec lesquels M. Mordashov entretient des liens économiques.

146    À cet égard, si le Conseil ne peut inscrire sur les listes des personnes qui ne satisfont pas aux critères de désignation fixés par les actes applicables, en revanche, il n’est pas tenu d’inscrire sur ces listes toutes les personnes qui satisfont à ces critères. Le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation lui permettant, le cas échéant, de ne pas soumettre une telle personne ou entité à des mesures restrictives, s’il estime que, au regard de leurs objectifs, il ne serait pas opportun de le faire (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 22 avril 2015, Tomana e.a./Conseil et Commission, T‑190/12, EU:T:2015:222, point 243).

147    Au vu de tout ce qui précède, il convient de rejeter le quatrième moyen et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

148    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Marina Alexandrova Mordashova est condamnée aux dépens.

Spielmann

Mastroianni

Kalėda

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 septembre 2024.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

D. Spielmann


*      Langue de procédure : le français.

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