Derivados del Fluor v Commission (Action for annulment - State aid - Aid granted by the Spanish authorities to certain economic interest groupings (EIGs) and their investors - Tax regime applicable to certain finance lease agreements for the acquisition of ships - Order) French Text [2024] EUECJ T-500/14_CO (09 February 2024)


BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?

No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!



BAILII [Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback]

Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Derivados del Fluor v Commission (Action for annulment - State aid - Aid granted by the Spanish authorities to certain economic interest groupings (EIGs) and their investors - Tax regime applicable to certain finance lease agreements for the acquisition of ships - Order) French Text [2024] EUECJ T-500/14_CO (09 February 2024)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T50014_CO.html
Cite as: [2024] EUECJ T-500/14_CO

[New search] [Contents list] [Help]


DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

9 février 2024 (*)

« Recours en annulation – Aides d’État – Aide accordée par les autorités espagnoles en faveur de certains groupements d’intérêt économique (GIE) et de leurs investisseurs – Régime fiscal applicable à certains accords de location-financement pour l’acquisition de navires (régime espagnol de leasing fiscal) – Décision déclarant l’aide pour partie incompatible avec le marché intérieur et ordonnant partiellement sa récupération – Disparition partielle de l’objet du litige – Non-lieu à statuer partiel – Irrecevabilité manifeste partielle – Avantage – Caractère sélectif – Aide nouvelle – Affectation des échanges entre États membres – Détournement de pouvoir – Égalité de traitement – Confiance légitime – Sécurité juridique – Recours en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans les affaires jointes T‑500/14 à T‑504/14,

Derivados del Flúor, SA, établie à Bilbao (Espagne), représentée par Me J. Prieto Tejo, avocat,

partie requérante dans l’affaire T‑500/14,

Fami-Cuatro de Inversiones, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée par Me J. Prieto Tejo, avocat,

partie requérante dans l’affaire T‑501/14,

Torrevisa, SA, établie à Torrevieja (Espagne), représentée par Mes J. Bonet Léon et F. Garcia Sarabia, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑502/14,

Euroways, SL, établie à Hospitalet de Llobregat (Espagne), représentée par Mes J. Bonet Léon et F. Garcia Sarabia, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑503/14,

Sertrans Catalunya, SA, établie à Barcelone (Espagne), représentée par Mes J. Bonet Léon et F. Garcia Sarabia, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑504/14,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Carpi Badía et Mme P. Němečková, en qualité d’agents, assistés de Me M. Segura Catalán, avocate,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. A. Kornezov, président, G. De Baere et Mme S. Kingston (rapporteure), juges,

greffier : M. T. Henze, greffier adjoint,

vu la phase écrite de la procédure, notamment :

–        l’ordonnance du 2 octobre 2014 portant jonction des affaires T‑500/14 à T‑504/14 aux fins des phases écrite et orale de la procédure ainsi que de la décision mettant fin à l’instance,

–        la décision du 2 mars 2016 de suspendre la procédure jusqu’à la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C-128/16 P, EU:C:2018:591),

–        la décision du 15 novembre 2018 de suspendre la procédure jusqu’à ce que les décisions mettant fin à l’instance dans les affaires T-515/13 RENV et T‑719/13 RENV soient passées en force de chose jugée,

–        la mesure d’organisation de la procédure du 23 février 2023 invitant les parties à se prononcer sur les conséquences à tirer de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C-649/20 P, C-658/20 P et C-662/20 P, EU:C:2023:60), pour le traitement des affaires,

–        la réponse des requérantes du 16 mars 2023 invitant le Tribunal à accueillir les présents recours,

–        la réponse de la Commission du 16 mars 2023 selon laquelle, en substance, l’ensemble des questions soulevées dans le cadre des présents recours ont été tranchées dans les recours concernés par l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C-649/20 P, C‑658/20 P et C-662/20 P, EU:C:2023:60) et les recours doivent être rejetés comme étant non fondés, sauf en ce qui concerne leurs troisième moyens, sur lesquels il n’y aura plus lieu de statuer lorsqu’elle aura adopté les mesures que comporte l’exécution dudit arrêt,

–        la mesure d’organisation de la procédure du 4 octobre 2023 invitant les parties à indiquer si, à la suite de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), elles considèrent que les recours sont devenus intégralement ou partiellement sans objet,

–        la réponse des requérantes du 18 octobre 2023 indiquant que les questions soulevées dans les présentes affaires ont été tranchées par l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), et invitant le Tribunal à appliquer ledit arrêt dans la solution desdites affaires,

–        la réponse de la Commission du 18 octobre 2023 réitérant la position exprimée dans sa lettre du 16 mars 2023 selon laquelle les recours sont en partie devenus sans objet et en partie dénués de fondement,

rend la présente

Ordonnance

1        Par leurs recours fondés sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Derivados del Flúor, SA, Fami-Cuatro de Inversiones, SA, Torrevisa, SA, Euroways, SL, et Sertrans Catalunya, SA, demandent l’annulation de la décision 2014/200/UE de la Commission, du 17 juillet 2013, concernant l’aide d’État SA.21233 C/11 (ex NN/11, ex CP 137/06) mise à exécution par l’Espagne – Régime fiscal applicable à certains accords de location‑financement, également appelé « régime espagnol de leasing fiscal » (JO 2014, L 114, p. 1, ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

 Sur la décision attaquée

2        À la suite de plaintes dénonçant le fait que le régime espagnol de leasing fiscal tel qu’il était appliqué à certains accords de location-financement pour l’acquisition de navires (ci-après le « RELF ») permettait aux compagnies maritimes d’acquérir des navires construits par des chantiers navals espagnols en bénéficiant de prix réduits de 20 à 30 %, la Commission européenne a ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE par la décision C(2011) 4494 final, du 29 juin 2011 (JO 2011, C 276, p. 5).

3        Au cours de la procédure formelle d’examen, la Commission a constaté que le RELF avait été utilisé, jusqu’à la date d’adoption de sa décision mentionnée au point 2 ci-dessus, pour des transactions consistant dans la construction de navires par les chantiers navals et leur acquisition par des compagnies maritimes ainsi que dans le financement de ces transactions par l’intermédiaire d’une structure juridique et financière ad hoc montée par une banque. Le RELF impliquait, pour chaque commande de navire, une compagnie maritime, un chantier naval, une banque, une société de location-vente et un groupement d’intérêt économique (GIE) constitué par cette banque et des investisseurs acquérant des participations dans ce GIE. Ce dernier prenait à bail le navire d’une société de location-vente dès le début de sa construction, puis louait celui-ci à une compagnie maritime sous couvert d’un contrat d’affrètement coque nue. Ledit GIE s’engageait à acheter ledit navire à la fin du contrat de location-vente, tandis que la compagnie maritime s’engageait à l’acheter à la fin du contrat d’affrètement coque nue. Selon la décision attaquée, il s’agissait d’un montage fiscal destiné à générer des avantages fiscaux en faveur d’investisseurs regroupés au sein d’un GIE « fiscalement transparent » et à transférer une partie de ces avantages à une compagnie maritime sous la forme d’un rabais sur le prix du même navire.

4        La Commission a constaté que les opérations réalisées au titre du RELF combinaient cinq mesures prévues dans plusieurs dispositions du Real Decreto Legislativo 4/2004, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley del Impuesto sobre Sociedades (décret royal législatif 4/2004, par lequel est approuvé le texte refondu de la loi sur les impôts sur les sociétés), du 5 mars 2004 (BOE no 61, du 11 mars 2004, p. 10951, ci‑après la « loi sur l’impôt des sociétés »), et du Real Decreto 1777/2004, por el que se aprueba el Reglamento del Impuesto sobre Sociedades (décret royal 1777/2004, par lequel est approuvé le règlement de l’impôt sur les sociétés), du 30 juillet 2004 (BOE no 189, du 6 août 2004, p. 28377, ci-après le « règlement sur l’impôt des sociétés »). Ces cinq mesures étaient l’amortissement accéléré des actifs pris à bail prévu à l’article 115, paragraphe 6, de la loi sur l’impôt des sociétés, l’application discrétionnaire de l’amortissement anticipé résultant de l’article 48, paragraphe 4, de l’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés ainsi que de l’article 49 du règlement sur l’impôt des sociétés, les dispositions relatives aux GIE, le régime de la taxation au tonnage prévu aux articles 124 à 128 de la loi sur l’impôt des sociétés et les dispositions de l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés.

5        Conformément à l’article 115, paragraphe 6, de la loi sur l’impôt des sociétés, l’amortissement accéléré commençait à la date à laquelle l’actif pris à bail était en état de fonctionner, c’est-à-dire pas avant que cet actif ne fût remis au preneur et que celui-ci commençât à l’utiliser. Néanmoins, l’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés prévoyait que le ministère de l’Économie et des Finances espagnol pouvait, sur demande formelle du preneur, fixer une date antérieure pour le début de l’amortissement concerné. L’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés imposait deux conditions générales pour l’amortissement anticipé. Les conditions spécifiques applicables aux GIE figuraient à l’article 48, paragraphe 4, de la loi sur l’impôt des sociétés. La procédure d’autorisation prévue à l’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés était détaillée à l’article 49 du règlement sur l’impôt des sociétés.

6        Le régime de la taxation au tonnage a été autorisé en tant qu’aide d’État compatible avec le marché intérieur en vertu des orientations communautaires sur les aides d’État au transport maritime du 5 juillet 1997 (JO 1997, C 205, p. 5), telles que modifiées par la communication C(2004) 43 de la Commission (JO 2004, C 13, p. 3) (ci-après les « orientations maritimes »), par la décision C(2002) 582 final de la Commission, du 27 février 2002, concernant l’aide d’État N 736/2001 mise à exécution par l’Espagne – Régime pour la taxation des sociétés de transport maritime en fonction du tonnage (JO 2004, C 38, p. 4), modifiée par la décision C(2004) 1931 final de la Commission, du 2 juin 2004, concernant l’aide d’État N 528/2003 mise à exécution par l’Espagne – Modification du régime pour la taxation des sociétés de transport maritime en fonction du tonnage (JO 2005, C 77, p. 29). Dans le cadre de ce régime, les entreprises inscrites à l’un des registres des compagnies maritimes et qui ont obtenu une autorisation de l’administration fiscale à cette fin sont imposées non pas en fonction de leurs gains et de leurs pertes, mais sur la base de leur tonnage. La législation espagnole permet aux GIE de s’inscrire à l’un de ces registres, bien qu’ils ne soient pas des compagnies maritimes.

7        L’article 125, paragraphe 2, de la loi sur l’impôt des sociétés prévoyait une procédure spéciale pour les navires déjà acquis au moment du passage au régime de la taxation au tonnage et pour les navires usagés acquis lorsque l’entreprise bénéficiait déjà de ce régime. En appliquant normalement ledit régime, les plus-values éventuelles étaient imposées en passant sous le même régime et il était supposé que la taxation des plus-values, quoique retardée, avait lieu lorsque le navire était vendu ou démoli. Toutefois, par dérogation à cette disposition, l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés disposait que, lorsque les navires étaient achetés par l’intermédiaire d’une option d’achat dans le cadre d’un contrat de location-vente préalablement approuvé par les autorités fiscales, ils étaient considérés comme étant des navires neufs et non usagés, au sens de l’article 125, paragraphe 2, de la loi sur l’impôt des sociétés, sans tenir compte du fait qu’ils étaient déjà amortis, de telle sorte que les plus-values éventuelles n’étaient pas taxées. Cette dérogation, qui n’avait pas été notifiée à la Commission, n’a été appliquée qu’aux contrats de location-vente spécifiques approuvés par les autorités fiscales dans le cadre de demandes d’application de l’amortissement anticipé en vertu de l’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés, c’est-à-dire pour des navires récemment construits et donnés à bail, achetés au moyen d’opérations relevant du RELF et, à une seule exception près, sortis de chantiers navals espagnols.

8        Selon la décision attaquée, en appliquant l’ensemble de ces mesures, le GIE recueillait les avantages fiscaux en deux temps. Dans un premier temps, un amortissement anticipé et accéléré du coût du navire pris en location-vente était appliqué au titre du régime normal de l’impôt sur les sociétés, qui se traduisait par des pertes importantes pour ce GIE, lesquelles, en raison de la transparence fiscale des GIE, pouvaient être déduites des recettes propres des investisseurs au prorata de leur participation dans ledit GIE. Alors que cet amortissement anticipé et accéléré était normalement compensé, par la suite, par l’augmentation des impôts à acquitter lorsque ce navire était entièrement amorti ou lorsque ce dernier était vendu en générant une plus-value, l’économie fiscale résultant du transfert des pertes initiales aux investisseurs était conservée, dans un second temps, grâce au fait que le même GIE passait sous le régime de la taxation au tonnage, qui permettait l’exonération totale des bénéfices résultant de la vente dudit navire à la compagnie maritime.

9        Tout en considérant que le RELF devait être décrit comme un « système », la Commission a analysé également chacune des mesures en cause individuellement. Par la décision attaquée, elle a décidé que, parmi ces mesures, celles résultant de l’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés relatives à l’amortissement anticipé, de l’application du régime de la taxation au tonnage à des entreprises, à des navires ou à des activités non éligibles et de l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés constituaient une aide d’État aux GIE et à leurs investisseurs mise illégalement à exécution par le Royaume d’Espagne depuis le 1er janvier 2002, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Elle a déclaré que les mesures fiscales en cause étaient incompatibles avec le marché intérieur, hormis dans la mesure où l’aide correspondait à une rémunération conforme au marché pour l’intervention d’investisseurs financiers et où elle était transférée à des entreprises de transport maritime pouvant bénéficier des dispositions des orientations maritimes. Elle a décidé que le Royaume d’Espagne devait mettre un terme à l’application de ce régime d’aide dans la mesure où il était incompatible avec le marché intérieur et devait récupérer l’aide incompatible auprès des investisseurs des GIE qui en avaient bénéficié, sans que ces bénéficiaires puissent transférer la charge de la récupération de cette aide à d’autres personnes.

10      Néanmoins, la Commission a décidé qu’il ne serait pas procédé à la récupération de l’aide octroyée dans le cadre d’opérations de financement pour lesquelles les autorités nationales compétentes s’étaient engagées à concéder le bénéfice des mesures par un acte juridiquement contraignant adopté avant le 30 avril 2007, date de publication au Journal officiel de l’Union européenne de sa décision 2007/256/CE, du 20 décembre 2006, concernant le régime d’aide mis à exécution par la France au titre de l’article 39 CA du code général des impôts – Aide d’État C 46/04 (ex NN 65/04) (JO 2007, L 112, p. 41, ci‑après la « décision sur les GIE fiscaux français »).

 Sur les autres recours introduits contre la décision attaquée

11      Par l’arrêt du 17 décembre 2015, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 et T‑719/13, EU:T:2015:1004), le Tribunal a accueilli deux autres recours introduits, contre la décision attaquée, par le Royaume d’Espagne et par Lico Leasing, SA et Pequeños y Medianos Astilleros Sociedad de Reconversión, SA (ci-après « PYMAR »), sur le fondement du moyen tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et de l’article 296 TFUE, et il a annulé la décision attaquée.

12      Par l’arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, EU:C:2018:591), la Cour a annulé l’arrêt du 17 décembre 2015, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 et T‑719/13, EU:T:2015:1004), et renvoyé les affaires T‑515/13 et T‑719/13 devant le Tribunal.

13      Par l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), le Tribunal a rejeté les recours.

14      Par l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour a partiellement annulé l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), et, statuant de manière définitive dans les recours concernés, elle a partiellement annulé la décision attaquée.

15      Dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour a, d’abord, rejeté les pourvois s’agissant de l’argumentation des parties requérantes concernant la prétendue absence de sélectivité du RELF. Elle a également rejeté les pourvois s’agissant des moyens portant sur l’application des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, tout en relevant une erreur de droit commise par le Tribunal, mais demeurant sans incidence sur son appréciation. Enfin, elle a accueilli le moyen du Royaume d’Espagne tiré d’un défaut de motivation de l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), en ce qui concerne la récupération de l’aide en cause. Elle a considéré que, en se limitant à constater que les parties requérantes n’avaient pas contesté la désignation des bénéficiaires effectuée dans la décision attaquée et en se référant à la logique ainsi qu’au contenu de cette décision, alors qu’il se déduisait du moyen soulevé que ces parties faisaient valoir, implicitement, mais nécessairement, qu’elles n’avaient pas été les seules bénéficiaires de l’aide en cause, une grande partie de cette dernière ayant été transférée aux compagnies maritimes, le Tribunal n’avait pas répondu à ce moyen. Elle a conclu que le Tribunal avait commis une violation de l’obligation de motivation et elle a annulé ledit arrêt du Tribunal à cet égard.

16      Statuant définitivement sur le litige, la Cour a accueilli le moyen soulevé par Lico Leasing et PYMAR par lequel ces parties faisaient valoir que les investisseurs des GIE n’avaient pas été les seuls bénéficiaires de l’aide en cause, une grande partie de cette dernière ayant été transférée aux compagnies maritimes. Elle a, partant, annulé l’article 1er de la décision attaquée en ce qu’il désignait les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision ainsi que l’article 4, paragraphe 1, de la même décision, en ce qu’il enjoignait au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide en cause auprès des investisseurs des GIE qui avaient bénéficié de celle-ci.

 Conclusions des parties

17      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, ne procéder à la récupération de l’aide en cause qu’à partir de la publication de la décision C(2011) 4494 final d’ouverture de la procédure formelle d’examen au Journal officiel de l’Union européenne, soit le 21 septembre 2011 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

18      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

 Sur la disparition partielle de l’objet du litige

19      En vertu de l’article 131, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, si le Tribunal constate que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer, il peut, à tout moment, d’office, sur proposition du juge rapporteur, les parties entendues, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

20      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de l’article 131, paragraphe 1, du règlement de procédure, de statuer sans poursuivre la procédure.

21      Il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, l’objet du litige, tel qu’il a été déterminé par la requête introductive d’instance, doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C-362/05 P, EU:C:2007:322, point 42 et jurisprudence citée, et ordonnance du 14 janvier 2014, Miettinen/Conseil, T‑303/13, non publiée, EU:T:2014:48, point 16 et jurisprudence citée).

22      Ainsi, dans le cadre d’un recours introduit en vertu de l’article 263 TFUE, il a été jugé que l’annulation de la décision attaquée en cours d’instance privait de son objet le recours en ce qui concerne les conclusions tendant à l’annulation de ladite décision (voir, en ce sens, arrêts du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, EU:C:2004:234, point 37, et du 19 octobre 2005, CDA Datenträger Albrechts/Commission, T‑324/00, EU:T:2005:364, points 116 et 117).

23      En effet, par l’annulation de l’acte attaqué, la partie requérante obtient le seul résultat que son recours peut lui procurer et il n’y a, dès lors, plus matière à décision du juge de l’Union européenne (voir, en ce sens, ordonnance du 8 mars 1993, Lezzi Pietro/Commission, C-123/92, EU:C:1993:87, point 10).

24      Il en va de même lorsque l’annulation partielle de l’acte attaqué a donné à la partie requérante le résultat qu’elle visait par une partie de son recours, de sorte qu’il n’y a plus lieu de statuer sur cette partie (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, C-372/97, EU:C:2004:234, points 37 et 38).

25      Par ailleurs, l’autorité absolue dont jouit un arrêt d’annulation d’une juridiction de l’Union s’attache tant au dispositif de l’arrêt qu’aux motifs qui en constituent le soutien nécessaire (voir arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, C-372/97, EU:C:2004:234, point 36 et jurisprudence citée).

26      En l’espèce, il convient de constater que, dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour n’a annulé la décision attaquée que partiellement. Comme il a été relevé au point 16 ci-dessus, elle a annulé l’article 1er de la décision attaquée, en ce qu’il désignait les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision ainsi que l’article 4, paragraphe 1, en ce qu’il enjoignait au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide en cause auprès des investisseurs des GIE qui avaient bénéficié de celle-ci.

27      Aux points 138 et 139 de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour a précisé que la Commission avait commis une erreur de droit en ce qui concerne l’identification des bénéficiaires de l’aide en cause, dès lors que les GIE étaient tenus, en vertu de contrats juridiquement contraignants conclus avec les compagnies maritimes et soumis à l’administration fiscale, de transférer aux compagnies maritimes une partie de l’avantage fiscal obtenu.

28      Dans le cadre de leurs recours, les requérantes, qui sont des entreprises ayant effectué des investissements dans des GIE dans le cadre du RELF, soutiennent, en substance, par leurs troisièmes moyens, et par l’un des griefs dans le cadre de leurs quatrièmes moyens, que la décision attaquée a erronément considéré les GIE et leurs investisseurs comme étant les bénéficiaires de l’aide, les véritables bénéficiaires du RELF étant les autres entreprises ayant participé aux opérations au titre du RELF (ci-après les « participants au RELF »), à savoir les chantiers navals ou les compagnies maritimes. De même, par l’un des griefs soulevés dans le cadre des sixièmes moyens, les requérantes font valoir, en substance, que l’ordre de récupération aurait dû viser les chantiers navals et les compagnies maritimes, et non pas les GIE ou leurs investisseurs.

29      Ainsi, les requérantes demandent que le Tribunal annule la décision attaquée dans son intégralité.

30      Il s’ensuit que, dans la mesure où les requérantes contestent la désignation des GIE et de leurs investisseurs en tant que seuls bénéficiaires de l’aide en cause, ainsi que le fait que l’ordre de récupération ne vise que les investisseurs des GIE, l’annulation partielle de la décision attaquée, prononcée par la Cour, leur a donné le résultat qu’elles recherchaient par une partie de leurs recours, à savoir la disparition de cet aspect de ladite décision de l’ordre juridique de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 16 septembre 2014, Justice & Environment/Commission, T-405/10, non publiée, EU:T:2014:821, point 20 et jurisprudence citée).

31      En effet, même à supposer que les griefs par lesquels les requérantes contestent l’exclusion des chantiers navals et des compagnies maritimes comme faisant partie du cercle des bénéficiaires de l’aide en cause et étant visés par l’injonction de récupération soient fondés en droit, ils ne conduiraient pas à une annulation de la décision attaquée allant au-delà de celle prononcée par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60). En particulier, le grief, à le supposer fondé, selon lequel d’autres participants au RELF, tels que notamment les chantiers navals, doivent être considérés comme faisant partie du cercle des bénéficiaires de l’aide en cause et étant visés par l’injonction de récupération, aurait entraîné l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée, dans la mesure où il désigne les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de cette aide, ainsi que de l’article 4, paragraphe 1, de cette décision, dans la mesure où il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de ladite aide auprès des investisseurs des GIE qui ont bénéficié de celle-ci. Or, comme rappelé aux points 16 et 26 ci-dessus, ces articles ont été partiellement annulés, dans cette mesure, par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).

32      Dans ces conditions, conformément à l’article 266, paragraphe 1, TFUE, il incombera à la Commission de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), y compris en ce qui concerne la détermination du cercle des bénéficiaires du RELF.

33      Dès lors, les présents recours doivent être regardés comme étant devenus sans objet dans cette mesure.

34      En revanche, il y a toujours lieu de statuer sur les chefs de conclusions des requérantes en ce qu’ils tendent à l’annulation de parties de la décision attaquée n’ayant pas été annulées par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C-649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).

35      En effet, certains chefs de conclusions présentés par les requérantes visent une annulation de la décision attaquée plus étendue que celle prononcée par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C-649/20 P, C-658/20 P et C-662/20 P, EU:C:2023:60). Ainsi elles ont demandé l’annulation de la décision attaquée également en ce qu’elle ordonne la récupération de l’aide auprès d’elles, en tant qu’investisseurs des GIE. Il en découle que les recours ont conservé l’objet dans cette mesure.

36      Ainsi, il y a toujours lieu de statuer sur les chefs de conclusions des requérantes en ce qu’ils tendent à l’annulation des parties de la décision attaquée n’ayant pas été annulées par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), à savoir sur la partie des recours par laquelle les requérantes invoquent, en substance, dans le cadre des premiers moyens, une violation de l’article 107 TFUE, en ce que la Commission aurait erronément adopté une approche globale lorsqu’elle a examiné le RELF, au lieu d’une analyse séparée, mesure par mesure, ainsi qu’une violation du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), en ce que la décision attaquée qualifie le RELF en tant qu’aide nouvelle, au lieu d’une aide existante. Elles invoquent dans le cadre des deuxièmes moyens, une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en ce que la décision attaquée constate l’existence d’un avantage sélectif, dans le cadre des troisièmes moyens, l’inclusion erronée des GIE et de leurs investisseurs parmi les bénéficiaires de l’aide en cause, dans le cadre des quatrièmes moyens, une violation de l’article 107 TFUE, du fait de l’absence d’affectation du commerce entre États membres, et de la compatibilité du RELF avec le marché intérieur, dans le cadre des cinquièmes moyens, l’existence d’un détournement de pouvoir et, dans le cadre des sixièmes moyens, une violation des principes d’égalité de traitement, de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, pour autant que la décision attaquée a ordonné la récupération de l’aide auprès des investisseurs.

37      En effet, si ces moyens étaient accueillis, ils seraient susceptibles d’entraîner l’annulation de parties de la décision attaquée qui n’ont pas été annulées par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C-649/20 P, C‑658/20 P et C-662/20 P, EU:C:2023:60).

38      Il résulte des considérations qui précèdent qu’il n’y a plus lieu de statuer sur les recours pour autant qu’ils tendent à l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée, en ce qu’il désigne les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision, et de l’article 4, paragraphe 1, de ladite décision, en ce qu’il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de ladite aide auprès des investisseurs des GIE qui en ont bénéficié.

 Sur le fond

39      Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

40      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de l’article 126 du règlement de procédure, de statuer sur les chefs de conclusions de requérantes en ce qu’ils tendent à l’annulation de parties de la décision attaquée n’ayant pas été annulées par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C-649/20 P, C‑658/20 P et C-662/20 P, EU:C:2023:60). Ainsi, il convient de statuer sur les premiers et deuxièmes moyens, sur les troisièmes moyens pour autant qu’ils concernent l’identification des GIE et de leurs investisseurs comme bénéficiaires de l’aide en cause, sur les quatrièmes moyens pour autant qu’ils visent la compatibilité du RELF avec le marché intérieur et l’affectation du commerce entre États membres et sur les cinquièmes moyens, ainsi que sur les sixièmes moyens pour autant qu’ils sont relatifs à l’injonction de récupérer ladite aide auprès des investisseurs des GIE, sans poursuivre la procédure.

 Sur les premiers moyens, tirés, en substance, de la violation de l’article 107 TFUE, en ce que la Commission a adopté une approche globale dans son examen du RELF, et d’une violation du règlement n° 659/1999

41      Les requérantes font valoir que le RELF recouvre une série de mesures fiscales hétérogènes qu’il faut analyser séparément, et que, lorsque la Commission a examiné le RELF dans la décision attaquée, elle a erronément suivi une approche globale. À cet égard, elles soutiennent que, analysés séparément, les éléments du RELF comprennent des mesures d’aide existantes. Par conséquent, selon les requérantes, la Commission aurait dû suivre la procédure relative aux aides existantes et non pas, comme elle l’a fait dans la décision attaquée, celle relative aux aides nouvelles. Dans le cadre de leurs deuxièmes moyens, les requérantes font valoir également qu’une des mesures composant le RELF devrait être considérée comme étant une mesure d’aide existante.

42      La Commission conteste les arguments des requérantes.

43      À cet égard, il convient de relever que la Commission ne saurait être privée de la possibilité de se fonder sur un ensemble de circonstances de nature à déceler l’existence, en fait, d’un régime d’aide. En effet, dans le cadre de l’examen d’un régime d’aide et, en l’absence d’une base légale instituant un tel régime d’aide, la Commission peut se fonder sur une série d’éléments de nature normative, administrative, financière ou économique (voir, en ce sens, arrêts du 13 avril 1994, Allemagne et Pleuger Worthington/Commission, C-324/90 et C-342/90, EU:C:1994:129, points 15 et 23 et du 16 septembre 2021, Commission/Belgique, et Magnetrol International, C-337/19 P, EU:C:2021:741, point 80).

44      Dès lors qu’il n’est pas exigé qu’un régime d’aide soit prévu dans un seul acte juridique, même s’il s’agit de l’hypothèse la plus habituelle, rien ne s’oppose à ce qu’un tel régime puisse découler d’une série de mesures liées entre elles par des circonstances juridiques et factuelles.

45      En l’espèce, la Commission soutient, à juste titre, que les mesures constituant le RELF sont liées en droit et en fait. Comme elle l’a indiqué au considérant 116 de la décision attaquée, lesdites mesures sont liées en droit, en substance, parce que l’amortissement anticipé était soumis à l’obtention d’une autorisation des autorités fiscales, dont dépendait par ailleurs l’application de l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés établissant une exception au régime de la taxation au tonnage. Elles étaient, en outre, liées en fait parce que l’autorisation administrative pour l’amortissement anticipé était accordée uniquement dans le contexte de contrats de location-vente de navires éligibles audit régime, qui ont pu, dès lors, bénéficier de la règle prévue à l’article 50, paragraphe 3, dudit règlement.

46      C’est en raison de l’existence d’un tel lien entre les mesures fiscales composant le RELF que le Tribunal a jugé, au point 101 de l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T-515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), que, étant donné qu’une des mesures permettant de bénéficier du RELF dans son ensemble était sélective, à savoir l’autorisation de l’amortissement anticipé, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que le système était sélectif dans son ensemble, cette conclusion ayant été confirmée par la Cour aux points 71 et 72 de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C-649/20 P, C-658/20 P et C-662/20 P, EU:C:2023:60).

47      Bien que ces considérations suffisent pour conclure que le RELF constitue un régime d’aide pouvant être apprécié par la Commission dans son ensemble, il peut être relevé que la nécessité d’examiner le RELF dans son ensemble comme un régime d’aide a été implicitement confirmée par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023 Espagne e.a./Commission (C-649/20 P, C-658/20 P et C-662/20 P, EU:C:2023:60). En effet, au point 137 de cet arrêt, la Cour, pour conclure que la Commission avait commis une erreur de droit quant à la désignation des bénéficiaires de l’aide en cause et, par voie de conséquence, quant à la récupération de celle-ci, s’est notamment appuyée sur le fait que la Commission avait considéré que le RELF constituait, dans son ensemble, un régime d’aide découlant de l’application de la législation fiscale espagnole et des autorisations accordées par l’administration fiscale espagnole, lequel était destiné, peu important les procédés juridiques utilisés, à générer un avantage au profit des GIE et des compagnies maritimes.

48      Par la suite, la Commission a précisé, en ce sens, au considérant 155 de la décision attaquée, que le montant de l’avantage économique obtenu correspondait à la somme des avantages résultant du RELF dans son ensemble, que le GIE n’aurait pas obtenu de la même opération financière s’il avait uniquement appliqué des mesures générales.

49      Dans ces circonstances, dès lors que les requérantes font valoir que certaines des mesures fiscales composant le RELF, à savoir l’amortissement anticipé et le régime de la taxation au tonnage, auraient été déclarées compatibles avec le marché intérieur par la Commission et constitueraient, par conséquent, une aide existante, leur argumentation doit être considérée comme étant manifestement non fondée.

50      En effet, il n’est pas contesté par les requérantes que le RELF, en tant que système, n’avait pas été autorisé par la Commission dans une décision antérieure et que ledit régime, apprécié dans son ensemble, ne saurait ainsi constituer une aide existante. Il en résulte que, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, la Commission ne devait pas recourir à la procédure applicable aux régimes d’aides existants lorsqu’elle a examiné le RELF dans la décision attaquée.

51      Partant, les premiers moyens et les griefs soulevés dans le cadre des deuxièmes moyens, mentionnés au point 41 ci-dessus, doivent être rejetés comme étant manifestement non fondés.

 Sur les deuxièmes moyens, tirés de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en ce qui concerne l’absence d’avantage et la sélectivité du RELF

52      Les requérantes font valoir que la décision attaquée a violé l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en constatant que les mesures fiscales en cause étaient sélectives. Plus précisément, les requérantes soutiennent qu’aucune mesure du RELF, prise globalement ou individuellement, ne présente un caractère sélectif, compte tenu de l’encadrement du pouvoir discrétionnaire en droit espagnol. En outre, elles soutiennent que le régime du RELF était ouvert à tout opérateur de l’Union et que tout actif acheté à bail, et non uniquement des navires, pouvait bénéficier de l’amortissement anticipé. Par ailleurs, elles contestent l’existence d’un avantage en faveur des investisseurs des GIE.

53      La Commission conteste les arguments des requérantes.

54      À cet égard, il suffit de relever que, aux points 57 à 74 de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour a définitivement jugé que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal avait considéré que l’existence des aspects discrétionnaires du RELF était de nature à favoriser les bénéficiaires par rapport à d’autres assujettis se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable et qu’il avait ainsi jugé que cette mesure présentait un caractère sélectif. En outre, la Cour a définitivement jugé que le Tribunal avait pu conclure à bon droit que la Commission n’avait pas commis d’erreur en considérant que l’amortissement anticipé rendait le RELF sélectif dans son ensemble.

55      S’agissant du grief des requérantes concernant l’absence d’un avantage en faveur des investisseurs des GIE, il convient de relever que, selon la jurisprudence, pour qu’un recours soit recevable, il est nécessaire que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même, et ce afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice. Ainsi, tout moyen qui n’est pas suffisamment articulé dans la requête introductive d’instance doit être considéré comme irrecevable. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen. Cette fin de non-recevoir d’ordre public doit être relevée d’office par le juge de l’Union (voir arrêts du 30 juin 2021, Italie/Commission, T-265/19, non publié, EU:T:2021:392, point 33 et jurisprudence citée, et du 7 juillet 2021, Bateni/Conseil, T-455/17, EU:T:2021:411, point 135 et jurisprudence citée).

56      À cet égard, il y a lieu de relever que les requérantes se limitent à énoncer leur grief tiré de l’absence d’un avantage en faveur des investisseurs des GIE, sans toutefois avancer des arguments le soutenant. Par conséquent, ledit grief ne répondant pas aux exigences énoncées au point 55 ci-dessus, il doit ainsi être rejeté comme étant manifestement irrecevable.

57      Dans ces conditions, et compte tenu des considérations figurant aux points 43 à 51 ci-dessous, dans la mesure où elles concernent des griefs des deuxièmes moyens, il y a lieu de rejeter les deuxièmes moyens dans leur ensemble, comme étant, en partie, manifestement irrecevables et, en partie, manifestement non fondés.

 Sur les troisièmes moyens, en ce qu’ils portent sur l’identification erronée des GIE et de leurs investisseurs comme étant les bénéficiaires de l’aide en cause

58      Les requérantes font valoir que les GIE et leurs investisseurs n’auraient pas dû être identifiés comme étant les bénéficiaires de l’aide en cause.

59      La Commission conteste les arguments des requérantes.

60      À cet égard, il suffit de relever que, aux points 137 à 140 de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour a définitivement jugé que les GIE et leurs investisseurs avaient été les bénéficiaires de l’aide en cause.

61      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter comme étant manifestement non fondés les troisièmes moyens.

 Sur les quatrièmes moyens, en ce qu’ils portent sur la compatibilité du RELF avec le marché intérieur et sur l’affectation du commerce entre États membres

62      Les requérantes font valoir que l’analyse de la compatibilité de l’aide en cause avec le marché intérieur, figurant dans la décision attaquée, est erronée. En effet, en vertu du RELF, les GIE louaient des navires à des compagnies maritimes par le biais de contrats d’affrètement coque nue. Or, selon les requérantes, ces contrats, tels que définis par le droit espagnol, relèvent du transport maritime entrant dans le champ d’application des orientations maritimes, de sorte que l’aide en cause doit être considérée comme étant compatible avec le marché intérieur au titre de celles-ci. En outre, les requérantes relèvent que la décision attaquée n’a pas démontré l’affectation des échanges entre États membres et qu’une telle affectation serait exclue, dès lors que tout opérateur économique de l’Union pouvait participer au RELF.

63      La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

64      D’une part, en ce qui concerne la compatibilité du RELF avec le marché intérieur, il convient de relever que, aux points 103 et 104 de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), dans le contexte de l’évaluation des arguments tirés de la violation du principe de protection de la confiance légitime, la Cour a dit pour droit que les GIE étaient exclus du régime espagnol de taxation au tonnage, dès lors que leurs activités consistaient exclusivement dans l’affrètement d’un seul navire en régime d’affrètement coque nue, et a rejeté comme manifestement dénué de fondement l’argument des parties requérantes selon lequel les GIE auraient exercé une activité de transport maritime.

65      En outre, selon la jurisprudence, pour qu’une société puisse être qualifiée de prestataire de services de transport maritime, il faut qu’elle exploite le navire au moyen duquel ce transport est effectué (arrêt du 8 juillet 2014, Fonnship et Svenska Transportarbetareförbundet, C‑83/13, EU:C:2014:2053, point 38). Il en découle que le propriétaire d’un navire affrété coque nue n’est pas un prestataire de services de transport maritime (voir conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Fonnship et Svenska Transportarbetareförbundet, C‑83/13, EU:C:2014:201, point 57).

66      Il s’ensuit que c’est sans commettre d’erreur que la décision attaquée a conclu que les activités exercées par les GIE ne relevaient pas de la notion de transport maritime visée par les orientations maritimes.

67      D’autre part, en ce qui concerne l’affectation des échanges entre États membres, il convient de rappeler que, aux points 103 à 105 et 107 de l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T-719/13 RENV, EU:T:2020:434), le Tribunal a définitivement jugé que les conditions relatives à l’affectation des échanges entre États membres étaient, en l’espèce, remplies.

68      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter comme étant manifestement non fondés les quatrièmes moyens, pour autant qu’ils portent sur la compatibilité du RELF avec le marché intérieur et sur l’affectation du commerce entre États membres.

 Sur les cinquièmes moyens portant sur le détournement de pouvoir

69      Les requérantes font valoir que la décision attaquée devrait être annulée dans la mesure où elle est entachée d’un détournement de pouvoir de la Commission.

70      À cet égard, elles relèvent que la Commission a erronément fondé la décision attaquée sur l’article 107 TFUE au lieu, par exemple, de l’article 113 TFUE, de l’article 115 TFUE ou de l’article 352, paragraphe 1, TFUE, qui exigent l’unanimité au sein du Conseil. En outre, les requérantes soutiennent, en substance, que, en adoptant une interprétation large de la condition de sélectivité, la Commission a erronément appliqué les règles en matière d’aides d’État, afin d’éliminer des distorsions émanant de dispositions fiscales.

71      La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

72      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce (voir arrêt du 9 décembre 2020, Groupe Canal +/Commission, C‑132/19 P, EU:C:2020:1007, point 31 et jurisprudence citée).

73      Force est de constater que les requérantes n’ont pas fourni de tels indices.

74      En effet, rien dans le dossier ne permet d’affirmer que, lorsqu’elle a adopté la décision attaquée, la Commission a tenté d’atteindre des fins autres que celles de garantir le respect des règles de l’Union relatives au contrôle des aides d’État, ou qu’elle a tenté d’éluder la procédure prévue dans le traité pour l’examen de celles‑ci.

75      D’ailleurs, comme le relève à juste titre la Commission, cette dernière n’a fait que respecter ses obligations découlant de l’article 108 TFUE et du règlement n° 659/1999 lorsqu’elle a examiné les plaintes reçues de la part de certaines parties intéressées à la lumière des règles sur les aides d’État.

76      En outre, selon une jurisprudence constante, même si la fiscalité directe relève, en l’état actuel du développement du droit de l’Union, de la compétence des États membres, ces derniers doivent néanmoins exercer cette compétence dans le respect du droit de l’Union. Par conséquent, les États membres doivent s’abstenir de prendre, dans ce contexte, toute mesure susceptible de constituer une aide d’État incompatible avec le marché intérieur (voir arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission, C-885/19 P et C-898/19 P, EU:C:2022:859, points 65, 120 et 121 et jurisprudence citée).

77      Or, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que, par le biais de la décision attaquée, cette dernière n’a pas harmonisé la législation fiscale espagnole ou celle d’autres États membres, mais s’est limitée à appliquer les règles de l’Union relatives au contrôle des aides d’État.

78      Partant, les cinquièmes moyens doivent être rejetés comme étant manifestement non fondés.

 Sur les sixièmes moyens, en ce qu’ils portent sur la récupération de l’aide auprès des investisseurs des GIE et tirés de la violation des principes d’égalité de traitement, de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique

79      Par leurs sixièmes moyens, divisés en trois branches, les requérantes allèguent, en substance, que, en ordonnant la récupération de l’aide auprès d’elles, la Commission a violé respectivement les principes d’égalité de traitement, de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique.

80      En outre, dans le cadre de ce moyen, les requérantes observent que la validité de certaines clauses, figurant dans les contrats conclus entre les investisseurs, les compagnies maritimes et les chantiers navals et prévoyant la responsabilité de ces derniers dans certaines hypothèses, ne saurait être remise en cause.

–       Sur la violation du principe d’égalité de traitement

81      Les requérantes font valoir que, compte tenu de la décision sur les GIE fiscaux français, la décision attaquée doit être regardée comme violant le principe d’égalité de traitement. En appliquant l’approche utilisée dans la décision sur les GIE fiscaux français, les requérantes considèrent que l’obligation de récupération ne s’appliquerait pas aux aides que les autorités nationales se sont engagées à accorder avant la publication de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen au Journal officiel de l’Union européenne, le 21 septembre 2011 et, par conséquent, elles demandent que la récupération ne soit ordonnée qu’à partir de cette date.

82      La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

83      À cet égard, il suffit de constater que, au point 128 de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour a définitivement écarté les moyens soulevés par le Royaume d’Espagne et tirés de la violation du principe d’égalité de traitement, pour les motifs exposés aux points 139 à 145 de l’arrêt du Tribunal du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), motifs que la Cour a fait siens. En substance, la Cour a constaté, audit point, que la différence de traitement alléguée par rapport à la décision sur les GIE fiscaux français était objectivement justifiée en raison du fait que l’adoption de ladite décision avait fait cesser l’incertitude juridique en ce qui concerne le RELF.

84      Dès lors, il y a lieu de rejeter le grief des requérantes tiré de la violation du principe d’égalité de traitement comme étant manifestement non fondé.

–       Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime

85      Les requérantes estiment que plusieurs actes et démarches de la Commission ont fait naître des attentes légitimes quant à la qualification du RELF en tant qu’aide d’État et à sa compatibilité avec le marché intérieur, à savoir la décision 2002/15/CE de la Commission, du 8 mai 2001, concernant l’aide d’État mise à exécution par la France en faveur de la société « Bretagne Angleterre Irlande » (JO 2002, L 12, p. 33, ci‑après la « décision Brittany Ferries »), la décision sur les GIE fiscaux français, une demande de renseignements de la Commission aux autorités espagnoles du 21 décembre 2001, la décision 2005/122/CE de la Commission, du 30 juin 2004, concernant l’aide d’État que les Pays‑Bas envisagent de mettre à exécution en faveur de quatre chantiers navals dans le cadre de six contrats de construction navale (JO 2005, L 39, p. 48, ci-après la « décision relative à la notification des Pays‑Bas »), une lettre du membre de la Commission responsable de la DG « Concurrence » du 9 mars 2009, le long délai écoulé entre le dépôt des plaintes et l’ouverture de la procédure formelle d’examen et la réponse de la Commission à la question parlementaire E 5819/2010. Par conséquent, les requérantes demandent que la récupération de l’aide en cause ne soit prononcée qu’à partir de la date de la publication de la décision C(2011) 4494 final d’ouverture de la procédure formelle d’examen au Journal officiel de l’Union européenne, soit le 21 septembre 2011.

86      La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

87      À cet égard, comme l’a définitivement jugé en substance le Tribunal aux points 163, 164 et 168 à 174 de l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T-515/13 RENV et T-719/13 RENV, EU:T:2020:434), ni la décision Brittany Ferries ni la décision sur les GIE fiscaux français, non plus que la demande de renseignements de la Commission aux autorités espagnoles du 21 décembre 2001, la décision relative à la notification des Pays-Bas, la lettre du membre de la Commission responsable de la DG « Concurrence » du 9 mars 2009, et l’éventuelle inaction de la Commission pendant une certaine période, ne constituent pas des assurances précises, inconditionnelles et concordantes de la part de la Commission indiquant que le RELF n’était pas une aide d’État ou qu’il était compatible avec le marché intérieur.

88      Or, la réponse de la Commission à la question parlementaire E 5819/2010 demeure le seul élément qui n’a pas été analysé par le Tribunal, dans son arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), dans le cadre de l’appréciation du principe de protection de la confiance légitime.

89      À cet égard, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que cette réponse ne saurait fonder une quelconque confiance légitime dans l’interprétation selon laquelle le RELF ne serait pas une aide d’État ou serait compatible avec le marché intérieur, dès lors que, dans ladite réponse, la Commission a simplement indiqué qu’elle avait reçu une série de plaintes à cet égard, qu’elle était en train de les examiner et qu’elle adopterait les mesures nécessaires.

90      Il s’ensuit que cette réponse ne saurait constituer un renseignement précis, inconditionnel et concordant susceptible de faire naître des espérances fondées et de fonder une confiance légitime auprès des requérantes dans l’interprétation selon laquelle le RELF ne serait pas une aide d’État ou serait compatible avec le marché intérieur, au sens de la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission, T-515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434, point 158 et jurisprudence citée)

91      Dès lors, il y a lieu de rejeter le grief des requérantes tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime comme étant manifestement non fondé.

92      Partant, et compte tenu des considérations figurant aux points 79 à 91 ci-dessus, il convient d’écarter le chef de conclusions formulé à titre subsidiaire, de ne procéder à la récupération de l’aide en cause qu’à partir de la publication de la décision C(2011) 4494 final d’ouverture de la procédure formelle d’examen au Journal officiel de l’Union européenne, soit le 21 septembre 2011.

–       Sur la violation du principe de sécurité juridique et du droit à une bonne administration

93      Les requérantes invoquent, en substance, la violation du principe de sécurité juridique et du droit à une bonne administration, consacré à l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en raison de l’inaction alléguée de la Commission pendant environ dix ans entre la demande de renseignements du 21 décembre 2001 et l’ouverture de la procédure formelle d’examen en 2011. En outre, les requérantes soutiennent que, en vertu du droit espagnol, la prescription se serait « déjà produite » par rapport à la récupération de l’aide.

94      La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

95      À titre liminaire, il convient de constater que le grief tiré de la violation du droit à une bonne administration n’est pas suffisamment articulé dans les écritures des requérantes. En effet, elles se limitent à soulever l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux dans la requête, sans aucune autre précision. Dès lors, ce grief doit être rejeté comme manifestement irrecevable, en vertu de la jurisprudence citée au point 55 ci-dessus.

96      Ensuite, il ressort de la jurisprudence qu’il convient d’examiner une série d’éléments afin de rechercher l’existence d’une violation du principe de sécurité juridique, notamment l’absence de clarté du régime juridique applicable ou l’inaction de la Commission pendant une période prolongée sans justification (voir arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission, T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434, point 196 et jurisprudence citée).

97      À cet égard, en ce qui concerne la prétendue période d’inaction prolongée de la Commission, force est de constater, comme le Tribunal l’a définitivement jugé aux points 202 à 204 de l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), que celle-ci n’est pas demeurée inactive pendant une période déraisonnable en l’espèce.

98      S’agissant plus particulièrement de l’argument tiré de la prescription en droit national, il suffit de rappeler que selon la jurisprudence, un État membre ne peut pas exciper des règles nationales concernant la prescription dans le but de s’opposer à la restitution de l’aide (arrêt du 20 mars 1997, Alcan Deutschland, C‑24/95, EU:C:1997:163, points 34 à 37).

99      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la branche tirée de la violation du principe de sécurité juridique et du droit à une bonne administration comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondée.

–       Sur les clauses contractuelles

100    S’agissant du grief des requérantes selon lequel il n’y avait pas lieu de remettre en cause la validité des clauses contractuelles mentionnées au point 80 ci-dessus, il suffit de relever que les requérantes se limitent à énoncer ce grief dans une seule phrase, sans toutefois l’articuler ou avancer des arguments le soutenant. Par conséquent, ledit grief ne répondant pas aux exigences énoncées au point 55 ci‑dessus, il doit ainsi être rejeté comme manifestement irrecevable.

101    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les recours ont partiellement perdu leur objet et que, pour le surplus, ils doivent être rejetés comme étant, en partie, manifestement irrecevables et, en partie, manifestement non fondés.

 Sur les dépens

102    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

103    Par ailleurs, aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

104    En l’espèce, il a été constaté qu’une partie du litige avait perdu son objet. Or, la disparition partielle de l’objet du litige est la conséquence d’une erreur de droit, commise par la Commission, ayant été soulevée par les requérantes dans le cadre des présents recours, laquelle avait entraîné l’annulation partielle de la décision attaquée prononcée par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).

105    En revanche, les requérantes ont succombé pour ce qui concerne la partie du litige pour laquelle il y avait toujours lieu de statuer.

106    Dans ces circonstances, le Tribunal décide de condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur les recours dans la mesure où ils sont dirigés contre l’article 1er de la décision 2014/200/UE de la Commission, du 17 juillet 2013, concernant l’aide d’État SA.21233 C/11 (ex NN/11, ex CP 137/06) mise à exécution par l’Espagne – Régime fiscal applicable à certains accords de location-financement, également appelé « régime espagnol de leasing fiscal », en ce qu’il désigne les groupements d’intérêt économique et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision, et l’article 4, paragraphe 1, de ladite décision, en ce qu’il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide visée dans cette décision auprès des investisseurs des groupements d’intérêt économique qui en ont bénéficié.

2)      Les recours sont rejetés pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 9 février 2024.

Le greffier

 

Le président

T. Henze, greffier adjoint

 

A. Kornezov


*      Langue de procédure : l’espagnol.

© European Union
The source of this judgment is the Europa web site. The information on this site is subject to a information found here: Important legal notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.


BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T50014_CO.html