Spain v Commission (EAGF and EAFRD - Expenditure excluded from EU financing - Expenditure incurred by Spain - Judgment) French Text [2024] EUECJ T-508/22 (20 November 2024)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T50822.html
Cite as: EU:T:2024:855, [2024] EUECJ T-508/22, ECLI:EU:T:2024:855

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

20 novembre 2024 

(*) FEAGA et Feader - Dépenses exclues du financement de l’Union - Dépenses effectuées par l’Espagne - Conditionnalité - Contrôle des exigences réglementaires en matière de gestion »

Dans l’affaire T‑508/22,

Royaume d’Espagne, représenté par Mme A. Pérez-Zurita Gutiérrez, en qualité d’agent,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme F. Castilla Contreras et M. A. Sauka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de Mme O. Porchia, présidente, MM. L. Madise et S. Verschuur (rapporteur), juges,

greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 20 février 2024,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le Royaume d’Espagne demande l’annulation partielle de la décision d’exécution (UE) 2022/908 de la Commission, du 8 juin 2022, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2022, L 157, p. 15, ci-après la « décision attaquée »), pour autant qu’elle le concerne à hauteur de 9 968 215,15 euros.

 Antécédents du litige

2        Dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’apurement de conformité prévu à l’article 52 du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1200/2005 et no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549) et à l’article 34 du règlement d’exécution (UE) no 908/2014, du 6 août 2014, portant modalités d’application du règlement no 1306/2013 en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les règles relatives aux contrôles, les garanties et la transparence (JO 2014, L 255, p. 59), les services de la direction générale (DG) « Agriculture et développement rural » de la Commission européenne ont ouvert une enquête portant la référence XC/2018/002/ES (ci-après l’« enquête »), relative aux modalités de mise en œuvre du système de conditionnalité prévu au titre VI du règlement no 1306/2013 (ci-après le « système de conditionnalité ») en Espagne, et spécifiquement en Castille-et-León, en ce qui concerne les années de demande 2016 et suivantes.

3        Dans le cadre de l’enquête, entre les 18 et 22 juin 2018, la DG « Agriculture et développement rural » a réalisé une mission d’audit en Espagne.

4        À la suite de cette mission, la DG « Agriculture et développement rural » a, conformément à l’article 34, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 908/2014, rendu compte de ses constatations dans un courrier du 12 septembre 2018 portant la référence Ares(2018) 4682649 (ci-après la « lettre de constatations »).

5        Dans la lettre de constatations, la DG « Agriculture et développement rural » a fait état de différentes défaillances constatées dans le cadre de trois contrôles clés, relatifs, premièrement, à l’étendue et à la qualité des contrôles sur place, deuxièmement, à la communication des constatations et, troisièmement, à l’application correcte des sanctions et des exclusions administratives. Des défaillances ont également été constatées dans le cadre d’un contrôle secondaire relatif à l’absence de supervision adéquate des organes délégués.

6        À la lumière de ces constatations, la DG « Agriculture et développement rural » a conclu à l’absence de procédures de contrôle effectives par l’organisme payeur espagnol, conformément à l’article 1er, point 1A, sous ii), et point 2A, sous ii), de l’annexe I du règlement délégué (UE) no 907/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement no 1306/2013 en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les garanties et l’utilisation de l’euro (JO 2014, L 255, p. 18). Selon la Commission, les défaillances constatées étaient de nature à engendrer un risque pour le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et pour le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (ci-après les « Fonds ») et, partant, à entraîner l’application d’une correction financière forfaitaire de 10 % sur les 10 % du montant total des aides versées aux bénéficiaires visés à l’article 92, premier alinéa, du règlement no 1306/2013 auxquels s’appliquait le système de conditionnalité (ci-après le « montant total de l’aide ») pour les années de demande 2016 et 2017, conformément aux lignes directrices relatives au calcul des corrections financières dans le cadre des procédures d’apurement de conformité et d’apurement des comptes, telles qu’elles figurent dans la communication de la Commission (2015) 3675 final, du 8 juin 2015.

7        À cet égard, la DG « Agriculture et développement rural » a adressé plusieurs recommandations aux autorités espagnoles dont, notamment, la prise de mesures correctives immédiates afin de mettre en œuvre des contrôles de conditionnalité appropriés, conformément à l’article 96, paragraphe 3, et à l’article 97, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013, ainsi qu’à l’article 24, paragraphe 1, et à l’article 65, paragraphe 1, du règlement d’exécution (UE) no 809/2014 de la Commission, du 17 juillet 2014, établissant les modalités d’application du règlement no 1306/2013 en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les mesures en faveur du développement rural et la conditionnalité (JO 2014, L 227, p. 69) (ci-après les « contrôles de conditionnalité »). En outre, elle a invité les autorités espagnoles à fournir toutes les informations pertinentes ainsi que, conformément à l’article 12, paragraphes 2 à 5, du règlement délégué no 907/2014, un calcul précis du montant à exclure du financement de l’Union européenne concernant les années de demande 2016 et suivantes.

8        Par un courrier du 3 décembre 2018, les autorités espagnoles ont répondu à la lettre de constatations. Dans ledit courrier, elles ont communiqué les informations complémentaires demandées par la DG « Agriculture et développement rural » et ont indiqué avoir pris des mesures afin de remédier aux défaillances décelées dans la lettre de constatations, y compris la mise à jour des règles et des procédures pour la réalisation des contrôles de conditionnalité. Dans le même courrier, les autorités espagnoles ont proposé un premier calcul du risque pour les Fonds.

9        Par un courrier portant la référence Ares(2019) 1131548, du 22 février 2019, la DG « Agriculture et développement rural » a répondu au courriel du 3 décembre 2018 en expliquant que le calcul du risque pour les Fonds proposé par les autorités espagnoles ne pouvait pas être accepté. Dans le même courrier, la DG « Agriculture et développement rural » a également convoqué les autorités espagnoles à une réunion bilatérale, laquelle a eu lieu le 14 mars 2019, et invité ces dernières à lui transmettre des informations complémentaires avant ladite réunion.

10      Par un courrier du 1er mars 2019, les autorités espagnoles ont répondu au courrier du 22 février 2019 en présentant un deuxième calcul du montant à exclure du financement de l’Union ainsi que des informations complémentaires.

11      Dans le procès-verbal du 24 avril 2019 de la réunion bilatérale, communiqué par courrier portant la référence Ares(2019) 2767955, la DG « Agriculture et développement rural » a, en substance, maintenu l’exposé des défaillances constatées dans le cadre des premier et deuxième contrôles clés ainsi que du contrôle secondaire pour les années de demande 2016 et 2017 et, partiellement, pour l’année de demande 2018, tout en confirmant la clôture du troisième contrôle clé.

12      Dans ce courrier, la DG « Agriculture et développement rural » a également invité les autorités espagnoles à fournir des informations complémentaires et expliqué que le deuxième calcul du risque pour les Fonds qu’elles avaient proposé ne pouvait pas être accepté non plus et, par conséquent, qu’un calcul du risque pour les Fonds remplissant les conditions de l’article 34, paragraphe 2, sous a), du règlement d’exécution no 908/2014 n’avait toujours pas été communiqué. Dès lors, les autorités espagnoles ont été invitées à proposer un nouveau calcul ainsi qu’une description détaillée de la méthodologie appliquée.

13      Par conséquent, la DG « Agriculture et développement rural » a rappelé la nécessité d’appliquer une correction financière, bien que modifiée à la suite de la clôture du troisième contrôle clé, par voie d’un taux forfaitaire de 7 % sur 10 % du montant total de l’aide pour les années de demande 2016 et 2017, et d’un taux forfaitaire de 5 % sur 10 % du montant total de l’aide pour l’année de demande 2018.

14      Les autorités espagnoles ont répondu au procès-verbal du 24 avril 2019 de la réunion bilatérale par courriers des 14 mai et 25 juillet 2019 en fournissant leurs observations, des informations complémentaires ainsi qu’en proposant un troisième calcul du risque pour les Fonds.

15      Par un courrier portant la référence Ares(2019) 1064406 du 19 février 2020, la DG « Agriculture et développement rural » a communiqué aux autorités espagnoles les conclusions préliminaires de l’enquête (ci-après la « communication officielle ») au titre de l’article 34, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement d’exécution no 908/2014.

16      Dans la communication officielle, la DG « Agriculture et développement rural » a confirmé que les défaillances constatées dans le cadre des premier et second contrôles clés et du contrôle secondaire avaient engendré un risque pour les Fonds pour les années de demande 2016 et 2017 et, partiellement, pour l’année de demande 2018.

17      En outre, dans la communication officielle, la DG « Agriculture et développement rural » a indiqué que les autorités espagnoles avaient présenté trois estimations du montant à exclure du financement de l’Union basées sur trois méthodes de calcul différentes. Toutefois, aucune de ces estimations ne pouvait être retenue.

18      Sur cette base, la DG « Agriculture et développement rural » a confirmé, pour les années de demande 2016 et 2017, sa proposition d’appliquer un taux forfaitaire de 7 %, conformément à l’article 12, paragraphe 7, sous a), du règlement délégué no 907/2014, sur 10 % du montant total de l’aide. En outre, pour l’année de demande 2018, elle a, conformément à l’article 12, paragraphes 6 et 8, du règlement délégué no 907/2014, proposé une réduction du taux forfaitaire de 5 à 2 % sur 10 % du montant total de l’aide, à la suite de la soumission par les autorités espagnoles d’éléments de preuve supplémentaires.

19      Ainsi, la DG « Agriculture et développement rural » a proposé d’exclure du financement de l’Union un montant net total de 13 606 922,22 euros relatif aux années de demande 2016 à 2018 (dont un montant de 12 811 886,69 euros lié aux années de demande 2016 et 2017 et un montant de 795 035,53 euros lié à l’année de demande 2018).

20      Par un courrier du 7 mai 2020, en réponse à la communication officielle, les autorités espagnoles ont introduit une demande motivée auprès de l’organe de conciliation, en vertu de l’article 40 du règlement d’exécution no 908/2014, à laquelle a été joint un rapport aux fins de l’audition devant ledit organe. Dans ce rapport, les autorités espagnoles ont proposé, notamment, de ventiler la correction financière par groupe de bénéficiaires, laquelle, ainsi calculée, s’élevait à un montant total de 12 062 055,68 euros.

21      Par un courrier portant la référence Ares(2020) 7046387 du 24 novembre 2020, à la suite de l’audition le 17 novembre 2020, l’organe de conciliation a envoyé aux parties son rapport dans lequel il a conclu à la possibilité d’une conciliation partielle concernant, en particulier, la possibilité pour la DG « Agriculture et développement rural » d’examiner la proposition de ventiler la correction financière par groupe de bénéficiaires ainsi que la proposition de réexaminer le contrôle secondaire afin de vérifier si ce dernier était en effet défaillant.

22      Par un courrier portant la référence Ares(2020) 81725 du 4 janvier 2022, la DG « Agriculture et développement rural » a communiqué aux autorités espagnoles, conformément à l’article 34, paragraphe 4, du règlement d’exécution no 908/2014, ses conclusions finales (ci-après la « position finale »), dans lesquelles elle a confirmé que les défaillances constatées dans le cadre des premier et second contrôles clés avaient engendré un risque pour les Fonds et a conclu à la clôture du contrôle clé secondaire.

23      En particulier, le premier contrôle clé concerne la « nature et l’étendue des contrôles » de conditionnalité sur place à l’égard des exigences réglementaires en matière de gestion (ci-après les « ERMG »), à savoir les ERMG 1, 3, 7 et 8 établies par l’annexe II du règlement no 1306/2013.

24      Dans le cadre de ce premier contrôle clé, la DG « Agriculture et développement rural » a constaté quatre violations.

25      La première violation concerne l’absence de preuve de la réalisation de contrôles de conditionnalité des ERMG 1 portant sur la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles. En particulier, la DG « Agriculture et développement rural » a constaté la violation de l’article 5, paragraphe 4, sous a), et de l’annexe III de la directive 91/676/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles (JO 1991, L 375, p. 1), en ce que les autorités espagnoles n’avaient pas prouvé, pour les années de demande 2016 et 2017, avoir effectué les contrôles nécessaires afin de calculer la capacité de stockage des cuves d’effluents d’élevage, ni avoir calculé la quantité maximale des effluents d’élevage pouvant être épandue dans les surfaces agricoles se trouvant dans les zones vulnérables à la pollution par les nitrates.

26      La deuxième violation concerne les ERMG 3 et porte sur l’absence de contrôles de conditionnalité de ces ERMG 3 concernant la conservation des habitats naturels de la flore sauvage au cours des années de demande 2016 et 2017. En particulier, la DG « Agriculture et développement rural » a constaté la violation de l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7), en ce que les autorités espagnoles n’avaient pas effectué de contrôles de conditionnalité afin de vérifier le respect effectif de la protection des espèces de la flore sauvage protégées, énumérées à l’annexe II de la directive 92/43.

27      Les troisième et quatrième violations concernent la qualité insuffisante des contrôles de conditionnalité des ERMG 7 et 8 effectués par les autorités espagnoles portant sur l’identification et l’enregistrement des bovins (ERMG 7) ainsi que des ovins et des caprins (ERMG 8) au cours des années de demande 2016 et 2017 et, en dépit des mesures correctives adoptées, également pour l’année de demande 2018. À cet égard, la DG « Agriculture et développement rural » a constaté la violation des articles 4, 5 et 7 du règlement (CE) no 1760/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juillet 2000, établissant un système d’identification et d’enregistrement des bovins et concernant l’étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine, et abrogeant le règlement (CE) no 820/97 du Conseil (JO 2000, L 204, p. 1), ainsi que des articles 3 à 5 du règlement (CE) no 21/2004 du Conseil, du 17 décembre 2003, établissant un système d’identification et d’enregistrement des animaux des espèces ovine et caprine et modifiant le règlement (CE) no 1782/2003 et les directives 92/102/CEE et 64/432/CEE (JO 2004, L 5, p. 8).

28      En premier lieu, en ce qui concerne les exigences de l’identification des bovins, des ovins et des caprins, la DG « Agriculture et développement rural » a constaté l’existence, d’une part, de sérieux doutes quant à l’efficacité desdits contrôles concernant les bovins et, d’autre part, des défaillances graves quant à l’efficacité desdits contrôles concernant les ovins et les caprins. En particulier, la Commission a d’abord constaté que les grilles d’évaluation des contrôles de conditionnalité mises à disposition par les autorités espagnoles ne considéraient pas l’absence d’une marque auriculaire comme une non-conformité. En outre, la Commission a conduit une analyse des taux de perte des marques auriculaires, laquelle a révélé que les contrôles de conditionnalité concernant l’identification des bovins, des ovins et des caprins effectués par lesdites autorités avaient sous-estimé les pertes réelles de marques auriculaires. Par ailleurs, les autorités espagnoles n’avaient pas défini un taux de perte « normal » d’une marque auriculaire comme indiqué dans le document de travail de la Commission DS/2009/31 intitulé « Sur l’absence de marques d’identification des animaux dans le contexte de la conditionnalité » (ci-après le « document de travail DS/2009/31 »). À cet égard, le document de travail DS/2009/31 établit que, en substance, au-dessus dudit taux, la perte d’une marque auriculaire doit faire l’objet d’une sanction du bénéficiaire, tandis que, en dessous dudit taux, la perte d’une marque auriculaire, bien qu’elle constitue une non-conformité, n’entraîne pas de sanction.

29      En second lieu, la DG « Agriculture et développement rural » a estimé qu’il existait des défaillances graves dans les contrôles de conditionnalité concernant l’enregistrement des bovins, ainsi que des ovins et des caprins. En particulier, la DG « Agriculture et développement rural » a conclu que les informations contenues dans les procès-verbaux des contrôles de conditionnalité, prévus à l’article 72, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement exécution no 809/2014 ne reflétaient pas la réalité des exploitations étant donné que, entre autres, le nombre des bovins présents indiqué dans lesdits procès-verbaux ne correspondait pas aux données enregistrées dans la base de données nationale sur le bétail (ci-après la « BDGN »), que les inspecteurs nationaux n’avaient pas utilisé les extraits de la BDGN dans leur analyse et qu’il existait des incohérences entre le nombre d’animaux présents dans l’exploitation concernée selon le procès-verbal des contrôles de conditionnalité effectués par les autorités espagnoles et l’enregistrement de l’exploitation.

30      Le second contrôle clé concerne la « communication des constatations ». Dans ce cadre, la DG « Agriculture et développement rural » a constaté deux violations dans les rapports de contrôle de conditionnalité établis par les autorités espagnoles quant aux règles relatives à la conditionnalité concernant le domaine « environnement, changement climatique et bonnes conditions agricoles des terres » prévu à l’article 93, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1306/2013.

31      La première violation porte sur la « nature et l’étendue des contrôles effectués » au sens de l’article 72, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement d’exécution no 809/2014. À cet égard, la Commission a constaté des défaillances en raison de l’absence, dans les rapports de contrôle de conditionnalité, premièrement, de l’indication de la liste des parcelles inspectées, deuxièmement, de la signature des procès-verbaux de conditionnalité par les bénéficiaires et, troisièmement, de détails concernant les particularités topographiques présentes dans les cas pour lesquels la norme relative aux bonnes conditions agricoles et environnementales (ci-après les « BCAE ») est applicable, à savoir la BCAE 7.

32      La seconde violation porte sur les « constatations », au sens de l’article 72, paragraphe 1, sous b), iii), du règlement d’exécution no 809/2014, en ce que les rapports de contrôle ne reflétaient pas les résultats réels des contrôles de conditionnalité et ne contenaient pas suffisamment de détails sur les bénéficiaires pour évaluer s’il y avait lieu d’augmenter ou d’alléger la sanction. Ladite violation concernait plusieurs BCAE et ERMG, à savoir la BCAE 1 sur l’« établissement de bandes tampons le long des cours d’eau », la BCAE 4 sur la « couverture minimale des sols », l’ERMG 2 sur la « conservation des oiseaux sauvages » et la BCAE 7 sur le « maintien des particularités topographiques ».

33      Dans la position finale, la DG « Agriculture et développement rural » a, en outre :

–        analysé la proposition du Royaume d’Espagne de ventiler la correction financière par groupe de bénéficiaires et a constaté que, eu égard à la clôture du contrôle secondaire, qui a modifié le nombre de contrôles clés et de contrôles secondaires générant un risque pour les Fonds, une telle ventilation n’était plus nécessaire, de sorte que la Commission a rejeté ladite proposition, et

–        conclu à la révision du calcul de la correction financière pour les années de demande 2016 et 2017, à savoir en appliquant une correction financière forfaitaire de 5 % sur 10 % du montant total de l’aide, tout en conservant la position prise dans la communication officielle pour l’année de demande 2018, à savoir une correction financière forfaitaire de 2 % sur 10 % du montant total de l’aide.

34      Les motifs des corrections imposées au Royaume d’Espagne dans la décision attaquée sont résumés dans le rapport de synthèse de la Commission.

35      Pour ces raisons, la Commission a écarté du financement de l’Union le montant total brut de 9 973 274,36 euros, ce qui, compte tenu des montants déjà récupérés à la suite des enquêtes antérieures (c’est-à-dire les enquêtes CEB/2019/031/ES, NAC/2018/004/ES, RD 2/2017/001/ES, CEB/2020/031/ES et VIN/2019/001/ES), a conduit à une correction financière nette de 9 968 215,15 euros.

 Conclusions des parties

36      Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée pour autant qu’elle concerne le Royaume d’Espagne ;

–        à titre subsidiaire, annuler partiellement la décision attaquée, en réduisant le risque estimé pour les exercices 2016 et 2017 à 3 241 314,99 euros ;

–        à titre encore plus subsidiaire, annuler partiellement la décision attaquée en réduisant la correction financière forfaitaire appliquée aux exercices 2016 et 2017 de 5 à 2 % ;

–        condamner la Commission aux dépens.

37      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter  le recours ;

–        condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.

 En droit

38      À l’appui de son recours, le Royaume d’Espagne soulève deux moyens, dans lesquels ce dernier invoque différentes erreurs de fait, de droit et d’appréciation prétendument commises par la Commission.

39      Le premier moyen comporte six branches, dont les quatre premières concernent l’absence d’éléments de doute sérieux et raisonnable relativement aux différentes défaillances constatées dans le cadre des premier et second contrôles clés.

40      La cinquième branche du premier moyen concerne une violation du principe de bonne administration entachant le rejet du calcul du montant à exclure du financement de l’Union basé sur une extrapolation proposée par le Royaume d’Espagne et la sixième branche ainsi que le second moyen concernent une violation du principe de proportionnalité entachant la correction financière forfaitaire imposée par la Commission.

 Sur la première branche du premier moyen, relative à l’étendue des contrôles de conditionnalité des ERMG 1 (première violation dans le cadre du premier contrôle clé)

41      Dans le cadre de la première branche du premier moyen, le Royaume d’Espagne conteste la constatation de la Commission selon laquelle il n’y aurait pas de preuve de la réalisation des contrôles de conditionnalité des ERMG 1 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles (voir point 25 ci-dessus).

42      En premier lieu, le Royaume d’Espagne fait valoir que la Commission ne disposait pas d’éléments de preuve du doute sérieux et raisonnable, et qu’elle n’a pas effectué de vérifications ou fourni de preuve d’erreurs de la part des inspecteurs nationaux, pour conclure à l’absence de fiabilité des contrôles de conditionnalité des ERMG 1 au cours des années de demande 2016 et 2017. En effet, il résulterait du modèle de rapport de contrôles de conditionnalité mis en place en Castille-et-León ainsi que du résultat de la troisième visite sur place effectuée par la Commission, que les inspecteurs nationaux avaient bien effectué les contrôles de conditionnalité des ERMG 1.

43      En deuxième lieu, le Royaume d’Espagne fait valoir que les autorités espagnoles ont pris en compte, en tant que facteur de risque aux fins de la sélection de l’échantillon de contrôle, le fait que certaines parcelles étaient situées dans des zones vulnérables à la pollution par les nitrates.

44      En troisième lieu, le Royaume d’Espagne reproche à la Commission d’avoir identifié la même défaillance tant dans le cadre du premier contrôle clé, relatif à la « nature et [à] l’étendue des contrôles », que dans le cadre du second contrôle clé, relatif à la « communication des constatations ».

45      La Commission conteste ces arguments.

46      D’emblée, il y a lieu de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que les Fonds ne financent que les interventions effectuées conformément aux dispositions du droit de l’Union dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (voir arrêts du 24 février 2005, Grèce/Commission, C‑300/02, EU:C:2005:103, point 32 et jurisprudence citée, et du 6 novembre 2014, Pays-Bas/Commission, C‑610/13 P, non publié, EU:C:2014:2349, point 59 et jurisprudence citée ; arrêt du 7 septembre 2022, Grèce/Commission, T‑217/20, non publié, EU:T:2022:508, point 34).

47      En outre, selon une jurisprudence constante, il appartient à la Commission, aux fins de prouver l’existence d’une violation des règles de l’organisation commune des marchés agricoles, non de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par elles, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard des contrôles effectués par les administrations nationales ou de l’irrégularité des chiffres transmis par elles. Cet allègement de la charge de la preuve pour la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes des Fonds, et auquel il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (voir arrêt du 6 novembre 2014, Pays-Bas/Commission, C‑610/13 P, non publié, EU:C:2014:2349, point 58 et jurisprudence citée ; arrêt du 7 septembre 2022, Grèce/Commission, T‑217/20, non publié, EU:T:2022:508, point 35).

48      L’État membre concerné, pour sa part, ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle (voir arrêt du 9 janvier 2003, Grèce/Commission, C‑157/00, EU:C:2003:5, point 18 et jurisprudence citée ; arrêt du 7 septembre 2022, Grèce/Commission, T‑217/20, non publié, EU:T:2022:508, point 36).

49      De surcroît, il y a lieu de relever que, conformément à l’article 65, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 809/2014, les États membres ont l’obligation de mettre en œuvre un système garantissant un contrôle efficace du respect de la conditionnalité. Partant, ils sont tenus d’organiser les contrôles administratifs et les contrôles sur place de telle sorte qu’ils soient en mesure de démontrer le respect de ladite obligation (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2017, Estonie/Commission, T‑157/15, non publié, EU:T:2017:483, point 74).

50      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner la première branche du premier moyen.

51      En l’espèce, en premier lieu, s’agissant de l’argument du Royaume d’Espagne portant sur l’absence, de la part de la Commission, d’éléments de preuve du doute sérieux et raisonnable en ce qui concerne l’absence de preuve de la réalisation des contrôles de conditionnalité des ERMG 1, il convient de relever que dans les dossiers qu’elle a examinés lors de l’enquête, la Commission a constaté qu’il n’était pas possible de déterminer si, conformément à l’article 5, paragraphe 4, sous a), et à l’annexe III de la directive 91/676, les inspecteurs nationaux avaient effectué les mesures nécessaires afin de calculer la capacité des cuves de stockage d’effluents d’élevage ainsi que la quantité maximale desdits effluents qui pouvait être épandue dans les surfaces agricoles se trouvant dans les zones vulnérables à la pollution par les nitrates dans le cadre des contrôles de conditionnalité des ERMG 1. En l’absence de ces données, il n’était pas possible de déterminer si les contrôles de conditionnalité des ERMG 1 avaient eu lieu ou si ceux-ci avaient été effectués correctement.

52      En particulier, les modèles de rapport de contrôles de conditionnalité mis en place en Castille-et-León au cours des années de demande 2016 et 2017, en ce qui concerne les ERMG 1, prévoyaient des questions auxquelles les inspecteurs devaient répondre en cochant une case. À titre d’exemple, dans ces formulaires il était demandé si, oui ou non, l’inspecteur avait effectué les vérifications en cause ; si, oui ou non, l’exploitation inspectée disposait de cuves de stockage d’effluents d’élevage de capacité suffisante ; et si, oui ou non, l’exploitation inspectée respectait la quantité maximale d’effluents d’élevage pouvant être épandue dans les surfaces agricoles.

53      Toutefois, les rapports de contrôle inspectés par la Commission n’incluaient pas les mesures et les calculs requis à l’article 5, paragraphe 4, et à l’annexe III de la directive 91/676. Par conséquent, l’absence de mesures et de calculs, ainsi que le caractère lapidaire des rapports de contrôle de conditionnalité ont raisonnablement pu conduire la Commission à douter de l’effectivité des contrôles de conditionnalité effectués dans le cadre des ERMG 1 (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 juillet 2017, Estonie/Commission, T‑157/15, non publié, EU:T:2017:483, points 75 à 78).

54      Il s’ensuit que les affirmations incluses dans les rapports de contrôles de conditionnalité mis en place en Castille-et-León au cours des années de demande 2016 et 2017, en ce qui concerne les ERMG 1, sont, en tant que telles, invérifiables, dès lors que les dossiers inspectés par la Commission ne comportaient aucune information objective, telle que des mesures ou des calculs démontrant que les agriculteurs avaient en effet respecté les dispositions de l’article 5, paragraphe 4, et de l’annexe III de la directive 91/676. Dès lors, contrairement à ce que soutient le Royaume d’Espagne, il convient de considérer l’absence desdites informations comme un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable que la Commission éprouve à l’égard des contrôles effectués par les administrations nationales ou de l’irrégularité des chiffres transmis par elles (voir point 47 ci-dessus).

55      En outre, le fait que la Commission, lors de sa troisième visite sur place, ait pu participer à une inspection ne saurait infirmer cette conclusion. À cet égard, il suffit de relever que ladite visite a eu lieu au cours de l’année de demande 2018, à savoir lors d’une période non pertinente pour l’enquête en l’espèce.

56      Par ailleurs, contrairement à ce qu’affirme le Royaume d’Espagne, la Commission n’était tenue d’effectuer aucune visite sur place, de procéder à aucune vérification ultérieure ou de prouver une quelconque erreur de la part des inspecteurs nationaux. En effet, comme il ressort de la jurisprudence citée au point 47 ci-dessus, il lui appartient seulement de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable, et non de prouver de manière exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par ces dernières.

57      En deuxième lieu, ainsi que le soutient à juste titre la Commission, l’affirmation du Royaume d’Espagne selon laquelle certaines parcelles situées dans des zones vulnérables à la pollution par les nitrates auraient été incluses comme facteur de risque pour la sélection de l’échantillon de contrôle en 2016 et 2017 n’est ni pertinente ni de nature à démontrer que les contrôles de conditionnalité des ERMG 1 ont été réalisés correctement. En effet, une telle affirmation, qui concerne la localisation des parcelles pouvant faire l’objet d’inspections, ne saurait remettre en question les constatations de la Commission concernant l’efficacité des contrôles de conditionnalité des ERMG 1 effectués par le Royaume d’Espagne.

58      En troisième lieu, le fait que la Commission a, tant dans ses constatations sur le premier contrôle clé que dans celles sur le second, fait mention des contrôles de conditionnalité des ERMG 1 n’implique pas que la même défaillance ait doublement été reprochée au Royaume d’Espagne. En effet, il était nécessaire de répéter la référence aux ERMG 1 dans le second contrôle clé, étant donné que ce dernier concerne la « communication des constatations » des différents contrôles, dont ceux des ERMG 1. En outre, l’étendue des deux contrôles clés et, partant, les conclusions de la Commission à leur égard, sont différentes, puisque le premier concerne la réalisation des contrôles par les inspecteurs nationaux tandis que le second porte sur la communication des constatations desdits contrôles.

59      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la première branche du premier moyen.

 Sur la deuxième branche du premier moyen, relative à l’absence des contrôles de conditionnalité des ERMG 3 (deuxième violation dans le cadre du premier contrôle clé)

60      Dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen, le Royaume d’Espagne conteste que l’absence au cours des années de demande 2016 et 2017 de contrôles de conditionnalité dans le cadre des ERMG 3 portant sur la conservation des habitats naturels de la flore sauvage constitue une non-conformité (voir point 26 ci-dessus).

61      À cet égard, premièrement, le Royaume d’Espagne fait valoir que, en l’absence de visites sur place, la Commission n’a pas pu établir l’existence d’une espèce de flore sauvage protégée sur les parcelles agricoles ou de pâturage en Castille-et-León. En outre, le Royaume d’Espagne a soutenu lors de l’audience qu’il n’y a pas, dans ladite communauté, de parcelles agricoles ou de pâturage se situant dans des zones spéciales de conservation des habitats des espèces de la flore sauvage protégées.

62      Deuxièmement, il s’ensuivrait que la Commission n’a pas prouvé la nécessité d’adopter des plans de reconstitution et de conservation des espèces de flore sauvage au sens de l’article 6, paragraphes 1 et 2, et de l’annexe II de la directive 92/43 en Castille-et-León.

63      Troisièmement, la Commission ne tiendrait pas compte du fait que les contrôles prévus au titre VI du règlement no 1306/2013 ont pour objet de vérifier qu’un bénéficiaire respecte les obligations établies au titre de la conditionnalité et que, en l’absence de plan de reconstitution et de conservation adopté en Castille-et-León, il n’existerait pas d’irrégularité susceptible de faire l’objet d’une procédure de contrôle et, partant, d’une sanction. En outre, selon le Royaume d’Espagne, il ne peut être exigé que, en l’absence de plan déterminant préalablement les mesures de conservation nécessaires, les bénéficiaires appliquent directement la directive 92/43. L’application d’une sanction aux bénéficiaires en raison d’une violation de ladite directive serait, ainsi, erronée. À cet égard, le Royaume d’Espagne fait valoir que, si la Commission estimait que la Communauté autonome de Castille-et-León aurait dû adopter des plans de reconstitution et de conservation, elle aurait dû introduire un recours en manquement prévu à l’article 258 TFUE.

64      La Commission conteste ces arguments.

65      Premièrement, la Commission fait valoir que la défaillance constatée consiste en l’absence de contrôles de conditionnalité des ERMG 3 sur la conservation par les agriculteurs des habitats des espèces de flore sauvage protégées ainsi qu’en la violation de leur obligation de protéger lesdites espèces. La Commission rappelle que, à cet égard, elle est uniquement tenue d’apporter la preuve du doute sérieux et raisonnable à l’égard de l’existence desdits contrôles sans devoir prouver ou vérifier la présence des espèces de flore sauvage qui auraient dû être protégées.

66      Deuxièmement, la Commission fait valoir que la présence des espèces de flore sauvage protégées dans la Communauté autonome de Castille-et-León est reconnue dans la législation adoptée par ladite communauté. Partant, selon la Commission, il incombait au Royaume d’Espagne d’effectuer les contrôles de conditionnalité des ERMG 3, même en l’absence de plans de reconstitution et de conservation. En effet, il appartiendrait aux États membres de décider s’il est nécessaire, aux fins du respect des ERMG 3, d’adopter de tels plans.

67      Ce constat serait, en outre, confirmé par la nouvelle réglementation mise en place en Castille-et-León à partir du 1er juillet 2018, laquelle prévoit la nécessité de contrôles sur place afin de vérifier le respect par les agriculteurs des normes concernant les habitats des espèces des ERMG 3, que des plans de reconstitution et de conservation aient été adoptés ou non.

68      En l’espèce, il convient de relever qu’il est constant entre les parties que, durant les années de demande 2016 et 2017, aucun contrôle de conditionnalité des ERMG 3 relatif aux espèces de flore sauvage protégées n’a été effectué en Castille-et-León.

69      Afin de justifier l’absence de contrôles, le Royaume d’Espagne fait valoir, tout d’abord, que la Commission n’a pas prouvé que des espèces de flore sauvage protégées étaient présentes dans les parcelles agricoles ou de pâturage en Castille-et-León, ensuite, que la Commission n’a pas prouvé la nécessité d’adopter des plans de reconstitution et de conservation des espèces de flore sauvage et, enfin, que, en l’absence de définition préalable de mesures de conservation, les procédures de contrôle ne pouvaient être utilement mises en œuvre et conduire, le cas échéant, à des sanctions en cas d’irrégularités.

70      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le système de conditionnalité prévoit, en substance, que les agriculteurs bénéficiant des aides indiquées à l’article 92 du règlement no 1306/2013, telles que celles liées à la surface, sont tenus de respecter certaines règles afin de protéger l’environnement, la santé publique et le bien-être des animaux.

71      À cet égard, l’article 93, paragraphe 1, dudit règlement indique que les règles relatives à la conditionnalité sont, entre autres, les ERMG prévues à l’annexe II dudit règlement.

72      En ce qui concerne les ERMG 3, ladite annexe II se réfère à l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 92/43, qui prévoit, d’une part, que les États membres établissent, pour les zones spéciales de conservation des habitats des espèces de la flore sauvage protégées, les mesures de conservation nécessaires impliquant, le cas échéant, des « plans de gestion appropriés » et, d’autre part, que les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter la détérioration des habitats naturels en cause dans lesdites zones.

73      En Castille-et-León, l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 92/43 a été transposé, notamment, par le Decreto 63/2007 por el que se crean el Catálogo de Flora Protegida de Castilla y León y la figura de protección denominada Microrreserva de Flora (décret 63/2007 portant création du catalogue de la flore protégée de Castille-et-León et du système de protection appelé « micro réserve de la flore »), du 14 juin 2007 (BOCyL no 119, du 20 juin 2007, p. 13197), qui comporte une liste des espèces de la flore sauvage protégées en Castille-et-León.

74      Dans ce cadre, il y a lieu de rappeler que les États membres sont tenus d’organiser un ensemble de contrôles administratifs et de contrôles sur place permettant d’assurer que les conditions matérielles et formelles d’octroi des aides soient correctement observées (voir arrêt du 5 juillet 2012, Grèce/Commission, T‑86/08, EU:T:2012:345, point 114 et jurisprudence citée).

75      Lorsque ces contrôles n’ont pas été effectués ou ont été défaillants, la Commission a l’obligation de procéder à une correction financière, afin d’éviter la mise à charge des Fonds de montants n’ayant pas servi au financement d’un objectif poursuivi par le droit de l’Union, ce qui implique que ladite correction ne constitue pas une sanction (voir, en ce sens, arrêts du 11 janvier 2001, Grèce/Commission, C‑247/98, EU:C:2001:4, point 14 ; du 16 septembre 2013, Pays-Bas/Commission, T‑343/11, non publié, EU:T:2013:468, point 111, et du 7 septembre 2022, Grèce/Commission, T‑217/20, non publié, EU:T:2022:508, points 76 à 78).

76      Il s’ensuit que la combinaison entre, d’une part, le décret 63/2007 dans lequel la présence des espèces de la flore sauvage protégées en Castille-et-León est reconnue et, d’autre part, l’absence de contrôles de conditionnalité des ERMG 3 visant spécifiquement à protéger de telles espèces constitue un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable au sens de la jurisprudence citée au point 47 ci-dessus.

77      Ainsi, il revenait au Royaume d’Espagne de prouver que les constatations de la Commission étaient inexactes.

78      À cet égard, s’agissant de l’absence de contrôles de conditionnalité des ERMG 3, il y a lieu de relever que selon le libellé de l’article 93, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013, les actes juridiques visés à l’annexe II relatifs aux ERMG s’appliquent dans la version en vigueur et, dans le cas de directives, dans la version mise en œuvre par les États membres. Ainsi, une directive, telle que, en l’espèce, la directive 92/43, s’applique dans la version transposée par l’État membre concerné. Il en découle que l’obligation d’effectuer des contrôles de conditionnalité des ERMG 3 ne vise que le respect des mesures de transposition de ladite directive au niveau national.

79      En l’espèce, il est constant que, même si le décret 63/2007 comporte une liste des espèces de flore sauvage protégées en Castille-et-León et prévoit l’adoption de plans de reconstitution et de conservation des habitats desdites espèces, aucun plan ni aucune autre mesure de conservation au sens de l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 92/43 n’a été adopté en Castille-et-León. Or, comme le soutient le Royaume d’Espagne, en l’absence de toute mesure de conservation préalablement définie, les exigences pesant sur les agriculteurs au titre des ERMG 3 n’étaient pas déterminées de façon suffisamment précise pour que le respect de ces exigences puisse être effectivement contrôlé par les autorités espagnoles. Il en résulte que le Royaume d’Espagne est fondé à soutenir que l’absence de contrôle de conditionnalité des ERMG 3 ne pouvait en l’espèce être considérée par la Commission comme une non-conformité.

80      Ce constat ne saurait être remis en cause par l’argument de la Commission selon lequel l’adoption de plans de reconstitution et de conservation des habitats des espèces de flore sauvage protégées n’était pas nécessaire pour réaliser des contrôles de conditionnalité des ERMG 3. En effet, il résulte des points 78 et 79 ci-dessus que de tels contrôles n’auraient pu être utilement effectués et conduire, le cas échéant, aux sanctions prévues au titre VI du règlement no 1306/2013, dans la mesure où les exigences dont ces contrôles visent à assurer le respect n’ont pas été préalablement définies à l’égard des agriculteurs concernés. En outre, comme le relève le Royaume d’Espagne, la thèse défendue par la Commission reviendrait à exiger des agriculteurs qu’ils appliquent directement, sous peine de sanction, les exigences prévues par la directive 92/43. Enfin, l’adoption d’une nouvelle réglementation en Castille-et-León, applicable à compter du 1er juillet 2018, ne saurait, en tout état de cause, être utilement être invoquée par la Commission en vue de démontrer l’existence d’une non-conformité au titre des années de demande 2016 et 2017.

81      Ainsi, compte tenu des arguments avancés par le Royaume d’Espagne ayant été accueillis aux points 78 à 80, il n’apparaît pas nécessaire d’examiner ses arguments concernant la présence des espèces de flore sauvage protégées dans les parcelles agricoles ou de pâturage en Castille-et-León.

82      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que les arguments soulevés par le Royaume d’Espagne sont susceptibles, conformément à la jurisprudence citée au point 48 ci-dessus, de réfuter la conclusion de la Commission dans la position finale selon laquelle les contrôles de conditionnalité des ERMG 3 n’étaient pas conformes et, partant, d’accueillir la deuxième branche du premier moyen

 Sur le premier grief de la troisième branche du premier moyen, relatif aux contrôles de conditionnalité des ERMG 7 et 8 liés à l’identification des bovins, des ovins et des caprins au moyen de marques auriculaires (troisième et quatrième violations dans le cadre du premier contrôle clé)

83      Par le premier grief de la troisième branche, le Royaume d’Espagne conteste les constatations de la Commission relatives à la qualité insuffisante des contrôles de conditionnalité relatifs à l’identification des bovins (ERMG 7) ainsi que des ovins et des caprins (ERMG 8) durant les années de demande 2016 et 2017 et, en dépit des mesures correctives adoptées, également pour l’année de demande 2018 (voir points 27 et 28 ci-dessus).

84      En ce qui concerne lesdits contrôles, en premier lieu, le Royaume d’Espagne soutient que la Commission a violé le principe de proportionnalité et commis une erreur d’analyse en constatant, sur la base de l’absence de sanctions imposées aux bénéficiaires, que la perte d’une marque auriculaire n’était pas considérée, en Castille-et-León, comme étant une non-conformité.

85      En effet, une telle conclusion serait contraire aux principes élaborés dans le document de travail DS/2009/31. En outre, la Commission n’aurait pas pu constater qu’il y avait des cas qui auraient dû être sanctionnés, à savoir ceux pour lesquels le taux de perte d’une marque auriculaire était supérieur à 20 %.

86      En second lieu, le Royaume d’Espagne conteste la conclusion de la Commission selon laquelle, en Castille-et-León, un taux de perte « normal » d’une marque auriculaire n’était pas défini.

87      En effet, le Royaume d’Espagne fait valoir qu’un taux de perte « normal » d’une marque auriculaire résulte des procès-verbaux des inspections d’identification et d’enregistrement prévoyant la réalisation de contrôles spécifiques en cas de perte d’une marque auriculaire auprès de plus de 20 % des animaux et en cas d’absence de demande de remplacement, ainsi que des instructions de la procédure de contrôle et d’enregistrement pour les années 2016 et 2017. De surcroît, la perte d’une marque auriculaire auprès de moins de 20 % des animaux n’entraînerait pas de problème d’identification.

88      La Commission conteste ces arguments.

89      À cet égard, il y a lieu de rappeler d’emblée que, lors de l’enquête, la Commission a soutenu, comme cela est indiqué aux points 27 et 28 ci-dessus, qu’elle avait des doutes sur l’efficacité des contrôles de conditionnalité des ERMG 7 et ERMG 8 relatifs à l’identification des bovins, des ovins et des caprins en ce que, dans les grilles d’évaluation des contrôles de conditionnalité, le Royaume d’Espagne ne considérait pas la perte d’une marque auriculaire par un bovin, un ovin ou un caprin comme une non-conformité en tant que telle.

90      En effet, le Royaume d’Espagne considérait qu’une non-conformité était présente seulement lorsqu’un bovin, un ovin ou un caprin était dépourvu de deux marques auriculaires ou lorsque plus de 20 % desdits animaux dans la même exploitation étaient dépourvus d’une marque auriculaire. En outre, la Commission a fait une analyse des taux de perte des marques auriculaires, dont il est ressorti que, lors des contrôles de l’identification des bovins, des ovins et des caprins effectués par le Royaume d’Espagne, les pertes réelles de marques auriculaires avaient été sous-estimées.

91      À cet égard, la Commission a également constaté que le Royaume d’Espagne n’avait pas défini un taux de perte « normal » d’une marque auriculaire pour chaque type d’exploitation comme cela est indiqué dans le document de travail DS/2009/31.

92      Dans ce cadre, il y a lieu de relever que, conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1760/2000 et à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 21/2004, les bovins, les ovins et les caprins doivent être identifiés par deux moyens d’identification, le cas échéant par deux marques auriculaires. Il s’ensuit que l’absence d’une seule marque auriculaire doit être considérée comme une non-conformité au sens des ERMG 7 et 8, laquelle est, par conséquent, susceptible d’être sanctionnée par les autorités nationales, conformément à l’article 91, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013.

93      Toutefois, ainsi qu’il est indiqué dans le document de travail DS/2009/31, l’absence d’une marque auriculaire ne devrait pas faire l’objet d’une sanction conformément à l’article 91, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013 lorsque, d’une part, des mesures nécessaires pour remplacer la marque auriculaire manquante sont prises dans les délais fixés par l’État membre et, d’autre part, il est constaté que ladite absence se situe en-dessous du taux de perte que l’État membre a préalablement défini comme le taux de perte « normal » d’une marque auriculaire pour le type d’exploitation concernée.

94      À cet égard, en premier lieu, le Royaume d’Espagne fait valoir en substance que la Commission a erronément constaté des non-conformités en raison de l’absence de sanctions administratives conformément à l’article 93 du règlement no 1306/2013 infligées aux agriculteurs dans le cas de perte d’une marque auriculaire, même si une telle absence survenait dans moins de 20 % des cas dans la même exploitation. De cette manière, la Commission aurait également violé les principes élaborés dans le document de travail DS/2009/31 concernant l’imposition de sanctions.

95      Or, à l’instar de la Commission, il y a lieu de relever que cette dernière n’a pas constaté de cas spécifiques, à l’égard des agriculteurs individuels, de perte d’une marque auriculaire, lesquels devaient être considérés comme des non-conformités. La Commission n’a pas non plus établi que des sanctions administratives auraient dû être infligées aux agriculteurs, conformément à l’article 93 du règlement no 1306/2013, en raison de pertes d’une marque auriculaire. En revanche, la Commission a constaté que le Royaume d’Espagne était en tort en n’ayant pas qualifié comme une non-conformité la perte d’une marque auriculaire par un bovin, un ovin et un caprin (voir point 89 ci-dessus). Dans la mesure où les constatations de la Commission ne concernent pas des sanctions administratives, l’argument du Royaume d’Espagne est inopérant.

96      En second lieu, le Royaume d’Espagne fait valoir que l’existence d’un taux de perte « normal » d’une marque auriculaire résulte des procès-verbaux des inspections d’identification et d’enregistrement prévoyant la réalisation de contrôles spécifiques en cas de perte d’une marque auriculaire auprès de plus de 20 % des animaux ainsi que des instructions de la procédure de contrôle et d’enregistrement pour les années 2016 et 2017.

97      En effet, comme il est précisé au point 48 de la réplique, le Royaume d’Espagne fait valoir que c’est seulement la perte de deux marques auriculaires qui donne lieu à une non-conformité, tandis que la perte d’une seule marque auriculaire ne constitue qu’un problème d’identification seulement lorsque plus de 20 % des animaux sont concernés ou, en tout état de cause, n’engendre qu’une défaillance mineure.

98      À cet égard, premièrement, il convient de rappeler, comme il est indiqué aux points 92 et 93 ci-dessus, que l’absence d’une seule marque auriculaire, et non seulement de deux, constitue une non-conformité, bien qu’il ne soit pas nécessaire d’imposer de sanctions aussi longtemps que le taux de perte d’une marque auriculaire reste en dessous du taux de perte « normal » fixé par l’État membre. L’affirmation du Royaume d’Espagne selon laquelle seule la perte de deux marques auriculaires entraînerait une non-conformité est, ainsi, erronée.

99      Deuxièmement, il y a lieu de relever que les contrôles spécifiques auxquels se réfère le Royaume d’Espagne, qui sont effectués lorsqu’un taux de perte d’une marque auriculaire est constaté auprès de plus de 20 % des bovins, des ovins et des caprins et lorsqu’aucune demande de remplacement n’a été présentée, ne sont pas pertinents dans ce contexte. En effet, comme la Commission le fait valoir à juste titre, ces contrôles spécifiques ne relèvent pas du système de conditionnalité, mais, comme l’indique le Royaume d’Espagne dans la requête, du système d’identification et d’enregistrement des bovins. Notamment, lesdits contrôles répondent aux exigences de l’article 16.2 du Real Decreto 1980/1998 por el que se establece un sistema de identificación y registro de los animales de la especie bovina (décret royal 1980/1998 établissant un système d’identification et d’enregistrement des bovins), du 18 septembre 1998 (BOE no 239, du 6 octobre 1998, p. 33212), qui prévoit l’immobilisation des tous les animaux d’une exploitation, dans des circonstances où l’identification de ces derniers peut être compromise.

100    Troisièmement, en ce qui concerne les instructions de la procédure de contrôle et d’enregistrement pour les années 2016 et 2017, il convient de relever que les taux de perte « normaux » n’équivalent pas à 20 %, le taux que le Royaume d’Espagne avançait comme étant le taux de perte « normal », mais un taux de perte entre 5 et 10 % pour les bovins et un taux de perte de 5 % pour les ovins et les caprins. Par conséquent, lesdites instructions ne sont pas de nature à confirmer l’existence d’un taux de perte « normal » d’une marque auriculaire de 20 %.

101    Il s’ensuit que la Commission a considéré à juste titre que le Royaume d’Espagne n’avait pas fixé un taux de perte « normal » d’une marque auriculaire conformément au document de travail DS/2009/31.

102    Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le premier grief de la troisième branche du premier moyen.

 Sur le second grief de la troisième branche du premier moyen, relatif aux contrôles de conditionnalité des ERMG 7 et 8 liés à l’enregistrement des bovins, des ovins et des caprins (troisième et quatrième violations dans le cadre du premier contrôle clé)

103    Par le second grief de la troisième branche du premier moyen, le Royaume d’Espagne conteste les constatations de la Commission relatives aux défaillances dans les contrôles de l’enregistrement des bovins (ERMG 7), des ovins et des caprins (ERMG 8) durant les années de demande 2016 et 2017 et, en dépit des mesures correctives adoptées, également pour l’année de demande 2018 (voir points 27 et 29 ci-dessus).

104    En premier lieu, le Royaume d’Espagne fait valoir que la Commission attribue une importance disproportionnée à la défaillance concernant le contrôle du respect des ERMG 7 et 8 liés à l’enregistrement des bovins, des ovins et des caprins. En effet, d’une part, la Commission aurait refusé d’accepter l’exactitude de la BDGN. D’autre part, elle aurait utilisé les données incluses dans celle-ci pour répéter les contrôles ainsi que pour vérifier le nombre de bovins, d’ovins et de caprins présents dans les exploitations, de sorte qu’il ne saurait ressortir de la vérification des contrôles une quelconque erreur commise de la part des bénéficiaires.

105    En deuxième lieu, le Royaume d’Espagne soutient que la Commission a erronément écarté d’autres documents justificatifs relatifs à l’enregistrement des bovins, des ovins et des caprins, tels que les factures d’achat et de vente ou les certificats d’abattage, comme cela est prévu à l’article 42, paragraphe 2, sous a), du règlement d’exécution no 809/2014.

106    En troisième lieu, dans la réplique, le Royaume d’Espagne ajoute que, conformément aux lignes directrices relatives au calcul des corrections financières dans le cadre des procédures d’apurement de conformité et d’apurement des comptes, telles qu’elles figurent dans la communication de la Commission du 8 juin 2015 [C(2015) 3675 final], les résultats des contrôles répétés par le Royaume d’Espagne fournis à la Commission n’auraient pas pu être utilisés dans la procédure d’apurement de conformité prévue à l’article 52 du règlement no 1306/2013.

107    La Commission conteste ces arguments.

108    À titre liminaire, il y a lieu de relever que, conformément aux articles 3 à 5 du règlement no 21/2004 et aux articles 4, 5 et 7 du règlement no 1760/2000, chaque détenteur de bovins, d’ovins et de caprins doit tenir un registre à jour de tous les animaux présents dans son exploitation.

109    Lors de l’enquête, la Commission a constaté que les contrôles de l’enregistrement des bovins, des ovins et des caprins présentaient des défaillances durant les années de demande 2016 et 2017 et que, malgré certaines mesures correctives adoptées par le Royaume d’Espagne, ces défaillances persistaient au cours de l’année de demande 2018.

110    En particulier, la Commission a constaté en substance que certains des procès-verbaux des contrôles de conditionnalité sur place des ERMG 7 et 8 qu’elle avait examinés étaient défaillants, étant donné, notamment, que le nombre de bovins, d’ovins et de caprins présents dans les exploitations ne correspondait pas aux données enregistrées dans la BDGN ou à l’enregistrement de l’exploitation telle que validé le premier jour des contrôles, ou que les inspecteurs nationaux n’avaient pas utilisé, dans leur analyse, les extraits de la BDGN.

111    Ainsi, la Commission a conclu que le nombre total de bovins, d’ovins et de caprins présents dans une exploitation n’avait pas été dûment déterminé. Cela aurait été aggravé par le fait que, selon les instructions de la procédure de contrôle et d’enregistrement applicables en Castille-et-León, il n’existait pas d’obligation de prendre en compte les animaux dans une exploitation avec plus de 26 bovins ou plus de 40 ovins et caprins. En outre, la Commission a conclu que les inspecteurs nationaux n’étaient pas en mesure de vérifier si les inscriptions dans le registre et les mouvements d’animaux le jour de l’inspection étaient corrects dès lors qu’ils auraient utilisé des extraits de la BDGN ne datant pas du jour du contrôle sur place.

112    Il s’ensuit que la Commission a soulevé un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable en ce que le nombre total de bovins, des ovins et des caprins présents dans une exploitation n’avait pas été dûment déterminé.

113    Par conséquent, il incombait au Royaume d’Espagne, comme il ressort de la jurisprudence citée au point 47 ci-dessus, de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission, ce qu’il n’a toutefois pas réussi à faire.

114    En effet, en premier lieu, le Royaume d’Espagne fait valoir en substance que les constatations de défaillances relatives aux contrôles de conditionnalité des ERMG 7 et 8 effectués par la Commission sont erronées. D’une part, il allègue que, celles-ci étant fondées sur les données insérées par les agriculteurs dans la BDGN et lesdits agriculteurs n’ayant pas été sanctionnés pour avoir violé leurs obligations d’identification et d’enregistrement, ni la BDGN ni les contrôles de conditionnalité sur place ne pourraient être défaillants. D’autre part, le fait que la Commission ait pu répéter les contrôles de conditionnalité sur la base des données insérées dans la BDGN démontrerait l’absence de défaillance.

115    Or, cette argumentation ne saurait prospérer. En effet, les constatations de la Commission concernent les défaillances des contrôles de conditionnalité effectués par le Royaume d’Espagne et non les actions des agriculteurs individuels, ni la fiabilité des données insérées dans la BGDN. En particulier, il n’incombe pas à la Commission de vérifier l’exactitude des données déclarées par les agriculteurs dans la BDGN, comme il ressort de la jurisprudence citée au point 47 ci-dessus, mais de vérifier la fiabilité des rapports de contrôle établis par les inspecteurs nationaux lors des contrôles de conditionnalité sur place.

116    Dans le cadre de cette vérification, la Commission, contrairement à ce que fait valoir le Royaume d’Espagne, n’a pas répété les contrôles. En effet, comme l’affirme à juste titre la Commission, en raison de sa nature, ce genre de contrôle ne peut pas être répété. La Commission a simplement effectué une comparaison entre les données de la BDGN, d’une part, et les rapports de contrôle de conditionnalité établis par les inspecteurs nationaux, les données d’enregistrement ou le carnet de l’exploitation, d’autre part. Cela n’implique toutefois pas que la Commission aurait formulé une opinion sur la fiabilité de la BDGN et, par conséquent, sur les données enregistrées dans celle-ci.

117    En deuxième lieu, l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel la Commission aurait dû, conformément à l’article 42, paragraphe 2, sous a), du règlement d’exécution no 809/2014, prendre en compte d’autres documents justificatifs, tels que les factures d’achat et de vente ou les certificats d’abattage concernant, entre autres, les contrôles sur place des demandes d’aide liées aux animaux, ne saurait non plus être accepté. En effet, comme le fait valoir à juste titre la Commission, ledit article ne relève pas du système de conditionnalité, mais d’un régime différent, à savoir celui des contrôles sur place dans le cadre du système intégré de gestion et de contrôle, qui vise notamment à garantir le caractère régulier des opérations financées dans le cadre des régimes d’aides liés aux animaux.

118    En troisième lieu, le Royaume d’Espagne fait valoir que la Commission ne pouvait pas utiliser les résultats des contrôles répétés, à savoir les contrôles que le Royaume d’Espagne avait effectués de sa propre initiative en dehors du cadre de la mission d’audit de la Commission dans la procédure d’apurement de conformité. À cet égard, il y a lieu de relever que lesdits résultats n’ont pas été mentionnés dans le rapport de synthèse, comme l’admet le Royaume d’Espagne, et ce dernier n’a apporté aucune preuve de leur utilisation par la Commission dans la procédure d’apurement de conformité. Cet argument manque, ainsi, en fait.

119    Eu égard aux considérations qui précèdent, le second grief de la troisième branche du premier moyen doit être rejeté.

 Sur la quatrième branche du premier moyen, relative aux exigences résultant de l’article 72, paragraphe 1, sous b), du règlement d’exécution no 809/2014 (première et seconde violations du second contrôle clé)

120    Dans le cadre de la quatrième branche du premier moyen, le Royaume d’Espagne conteste les conclusions de la Commission concernant la « communication des constatations » et, plus précisément, celle relative à la première violation du second contrôle clé portant sur la « nature et l’étendue des contrôles effectués », au sens de l’article 72, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement d’exécution no 809/2014, ainsi que celle relative à la seconde violation du second contrôle clé portant sur les « constatations », au sens de l’article 72, paragraphe 1, sous b), iii), dudit règlement (voir points 30 à 32 ci-dessus).

 Sur la première violation du second contrôle clé

121    À cet égard, en premier lieu, le Royaume d’Espagne fait valoir que la conclusion de la Commission selon laquelle l’absence de signature des bénéficiaires et l’absence de l’indication de la liste des parcelles inspectées dans les rapports de contrôle de conditionnalité constituent une violation de l’article 72, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement d’exécution no 809/2014 est erronée et contraire au principe de sécurité juridique. En effet, ledit article ne prévoirait pas de telles exigences.

122    Plus particulièrement, en ce qui concerne l’absence de signature des bénéficiaires, le Royaume d’Espagne précise que l’article 43, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 809/2014 prévoit simplement que, pour certains types d’inspection, les bénéficiaires ont la possibilité de signer le rapport de contrôle de conditionnalité sans pour autant y être obligés.

123    En ce qui concerne l’absence de l’indication de la liste des parcelles inspectées, le Royaume d’Espagne indique que de telles listes avaient été incluses dans les rapports de contrôle de l’admissibilité des aides liées à la surface, comme cela est prévu à l’article 41, paragraphe 1, sous c), du règlement d’exécution no 809/2014, et que de tels contrôles sont effectués simultanément aux contrôles de conditionnalité. En outre, la Commission n’aurait ni dûment motivé ni démontré le risque que l’absence desdites listes entraînait pour les Fonds.

124    En second lieu, le Royaume d’Espagne conteste la conclusion de la Commission, selon laquelle l’absence de détails concernant le « maintien des particularités topographiques » des BCAE 7 constitue une défaillance. À ce sujet, le Royaume d’Espagne soutient avoir disposé des informations concernant lesdites particularités tout au long de l’enquête et les avoir transmises à la Commission.

125    Ainsi, le Royaume d’Espagne fait valoir que la Commission n’a communiqué ni la base juridique lui permettant de qualifier l’absence desdits détails de non-conformité, ni le risque pour les Fonds généré par cette absence. En effet, selon le Royaume d’Espagne, l’existence des particularités topographiques ne constitue qu’un des éléments de risque à prendre en considération pour la constitution de l’échantillon de contrôle.

126    La Commission conteste ces arguments.

127    En ce qui concerne la première violation du second contrôle clé relatif à la « communication des constatations », à savoir celle de l’article 72, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement d’exécution no 809/2014 (voir points 121 à 125 ci-dessus), il y a lieu de relever que, conformément au considérant 78 du règlement d’exécution no 809/2014, les inspecteurs nationaux sont tenus d’indiquer, dans les rapports de contrôle de conditionnalité, leurs constatations ainsi que le degré de gravité de celles-ci, afin de permettre aux autorités nationales et à celles de l’Union d’assurer le suivi des contrôles effectués sur place. La finalité d’un rapport de contrôle de conditionnalité consiste ainsi à permettre aux autorités compétentes de prendre les mesures requises en fonction des résultats des contrôles (voir, par analogie, arrêt du 9 octobre 2012, Italie/Commission, T‑426/08, non publié, EU:T:2012:526, point 85).

128    En outre, il découle de l’article 72 du règlement d’exécution no 809/2014 que, si une non-conformité est constatée lors d’un contrôle de conditionnalité, le bénéficiaire et, entre autres, l’organisme payeur doivent en être informés en leur envoyant le rapport de contrôle de conditionnalité.

129    Par ailleurs, même si l’article 72 du règlement d’exécution no 809/2014 laisse une marge de manœuvre aux États membres quant à la présentation et la structure des rapports de contrôle de conditionnalité, les États membres ont l’obligation de mettre en œuvre un système efficace de contrôle et de surveillance permettant d’assurer que les conditions matérielles et formelles d’octroi des aides soient correctement observées (voir, par analogie, arrêt du 12 juillet 2017, Estonie/Commission, T‑157/15, non publié, EU:T:2017:483, point 74 et jurisprudence citée). Partant, les États membres sont tenus d’établir leurs rapports de contrôle de telle sorte qu’ils soient en mesure de prouver le respect de cette obligation.

130    C’est à lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments par lesquels le Royaume d’Espagne conteste l’existence d’une violation de l’article 72, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement d’exécution no 809/2014.

131    En premier lieu, le Royaume d’Espagne fait valoir, en substance, que la Commission a été excessivement formaliste en qualifiant l’absence de la signature du bénéficiaire ainsi que l’absence de l’indication de la liste des parcelles inspectées de violation de l’article 72 paragraphe 1, sous b), ii), du règlement d’exécution no 809/2014, alors que le texte dudit article ne prévoit pas de telles exigences. Selon le Royaume d’Espagne, la conclusion de la Commission viole, pour la même raison, le principe de sécurité juridique.

132    Dans le mémoire en défense, la Commission a indiqué en substance que, en raison des absences de données sur la nature et l’étendue des contrôles dans les rapports de contrôle de conditionnalité qu’elle a constatées dans le cadre de la première violation du second contrôle clé, il ne serait pas possible de tirer des conclusions sur l’exactitude de l’évaluation des résultats des contrôles de conditionnalité, c’est-à-dire sur l’exactitude de l’évaluation de la réalité, l’exhaustivité et la ponctualité de ces contrôles de conditionnalité.

133    À cet égard, il convient d’emblée de constater que l’article 72, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement d’exécution no 809/2014 ne prévoit expressément ni une obligation de signature des rapports de contrôle de conditionnalité par le bénéficiaire, ni une obligation d’indication de la liste des parcelles inspectées, de sorte que leur absence ne constitue pas, en tant que telle, une non-conformité.

134    Or, il y a lieu de faire une distinction entre l’absence, dans les rapports de contrôle de conditionnalité, de la signature des bénéficiaires et l’absence de l’indication de la liste des parcelles inspectées.

135    En effet, l’absence de signature des bénéficiaires dans les rapports de contrôle de conditionnalité ne saurait, en tant que telle, empêcher de tirer des conclusions sur l’exactitude des évaluations des résultats des contrôles de conditionnalité. En effet, de telles évaluations sont réalisées par les inspecteurs nationaux et non par les bénéficiaires. L’exactitude desdites évaluations, telle que reflétée dans les rapports de conditionnalité, ne dépend pas, dès lors, de la signature des bénéficiaires, mais du contenu desdits rapports qui sont établis par les inspecteurs nationaux.

136    Ce constat ne saurait être remis en cause par les arguments avancés par la Commission à cet égard, tenant notamment à ce que l’absence de signature des bénéficiaires dans les rapports de contrôle de conditionnalité indiquerait, à défaut de preuve contraire, que ces derniers n’étaient pas présents lors des contrôles de conditionnalité et, par conséquent, qu’il existe des doutes sérieux et raisonnables quant à la question de savoir si certains desdits contrôles ont réellement été effectués, en particulier ceux pour lesquels la présence du bénéficiaire est requise afin d’avoir accès à des locaux, à des installations ou à des documents, comme c’est le cas pour les contrôles de conditionnalité des ERMG 1 et 3.

137    En effet, ni la présence ni l’absence des bénéficiaires lors des contrôles de conditionnalité ne sauraient avoir un impact sur l’exactitude des évaluations des résultats de tels contrôles, lesquels sont la prérogative des inspecteurs nationaux, comme cela est indiqué au point 135 ci-dessus. À cet égard, comme le Royaume de l’Espagne l’a fait valoir à juste titre, il y a lieu de relever que lesdits inspecteurs, qui signent les rapports de contrôle de conditionnalité, sont des fonctionnaires publics exerçant leurs pouvoirs administratifs et que leurs déclarations ont, conformément au droit espagnol, une présomption d’authenticité.

138    Par ailleurs, l’absence de signature d’un rapport de contrôle de conditionnalité par le bénéficiaire ne saurait, en tant que telle, être considérée comme étant de nature à faire naître un doute sérieux et raisonnable de l’absence du bénéficiaire lors du contrôle de conditionnalité, puisque celui-ci aurait pu décider de ne pas signer ledit rapport ou de participer seulement à une partie desdits contrôles. D’ailleurs, comme le fait valoir à juste titre le Royaume d’Espagne, l’article 72, paragraphe 1, sous a), du règlement d’exécution no 809/2014, lequel indique les exigences formelles du rapport de contrôle de conditionnalité, à savoir l’indication de l’identité du bénéficiaire et des personnes présentes ainsi que du fait que le bénéficiaire avait été averti de la visite, ne fait pas mention de la nécessité de la présence de celui-ci lors des contrôles de conditionnalité. La signature d’un rapport de contrôle de conditionnalité s’apparente d’avantage auxdites exigences formelles plutôt qu’à l’exactitude dudit rapport.

139    En outre, la seule absence de la signature du bénéficiaire dans les rapports de contrôle de conditionnalité ne peut suffire à faire naître un doute sérieux et raisonnable en ce qui concerne une éventuelle impossibilité d’accéder à des locaux, à des installations ou à des documents, puisqu’un tel accès aurait pu être accordé par d’autres personnes sans qu’elles aient le pouvoir de signer lesdits rapports.

140    S’agissant de l’absence d’indication de la liste des parcelles inspectées, il n’est pas possible de parvenir à la même conclusion. En effet, afin de pouvoir, conformément à l’article 72, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement d’exécution no 809/2014, préciser la « nature et l’étendue des contrôles effectués », le rapport de contrôle doit impérativement identifier les parcelles visitées dans le cadre du contrôle sur place. Comme le fait valoir à juste titre la Commission, en l’absence d’identification des parcelles inspectées, il ne serait pas possible de tirer des conclusions sur l’exactitude de l’évaluation des résultats des contrôles de conditionnalité, puisque lesdits résultats sont intrinsèquement liés auxdites parcelles.

141    En outre, contrairement à ce qu’affirme le Royaume d’Espagne, l’absence, dans le rapport de contrôle de conditionnalité, de l’indication de la liste des parcelles inspectées ne saurait être justifiée par le fait que celle-ci figure dans le rapport de contrôle de l’admissibilité des aides liées à la surface, au sens de l’article 41, paragraphe 1, sous c), du règlement d’exécution no 809/2014.

142    En effet, comme l’a fait valoir la Commission lors de l’audience, sans avoir été contredite par le Royaume d’Espagne sur ce point, il y a une possibilité réelle que les deux types de contrôles, bien que menés en même temps, ne concernent pas les mêmes parcelles. Dans un tel cas, la liste des parcelles inspectées qui est valide pour les contrôles de l’admissibilité des aides liées à la surface ne le serait pas nécessairement pour les contrôles de conditionnalité, et inversement.

143    Enfin, le Royaume d’Espagne fait valoir que la Commission n’a pas démontré quel risque pour les Fonds l’absence de l’indication de ladite liste pouvait entraîner, d’autant plus que la même liste figure dans le rapport de contrôle de l’admissibilité des aides liées à la surface.

144    Cet argument ne saurait, toutefois, prospérer. À cet égard, il y a lieu de relever qu’un constat de défaillances dans les contrôles de conditionnalité engendre, de manière objective, un risque pour les Fonds (arrêt du 7 mai 2019, Espagne/Commission, T‑49/17, non publié, EU:T:2019:293, point 298).

145    En outre, dans la communication officielle, la Commission a expliqué que l’absence de l’indication de la liste des parcelles inspectées, conjointement avec les autres défaillances constatées dans le cadre du second contrôle clé, générait un risque pour les Fonds, puisqu’il n’était pas possible de tirer des conclusions sur l’exactitude des constatations relatives aux non-conformités et aux sanctions lorsque le procès-verbal des contrôles de conditionnalité ne contenait pas de détails sur la nature et l’étendue desdits contrôles.

146    En second lieu, le Royaume d’Espagne fait valoir en substance que la Commission a erronément constaté que l’absence de la description du « maintien des particularités topographiques » constituait une violation de l’article 72, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement d’exécution no 809/2014. En outre, des informations concernant le « maintien des particularités topographiques » auraient été disponibles tout au long de l’enquête sur la tablette informatique utilisée lors des inspections.

147    À cet égard, il y a lieu de rappeler la jurisprudence dont il ressort qu’il ne saurait être satisfait à l’exigence de soumettre une description du « maintien des particularités topographiques » de la BCAE 7 que si une individualisation précise desdites particularités est effectuée. En effet, il est nécessaire d’identifier chacune des particularités topographiques au sein de la parcelle agricole concernée afin de pouvoir contrôler leur maintien dans des BCAE (arrêt du 12 mars 2019, France/Commission, T‑26/18, non publié, EU:T:2019:153, point 70). Il s’ensuit que, pour s’acquitter de l’exigence du « maintien des particularités topographiques » il est essentiel, afin de pouvoir tirer des conclusions sur l’exactitude de l’évaluation des résultats des contrôles de conditionnalité, que celles-ci soient identifiées et décrites de manière détaillée dans le rapport de contrôle de conditionnalité.

148    À cet égard, il convient de relever que la disponibilité desdites informations sur une tablette informatique n’implique pas nécessairement que celles-ci étaient incluses dans le rapport de contrôle de conditionnalité au sens de l’article 72, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement d’exécution no 809/2014, ni que le Royaume d’Espagne avait apporté des preuves à cet effet.

149    En outre, l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel la Commission aurait omis d’indiquer que l’« existence de particularités topographiques » constituait un élément de risque pris en considération pour la constitution de l’échantillon de contrôle ne saurait prospérer. En effet, la défaillance constatée par la Commission concerne l’absence d’informations concernant le « maintien des particularités topographiques » dans les rapports de contrôle et non l’absence de prise en compte desdites particularités lors de la constitution de l’échantillon de contrôle par le Royaume d’Espagne. Cet argument est donc inopérant.

150    Par ailleurs, le Royaume d’Espagne reproche, à nouveau, à la Commission de ne pas avoir démontré l’existence d’un risque pour les Fonds lié à l’absence de la description du « maintien des particularités topographiques ». À cet égard, il y a lieu de relever que, comme précédemment indiqué aux points 144 et 145 ci-dessus, un constat de défaillances dans les contrôles de conditionnalité engendre, de manière objective, un risque pour les Fonds et que, en tout état de cause, la Commission, dans la communication officielle, a expliqué les raisons pour lesquelles elle a conclu à l’existence d’un risque pour les Fonds.

151    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que, étant donné la fonction du rapport de contrôle de conditionnalité telle qu’exposée aux points 127 à 129 ci-dessus, les défaillances constatées par la Commission concernant la « nature et l’étendue des contrôles effectués », excepté pour l’absence de signature des bénéficiaires dans les rapports de contrôle de conditionnalité, étaient susceptibles de nourrir un élément de doute sérieux et raisonnable sur l’efficacité des contrôles de conditionnalité par le Royaume d’Espagne.

 Sur la seconde violation du second contrôle clé

152    S’agissant de la seconde violation du second contrôle clé, le Royaume d’Espagne fait valoir, dans la réplique, que son recours vise également à contester les conclusions de la Commission à cet égard, à savoir que les « constatations » des rapports de contrôle de conditionnalité ne seraient pas établies conformément à l’article 72, paragraphe 1, sous b), iii), du règlement d’exécution no 809/2014. À cet égard, le Royaume d’Espagne indique que les arguments exposés dans la requête devraient être considérés comme visant la seconde violation du second contrôle clé, puisque les contestations relatives aux « maintien des particularités topographiques » des BCAE 7 feraient partie desdites « constatations ».

153    La Commission conteste ces arguments.

154    À cet égard, il convient de relever que, selon les dispositions combinées de l’article 76, sous d), et de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués et que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

155    Cependant, un moyen ou un grief invoqué au soutien d’un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen ou un grief énoncé antérieurement dans la requête, explicitement ou implicitement, et qui présente un lien étroit avec ledit moyen, à savoir s’il résulte de l’évolution normale du débat, doit être déclaré recevable (voir, en ce sens, arrêts du 5 mai 2015, Petropars Iran e.a./Conseil, T‑433/13, EU:T:2015:255, point 54 et jurisprudence citée, et du 29 novembre 2018, Espagne/Commission, T‑459/16, non publié, EU:T:2018:857, point 25 et jurisprudence citée ; arrêt du 19 décembre 2019, Grèce/Commission, T‑14/18, non publié, EU:T:2019:888, points 31 et 32).

156    À supposer même que le grief tiré d’une violation de l’article 72, paragraphe 1, sous b), iii), du règlement d’exécution no 809/2014 puisse être considéré comme une ampliation de la quatrième branche du premier moyen, il y a lieu de le rejeter comme étant irrecevable pour violation de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, étant donné qu’aucun raisonnement n’est développé par le Royaume d’Espagne au soutien de celui-ci.

157    Par conséquent, il y a lieu d’accueillir partiellement la quatrième branche du premier moyen en ce que l’absence de signature des bénéficiaires dans les rapports de contrôle de conditionnalité ne constitue pas une violation de l’article 72, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement d’exécution no 809/2014, et de la rejeter pour le surplus.

 Sur les conclusions aux fins d’annulation de la décision attaquée

158    Étant donné que le premier moyen est accueilli en ce que la Commission a indûment fondé la correction financière forfaitaire litigieuse sur la défaillance reprochée au Royaume d’Espagne consistant à ne pas avoir effectué les contrôles de conditionnalité des ERMG 3 et sur celle consistant à une violation de l’article 72, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement d’exécution no 809/2014 dans le mesure où les rapports de contrôles de conditionnalité n’incluaient pas la signature des bénéficiaires, il convient d’annuler la décision attaquée dans son intégralité, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les cinquième et sixième branches du premier moyen ainsi que le second moyen.

159    En effet, contrairement à ce que la Commission a indiqué lors de l’audience, il suffit de souligner qu’il ne saurait être exclu que, dans l’hypothèse où lesdites défaillances n’auraient pas été prises en compte, le calcul du montant total de la correction financière forfaitaire ait été différent. En tout état de cause, le Tribunal n’est pas en mesure d’apprécier, au regard des éléments du dossier, si les autres défaillances constatées dans le cadre du premier et du second contrôle clé auraient pu conduire la Commission à une conclusion identique.

160    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en matière de politique agricole, la jurisprudence reconnaît aux institutions de l’Union, compte tenu des responsabilités que le traité leur confère, un large pouvoir d’appréciation (voir arrêt du 14 juillet 2016, Lettonie/Commission, T‑661/14, EU:T:2016:412, point 89 et jurisprudence citée). En particulier, dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013, la Commission dispose d’une large marge d’appréciation pour évaluer, d’une part, le risque encouru par les Fonds en raison de l’existence de défaillances dans les systèmes de contrôle de conditionnalité et, d’autre part, la complexité des opérations de calcul sous-tendant le calcul du montant de la correction financière forfaitaire litigieuse. Or, sur ce point, dans le cadre de son contrôle de la légalité au titre de l’article 263 TFUE, le Tribunal ne saurait substituer sa propre appréciation économique à celle de la Commission (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 juillet 2016, Lettonie/Commission, T‑661/14, EU:T:2016:412, point 89).

161    En vertu de l’article 266, paragraphe 1, TFUE, il incombera donc à la Commission de tirer les conséquences nécessaires de l’annulation de la décision attaquée en tenant compte non seulement du dispositif du présent arrêt, mais également des motifs qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif (voir, en ce sens, arrêts du 29 novembre 2007, Italie/Commission, C‑417/06 P, non publié, EU:C:2007:733, point 50 et jurisprudence citée, et du 14 juillet 2016, Lettonie/Commission, T‑661/14, EU:T:2016:412, point 90).

 Sur les dépens

162    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

163    En l’espèce, la Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Royaume d’Espagne.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision d’exécution (UE) 2022/908 de la Commission, du 8 juin 2022, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), est annulée dans la mesure où cette décision écarte du financement de l’Union certaines dépenses du Royaume d’Espagne, à hauteur d’un montant de 9 968 215,15 euros.

2)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Porchia

Madise

Verschuur

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 novembre 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.

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