Daimler Truck v EUIPO (TRUCKS YOU CAN TRUST) (EU trade mark - Judgment) French Text [2024] EUECJ T-548/23 (24 April 2024)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T54823.html
Cite as: EU:T:2024:273, [2024] EUECJ T-548/23, ECLI:EU:T:2024:273

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

24 avril 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale TRUCKS YOU CAN TRUST – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑548/23,

Daimler Truck AG, établie à Leinfelden-Echterdingen (Allemagne), représentée par Me P. Kohl, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. T. Klee, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, M. G. Hesse et Mme B. Ricziová (rapporteure), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Daimler Truck AG, demande l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 12 juin 2023 (affaire R 484/2023-2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 3 juin 2022, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal TRUCKS YOU CAN TRUST.

3        La marque demandée désignait les produits et les services relevant des classes 12, 14, 16, 18, 25, 28, 36, 37 et 41 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

4        Par décision du 9 janvier 2023, l’examinateur a rejeté, en tant que la marque demandée visait tout ou partie des produits et des services compris dans les classes 12, 28, 36 et 37, la demande d’enregistrement de ladite marque, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, de ce même règlement. Ainsi, la demande d’enregistrement était rejetée pour les produits et les services suivants :

–        classe 12 : « Véhicules automobiles et leurs pièces (compris dans la classe 12), accessoires de véhicules automobiles (compris dans la classe 12) » ;

–        classe 28 : « Jeux ; jouets ; modèles réduits de véhicules ; jeux de cartes » ;

–        classe 36 : « Crédit-bail et financement de véhicules automobiles » ;

–        classe 37 : « Réparation et entretien de véhicules automobiles ».

5        Le 3 mars 2023, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de l’examinateur dans la mesure où la demande d’enregistrement a été refusée pour les produits et les services visés au point 4 ci-dessus (ci-après « les produits et les services en cause »).

6        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif que la marque demandée était, pour les produits et les services en cause, comprise comme un slogan publicitaire dépourvu de caractère distinctif pour le grand public et le public spécialisé anglophone de l’Union européenne. Elle a retenu que la marque demandée serait perçue comme signifiant « des camions dignes de votre confiance » et comme mettant directement et immédiatement en avant des caractéristiques positives des produits et des services en cause, sans qu’un effort d’interprétation de la part du public pertinent ne soit nécessaire. Partant, elle a conclu à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 pour les produits et les services en cause.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens, y compris les frais exposés au cours de la procédure devant l’EUIPO.

8        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens dans l’hypothèse où une audience serait organisée.

 En droit

9        La requérante invoque un moyen unique tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, du même règlement. Elle reproche à la chambre de recours d’avoir conclu à tort à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée au motif que cette dernière serait perçue comme un slogan publicitaire.

10      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

11      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

12      Le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée).

13      Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 signifie que cette marque permet d’identifier le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit ou ce service de ceux d’autres entreprises (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée).

14      Sont dépourvus de caractère distinctif, au sens de la disposition susmentionnée, les signes qui sont incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine du produit ou du service afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [voir arrêt du 17 janvier 2017, Netguru/EUIPO (NETGURU), T‑54/16, non publié, EU:T:2017:9, point 45 et jurisprudence citée].

15      Le simple fait qu’une marque est perçue par le public pertinent comme une formule promotionnelle n’est pas en tant que tel suffisant pour conclure que cette marque est dépourvue de caractère distinctif. Une marque constituée d’un slogan publicitaire doit être considérée comme dépourvue de caractère distinctif si elle n’est susceptible d’être perçue par le public pertinent que comme une simple formule promotionnelle. En revanche, une telle marque doit se voir reconnaître un caractère distinctif si, au-delà de sa fonction promotionnelle, elle peut être perçue d’emblée par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale des produits et des services visés [ordonnance du 12 juin 2014, Delphi Technologies/OHMI, C‑448/13 P, non publiée, EU:C:2014:1746, point 36, et arrêt du 24 novembre 2015, Intervog/OHMI (meet me), T‑190/15, non publié, EU:T:2015:874, point 20]. Pour autant que ce public perçoit la marque comme une indication de cette origine, le fait qu’elle soit simultanément, voire même en premier lieu, appréhendée comme une formule promotionnelle est sans incidence sur son caractère distinctif (voir, en ce sens, arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 45, et du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI, C‑311/11 P, EU:C:2012:460, point 30).

16      Quant à l’appréciation du caractère distinctif des marques constituées d’un slogan publicitaire, il n’y a pas lieu d’appliquer à celles-ci des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres signes (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 36 et jurisprudence citée). Ainsi, un minimum de caractère distinctif suffit pour que le motif absolu de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 ne soit pas applicable [voir arrêt du 6 octobre 2021, Kondyterska korporatsiia « Roshen »/EUIPO – Krasnyj Octyabr (Représentation d’un homard), T‑254/20, non publié, EU:T:2021:650, point 116 et jurisprudence citée].

17      Il résulte également de la jurisprudence que, si toutes les marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services désignés par ces marques véhiculent par définition, dans une mesure plus ou moins grande, un message objectif, même simple, elles peuvent néanmoins être aptes à indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits ou des services en cause. Tel peut notamment être le cas lorsque ces marques ne se réduisent pas à un message publicitaire ordinaire, mais possèdent une certaine originalité ou prégnance, nécessitent un minimum d’effort d’interprétation ou déclenchent un processus cognitif auprès du public concerné [arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, points 56 et 57, et du 22 mars 2017, Hoffmann/EUIPO (Genius), T‑425/16, non publié, EU:T:2017:199, point 28].

18      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner le cas d’espèce.

19      En premier lieu, s’agissant du public pertinent, il convient de relever que la chambre de recours a retenu que le public pertinent était constitué du grand public ainsi que du public spécialisé. La chambre de recours a également précisé qu’il convenait de se fonder sur la perception du public anglophone, étant donné que les éléments composant la marque demandée étaient des termes anglais.

20      Ces appréciations de la chambre de recours ne sont pas contestées par la requérante.

21      En deuxième lieu, s’agissant de l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée, la chambre de recours a retenu que celle-ci était constituée des termes « trucks you can trust » qui signifiaient « des camions dignes de votre confiance ». Cette appréciation de la chambre de recours est expressément partagée par la requérante.

22      En troisième lieu, la chambre de recours a indiqué que, pour les produits et les services en cause relevant des classes 12, 28, 36 et 37, qui concernaient ou incluaient tous des véhicules automobiles, la marque demandée était comprise comme un slogan publicitaire dépourvu de caractère distinctif dans la mesure où un tel slogan indiquait que lesdits produits ou lesdits services concernaient des camions qui étaient particulièrement dignes de confiance. À cet égard, la chambre de recours a retenu que le terme « trust », qui signifie « faire/avoir confiance », se rapportait aussi bien aux produits qu’aux services. Par conséquent, selon la chambre de recours, cette marque mettait directement et immédiatement en avant des caractéristiques positives des produits et des services en cause. Il résulterait de ce qui précède que les mots utilisés dans le signe demandé, pris ensemble, avaient un sens immédiat. La chambre de recours a affirmé qu’ils n’avaient rien d’absurde et ne nécessitaient aucun effort d’interprétation. De plus, la marque demandée dans son ensemble serait grammaticalement correcte et directement compréhensible, sans qu’un processus intellectuel ne soit nécessaire. La marque demandée serait donc dépourvue du caractère distinctif minimal requis.

23      La requérante conteste cette appréciation. Selon elle, l’expression « trucks you can trust » se réfère d’abord à des produits, à savoir les camions, plutôt qu’à des services. De plus, la requérante affirme que l’emploi du terme « trust » est « absurde » lorsqu’il se rapporte à des produits, dans la mesure où il désigne avant tout une relation affective envers une autre personne. Selon elle, d’une part, la chambre de recours est en désaccord avec cette interprétation, mais ne justifie pas sa prise de position divergente et, d’autre part, les services désignés par la marque demandée se distinguent encore davantage des personnes. Pour ces raisons, la requérante affirme qu’un « double transfert de signification », et donc un effort d’interprétation considérable, doit être effectué par le public pertinent, ce qui rend ladite marque mémorisable et donc distinctive.

24      Par ailleurs, la requérante soutient également que le fait que la marque demandée commence par le terme « trucks » et se termine par le terme « trust », qui sont des termes proches sur les plans visuel et phonétique, confère à la suite de mots de cette marque un caractère marquant et compact, la rendant particulièrement marquante et donc mémorisable.

25      Premièrement, la chambre de recours a relevé, à juste titre, que le verbe « trust » était applicable aussi bien aux produits qu’aux services, ainsi que cela ressort de la version numérique du dictionnaire Collins. En effet, la requérante n’indique pas, dans la requête, quel élément contenu dans son annexe K9 serait susceptible de remettre en cause ce constat. Par ailleurs, à supposer que la requérante entende alléguer une insuffisance de motivation dans la décision attaquée, il suffit de constater que le point 23 de cette décision permet de comprendre la raison pour laquelle la chambre de recours a considéré que ce verbe pouvait également concerner des camions.

26      En outre, le fait, invoqué par la requérante, selon lequel les mots « trucks » et « trust » présentent des similitudes sur les plans visuel et phonétique ne suffit pas, à lui seul, pour considérer que l’expression « trucks you can trust » présenterait un caractère inhabituel au regard des règles syntaxiques, grammaticales, phonétiques ou sémantiques de l’anglais. Ainsi, cette expression véhicule, pour le public pertinent, un message simple, clair et non équivoque, qui n’est pas de nature à lui conférer une originalité ou une prégnance particulière, à nécessiter un minimum d’effort d’interprétation ou à déclencher un processus cognitif.

27      Deuxièmement, il est constant entre les parties que les produits et les services en cause concernent des camions, qu’ils représentent des camions ou qu’ils permettent de les obtenir, de les réparer et de les entretenir.

28      Dans ces conditions, il y a lieu de constater, à l’instar de la chambre de recours, que la marque demandée met directement et immédiatement en avant des caractéristiques positives des produits et des services en cause, dans la mesure où elle indique que ces produits et ces services concernent des camions qui sont particulièrement dignes de confiance, qu’ils représentent de tels camions ou qu’ils permettent d’obtenir, de réparer et d’entretenir ces camions. La marque demandée, constituée de l’expression anglaise « trucks you can trust », n’a pas de signification vague ou ambigüe et est directement compréhensible par le public pertinent anglophone, qu’il s’agisse des camions en tant que tels ou des autres produits et des autres services en cause.

29      Dès lors, il y a lieu de conclure que l’expression en cause sera perçue par le public pertinent exclusivement comme un slogan promotionnel et non comme une indication d’une origine commerciale des produits et des services en cause.

30      Par conséquent, il convient de relever que la chambre de recours a considéré, à juste titre, que, pour les produits et les services en cause, la marque demandée n’était pas distinctive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

31      Il s’ensuit qu’il convient de rejeter le recours comme non fondé.

 Sur les dépens

32      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

33      Bien que la requérante ait succombé, l’EUIPO n’a conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens qu’en cas d’organisation d’une audience. En l’absence d’organisation d’une audience, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Daimler Truck AG supportera ses propres dépens.

3)      L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supportera ses propres dépens.

Kowalik-Bańczyk

Hesse

Ricziová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 avril 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

© European Union
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