Fachverband Eisenhuttenschlacken v Commission (EU fertilising products - Limit values for chromium and vanadium in EU fertilising products using ferrous slag as by-products - Judgment) French Text [2024] EUECJ T-560/22 (11 September 2024)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T56022.html
Cite as: [2024] EUECJ T-560/22, EU:T:2024:610, ECLI:EU:T:2024:610

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

11 septembre 2024 (*)

« Fertilisants UE – Règlement (UE) 2019/1009 – Règlement délégué (UE) 2022/973 – Valeurs limites de chrome et de vanadium dans les fertilisants UE utilisant comme sous-produits des scories ferreuses – Critères d’efficacité et de sécurité agronomiques pour l’utilisation de sous-produits dans les fertilisants – Principe de précaution – Sécurité juridique – Proportionnalité – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑560/22,

Fachverband Eisenhüttenschlacken eV, établie à Duisbourg (Allemagne), représentée par Me G. Franßen, avocat, et M. C. Koenig, professeur,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. C. Hermes et R. Lindenthal, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. F. Schalin, président, I. Nõmm (rapporteur) et Mme G. Steinfatt, juges,

greffier : Mme S. Jund, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 6 février 2024,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Fachverband Eisenhüttenschlacken eV, demande l’annulation de l’article 2, paragraphe 3, sous a) et c), du règlement délégué (UE) 2022/973 de la Commission, du 14 mars 2022, complétant le règlement (UE) 2019/1009 du Parlement européen et du Conseil en établissant des critères d’efficacité et de sécurité agronomiques pour l’utilisation de sous-produits dans les fertilisants UE (JO 2022, L 167, p. 29, ci-après le « règlement attaqué ») en ce qui concerne les scories ferreuses visées à l’article 2, paragraphe 1, sous e), de ce règlement.

I.      Antécédents du litige

2        La requérante est une association dont les membres sont des entreprises qui produisent ou traitent des scories ferreuses ou qui les commercialisent en coordination avec le producteur, notamment comme composantes de fertilisants calcaires.

3        Le 5 juin 2019, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté le règlement (UE) 2019/1009 établissant les règles relatives à la mise à disposition sur le marché des fertilisants UE, modifiant les règlements (CE) no 1069/2009 et (CE) no 1107/2009 et abrogeant le règlement (CE) no 2003/2003 (JO 2019, L 170, p. 1).

4        Selon l’article 4, paragraphe 1, du règlement 2019/1009 :

« Un fertilisant UE :

a)      satisfait aux exigences de l’annexe I applicables à la catégorie fonctionnelle de produits pertinente ;

b)      satisfait aux exigences de l’annexe II applicables à la ou aux catégories de matières constitutives pertinentes ; […] »

5        Le règlement 2019/1009 prévoit à son annexe I [« Catégories fonctionnelles de produits » (PFC) des fertilisants UE], partie II [« Exigences relatives aux PFC »], sous « PFC 2 : Amendement minéral basique », point 1, qu’un « amendement minéral basique est un fertilisant UE ayant pour fonction de corriger l’acidité du sol ».

6        Le règlement 2019/1009 prévoit à son annexe II, partie II, CMC 11 intitulée « Sous-produit au sens de la directive 2008/98/CE », points 1 et 3, ce qui suit :

« 1.      Un fertilisant UE peut contenir des sous-produits au sens de la directive 2008/98/CE, à l’exception :

a)      des sous-produits animaux ou produits dérivés au sens du règlement (CE) no 1069/2009,

b)      des polymères,

c)      du compost, ou

d)      du digestat.

[...]

3.      À partir du 16 juillet 2022, les sous-produits répondent aux critères fixés par des actes délégués visés à l’article 42, paragraphe 7. Un fertilisant UE mis sur le marché après cette date ne doit pas contenir de sous-produits visés au point 1 qui ne sont pas conformes à ces critères ».

7        Selon l’article 42, paragraphe 7, du règlement 2019/1009 :

« Au plus tard le 16 juillet 2022, la Commission adopte des actes délégués conformément à l’article 44 pour compléter le point 3 de la catégorie de matières constitutives 11 de l’annexe II, partie II, du présent règlement, en définissant les critères relatifs à l’efficacité et à la sécurité agronomiques en ce qui concerne l’utilisation de sous-produits au sens de la directive 2008/98/CE dans les fertilisants UE. Ces critères tiennent compte des pratiques actuelles de fabrication, des évolutions technologiques et des données scientifiques les plus récentes. »

A.      Règlement attaqué

8        Sur le fondement de l’article 42, paragraphe 7, du règlement 2019/1009, la Commission européenne a adopté, le 14 mars 2022, le règlement attaqué.

9        Selon l’article 1er, paragraphe 1, du règlement attaqué :

« Les sous-produits appartenant à la catégorie de matières constitutives (CMC) 11, visés à l’annexe II, partie II, du règlement (UE) 2019/1009, qui apportent des éléments nutritifs aux végétaux ou aux champignons, ou en améliorent l’efficacité nutritionnelle, satisfont aux critères d’efficacité et de sécurité agronomiques suivants :

a)      ils contiennent, en matière sèche, au moins 95 % de sels d’ammonium, de sels de sulfate, de sels de phosphate, de soufre élémentaire, de carbonate de calcium ou d’oxyde de calcium, ou de leurs mélanges ;

b)      leur production fait partie intégrante d’un processus de production qui utilise comme intrants des substances et des mélanges autres que des sous-produits animaux ou produits dérivés relevant du champ d’application du règlement (CE) no 1069/2009 du Parlement européen et du Conseil ;

c)      ils ont une teneur en carbone organique (Corg) qui ne dépasse pas 0,5 % de la matière sèche du sous-produit ;

d)      ils ne contiennent pas plus de 6 mg/kg de matière sèche d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP16) ;

e)      ils ne contiennent pas plus de 20 ng équivalents de toxicité OMS/kg de matière sèche de dibenzo-p-dioxines et de dibenzofurannes polychlorés (PCDD/PCDF).

Un fertilisant UE contenant des sous-produits qui apportent des éléments nutritifs aux végétaux ou aux champignons ou qui en améliorent l’efficacité nutritionnelle, ou consistant en de tels sous-produits, ne contient pas plus de :

a)      400 mg/kg de matière sèche de chrome total (Cr) ;

b)      2 mg/kg de matière sèche de thallium (Tl). »

10      Selon l’article 2, paragraphe 1, sous e), du règlement attaqué :

« Les critères énoncés à l’article 1er ne s’appliquent pas aux sous-produits appartenant à la CMC 11, visés à l’annexe II, partie II, du règlement (UE) 2019/1009, qui sont énumérés ci-après :

[…]

e)      scories ferreuses […] ».

11      Selon l’article 2, paragraphe 3, du règlement attaqué :

« Un fertilisant UE contenant des sous-produits ou consistant en des sous-produits visés au paragraphe 1, [sous] e) et f), ne contient pas plus de :

a)      400 mg/kg de matière sèche de chrome total (Cr) ;

b)      2 mg/kg de matière sèche de thallium (Tl) ;

c)      600 mg/kg de matière sèche de vanadium (V). »

12      Il est précisé au considérant 2 du règlement attaqué :

« L’article 42, paragraphe 7, du règlement (UE) 2019/1009 dispose que la Commission doit compléter l’annexe II, partie II, CMC 11, point 3, en définissant les critères relatifs à l’efficacité et à la sécurité agronomiques en ce qui concerne l’utilisation de sous-produits au sens de la directive 2008/98/CE dans les fertilisants UE. À cette fin, la Commission a chargé son Centre commun de recherche [CCR] de rendre un avis scientifique. »

13      Selon le considérant 9 du règlement attaqué :

« Il y a lieu de fixer des valeurs limites supplémentaires pour les contaminants du chrome total, du thallium et du vanadium. Certains sous-produits peuvent contenir de tels contaminants en raison de la spécificité de leur processus de production. Les valeurs limites proposées pour ces contaminants devraient garantir que l’utilisation de fertilisants UE renfermant des sous-produits qui contiennent de tels contaminants n’entraîne pas leur accumulation dans le sol. Les valeurs limites applicables à ces contaminants devraient être exprimées en concentration dans le produit final, de manière analogue aux exigences énoncées à l’annexe I du règlement (UE) 2019/1009. Cela se justifie par le fait que les critères de sécurité introduits en réaction à un risque particulier détecté concernent généralement le produit final et non ses matières constitutives. L’évaluation de la conformité et la surveillance du marché de ces produits devraient s’en trouver facilitées, les essais ne devant être effectués que sur le produit final. »

B.      Avis scientifiques du CCR

14      En 2022, le Centre commun de recherche (CCR) a rendu un avis portant sur des propositions techniques pour les sous-produits et les matériaux de haute pureté en tant que composants pour les fertilisants UE, auquel le considérant 2 du règlement attaqué renvoie (ci-après l’« avis du CCR de 2022 »).

15      Dans la section 9.2.5 dudit avis, intitulée « scories ferreuses » (« Ferrous slags »), le CCR, d’une part, a souligné l’efficacité agronomique desdites scories au motif qu’elles « peuvent contenir une forte teneur en chaux, similaire à celle des fertilisants à base de chaux carbonatée » et, d’autre part, a néanmoins mis en exergue des préoccupations liées à l’utilisation de scories ferreuses, en renvoyant à cet égard à l’analyse figurant dans son avis antérieur de 2019, portant sur des propositions techniques pour des nouveaux matériaux fertilisants sélectionnés en vertu du règlement 2019/1009, lequel concernait notamment les matériaux et les dérivés d’oxydation thermique relevant de la CMC 13, dont les scories d’acier (ci-après l’« avis du CCR de 2019 »).

16      Le CCR a mis en exergue que les préoccupations liées à l’utilisation des scories ferreuses étaient triples. Premièrement, en renvoyant à son avis de 2019, il a retenu que les applications à long terme et répétées de scories ferreuses dans les sols conduiraient à l’accumulation de chrome total et de vanadium dans les sols susceptibles de dépasser les normes de qualité des sols de plusieurs États membres. Deuxièmement, il a relevé que les scories d’acier pouvaient libérer de faibles quantités de chrome (III) et de vanadium solubles qui pouvaient éventuellement induire des effets toxiques sur les organismes du sol et aquatiques. Dans ce cadre, il a rappelé les seuils des concentrations prévues sans effet (Predicted no-effect concentration, PNEC) pour le chrome (III), le chrome (VI) et le vanadium pour les organismes aquatiques et a retenu que, si aucune donnée toxicologique directe n’était disponible pour les organismes du sol, ceux-ci étaient tout aussi sensibles. Tout en soulignant que la lixiviation et le ruissellement du chrome (III) vers les eaux souterraines et de surface seront réduits grâce à son adsorption dans la matrice du sol, il a indiqué que les processus dans le sol n’étaient toujours pas suffisamment étudiés et, partant, des incidences négatives sur l’environnement ne pouvaient être écartées. Troisièmement, en ce qui concerne plus particulièrement la présence de chrome dans les scories, il a précisé que des concentrations de chrome (III) dans les scories d’acier pouvaient être jusqu’à quatre ordres de grandeur supérieurs à la valeur limite établie pour le chrome (VI) par le règlement 2019/1009 au titre de la catégorie fonctionnelle de produit PFC 1, relative aux engrais. Il en a déduit que même la plus petite transformation du chrome (III) en chrome (VI) pouvait entraîner des risques importants pour la santé humaine. Dans ce cadre, en renvoyant à son avis de 2019, il a relevé que des articles scientifiques avaient démontré la possibilité d’une transformation du chrome (III) en chrome (VI) sous l’action de l’oxygène présent dans l’atmosphère (Li et al., 2017) et que le chrome (VI) ainsi produit était soluble.

17      Le CCR en a déduit que, au vu des concentrations de chrome (III), de 250 mg/kg à 2-3 %, et de vanadium, de 54 mg/kg à 2,6 %, dans les scories ferreuses et en raison du caractère négligeable de la biodégradabilité, la volatilisation et l’absorption par les plantes de ces éléments, ils avaient vocation à s’accumuler dans les sols ou être évacués vers les plans d’eau, ce qui était susceptible d’occasionner des risques pour la santé ou l’environnement à court et à long terme. À cet égard, il a rappelé que, sur le fondement du principe de précaution, certains États membres avaient exprimé leurs préoccupations liées à l’application et à l’accumulation de scories ferreuses riches en chrome et en vanadium. Il a renvoyé aux valeurs limites proposées pour les matériaux d’oxydation thermique de 400 et 600 mg/kg de matière sèche pour le chrome total et le vanadium qui ont été envisagées dans son avis de 2019 et a proposé de les étendre aux fertilisants UE contenant des scories ferreuses.

18      En outre, en réponse aux observations des parties intéressées, le CCR a justifié le maintien de sa proposition des valeurs limites de chrome et de vanadium. Il a relevé avoir procédé à une analyse approfondie sur la base d’un scénario représentant l’utilisation la plus intensive, tout en demeurant réaliste, de scories, à savoir de 5 tonnes par hectare par an sur une longue période, à la valeur limite proposée de 400 mg/kg pour le chrome. Il en découlerait une accumulation supplémentaire de chrome environ deux fois plus élevée que les concentrations actuelles médianes de chrome dans les sols. Premièrement, une telle accumulation atteindrait ou dépasserait les normes de qualité des sols de plusieurs États membres. Deuxièmement, il a en substance réitéré que, même en prenant en compte la plus faible biodisponibilité du chrome (III) dans les sols, la fraction de chrome (III) biodisponible serait proche de la valeur de la PNEC. Troisièmement, tout en relevant que, dans des conditions de sol normales, la transformation du chrome (III) en chrome (VI) était peu probable, même de légères transformations des scories contenant des concentrations de chrome dépassant la valeur limite proposée de 400 mg/kg pouvaient induire des risques liés à la présence de chrome (VI), inacceptables pour l’environnement et la santé humaine.

19      Enfin, le CCR a souligné avoir évalué les propositions alternatives pour l’établissement de critères formulées par le groupe d’experts de la Commission. D’une part, il a expliqué ne pas avoir retenu les propositions excluant l’imposition de valeurs limites pour le chrome, en se référant, tout d’abord, à l’importance que revêtait la confiance dans les fertilisants UE, ensuite, au bien-fondé de l’approche de certains États membres rejetant l’utilisation de matériaux fertilisants riches en chrome susceptibles de compromettre la qualité de leurs sols et, enfin, à la possibilité toujours ouverte aux États membres le souhaitant d’autoriser la mise sur le marché et l’utilisation sur leur territoire de matériaux présentant des concentrations de chrome plus élevées. D’autre part, il a souligné ne pas avoir, non plus, retenu les suggestions visant l’instauration de valeurs limites plus strictes correspondant à certaines normes réglementaires existantes, en se fondant sur la plus faible biodisponibilité du chrome dans les scories, par rapport à d’autres matériaux.

II.    Conclusions des parties

20      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 2, paragraphe 3, sous a) et c), du règlement attaqué en ce qui concerne les scories ferreuses visées à l’article 2, paragraphe 1, sous e), de ce règlement ;

–        condamner la Commission aux dépens.

21      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la recevabilité

22      Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité, la Commission conteste la qualité pour agir de la requérante, au motif que ses membres ne seraient pas directement concernés, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, par le règlement attaqué. Elle fait valoir que le règlement 2019/1009, que complète le règlement attaqué, procède à une harmonisation facultative, dès lors qu’il n’interdit pas la production et la mise sur le marché des produits ne correspondant pas à ses spécifications, mais concerne seulement l’utilisation du marquage CE. En substance, elle fait valoir que l’absence d’utilisation du marquage CE peut seulement avoir éventuellement pour effet de détériorer les conditions d’accès au marché intérieur, ce qui ne suffit pas pour établir une affection directe. Il en découlerait que le règlement attaqué ne produirait pas d’effets juridiques obligatoires sur les membres de la requérante et ne pourrait, dès lors, être considéré comme les affectant directement.

23      La requérante estime son recours recevable.

24      Les recours formés par des associations ou des groupements sont recevables, notamment, lorsqu’ils représentent les intérêts de personnes qui, elles, seraient recevables à agir (voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2010, Forum 187/Commission, T‑189/08, EU:T:2010:99, point 58 et jurisprudence citée).

25      La recevabilité d’un recours introduit par une personne physique ou morale contre un acte dont elle n’est pas destinataire, au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, est subordonnée à la condition que lui soit reconnue la qualité pour agir. Ainsi, une telle personne peut, notamment, introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui-ci la concerne directement (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2018, Internacional de Productos Metálicos/Commission, C‑145/17 P, EU:C:2018:839, point 32 et jurisprudence citée).

26      En premier lieu, il convient de relever, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par la Commission, que le règlement attaqué constitue un acte réglementaire et qu’il ne comporte pas de mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

27      En second lieu, s’agissant de la condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par l’acte faisant l’objet du recours, comme prévu à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, elle requiert que deux critères soient cumulativement réunis, à savoir que la mesure contestée, d’une part, produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et, d’autre part, ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union européenne, sans application d’autres règles intermédiaires (voir, en ce sens, arrêts du 5 mai 1998, Glencore Grain/Commission, C‑404/96 P, EU:C:1998:196, point 41, et du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 42).

28      Il y a lieu de relever que le second critère n’est pas pertinent s’agissant d’une mesure qui, comme en l’espèce, ne comporte pas de mesures d’exécution à l’égard de la requérante (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2022, Grünig/Commission, T‑746/20, EU:T:2022:836, point 72 et jurisprudence citée). S’agissant du premier critère, contrairement à ce que soutient la Commission, il convient de relever qu’il est rempli.

29      En effet, premièrement, l’article 2, paragraphe 3, sous a) et c), du règlement attaqué fixe des valeurs limites en termes de composition maximale de chrome et de vanadium que les fertilisants constitués par, ou contenant, des scories ferreuses doivent contenir pour constituer des « fertilisants UE », c’est-à-dire relever du champ d’application du règlement 2019/1009.

30      Deuxièmement, le fait qu’un fertilisant relève du champ d’application du règlement 2019/1009 présente des avantages notables en termes de commercialisation. D’une part, en application de l’article 2, paragraphe 2, et de l’article 18 dudit règlement, cela conditionne l’apposition du marquage CE. D’autre part, un fertilisant relevant du champ d’application du règlement 2019/1009 dispose d’une libre circulation facilitée au sein de l’Union, dès lors que, en application de son article 3, paragraphe 1, les « États membres n’empêchent pas, pour des raisons ayant trait à la composition, à l’étiquetage ou à d’autres aspects relevant du présent règlement, la mise à disposition sur le marché des fertilisants UE qui sont conformes au présent règlement ».

31      Par voie de conséquence, les membres de la requérante commercialisant des fertilisants constitués par, ou contenant, des scories ferreuses, dont les taux de chrome ou de vanadium dépassent les valeurs limites fixées à l’article 2, paragraphe 3, sous a) et c), du règlement attaqué ne pourront pas bénéficier des règles figurant dans le règlement 2019/1009 et, notamment, de la libre circulation facilitée au sein de l’Union que son article 3, paragraphe 1, prévoit.

32      Or, force est de constater que l’exclusion du bénéfice d’un régime juridique gouvernant la circulation dans l’Union des fertilisants UE dans le cadre duquel les États membres ne peuvent s’opposer, notamment, pour des raisons tenant à leur composition, à leur mise à disposition sur le marché produit « directement des effets sur la situation juridique » des entreprises produisant ou commercialisant des fertilisants au sens de la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus.

33      Partant, le fait qu’un fertilisant exclu du champ d’application du règlement 2019/1009 ne se voit pas interdire une mise sur le marché n’empêche pas que les entreprises le produisant ou le commercialisant soient directement concernées par cette exclusion, au vu de l’ampleur des avantages que pourrait représenter le bénéfice du régime juridique établi par ledit règlement.

34      Il en résulte que le premier critère de la condition tenant à l’affectation directe, envisagé par la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus, est rempli par les membres de la requérante.

35      Partant, dans la mesure où les membres de la requérante auraient été recevables à demander l’annulation de l’article 2, paragraphe 3, sous a) et c), du règlement attaqué, le recours de cette dernière est recevable, en application de la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus.

B.      Sur le fond

36      Au soutien de son recours, la requérante soulève sept moyens. Le premier moyen est tiré d’un détournement de pouvoir et du dépassement de l’habilitation figurant à l’article 42, paragraphe 7, du règlement 2019/1009. Le deuxième moyen est tiré de la violation du principe de précaution et de l’obligation de prendre en compte les données scientifiques les plus récentes figurant à l’article 42, paragraphe 7, du règlement 2019/1009. Le troisième moyen est pris de la violation de l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce. Les quatrième et cinquième moyens sont tirés, respectivement, de la violation du principe de sécurité juridique et de la violation du principe de proportionnalité. Enfin, par les sixième et septième moyens, la requérante fait valoir, respectivement, une violation de l’obligation de motivation et, en substance, une inexactitude des motifs du règlement attaqué.

1.      Sur le premier moyen, tiré, en substance, d’un détournement de pouvoir et d’un dépassement de l’habilitation conférée par le règlement 2019/1009 à la Commission

37      Par ce premier moyen, la requérante conteste le bien-fondé de la prise en compte par la Commission d’un objectif de protection de la santé et de l’environnement à l’occasion de l’adoption de l’article 2, paragraphe 3, sous a) et c), du règlement attaqué. D’une part, cette prise en compte serait constitutive d’un détournement de pouvoir. D’autre part, elle dépasserait les limites de l’habilitation figurant à l’article 42, paragraphe 7, du règlement 2019/1009.

38      La Commission estime que le présent moyen doit être rejeté.

39      S’agissant du premier grief, tiré d’un détournement de pouvoir, il suffit de relever que, en application d’une jurisprudence constante, un acte est entaché d’un tel détournement lorsqu’il a été adopté à des fins autres que celles dont il est excipé (voir arrêt du 4 décembre 2018, Janoha e.a./Commission, T‑517/16, non publié, EU:T:2018:874, point 110 et jurisprudence citée), c’est-à-dire pour des finalités différentes de celles avancées par son auteur.

40      Or, force est de constater que la finalité de protection de la santé et de l’environnement, contestée par la requérante, est celle mise en avant par la Commission comme motif s’agissant de l’article 2, paragraphe 3, sous a) et c), du règlement attaqué. Il suffit, à cet égard, de souligner que le considérant 9 dudit règlement précise que la fixation de valeurs limites supplémentaires pour les contaminants du chrome total et du vanadium vise à garantir que « l’utilisation de fertilisants UE renfermant des sous-produits qui contiennent de tels contaminants n’entraîne pas leur accumulation dans le sol » et qu’il se réfère à des « critères de sécurité introduits en réaction à un risque particulier détecté ». De telles mentions peuvent raisonnablement être comprises comme révélatrice d’un objectif visant à éviter les incidences négatives pour la santé et l’environnement d’une accumulation dans le sol des matières pour lesquelles des valeurs limites sont fixées dans ledit règlement, dont le chrome total et le vanadium.

41      Il en résulte que la Commission n’a pas commis le détournement de pouvoir allégué à l’occasion de l’adoption de l’article 2, paragraphe 3, sous a) et c), du règlement attaqué et que ce premier grief doit être rejeté.

42      Dans le cadre d’un second grief, la requérante soutient également, en substance, que l’article 2, paragraphe 3, sous a) et c), du règlement attaqué dépasse les limites de l’habilitation attribuée à la Commission par l’article 42, paragraphe 7, du règlement 2019/1009 pour adopter des actes délégués au motif que celui-ci déléguait exclusivement le pouvoir de définir les « critères relatifs à l’efficacité et à la sécurité agronomiques », lesquels n’incluent pas la prise en compte de la santé et de l’environnement.

43      Au soutien de son interprétation du règlement 2019/1009, premièrement, la requérante fait notamment valoir que la sécurité chimique est déjà garantie par l’enregistrement prévu par le règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances, instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1), auquel le point 2 de la CMC 11 de l’annexe II du règlement 2019/1009 renvoie.

44      Deuxièmement, la requérante considère que la protection de la santé et de l’environnement ne relève pas de la notion de « sécurité agronomique » utilisée à l’article 42, paragraphe 7, du règlement 2019/1009. Seule la sécurité chimique ou l’utilisation des substances serait visée, c’est-à-dire la sécurité lors de la manipulation de la substance ou du mélange, de son traitement et de son utilisation ou de son application.

45      Troisièmement, la requérante en déduit que l’absence de mention des critères relatifs à la santé humaine, animale et végétale ainsi qu’à l’environnement à l’article 42, paragraphe 7, du règlement 2019/1009 ne procède pas d’un oubli, mais relève d’un choix délibéré du législateur s’agissant de la portée de l’habilitation conférée à la Commission. Elle ajoute que cette absence est objectivement justifiée, dès lors que l’annexe I, partie II, du règlement 2019/1009 contient déjà des exigences devant être respectées par les fertilisants calcaires de l’industrie sidérurgique en termes de valeurs limites applicables aux contaminants pour les paramètres « cadmium », « chrome (VI) », « mercure », « nickel », « plomb » et « arsenic », lesquelles tiennent suffisamment compte de la protection de la santé et de l’environnement. L’article 2, paragraphe 3, du règlement attaqué aboutirait, partant, à une double réglementation en ce qui concerne le chrome. En outre, l’objectif de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur ne pourrait être pris en compte aux fins de justifier l’interprétation de la notion de « sécurité » retenue par la Commission, la conciliation du marché intérieur avec les exigences liées à la protection de la santé et de l’environnement relevant du seul législateur à l’occasion de l’adoption du règlement 2019/1009.

46      La Commission conteste les arguments de la requérante.

47      Dans ce grief, la requérante soutient, en substance, que la notion de « sécurité agronomique » figurant à l’article 42, paragraphe 7, du règlement 2019/1009, dont le libellé est rappelé au point 7 ci-dessus, n’inclut pas les incidences de l’utilisation de sous-produits sur la santé et l’environnement, de sorte que la fixation par la Commission de valeurs limites de chrome total et de vanadium pour les fertilisants utilisant les scories ferreuses comme sous-produits dépasserait l’habilitation que lui a conférée le législateur.

48      Dans la mesure où la notion de « sécurité agronomique » n’est pas définie à l’article 2 du règlement 2019/1009, il est nécessaire de procéder à son interprétation.

49      En application d’une jurisprudence constante, aux fins d’interpréter une disposition de droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2005, VEMW e.a., C‑17/03, EU:C:2005:362, point 41 et jurisprudence citée).

50      S’agissant, en premier lieu, de l’interprétation contextuelle de l’article 42, paragraphe 7, du règlement 2019/1009, force est de constater qu’elle milite en faveur d’une acception de la notion de « sécurité agronomique » incluant la protection de la santé et de l’environnement.

51      À cet égard, il convient de relever que l’article 42 du règlement 2019/1009 énumère les hypothèses et les conditions dans lesquelles les annexes audit règlement peuvent être modifiées ou complétées par le biais de l’adoption d’un acte délégué. Or, l’ensemble des hypothèses envisagées impliquent la prise en compte de la protection de la santé et de l’environnement.

52      Premièrement, cette prise en compte peut parfois être inhérente au motif pour lequel la modification est envisagée. C’est le cas de l’hypothèse envisagée à l’article 42, paragraphe 6, du règlement 2019/1009, laquelle concerne les critères de biodégradabilité des polymères relevant de la CMC 9 de l’annexe II et fixe des critères liés à l’impact de la dégradation desdits polymères sur l’environnement.

53      Deuxièmement, cette prise en compte de la santé et de l’environnement figure également à l’article 42, paragraphes 1 et 8. L’article 42, paragraphe 1, du règlement 2019/1009 porte sur l’adaptation des annexes au progrès technique. Cette disposition sous b) impose comme condition qu’il soit « scientifiquement prouvé : i) [que les fertilisants UE] ne présentent pas de risque pour la santé humaine, animale ou végétale, pour la sécurité ou pour l’environnement et ii) qu’ils assurent l’efficacité agronomique ». L’article 42, paragraphe 8, dudit règlement concerne l’adaptation des annexes à la lumière de nouvelles données scientifiques. Il précise qu’une modification « s’avère nécessaire pour veiller à ce que tout fertilisant UE conforme aux exigences du présent règlement, dans des conditions normales d’utilisation, ne présente pas de risque pour la santé humaine, animale ou végétale, pour la sécurité ou pour l’environnement ».

54      Troisièmement, la prise en compte des risques pour la santé et l’environnement figure également dans les autres hypothèses où l’article 42 du règlement 2019/1009 envisage une modification de ses annexes. D’une part, ses paragraphes 2, 4 et 5 renvoient aux conditions figurant au paragraphe 1, sous b), de cet article. D’autre part, son paragraphe 3 renvoie à l’article 6 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives (JO 2008, L 312, p. 3), qui pose, notamment, comme condition que l’utilisation de la substance ou de l’objet n’a pas d’effets globaux nocifs pour la santé et l’environnement.

55      Il serait, dès lors, contraire à l’économie de l’article 42 du règlement 2019/1009 que l’acte délégué que la Commission adopte en lien avec la CMC 11, au titre du paragraphe 7 de cette disposition, ne soit pas soumis à un critère de protection de la santé et de l’environnement alors que ladite protection est prise en compte de manière transversale pour l’ensemble des actes délégués qu’elle est amenée à adopter aux fins de modifier ou de compléter les annexes du règlement 2019/1009.

56      Plus précisément, une interprétation de la notion de critère relatif à la sécurité agronomique figurant à l’article 42, paragraphe 7, du règlement 2019/1009, à la lumière des paragraphes 1 et 8 de cette même disposition, devrait conduire à inclure dans ladite notion la prise en compte des risques « pour la santé humaine, animale ou végétale, pour la sécurité ou pour l’environnement ».

57      En deuxième lieu, cette conclusion est confirmée par l’interprétation téléologique du règlement 2019/1009. Il en ressort, en effet, que la prise en compte de l’incidence des produits relevant de son champ d’application sur la santé et l’environnement constitue une considération essentielle pour le législateur. Ainsi, le considérant 3 du règlement 2019/1009 se réfère à la nécessité de « garantir que les produits bénéficiant de la libre circulation des marchandises au sein de l’Union se conforment à des exigences garantissant un haut niveau de protection des intérêts publics tels que la santé humaine, animale et végétale, la sécurité et l’environnement ». De même, le considérant 53 dudit règlement souligne que « les fertilisants UE devraient être mis sur le marché uniquement s’ils sont suffisamment efficaces et ne présentent pas de risque pour la santé humaine, animale ou végétale, pour la sécurité ou pour l’environnement lorsqu’ils sont stockés correctement et affectés à l’usage auquel ils sont destinés, ou dans des conditions d’utilisation qui peuvent être raisonnablement prévues, c’est-à-dire lorsqu’une telle utilisation pourrait découler d’un comportement humain licite et aisément prévisible ». Enfin, le considérant 72 du même règlement réitère que l’objectif du règlement est de « garantir le bon fonctionnement du marché intérieur tout en veillant à ce que les fertilisants UE sur le marché soient conformes aux exigences assurant un niveau élevé de protection de la santé, animale et végétale, de la sécurité et de l’environnement ».

58      Dans ces conditions, il serait contraire à l’intention du législateur d’interpréter l’article 42, paragraphe 7, du règlement 2019/1009 comme impliquant que la Commission – lorsqu’elle adopte les critères pertinents concernant l’utilisation d’une substance ou un objet issu d’un processus de production dans un fertilisant – ne puisse prendre en compte les effets de l’utilisation de ce sous-produit sur la santé et l’environnement.

59      En troisième lieu, il convient de relever qu’une interprétation de la notion de « sécurité agronomique » figurant à l’article 42, paragraphe 7, du règlement 2019/1009, à la lumière des articles 11 et 114 TFUE, milite également pour l’inclusion de la protection de la santé humaine, animale et végétale, de la sécurité et de l’environnement. En effet, selon l’article 11 TFUE, « les exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions de l’Union, en particulier afin de promouvoir le développement durable ». De même, l’article 114 TFUE, lequel constitue la base juridique dudit règlement, précise à son paragraphe 3 que la « Commission, dans ses propositions prévues au paragraphe 1 en matière de santé, de sécurité, de protection de l’environnement et de protection des consommateurs, prend pour base un niveau de protection élevé en tenant compte notamment de toute nouvelle évolution basée sur des faits scientifiques. Dans le cadre de leurs compétences respectives, le Parlement européen et le Conseil s’efforcent également d’atteindre cet objectif ».

60      Cette conclusion n’est pas infirmée par les différents arguments de la requérante. À cet égard, s’il est vrai qu’il découle du considérant 26 du règlement 2019/1009 que le législateur a entendu prévoir comme condition de la sécurité des substances constitutives d’un fertilisant UE leur enregistrement en application du règlement n° 1907/2006, cela n’exclut pas l’adoption d’exigences autonomes visant à assurer la sécurité desdites substances sous l’angle de la protection de la santé et de l’environnement. De même, le fait que des exigences portant sur la teneur, notamment, en chrome figurent dans l’annexe I du règlement 2019/1009 au titre de la catégorie fonctionnelle de produits « amendement minéral basique » n’exclut pas la possibilité que des exigences supplémentaires soient prévues au titre de la catégorie matière constitutive. Il peut, en effet, être déduit de la lecture combinée des considérants 7 et 9 de ce règlement que l’obligation de satisfaire à la fois aux exigences applicables à la catégorie fonctionnelle de produits pertinente et à la ou aux catégories de matières constitutives pertinentes figurant à l’article 4, paragraphe 1, sous a) et b), de ce même règlement s’explique par la dangerosité potentielle et la nature variable des différentes matières constitutives susceptibles d’être présentes dans une même catégorie fonctionnelle de produits. Il est dès lors légitime que des exigences afférentes à la protection de la santé et de l’environnement soient établies en ce qui concerne tant la catégorie fonctionnelle de produits que les catégories de matières constitutives.

61      Au vu de ce qui précède, il doit être conclu que la notion de « sécurité agronomique » figurant à l’article 42, paragraphe 7, du règlement 2019/1009 doit être comprise comme incluant la prise en compte de la protection de la santé humaine, animale et végétale, de la sécurité et de l’environnement.

62      Il en découle que, en prenant en compte un tel objectif lors de la fixation des valeurs limites de vanadium et de chrome total à l’article 2, paragraphe 3, sous a) et c), du règlement attaqué, la Commission n’a pas méconnu l’étendue de l’habilitation figurant à l’article 42, paragraphe 7, du règlement 2019/1009.

63      Il convient, dès lors, de rejeter le second grief de la requérante et, par voie de conséquence, le premier moyen.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe de précaution et de l’article 42, paragraphe 7, deuxième phrase, du règlement 2019/1009

64      Par son deuxième moyen, la requérante allègue, en substance, que la Commission a méconnu le principe de précaution, dont l’obligation de prendre en compte les données scientifiques les plus récentes – figurant à la deuxième phrase de l’article 42, paragraphe 7, du règlement 2019/1009 – serait une concrétisation, à l’occasion de la fixation des valeurs limites de chrome et de vanadium et conteste, de manière plus générale, le bien-fondé des appréciations figurant dans les avis du CCR.

65      La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

a)      Considérations liminaires 

1)      Sur les principes juridiques pertinents

66      En application d’une jurisprudence constante de la Cour, le principe de précaution, lequel constitue un principe général du droit de l’Union, implique que, lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à la portée de risques, notamment pour la santé humaine ou animale ou l’environnement, des mesures de protection peuvent être prises sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées. Lorsqu’il s’avère impossible de déterminer avec certitude l’existence ou la portée du risque allégué, en raison de la nature non concluante des résultats des études menées, mais que la probabilité d’un dommage réel pour l’environnement persiste dans l’hypothèse où le risque se réaliserait, le principe de précaution justifie l’adoption de mesures restrictives (voir, en ce sens, arrêt du 6 mai 2021, Bayer CropScience et Bayer/Commission, C‑499/18 P, EU:C:2021:367, point 80 et jurisprudence citée).

67      En outre, le Tribunal a eu l’occasion de souligner que, au sein du processus aboutissant à l’adoption par une institution de mesures appropriées en vue de prévenir certains risques potentiels pour la santé publique, la sécurité et l’environnement en vertu du principe de précaution, trois étapes successives peuvent être distinguées : premièrement, l’identification des effets potentiellement négatifs découlant d’un phénomène, deuxièmement, l’évaluation des risques pour la santé publique, la sécurité et l’environnement qui sont liés à ce phénomène et, troisièmement, lorsque les risques potentiels identifiés dépassent le seuil de ce qui est acceptable pour la société, la gestion du risque par l’adoption de mesures de protection appropriées (voir arrêt du 17 mars 2021, FMC/Commission, T‑719/17, EU:T:2021:143, point 64 et jurisprudence citée).

68      S’agissant de la deuxième étape, portant sur l’évaluation des risques pour la santé publique, la sécurité et l’environnement, elle consiste, pour l’institution qui doit faire face à des effets potentiellement négatifs découlant d’un phénomène, à apprécier de manière scientifique lesdits risques et à déterminer s’ils dépassent le niveau de risque jugé acceptable pour la société. Ainsi, afin que les institutions puissent procéder à une évaluation des risques, il leur importe, d’une part, de disposer d’une évaluation scientifique des risques et, d’autre part, de déterminer le niveau de risque jugé inacceptable pour la société (arrêt du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13 et T‑451/13, EU:T:2018:280, point 112).

69      En ce qui concerne, premièrement, l’évaluation scientifique des risques, elle est définie comme un processus qui consiste, autant que possible, à identifier un danger et à caractériser ledit danger, à évaluer l’exposition à ce danger et à caractériser le risque (voir arrêt du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13 et T‑451/13, EU:T:2018:280, point 113 et jurisprudence citée).

70      En tant que processus scientifique, l’évaluation scientifique des risques doit être confiée par l’institution à des experts scientifiques (voir arrêt du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13 et T‑451/13, EU:T:2018:280, point 115 et jurisprudence citée).

71      L’évaluation scientifique des risques ne doit pas obligatoirement fournir aux institutions des preuves scientifiques concluantes de la réalité du risque et de la gravité des effets adverses potentiels en cas de réalisation de ce risque. En effet, le contexte de l’application du principe de précaution correspond par hypothèse à un contexte d’incertitude scientifique. En outre, l’adoption d’une mesure préventive ou, à l’inverse, son retrait ou son assouplissement ne sauraient être subordonnés à la preuve d’une absence de tout risque, car une telle preuve est, en général, impossible à fournir d’un point de vue scientifique dès lors qu’un niveau de risque zéro n’existe pas en pratique. Toutefois, une mesure préventive ne saurait valablement être motivée par une approche purement hypothétique du risque, fondée sur de simples suppositions scientifiquement non encore vérifiées (voir arrêt du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13 et T‑451/13, EU:T:2018:280, point 116 et jurisprudence citée).

72      En effet, l’évaluation scientifique des risques doit se fonder sur les meilleures données scientifiques disponibles et doit être menée de manière indépendante, objective et transparente (voir arrêt du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13 et T‑451/13, EU:T:2018:280, point 117 et jurisprudence citée).

73      En outre, il convient d’indiquer qu’une évaluation scientifique des risques peut se révéler impossible à réaliser complètement en raison de l’insuffisance des données scientifiques disponibles. Cela ne saurait cependant empêcher l’autorité publique compétente de prendre des mesures préventives en application du principe de précaution. Il importe, dans cette hypothèse, que des experts scientifiques réalisent une évaluation scientifique des risques malgré l’incertitude scientifique subsistante, de sorte que l’autorité publique compétente dispose d’une information suffisamment fiable et solide pour lui permettre de saisir toute la portée de la question scientifique posée et de déterminer sa politique en connaissance de cause (voir arrêt du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13 et T‑451/13, EU:T:2018:280, point 118 et jurisprudence citée).

74      Lorsqu’il se révèle impossible de déterminer avec certitude l’existence ou la portée du risque allégué en raison de la nature insuffisante, non concluante ou imprécise des résultats des études menées, mais que la probabilité d’un dommage réel persiste dans l’hypothèse où le risque se réaliserait, le principe de précaution justifie l’adoption de mesures restrictives, sous réserve qu’elles soient non discriminatoires et objectives (voir arrêt du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13 et T‑451/13, EU:T:2018:280, point 119 et jurisprudence citée).

75      Il s’ensuit qu’une mesure préventive ne saurait être prise que si le risque, sans que son existence et sa portée aient été démontrées « pleinement » par des données scientifiques concluantes, apparaît néanmoins suffisamment documenté sur la base des données scientifiques disponibles au moment de la prise de cette mesure (voir arrêt du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13 et T‑451/13, EU:T:2018:280, point 120 et jurisprudence citée).

76      Dans un tel contexte, la notion de « risque » correspond dès lors au degré de probabilité des effets adverses pour le bien protégé par l’ordre juridique en raison de l’acceptation de certaines mesures ou de certaines pratiques. La notion de « danger » est, quant à elle, utilisée communément dans un sens plus large et décrit tout produit ou procédé pouvant avoir un effet adverse pour la santé humaine ou tout autre bien protégé par l’ordre juridique (voir arrêt du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13 et T‑451/13, EU:T:2018:280, point 121 et jurisprudence citée).

77      En ce qui concerne, deuxièmement, la détermination du niveau de risque jugé inacceptable pour la société, elle revient, moyennant le respect des normes applicables, aux institutions chargées du choix politique que constitue la fixation d’un niveau de protection approprié pour ladite société. C’est à ces institutions qu’il incombe de déterminer le seuil critique de probabilité des effets adverses pour la santé publique, la sécurité et l’environnement et le degré de ces effets potentiels qui ne leur semble plus acceptable pour cette société et qui, une fois dépassé, nécessite, dans l’intérêt de la protection de la santé publique, de la sécurité et de l’environnement, le recours à des mesures préventives malgré l’incertitude scientifique subsistante (voir arrêt du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13 et T‑451/13, EU:T:2018:280, point 122 et jurisprudence citée).

78      Lors de la détermination du niveau de risque jugé inacceptable pour la société, les institutions sont tenues par leurs obligations d’assurer un niveau élevé de protection de la santé publique, de la sécurité et de l’environnement. Ce niveau élevé de protection ne doit pas nécessairement, pour être compatible avec l’article 114, paragraphe 3, TFUE, être techniquement le plus élevé possible. Par ailleurs, ces institutions ne peuvent adopter une approche purement hypothétique du risque et orienter leurs décisions à un niveau de « risque zéro » (voir arrêt du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13 et T‑451/13, EU:T:2018:280, point 121 et jurisprudence citée).

79      La détermination du niveau de risque jugé inacceptable pour la société dépend de l’appréciation portée par l’autorité publique compétente sur les circonstances particulières de chaque cas d’espèce. À cet égard, cette autorité peut tenir compte, notamment, de la gravité de l’impact d’une survenance de ce risque sur la santé publique, la sécurité et l’environnement, y compris l’étendue des effets adverses possibles, de la persistance, de la réversibilité ou des effets tardifs possibles de ces dégâts ainsi que de la perception plus ou moins concrète du risque sur la base de l’état des connaissances scientifiques disponibles (voir arrêt du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13 et T‑451/13, EU:T:2018:280, point 124 et jurisprudence citée).

80      S’agissant de la troisième étape portant sur la gestion du risque, elle correspond à l’ensemble des actions entreprises par une institution qui doit faire face à un risque afin de le ramener à un niveau jugé acceptable pour la société eu égard à son obligation, en vertu du principe de précaution, d’assurer un niveau élevé de protection de la santé publique, de la sécurité et de l’environnement. Ces actions comprennent l’adoption de mesures provisoires qui doivent être proportionnées, non discriminatoires, transparentes et cohérentes par rapport à des mesures similaires déjà adoptées (voir arrêt du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13 et T‑451/13, EU:T:2018:280, points 125 et 126 et jurisprudence citée).

2)      Sur l’étendue du contrôle juridictionnel du Tribunal

81      Dans la mesure où l’exercice par la Commission de la mission que lui confie l’article 42, paragraphe 7, du règlement 2019/1009 de définir les critères relatifs à l’efficacité et à la sécurité agronomiques implique nécessairement d’opérer des évaluations scientifiques et techniques complexes, un large pouvoir d’appréciation doit lui être reconnu (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2017, Commission/Bilbaína de Alquitranes e.a., C‑691/15 P, EU:C:2017:882, point 34 et jurisprudence citée).

82      De même, dans la mesure où l’évaluation d’études scientifiques est remise en cause par la requérante, le Tribunal a déjà relevé qu’il y avait lieu de reconnaître une large marge d’appréciation à la Commission en ce qui concerne cette évaluation, ainsi que le choix des études qui doivent primer sur les autres, et ce indépendamment de leur chronologie (arrêt du 24 octobre 2018, Deza/Commission, T‑400/17, non publié, EU:T:2018:712, point 95).

83      L’exercice de ce pouvoir n’est toutefois pas soustrait au contrôle juridictionnel. En effet, il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre de ce contrôle, le juge de l’Union doit vérifier le respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus par la Commission, l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêt du 18 juillet 2007, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C‑326/05 P, EU:C:2007:443, point 76 et jurisprudence citée).

84      En particulier, lorsqu’une partie invoque une erreur manifeste d’appréciation qui aurait été commise par l’institution compétente, le juge de l’Union doit contrôler si cette institution a examiné, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce sur lesquels cette appréciation est fondée. Cette obligation de diligence est en effet inhérente au principe de bonne administration et s’applique de manière générale à l’action de l’administration de l’Union (voir arrêt du 22 novembre 2017, Commission/Bilbaína de Alquitranes e.a., C‑691/15 P, EU:C:2017:882, point 35 et jurisprudence citée).

85      En outre, la limitation du contrôle du juge de l’Union n’affecte pas le devoir de celui-ci de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence ainsi que de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 2008, Pays-Bas/Commission, C‑405/07 P, EU:C:2008:613, point 55 et jurisprudence citée).

86      Il y a lieu d’ajouter que, afin d’établir que l’administration a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’appréciation de faits complexes de nature à justifier l’annulation de l’acte attaqué, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans l’acte. Sous réserve de cet examen de plausibilité, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation de faits complexes à celle de l’auteur de l’acte (voir arrêt du 17 mai 2018, BASF Agro e.a./Commission, T‑584/13, EU:T:2018:279, point 94 et jurisprudence citée).

3)      Sur les avis scientifiques du CCR

87      En premier lieu, le Tribunal rappelle qu’il découle du considérant 2 du règlement attaqué que la Commission s’est fondée sur l’avis du CCR de 2022 aux fins de fixer les valeurs limites de chrome et de vanadium figurant à l’article 2, paragraphe 3, sous a) et c), dudit règlement.

88      À cet égard, il convient de souligner que les motifs d’un acte peuvent être déduits non seulement de son libellé, mais également du contexte dans lequel il s’inscrit (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2015, Estonie/Parlement et Conseil, C‑508/13, EU:C:2015:403, point 61). Au vu du renvoi explicite à l’avis du CCR de 2022 auquel le considérant 2 du règlement attaqué procède, il convient de conclure que la Commission a fait siens les motifs qui y figurent.

89      À cet égard, il ressort des points 14 à 19 ci-dessus que la proposition de fixation des valeurs limites en cause dans l’avis du CCR de 2022 s’appuyait sur quatre motifs.

90      Le premier motif était tiré de la nécessité d’éviter une accumulation de chrome total et de vanadium dans les sols, dès lors que plusieurs États membres disposent de normes de qualité des sols pour le chrome total et le vanadium et que ladite accumulation pourrait être au-dessus ou à proximité des taux que lesdits États ont identifiés comme étant préoccupants.

91      Le deuxième motif était tiré de la nécessité d’éviter les effets toxiques sur les organismes du sol et aquatiques que les faibles quantités de chrome (III) et de vanadium solubles susceptibles d’être libérées par les scories pourraient engendrer.

92      Le troisième motif était tiré de la nécessité d’éviter les risques pour la santé humaine de la transformation du chrome (III) en chrome (VI).

93      Enfin, le quatrième motif concernait les seuils de vanadium et de chrome. À cet égard, le CCR s’est référé aux valeurs limites (de 400 et 600 mg/kg respectivement) de matière sèche pour le chrome et le vanadium retenues au titre de la CMC 13 et a considéré qu’elles pouvaient être appliquées par analogie aux fertilisants UE contenant des scories ferreuses.

94      En second lieu, il convient de relever que, au titre du contexte de l’article 2, paragraphe 3, du règlement attaqué, figurent non seulement l’avis du CCR de 2022, mais également l’avis du CCR de 2019, portant, notamment, sur les « [m]atières obtenues par oxydation thermique et leurs dérivés » pris en compte au titre de la CMC 13, ce qui inclut les « substances utilisées dans les procédés de production de l’industrie sidérurgique » et, plus particulièrement, les « scories d’acier », dès lors que l’avis de 2022 y renvoie à plusieurs reprises.

95      À cet égard, il convient de souligner que les parties ont été interrogées, au titre de mesures d’organisation de la procédure, sur les éventuelles différences entre les « scories d’acier » et les « scories ferreuses ». Il en est ressorti que, si le terme de « scorie ferreuse » peut disposer d’une portée plus large en ce qu’il inclut à la fois les scories de haut fourneau produites lors de la fabrication de fonte brute pouvant être utilisées en tant que fertilisant comme chaux de forge et les scories d’acier produites lors de la fabrication d’acier, lesquelles sont utilisées dans les fertilisants calcaires produits par les membres de la requérante, il est constant entre les parties que, dans le cadre de la présente affaire, les expressions « scories d’acier », « scories ferreuses » ou encore « scories issues de l’industrie sidérurgique » doivent être considérées comme synonymes.

4)      Sur la recevabilité d’une annexe à la réplique

96      Dans les développements de la réplique consacrés au présent moyen, la requérante se réfère parfois à l’annexe C.2, laquelle est un rapport effectué par un agronome et ingénieur environnemental, à sa demande portant sur le chrome et le vanadium dans les engrais à base de scories d’acier (ci-après le « rapport d’expertise »). La Commission émet des doutes quant à la recevabilité de ce rapport, au regard de l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, dans la mesure où il a été présenté au stade de la réplique.

97      La requérante soutient que ledit rapport est recevable.

98      Conformément à l’article 76, sous f), du règlement de procédure, toute requête doit contenir les preuves et les offres de preuve, s’il y a lieu.

99      En outre, l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure dispose que les preuves et les offres de preuve sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires. L’article 85, paragraphe 2, de ce même règlement ajoute que les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve dans la réplique et la duplique à l’appui de leur argumentation, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié. Dans ce dernier cas, conformément à l’article 85, paragraphe 4, du règlement de procédure, le Tribunal statue sur la recevabilité des preuves produites ou des offres de preuve qui ont été présentées, après que les autres parties ont été mises en mesure de prendre position sur celles-ci.

100    La règle de forclusion prévue à l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure ne concerne pas la preuve contraire et l’ampliation des offres de preuve fournies à la suite d’une preuve contraire de la partie adverse [voir arrêt du 22 juin 2017, Biogena Naturprodukte/EUIPO (ZUM wohl), T‑236/16, EU:T:2017:416, point 17 et jurisprudence citée].

101    Il ressort de la jurisprudence relative à l’application de la règle de forclusion prévue à l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure que les parties doivent motiver le retard apporté à la présentation de leurs preuves ou offres de preuve nouvelles (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2008, Angé Serrano e.a./Parlement, T‑47/05, EU:T:2008:384, point 54) et que le juge de l’Union a le pouvoir de contrôler le bien-fondé du motif du retard apporté à la production de ces preuves ou de ces offres de preuve et, selon le cas, le contenu de ces dernières ainsi que, si cette production tardive n’est pas justifiée à suffisance de droit ou fondée, le pouvoir de les écarter (voir, en ce sens, arrêts du 14 avril 2005, Gaki-Kakouri/Cour de justice, C‑243/04 P, non publié, EU:C:2005:238, point 33, et du 18 septembre 2008, Angé Serrano e.a./Parlement, T‑47/05, EU:T:2008:384, point 56).

102    En l’espèce, le Tribunal estime qu’il convient de prendre en compte, s’agissant de la production au stade de la réplique du rapport d’expertise, le fait que les motifs justifiant l’adoption des valeurs limites de l’article 2, paragraphe 3, sous a) et c), du règlement attaqué ne figurent pas dans les considérants de celui-ci, mais dans l’avis du CCR de 2022 et dans son avis antérieur de 2019 auquel le CCR a procédé à des renvois généraux.

103    Il en a nécessairement découlé une plus grande difficulté pour la requérante dans l’identification des motifs du règlement attaqué de nature à justifier le retard dans la présentation du rapport d’expertise.

104    Le rapport d’expertise figurant à l’annexe C.2 de la réplique est donc recevable.

5)      Sur l’argumentation de la requérante

105    En application d’une jurisprudence constante, le Tribunal doit interpréter les moyens d’une partie requérante par leur substance plutôt que par leur qualification [arrêts du 10 février 2009, Deutsche Post et DHL International/Commission, T‑388/03, EU:T:2009:30, point 54, et du 6 juin 2019, Torrefazione Caffè Michele Battista/EUIPO – Battista Nino Caffè (BATTISTINO), T‑221/18, non publié, EU:T:2019:382, point 23].

106    En l’espèce, le Tribunal relève que la requérante, aux fins de démontrer que la Commission aurait méconnu le principe de précaution, dont l’obligation de prendre en compte les données scientifiques les plus récentes, s’appuie sur une argumentation qui peut être divisée en cinq griefs.

107    Par un premier grief, la requérante soutient, en substance, que le règlement attaqué serait entaché d’une insuffisance de motivation en ce que les raisons pour lesquelles la valeur limite de vanadium a été retenue ne peuvent être déduites de l’avis du CCR de 2022.

108    Par un deuxième grief, la requérante soutient que le motif tiré d’un dépassement des normes de qualité des sols fixées par différents États membres en cas d’utilisation prolongée et répétée de fertilisants calcaires de l’industrie sidérurgique, d’une part, est dépourvu de pertinence et, d’autre part, n’est pas démontré à suffisance de droit.

109    Par un troisième grief, la requérante conteste le bien-fondé de la méthodologie appliquée pour déterminer l’accumulation du vanadium et du chrome dans les sols.

110    Par un quatrième grief, la requérante soutient que le motif tiré du risque pour les organismes présents dans le sol et dans l’eau des faibles quantités de chrome (III) et de vanadium susceptibles d’être libérées n’est pas démontré à suffisance de droit. Dans ce cadre, elle conteste, essentiellement, le niveau du seuil à partir duquel le chrome (III) et le vanadium peuvent avoir des effets toxiques et la possibilité que les libérations de chrome (III) et de vanadium par les scories ferreuses utilisées dans les fertilisants calcaires puissent atteindre ces seuils.

111    Enfin, par un cinquième grief, la requérante soutient que le motif tiré de ce que le chrome (III) peut se transformer en chrome (VI), lequel est néfaste pour la santé humaine, n’est pas démontré à suffisance de droit. Dans ce cadre, elle se réfère tant à la très faible quantité de chrome (VI) contenue dans les scories ferreuses qu’à l’impossibilité d’une transformation du chrome (III) en chrome (VI) dans des conditions d’utilisation réelles.

b)      Sur le premier grief, tiré en substance d’une insuffisance de motivation s’agissant de la fixation de la valeur limite de vanadium figurant à l’article 2, paragraphe 3, sous c), du règlement attaqué 

112    La requérante soutient, en substance, que les motifs portant sur la fixation de la valeur limite de vanadium ne peuvent être déduits de l’avis du CCR de 2022. Celui-ci ne contiendrait aucune indication sur les normes de qualité des sols des États membres ou sur le taux de vanadium dans lesdits sols après 100 ans et aucune donnée toxicologique pour les organismes du sol dans le cas du vanadium.

113    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

114    Par ce premier grief, la requérante conteste le caractère motivé à suffisance de droit de l’article 2, paragraphe 3, sous c), du règlement attaqué en raison d’une absence d’explicitation des raisons pour lesquelles une valeur limite de vanadium a été fixé.

115    Conformément à une jurisprudence constante, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 12 septembre 2017, Anagnostakis/Commission, C‑589/15 P, EU:C:2017:663, point 28 et jurisprudence citée).

116    Pour les raisons exposées aux points 87, 88 et 94 ci-dessus, le Tribunal estime que le respect par la Commission de son obligation de motivation doit être vérifié en prenant en compte les passages pertinents des avis du CCR de 2019 et de 2022.

117    Or, force est de constater que les motifs de la fixation, à l’article 2, paragraphe 3, sous c), du règlement attaqué, d’une valeur limite de 600 mg/kg de matière sèche de vanadium ressortent de la lecture combinée de ces deux avis d’une manière conforme à la jurisprudence citée au point 115 ci-dessus.

118    Ainsi, en premier lieu, dans son avis de 2022, le CCR renvoie à son avis de 2019 s’agissant des normes de qualité des sols de certains États membres. Or, il ressort du tableau 34 de celui-ci que sept États membres (République tchèque, Finlande, Slovaquie, Suède, Italie, Lituanie et Pays-Bas) disposent de normes de qualité des sols incluant des seuils de présence de vanadium dans les sols, avec une valeur médiane de 200 mg/kg de sol et de 125 mg/kg en ce qui concerne le premier quartile.

119    En deuxième lieu, dans son avis de 2019, le CCR a également mis en avant que certains États membres disposaient de normes impliquant une composition maximale de chrome et de vanadium dans les fertilisants. Il y est, en effet, souligné que des limites en vanadium font partie du cadre législatif en Finlande (400 mg/kg) ainsi qu’en Autriche (4 500 mg/kg).

120    En troisième lieu, il découle des points 17 et 18 ci-dessus que le CCR a explicité dans son avis de 2022 comment le seuil de vanadium a été déterminé, à savoir par une duplication des valeurs limites établies au titre de la CMC 13 s’agissant des matériaux d’oxydation thermique et dérivés et sur lesquelles porte son avis de 2019.

121    À cet égard, premièrement, il est souligné dans l’avis du CCR de 2019, tant en lien avec le chrome que le vanadium, que des taux d’application de 3 tonnes par hectare et par an étaient pris en compte dans son évaluation sur une période de 100 ans et sur la base d’une couche de mélange sol-fertilisant de 20 cm.

122    Deuxièmement, dans son avis de 2019, le CCR a examiné la question de la toxicité du vanadium figurant dans les scories d’acier pour les organismes du sol et de l’eau. Il y a notamment souligné, sur la base de trois études scientifiques, que la toxicité du vanadium pour les plantes avait principalement été étudiée en solution nutritive et la toxicité aiguë commençait entre 1 mg de vanadium et 5 mg de vanadium par litre. Il y était également fait mention de seuils de toxicité du vanadium dans le sol pour les plantes supérieures, variant de 18 mg à 510 mg de vanadium par kg avec une médiane de 91 mg de vanadium par kg dans cinq sols différents, sur la base de deux études scientifiques. Pour les organismes d’eau douce, l’avis du CCR de 2019 se référait à une PNEC de 1,2 μg de vanadium par litre sur la base d’une étude scientifique.

123    Troisièmement, dans son avis de 2019, le CCR a examiné la question de la libération de vanadium. Dans ce cadre, il a notamment mis en avant l’existence d’une mobilité du vanadium dans la matrice du sol et que son devenir dépendait de l’acidité du sol, des potentielles réactions d’oxydo-réduction qui se produisent et de la teneur en matière organique. Il a noté que, dans les sols non acides, le vanadium soluble existait principalement sous forme de vanadium (V) considéré comme plus nuisible pour le biote que le vanadium (IV). Il a également souligné que le ruissellement en surface des champs augmentait le risque de libération de vanadium vers les organismes aquatiques. Enfin, il s’est référé à un rapport de l’Institut national de la santé publique et de l’environnement des Pays-Bas qui avait conclu que l’ajout de 25 mg de vanadium par kg de sol était considéré comme un risque sérieux.

124    Quatrièmement, le CCR a motivé son choix de proposer un seuil de 600 mg/kg de matière sèche de vanadium au titre des matériaux d’oxydation thermique – dont les scories d’acier – tout d’abord, en retenant que la toxicité du vanadium pour les organismes du sol et de l’eau justifiait que soit prise en compte la valeur limite admissible de concentration de vanadium dans le sol de 125 mg/kg de sol, déduite des valeurs figurant dans certains États membres, ensuite, par la nécessité d’éviter les effets écotoxiques dus à la lixiviation du vanadium et, enfin, en substance, par le fait qu’un tel seuil n’aurait pas d’effet négatif sur la compétitivité des matériaux en question.

125    Au vu de ce qui précède, il doit être conclu que les motifs de la fixation à l’article 2, paragraphe 3, du règlement attaqué de la valeur limite de vanadium peuvent être déduit de l’avis du CCR de 2022 combiné à l’avis de 2019 auquel il renvoie.

126    Le premier grief de la requérante doit, partant, être rejeté.

c)      Sur le deuxième grief contestant le motif tiré d’un dépassement des normes de qualité des sols fixées par différents États membres

127    La requérante critique le motif tiré de ce qu’une utilisation prolongée et répétée de fertilisants calcaires de l’industrie sidérurgique pourrait entraîner une accumulation de chrome total et de vanadium dans les sols et conduire à un dépassement des normes de qualité des sols fixées par différents États membres.

128    Premièrement, elle reproche au CCR et, par voie de conséquence, à la Commission, de ne pas préciser les valeurs concrètes de chrome total et de vanadium des prétendues normes de qualité des sols auxquelles l’avis se réfère ainsi que les États membres concernés et les données scientifiques sur lesquelles reposent lesdites normes, de ne mentionner aucune exigence concrète en ce qui concerne les procédures d’échantillonnage et d’analyse qui doivent être appliquées en vertu des spécifications nationales des États membres et de ne pas avoir expliqué comment les analyses sont évaluées.

129    Deuxièmement, la requérante met en exergue que ce premier motif est présenté comme visant à protéger les sols en ce qui concerne l’accumulation par des éléments qui ne contribuent pas à améliorer l’efficacité agricole, mais que l’avis de CCR de 2022 ne mentionne pas de risques pour la santé humaine et l’environnement. Elle ajoute que les fertilisants calcaires – qui comportent de faibles doses de chrome et de vanadium – ont un effet positif sur l’efficacité agricole.

130    Troisièmement, la requérante soutient que ce motif ne fournit aucun élément établissant une certitude ou une probabilité que l’utilisation de fertilisants calcaires issus de l’industrie sidérurgique entraînerait un dépassement des prétendues normes de qualité des sols, notamment en raison de l’absence de valeur chiffrée desdites normes.

131    Quatrièmement, en s’appuyant sur le rapport d’expertise, la requérante souligne que, en Europe, les sols présentent dans certaines régions des taux de chrome et de vanadium d’origine naturelle supérieurs aux seuils pris en compte par le CCR.

132    La Commission conteste le bien-fondé de l’argumentation de la requérante.

133    Premièrement, le Tribunal relève que, dans le premier motif de l’avis du CCR de 2022, il est souligné que certains États membres disposaient de normes de qualité des sols pour le chrome total et le vanadium afin de protéger les sols contre la contamination par des éléments qui ne contribuent pas à augmenter l’efficacité agricole et que ces normes de qualité des sols peuvent être dépassées suite à une application à long terme de scories ferreuses sur leurs sols.

134    En outre, l’avis du CCR de 2019 contient une section portant sur les valeurs de contrôle des sols et concentrations limites acceptables des sols, portant sur la présence de certains contaminants dans les sols – dont le vanadium et le chrome – et les niveaux de risques qu’ils présentent. Y figure, notamment, un tableau fournissant les valeurs chiffrées des normes de qualité des sols en fonction de la quantité de contaminants dans différents États membres. Il en découle que 7 États membres, en ce qui concerne le vanadium, et 17 États membres, en ce qui concerne le chrome, les prennent en compte dans leurs normes de qualité des sols, soit au titre d’un « avertissement de risque » (« warning risk »), soit au titre d’un « risque potentiellement inacceptable » (« potentially unacceptable risk »).

135    Deuxièmement, il découle des points 57 et 59 ci-dessus que le règlement 2019/1009 a pour objectif de garantir un niveau élevé de protection de la santé et de l’environnement, objectif que la Commission se devait de prendre en compte à l’occasion de l’adoption du règlement attaqué.

136    Dans cette perspective, force est de constater que le fait qu’un nombre substantiel d’États membres disposent de normes de qualité des sols s’agissant de leur teneur en vanadium et en chrome, s’il ne liait pas la Commission dans son analyse des risques susceptibles d’être présentés par l’utilisation dans les fertilisants de sous-produits incluant du chrome et du vanadium, était néanmoins susceptible de constituer un indice quant à l’existence d’un risque pour la santé et l’environnement.

137    À cet égard et contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort d’une lecture combinée des avis du CCR de 2019 et de 2022 que les normes des États membres sont motivées par les risques que pourraient présenter des concentrations de vanadium ou de chrome pour la santé et l’environnement.

138    Troisièmement, c’est à tort que la requérante fait valoir que les avis du CCR incluraient un examen insuffisant de la fiabilité des normes des États membres auxquels ils se réfèrent. Il suffit, à cet égard, de souligner que le CCR a procédé à sa propre analyse des risques présentés par le vanadium et le chrome, de sorte que la mise en avant de normes nationales fixant des seuils de concentration de vanadium et de chrome constitue un indice additionnel que le CCR pouvait prendre en compte sans avoir à examiner la manière dont ces seuils ont été déterminés par les États membres.

139    Enfin, quatrièmement, la mise en exergue par la requérante, sur la base du rapport d’expertise qu’elle a avancé dans sa réplique, de la présence naturelle de chrome et de vanadium dans certaines régions de l’Union, dans des proportions supérieures à celle qui pourrait découler d’une application à long terme des scories ferreuses, n’est pas, non plus, convaincante. Ainsi que le souligne, en substance, la Commission, le fait que certains sols aient une teneur naturelle élevée en vanadium et en chrome n’ôte pas les risques potentiels que leur présence dans les sols présente, lesquels pourraient être aggravés par un accroissement de ladite présence en raison de l’utilisation des scories ferreuses.

140    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter ce deuxième grief.

d)      Sur le troisième grief, contestant le bien-fondé de la méthode utilisée pour déterminer l’accumulation de vanadium et de chrome dans les sols

141    La requérante soutient que l’hypothèse prise en compte par le CCR dans son avis de 2022 de 5 tonnes de fertilisants épandus par hectare et par an revêt un caractère manifestement erroné, dès lors qu’elle s’appuie sur un scénario irréaliste. Le volume maximum serait, tout au plus, d’une tonne de fertilisants épandue par hectare et par an. En réponse à une mesure d’organisation de la procédure adressée à la Commission, elle souligne que celle-ci retient une lecture erronée de l’étude à laquelle elle se réfère dans sa duplique – à savoir l’étude du Verband Deutscher Landwirtschaftlicher Untersuchungs- und Forschungsanstalten du 19 septembre 2000 (ci-après l’« étude VDLUFA ») – d’une part, en confondant décitonne et tonne et, d’autre part, en ne prenant pas en compte le fait que les données portaient sur un cycle de rotation des cultures et non sur une base annuelle. Il en découlerait que, en application du document même auquel la Commission se réfère, la quantité maximale de fertilisants à base de chaux utilisée serait au maximum 0,660 tonne par hectare par an.

142    La Commission admet que la référence, dans l’avis du CCR de 2022, à 5 tonnes de fertilisants épandus par hectare correspond à une erreur de plume, le chiffre exact étant de 3 tonnes, lequel ressort d’une lecture combinée de l’avis de 2022 et de celui de 2019.

143    Ainsi que cela a déjà été souligné aux points 120 à 122 ci-dessus, le CCR, dans son avis de 2022, a repris l’approche suivie dans son avis de 2019. Or, dans ce cadre, le CCR avait justifié l’application d’un taux d’épandage de 3 tonnes par hectare par an en mettant en exergue, essentiellement, deux considérations. D’une part, il a relevé la difficulté d’adopter un scénario unique pour les matières relevant de la CMC 13, en raison de leur diversité. D’autre part, le CCR a fait le choix de prendre en compte la « fourchette haute » des taux d’épandage possibles, dès lors qu’elle permet de prendre en compte des valeurs plus facilement disponibles et moyennes pour les concentrations dans les sols.

144    Cela a conduit le CCR à fixer trois niveaux d’épandage de 3, 5 et 20 tonnes par hectare et par an pour les matières relevant de la CMC 13 en appliquant aux « matériaux d’oxydation thermique et dérivés », dont relèvent les scories d’acier, le niveau le plus bas. À leur égard, le CCR a mis en exergue une étude scientifique portant sur une matière relevant des « matériaux d’oxydation thermique et dérivés », les cendres de bois, laquelle se référait à un épandage de 3 tonnes de cette matière par hectare et par an.

145    En premier lieu, il convient de relever que la Commission pouvait, sans commettre une erreur manifeste d’appréciation (voir points 81 et 82 ci-dessus), se fonder sur des études privilégiant un scénario d’utilisation intensive des fertilisants aux fins de déterminer la présence possible de chrome et de vanadium dans les sols. En application de la jurisprudence citée au point 86 ci-dessus, il n’en irait différemment que dans l’éventualité où la requérante apporterait des éléments de preuve privant de plausibilité le scénario pris en compte dans lesdites études.

146    En second lieu, il convient de relever que la requérante n’a pas avancé d’éléments de preuve portant explicitement sur le volume de fertilisants à base de scories ferreuses utilisé à des fins de chaulage. Aux fins de contester la plausibilité du scénario retenu par le CCR, elle conteste l’interprétation par la Commission de l’étude VDLUFA, à laquelle s’est référée cette dernière dans sa duplique et dont le contenu est constant entre les parties.

147    Or, force est de constater que cette étude ne permet pas de priver de plausibilité le scénario d’une utilisation de 3 tonnes de scories ferreuses par hectare et par an pris en compte par le CCR.

148    Premièrement, aux fins de contester la plausibilité du scénario retenu par la Commission, la requérante se réfère aux valeurs figurant dans le tableau 3 de l’étude VDLUFA relatif au seul « chaulage de conservation » qui, selon la définition fournie dans le tableau 2 de cette même étude, concerne des sols disposant de besoin en chaux – auquel l’étude se réfère en renvoyant à l’oxyde calcium (CaO) – faible et dans lesquelles la fertilisation à la chaux n’apportera pas ou peu d’augmentation de rendement.

149    Toutefois, il ressort de ce même tableau 2 de l’étude VDLUFA qu’existent deux hypothèses d’utilisation plus intensive des fertilisants à base de chaux, à savoir, d’une part, le chaulage de réhabilitation des sols, lequel vise à réajuster le pH de sols devenus trop acides, et d’autre part, le chaulage des sols, dont l’objectif est d’obtenir une augmentation du pH des sols.

150    Deuxièmement, même dans le cadre de la mise en œuvre d’un seul chaulage de conservation, certaines des valeurs figurant dans le tableau 3 de l’étude VDLUFA se rapprochent de celles prises en compte par le CCR. Ainsi s’agissant du chaulage de conservation de certains sols argileux, il est prévu une utilisation allant jusqu’à 2 tonnes de calcaires par hectare, soit en application de coefficients de neutralisation de 0,5 à 0,45 des scories ferreuses – constants entre les parties – entre 4 et 4,5 tonnes de celles-ci. Même si ce taux est susceptible de varier selon le cycle des cultures en question, il peut aboutir à des résultats qui ne sont pas sans commune mesure avec le taux d’épandage de 3 tonnes de scories ferreuses par an retenu par le CCR.

151    Troisièmement, ainsi que l’a relevé la Commission lors de l’audience, la quantité maximale d’épandage de chaux envisagée dans la conclusion de l’étude VDLUFA est de 9 tonnes par hectare pour les sols lourds, ce qui pourrait correspondre à des volumes allant de 18 à 20 tonnes de scories ferreuses par hectare, en application des coefficients de neutralisation de 0,5 à 0,45 mentionnés au point 150 ci-dessus.

152    Au vu de ce qui précède, même dans l’éventualité où la Commission aurait procédé à une lecture erronée de l’étude VDLUFA dans sa duplique, celle-ci ne serait pas révélatrice d’une illégalité du règlement attaqué. En effet, l’examen de cette étude ne permet pas de conclure que la Commission, dans le règlement attaqué, en se fondant sur les avis du CCR, lesquels ont pris comme base d’utilisation d’un taux de 3 tonnes de scories ferreuses par hectare et par an, aurait dépassé les limites de son large pouvoir d’appréciation. Le présent grief doit, partant, être rejeté.

e)      Sur le quatrième grief contestant le bien-fondé du motif tiré du risque que présenteraient le vanadium et le chrome contenus dans les scories ferreuses pour les organismes du sol et de l’eau

153    La requérante conteste le bien-fondé des appréciations du CCR portant sur le risque que présenteraient le vanadium et le chrome contenus dans les scories ferreuses. Son argumentation peut être divisée en deux séries de critiques dirigées à l’encontre des appréciations portant, d’une part, sur la détermination du PNEC, à savoir le degré de concentration de chrome (III) et de vanadium à partir duquel des effets toxiques pourraient se produire pour les organismes du sol et de l’eau et, d’autre part, sur l’assimilation du chrome (III) et du vanadium issus des scories ferreuses par les organismes du sol et de l’eau.

154    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

1)      Sur le bien-fondé de la détermination des PNEC du vanadium et du chrome (III)

155    Il ressort de la lecture combinée des avis du CCR de 2022 et de 2019 que celui-ci a retenu, s’agissant du chrome (III), des PNEC de 4,7 μg/L pour les organismes de l’eau et de 3,2 mg Cr/kg pour les organismes du sol. S’agissant du vanadium, il ressort du point 123 ci-dessus que le CCR a examiné la question de la toxicité du vanadium pour les organismes du sol et de l’eau.

156    À l’encontre de cette analyse, la requérante avance essentiellement deux arguments portant sur le chrome (III). D’une part, elle estime qu’il est erroné d’étendre aux organismes du sol le raisonnement appliqué aux organismes de l’eau, sans fournir de preuve ou d’indice pour justifier une telle extension. D’autre part, elle met en avant une différence d’approche entre l’avis du CCR de 2022 et une note au dossier de la Commission du 23 novembre 2016 portant sur la limitation du chrome total dans les fertilisants. S’agissant du vanadium, elle fait valoir que le CCR mentionne seulement une PNEC pour les organismes de l’eau et que les hypothèses retenues pour les organismes du sol ne sont pas étayées.

157    De tels arguments ne sauraient prospérer.

158    Premièrement, s’agissant de l’extension aux organismes du sol de l’analyse de la toxicité du chrome (III) pour les organismes de l’eau, il convient de relever que celle-ci peut se justifier dans un contexte d’incertitude scientifique, la requérante admettant elle-même qu’il n’existe pas de données toxicologiques directes pour les organismes du sol.

159    Deuxièmement, c’est à tort que la requérante allègue l’existence d’une différence d’approche entre la note au dossier de 2016 de la Commission et l’avis du CCR de 2022 s’agissant de la PNEC pour les organismes du sol. En effet, le seuil retenu de 3,2 Cr/kg s’apparente à celui de fourchette basse figurant dans ladite note au dossier de 2016.

160    Troisièmement, il découle du passage de l’avis du CCR de 2019 rappelé au point 123 ci-dessus que celui-ci a examiné la toxicité du vanadium tant pour les organismes du sol que pour les organismes de l’eau en mentionnant les différents seuils pour les organismes du sol et pour les organismes de l’eau explicités dans les études scientifiques pertinentes.

161    Les critiques dirigées à l’encontre de la définition des PNEC du vanadium et du chrome (III) doivent, partant, être rejetées.

2)      Sur le bien-fondé des appréciations portant sur l’assimilation du vanadium et du chrome (III) issus des scories ferreuses

162    La requérante conteste le bien-fondé des appréciations figurant dans les avis du CCR s’agissant de l’assimilation du vanadium et du chrome (III) par les organismes de l’eau et du sol. Au soutien de son argumentation, elle invoque plusieurs études et articles scientifiques. Outre la note au dossier de la Commission de 2016 déjà mentionnée aux points 156 et 159 ci-dessus, elle se réfère à un rapport de la Commission de 2016 portant sur l’impact de l’application à long terme des scories ferreuses sur la fertilité des sols, les rendements des cultures et la santé des plantes (ci-après l’« étude Algermissen de 2016 »), à un rapport de la Commission de 2006 portant sur l’utilisation des scories de haut fourneau et d’acier comme agent de chaulage (ci-après l’« étude Kühn de 2006 »), à un article de Dohlen et Steinweg, portant sur l’utilisation des scories d’acier dans les matériaux de construction, publié dans la revue « Bodenschutz » en 2018 (ci-après l’« article Dohlen de 2018 »), à un rapport d’évaluation des risques de la Commission de 2005 portant sur le trioxyde de chrome, chromate de sodium, dichromate de sodium, dichromate d’ammonium, dichromate de potassium (ci-après le « rapport d’évaluation des risques de 2005 »), à un article de Jochims et Bialucha publié par le FehS-Institute en 2019 (ci-après l’« article Jochims de 2019 ») ainsi qu’à un article de Gustafsson publié dans « Applied Geochemistry » en 2019 (ci-après l’« article Gustafsson de 2019 »).

163    Essentiellement, les avis du CCR de 2019 et de 2022 soulignent que, si l’adsorption par la matrice du sol limite la lixiviation du vanadium et du chrome des scories ferreuses, les données scientifiques portant sur l’adsorption du chrome et de vanadium n’excluaient pas qu’une faible partie de ceux-ci se diffusent dans les sols et les eaux et soient biodisponibles. Au regard de la quantité importante de vanadium (54 mg/kg jusqu’à 2,6 %) et de chrome (III) (250 mg/kg jusqu’à 2 à 3 %) contenue dans les scories ferreuses, il a été retenu que même la diffusion d’une faible partie du vanadium et du chrome (III) était susceptible de dépasser les PNEC.

164    En premier lieu, il y a lieu de relever que les avis du CCR de 2019 et de 2022 sont fondés sur une analyse exhaustive des études pertinentes et les données scientifiques les plus récentes conformément à l’article 42, paragraphe 7, du règlement 2019/1009. C’est le cas, notamment, des études Kühn de 2006 et Algermissen de 2016 et du rapport d’évaluation des risques de 2005, auxquels la requérante se réfère, lesquels sont envisagés par le CCR dans son avis de 2019 avec la question de la lixiviation du chrome (III).

165    À cet égard et pour autant que la requérante conteste, en se fondant sur le rapport d’expertise, la pertinence de certaines des études scientifiques sur lesquelles le CCR s’est fondé à l’occasion de l’élaboration des avis de 2019 et de 2022, au motif qu’elles reposeraient sur des résultats obtenus en laboratoires plutôt qu’en milieu naturel ou revêtiraient un caractère théorique, il convient de relever que le choix de ces études relève de la large marge d’appréciation dans l’évaluation d’études scientifiques, rappelée au point 82 ci-dessus.

166    En outre, il convient de relever que les différentes études et articles scientifiques avancés par la requérante ne permettent pas de démontrer que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en suivant les préconisations figurant dans les avis du CCR de 2019 et de 2022.

167    Premièrement, les études scientifiques auxquelles se réfère la requérante n’excluent pas la possibilité d’une diffusion du vanadium et du chrome contenus dans les fertilisants à base de scories ferreuses.

168    Ainsi, si l’étude Algermissen de 2016 met effectivement en avant la faible probabilité d’une diffusion du chrome et du vanadium contenus dans les scories ferreuses, elle rappelle néanmoins que la « présence de [chrome] et de [vanadium] dans la scorie est particulièrement préoccupante, car les processus dans le sol ne sont pas encore suffisamment étudiés », ainsi que le CCR l’a mis en exergue dans son avis de 2022. De même, l’étude Kühn de 2006 a observé une augmentation du vanadium et du chrome à la suite de l’utilisation de fertilisants à base de scorie d’acier, tout au moins sur des prairies ne faisant pas l’objet de labourage. En outre, le passage de la note au dossier de la Commission de 2016 auquel la requérante se réfère met en exergue la lenteur de la diffusion du chrome présent dans les fertilisants, mais ne l’exclut pas. Enfin, contrairement à ce que semble soutenir la requérante, le rapport d’évaluation des risques de 2005 n’exclut pas une toxicité du chrome (III) pour les organismes du sol ou de l’eau.

169    Deuxièmement, s’agissant des articles de revue auxquels la requérante se réfère, il convient de relever que leur force probante doit être considérée comme étant moindre que celle des études mentionnées aux points 164 et 168 ci-dessus.

170    En application d’une jurisprudence constante, l’appréciation de la valeur probante des preuves régulièrement produites est soumise au principe de leur libre appréciation par le juge et a pour seul critère pertinent leur crédibilité. En outre, pour apprécier la valeur probante d’un document, il convient de vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue et de tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et de se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (voir arrêt du 16 mai 2019, GMPO/Commission, T‑733/17, EU:T:2019:334, point 60 et jurisprudence citée).

171    Les études mentionnées aux points 164 et 168 ci-dessus ont été élaborées dans un cadre laissant supposer une rigueur et une fiabilité de l’analyse scientifique – par ou pour le compte de la Commission au titre d’un programme de recherche, ce qui est le cas des études Kühn de 2006 et Algermissen de 2016 – ou à l’occasion de l’évaluation de propositions techniques, comme l’ont été les avis du CCR de 2019 et de 2022 ainsi que son rapport d’évaluation des risques de 2005. S’agissant des études scientifiques ne s’inscrivant pas dans un contexte analogue, il appartient à la partie qui s’en prévaut de fournir des informations permettant d’évaluer la rigueur scientifique de ces publications et, partant, leur force probante (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 24 octobre 2018, Deza/Commission, T‑400/17, non publié, EU:T:2018:712, point 57). Or, force est de constater que la requérante n’a fourni aucun élément en ce sens concernant les articles Dohlen de 2018, Jochims de 2019 et Gustafsson de 2019. En toute hypothèse, il convient de relever que, s’agissant du chrome (III), il ressort de la présentation de la requérante elle-même que l’article Dohlen de 2018 n’exclut pas sa biodisponibilité. S’agissant du vanadium, il en va de même de l’article Gustafsson de 2019, lequel souligne le caractère limité de la connaissance de sa géochimie dans la biogéosphère.

172    En second lieu, ainsi que cela a déjà été souligné au point 66 ci-dessus, le principe de précaution implique que, lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à la portée de risques, notamment pour l’environnement, des mesures de protection puissent être prises sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées.

173    Dans ces conditions et par voie de conséquence, au vu de l’importance des quantités de vanadium et de chrome contenues dans les scories ferreuses, la Commission pouvait, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, prendre en compte l’éventualité d’une diffusion de ceux-ci à des niveaux dépassant les PNEC, aux fins d’établir les valeurs limites figurant à l’article 2, paragraphe 3, sous a) et c), du règlement attaqué.

174    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent grief.

f)      Sur le cinquième grief, contestant le bien-fondé du motif tiré du risque pour la santé humaine que représenterait la transformation du chrome (III) en chrome (VI)

175    La requérante soutient en substance que l’éventualité d’une transformation du chrome (III) en chrome (VI) n’a pas été démontrée à suffisance de droit. Premièrement, elle remet en cause la pertinence des deux articles auxquels le CCR renvoie, à savoir un article de Pillay, von Blottnitz et Petersen portant sur l’évolution des scories contenant du chrome (III) et publié dans la revue « Chemosphere » en 2003 et un article de Li, Liu, Wang et Gao portant sur la disponibilité du chrome libéré par les scories issues de la décarburation à l’argon et à l’oxygène, et publié dans la revue « Enrivon Monit Assess » en 2017 (ci-après l’« article Li de 2017 »), au motif que les études en question ont été conduites en laboratoire. Elle se réfère à deux autres articles – celui de Cheremisina et Schenk, portant sur la stabilité du chrome dans les scories d’acier, publié dans la revue « steel research international » en 2017 (ci-après l’« article Cheremisina de 2017 ») et un article de Welp, Kim et Brümmer, portant sur la mobilité et la toxicité du chrome (III) et du chrome (VI) dans les sols, publié dans « Schriftenreihe der Forschungsgemeinschaft Eisenhüttenschlacken » en 2001 – qui, selon elle, attesteraient de ce que les scories ferreuses calcaires ne contiendraient quasiment pas de chrome (VI), mais presque exclusivement du chrome (III), et que le chrome (VI) ne peut pas se former à partir du chrome (III) dans des conditions d’utilisation réelles. Deuxièmement, elle rappelle que la Commission partageait son analyse dans sa note au dossier de 2016 et que le CCR lui-même admet ne pas posséder de connaissances quant à l’éventuel processus de transformation du chrome (III) en chrome (VI). Troisièmement, elle réitère que le chrome (III) est faiblement biodisponible en raison, notamment, de son adsorption importante.

176    La Commission conteste cette argumentation.

177    Il convient de relever que, essentiellement, le CCR a observé, dans le cadre de son motif tiré du risque de transformation du chrome (III) en chrome (VI), que les scories ferreuses contenaient de fortes proportions de chrome (III), très supérieures à la valeur limite établie pour le chrome (VI) dans l’annexe I du règlement 2019/1009. Il a relevé que le chrome (III) était susceptible par oxydation de se transformer en chrome (VI), lequel présente des risques importants pour la santé humaine. Il a souligné que des essais en laboratoire avaient montré une importante transformation du chrome (III) en chrome (VI), même s’il existait des incertitudes quant à la question de savoir si ce phénomène a également lieu sur le terrain.

178    En premier lieu, le Tribunal relève que deux aspects du raisonnement du CCR ne sont pas contestés par la requérante, à savoir, d’une part, le fait que le chrome (VI) présente un risque élevé pour la santé humaine et, d’autre part, l’importance des quantités de chrome présentes dans les scories ferreuses.

179    En deuxième lieu et par voie de conséquence, seule est en cause l’éventualité qu’une transformation du chrome (III) en chrome (VI) ait lieu dans un milieu naturel.

180    En troisième lieu, s’agissant de la remise en cause de la pertinence de l’article Li de 2017 et de l’article de Pillay e.a. de 2003 sur lesquels s’est appuyé le CCR, au motif qu’ils se fonderaient sur des résultats obtenus en laboratoire et non en milieu naturel, celle-ci n’apparaît pas convaincante pour des motifs analogues à ceux explicités aux points 165 et 166 ci-dessus. À cet égard, il peut être observé que l’article Cheremisina de 2017 avancé par la requérante ne s’apparente pas non plus à un examen exact de la transformation du chrome (III) en chrome (VI) en milieu naturel, mais se fonde sur une simulation à l’aide d’un logiciel et porte essentiellement sur la création de chrome (VI) lors du processus de refroidissement des scories ferreuses.

181    En quatrième lieu, force est de constater qu’il pourrait ressortir de la lecture de certains passages des études discutées par les parties un constat d’incertitude scientifique. Ainsi, selon l’article Li de 2017 auquel l’avis du CCR de 2022 renvoie, « [l]a fonction de vieillissement de la scorie [issue du raffinage de l’acier inoxydable] pourrait entraîner l’oxydation du Cr (III) en Cr (VI) pendant le processus de stockage, et une certaine quantité de Cr (VI) pourrait être lessivée sous l’effet de l’eau de pluie. Le Cr (III) lessivé dans le sol et les plans d’eau pourrait être davantage oxydé en Cr (VI) dans l’environnement naturel, entraînant ainsi des conséquences environnementales graves ». Au contraire, l’article Cheremisina de 2017 retient que « le chrome hexavalent ne peut pas être formé dans des conditions de fonctionnement réelles. La probabilité et le risque de formation d’espèces de chrome dangereuses dans les scories réelles du point de vue thermodynamique, en utilisant [le logiciel] comme outil et en considérant diverses façons possibles de sa création, n’ont pas été trouvés ».

182    Dans ce contexte, il convient de relever que le CCR a procédé à un examen exhaustif des études scientifiques pertinentes, y compris l’article Cheremisina de 2017 mentionné par la requérante. Cela l’a conduit à mettre en balance le caractère peu probable d’une transformation du chrome (III) en chrome (VI) avec les dangers avérés pour la santé humaine d’une telle transformation, lorsqu’elle se réalise.

183    À cet égard, il ressort de la jurisprudence citée au point 71 ci-dessus que, si une approche purement hypothétique du risque, fondée sur de simples suppositions scientifiquement non encore vérifiées, ne saurait relever d’une application correcte du principe de précaution, l’évaluation scientifique des risques ne doit pas obligatoirement fournir aux institutions des preuves scientifiques concluantes de la réalité du risque et de la gravité des effets adverses potentiels en cas de réalisation de ce risque.

184    Or, au vu tant de la dangerosité du chrome (VI) que de l’importance de la quantité de chrome (III) dans les scories ferreuses, il ne saurait être considéré que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en se fondant sur la conclusion du CCR selon laquelle, si, dans « des conditions de sol normales, la transformation du Cr (III) en Cr (VI) semble peu probable […], il faut tenir compte du fait que pour les scories d’acier contenant des concentrations de Cr(total) dépassant la valeur limite proposée de 400 mg/kg, même de légères transformations peuvent induire des risques de Cr (VI) qui peuvent être inacceptables pour l’environnement et la santé humaine ».

185    Enfin, s’agissant du fait allégué par la requérante que la Commission, dans sa note au dossier de 2016, a retenu que « la réaction d’oxydation du Cr (III) en Cr (VI) [était] possible uniquement lorsque des conditions très particulières se produisent dans les sols » et que « dans des conditions de sol normales, la transformation du Cr (III) en Cr (VI) sembl[ait] très peu probable », elle n’est pas, non plus, à même de démontrer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en suivant les préconisations du CCR. En effet, ladite note privilégiait seulement un équilibre différent entre, d’un côté, la faible probabilité d’une telle transformation et, d’un autre côté, les dangers élevés pour la santé humaine qui pourraient se produire en cas de transformation. À la suite des avis du CCR, la Commission pouvait légitimement changer d’approche.

186    Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le cinquième grief et, par voie de conséquence, le présent moyen.

3.      Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité 

187    Dans le cadre de son cinquième moyen, la requérante rappelle que la Commission avait elle-même, dans sa note au dossier de 2016, retenu que la fixation d’une valeur limite de chrome total aurait pour effet d’exclure les fertilisants calcaires de l’industrie sidérurgique du marché intérieur des fertilisants UE et revêtirait un caractère disproportionné. Elle estime que tel est le cas de l’article 2, paragraphe 3, sous a) et c), du règlement attaqué. Dans ce cadre, elle reproche à la Commission d’avoir pris en compte l’existence de seuils de chrome et de vanadium dans certains États membres seulement, alors que ceux-ci n’existent pas dans la majorité des États membres, et de ne pas avoir pris en compte les répercussions négatives d’une telle exclusion pour la protection de la santé et de l’environnement, à l’égard des exigences de préservation des ressources et de prévention des déchets, sur l’intérêt général à un approvisionnement sûr et bon marché et sur les intérêts des producteurs et distributeurs de fertilisants.

188    La Commission soutient que le présent moyen encourt le rejet.

189    Le principe de proportionnalité, rappelé à l’article 5, paragraphe 4, TUE, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, EU:C:1984:183, point 25), étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés [arrêt du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C‑611/17, EU:C:2019:332, point 55].

190    Le respect du principe de proportionnalité par une mesure inclut, ainsi, trois composantes. La première composante porte sur son caractère approprié, à savoir son aptitude à réaliser l’objectif légitime poursuivi. La deuxième composante concerne sa nécessité et implique que ledit objectif légitime ne puisse être atteint par des moyens moins contraignants, mais tout aussi appropriés (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2013, Dansk Jurist- og Økonomforbund, C‑546/11, EU:C:2013:603, point 69). Enfin, la troisième composante, parfois qualifiée de « proportionnalité au sens strict », porte sur son caractère proportionné, à savoir l’absence d’inconvénients démesurés par rapport aux buts visés (voir, en ce sens, arrêts du 7 mars 2013, Pologne/Commission, T‑370/11, EU:T:2013:113, point 89, et du 26 septembre 2014, Romonta/Commission, T‑614/13, EU:T:2014:835, point 74).

191    En outre, il convient de relever que le contrôle juridictionnel de la proportionnalité de l’article 2, paragraphe 3, sous a) et c), du règlement attaqué doit se concilier avec le pouvoir d’appréciation dont la Commission jouit en application de la jurisprudence citée au point 81 ci-dessus.

192    En premier lieu, pour autant que la requérante critique la prise en compte par la Commission de seuils de teneur maximale en chrome et en vanadium figurant dans la législation de certains États membres, elle conteste, en tant que tel, le caractère approprié des valeurs limites figurant à l’article 2, paragraphe 3, sous a) et c), du règlement attaqué, c’est-à-dire leur aptitude à atteindre l’objectif de protection la santé et de l’environnement ressortant tant du règlement 2019/1009 que du considérant 9 du règlement attaqué. À cet égard, il convient de souligner qu’une telle contestation se confond avec celle figurant dans le deuxième moyen. Elle encourt, partant, d’emblée le rejet, dès lors qu’il découle de l’examen de ce moyen que la Commission n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en retenant que la présence de chrome et de vanadium dans les scories ferreuses pourrait présenter des effets potentiellement négatifs pour la santé et l’environnement en cas de dépassement des valeurs limites fixées dans le règlement attaqué.

193    Il en va de même de la référence par la requérante à l’appréciation figurant dans la note au dossier de la Commission de 2016 sur la proportionnalité de la fixation de valeurs limites de chrome, laquelle, ainsi que cela a déjà été exposé au point 185 ci-dessus, est antérieure aux avis du CCR de 2019 et de 2022 sur lesquels la Commission s’est fondée (voir les points 87, 88, et 94 ci-dessus) pour fixer les valeurs limites figurant à l’article 2, paragraphe 3, sous a) et c), du règlement attaqué.

194    En deuxième lieu, il convient de relever que la requérante n’avance pas d’alternative moins contraignante, mais tout aussi appropriée, que la fixation des valeurs limites figurant à l’article 2, paragraphe 3, sous a) et c), du règlement attaqué. Il en découle qu’elle ne remet pas en cause, en tant que telle, la nécessité desdites valeurs au sens de la jurisprudence citée au point 190 ci-dessus.

195    En troisième lieu, l’argumentation de la requérante repose essentiellement sur la mise en exergue des effets négatifs de la fixation desdites valeurs au regard d’autres objectifs, à savoir la protection de l’environnement en raison de l’utilisation de calcaire naturel plutôt que des scories ferreuses, l’approvisionnement en engrais de l’Union ainsi que la protection des intérêts économiques des producteurs et des distributeurs de fertilisants calcaires de l’industrie sidérurgique. Une telle argumentation, pour les raisons exposées au point 190 ci-dessus, relève de l’examen de la « proportionnalité au sens strict ».

196    Premièrement, s’agissant de l’argument tiré du caractère disproportionné de l’article 2, paragraphe 3, sous a) et c), du règlement attaqué au regard des inconvénients pour les producteurs et des distributeurs de fertilisants calcaires de l’industrie sidérurgique, il y a lieu, tout d’abord, de rappeler que, par sa nature même, le principe de précaution permet de faire prévaloir les exigences liées à la protection de la santé publique, la sécurité et l’environnement sur les intérêts économiques (voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2021, FMC/Commission, T‑719/17, EU:T:2021:143, point 62 et jurisprudence citée).

197    Ensuite, il convient de relever que la requérante dénature l’ampleur des inconvénients causés par l’article 2, paragraphe 3, sous a) et c), du règlement attaqué, lorsqu’elle se réfère à une violation du principe de proportionnalité « du fait de l’interdiction des calcaires siliceux de l’industrie sidérurgique » et qu’elle soutient que ces valeurs limites « excluent les calcaires siliceux de l’industrie sidérurgique de la législation en matière de fertilisants UE ».

198    D’une part, il n’y a pas d’« interdiction » des engrais dont le contenu dépasserait les valeurs limites fixées à l’article 2, paragraphe 3, sous a) et c), du règlement attaqué. Certes, ainsi que cela a été souligné aux points 30 à 32 ci-dessus, un tel engrais ne peut bénéficier d’une libre circulation facilitée au sein de l’Union en application de l’article 3, paragraphe 1, du règlement 2019/1009. Toutefois, il demeure loisible de le commercialiser, sans le label « CE » et sous réserve du respect de la législation pertinente des États membres, ledit règlement n’étant à l’origine que d’une harmonisation facultative (voir son considérant 5). À cet égard, il convient de relever que si, pour les motifs exposés aux points 30 à 33 ci-dessus, cette circonstance n’empêche pas que le règlement attaqué produise des effets sur la situation juridique des membres de la requérante, elle est, en revanche, pertinente pour l’examen de son caractère proportionné, dès lors qu’elle concerne l’ampleur des inconvénients causés par le règlement attaqué.

199    D’autre part, l’ampleur des inconvénients causés est d’autant plus réduite que l’article 2, paragraphe 3, sous a) et c), du règlement attaqué fixe les valeurs limites au niveau du fertilisant et non du sous-produit, c’est-à-dire des scories ferreuses. Il en résulte que des scories disposant de teneurs en chrome ou vanadium supérieures à ces valeurs peuvent être utilisées dans des fertilisants relevant du règlement 2019/1009, dès lors que le fertilisant lui-même respecte lesdites valeurs. C’est, dès lors, à juste titre que la Commission fait valoir qu’une dilution des scories ferreuses dans le fertilisant permet un respect des valeurs limites fixées audit article 2, paragraphe 3.

200    À cet égard, l’argumentation contraire de la requérante n’est pas convaincante. Elle se limite à souligner, sans davantage étayer ce point, que la dilution des concentrations de chrome et de vanadium par mélanges avec d’autres substances est exclue, car cela ferait perdre les propriétés fertilisantes des scories ferreuses. Cette affirmation est, en outre, contredite par la requérante elle-même lorsqu’elle souligne le coût environnemental de l’extraction de calcaire naturel. Il en découle, en effet, qu’il est possible d’obtenir d’autres sources d’intrants disposant de propriétés fertilisantes, mais d’une concentration plus faible en vanadium et en chrome, lesquelles pourraient être utilisées conjointement avec les scories ferreuses aux fins d’obtenir un fertilisant conforme aux valeurs limites figurant à l’article 2, paragraphe 3, sous a) et c), du règlement attaqué.

201    Deuxièmement, les autres impératifs mis en exergue par la requérante ne sont pas, non plus, de nature à démontrer le caractère manifestement disproportionné de l’article 2, paragraphe 3, sous a) et c), du règlement attaqué.

202    En effet, il n’apparaît pas que la mise en balance entre, d’une part, le risque que peut présenter le chrome et le vanadium présents dans les scories ferreuses et, d’autre part, les incidences négatives pour l’environnement de l’extraction de calcaire naturel et la nécessité de recycler les scories ferreuses non utilisées, ou encore les besoins en engrais de l’Union, outrepasse les limites du pouvoir d’appréciation de la Commission rappelé aux points 81 et 191 ci-dessus.

203    Partant, il convient de rejeter le cinquième moyen.

4.      Sur le troisième moyen, tiré de la violation l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce, et sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de sécurité juridique

204    Dans le cadre de son troisième moyen, la requérante rappelle que les institutions de l’Union ont l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce. Elle en déduit que la Commission a violé le principe de la procédure inquisitoire en n’examinant pas de manière suffisante et complète les données scientifiques les plus récentes pour les motifs exposés dans le cadre du deuxième moyen. Dans sa réplique, elle ajoute, en substance, que la Commission, en se fondant sur le seul avis du CCR de 2022, méconnaît précisément son obligation de prendre en compte l’ensemble des circonstances pertinentes de l’espèce.

205    Au titre de son quatrième moyen, la requérante soutient que l’adoption du règlement attaqué a été effectuée en violation du principe de sécurité juridique à deux égards, à savoir, d’une part, dès lors que la fixation des valeurs limites de chrome total et de vanadium dépasse l’habilitation figurant à l’article 42, paragraphe 7, du règlement 2019/1009 pour les motifs exposés dans le cadre du premier moyen et, d’autre part, dès lors que lesdites valeurs ne correspondent pas aux « pratiques actuelles de fabrication, des évolutions technologiques et des données scientifiques les plus récentes » visées audit article 42, paragraphe 7, du règlement 2019/1009, pour les motifs exposés dans le deuxième moyen et en raison de la fixation d’une valeur limite de chrome (VI) par l’annexe I, partie II, PFC 2, point 2, sous b), du règlement 2019/1009. La requérante fait également valoir, en substance, que le règlement 2019/1009 était susceptible de faire naître une confiance légitime.

206    Dans sa réplique, la requérante soutient que ces deux moyens sont recevables, dès lors qu’ils concernent la violation de normes juridiques différentes de celles avancées dans le cadre des premier et deuxième moyens.

207    La Commission estime que le troisième moyen est irrecevable, dès lors qu’il manque de clarté et ne revêt pas un caractère autonome. En toute hypothèse, il devrait être rejeté comme non fondé.

208    La Commission soutient également que le quatrième moyen est irrecevable, dès lors qu’il constitue une simple réitération des premier et deuxième moyens et ne contient aucune observation sur la manière dont le principe de sécurité juridique aurait pu être violé en l’espèce. Il serait, en toute hypothèse, dénué de fondement pour des motifs analogues à ceux exposés en réponse aux premier et deuxième moyens.

209    Le Tribunal relève que ces deux moyens doivent être rejetés comme étant, en tout état de cause, non fondés, sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur recevabilité, contestée par la Commission.

210    S’agissant du troisième moyen, il suffit de rappeler, premièrement, qu’il découle du considérant 2 du règlement attaqué que la Commission a « chargé son [CCR] de rendre un avis scientifique », deuxièmement, que, pour les raisons déjà exposées aux points 87, 88 et 94 ci-dessus, les avis du CCR de 2019 et de 2022 font partie du contexte dans lequel s’inscrit le règlement attaqué et, troisièmement, qu’il a été retenu au point 164 ci-dessus que le CCR s’est fondé sur une analyse exhaustive des études pertinentes et des données scientifiques les plus récentes conformément à l’article 42, paragraphe 7, du règlement 2019/1009. Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir manqué à son obligation d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce.

211    S’agissant du quatrième moyen, force est de constater que l’allégation d’une violation du principe de sécurité juridique s’appuie sur la critique d’une méconnaissance par la Commission de l’article 42, paragraphe 7, du règlement 2019/1009 au motif, d’une part, que les critères « relatifs à l’efficacité et à la sécurité agronomiques » n’incluraient pas la prise en compte de la protection de l’environnement et, d’autre part, que l’article 2, paragraphe 3, sous a) et c), du règlement attaqué ne tiendrait pas compte des données scientifiques les plus récentes. Or, l’argumentation en ce sens de la requérante a déjà été examinée et rejetée au titre de ses deux premiers moyens. Pour des raisons analogues, l’allégation d’une violation du principe de protection de la confiance légitime doit d’emblée être rejetée, le règlement 2019/1009 n’ayant pas le sens que lui attribue la requérante.

5.      Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, et sur le septième moyen, tiré, en substance, d’une inexactitude des motifs du règlement attaqué 

212    Dans le cadre de son sixième moyen, la requérante estime que la fixation des valeurs limites de chrome total et de vanadium n’est pas motivée à suffisance de droit, dès lors que les justifications y figurant ainsi que celles présentes dans l’avis du CCR de 2022 se réfèrent exclusivement à la protection de la santé et de l’environnement plutôt qu’aux critères figurant à l’article 42, paragraphe 7, du règlement 2019/1009. Dans sa réplique, elle met en exergue l’importance de l’obligation de motivation et soutient que le renvoi à l’avis du CCR de 2022 par les considérants 2 et 9 du règlement attaqué est insuffisant.

213    Par son septième moyen, la requérante fait valoir, en substance, que les motifs du règlement attaqué ne sont pas seulement entachés d’une violation de l’obligation de motivation, mais sont également inexacts.

214    La Commission estime que ces deux moyens doivent être rejetés.

215    Le Tribunal relève que, pour autant que la requérante critique une insuffisance de motivation, son argumentation ne saurait prospérer. D’une part, pour les raisons exposées aux points 87, 88, 94 et 116 ci-dessus, les avis du CCR de 2019 et de 2022 font partie du contexte dans lequel s’inscrit le règlement attaqué. D’autre part, il ressort à la fois des différents moyens avancés par la requérante et de leur examen que celle-ci a été en mesure de comprendre les justifications de la fixation des valeurs limites figurant à l’article 2, paragraphe 3, sous a) et c), du règlement attaqué et le Tribunal d’exercer son contrôle conformément à la jurisprudence citée au point 115 ci-dessus.

216    En outre, pour autant que la requérante conteste le bien-fondé des motifs sur lesquels la Commission s’est appuyée, il suffit de souligner qu’elle n’a pas été à même de démontrer, au titre de ses premier, deuxième et cinquième moyens, que ceux-ci étaient entachés d’illégalité.

217    Il convient, partant, de rejeter les sixième et septième moyens et, par voie de conséquence, le recours dans son intégralité.

IV.    Sur les dépens

218    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Fachverband Eisenhüttenschlacken eV est condamnée aux dépens.

Schalin

Nõmm

Steinfatt

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 septembre 2024.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Règlement attaqué

B. Avis scientifiques du CCR

II. Conclusions des parties

III. En droit

A. Sur la recevabilité

B. Sur le fond

1. Sur le premier moyen, tiré, en substance, d’un détournement de pouvoir et d’un dépassement de l’habilitation conférée par le règlement 2019/1009 à la Commission

2. Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe de précaution et de l’article 42, paragraphe 7, deuxième phrase, du règlement 2019/1009

a) Considérations liminaires

1) Sur les principes juridiques pertinents

2) Sur l’étendue du contrôle juridictionnel du Tribunal

3) Sur les avis scientifiques du CCR

4) Sur la recevabilité d’une annexe à la réplique

5) Sur l’argumentation de la requérante

b) Sur le premier grief, tiré en substance d’une insuffisance de motivation s’agissant de la fixation de la valeur limite de vanadium figurant à l’article 2, paragraphe 3, sous c), du règlement attaqué

c) Sur le deuxième grief contestant le motif tiré d’un dépassement des normes de qualité des sols fixées par différents États membres

d) Sur le troisième grief, contestant le bien-fondé de la méthode utilisée pour déterminer l’accumulation de vanadium et de chrome dans les sols

e) Sur le quatrième grief contestant le bien-fondé du motif tiré du risque que présenteraient le vanadium et le chrome contenus dans les scories ferreuses pour les organismes du sol et de l’eau

1) Sur le bien-fondé de la détermination des PNEC du vanadium et du chrome (III)

2) Sur le bien-fondé des appréciations portant sur l’assimilation du vanadium et du chrome (III) issus des scories ferreuses

f) Sur le cinquième grief, contestant le bien-fondé du motif tiré du risque pour la santé humaine que représenterait la transformation du chrome (III) en chrome (VI)

3. Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

4. Sur le troisième moyen, tiré de la violation l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce, et sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de sécurité juridique

5. Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, et sur le septième moyen, tiré, en substance, d’une inexactitude des motifs du règlement attaqué

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’allemand.

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