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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Kozitsyn v Council (Common foreign and security policy - Restrictive measures taken in view of actions undermining or threatening the territorial integrity, sovereignty and independence of Ukraine - Judgment) French Text [2024] EUECJ T-607/22 (18 September 2024) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T60722.html Cite as: EU:T:2024:635, ECLI:EU:T:2024:635, [2024] EUECJ T-607/22 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
18 septembre 2024 (*)
« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine – Gel des fonds – Restrictions en matière d’admission sur le territoire des États membres – Listes des personnes, des entités et des organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques et faisant l’objet de restrictions en matière d’admission sur le territoire des États membres – Inscription et maintien du nom du requérant sur la liste – Notion de “femmes et hommes d’affaires influents” – Notion de “femme ou homme d’affaires ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie” – Article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145/PESC – Article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement (UE) no 269/2014 – Exception d’illégalité – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective – Erreur d’appréciation – Droit de propriété – Liberté d’entreprise »
Dans les affaires jointes T‑607/22 et T‑731/22,
Andrey Anatolyevich Kozitsyn, demeurant à Verkhniaïa Pychma (Russie), représenté par Mes J. Grand d’Esnon, C. Durrleman, S. Lescanne, F. Charroux et A. Egger, avocats,
partie requérante,
contre
Conseil de l’Union européenne, représenté par M. J. Rurarz, en qualité d’agent, assisté de Me B. Maingain, avocat,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (première chambre),
composé de MM. D. Spielmann, président, R. Mastroianni (rapporteur) et T. Tóth, juges,
greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure, notamment :
– la requête dans l’affaire T-607/22, Kozitsyn/Conseil, déposée au greffe du Tribunal le 30 septembre 2022 ;
– la requête dans l’affaire T-731/22, Kozitsyn/Conseil, déposée au greffe du Tribunal le 24 novembre 2022 ;
– la décision du 13 janvier 2023 du président de la première chambre du Tribunal de joindre les affaires T-607/22, Kozitsyn/Conseil, et T-731/22, Kozitsyn/Conseil, aux fins de la phase écrite de la procédure, de l’éventuelle phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance ;
– les mémoires en adaptation déposés au greffe du Tribunal les 23 mai et 24 novembre 2023 et le 17 avril 2024 ;
à la suite de l’audience du 30 avril 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Par ses recours fondés sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. Andrey Anatolyevich Kozitsyn, demande l’annulation en ce qu’ils le concernent :
– dans l’affaire T‑607/22, de la décision (PESC) 2022/1272 du Conseil, du 21 juillet 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 193, p. 219), et du règlement d’exécution (UE) 2022/1270 du Conseil, du 21 juillet 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no°269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 193, p. 133) (ci-après, pris ensemble, les « actes initiaux ») ;
– dans l’affaire T-731/22, de la décision (PESC) 2022/1530 du Conseil, du 14 septembre 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 149), et du règlement d’exécution (UE) 2022/1529 du Conseil, du 14 septembre 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de maintien de septembre 2022 ») ;
– dans les affaires jointes T-607/22 et T-731/22 :
– de la décision (PESC) 2023/572 du Conseil, du 13 mars 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 75 I, p. 134), et du règlement d’exécution (UE) 2023/571 du Conseil, du 13 mars 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 75 I, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de maintien de mars 2023 ») ;
– de la décision (PESC) 2023/1767 du Conseil, du 13 septembre 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 226, p. 104), et du règlement d’exécution (UE) 2023/1765 du Conseil, du 13 septembre 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no°269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 226, p. 3) (ci-après, pris ensemble, les « actes de maintien de septembre 2023 ») ;
– de la décision (PESC) 2024/847 du Conseil, du 12 mars 2024, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO L, 2024/847), et du règlement d’exécution (UE) no 2024/849 du Conseil, du 12 mars 2024, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO L, 2024/849) (ci-après, pris ensemble, les « actes de maintien de mars 2024 »).
Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction des recours
2 Le requérant est un ressortissant de nationalité russe.
3 Les présentes affaires s’inscrivent dans le contexte des mesures restrictives décidées par l’Union européenne eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.
4 Le 17 mars 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 16).
5 Le même jour, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 6).
6 Le 25 février 2022, au vu de la gravité de la situation en Ukraine, le Conseil a adopté, d’une part, la décision (PESC) 2022/329 modifiant la décision 2014/145 (JO 2022, L 50, p. 1), et, d’autre part, le règlement (UE) 2022/330 modifiant le règlement no 269/2014 (JO 2022, L 51, p. 1), afin notamment d’amender les critères en application desquels des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes pouvaient être visés par les mesures restrictives en cause.
7 L’article 2, paragraphes 1 et 2, de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329 (ci-après la « décision 2014/145 modifiée »), prévoit ce qui suit :
« 1. Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant :
[…]
g) à des femmes et hommes d’affaires influents ou des personnes morales, des entités ou des organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine,
[…]
2. Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est, directement ou indirectement, mis à la disposition des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure à l’annexe, ou mis à leur profit. »
8 Les modalités de ce gel de fonds sont définies aux paragraphes suivants du même article.
9 L’article 1er, paragraphe 1, sous e), de la décision 2014/145 modifiée proscrit l’entrée ou le passage en transit sur le territoire des États membres des personnes physiques répondant au critère en substance identique à celui énoncé à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de cette même décision.
10 Le règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2022/330 (ci-après le « règlement no 269/2014 modifié »), impose l’adoption des mesures de gel de fonds et définit les modalités de ce gel en des termes identiques, en substance, à ceux de la décision 2014/145 modifiée. En effet, l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement reprend pour l’essentiel les mêmes critères que ceux énoncés à l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2014/145 modifiée.
Inscription initiale du nom du requérant sur la liste annexée à la décision 2014/145 modifiée et sur celle figurant à l’annexe I du règlement no 269/2014 modifié (ci-après la « liste en cause »)
11 Le 21 juillet 2022, le Conseil a adopté les actes initiaux. Par ces actes, le nom du requérant a été ajouté sur la liste en cause pour les motifs suivants :
« [Le requérant] est un homme d’affaires russe influent. Il est cofondateur et PDG d’Ural Mining Metallurgical Company (UMMC/UGMK), l’une des plus grandes sociétés russes de production des principaux produits de base (notamment le cuivre, le zinc, le charbon, l’or et l’argent). Il est donc un homme d’affaires russe influent ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »
12 Le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne du 22 juillet 2022 (JO 2022, C 281 I/06), un avis à l’attention des personnes, entités et organismes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par les actes initiaux. Cet avis indiquait, notamment, que les personnes concernées pouvaient adresser au Conseil une demande de réexamen de la décision par laquelle leurs noms avaient été inscrits sur la liste en cause, en y joignant des pièces justificatives.
13 Par une lettre du 15 août 2022, le requérant a demandé au Conseil de motiver et de fournir tous les éléments de preuve et d’information sur la base desquels il fondait l’inscription de son nom sur la liste en cause, ce que le Conseil a fait par la communication du dossier portant la référence WK 10492/2022 INIT (ci-après le « premier dossier WK »), daté du 15 juillet 2022.
Maintien du nom du requérant sur la liste en cause jusqu’au 15 mars 2023
14 Le 14 septembre 2022, le Conseil a adopté les actes de maintien de septembre 2022, qui ont prolongé les mesures restrictives prises à l’encontre du requérant jusqu’au 15 mars 2023. Dans ces actes, le Conseil a justifié la prorogation desdites mesures en se fondant sur les mêmes motifs que ceux figurant dans les actes initiaux.
15 Par une lettre du 15 septembre 2022, le Conseil a informé le requérant de l’adoption des actes de maintien de septembre 2022. En se référant au courrier du requérant du 15 août 2022, il a indiqué que, après avoir examiné les observations de celui-ci, il considérait qu’elles ne remettaient pas en cause son évaluation selon laquelle les mesures restrictives en cause devaient être maintenues à l’égard du requérant. Par ailleurs, compte tenu de la similitude des arguments, le Conseil a renvoyé aux mémoires et observations présentés dans le cadre des présentes affaires.
16 Le même jour, le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne un nouvel avis à l’attention des personnes, entités et organismes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par les actes de maintien de septembre 2022 (JO 2022, CI 353, p. 1).
17 Par une lettre du 4 octobre 2022, le requérant a demandé au Conseil la transmission du dossier des preuves sur le fondement duquel les mesures restrictives prises à son égard ont été maintenues.
18 Par une lettre du 27 octobre 2022, le Conseil, a confirmé que la prolongation des mesures en cause était justifiée par le premier dossier WK, à savoir celui communiqué au requérant lors des actes initiaux.
19 Par une lettre du 31 octobre 2022, le requérant a adressé au Conseil une demande de réexamen.
Maintien du nom du requérant sur la liste en cause jusqu’au 15 septembre 2023
20 Par une lettre du 22 décembre 2022, le Conseil a informé le requérant de son intention de maintenir les mesures restrictives à son égard en lui indiquant le nouvel exposé des motifs sur le fondement du dossier de preuves portant la référence WK 17644/2022 INIT (ci-après le « deuxième dossier WK »), daté du 14 décembre 2022.
21 Par une lettre du 11 janvier 2023, le requérant a adressé au Conseil une demande de réexamen.
22 Par une lettre du 6 février 2023, le Conseil a informé le requérant de son intention de maintenir les mesures restrictives à son égard en lui indiquant le nouvel exposé des motifs sur lequel il envisageait se fonder.
23 Par une lettre du 14 février 2023, le requérant a adressé au Conseil une nouvelle demande de réexamen.
24 Le 13 mars 2023, le Conseil a adopté les actes de maintien de mars 2023, qui ont prolongé les mesures restrictives prise à l’encontre du requérant jusqu’au 15 septembre 2023. Les motifs de l’inscription de son nom sur la liste en cause ont été modifiés comme suit :
« [Le requérant] est un homme d’affaires russe influent. Il est un ancien PDG d’Ural Mining Metallurgical Company (UMMC/UGMK), l’une des plus grandes sociétés russes de production des principaux produits de base (notamment le cuivre, le zinc, le charbon, l’or et l’argent), et demeure un homme d’affaires actif dans de nombreux secteurs d’activité différents. Il est reconnu pour ses contributions importantes à l’économie russe et au développement de la région de l’Oural. Il est donc un homme d’affaires russe influent ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »
25 Par une lettre du 14 mars 2023, le Conseil a informé le requérant de l’adoption desdits actes. En se référant aux courriers du requérant du 31 octobre 2022 et du 14 février 2023, il a indiqué que, après avoir examiné les observations de celui-ci, il considérait qu’elles ne remettaient pas en cause son évaluation selon laquelle les mesures restrictives en cause devaient être maintenues à son égard. Par ailleurs, compte tenu de la similitude des arguments, le Conseil a renvoyé aux mémoires et observations présentés dans le cadre des présentes affaires.
26 Par une lettre du 31 mars 2023, le requérant a demandé la communication du dossier de preuves justifiant le maintien de son nom sur la liste en cause.
Modification des critères d’inscription sur la liste en cause
27 Le 5 juin 2023, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2023/1094 modifiant la décision 2014/145 (JO 2023, L 146, p. 20), et le règlement (UE) 2023/1089, modifiant le règlement no 269/2014 (JO 2023, L 146, p. 1).
28 La décision 2023/1094 a modifié, à partir du 7 juin 2023, les critères d’inscription des noms des personnes visées par le gel des fonds. Le texte de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée étant remplacé par le texte suivant :
« g) à des femmes et hommes d’affaires influents exerçant des activités en Russie et aux membres de leur famille proche ou à d’autres personnes physiques, qui en tirent avantage, ou à des femmes et hommes d’affaires, des personnes morales, des entités ou des organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine […] ».
29 Le règlement 2023/1089 a modifié de façon similaire le règlement no 269/2014.
Maintien du nom du requérant sur la liste en cause jusqu’au 15 mars 2024
30 Par une lettre du 19 juin 2023, le Conseil a informé le requérant qu’il envisageait de maintenir les mesures restrictives à son égard et lui a transmis un nouvel exposé des motifs, ainsi que le dossier portant la référence WK 8106/2023 INIT (ci-après le « troisième dossier WK »), daté du 14 juin 2023.
31 Par une lettre du 10 juillet 2023, le Conseil a communiqué au requérant le dossier portant la référence WK 5142/2023 INIT (ci-après le « quatrième dossier WK »), daté du 20 avril 2023.
32 Le 21 juillet 2023, le requérant a soumis ses observations par une lettre du 19 juin 2023.
33 Par une lettre du 18 août 2023, le Conseil a communiqué au requérant un addendum au quatrième dossier WK portant la référence WK 5142/2023 ADD 1 (ci-après le « cinquième dossier WK »), daté du 16 août 2023. Le 31 août 2023, le requérant a soumis ses observations sur cette lettre et sur ce cinquième dossier WK.
34 Le 13 septembre 2023, le Conseil a adopté les actes de maintien de septembre 2023, qui ont prolongé les mesures restrictives prises à l’encontre du requérant jusqu’au 15 mars 2024, pour les motifs suivants :
« [Le requérant] est un homme d’affaires russe influent. Il est l’ancien PDG d’Ural Mining Metallurgical Company (UMMC/UGMK), l’une des plus grandes sociétés russes de production des principaux produits de base (notamment le cuivre, le zinc, le charbon, l’or et l’argent), et demeure un homme d’affaires actif dans de nombreux secteurs d’activité différents. Il est reconnu pour ses contributions importantes à l’économie russe et au développement de la région de l’Oural. Dès lors, il est un homme d’affaires influent exerçant des activités en Russie ainsi qu’un homme d’affaires intervenant dans des secteurs économiques constituant une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »
35 Par une lettre du 15 septembre 2023, le Conseil a informé le requérant de l’adoption des actes de maintien de septembre 2023. En se référant aux courriers du requérant des 31 mai, 21 juillet et 31 août 2023, il a indiqué que, après avoir examiné les observations de celui-ci, il considérait qu’elles ne remettaient pas en cause son évaluation selon laquelle les mesures restrictives en cause devaient être maintenues à son égard. Par ailleurs, compte tenu de la similitude des arguments, le Conseil a renvoyé aux mémoires et observations déjà présentés dans le cadre des présentes affaires.
36 Par une lettre du 15 septembre 2023, le requérant a demandé au Conseil de lui préciser quels étaient les dossiers de preuves sur lesquels se fondaient lesdits actes.
37 Par une lettre du 17 octobre 2023, le Conseil a répondu à la demande du requérant du 15 septembre 2023, en lui indiquant que les dossiers de preuves pertinents étaient les cinq dossiers WK qu’il lui avait communiqués avant le 13 septembre 2023.
Maintien du nom du requérant sur la liste en cause jusqu’au 15 septembre 2024
38 Par une lettre du 21 décembre 2023, le Conseil a notifié au requérant son intention de maintenir les mesures restrictives prises à son égard, lui a transmis un dossier portant la référence WK 16867/2023 (ci-après le « sixième dossier WK ») et l’a invité à faire part de ses observations. Par une lettre du 18 janvier 2024, le requérant a soumis au Conseil ses observations.
39 Par une lettre du 8 février 2024, le Conseil a confirmé au requérant qu’il envisageait de maintenir son nom sur la liste en cause et lui a transmis un second addendum au quatrième dossier WK portant la référence WK 5142/23 ADD2 (ci-après le « septième dossier WK »), en l’invitant à lui faire part de ses observations. Par une lettre du 19 février 2024, le requérant a soumis au Conseil ses observations.
40 Le 12 mars 2024, le Conseil a adopté les actes de maintien de mars 2024, qui ont prolongé les mesures restrictives prises à l’égard du requérant jusqu’au 15 septembre 2024. Dans ces actes, le Conseil a justifié la prorogation desdites mesures en se fondant sur les mêmes motifs que ceux figurant dans les actes de septembre 2023.
41 Par une lettre du 14 mars 2024, le Conseil a répondu aux courriers du requérant des 3 novembre 2023, 18 janvier et 19 février 2024 et l’a invité à lui faire part de ses éventuelles observations avant le 3 juin 2024.
Conclusions des parties
42 Le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler les actes initiaux et les actes de maintien de septembre 2022, de mars 2023, de septembre 2023 et de mars 2024 (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués ») en ce qu’ils le concernent ;
– condamner le Conseil aux dépens.
43 Le Conseil conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter les recours ;
– à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait les actes attaqués, ordonner que les effets des décisions 2022/329, 2022/1530, 2023/572, 2023/1767 et 2024/847 soient maintenus en ce qui concerne le requérant jusqu’à ce que l’annulation partielle des règlements d’exécution 2022/330, 2022/1529, 2023/571, 2023/1765 et 2024/849 prenne effet ;
– condamner le requérant aux dépens.
44 Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, le requérant a précisé la portée des chefs de conclusions avancés dans les différentes écritures et a indiqué que ses recours et ses adaptations des requêtes ne visaient qu’à obtenir l’annulation des actes attaqués, en soulevant, notamment, une exception d’illégalité, au titre de l’article 277 TFUE, au regard, respectivement, du critère prévu à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145, telle que modifiée par la décision 2022/329, et à l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement no 269/2014, tel que modifié par le règlement 2022/330 [ci-après le « critère g) initial »], ainsi que du critère prévu à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145, telle que modifiée par la décision 2023/1094, et de l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement no 269/2014, tel que modifié par le règlement 2023/1089 [ci‑après le « critère g) modifié »]. Le Conseil n’a pas soulevé d’objections à cet égard.
En droit
45 À l’appui de ses recours et de son premier mémoire en adaptation, par lequel il demande, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, l’annulation des actes de maintien de mars 2023, le requérant soulève, par la voie de l’exception, l’illégalité du critère g) initial. Il invoque, en outre, un moyen tiré d’une méconnaissance des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, un moyen tiré, en substance, d’une erreur manifeste d’appréciation du Conseil et un moyen tiré d’une méconnaissance des droits fondamentaux de l’Union européenne. Dans les deuxième et troisième mémoires en adaptation, par lesquels il demande, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure, l’annulation, respectivement, des actes de maintien de septembre 2023 et de mars 2024, le requérant excipe également l’illégalité du critère g) modifié.
Sur l’exception d’illégalité, en substance, du critère g) initial et du critère g) modifié
46 Le requérant soutient, à titre principal, que l’inscription de son nom sur la liste en cause résulte de l’application de textes illégaux, qui méconnaissent les règles posées par l’article 215 TFUE. À cet égard, il rappelle qu’il doit exister un lien entre les sanctions en cause et celles prises contre l’État tiers, que les sanctions doivent être prises dans le respect des objectifs de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) énumérés à l’article 21 TUE et que, selon la jurisprudence, des sanctions ciblées ne peuvent viser qu’une catégorie restreinte de personnes. Par ailleurs, les critères de désignation ne respecteraient pas le principe de sécurité juridique.
47 Le requérant relève, en outre, que lesdits critères s’éloignent progressivement de l’objectif de la logique des sanctions, tel que posé par le traité et précisé dans le document intitulé « Lignes directrices concernant la mise en œuvre et l’évaluation de mesures restrictives (sanctions) dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union européenne », adopté par le Conseil le 4 mai 2018 (ci-après « les lignes directrices sur les mesures restrictives »), en ce qu’ils s’appliquent sans l’établissement d’un lien quelconque avec les évènements ayant provoqué l’adoption des mesures restrictives en cause.
48 À cet égard, il conteste également le défaut de critère de temporalité aux fins d’identifier, au titre du critère g) initial, les personnes ciblées par les sanctions et l’inclusion dans la liste en cause des « femmes et hommes d’affaires influents » exerçant des activités en Russie, lesdites activités étant légales. Par ailleurs, le requérant conteste également la signification du terme « influent », assimilé par le Conseil au terme « important », qui serait trop vaste.
49 En particulier, le critère g) initial viserait indistinctement les gros contribuables russes même s’ils n’ont aucun lien direct avec le gouvernement et ne soutiennent aucunement la situation actuelle. À titre d’exemple, le seuil à partir duquel les revenus doivent être considérés comme substantiels n’aurait pas été précisé, pas plus que la notion de « femmes et hommes d’affaires influents ». Ainsi, ce critère serait utilisé sans que la démonstration d’une indépendance totale vis-à-vis du régime politique ne soit en mesure de le remettre en cause. L’absence de tout lien direct entre ledit critère et les évènements en cause le rendrait, par conséquent, illégal. En outre, la notion d’« activité » serait trop vague, de sorte que le critère g) initial permettrait d’englober indistinctement toute entreprise intervenant dans les secteurs économiques mentionnés par celui-ci. Enfin, la mise en œuvre d’un tel critère reviendrait à poursuivre le même objectif que les sanctions économiques sectorielles, notamment la neutralisation des activités qui génèrent d’importantes recettes pour la Russie, qui auraient déjà été prises à l’égard de la société Ural Mining Metallurgical Company (ci-après « UMMC »).
50 En conclusion, le requérant estime que l’objectif poursuivi par les mesures restrictives en cause aboutit à sanctionner toute personne ayant des activités légales en Russie, sans aucune possibilité de prévisibilité.
51 Concernant, en outre, les actes de maintien de septembre 2023 et de mars 2024, le requérant, dans les deuxième et troisième mémoires en adaptation, tout en réitérant les arguments déjà avancés au soutien de l’illégalité du critère g) initial, fait valoir, en substance, que le critère g) modifié, qui n’est plus cumulatif, mais alternatif, est aussi illégal, dans la mesure où il est encore plus vague que le critère g) initial, en ayant par ailleurs élargi davantage la possibilité pour le Conseil de cibler des personnes sans lien avec la guerre. Enfin, il fait valoir que la notion d’activité, au sens du critère g) modifié, ne peut qu’être entendue au sens d’« activité économique » et qu’elle ne saurait, toutefois, recouvrir la seule détention de parts sociales sans immixtion dans la gestion des sociétés en cause, ce qui le rendrait inapplicable à des hommes d’affaires tel que le requérant.
52 Dès lors que tant le critère g) initial que le critère g) modifié méconnaissent à la fois le principe de sécurité juridique et le principe de proportionnalité, ils doivent, selon le requérant, être déclarés inapplicables, si bien que l’inscription et le maintien de son nom sur la liste en cause seraient illégaux.
53 Le Conseil conteste les arguments du requérant.
54 À titre liminaire, il convient de relever que, comme l’a admis le requérant lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, les exceptions d’illégalités qu’il soulève ne visent que les critères de désignation qui lui sont applicables, à savoir, en l’espèce, le critère g) initial et le critère g) modifié, qui sont les seuls sur le fondement desquels le Conseil a décidé d’inscrire, puis de maintenir, le nom du requérant sur la liste en cause.
55 Selon l’article 277 TFUE, toute partie peut, à l’occasion d’un litige mettant en cause un acte de portée générale adopté par une institution, un organe ou un organisme de l’Union, se prévaloir des moyens prévus à l’article 263, deuxième alinéa, TFUE pour invoquer devant la Cour de justice de l’Union européenne l’inapplicabilité de cet acte.
56 L’article 277 TFUE constitue l’expression d’un principe général assurant à toute partie le droit de contester, par voie incidente, en vue d’obtenir l’annulation d’un acte contre lequel elle peut former un recours, la validité des actes de portée générale qui forment la base juridique d’un tel acte, si cette partie ne disposait pas du droit d’introduire, en vertu de l’article 263 TFUE, un recours direct contre ces actes, dont elle subit ainsi les conséquences sans avoir été en mesure d’en demander l’annulation. L’acte général dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours et il doit exister un lien juridique direct entre l’acte attaqué et l’acte général dont la légalité est contestée (voir, en ce sens, arrêts du 17 février 2017, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, T‑14/14 et T‑87/14, EU:T:2017:102, point 55 et jurisprudence citée, et du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 145 et jurisprudence citée).
57 Selon une jurisprudence constante, les juridictions de l’Union doivent, conformément aux compétences dont elles sont investies en vertu du traité FUE, assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union. Cette exigence est expressément consacrée à l’article 275, second alinéa, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 97 et jurisprudence citée, et du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 65 et jurisprudence citée).
58 Il n’en demeure pas moins que le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la définition générale et abstraite des critères de désignation et des modalités d’adoption des mesures restrictives (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 41 et jurisprudence citée). Par conséquent, les règles de portée générale définissant ces critères et ces modalités, telles que les dispositions des actes attaqués prévoyant le critère visé par l’exception d’illégalité, font l’objet d’un contrôle juridictionnel restreint, se limitant à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur de droit ainsi que de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de détournement de pouvoir (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 35 et jurisprudence citée).
Sur l’exception d’illégalité concernant le critère g) initial
59 En l’espèce, il résulte du critère g) initial que sont gelés les fonds et ressources économiques « [d]es femmes et hommes d’affaires influents […] ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine ».
60 Selon le requérant, ce critère enfreint, en substance, le principe de sécurité juridique et le principe de proportionnalité.
61 En premier lieu, il y a lieu de rappeler que le principe de sécurité juridique, qui constitue un principe général du droit de l’Union, implique que la législation de l’Union soit claire et précise et que son application soit prévisible pour les justiciables (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 42 et jurisprudence citée).
62 Or, à cet égard, il a été jugé que le pouvoir d’appréciation conféré au Conseil par le critère g) initial ne heurtait pas l’exigence de prévisibilité, dès lors que ledit critère était suffisamment clair et prévisible pour remplir les exigences de sécurité juridique et s’inscrivait dans un cadre juridique clairement délimité par les objectifs poursuivis par la réglementation régissant les mesures restrictives en cause, à savoir, en substance, la nécessité, compte tenu de la gravité de la situation, d’exercer une pression sur les autorités russes afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et à leurs politiques déstabilisant l’Ukraine ainsi qu’à l’agression militaire de ce pays. Dans cette perspective, les mesures restrictives en cause sont conformes à l’objectif visé à l’article 21, paragraphe 2, sous c), TUE, de préserver la paix, de prévenir les conflits et de renforcer la sécurité internationale, conformément aux buts et aux principes de la charte des Nations unies, signée à San Francisco (États-Unis) le 26 juin 1945. Partant, ce critère est conforme au principe de sécurité juridique (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, points 45 à 48 et jurisprudence citée).
63 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments du requérant.
64 S’agissant de l’argument tiré de la prétendue violation des lignes directrices sur les mesures restrictives, il convient de relever que celles-ci précisent, au point 13, que « les mesures prises devraient cibler les personnes identifiées comme étant responsables des politiques ou des actions qui ont déclenché la décision de l’[Union] d’imposer des mesures restrictives, ainsi que les personnes bénéficiant de ces politiques et actions et les soutenant ». Or, il est vrai que le critère g) initial a vocation à s’appliquer à l’égard de personnes physiques qui ne sont pas forcément liées à l’agression militaire menée contre l’Ukraine par la Fédération de Russie, qui est à l’origine des mesures restrictives en cause. Toutefois, ainsi qu’il a été précisé au point 62 ci-dessus, un tel critère a, notamment, pour finalité d’exercer une pression, directement et indirectement, sur les autorités de ce pays afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et à leurs politiques déstabilisant l’Ukraine. Cet objectif est conforme à ceux visés par l’article 21, paragraphe 2, sous b) et c), TUE, à savoir, consolider et soutenir la démocratie, l’État de droit, les droits de l’homme et les principes du droit international ainsi que préserver la paix, prévenir les conflits et renforcer la sécurité internationale, conformément aux buts et aux principes de la charte des Nations unies.
65 Par ailleurs, à l’instar du Conseil, il y a lieu de relever, en premier lieu, que les lignes directrices sur les mesures restrictives doivent être considérées comme comportant des recommandations non exhaustives à caractère général, destinées à la mise en œuvre effective des mesures restrictives conformément au droit de l’Union en vigueur. En second lieu, il convient de relever que de telles recommandations n’ont pas d’effet juridique contraignant (voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 2022, Prigozhin/Conseil, T‑723/20, non publié, EU:T:2022:317, point 78 et jurisprudence citée) et ne doivent donc pas être comprises comme des dispositions à l’aune desquelles doit être appréciée la légalité des critères de désignation.
66 Contrairement à ce que soutient le requérant, il existe un lien logique entre, d’une part, le fait de cibler les femmes et les hommes d’affaires influents exerçant leurs activités dans des secteurs économiques fournissant une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, au vu de l’importance que revêtent ces secteurs pour l’économie de ce pays, et, d’autre part, l’objectif des mesures restrictives poursuivi en l’espèce, qui est d’accroître la pression sur la Fédération de Russie ainsi que le coût des actions de cette dernière visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 49 et jurisprudence citée).
67 Il s’ensuit que l’argument du requérant concernant l’effacement du lien entre la situation en Ukraine et le rôle des personnes physiques faisant l’objet des mesures restrictives en cause doit être écarté.
68 S’agissant de l’argument concernant l’absence d’un seuil pour la détermination des revenus substantiels et des secteurs économiques, il y a lieu de constater que le critère g) initial ne vise pas indistinctement toute entreprise ayant des revenus substantiels ou certains secteurs économiques, mais les femmes et hommes d’affaires influents ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement russe, ce qu’il incombe au Conseil de prouver lorsqu’il décide de cibler une personne ou une entité par les mesures restrictives en cause.
69 Par ailleurs, contrairement à ce que prétend le requérant, le libellé du critère g) initial est suffisamment défini d’un point de vue temporel, en ce qu’il fait référence au « gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine ». En effet, celui-ci a mis en œuvre les activités et politiques responsables de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine à partir de fin février 2014, en les amplifiant à partir du 24 février 2022, lorsque les forces armées russes ont attaqué l’Ukraine à plusieurs endroits du pays, ainsi que cela ressort clairement des considérants des actes attaqués.
70 Enfin, il y a lieu de relever que ni la décision 2014/145 modifiée ni le règlement no 269/2014 modifié n’ont institué de présomption de lien entre la qualité d’homme d’affaires influent et le gouvernement de la Fédération de Russie (arrêt du 13 septembre 2023, Rashnikov/Conseil, T‑305/22, non publié, EU:T:2023:530, point 104).
71 De ce fait, l’application du critère g) initial à une personne déterminée suppose que, au préalable, le Conseil rapporte la preuve, notamment par la conjonction d’indices suffisamment concrets, précis et concordants, d’une part, que la personne faisant l’objet d’une mesure restrictive est un homme d’affaires influent et, d’autre part, que ce dernier intervient dans un secteur qui fournit une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie (arrêt du 13 septembre 2023, Rashnikov/Conseil, T‑305/22, non publié, EU:T:2023:530, point 105).
72 Au vu de l’ensemble de ces considérations, il convient de relever que le critère g) initial limite le pouvoir d’appréciation du Conseil, en instaurant des critères objectifs, qui permettent le degré de prévisibilité requis par le droit de l’Union et le respect de la sécurité juridique.
73 Le grief tiré d’une violation du principe de sécurité juridique doit dès lors être rejeté.
74 En second lieu, s’agissant du caractère nécessaire et approprié du critère g) initial, il y a lieu de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 56 et jurisprudence citée).
75 Or, à cet égard, il a été jugé que le critère g) initial, tel qu’il est interprété à la lumière du contexte législatif et historique dans lequel il a été adopté, n’apparaît pas comme manifestement inapproprié eu égard à l’objectif des mesures restrictives, rappelé au point 62 ci-dessus, et à l’importance primordiale du maintien de la paix ainsi qu’à la sécurité et à la stabilité européennes et mondiales (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, points 57 et 58 et jurisprudence citée).
76 S’agissant de l’argument tiré du chevauchement des sanctions individuelles et économiques sectorielles, il convient de relever que, comme le souligne le Conseil, il dispose d’une grande latitude dans le choix des mesures prises afin d’atteindre les objectifs poursuivis, ce qui permet l’adoption de mesures restrictives à l’égard de personnes agissant dans un secteur économique visé par des mesures restrictives dites sectorielles, sans que cela puisse mettre en cause le principe de proportionnalité. Par ailleurs, un tel argument doit être rejeté, en ce que, en réalité, il ne vise pas à critiquer la légalité du critère g) initial, mais plutôt d’une mesure concrète prise contre une personne déterminée qui agit dans un secteur économique au regard duquel ont été prises des mesures restrictives sectorielles, comme c’est le cas du requérant. En d’autres termes, le prétendu chevauchement n’est pas lié au critère g) initial en tant que tel, mais ne peut, le cas échéant, se produire que lorsque le Conseil décide d’inscrire sur la liste en cause, sur la base dudit critère, le nom d’une personne exerçant une activité dans un secteur déjà concerné par des mesures horizontales.
77 Il y a donc lieu de rejeter l’exception d’illégalité concernant le critère g) initial.
Sur l’exception d’illégalité concernant le critère g) modifié
78 S’agissant de l’exception d’illégalité soulevée à l’égard du critère g) modifié, il convient de relever, à titre liminaire, que ce critère vise, notamment, deux catégories de personnes, à savoir les « femmes et hommes d’affaires influents exerçant des activités en Russie » [ci-après le « premier volet du critère g) modifié »] et les « femmes et hommes d’affaires […] ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie » [ci-après le « troisième volet du critère g) modifié »].
79 En premier lieu, concernant le respect du principe de sécurité juridique, force est de constater que le critère g) modifié s’inscrit, comme le critère g) initial, dans un cadre juridique clairement délimité par les objectifs poursuivis par la réglementation régissant les mesures restrictives en cause (voir point 62 ci-dessus).
80 S’agissant, plus particulièrement, du premier volet du critère g) modifié, il y a lieu de rappeler que le critère g) initial a été considéré comme étant conforme au principe de sécurité juridique (voir points 61 à 73 ci-dessus). En particulier, le terme « influent » doit être compris de la même manière que dans le cadre du critère g) initial, à savoir en ce sens que la notion de femmes et hommes d’affaires influents doit être comprise comme visant l’importance de ces derniers au regard, selon le cas, de leurs statuts professionnels, de l’importance de leurs activités économiques, de l’ampleur de leurs possessions capitalistiques ou de leurs fonctions au sein d’une ou de plusieurs entreprises dans lesquelles ils exercent ces activités (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 143).
81 En d’autres termes, la variation qui a été apportée au critère g) initial par le critère g) modifié ne concerne pas la définition de femmes et hommes d’affaires influents, dans la mesure où, par ce nouveau critère, le Conseil a uniquement voulu élargir la catégorie de personnes susceptibles de faire l’objet des mesures restrictives en cause à tous les femmes et hommes d’affaires influents ayant des activités en Russie, indépendamment du secteur dans lequel ceux-ci sont impliqués. Bien que, par sa formulation large, le premier volet du critère g) modifié confère un pouvoir d’appréciation au Conseil, il n’en reste pas moins qu’il est suffisamment clair et prévisible pour remplir les exigences de sécurité juridique.
82 S’agissant, en outre, du troisième volet du critère g) modifié, la suppression du terme « influent » ne saurait être interprétée comme ayant pour conséquence que ce nouveau critère serait abstrait et dépourvu de tout lien avec les objectifs des mesures restrictives en cause.
83 Certes, comme le relève le requérant, au regard du libellé du critère g) initial, qui utilisait l’adjectif « influent », le troisième volet du critère g) modifié ne vise plus seulement des personnes « influentes ». Toutefois, la notion de « femmes et hommes d’affaires » ne saurait viser l’ensemble des opérateurs économiques, mais vise ceux qui exercent une activité économique qualitativement ou quantitativement non négligeable dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie et dont l’inscription du nom sur la liste en cause est ainsi susceptible d’accroître la pression sur la Fédération de Russie ainsi que d’augmenter le coût de ses actions visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.
84 En outre, le troisième volet du critère g) modifié continue d’exiger que le Conseil démontre non seulement que la personne visée n’est pas une femme ou un homme d’affaires sans importance, mais aussi qu’elle ou il exerce une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus audit gouvernement. À cet égard, il y a lieu de relever que, s’il est certes vrai que ni la décision 2014/145 modifiée ni le règlement no 269/2014 modifié ne définissent la notion de « source substantielle de revenus », il n’en demeure pas moins que l’emploi de l’adjectif qualificatif « substantielle », qui se rapporte au groupe nominal « source de revenus », implique que cette source de revenus doit être significative et donc non négligeable (arrêt du 6 septembre 2023, Pumpyanskiy/Conseil, T-291/22, non publié, EU:T:2023:499, point 63).
85 Ainsi, le fait de viser des femmes et hommes d’affaires qui, notamment, détiennent des parts ou occupent des fonctions dans des sociétés qui sont actives dans de tels secteurs, est susceptible d’accroître la pression sur la Fédération de Russie et d’augmenter le coût de ses actions visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.
86 Eu égard au lien logique, rappelé au point 66 ci-dessus, entre le fait de cibler les personnes visées par le troisième volet du critère g) modifié et l’objectif des mesures restrictives en l’espèce, il convient de considérer que le libellé du troisième volet du critère g) modifié est clair et précis et que son application est prévisible pour les justiciables, lesquels sont en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de l’Union de nature à affecter leurs intérêts, conformément à la jurisprudence rappelée au point 61 ci-dessus.
87 Dès lors, le requérant ne saurait utilement soutenir que les dispositions prévoyant le troisième volet du critère g) modifié violent le principe de sécurité juridique.
88 Les arguments du requérant, tirés d’une violation du principe de sécurité juridique, en ce qui concerne tant le premier que le troisième volets du critère g) modifié, doivent donc être rejetés.
89 Il s’ensuit que les premier et troisième volets de ce critère répondent au degré de prévisibilité requis par le droit de l’Union.
90 En second lieu, concernant le caractère proportionné du critère g) modifié, il convient de relever, conformément à la jurisprudence mentionné au point 66 ci-dessus, que le fait de cibler, d’une part, les « femmes et hommes d’affaires influents qui exercent des activités en Russie », au vu de leur importance sur le plan économique, au titre du premier volet dudit critère et, d’autre part, les « femmes et les hommes d’affaires ayant une activité dans des secteurs économiques fournissant une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie », au vu de l’importance que revêtent ces secteurs pour l’économie de ce pays, au titre du troisième volet dudit critère, est de nature à accroître la pression sur ledit gouvernement ainsi que les coûts des actions de celui-ci visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.
91 Ainsi, les deux volets du critère g) modifié répondent à la volonté du Conseil d’exercer une pression sur les autorités russes, si bien qu’ils n’apparaissent pas manifestement inappropriés en vue de réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation de l’espèce.
92 Au demeurant, en ce que la démarche consistant à élargir le cercle des personnes visées par les mesures restrictives en cause, au vu de l’aggravation de la situation en Ukraine, afin d’atteindre les objectifs poursuivis, est fondée sur la progressivité de l’atteinte aux droits en fonction de l’effectivité des mesures, il en résulte que la proportionnalité de celle-ci est établie (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 25 janvier 2017, Almaz-Antey Air and Space Defence/Conseil, T‑255/15, non publié, EU:T:2017:25, point 104 et jurisprudence citée).
93 Le critère g) modifié et les mesures restrictives qui en découlent sont, par ailleurs, nécessaires afin de réaliser et de mettre en œuvre les objectifs visés à l’article 21 TUE. En effet, d’une part, il ressort du considérant 4 de la décision 2023/1094 que, par l’élargissement du champ d’application personnel des mesures restrictives en ciblant, à la fois, les « femmes et hommes d’affaires influents exerçant des activités dans quelque secteur économique que ce soit de la Russie […] [et [l]es femmes et hommes d’affaires ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie », le Conseil pouvait légitimement espérer que lesdites mesures contribuent à accroître la pression sur ledit gouvernement, responsable de l’invasion de l’Ukraine. En outre, il convient de relever que le Conseil n’est pas tenu d’apporter la preuve que les mesures restrictives ont un tel effet, mais seulement qu’elles sont susceptibles d’avoir un tel effet (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, VTB Bank/Conseil, C‑729/18 P, non publié, EU:C:2020:499, point 66). D’autre part, il convient de constater que des mesures alternatives et moins contraignantes n’ont pas été évoquées par le requérant.
94 Il résulte des considérations qui précèdent que les premier et troisième volets du critère g) modifié n’apparaissent pas manifestement disproportionnés au vu des objectifs poursuivis par la réglementation de l’espèce.
95 Partant, il convient de rejeter l’exception d’illégalité dans son entièreté.
Sur le moyen tiré d’une méconnaissance des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective
96 Le requérant reproche au Conseil d’avoir violé ses droits de la défense. D’une part, il fait valoir que le droit d’être entendu garantit à toute personne la possibilité de faire connaître son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter ses intérêts de manière défavorable. D’autre part, il estime que le Conseil est tenu, en application de l’article 14 du règlement no 269/2014, de communiquer à la personne visée par une décision de gel de fonds sa décision et l’exposé des motifs en lui donnant la possibilité de présenter des observations.
97 Il soutient que le Conseil ne lui a adressé une communication individuelle ni des actes initiaux, ni des actes de maintien de septembre 2022, alors même qu’il avait été informé, avant l’adoption de ces derniers, de l’adresse personnelle du requérant.
98 Le Conseil n’aurait pas non plus procédé à une appréciation actualisée de sa situation lors de l’adoption des actes de maintien. Il n’aurait pas tenu compte des différentes observations formulées par le requérant depuis l’inscription initiale de son nom sur la liste en cause ainsi qu’en réponse aux différentes lettres du Conseil lui communiquant l’intention de celui-ci de maintenir son nom sur ladite liste. En effet, le Conseil se serait contenté de fournir une réponse stéréotypée à ses arguments.
99 Le Conseil conteste les arguments du requérant.
100 Le droit d’être entendu dans toute procédure, prévu à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d’une procédure administrative et avant qu’une décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts ne soit prise à son égard (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 75 et jurisprudence citée).
101 Dans le cadre d’une procédure portant sur l’adoption de la décision d’inscrire le nom d’une personne sur une liste figurant à l’annexe d’un acte portant mesures restrictives, le respect des droits de la défense exige que l’autorité compétente de l’Union communique à la personne concernée les motifs et les éléments retenus à sa charge sur lesquels cette autorité envisage de fonder sa décision. Lors de cette communication, l’autorité compétente de l’Union doit permettre à cette personne de faire connaître utilement son point de vue à l’égard des motifs retenus à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 111 et 112).
102 L’article 52, paragraphe 1, de la Charte admet toutefois des limitations à l’exercice des droits consacrés par celle-ci, pour autant que la limitation concernée soit prévue par la loi, qu’elle respecte le contenu essentiel du droit fondamental en cause et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elle soit nécessaire et réponde effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union. À cet égard, il a été jugé, à plusieurs reprises, que les droits de la défense pouvaient être soumis à des limitations ou dérogations, et ce notamment dans le domaine des mesures restrictives adoptées dans le contexte de la PESC (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 77 et jurisprudence citée).
103 Par ailleurs, l’existence d’une violation des droits de la défense doit être appréciée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce, notamment de la nature de l’acte en cause, du contexte de son adoption et des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 78 et jurisprudence citée).
104 À cet égard, s’il ressort de la jurisprudence qu’une communication individuelle d’une décision imposant des mesures restrictives est en principe nécessaire, la seule publication au Journal officiel n’étant pas suffisante, il y a cependant lieu pour le juge de l’Union d’examiner, dans chaque affaire, si le fait de ne pas avoir porté individuellement les motifs de ladite décision à la connaissance de la partie requérante a eu pour conséquence de priver cette dernière de la possibilité de connaître, en temps utile, la motivation de la décision litigieuse et d’apprécier le bien-fondé de la mesure de gel de fonds et de ressources économiques adoptée à son égard (voir, en ce sens, arrêts du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, EU:C:2011:735, point 56, et du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 48).
105 Enfin, il y a lieu de rappeler que ni la réglementation en cause ni le principe général du respect des droits de la défense ne confèrent aux intéressés le droit à une audition, la possibilité de présenter ses observations par écrit étant suffisante (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 97 et jurisprudence citée).
106 C’est à la lumière de ces principes jurisprudentiels qu’il convient d’analyser les arguments du requérant.
Concernant les actes initiaux
107 En premier lieu, le requérant reproche au Conseil de ne pas lui avoir communiqué de manière individuelle les actes initiaux et les motifs justifiant l’inscription de son nom sur la liste en cause.
108 Il convient de relever, tout d’abord, que l’article 3, paragraphe 2, de la décision 2014/145 et l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 269/2014 prévoient que le Conseil communique à la personne physique ou morale, à l’entité ou à l’organisme concerné la décision et l’exposé des motifs de l’inscription de son nom sur la liste concernée « soit directement, si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en donnant à cette personne, cette entité ou cet organisme la possibilité de présenter des observations ».
109 Ensuite, il ressort de la jurisprudence que le Conseil n’est pas libre de choisir le mode de communication aux personnes intéressées des actes par lesquels il les soumet à des mesures restrictives. En effet, une communication indirecte de tels actes par la publication d’un avis au Journal officiel n’est autorisée que dans les seuls cas où il est impossible pour le Conseil de procéder à une communication individuelle. À défaut, il serait permis au Conseil de se soustraire aisément à son obligation de communication individuelle (voir, en ce sens, ordonnance du 10 juin 2016, Pshonka/Conseil, T‑381/14, EU:T:2016:361, point 41 et jurisprudence citée).
110 Enfin, le Conseil peut être considéré comme étant dans l’impossibilité de communiquer individuellement à une personne physique ou morale ou à une entité un acte comportant des mesures restrictives la concernant soit lorsque l’adresse de cette personne ou de cette entité n’est pas publique et ne lui a pas été fournie, soit lorsque la communication envoyée à l’adresse dont le Conseil dispose échoue, en dépit des démarches qu’il a entreprises, avec toute la diligence requise, afin d’effectuer une telle communication (voir arrêt du 21 avril 2021, El-Qaddafi/Conseil, T‑322/19, EU:T:2021:206, point 63 et jurisprudence citée).
111 En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 12 ci-dessus, la communication des motifs de l’inscription du nom du requérant sur la liste en cause a fait l’objet d’un avis publié au Journal officiel du 22 juillet 2022.
112 À cet égard, il y a lieu de relever, d’une part, que le Conseil soutient que, à la date d’adoption des actes initiaux, il ne disposait pas de l’adresse du requérant et, d’autre part, que ce dernier n’a pas apporté d’indice tendant à démontrer que ladite adresse avait été fournie au Conseil ou qu’elle était publique.
113 Dès lors, le requérant ne saurait reprocher au Conseil d’avoir violé ses droits de la défense ou son droit à une protection juridictionnelle effective par un défaut de notification individuelle des actes initiaux. Au demeurant, le requérant n’a invoqué aucun argument concret tendant à démontrer que l’absence de notification individuelle aurait rendu sa défense plus difficile dans le cadre de la présente procédure.
114 Par conséquent, l’argument selon lequel le Conseil aurait dû communiquer au requérant les actes initiaux par le biais d’une notification directe doit être écarté.
115 Quant à l’argument tiré de la méconnaissance de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), signée à Rome le 4 novembre 1950, il convient de distinguer l’absence de communication des éléments de preuve, qui porterait atteinte à l’égalité des armes ainsi qu’au droit au procès équitable, de l’absence de communication individuelle, telle qu’invoquée par le requérant. En effet, il y a lieu de relever que le Conseil a communiqué au requérant les éléments contenus dans les dossiers de preuves, ce qui lui a permis de se défendre tant dans les courriers qu’il a adressés au Conseil que dans le cadre des présents recours.
116 En second lieu, le requérant fait valoir que les motifs des actes initiaux ne lui ont pas été transmis en temps utile, car cette communication n’aurait pas eu lieu concomitamment ou immédiatement après l’adoption desdits actes et qu’il n’a pas été en mesure de faire valoir ses observations devant le Conseil.
117 Or, il convient de rappeler que, en matière de mesures restrictives, dans le cas d’une décision initiale, le Conseil n’est pas tenu de communiquer au préalable à la personne ou à l’entité concernée les motifs sur lesquels il entend fonder l’inclusion du nom de cette personne ou entité sur la liste en cause. En effet, une telle mesure, afin de ne pas compromettre son efficacité, doit, par sa nature même, pouvoir bénéficier d’un effet de surprise et s’appliquer immédiatement. Dans un tel cas, il suffit, en principe, que l’institution procède à la communication des motifs à la personne ou à l’entité concernée et ouvre le droit à l’audition de celle-ci concomitamment à l’adoption de ladite décision ou immédiatement après cette adoption (voir, en ce sens, arrêts du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 61, et du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, points 92 et 93).
118 En outre, il convient de souligner que ni les dispositions pertinentes de la décision 2014/145 modifiée et du règlement no 269/2014 modifié, ni le principe général du respect des droits de la défense ne confèrent aux intéressés le droit à une audition formelle, la possibilité de présenter ses observations par écrit étant suffisante (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T-193/22, EU:T:2023:716, point 97 et jurisprudence citée).
119 Certes, ainsi qu’il résulte du libellé même de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, cette disposition est d’application générale. Il s’ensuit que le droit d’être entendu doit être respecté dans toute procédure susceptible d’aboutir à un acte faisant grief, même lorsque la réglementation applicable ne prévoit pas expressément une telle formalité. Toutefois, il ne ressort pas de cette disposition que l’audition formelle constitue la seule manière permettant d’assurer, de manière utile et effective, à l’intéressé l’exercice de son droit d’être entendu (voir, en ce sens, arrêt du 9 février 2023, Boshab/Conseil, C‑708/21 P, non publié, EU:C:2023:84 , point 54 et jurisprudence citée).
120 En l’espèce, il convient de relever, premièrement, que, en application de la jurisprudence rappelée au point 117 ci-dessus, le Conseil n’était pas tenu d’entendre le requérant préalablement à la première inscription de son nom sur la liste en cause par les actes initiaux.
121 À cet égard, il convient aussi de relever que, bien que le Conseil n’ait pas fait mention explicite du critère pour lequel le nom du requérant a été inscrit sur la liste en cause, il n’en reste pas moins que le libellé des motifs d’inscription correspond, en substance, à celui du critère g) initial, de telle sorte que le requérant a pu comprendre que son nom a été inscrit sur la liste en cause sur la base de ce critère.
122 Deuxièmement, ainsi qu’il ressort des points 12 et 111 ci-dessus, la communication des motifs de l’inscription du nom du requérant sur la liste en cause a fait l’objet d’un avis publié au Journal officiel du 22 juillet 2022, à savoir le lendemain de l’adoption des actes initiaux. En outre, les personnes et entités concernées par cet avis pouvaient, conformément à ce dernier, adresser au Conseil une demande de réexamen de la décision par laquelle leur nom avait été inscrit sur la liste en cause. Cette possibilité garantit le maintien d’un équilibre entre le respect des droits fondamentaux des personnes inscrites et la nécessité pour le Conseil de prendre des mesures à caractère préventif (voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2021, Alkattan/Conseil, T‑218/20, non publié, EU:T:2021:765, point 68).
123 À la suite de cet avis, le requérant a demandé au Conseil, par lettre du 15 août 2022, les documents étayant ladite inscription, et le Conseil a donné suite à cette demande par la transmission du premier dossier WK. Le requérant était donc en mesure de formuler des observations après l’adoption des actes initiaux et il a également pu introduire un recours devant le Tribunal de façon étayée.
124 Partant, aucune violation des droits de la défense ne saurait être reprochée au Conseil en ce qui concerne la possibilité pour le requérant de formuler des observations immédiatement après l’adoption des actes initiaux.
125 Au vu de tout ce qui précède, il doit être conclu que les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective du requérant n’ont pas été méconnus par le Conseil lors de l’adoption des actes initiaux.
Concernant les actes de maintien de septembre 2022
126 Au vu des considérations figurant aux points 193 à 209 ci-après, le Tribunal estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner les arguments du requérant ayant trait aux actes de septembre 2022 dans le cadre du présent moyen.
Concernant les actes de maintien de mars 2023, de septembre 2023 et de mars 2024
127 Dans ses mémoires en adaptation, le requérant reproche au Conseil de ne pas avoir procédé à une appréciation actualisée de sa situation et de ne pas avoir tenu compte des nombreuses observations, étayées par des éléments de preuve, qu’il avait présentées.
128 Il convient de rappeler que l’adoption d’une décision de gel de fonds par laquelle le nom d’une personne ou d’une entité figurant déjà sur la liste des personnes et des entités dont les fonds sont gelés est maintenu sur cette liste doit, en principe, être précédée d’une communication des éléments retenus à charge ainsi que de l’opportunité conférée à la personne ou à l’entité concernée d’être entendue (voir, en ce sens, arrêts du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 62, et du 24 novembre 2021, Assi/Conseil, T‑256/19, EU:T:2021:818, point 72).
129 Le respect des droits de la défense implique que, avant d’adopter une décision portant renouvellement de mesures restrictives imposées à l’égard d’une personne ou d’une entité, le Conseil, même lorsqu’il ne modifie pas les motifs retenus à l’égard de cette personne ou de cette entité, lui communique les éléments nouveaux sur la base desquels il a procédé, lors du réexamen périodique des mesures en cause, à une actualisation des informations qui avaient justifié l’inscription précédente de son nom sur la liste des personnes et des entités faisant l’objet de telles mesures restrictives, afin de vérifier si une telle inscription demeure justifiée (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 60 et jurisprudence citée).
130 En effet, cette appréciation actualisée des informations vise à permettre au Conseil d’établir un bilan de l’impact des mesures restrictives dans le cadre de leur réexamen périodique, en vue de déterminer si elles ont permis d’atteindre les objectifs visés par l’inscription initiale des noms des personnes et des entités concernées sur les listes litigieuses ou s’il est toujours possible de tirer la même conclusion concernant lesdites personnes et entités (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, points 58 et 59 et jurisprudence citée). Une telle appréciation implique donc que le Conseil examine les éléments qu’il a rassemblés à la lumière, le cas échéant, des observations transmises par le requérant.
131 En outre, lorsque des observations sont formulées par la personne concernée au sujet de l’exposé des motifs, l’autorité compétente de l’Union a l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, le bien-fondé des motifs allégués, à la lumière de ces observations et des éventuels éléments à décharge joints à celles-ci (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 114 et jurisprudence citée).
132 En l’espèce, s’agissant, en premier lieu, des actes de mars 2023, il convient de relever que, par lettre du 22 décembre 2022, le Conseil a transmis au requérant un exposé des motifs de désignation adapté, faisant référence à sa qualité d’« ancien » président directeur général (ci-après « PDG ») d’UMMC ainsi qu’aux différentes activités économiques de celui-ci. Il a également joint, en annexe à cette lettre, le deuxième dossier WK, comportant de nouveaux éléments de preuve. Par une lettre du 6 février 2023, le Conseil a ensuite communiqué au requérant un nouvel exposé des motifs auquel il avait apporté de légères modifications, en l’informant qu’il envisageait de maintenir l’inscription de son nom sur la liste en cause. Par ailleurs, le Conseil a pris en compte les observations du requérant, dans la mesure où il a explicitement visé les lettres de ce dernier, datées du 31 octobre 2022 et du 14 février 2023, dans sa lettre du 14 mars 2023 par laquelle il lui a communiqué l’adoption des actes de mars 2023, en faisant, notamment, renvoi aux mémoires et observations présentés dans le cadre des présentes affaires.
133 S’agissant, en deuxième lieu, des actes de septembre 2023, il convient de relever que, par lettre du 19 juin 2023, le Conseil a informé le requérant qu’il envisageait de maintenir les mesures restrictives à son égard et lui a transmis un nouvel exposé des motifs, ainsi que le troisième dossier WK. En outre, par des lettres des 10 juillet et 18 août 2023, le Conseil a communiqué au requérant, respectivement, les quatrième et cinquième dossiers WK. Le Conseil a également pris en compte les observations du requérant, dans la mesure où il a explicitement visé les lettres de ce dernier, datées des 31 mai, 21 juillet et 31 août 2023, dans sa lettre du 15 septembre 2023 par laquelle il lui a communiqué l’adoption des actes de septembre 2023, en faisant, notamment, renvoi aux mémoires et observations présentés dans le cadre des présentes affaires.
134 S’agissant, en troisième lieu, des actes de mars 2024, il convient de relever que, par lettre du 21 décembre 2023, le Conseil a informé le requérant qu’il envisageait de maintenir les mesures restrictives à son égard et lui a transmis le sixième dossier WK. En outre, par une lettre du 8 février 2024, le Conseil, tout en confirmant son intention de maintenir le nom du requérant sur la liste en cause, lui a communiqué le septième dossier WK. Le Conseil a également pris en compte les observations du requérant, dans la mesure où il a explicitement visé les lettres de ce dernier, datées des 3 novembre 2023, 18 janvier et 19 février 2024, dans sa lettre du 14 mars 2024 par laquelle il lui a communiqué l’adoption des actes de mars 2024, en renvoyant, notamment, aux mémoires et observations présentés dans le cadre des présentes affaires.
135 Il s’ensuit que le requérant a pu présenter ses observations relatives aux nouveaux éléments de preuve que le Conseil lui avait transmis, de sorte qu’il a eu la possibilité de faire connaître son point de vue sur les intentions de ce dernier de maintenir son nom sur la liste en cause avant chaque renouvellement des mesures restrictives en cause.
136 Ainsi, il convient de conclure que le Conseil, conformément à la jurisprudence citée au point 129 ci-dessus, a transmis au requérant en temps utile, avant l’adoption, respectivement, des actes de maintien de mars et de septembre 2023 ainsi que de mars 2024, les éléments sur le fondement desquels il considérait, au terme de son appréciation actualisée effectuée lors du réexamen périodique des mesures restrictives, que le maintien de son nom sur la liste en cause demeurait justifié, ce qui a permis au requérant de présenter ses observations avant l’adoption desdits actes et de se défendre tant dans la procédure administrative que devant le Tribunal.
137 Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument du requérant selon lequel le Conseil n’a ni cherché à répliquer à ses observations ni tenu compte de celles-ci, mais s’est borné à y répondre par une formule stéréotypée.
138 En effet, si le respect des droits de la défense et du droit d’être entendu exige que les institutions de l’Union permettent à la personne visée par un acte faisant grief de faire connaître utilement son point de vue, il ne peut leur imposer d’adhérer à celui-ci (voir arrêt du 20 septembre 2023, Mordashov/Conseil, T‑248/22, non publié, EU:T:2023:573, point 65 et jurisprudence citée).
139 Ainsi, le seul fait que, en l’espèce, le Conseil n’a pas conclu à l’absence de bien‑fondé de la prorogation de l’imposition de mesures restrictives en cause, ni même estimé utile de répondre de manière détaillée à l’ensemble des considérations que le requérant avait formulées dans ses lettres, en renvoyant à ses écritures, ne saurait impliquer que de telles observations n’ont pas été prises en compte (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2023, Mordashov/Conseil, T‑248/22, non publié, EU:T:2023:573, point 66 et jurisprudence citée).
140 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective.
Sur le moyen tiré, en substance, d’une erreur manifeste d’appréciation du Conseil
141 Le requérant soutient, en premier lieu, que les actes attaqués sont dépourvus de toute base légale.
142 En deuxième lieu, il fait valoir que, eu égard à l’absence de lien entre lui-même et les évènements en Ukraine, les sanctions prises à son égard sortent du champ d’application de l’article 215, paragraphe 2, TFUE et que, par conséquent, elles sont des sanctions ad hominem, reposant sur des assertions non prouvées, que le Conseil n’est pas compétent pour adopter.
143 En troisième lieu, le requérant souligne que, dans les dossiers de preuves, constitués de plusieurs extraits de sites Internet, le Conseil, sur lequel pèse la charge de la preuve, n’exerce pas une évaluation minutieuse de la valeur probante et du contenu desdits extraits à la lumière des critères d’inscription applicables et des motifs d’inscription. À cet égard, le requérant conteste le raisonnement au terme duquel il serait un homme d’affaires influent opérant dans un secteur économique fournissant des revenus substantiels au gouvernement russe ainsi que les informations contenues dans les dossiers WK, qui seraient erronées.
144 À ce titre, il conteste l’affirmation selon laquelle il aurait été le cofondateur d’UMMC. Cette affirmation serait démentie tant par le certificat d’enregistrement d’UMMC que par la liste des investisseurs initiaux de celle-ci ainsi que par la lettre de son actuel directeur général, attestant que le requérant aurait indirectement participé à la création de ladite société en tant qu’actionnaire de deux sociétés détenant chacune une part du capital d’UMMC inférieure à 25 % de celui-ci. En tout état de cause, considérer le requérant comme étant le cofondateur d’une société dans la définition d’homme d’affaires influent priverait les mesures restrictives de leur caractère conservatoire et provisoire. Quant au rôle de PDG d’UMMC, il fait valoir qu’il a démissionné de ce poste le 19 juillet 2022. Ainsi, il ne serait plus membre du conseil d’administration de cette société et, par conséquent, il n’aurait aucune influence sur les activités de celle-ci.
145 S’agissant des actes de maintien de septembre 2022, le requérant fait valoir que le Conseil n’a pas procédé à un réexamen actualisé de sa situation à la date de leur adoption, n’ayant pas pris en compte sa démission du poste de PDG d’UMMC invoquée à l’appui de sa demande de réexamen. À cet égard, la charge de la preuve pèserait sur le Conseil, auquel il incomberait de démontrer que la démission du requérant est restée sans effet. Le requérant rappelle également qu’il n’est pas un actionnaire important d’UMMC, dont seulement trois personnes, constituant ensemble 67 % du capital, détiennent plus de 10 % de celui-ci. La participation du requérant dans la société ne s’élèverait qu’à 9 % du capital social.
146 Par ailleurs, le seul fait de détenir des parts sociales, sans immixtion dans la gestion des sociétés en cause, ne saurait être considéré comme étant une « activité » au sens du critère g) modifié.
147 En outre, le requérant fait valoir qu’il ne peut être considéré ni comme un homme d’affaires influent, ni comme un homme d’affaires opérant dans un secteur constituant une source substantielle de revenus pour le gouvernement russe. À cet égard, il mentionne, d’abord, qu’il est tenu à une obligation légale de paiement des impôts, ce qui ne permettrait pas de le considérer, à titre individuel, comme une source de revenus substantiels pour ledit gouvernement. En outre, UMMC n’apporterait pas une importante contribution au budget de l’État, car elle ne figurerait pas parmi les plus gros contribuables de Russie. Le requérant conteste ainsi l’argumentation du Conseil portant sur le rôle clé du secteur minier dans l’économie russe, qui n’aurait aucune pertinence dans l’application du critère g) et démontrerait une application discrétionnaire par le Conseil.
148 Par ailleurs, UMMC ne posséderait pas de licence d’exploitation minière délivrée par l’État russe, de telle sorte qu’elle n’exercerait pas les fonctions d’exploitation minière, mais celles d’une société de gestion et de vente. S’agissant du deuxième dossier WK, sur la base duquel les actes de maintien de mars 2023 ont été adoptés, le requérant fait observer, premièrement, que celui-ci détaille les différents secteurs d’activités dans lesquels il opère, à savoir la restauration, l’hôtellerie, les sports automobiles, la scierie et l’immobilier, qui seraient tous de nature secondaire pour l’économie russe et, deuxièmement, que les sociétés dans lesquelles il détient des participations ont des chiffres d’affaires très majoritairement modestes. Ainsi, d’une part, la diversification de ses activités et de ses investissements ne saurait être un motif justifiant le maintien de son nom sur la liste en cause et, d’autre part, le Conseil n’apporterait aucune preuve de la contribution desdits secteurs au budget de l’État russe.
149 Selon le requérant, ses contributions à l’économie russe et au développement de la région de l’Oural ne peuvent pas motiver les actes de maintien de mars et de septembre 2023. Les dossiers de preuves concernant sa prétendue contribution au développement économique de ladite région seraient sans rapport avec le critère g) modifié.
150 Le requérant fait également valoir qu’il ne peut pas être considéré comme étant un « homme d’affaires influent » au titre de ce critère et que le Conseil est resté en défaut de le démontrer.
151 Au regard des dossiers de preuves concernant les actes de septembre 2023, le requérant fait valoir qu’il n’est lié ni au complexe militaro-industriel russe, ni au gouvernement russe ou à sa politique étrangère.
152 Le requérant conteste également, au regard des actes de mars 2024, toutes les pièces qui font partie du sixième dossier de preuves. Pour plusieurs raisons, le contenu des pièces de ce dossier ne permettrait pas, d’une part, de considérer le requérant comme un « homme d’affaires influent » et, d’autre part, de conclure qu’il a une activité dans des secteurs économiques constituant une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie. Au demeurant, le requérant ne serait pas un actionnaire important d’UMMC. Enfin, il estime que le fait qu’il soit reconnu pour ses contributions importantes à l’économie russe et au développement de la région de l’Oural ne saurait valablement motiver les actes de mars 2024.
153 Le Conseil conteste les arguments du requérant. En particulier, s’agissant des actes de septembre 2022, en s’appuyant sur le premier dossier WK, il met en avant que le requérant a participé à la création d’UMMC, qui est le premier producteur de cuivre et de zinc en Russie, le deuxième producteur de charbon ainsi que l’un des plus grands producteurs d’or de ce pays. Il mentionne également que le requérant a reçu plusieurs décorations importantes du président Poutine pour les services qu’il a rendus à la nation. En outre, il souligne le pouvoir et l’influence d’UMMC, ainsi que du requérant en ce qu’il est le président du club de basket-ball féminin UMMC Ekateringburg.
154 Par ailleurs, le Conseil fait notamment observer, en premier lieu, que le requérant admet avoir indirectement participé à la création d’UMMC en tant qu’actionnaire de deux des six investisseurs initiaux, qui possédaient, pris ensemble, 25 % des actions d’UMMC. Il relève également qu’il n’a pas accès aux données relatives aux actionnaires actuels de celle-ci. Bien que le requérant précise que les trois personnes, détenant plus de 10 % du capital d’UMMC, possèdent ensemble 67 % du capital de celle-ci, il resterait en défaut de préciser les noms des autres bénéficiaires restants. À ce titre, le document fourni par le requérant portant sur l’actionnariat d’UMMC ne démontrerait pas qu’il ne possède que 9 % de son capital social et ne permettrait pas de déterminer les bénéficiaires finaux des entreprises actionnaires d’UMMC. Le Conseil souligne aussi que le requérant est actionnaire d’autres sociétés du groupe UMMC et actionnaire unique de la filiale de celle-ci dans le secteur de l’agriculture, Agro-Aktiv LLC, qui serait l’un des plus importants pour l’économie russe avec un taux de croissance annuel des contributions fiscales important.
155 En second lieu, le Conseil souligne que le requérant occupait le poste de PDG d’UMMC jusqu’à l’avant-veille de l’adoption des actes initiaux, ce qui ne serait pas contesté. Par ailleurs, cette démission aurait eu lieu en raison de la future et possible adoption de mesures restrictives à l’égard du requérant, ce qui serait révélateur d’un stratagème visant à éviter d’être concerné par les mesures restrictives en cause.
156 Le Conseil estime donc avoir apporté un faisceau d’indices concrets, spécifiques et concordants permettant de conclure que le requérant remplit le critère g) initial.
157 À titre liminaire, il importe de relever que le présent moyen doit être considéré comme tiré d’une erreur d’appréciation et non d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, s’il est certes vrai que le Conseil dispose d’un certain pouvoir d’appréciation pour déterminer, au cas par cas, si les critères juridiques sur lesquels se fondent les mesures restrictives en cause sont remplis, il n’en reste pas moins que les juridictions de l’Union doivent assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union (voir arrêts du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 61 et jurisprudence citée, et du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 121 et jurisprudence citée).
158 L’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige, notamment, que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119, et du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 128).
159 C’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs. À cette fin, il n’est pas requis que le Conseil produise devant le juge de l’Union l’ensemble des informations et des éléments de preuve inhérents aux motifs allégués dans l’acte dont il est demandé l’annulation. Il importe que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne ou l’entité concernée (voir arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 121 et 122 ; du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 67, et du 1er juin 2022, Prigozhin/Conseil, T‑723/20, non publié, EU:T:2022:317, point 73 et jurisprudence citée).
160 Une telle appréciation doit être effectuée en examinant les éléments de preuve et d’information non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre la personne ou l’entité sujette à une mesure de gel de ses fonds et le régime ou, en général, les situations combattues (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 81 et jurisprudence citée).
161 S’agissant, plus particulièrement, du contrôle de légalité exercé sur les actes de maintien du nom de la personne concernée sur la liste en cause, il convient de rappeler que les mesures restrictives ont une nature conservatoire et, par définition, provisoire, dont la validité est toujours subordonnée à la perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à leur adoption ainsi qu’à la nécessité de leur maintien en vue de la réalisation de l’objectif qui leur est associé. C’est ainsi qu’il incombe au Conseil, lors du réexamen périodique de ces mesures, de procéder à une appréciation actualisée de la situation et d’établir un bilan de l’impact de telles mesures, en vue de déterminer si elles ont permis d’atteindre les objectifs visés par l’inscription initiale des noms des personnes et des entités sur les listes litigieuses ou s’il est toujours possible de tirer la même conclusion concernant lesdites personnes et entités (voir arrêts du 27 avril 2022, Ilunga Luyoyo/Conseil, T‑108/21, EU:T:2022:253, point 55 et jurisprudence citée, et du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 67).
162 Il en résulte que, pour justifier le maintien du nom d’une personne sur une liste des personnes et entités faisant l’objet de mesures restrictives, il n’est pas interdit au Conseil de se fonder sur les mêmes éléments de preuve ayant justifié l’inscription initiale, la réinscription ou le maintien précédent du nom de la partie requérante sur ladite liste, pour autant que, d’une part, les motifs d’inscription demeurent inchangés et, d’autre part, le contexte n’a pas évolué d’une manière telle que ces éléments de preuve seraient devenus obsolètes (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 99). À ce titre, l’évolution du contexte inclut la prise en considération, d’une part, de la situation du pays à l’égard duquel le système de mesures restrictives a été établi ainsi que de la situation particulière de la personne concernée (arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 78 ; voir également, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 101), et, d’autre part, de l’ensemble des circonstances pertinentes et, notamment, la réalisation des objectifs visés par les mesures restrictives (arrêt du 27 avril 2022, Ilunga Luyoyo/Conseil, T‑108/21, EU:T:2022:253, point 56 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, points 82 à 84 et jurisprudence citée).
163 C’est à la lumière de ces principes jurisprudentiels qu’il convient de vérifier si le Conseil a commis une erreur d’appréciation en décidant d’inscrire puis de maintenir le nom du requérant sur la liste en cause.
164 À cet égard, il convient de distinguer entre les actes initiaux et les actes de maintien de septembre 2022, en ce qu’ils visent le requérant en tant que cofondateur et PDG d’UMMC, d’une part, et les actes de maintien de mars 2023, de septembre 2023 et de mars 2024, en ce qu’ils le visent en tant qu’ancien PDG d’UMMC ainsi qu’en tant qu’homme d’affaires actif dans de nombreux secteurs d’activité différents, reconnu pour ses contributions importantes à l’économie russe et au développement de la région de l’Oural, d’autre part.
Sur les actes initiaux
– Sur les éléments de preuve produits par le Conseil
165 Il convient de rappeler que les motifs par lesquels le nom du requérant a été inscrit sur la liste en cause figurent au point 11 ci-dessus et reposent sur le critère g) initial.
166 Les documents sur lesquels le Conseil s’est fondé pour adopter ces actes et figurant dans le premier dossier WK sont notamment les suivants :
– un extrait du site Internet du magazine économique Forbes, consulté le 24 mai 2022 (pièce no 1) ;
– un article publié sur le site Internet « uralpolit.ru », consulté le 24 mai 2022 (pièce no 2) ;
– un extrait du site Internet « bloomberg.com », consulté le 8 juin 2022 (pièce no 3) ;
– un article publié sur le site Internet « newmagazineroom.ru », consulté le 3 juillet 2022 (pièce no 4) ;
– un extrait du site Internet officiel d’UMMC, consulté le 24 mai 2022 (pièce no 5) ;
– un extrait du site Internet « emis.com », consulté le 1er juillet 2022 (pièce no 6) ;
– un extrait du site Internet « list-org.com », consulté le 1er juillet 2022 (pièce no 7) ;
– un article publié sur le site Internet « e-vesti.ru », consulté le 1er juillet 2022 (pièce no 8) ;
– un article publié sur le site Internet « metalinfo.ru », consulté le 1er juillet 2022 (pièce no 9) ;
– un article publié sur le site Internet « kommersant.ru », consulté le 7 juillet 2022 (pièce no 10) ;
– un extrait du site Internet officiel « en.kremlin.ru », consulté le 1er juillet 2022 (pièce no 11) ;
– un guide publié sur le site Internet du cabinet d’avocats BakerMcKenzie, consulté le 1er juillet 2022 (pièce no 12) ;
– un extrait du site Internet officiel de l’OMC, consulté le 1er juillet 2022 (pièce no 13) ;
– un rapport publié sur le site Internet du cabinet d’avocats Thomsonreuters, consulté le 1er juillet 2022 (pièce no 14) ;
– un rapport publié sur le site Internet « emis.com », consulté le 1er juillet 2022 (pièce no 15) ;
– un article publié sur le site Internet « oblgazeta.ru », consulté le 12 juillet 2022 (pièce no 16).
167 Les pièces nos 1 à 4, 7 et 16 visent à démontrer que le requérant est le PDG d’UMMC ainsi qu’un homme d’affaires russe influent. Les pièces nos 5 à 8 visent à démontrer qu’UMMC est l’une des plus grandes sociétés russes de production des principaux produits de base, tels que le cuivre, le zinc, le charbon, l’or et l’argent et qu’elle opère dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie. Les pièces nos 11 à 14 visent à démontrer que le secteur de la métallurgie est l’un des secteurs les plus importants de l’économie russe.
168 Le requérant fait valoir, en substance, que les pièces contenues dans le premier dossier WK sont fausses, inexactes ou imprécises et conteste, de façon plus générale, la pertinence de l’ensemble des pièces produites afin de justifier l’inscription de son nom sur la liste en cause au regard du motif d’inscription.
169 Le Conseil conteste les arguments du requérant.
170 Il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, l’activité du juge de l’Union est régie par le principe de libre appréciation des preuves et le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité. À cet égard, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue en tenant compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration ainsi que de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (voir arrêts du 31 mai 2018, Kaddour/Conseil, T‑461/16, EU:T:2018:316, point 107 et jurisprudence citée, et du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 95 et jurisprudence citée).
171 En l’absence de pouvoirs d’enquête dans des pays tiers, l’appréciation des autorités de l’Union doit, de fait, se fonder sur des sources d’information accessibles au public, des rapports, des articles de presse, des rapports des services secrets ou d’autres sources d’information similaires (voir, en ce sens, arrêts du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 107, et du 1er juin 2022, Prigozhin/Conseil, T-723/20, non publié, EU:T:2022:317, point 59).
172 En outre, la situation de conflit dans lequel la Fédération de Russie et l’Ukraine sont impliquées rend en pratique particulièrement difficile l’accès à certaines sources. Les difficultés d’investigation qui s’ensuivent peuvent ainsi contribuer à faire obstacle à ce que des preuves précises et des éléments d’information objectifs soient apportés (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 116 et jurisprudence citée).
173 S’agissant des autres objections soulevées par le requérant à l’égard d’informations figurant dans le premier dossier WK, qui, selon le cas, n’auraient pas été mises à jour ou seraient fausses, imprécises ou inexactes, il convient d’observer que ces dernières ont trait à la véracité de certaines allégations contenues dans les pièces inclues dans ledit dossier et non pas à la fiabilité et la crédibilité de ces dernières, si bien qu’elles doivent être examinées, le cas échéant, dans le cadre de l’examen du bien-fondé du motif d’inscription du nom du requérant sur la liste en cause.
– Sur l’application au requérant du critère g) initial
174 Il y a lieu de rappeler que le nom du requérant a été inscrit sur la liste en cause sur la base du critère g) initial, au motif qu’il « [était] un homme d’affaires russe influent [et qu’i]l [était] cofondateur et PDG d’[UMMC], l’une des plus grandes sociétés russes de production des principaux produits de base (notamment le cuivre, le zinc, le charbon, l’or et l’argent) » (voir point 11 ci-dessus).
175 À titre liminaire, il convient d’écarter, au vu des considérations développées aux points 59 à 77 ci-dessus, l’argument du requérant selon lequel l’inscription de son nom sur la liste en cause serait illégale en ce qu’elle reposerait sur des critères posés par des actes illégaux.
176 En premier lieu, s’agissant de la qualification du requérant en tant qu’homme d’affaires influent, il y a lieu de constater que le critère g) initial emploie la notion de « femmes et hommes d’affaires influents » en corrélation avec l’exercice d’une « activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement [russe] », sans autre condition concernant un lien, direct ou indirect, avec ledit gouvernement. La finalité poursuivie par ce critère est en effet d’exercer une pression maximale sur les autorités russes, afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et à leurs politiques déstabilisant l’Ukraine ainsi qu’à l’agression militaire de ce pays (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 138 et jurisprudence citée).
177 À cet égard, comme il a été rappelé au point 66 ci-dessus, il existe un lien logique entre le fait de cibler les hommes et les femmes d’affaires influents ayant une activité dans des secteurs économiques fournissant des revenus substantiels au gouvernement russe, d’une part, et l’objectif des mesures restrictives en l’espèce, qui est d’accroître la pression sur la Fédération de Russie ainsi que d’accroître le coût des actions de cette dernière visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, d’autre part (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 139 et jurisprudence citée).
178 Toutefois, rien dans les considérants ou les dispositions de la décision 2014/145 modifiée et du règlement no 269/2014 modifié ne permet de conclure qu’il incombe au Conseil de démontrer l’existence d’un lien étroit ou d’une interdépendance entre, d’une part, la personne dont le nom est inscrit sur la liste en cause et, d’autre part, le gouvernement russe ou ses actions compromettant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 140).
179 Contrairement à ce que soutient le requérant, il ne saurait être inféré de la jurisprudence relative au critère appliqué dans le cadre des mesures restrictives prises à l’encontre de la République arabe syrienne que la notion de « femmes et hommes d’affaires influents » utilisée dans le cadre du critère appliqué en l’espèce impliquerait l’obligation pour le Conseil de démontrer l’existence de liens étroits ou d’interdépendance avec le gouvernement russe (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 141).
180 Il ressort de la jurisprudence qu’une telle interprétation se heurterait non seulement au libellé du critère g) initial, mais également à l’objectif visé. En effet, d’une part, eu égard au libellé du critère g) initial, tel que rappelé au point 59 ci-dessus, les personnes visées doivent être considérées comme influentes du fait de leur importance dans le secteur dans lequel elles exercent leur activité et de l’importance que revêt ce secteur pour l’économie russe. La notion de femmes et hommes d’affaires influents doit donc être comprise comme visant l’importance de ces derniers au regard, notamment, de leurs statuts professionnels, de l’importance de leurs activités économiques, de l’ampleur de leurs possessions capitalistiques ou de leurs fonctions au sein d’une ou de plusieurs entreprises dans lesquelles ils exercent ces activités. D’autre part, l’objectif des mesures restrictives en cause n’est pas de sanctionner certaines personnes ou certaines entités en raison de leurs liens avec la situation en Ukraine ou de leurs liens avec le gouvernement russe, mais, comme cela est rappelé au point 66 ci-dessus, d’imposer des sanctions économiques à la Fédération de Russie, afin d’accroître la pression sur celle-ci ainsi que le coût de ses actions visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine et de mettre un terme, aussi vite que possible, à l’agression subie par celle-ci (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, points 144 et 145 et jurisprudence citée).
181 Ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, le critère g) initial n’implique pas, pour le Conseil, de démontrer l’existence de liens étroits ou d’une relation d’interdépendance avec le gouvernement russe. Son application ne dépend pas davantage d’une imputabilité au requérant de la décision de poursuite de l’agression militaire de l’Ukraine ou d’un lien direct ou indirect avec l’annexion de la Crimée ou la déstabilisation de l’Ukraine.
182 C’est à l’aune de ces considérations qu’il y a lieu d’apprécier si le Conseil a entaché sa décision d’inscrire le nom du requérant sur la liste en cause d’une erreur d’appréciation, en considérant qu’il était un homme d’affaires influent ayant une activité dans un secteur économique qui fournissait une source substantielle de revenus au gouvernement russe.
183 En l’espèce, il convient de constater que la qualité d’homme d’affaires influent du requérant résulte, notamment, des pièces nos 1 à 4, 7 et 16 du premier dossier WK, qui témoignent, en particulier, de ce que, quelques jours avant l’adoption des actes initiaux, le requérant était le PDG et l’administrateur d’UMMC, ce qui, au demeurant, n’est pas contesté par celui-ci. De plus, dans les pièces nos 4 à 6, 8 et 10, UMMC est décrite comme l’une des plus grandes sociétés russes de production des principaux produits de base, tels que le cuivre, le zinc, le charbon, l’or et l’argent employant plus de 80 000 travailleurs dans le monde. Par ailleurs, il est également indiqué dans la pièce no 1 du premier dossier WK que le requérant est le cofondateur d’UMMC.
184 Le caractère d’homme d’affaires influent du requérant au jour de l’inscription de son nom sur la liste en cause par les actes initiaux résulte donc de la position qu’il détenait au sein d’UMMC et de l’importance de cette société au sein de l’économie russe.
185 Certes, il ressort du dossier de l’affaire que le requérant n’était plus le PDG d’UMMC depuis le 19 juillet 2022 et qu’il aurait seulement gardé des parts dans celle-ci.
186 Toutefois, ce changement de situation ne saurait permettre d’écarter la qualité d’homme d’affaires influent du requérant et de constater une erreur d’appréciation du Conseil à cet égard. En effet, contrairement à ce que prétend le requérant, on ne saurait reprocher au Conseil de ne pas avoir tenu compte de sa démission, intervenue deux jours seulement avant la publication des actes initiaux au Journal officiel.
187 De plus, au vu du critère g) initial, la notion de femmes et hommes d’affaires influents se réfère à des éléments factuels qui s’inscrivent à la fois dans le passé et dans la durée. Dès lors, le fait que les motifs d’inscription du nom du requérant sur la liste en cause se réfèrent à une situation factuelle qui aurait été modifiée deux jours avant l’adoption des actes initiaux n’implique pas nécessairement l’obsolescence des mesures restrictives adoptées à son égard par lesdits actes (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 154 et jurisprudence citée).
188 L’argument du requérant consistant à contester la référence, dans l’exposé des motifs, à son rôle de cofondateur d’UMMC, à le supposer bien fondé, n’est pas susceptible de remettre en cause les considérations qui précèdent, dès lors qu’il s’agit d’un élément pouvant être pris en compte parmi d’autres qui sont, quant à eux, suffisamment établis.
189 Partant, au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que le Conseil a considéré que, à la date d’adoption des actes initiaux, le requérant remplissait les conditions d’homme d’affaires influent au sens du critère g) initial.
190 En second lieu, concernant le secteur économique en cause, il ressort de l’exposé des motifs qu’UMMC est une société russe qui a des activités dans les secteurs économiques visant la production de cuivre, de zinc, de charbon, d’or et d’argent, ce qui est confirmé, notamment, par les pièces nos 5 à 8 du premier dossier WK. À cet égard, il importe de souligner, à l’instar du Conseil, que, aux termes du critère g) initial, c’est le secteur économique, et non la personne physique ou morale dont le nom figure sur la liste en cause, qui doit constituer une source substantielle de revenus pour le gouvernement russe. Or, il ressort du premier dossier WK (voir, notamment, les pièces nos 11 à 15) que le secteur de la métallurgie et des mines, qui est un des secteurs économiques en cause et dont la valeur de production a été évaluée, en 2019, à 15 % du produit intérieur brut de la Russie, est le deuxième plus important de ce pays, et il n’est pas contesté qu’il constitue une source substantielle de revenus pour le gouvernement russe.
191 Il s’ensuit que le Conseil a établi par des indices suffisamment concrets, précis et concordants qu’UMMC intervient dans un secteur économique fournissant une source substantielle de revenus au gouvernement russe.
192 Au vu de tout ce qui précède, il convient de relever que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que, à la date d’adoption des actes initiaux, le Conseil a considéré que le requérant remplissait les conditions d’application du critère g) initial.
Sur les actes de maintien de septembre 2022
193 À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 6 de la décision 2014/145 telle que modifiée que celle-ci fait l’objet d’un suivi constant et est prorogée ou modifiée, le cas échéant, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints. L’article 14, paragraphe 4, du règlement no 269/2014 tel que modifié prévoit, quant à lui, la révision à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois de la liste figurant à son annexe.
194 En l’espèce, il doit être constaté que les motifs du maintien, par les actes de septembre 2022, du nom du requérant sur la liste en cause sont demeurés les mêmes que ceux des actes initiaux. Pour justifier ce maintien, le Conseil s’est, en outre, fondé sur les mêmes éléments de preuve que ceux figurant dans le premier dossier WK (voir point 165 ci-dessus).
195 Il convient donc de vérifier si l’ensemble de ces éléments satisfait, ainsi que le prétend le Conseil, à la charge de la preuve qui lui incombe et constitue un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants pour étayer les motifs justifiant l’adoption des actes de maintien de septembre 2022.
196 À cet égard, il doit être relevé que, à la date d’adoption de ces actes, le requérant n’était plus le PDG d’UMMC.
197 Or, il ressort notamment de la jurisprudence rappelée aux points 161 et 162 ci-dessus que, lors du réexamen des mesures restrictives en cause, le Conseil est tenu de procéder à une appréciation actualisée de la situation et d’établir un bilan de leur impact afin de déterminer si elles ont permis d’atteindre les objectifs visés par l’inscription initiale des personnes et entités concernées ou s’il est toujours possible de tirer la même conclusion en ce qui concerne ces dernières. Le maintien du nom d’une personne sur la liste en cause peut être fondé sur les mêmes éléments de preuve ayant justifié son inscription initiale ou son maintien précédent, pour autant que, d’une part, les motifs d’inscription demeurent inchangés et que, d’autre part, le contexte, incluant également la situation particulière de la personne concernée, n’a pas évolué d’une manière telle que ces éléments de preuve seraient devenus obsolètes.
198 S’il est vrai que le contexte général de la situation en Ukraine en ce qui concerne les menaces à son intégrité territoriale, à sa souveraineté et à son indépendance est resté inchangé entre l’adoption des actes initiaux et de ceux de septembre 2022, il n’en est pas de même en ce qui concerne la situation du requérant, en raison de sa démission de ses fonctions de PDG d’UMMC, ce dont le Conseil avait été entre-temps informé.
199 Il convient donc de vérifier si, conformément à la jurisprudence citée aux points 161 et 162 ci-dessus, le Conseil a dûment tenu compte de cette évolution aux fins de décider du maintien du nom du requérant sur la liste en cause.
200 En premier lieu, force est de constater que la base factuelle du motif retenu dans les actes de septembre 2022 à l’égard du requérant, qui se rattache au critère g) initial, se réfère, en substance, exclusivement à ses fonctions de PDG d’UMMC et à la circonstance qu’il en était le cofondateur.
201 Or, il ressort du dossier de l’affaire que, au moment de l’adoption de ces actes, le requérant n’était plus le PDG d’UMMC, étant donné qu’il avait démissionné de telles fonctions le 19 juillet 2022, ce que le Conseil ne conteste d’ailleurs pas et ce dont il était informé à tout le moins depuis le 15 août 2022. Il s’ensuit que l’argument du requérant concernant l’erreur de fait commise par le Conseil en considérant, dans les motifs justifiant le maintien de son nom sur la liste en cause par les actes de septembre 2022, qu’il était le PDG d’UMMC, doit être accueilli.
202 En second lieu, il doit être relevé que le Conseil n’a pas pris en compte les changements intervenus dans la situation particulière du requérant. En effet, les motifs spécifiques ayant justifié l’inscription de son nom sur la liste en cause étaient liés, pour l’essentiel, au fait qu’il était considéré comme étant cofondateur et PDG d’UMMC.
203 Or, si les fonctions de PDG d’UMMC permettaient de justifier ladite inscription (voir points 183 à 192 ci-dessus), il n’en est pas de même pour ce qui est du maintien du nom du requérant sur la liste en cause par les actes de septembre 2022, dès lors que leur adoption doit se fonder sur un réexamen des mesures restrictives en cause permettant au Conseil de tenir compte des éventuels changements de circonstances concernant, notamment, la situation individuelle des personnes visées par lesdites mesures (voir points 161 et 162 ci-dessus).
204 Premièrement, le Conseil ne saurait présumer, du seul fait que le requérant était PDG d’UMMC lors de l’inscription de son nom sur la liste en cause, qu’il peut être qualifié d’homme d’affaires influent ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie. En effet, cela conduirait à figer la situation du requérant et à priver de tout effet utile l’exercice du réexamen périodique prévu, notamment, à l’article 6, troisième alinéa, de la décision 2014/145 et à l’article 14, paragraphe 4, du règlement no 269/2014, dans leurs versions applicables au moment de l’adoption des actes de septembre 2022.
205 Deuxièmement, le Conseil ne saurait davantage présumer que le seul fait que le requérant avait exercé de telles fonctions puisse constituer, en soi, une preuve suffisante de ce que sa qualité d’homme d’affaires influent ayant des activités dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement russe perdurait.
206 Certes, il ne saurait être exclu d’emblée que l’ancien PDG d’un grand groupe puisse continuer d’être qualifié d’homme d’affaires influent, même après sa démission, en particulier si, comme en l’espèce, cette démission est concomitante ou presque avec l’inscription de son nom sur la liste en cause. Toutefois, lorsque, comme en l’espèce, l’existence d’une telle qualification est contestée et que le Conseil a été préalablement informé du changement de la situation individuelle de la personne concernée, il appartient à ce dernier d’avancer des indices suffisamment probants permettant raisonnablement de considérer que l’intéressé exerce toujours une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, justifiant le maintien de son nom sur la liste, même après sa démission (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2023, Shulgin/Conseil, T‑364/22, non publié, EU:T:2023:503, point 118 et jurisprudence citée).
207 Or, en l’espèce, le Conseil n’a fourni aucun élément suffisamment probant relatif à la situation actualisée du requérant permettant d’expliquer les raisons pour lesquelles celui-ci devait être considéré comme étant toujours un homme d’affaires influent ayant des activités dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement russe au sens du critère g) initial. Au contraire, le Conseil s’est fondé sur les mêmes éléments de preuve que ceux dont il avait tenu compte pour justifier l’inscription du nom du requérant sur la liste en cause par les actes initiaux, et ce nonobstant l’évolution de la situation individuelle de ce dernier, dont le Conseil avait eu connaissance en temps utile.
208 Dans le mémoire en défense, le Conseil souligne que le requérant détient toujours un certain nombre d’actions d’UMMC, qu’il est actionnaire, notamment, d’autres sociétés du groupe UMMC et qu’il est l’actionnaire unique de la filiale Agro Aktiv LLC, laquelle possède et gère les biens liés à l’agriculture de ce groupe. Force est toutefois de constater que de tels éléments ne se rattachent pas aux motifs ayant justifié l’adoption des actes de septembre 2022 au regard du requérant.
209 Au vu des considérations qui précèdent, il convient de conclure que les motifs d’inscription ayant justifié l’adoption des actes de septembre 2022, qui se rattachent au critère g) initial, ne sont pas suffisamment étayés, de sorte que lesdits actes doivent être annulés en ce qu’ils concernent le requérant.
Sur les actes de maintien de mars 2023
210 Les motifs par lesquels le nom du requérant a été maintenu sur la liste en cause, par les actes de maintien de mars 2023, figurent au point 24 ci-dessus et reposent sur le critère g) initial.
211 Les documents sur lesquels le Conseil s’est fondé pour adopter ces actes et figurant dans le deuxième dossier WK sont notamment les suivants :
– un communiqué de presse publié sur le site Internet « ugmk.com », consulté le 30 août 2022, selon lequel le requérant aurait démissionné de ses fonctions au sein d’UMMC à cause de la possible adoption de mesures restrictives le concernant (pièce no 1) ;
– un extrait du site Internet officiel d’UMMC, consulté le 27 novembre 2022, et deux articles publiés sur le site Internet « ura.news », consultés, respectivement, les 30 et 31 août 2022, mentionnant la participation du requérant à un évènement public d’UMMC après sa démission (pièces nos 2 à 4) ;
– des articles publiés sur le site Internet « ura.news », consulté le 27 novembre 2022, sur le site Internet « metalinfo.ru », consulté le 27 novembre 2022, selon lesquels le requérant détient une partie significative du capital social d’UMMC (pièces nos 5 et 6) ;
– un extrait du site Internet officiel d’UMMC, consulté le 14 novembre 2022, résumant le rôle et la carrière du requérant dans UMMC (pièce no 7) ;
– un extrait du site Internet « urfu.ru », consulté le 30 août 2022, décrivant la cérémonie de remise au requérant, par le président de la Fédération de Russie, de la médaille du mérite pour la patrie (pièce no 8) ;
– un extrait du site Internet du parti « Russie Unie », consulté le 30 novembre 2022, concernant la participation du requérant à l’instance régionale du parti Russie Unie (pièce no 9) ;
– deux extraits du site Internet « kommersant.ru », consultés les 30 août et 30 novembre 2022, énonçant que le requérant étant devenu propriétaire d’une société qui faisait partie du groupe UMMC et ayant créé plusieurs sociétés actives dans différents secteurs, il demeurait un homme d’affaires actif (pièces nos 10 et 11) ;
– un article publié sur le site Internet « moscow-post.su », consulté le 30 novembre 2022, selon lequel un certain nombre d’actifs stratégiques du groupe UMMC sont contrôlés par le requérant (pièce no 12) ;
– un article publié sur le site Internet « e1.ru », consulté le 30 août 2022, attestant de la contribution du requérant à l’économie russe et de son rôle dans UMMC (pièce no 13) ;
– un article publié sur le site Internet « ngs42.ru », consulté le 14 novembre 2022, concernant les multiples investissements du requérant dans de nombreux secteurs économiques (pièce no 14) ;
– vingt extraits du site Internet « companies.rbc.ru » ainsi que des articles publiés, respectivement, sur les sites Internet « interfax.ru », « ura.news » et « ekb.rbc.ru », consultés le 27 novembre 2022, énumérant les différentes sociétés fondées par le requérant et dont il est actionnaire (pièces nos 15 à 38).
212 Les pièces nos 1 à 5 et 12 visent à démontrer le rôle du requérant dans UMMC et le fait qu’il en est resté actionnaire, même après avoir démissionné le 19 juillet 2022, ainsi que le fait qu’il est un homme d’affaires influent. Les pièces noso6 à 11, 13 et 14 visent à démontrer que le requérant demeure un homme d’affaires influent dans de nombreux secteurs d’activité différents et qu’il contribue à l’économie de la région de l’Oural. Les pièces nos 15 à 38 visent à démontrer qu’il détient de nombreuses participations tant dans des sociétés relevant du périmètre d’UMMC que dans des sociétés qu’il a développées de façon autonome.
213 Il y a lieu de constater que, dans les actes de maintien de mars 2023 (voir point 24 ci-dessus), le Conseil a modifié les motifs d’inscription du nom du requérant sur la liste en cause. En effet, d’une part, il a renoncé à mentionner le fait que le requérant était cofondateur d’UMMC et, d’autre part, il a indiqué qu’il était l’« ancien PDG d’[UMMC], l’une des plus grandes sociétés russes de production des principaux produits de base […], et [qu’il] demeur[ait] un homme d’affaires actif dans de nombreux secteurs d’activité différents ». En outre, il a indiqué que le requérant « [était] reconnu pour ses contributions importantes à l’économie russe et au développement de la région de l’Oural [et qu’il était] donc un homme d’affaires russe influent ayant une activité dans des secteurs économiques qui constitue[aie]nt une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui [était] responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »
214 Il convient donc, en application de la jurisprudence rappelée aux points 160 à 162 ci-dessus, de vérifier si le contexte, les objectifs et la situation individuelle du requérant permettaient au Conseil de maintenir son nom sur la liste en cause sur la base des motifs indiqués au point 213 ci-dessus.
215 S’agissant du contexte général, force est de constater que, à la date d’adoption des actes de maintien de mars 2023, la gravité de la situation en Ukraine demeurait.
216 De même, les mesures restrictives étaient toujours justifiées au regard de l’objectif poursuivi, à savoir d’exercer une pression maximale sur les autorités russes afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et politiques déstabilisant l’Ukraine.
217 S’agissant de la situation individuelle du requérant, il y a lieu de constater que, outre l’actualisation des motifs concernant sa position d’ancien PDG d’UMMC, le Conseil se réfère à la circonstance que, malgré sa démission de ses fonctions de PDG, le requérant demeurait un homme d’affaires actif dans de nombreux secteurs d’activité différents, tout en étant reconnu pour ses contributions importantes à l’économie russe et au développement de la région de l’Oural.
218 Or, il ressort du deuxième dossier WK que, à la date d’adoption des actes de maintien de mars 2023, d’une part, la participation du requérant en tant qu’actionnaire restait significative à hauteur de 9 % du capital social d’UMMC et, d’autre part, il avait bénéficié du transfert d’actifs et de participations d’UMMC, qui apparaît comme un conglomérat comprenant plus de 40 entreprises en Russie et à l’étranger, parmi lesquelles figuraient, notamment, des usines d’exploitation minière, de câble, de charbon, de métallurgie des métaux non ferreux et de métallurgie (voir, notamment, les pièces nos 5 et 6 du deuxième dossier WK).
219 En définitive, ainsi que le souligne le Conseil, compte tenu des pièces du deuxième dossier WK, la démission du requérant de ses fonctions de PDG d’UMMC doit être appréciée dans le contexte factuel dans lequel elle est intervenue. Or, ce contexte révèle que, malgré cette démission, le requérant demeurait un homme d’affaires actif dans de nombreux secteurs d’activité. En effet, il était l’un des actionnaires de référence d’UMMC, qu’il avait dirigée depuis 1999 jusqu’à la veille de l’adoption des actes initiaux, et avait préservé sa position d’influence dans cette société, justifiant ainsi sa participation à des activités de représentation. Il avait également veillé à diviser certains actifs d’UMMC et à bénéficier du transfert d’une partie de ceux-ci, UMMC étant un conglomérat jouant un rôle décisif et qui produit des revenus substantiels, à travers ses multiples activités, au bénéfice du gouvernement russe.
220 Par conséquent, eu égard à ce qui précède, le Conseil a pu considérer, à juste titre, que, à la date d’adoption des actes de maintien de mars 2023, le requérant demeurait un homme d’affaires influent, actif dans de nombreux secteurs d’activité différents y inclus les secteurs d’activités d’UMMC.
221 S’agissant de l’existence d’une activité dans des secteurs économiques fournissant une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, il y a lieu de rappeler que le secteur de la métallurgie et des mines, qui demeure visé par les actes de maintien de mars 2023, fournit une telle source substantielle de revenus au gouvernement russe (voir, notamment, point 190 ci-dessus). Par ailleurs, ainsi que le souligne le Conseil, le conglomérat UMMC, dont le requérant est un actionnaire important quoique minoritaire, doit également être considéré comme concernant un ensemble de secteurs d’activité constituant une source substantielle de revenus pour le gouvernement russe.
222 Au vu de tout ce qui précède, il convient de considérer que le motif d’inscription du nom du requérant sur la liste en cause, fondé sur le statut d’homme d’affaires influent ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement russe, correspondant au critère g) initial, est suffisamment étayé, de sorte que le maintien du nom du requérant sur la liste en cause, résultant des actes de maintien de mars 2023, est bien fondé.
Sur les actes de maintien de septembre 2023 et de mars 2024
223 À titre liminaire, il convient de rappeler que les motifs par lesquels le nom du requérant a été maintenu sur la liste en cause, par les actes de maintien de septembre 2023 sont identiques aux motifs ayant justifié l’adoption des actes de maintien de mars 2024 (voir points 34 et 40 ci-dessus). À cet égard, il est constant entre les parties que le Conseil s’est fondé sur les premier et troisième volets du critère g) modifié (voir point 78 ci-dessus).
224 Les documents sur lesquels le Conseil s’est fondé pour adopter les actes de septembre 2023 et figurant dans le troisième dossier WK sont, notamment, les suivants :
– un extrait du site Internet du magazine économique Forbes, consulté le 2 juin 2023 (pièce no 1), selon lequel, notamment, la fortune du requérant s’élève à 4,3 milliards de dollars et a augmenté entre 2022 et 2023 ;
– un article publié sur le site Internet « news.rambler.ru », consulté le 1er juin 2023 (pièce no 2), relatif à l’organisation, en avril 2023, d’un forum eurasiatique grâce au soutien financier d’industriels connus de la région de l’Oural, parmi lesquels figure le requérant ;
– deux articles publiés sur le site Internet « ekb.rbc.ru », consultés le 2 juin 2023 (pièce nos 3 et 4), faisant référence, notamment, au requérant comme un homme d’affaires faisant partie du « Board des Trustees » de la Fondation Demidov ;
– quatre extraits du site officiel Internet de la Société historique militaire russe, consultés le 2 juin 2023 (pièce nos 5 à 8), attestant que le requérant siège au « Board des Trustees » d’une organisation dite « historique militaire russe » ;
– un extrait du site Internet « companies.rbc.ru », consulté le 2 juin 2023 (pièce no 9), qui contient une liste des sociétés fondées par le requérant dans différents secteurs de l’économie russe ;
– un article publié sur le site Internet « interfax.ru », consulté le 2 juin 2023 (pièce no 10), énonçant que, en 2022, le requérant a « reçu » et gère actuellement un nombre important de sociétés, dont certaines ayant précédemment des liens avec UMMC, dans divers secteurs économiques, dont le secteur minier ;
– un article publié sur le site Internet « itsmycity.ru », consulté le 2 juin 2023 (pièce no 11), commentant la publication par le magazine économique Forbes de la liste des personnes les plus riches de Russie et parmi lesquelles figurent plusieurs hommes d’affaires originaires de la région de Sverdlovsk (Russie), dont le requérant, lequel aurait augmenté sa richesse de plusieurs milliards de dollars par rapport à 2022 ;
– trois extraits publiés par un site Internet d’audit comptable russe « audit‑it.ru », consultés le 2 juin 2023 (pièces nos 12, 13 et 14), mentionnant que le requérant est le fondateur et propriétaire, respectivement, de 100 % des actions de la société Synergia LCC, ainsi que le fondateur de 30 autres entités juridiques, de 100 % des actions de la société LLC Gostinichny compleks, et de 70 % des actions de la société LLC Dominat.
225 Les pièces nos 1 à 3 visent à démontrer que le requérant est l’un des cofondateurs d’UMMC, qu’il demeure un homme d’affaires et que son importance est reconnue dans la région de l’Oural. Les pièces nos 4 à 8 visent à démontrer qu’il occupe une place importante dans la société russe et qu’il peut toujours être considéré comme une personnalité influente dans son pays. La pièce no 9 vise à démontrer que le requérant demeure un homme d’affaires influent, actif dans de nombreux secteurs de l’économie russe. La pièce no 10 vise à démontrer qu’il gère un certain nombre de sociétés, dans divers secteurs dont le secteur minier, et que plusieurs de ces sociétés avaient précédemment des liens avec UMMC. Les pièces nos 12 à 14 visent, enfin, à démontrer que le requérant est le fondateur et l’actionnaire, soit majoritaire soit exclusif, de plusieurs sociétés et, de façon plus générale, qu’il a diversifié ses activités en restant un homme d’affaires influent en Russie.
226 Par ailleurs, pour adopter les actes de septembre 2023, le Conseil s’est également fondé sur les quatrième et cinquième dossiers WK, qui sont des dossiers de preuve « horizontaux » incluant des éléments de contexte. Plus particulièrement, le quatrième dossier WK est composé de documents portant sur l’économie russe, sur les secteurs de l’agriculture et des fertilisants, du domaine bancaire et financier, de la construction, des technologies de l’information et des technologies, sur la situation économique et commerciale après le 24 février 2022 et le rôle des membres de la famille ainsi que sur des rapports et ouvrages. Le cinquième dossier WK est composé, quant à lui, de documents portant sur l’économie russe en temps de guerre et l’implication des hommes et femmes d’affaires dans l’industrie de guerre, sur la production industrielle, l’industrie sidérurgique, le secteur du charbon, le secteur des combustibles fossiles et le secteur de l’aviation.
227 Les documents sur lesquels le Conseil s’est fondé pour adopter les actes de mars 2024 et figurant dans le sixième dossier WK sont notamment les suivants :
– un extrait du site Internet « tadviser », consulté le 26 novembre 2023, qui évoque, notamment, l’achat par le requérant de 100 % des parts de la société d’investissement Confident (pièce no 1) ;
– un extrait du site Internet « ura.news », ayant trait à un article publié le 25 octobre 2023 et consulté le 26 novembre 2023, selon lequel le requérant était devenu le propriétaire de ladite société d’investissement, dont l’ancien vice-président d’UMMC avait été nommé comme directeur (pièce no 2) ;
– un extrait du site Internet « dk.ru », ayant trait à un article, publié le 26 octobre 2023 et consulté le 26 novembre 2023, selon lequel le requérant était le propriétaire unique de ladite société d’investissement, ainsi que le copropriétaire de diverses autres sociétés, dont l’Hotel complex, et d’une société de gestion immobilière à Ekaterinburg (Russie) (pièce no 3) ;
– un extrait du site Internet « interfax », ayant trait à un article, daté du 25 octobre 2023 et consulté le 26 novembre 2023, selon lequel le requérant était devenu le propriétaire des sociétés Confident et Hotel complex, ainsi que l’actionnaire principal des sociétés de gestion immobilière Alliance et Dialog-S et de la société Agro-Aktiv (pièce no 4) ;
– un extrait du site Internet « ekb.rbc.ru », de RosBiznes Consulting, ayant trait à un article, daté du 22 novembre 2023 et consulté le 26 novembre 2023, selon lequel une des sociétés du requérant, Proper lunch, était la seule participante à un appel d’offres pour l’attribution d’espaces de cuisine et de magasins dans l’Ekaterinburg Arena et avait obtenu ledit marché (pièce no 5) ;
– un extrait du site Internet financier « readyratios », consulté le 26 novembre 2023, selon lequel le requérant était le propriétaire à 99,5 % de la société Agro-Aktiv (pièce no 6) ;
– un extrait du même site Internet, consulté le 26 novembre 2023, confirmant l’existence de la société Dominat, dont le requérant possédait une large part (pièce n o 7) ;
– un extrait du site Internet du magazine économique Forbes, consulté le 26 novembre 2023, selon lequel le requérant était toujours mentionné dans la liste des plus grandes fortunes russes (pièce no 8) ;
– un extrait du site Internet d’informations régionales « e1.ru », ayant trait à un article, publié le 20 novembre 2023 et consulté le 26 novembre 2023, selon lequel, fin 2022, le requérant faisait partie des personnes les plus riches de Russie. En outre, cet article indique que, en 2022, UMMC était classée 17ème dans la liste des 30 plus grands investisseurs en Russie (pièce no 9) ;
– un extrait du site Internet d’informations régionales « itsmycity », ayant trait à un article publié le 20 avril 2023 et consulté le 26 novembre 2023, selon lequel le requérant était l’un des trois hommes d’affaires de la région Sverdlovsk faisant partie des hommes les plus riches de Russie en 2023 (pièce no 10) ;
– un extrait du site Internet « mergers.ru, » publié le 25 octobre 2023 et consulté le 28 novembre 2023, selon lequel le requérant était devenu le propriétaire d’une société d’investissement et qu’il possédait d’autres investissements dans divers secteurs, en ce compris les sociétés Dominat, Agro-Aktiv, Proper lunch et Hotel complex (pièce no 11).
228 Les pièces du sixième dossier WK visent à confirmer, conformément aux conditions énoncées dans le critère g) modifié, d’une part, l’actualité de la qualité d’homme d’affaires influent exerçant des activités en Russie du requérant ainsi que l’importance qui lui est reconnue dans la région de l’Oural et, d’autre part, le fait qu’il est actif dans des secteurs économiques fournissant une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie.
229 Dans les motifs justifiant l’adoption des actes de septembre 2023 et de mars 2024, le Conseil s’est limité à modifier les motifs d’inscription du nom du requérant sur la liste en cause aux seules fins de les adapter au critère g) modifié.
230 Il convient donc, en application de la jurisprudence rappelée aux points 160 à 162 ci-dessus, de vérifier si le contexte, les objectifs et la situation individuelle du requérant permettaient au Conseil de maintenir son nom sur la liste en cause sur la base des motifs indiqués au point 34 ci-dessus.
231 En premier lieu, il convient de relever que le contexte général de la situation en Ukraine, en ce qui concerne les menaces à son intégrité territoriale, à sa souveraineté et à son indépendance, est resté inchangé depuis l’adoption des actes initiaux. De même, les mesures restrictives en cause demeuraient justifiées au regard de l’objectif poursuivi.
232 En second lieu, s’agissant de la situation individuelle du requérant, force est de constater que les motifs d’inscription sont demeurés, en substance, les mêmes que ceux figurant dans les actes de maintien de mars 2023 (voir point 229 ci-dessus).
233 Les différents éléments de preuve contenus dans les cinquième et sixième dossiers WK confirment, en effet, que le requérant est demeuré un homme d’affaires influent exerçant des activités en Russie et qu’il poursuit ses investissements dans diverses entreprises et secteurs de l’économie russe, qui lui permettent d’augmenter davantage son influence dans ce pays.
234 Or, dans la mesure où il a été conclu, au point 222 ci-dessus, que le requérant était un homme d’affaires influent ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement russe, au sens de l’ancien critère g), il ne saurait être considéré, en l’espèce, que le requérant, au regard de son statut professionnel et de l’ampleur de ses possessions capitalistiques, n’est pas un « homme d’affaires influent exerçant des activités en Russie » ou, compte tenu des secteurs d’activité susmentionnés, qu’il n’est pas « un homme d’affaires intervenant dans des secteurs économiques constituant une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie », au sens du critère g) modifié.
235 S’agissant de l’argument du requérant selon lequel la seule détention d’actions dans une société, sans une immixtion directe ou indirecte dans la gestion de celle-ci, ne constituerait pas une activité économique, il convient de relever, à l’instar du Conseil, que les principes jurisprudentiels issus des arrêts du 6 septembre 2012, Portugal Telecom (C‑496/11, EU:C:2012:557, point 33), et du 30 mai 2013, X (C‑651/11, EU:C:2013:346, point 36), évoqués par le requérant, ont été formulés dans le cadre, très spécifique, de décisions préjudicielles portant sur l’interprétation de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1). Dans ces arrêts, la Cour a interprété la notion d’activité économique au sens de cette directive, et, plus précisément, le montant de la taxe sur la valeur ajoutée à avancer au titre du transfert des parts, ce qui n’a rien de commun avec l’action de l’Union dans le domaine de la PESC ni avec les mesures restrictives, si bien qu’elle n’est pas pertinente en l’espèce.
236 Quant à l’existence d’une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, il y a lieu de renvoyer aux points 190 et 221 ci-dessus, dont il ressort, d’une part, que le secteur de la métallurgie et des mines, qui demeure visé par les actes de maintien de septembre 2023 et de mars 2024, fournit une telle source substantielle de revenus au gouvernement russe et, d’autre part, que le conglomérat UMMC doit également être considéré comme concernant un ensemble de secteurs d’activité constituant une source substantielle de revenus pour le gouvernement russe.
237 Par ailleurs, il convient de relever que le critère g) modifié prévoit non pas que les sociétés au sein desquelles les activités sont exercées doivent avoir des chiffres d’affaires importants, mais que les secteurs d’activité dans lesquels elles sont actives constituent des sources substantielles de revenus pour le gouvernement russe. Or, il ressort du cinquième dossier WK que le requérant a des intérêts dans une trentaine de sociétés présentes dans divers secteurs d’activités (voir, notamment, les pièces nos 9, 10 et 12 du cinquième dossier WK). Parmi ceux-ci figurent les secteurs bancaires et financiers ainsi que les secteurs immobiliers et agricoles, lesquels, ainsi qu’il ressort, notamment, des quatrième et septième dossiers WK, fournissent des sources substantielles de revenus pour le gouvernement russe. Au demeurant, le fait qu’un secteur économique représente une part relative moins importante que d’autres secteurs dans le produit intérieur brut russe ne signifie pas pour autant que ce secteur n’est pas susceptible de fournir une source substantielle au gouvernement de la Fédération de Russie.
238 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que le Conseil a établi, par des indices suffisamment concrets, précis et concordants, que les motifs d’inscription du nom du requérant sur la liste en cause, fondés, d’une part, sur le statut d’homme d’affaires influent exerçant des activités en Russie et, d’autre part, sur le statut d’homme d’affaires ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement russe, correspondant au critère g) modifié, sont suffisamment étayés, si bien que le maintien de son nom sur la liste en cause, résultant des actes de maintien de septembre 2023 et de mars 2024, est bien fondé.
239 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le présent moyen en ce qui concerne les actes de maintien de septembre 2022 et de le rejeter en ce qui concerne les actes initiaux, les actes de maintien de mars et septembre 2023 ainsi que les actes de mars 2024.
Sur le moyen tiré d’une méconnaissance des droits fondamentaux de l’Union européenne
240 Le requérant soutient, en substance, que les actes initiaux et les actes de septembre 2022 portent atteinte à son droit de propriété, à sa liberté d’entreprendre et à sa liberté d’aller et venir, dans la mesure où ils prévoient un gel de ses fonds et une interdiction d’entrer ou de transiter par un État membre de l’Union. Elle fait valoir que les mesures restrictives le concernant ne seraient pas prévues par la loi, ne rempliraient pas un objectif d’intérêt général, ne seraient pas limitées dans le temps et ne seraient pas proportionnées.
241 Le Conseil conteste les arguments du requérant.
242 À titre liminaire, au vu de la conclusion énoncée au point 209 ci-dessus, il n’y a pas lieu de statuer sur le présent moyen en ce qui concerne les actes de septembre 2022. Concernant les actes initiaux, il convient d’examiner, d’une part, l’argumentation tirée de l’atteinte au droit de propriété et à la liberté d’entreprise et, d’autre part, celle tirée de l’atteinte à la liberté d’aller et venir.
Sur l’atteinte au droit de propriété et à la liberté d’entreprise
243 Le droit à la liberté d’entreprise et le droit de propriété font partie des principes généraux de droit de l’Union et sont consacrés, respectivement, aux articles 16 et 17 de la Charte.
244 En l’espèce, certes, les mesures restrictives en cause limitent la liberté d’entreprise et le droit de propriété du requérant, dès lors qu’elles imposent notamment un gel de ses fonds et ressources économiques.
245 Cependant, les droits fondamentaux dont se prévaut le requérant ne constituent pas des prérogatives absolues et leur exercice peut faire l’objet de limitations, dans les conditions énoncées à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, aux termes duquel, d’une part, « [t]oute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par [C]harte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés » et, d’autre part, « [d]ans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui ».
246 Ainsi, pour être conforme au droit de l’Union, une limitation de l’exercice des droits et libertés fondamentaux doit répondre à quatre conditions. Premièrement, elle doit être prévue par la loi. Deuxièmement, elle doit respecter le contenu essentiel de ces droits. Troisièmement, elle doit viser un objectif d’intérêt général, reconnu comme tel par l’Union. Quatrièmement, elle doit être proportionnée (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, points 145 et 222 et jurisprudence citée).
247 Or, en l’espèce, force est de constater que ces quatre conditions sont remplies.
248 Premièrement, il y a lieu de constater que les mesures restrictives en cause sont « prévues par la loi », puisqu’elles sont énoncées dans des actes ayant, notamment, une portée générale, à savoir la décision 2014/145 modifiée et le règlement no 269/2014 modifié, et disposant d’une base juridique claire en droit de l’Union, à savoir, respectivement, l’article 29 TUE et l’article 215 TFUE.
249 Deuxièmement, il ressort de la jurisprudence que les mesures restrictives ne portent pas atteinte au contenu essentiel du droit de propriété, dès lors qu’elles présentent, par nature, un caractère temporaire et réversible (voir, en ce sens, arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 154). En l’espèce, le nom du requérant a été inscrit sur la liste en cause pour une durée de deux mois et son maintien est soumis à un réexamen régulier visant à vérifier que ce maintien demeure compatible avec les critères d’inscription en application de l’article 6 de la décision 2014/145. Partant, il y a lieu de conclure que, contrairement à ce que prétend le requérant, la nature et l’étendue du gel de fonds temporaire en cause respectent le contenu essentiel du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre et ne remettent pas en cause ces droits en tant que tels.
250 Troisièmement, les mesures restrictives en cause répondent à un objectif d’intérêt général, reconnu comme tel par l’Union, de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour certains opérateurs (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 150). En effet, elles visent à exercer une pression sur les autorités russes afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et à leurs politiques déstabilisant l’Ukraine. Dans cette perspective, ces mesures sont conformes à l’objectif visé à l’article 21, paragraphe 2, sous c), TUE, qui est de préserver la paix, de prévenir les conflits et de renforcer la sécurité internationale, conformément aux buts et aux principes de la charte des Nations unies (voir, en ce sens, arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 163).
251 Quatrièmement, il y a lieu d’examiner si la limitation en cause est proportionnée au but recherché.
252 Tout d’abord, il convient de vérifier si les mesures restrictives en cause sont appropriées pour atteindre les objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union. En l’espèce, il importe de relever que le gel des fonds du requérant, en ce qu’il s’inscrit dans le cadre d’une série de mesures restrictives, constitue une mesure appropriée pour atteindre l’objectif d’exercer une pression maximale sur les autorités russes, afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et politiques déstabilisant l’Ukraine ainsi qu’à l’agression militaire de ce pays.
253 Ensuite, en ce qui concerne le caractère nécessaire des mesures restrictives découlant des actes initiaux, force est de constater que les mesures de remplacement et les mesures moins contraignantes, telles qu’un système d’autorisation préalable ou une obligation de justification a posteriori de l’usage des fonds versés, ne permettent pas aussi efficacement d’atteindre l’objectif poursuivi, à savoir l’exercice d’une pression sur les personnes visées par les mesures restrictives en cause, notamment eu égard à la possibilité de contourner les restrictions imposées (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 178).
254 Enfin, une mise en balance des intérêts en jeu démontre que les inconvénients que comporte le gel temporaire de fonds ne sont pas démesurés au regard des objectifs poursuivis. À cet égard, l’importance des objectifs poursuivis par les actes initiaux, qui s’inscrivent dans l’objectif plus large du maintien de la paix et de la sécurité internationale, conformément aux objectifs de l’action extérieure de l’Union énoncés à l’article 21 TUE, est de nature à prévaloir sur des conséquences négatives, même considérables, pour certains opérateurs. En effet, il y a lieu de relever que des dérogations spécifiques aux mesures peuvent être accordées par les autorités des États membres conformément à l’article 2, paragraphes 3 et 4, de la décision 2014/145 modifiée et aux articles 4 à 6 du règlement no 269/2014 modifié, notamment pour répondre aux besoins fondamentaux ou essentiels des personnes en cause ou pour faire face aux dépenses nécessaires.
255 Dès lors, les mesures de gel des fonds du requérant respectent le principe de proportionnalité et, partant, il y a lieu de rejeter l’argumentation du requérant tirée de la violation de son droit à la liberté d’entreprise et de son droit de propriété.
Sur l’atteinte à la liberté d’aller et venir
256 Selon le requérant, l’interdiction d’entrer et de transiter par un État membre de l’Union, prévue par la décision 2014/145 modifiée, porte atteinte à l’article 6 de la Charte, en ce qu’elle l’empêche, notamment, de se déplacer au sein de l’Union.
257 L’article 6 de la Charte, aux termes duquel toute personne a droit à la liberté et à la sûreté, reprend la garantie octroyée par l’article 5, paragraphe 1, de la CEDH. Le « droit à la liberté » protégé par ces dispositions vise la liberté physique de la personne et ne concerne pas, contrairement à ce que soutient le requérant, les restrictions à la liberté de circulation, qui sont l’objet de l’article 45 de la Charte.
258 Il ressort de l’article 45, paragraphe 1, de la Charte que « [t]out citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ». L’article 45, paragraphe 2, de la Charte prévoit que « la liberté de circulation et de séjour peut être accordée, conformément aux traités, aux ressortissants de pays tiers résidant légalement sur le territoire d’un État membre ».
259 Or, en l’espèce, le requérant n’a pas invoqué expressément une violation de l’article 45 de la Charte, mais s’est contenté de faire valoir, de manière générale et en se fondant sur l’article 6 de la Charte, que l’inscription de son nom sur la liste en cause avait pour conséquence de l’empêcher de se déplacer au sein de l’Union.
260 Ainsi, il convient de relever que l’argument du requérant relatif à une atteinte à sa liberté de circulation dans l’Union ne relève pas du champ d’application de l’article 6 de la Charte, invoqué par ce dernier, et n’est, en tout état de cause, pas étayé.
261 Enfin, il convient également de constater que le requérant, en tant que ressortissant d’un pays tiers, ne jouit pas de la liberté d’entrer sur le territoire de l’Union. En effet, cette entrée est soumise à des conditions strictes dont il n’a pas démontré la satisfaction (voir, en ce sens, arrêt du 18 mai 2017, Makhlouf/Conseil, T‑410/16, non publié, EU:T:2017:349, point 130).
262 Par conséquent, il y a lieu de rejeter l’argumentation du requérant tirée d’une atteinte à sa liberté d’aller et venir et, partant, le moyen tiré de la méconnaissance des droits fondamentaux de l’Union européenne dans son intégralité en ce qu’il vise les actes initiaux.
263 À la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu d’annuler les actes de septembre 2022, en ce qu’ils concernent le requérant, et de rejeter les recours pour le surplus. Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire de statuer sur le chef de conclusions présenté par le Conseil à titre subsidiaire concernant le maintien des effets des décisions 2022/329, 2022/1530, 2023/572, 2023/1767 et 2024/847 à l’égard du requérant jusqu’à la date d’effet de l’éventuelle annulation partielle, respectivement, des règlements d’exécution 2022/330, 2022/1529, 2023/571, 2023/1765 et 2024/849, puisque, d’une part, les recours sont rejetés en ce qui concerne les décisions 2022/329, 2023/572, 2023/1767 et 2024/847 et, d’autre part, la décision 2022/1530 était applicable jusqu’au 15 mars 2023 et a donc cessé de produire ses effets à cette date.
Sur les dépens
264 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
265 Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure , chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.
266 En l’espèce, les conclusions du requérant doivent, d’une part, être accueillies en ce qui concerne l’annulation des actes de maintien de septembre 2022 et, d’autre part, être rejetées s’agissant des actes initiaux, des actes de mars 2023, de septembre 2023 et de mars 2024. Dès lors, il y a lieu de condamner le requérant à supporter quatre cinquièmes de ses propres dépens ainsi que quatre cinquièmes de ceux du Conseil et de condamner le Conseil à supporter un cinquième de ses propres dépens ainsi qu’un cinquième de ceux du requérant.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) La décision (PESC) 2022/1530 du Conseil, du 14 septembre 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, et le règlement d’exécution (UE) 2022/1529 du Conseil, du 14 septembre 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, sont annulés dans la mesure où le nom de M. Andrey Anatolyevich Kozitsyn a été maintenu sur la liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’appliquent les mesures restrictives figurant à l’annexe de la décision 2014/145/PESC du Conseil, du 17 mars 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, et à l’annexe I du règlement (UE) no 269/2014 du Conseil, du 17 mars 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.
2) Les recours sont rejetés pour le surplus.
3) M. Kozitsyn supportera quatre cinquièmes de ses propres dépens ainsi que quatre cinquièmes des dépens du Conseil de l’Union européenne.
4) Le Conseil supportera un cinquième de ses propres dépens ainsi qu’un cinquième des dépens de M. Kozitsyn.
Spielmann | Mastroianni | Tóth |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 septembre 2024.
Le greffier | Le président |
V. Di Bucci | M. van der Woude |
Table des matières
Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction des recours
Inscription initiale du nom du requérant sur la liste annexée à la décision 2014/145 modifiée et sur celle figurant à l’annexe I du règlement n o 269/2014 modifié (ci-après la « liste en cause »)
Maintien du nom du requérant sur la liste en cause jusqu’au 15 mars 2023
Maintien du nom du requérant sur la liste en cause jusqu’au 15 septembre 2023
Modification des critères d’inscription sur la liste en cause
Maintien du nom du requérant sur la liste en cause jusqu’au 15 mars 2024
Maintien du nom du requérant sur la liste en cause jusqu’au 15 septembre 2024
Conclusions des parties
En droit
Sur l’exception d’illégalité, en substance, du critère g) initial et du critère g) modifié
Sur l’exception d’illégalité concernant le critère g) initial
Sur l’exception d’illégalité concernant le critère g) modifié
Sur le moyen tiré d’une méconnaissance des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective
Concernant les actes initiaux
Concernant les actes de maintien de septembre 2022
Concernant les actes de maintien de mars 2023, de septembre 2023 et de mars 2024
Sur le moyen tiré, en substance, d’une erreur manifeste d’appréciation du Conseil
Sur les actes initiaux
– Sur les éléments de preuve produits par le Conseil
– Sur l’application au requérant du critère g) initial
Sur les actes de maintien de septembre 2022
Sur les actes de maintien de mars 2023
Sur les actes de maintien de septembre 2023 et de mars 2024
Sur le moyen tiré d’une méconnaissance des droits fondamentaux de l’Union européenne
Sur l’atteinte au droit de propriété et à la liberté d’entreprise
Sur l’atteinte à la liberté d’aller et venir
Sur les dépens
* Langue de procédure : le français.
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