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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Aesculap v EUIPO - Aeneas (AESKUCARE Food Intolerance) (EU trade mark - Judgment) French Text [2024] EUECJ T-64/23 (13 November 2024) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T6423.html Cite as: EU:T:2024:827, [2024] EUECJ T-64/23, ECLI:EU:T:2024:827 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)
13 novembre 2024 (*)
« Marque de l’Union européenne - Procédure d’opposition - Demandes de marques de l’Union européenne figuratives AESKUCARE Food Intolerance et AESKUCARE Allergy et verbale AESKUCARE - Marques de l’Union européenne et nationale verbales antérieures AESCULAP - Motif relatif de refus - Atteinte à la renommée - Article 8, paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001 - Recours incidents »
Dans les affaires jointes T‑64/23 à T‑66/23,
Aesculap AG, établie à Tuttlingen (Allemagne), représentée par Me K. Schmidt-Hern, avocat,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. A. Ringelhann et T. Klee, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal dans les affaires T‑64/23 à T‑66/23, étant
Aeneas GmbH & Co. KG, établie à Wendelsheim (Allemagne), représentée par Mes L. Ludwig et I. Jung, avocats,
LE TRIBUNAL (huitième chambre),
composé de MM. A. Kornezov, président, G. De Baere (rapporteur) et D. Petrlík, juges,
greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure, notamment la décision du 20 mars 2024 portant jonction des affaires T‑64/23 à T‑66/23 aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance,
à la suite de l’audience du 26 avril 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Par ses recours fondés sur l’article 263 TFUE, la requérante, Aesculap AG, demande l’annulation partielle des décisions de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 12 novembre 2022 (affaire R 18/2022-2), du 23 novembre 2022 (affaire R 20/2022-2) et du 29 novembre 2022 (affaire R 21/2022-2) (ci-après les « décisions attaquées »).
Antécédents du litige
2 L’intervenante, Aeneas GmbH & Co. KG, a présenté à l’EUIPO des demandes d’enregistrement de marques de l’Union européenne :
– le 8 février 2018 (affaire T‑65/23), pour le signe verbal AESKUCARE ;
– le 14 juin 2018 (affaire T‑66/23), pour le signe figuratif suivant :
– le 15 juin 2018 (affaire T‑64/23), pour le signe figuratif suivant :
3 Les produits et les services pour lesquels les enregistrements ont été demandés relèvent des classes 5, 10, 42 et 44 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :
– classe 5 : « Kits et réactifs de test médicaux, chimiques et biologiques à usage médical, compris dans la classe 5 ; antisérums à usage de diagnostic ; réactifs chimiques à usage médico-diagnostique, médical ou vétérinaire ; réactifs de tests chimiques [à usage médical ou vétérinaire] ; réactifs pour analyses chimiques à usage médical ; préparations de diagnostic à usage médical ou vétérinaire ; préparations de diagnostic ; produits de diagnostic à usage médical, pharmaceutique ou vétérinaire ; réactifs de biomarquage pour le diagnostic à usage médical ; matériel pour tests diagnostiques à usage médical ; réactifs de diagnostic à usage médical ; substances de diagnostic à usage médical ; réactifs d’essai immunitaire à usage médical ou médico-diagnostique ; préparations de diagnostic in vitro à usage médical ; indicateurs pour diagnostic médical ; bandelettes de test de diagnostic médical ; tests et réactifs de diagnostic médical pour l’analyse de liquide organique ; réactifs pour diagnostics médicaux ; préparations de micro-organismes à usage médical ou vétérinaire ; préparations pour la détection des prédispositions génétiques à usage médical ; préparations pour la détection des mutations des gènes de prions à usage médical ; réactifs pour analyses à usage vétérinaire ; réactifs pour analyses [à usage médico-diagnostique, médical ou vétérinaire] ; réactifs pour tests de diagnostic à usage vétérinaire ; réactifs de diagnostic clinique ; réactifs pour utilisations in vitro en laboratoires à usage médical ; réactifs pour utilisations in vitro en laboratoires à usage vétérinaire ; réactifs pour la détermination des groupes sanguins à usage médical ; réactifs à utiliser avec des analyseurs à usage médical ou médico-diagnostique ; réactifs utilisés dans des tests diagnostiques ou des analyses à usage médical ; réactifs pour appareils d’analyse [à usage médico-diagnostique ou vétérinaire] ; substances réactives à usage médical et vétérinaire ; réactifs de diagnostic vétérinaire ; réactifs médicaux cliniques ; réactifs biologiques à usage médical, médico-diagnostique ou vétérinaire ; réactifs chimiques à usage médical, médico-diagnostique ou vétérinaire ; réactifs chimiques à usage médical ou vétérinaire ; réactifs pour analyses microbiologiques à usage médical ou vétérinaire ; tests d’identité génétique composés de réactifs à usage médical ; réactifs et substances à des fins de diagnostic médical et vétérinaire ; réactifs à usage médical ; réactifs pour tests génétiques médicaux ou vétérinaires ; produits chimiques pour l’analyse d’ADN à usage médical ; préparations chimiques à usage médical ou médico-diagnostique ; sang à usage médical ou médico-diagnostique ; préparations biologiques à usage médical, médico-diagnostique ou vétérinaire ; préparations diagnostiques mélangées à usage médical ou médico-diagnostique ; plasma sanguin ; composants sanguins ; fractions protéiques du sang ; enzymes à usage médical, médico-diagnostique ou vétérinaire ; préparations enzymatiques à usage médical ou vétérinaire ; produits dérivés de la transformation des céréales à usage médical ou médico-diagnostique ; séquences d’acides aminés à usage médical, médico-diagnostique ou vétérinaire » ;
– classe 10 : « Appareils et instruments médicaux ; appareils pour analyses médicales ; appareils pour diagnostic à usage médical ; appareils d’analyse automatisés pour fluides corporels [à usage médical ou médico-diagnostique] ; équipement de diagnostic, d’examen et de surveillance ; pointeurs laser à usage médical ; instruments à faisceau laser à usage médical ; instruments à usage médical ; instruments médicaux équipés de lasers ; outils pour diagnostic médical ; appareils et instruments médicaux et vétérinaires ; appareils pour la réalisation de tests de diagnostic à usage médical ; appareils pour l’analyse d’images à usage médical ; appareils pour tests ADN et ARN à usage médical ; appareils médicaux pour analyses bactériologiques d’échantillons biologiques ; tubes capillaires pour l’administration de réactifs ; porte-récipients pour prélèvements ; équipements de laboratoire pour la transmission de liquides [à usage médical ou médico-diagnostique] ; appareils de laboratoire pour mélanger des liquides [à usage médical ou médico-diagnostique] ; équipements de laboratoire pour l’administration de liquides [à usage médical ou médico-diagnostique] ; équipements de laboratoire pour la dilution de liquides [à usage médical ou médico-diagnostique] ; équipements de laboratoire pour l’incubation de liquides [à usage médical ou médico-diagnostique] ; appareils d’analyse médicaux ou immunologiques ; analyseurs électroniques à usage médical ; analyseurs photométriques à usage médical ; analyseurs automatiques pour diagnostics médicaux ; analyseurs de composition corporelle à usage médical ; dispositifs d’analyse pour l’identification de bactéries à usage médical ; analyseurs physiques à usage médical ; tubes à centrifugation du sang à usage médical ; filtres sanguins à usage extracorporel ; aiguilles hypodermiques ; injecteurs de médicaments ; injecteurs à usage médical ou médico-diagnostique » ;
– classe 42 : « Services de laboratoire de recherche médicale ; services de laboratoires biologiques ; services de laboratoires d’analyses ; services de laboratoires de chimie ; services de laboratoires scientifiques ; services de laboratoires de chimie ; services de laboratoires médicaux (recherche médicale) ; services de recherche en laboratoire concernant les produits pharmaceutiques ; services d’un laboratoire chimique et/ou biologique ; analyses en laboratoire dans le domaine de la bactériologie ; services de laboratoire concernant la production d’anticorps ; services de laboratoires vétérinaires ; services de laboratoires pour tests analytiques ; services de laboratoires de chimie ; services de laboratoires d’analyses ; services d’essai en laboratoire ; conseils en matière de recherches en laboratoire ; laboratoire de recherche » ;
– classe 44 : « Assistance médicale ; services médicaux ; services vétérinaires ; analyses médicales en rapport avec le traitement de personnes ; conseil pharmaceutique ; services de conseils en matière d’instruments et d’appareils médicaux ; mise à disposition d’informations en matière de location de machines et d’appareils médicaux ; analyses d’ADN à des fins médicales ; services de diagnostic médical ; services d’examens médicaux en matière de diagnostic et de traitement de maladies ; services médicaux et de santé en matière d’ADN, de génétique et de tests génétiques ; conseil pharmaceutique ; consultation en matière de pharmacie ; conseils sur des appareils à usage médical ou médico-diagnostique ; conseils en matière d’immunologie ou d’auto-immunologie ; conseils et informations en matière de produits à usage médical ou médico-diagnostique ; conseils concernant des services médicaux ou médico-diagnostiques ; services d’analyses médicales pour le diagnostic du cancer ; réalisation d’analyses médicales pour le diagnostic de maladies auto-immunes ; services de laboratoires médicaux pour l’analyse d’échantillons de sang prélevés sur des patients ; services de laboratoires médicaux pour l’analyse d’échantillons prélevés sur des patients ; analyses médicales pour le diagnostic et le traitement de personnes ; services d’analyses médicales pour le pronostic et le diagnostic du cancer ; analyses médicales pour le diagnostic et le pronostic de maladies auto-immunes ; services d’analyses médicales en matière de traitement de patients ; services d’analyses médicales en matière de traitement de personnes ; services d’analyses médicales fournis par un laboratoire médical en matière de traitement de personnes ; analyses d’ARN ou d’ADN pour le pronostic et le diagnostic du cancer ; conduite d’analyses d’ARN ou d’ADN pour le pronostic et le diagnostic de maladies auto-immunes ».
4 Le 6 août 2018, la requérante a formé des oppositions à l’enregistrement des marques demandées pour tous les produits et services visés au point 3 ci-dessus, sur le fondement des marques antérieures suivantes :
– la marque de l’Union européenne verbale AESCULAP, déposée le 23 octobre 2003 et enregistrée le 29 septembre 2005 sous le numéro 3432382, désignant notamment les « instruments, appareils et équipements chirurgicaux, médicaux, vétérinaires ; appareils électromédicaux ; récipients de stérilisation pour instruments médicaux », relevant de la classe 10 et les services de « location d’équipements médicaux », relevant de la classe 44.
– la marque allemande verbale AESCULAP, déposée le 6 décembre 1921 et enregistrée le 17 juin 1922 sous le numéro 288011, désignant notamment les « instruments, appareils et équipements pour la chirurgie et la médecine », relevant de la classe 10.
5 Les motifs invoqués à l’appui des oppositions étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).
6 Par trois décisions du 30 novembre 2021, la division d’opposition a fait droit aux oppositions sur le fondement de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.
7 Le 4 janvier 2022, l’intervenante a formé des recours auprès de l’EUIPO contre les décisions de la division d’opposition.
8 Par les décisions attaquées, d’une part, s’agissant des produits relevant de la classe 5 et des services relevant des classes 42 et 44, la deuxième chambre de recours a annulé les décisions de la division d’opposition, a rejeté les oppositions en ce qu’elles étaient fondées sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 et a renvoyé les affaires à la division d’opposition pour qu’elle examine les oppositions en ce qu’elles étaient fondées sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement. D’autre part, s’agissant des produits relevant de la classe 10, la chambre de recours a rejeté les recours contre les décisions de la division d’opposition et a fait droit aux oppositions en ce qu’elles étaient fondées sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.
Conclusions des parties
9 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler partiellement les décisions attaquées, en tant que la chambre de recours a annulé les décisions de la division d’opposition et a rejeté les oppositions pour les produits et les services relevant des classes 5, 42 et 44 ;
– rejeter les recours incidents ;
– condamner l’EUIPO aux dépens afférents aux recours principaux et l’intervenante aux dépens relatifs aux procédures devant l’EUIPO ainsi qu’aux dépens afférents aux recours incidents.
10 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter les recours principaux ;
– rejeter les recours incidents ;
– si une audience de plaidoiries est organisée, condamner la requérante aux dépens afférents aux recours principaux et l’intervenante aux dépens afférents aux recours incidents.
11 L’intervenante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter les recours principaux ;
– annuler partiellement les décisions attaquées en ce sens que les décisions de la division d’opposition doivent être annulées et les oppositions doivent être rejetées pour les produits relevant de la classe 10 ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
12 La requérante, à l’appui des recours principaux, et l’intervenante, à l’appui des recours incidents, soulèvent, en substance, un moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.
13 Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure enregistrée au sens du paragraphe 2, la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à une marque antérieure, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels elle est demandée sont identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque cette marque antérieure est une marque de l’Union européenne qui jouit d’une renommée dans l’Union ou une marque nationale qui jouit d’une renommée dans l’État membre concerné, et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque antérieure ou leur porterait préjudice.
14 Il ressort du libellé de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 que l’application de cette disposition est soumise aux conditions cumulatives tenant, premièrement, à l’identité ou à la similitude des marques en conflit, deuxièmement, à l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition et, troisièmement, à l’existence d’un risque de voir l’usage sans juste motif de la marque demandée tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porter préjudice (voir arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, point 54 et jurisprudence citée).
15 Le Tribunal estime opportun d’examiner tout d’abord les recours incidents.
Sur les recours incidents
16 Par son moyen unique, l’intervenante fait valoir que la chambre de recours a accueilli à tort les oppositions pour les produits relevant de la classe 10 visés par les marques demandées. Elle soulève quatre griefs tirés, premièrement, de l’absence de démonstration de la renommée des marques antérieures, deuxièmement, de l’absence de similitude entre les signes en conflit, troisièmement, de l’absence de lien entre les marques en conflit pour les produits relevant de la classe 10 et, quatrièmement, de l’absence d’atteinte au caractère distinctif des marques antérieures ou de profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de ces marques.
Sur le premier grief, tiré de l’absence de démonstration de la renommée des marques antérieures
17 L’intervenante fait valoir que la requérante n’a pas démontré la renommée des marques antérieures tant sur le plan temporel que sur le plan matériel.
18 Selon la jurisprudence, une marque jouit d’une renommée au sens du droit de l’Union lorsqu’elle est connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou les services couverts par elle, dans une partie substantielle du territoire pertinent (voir arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, point 55 et jurisprudence citée).
19 En l’espèce, il ressort des décisions attaquées que la date pertinente pour établir la renommée des marques antérieures est la date de dépôt de la demande de la marque contestée, à savoir le 8 février 2018 pour la marque verbale AESKUCARE, le 14 juin 2018 pour la marque figurative AESKUCARE Allergy et le 15 juin 2018 pour la marque figurative AESKUCARE Food Intolerance.
20 Afin d’établir la renommée des marques antérieures, la requérante a produit, devant la division d’opposition, les preuves suivantes : l’article de l’encyclopédie Wikipédia relatif à « Aesculap Werke » daté du 17 juillet 2018, les rapports de gestion de la société mère de la requérante pour les années 2013 à 2018, une déclaration sous serment de son directeur du marketing et des ventes datée du 5 juillet 2018, des communiqués de presse et cinq articles de presse en ligne datés de 2011 à 2017, le sondage d’opinion réalisé par l’institut GfK relatif au signe AESCULAP en janvier et en février 2011 (ci-après le « sondage d’opinion ») et la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 8 octobre 2013 (affaire R 1775/2012-1) (ci-après la « décision du 8 octobre 2013 »).
21 Dans les décisions attaquées, la chambre de recours a conclu à une renommée moyenne des marques antérieures en Allemagne pour les instruments chirurgicaux ou les instruments pour la chirurgie.
22 En premier lieu, l’intervenante soutient que, sur le plan temporel, la chambre de recours a considéré à juste titre que le sondage d’opinion datant de plus de sept ans avant la date pertinente n’avait qu’une valeur informative limitée. Ce sondage d’opinion ne suffirait pas pour établir la renommée des marques antérieures.
23 L’intervenante fait valoir que la requérante n’a pas produit de données concrètes concernant le chiffre d’affaires réalisé sous la marque AESCULAP ou la part de marché relative à celle-ci. Les documents relatifs au chiffre d’affaires et les articles de presse produits par la requérante se référeraient à l’ensemble des secteurs d’activité de cette dernière et ne concerneraient pas uniquement cette marque. La seule preuve pertinente de l’activité de la requérante sur le marché sous la marque AESCULAP serait la déclaration sous serment de son directeur du marketing et des ventes, laquelle n’aurait qu’une faible valeur probante et ne serait pas suffisante à défaut d’être complétée par d’autres éléments de preuve. En outre, la requérante n’aurait pas produit de preuves concernant les investissements réalisés pour promouvoir cette marque.
24 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’existence de la renommée doit être appréciée en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir (voir arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, point 56 et jurisprudence citée).
25 Toutefois, l’énumération qui précède n’ayant qu’un caractère illustratif, il ne saurait être exigé que la preuve de la renommée d’une marque porte sur l’ensemble de ces éléments [voir arrêt du 26 juin 2019, Balani Balani e.a./EUIPO – Play Hawkers (HAWKERS), T‑651/18, non publié, EU:T:2019:444, point 24 et jurisprudence citée].
26 S’agissant de la preuve de la renommée, un faisceau d’éléments de preuve peut permettre d’établir les faits à démontrer, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits [voir arrêts du 26 juin 2019, HAWKERS, T‑651/18, non publié, EU:T:2019:444, point 29 et jurisprudence citée, et du 28 avril 2021, Linde Material Handling/EUIPO – Verti Aseguradora (VertiLight), T‑644/19, non publié, EU:T:2021:222, point 59 et jurisprudence citée].
27 Dans les décisions attaquées, pour apprécier la renommée des marques antérieures, la chambre de recours a considéré que le sondage d’opinion, qui avait été réalisé en janvier et en février 2011, n’avait qu’une valeur informative limitée pour déterminer la perception du public à la date pertinente, à savoir en février ou en juin 2018. Cependant, elle a relevé qu’il ressortait des autres documents produits que les conclusions de ce sondage étaient encore fondamentalement valables à cette date. À cet égard, elle a constaté que la requérante était présente sur le marché de la technologie médicale depuis plus de 100 ans, que ses activités commerciales se poursuivaient à un niveau élevé et stable, qu’il ressortait des rapports de gestion et d’une déclaration sous serment de son directeur du marketing et des ventes que des parts de marché constamment élevées étaient démontrées pour l’Allemagne jusqu’en 2018. La chambre de recours a conclu que les documents produits par la requérante permettaient d’établir une renommée moyenne des marques antérieures en Allemagne.
28 Il ressort des décisions attaquées que la chambre de recours, pour conclure à la renommée des marques antérieures, s’est fondée sur un faisceau d’éléments de preuve.
29 Ainsi, l’intervenante ne saurait valablement soutenir que le sondage d’opinion, compte tenu de la date à laquelle il avait été réalisé, ne suffisait pas pour établir la renommée des marques antérieures, étant donné que la requérante a produit d’autres éléments de preuve relatifs à l’usage de sa marque jusqu’à la date pertinente.
30 À cet égard, l’intervenante ne saurait s’appuyer sur l’arrêt du 16 mars 2022, Laboratorios Ern/EUIPO – Nordesta (APIAL) (T‑315/21, non publié, EU:T:2022:141), les circonstances de cette affaire étant différentes de celles de l’espèce. En effet, il ressort du point 52 de cet arrêt que, à l’exception d’une étude de marché et d’une attestation d’une chambre de commerce datant de huit ans avant la date pertinente, la partie requérante dans cette affaire n’avait pas été en mesure de produire d’autres éléments de preuve qui justifieraient que la renommée de la marque antérieure persistait à cette date.
31 En outre, parmi les autres éléments de preuve produits par la requérante figure la déclaration sous serment de son directeur du marketing et des ventes. Cette déclaration sous serment montre une augmentation du chiffre d’affaires généré par la vente des instruments chirurgicaux de la marque AESCULAP en Allemagne entre 2011 et 2017 ainsi que de la part de marché de la requérante dans le domaine des instruments chirurgicaux en Allemagne entre 2010 et 2017.
32 Certes, selon la jurisprudence, lorsqu’une déclaration a été établie au sens de l’article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001 par l’un des cadres de la partie intéressée, il ne peut être attribué une valeur probante à ladite déclaration que si elle est corroborée par d’autres éléments de preuve [voir arrêt du 22 juin 2022, Puma/EUIPO – V. Fraas (FRAAS), T‑329/21, non publié, EU:T:2022:379, point 41 et jurisprudence citée].
33 Toutefois, il convient de relever que la déclaration sous serment produite par la requérante vient compléter les autres éléments de preuve pris en compte par la chambre de recours établissant notamment que la requérante était encore active sur le marché jusqu’en 2018 et que son chiffre d’affaires avait augmenté. Cette déclaration sous serment, combinée avec ces autres éléments de preuve, permet donc d’établir une augmentation du chiffre d’affaires et de la part de marché relatifs à la marque AESCULAP en Allemagne jusqu’à la date pertinente.
34 Dès lors, l’intervenante ne saurait valablement remettre en cause la valeur probante de la déclaration sous serment au motif qu’elle ne serait pas corroborée par d’autres éléments de preuve relatifs à la part de marché.
35 Par ailleurs, l’intervenante a produit en annexe B.2 des recours incidents, une liste de l’ensemble des marques dont la requérante est titulaire au soutien de son argument selon lequel le chiffre d’affaires de cette dernière ne concernerait pas uniquement les ventes d’instruments chirurgicaux effectuées sous la marque AESCULAP. L’EUIPO soutient que cette annexe n’ayant pas été produite lors de la procédure devant lui, elle doit être déclarée irrecevable. Lors de l’audience, l’intervenante a fait valoir que, même si cette annexe a été produite pour la première fois devant le Tribunal, elle est néanmoins recevable dans la mesure où elle contient l’état du registre qui doit toujours être pris en considération.
36 À cet égard, il suffit de constater que, à supposer que l’annexe B.2 soit recevable, dans la mesure où il ressort du point 33 ci-dessus que l’ensemble des éléments de preuve produits par la requérante permettait d’établir la part de marché de la seule marque AESCULAP, la liste des autres marques détenues par celle-ci figurant dans cette annexe n’est pas pertinente.
37 Enfin, s’agissant des investissements réalisés pour promouvoir la marque, il ressort de la jurisprudence citée aux points 24 et 25 ci-dessus, qu’il s’agit uniquement de l’un des facteurs pertinents pour établir la renommée d’une marque et que, contrairement à ce que soutient l’intervenante, il n’était pas nécessaire d’en apporter la preuve.
38 En second lieu, l’intervenante soutient que, sur le plan matériel, les marques antérieures ne sont pas renommées en ce qui concerne les instruments chirurgicaux, ni dans le domaine médical. Les personnes interrogées dans le sondage d’opinion ne constitueraient pas un public représentatif pour des produits dans le domaine médical, ni pour des instruments chirurgicaux. Elle relève que, parmi les chirurgiens interrogés, ceux exerçant dans le domaine de l’orthopédie et de la traumatologie étaient surreprésentés et que d’autres professionnels de la médecine faisant partie du public pertinent n’ont pas été interrogés.
39 Premièrement, il y a lieu de rappeler que la chambre de recours a constaté que la renommée des marques antérieures a été établie uniquement pour les instruments chirurgicaux et les instruments pour la chirurgie.
40 Partant, les arguments de l’intervenante selon lesquels, d’une part, la renommée n’a pas été démontrée « dans le domaine médical » et, d’autre part, le sondage d’opinion n’était pas représentatif pour des « produits du domaine médical » doivent être rejetés comme inopérants.
41 Deuxièmement, la simple affirmation de l’intervenante selon laquelle les chirurgiens exerçant dans le domaine de l’orthopédie et de la traumatologie étaient surreprésentés dans le cadre du sondage d’opinion n’est pas suffisante pour remettre en cause la représentativité de l’échantillon des personnes interrogées qui étaient toutes des chirurgiens.
42 Il s’ensuit que les arguments de l’intervenante ne permettent pas de remettre en cause la prise en compte du sondage d’opinion par la chambre de recours pour établir la renommée des marques antérieures. En outre, il convient de rappeler que la renommée des marques antérieures n’a pas été établie par la chambre de recours sur le fondement de ce seul sondage d’opinion, mais au regard d’un faisceau d’éléments de preuve.
43 Il ressort de ce qui précède que l’intervenante ne saurait valablement soutenir que la requérante n’avait pas démontré la renommée des marques antérieures. Partant, le premier grief doit être rejeté.
Sur le deuxième grief, tiré de l’absence de similitude entre les signes en conflit
44 L’intervenante fait valoir que les signes en conflit sont différents.
45 À titre liminaire, il convient de relever que l’intervenante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le public pertinent pour la comparaison des signes est le public spécialisé en Allemagne.
46 Dans les décisions attaquées, s’agissant du signe antérieur AESCULAP, la chambre de recours a indiqué que, pour le public spécialisé germanophone, il faisait référence au dieu antique de la médecine. S’agissant des signes demandés, elle a estimé que, concernant la compréhension de l’élément verbal « aeskucare » par le public germanophone, l’élément usuel « care », provenant de l’anglais, faisait référence au « soin », particulièrement dans le domaine de la santé, et présentait au mieux un faible caractère distinctif. L’élément « aesku » serait compris par le public professionnel du domaine médical, en ce qui concerne les produits et les services médicaux, comme faisant référence au dieu de la médecine Esculape, même si cet élément ne représentait qu’une partie de ce nom et compte tenu du fait qu’il n’a pas de signification en allemand.
47 La chambre de recours a considéré que l’élément verbal « aeskucare » des signes figuratifs demandés AESKUCARE Food Intolerance et AESKUCARE Allergy disposait d’un caractère distinctif normal, n’ayant pas dans son ensemble de signification claire. Elle a relevé que, au sein de cet élément ainsi qu’au sein du signe verbal AESKUCARE, l’élément initial « aesku », même s’il était également faiblement distinctif, disposait, en tant qu’abréviation, d’un caractère distinctif plus élevé que l’élément « care ». Elle a estimé que les autres éléments verbaux et figuratifs des signes figuratifs demandés disposaient d’un caractère distinctif inférieur à celui de l’élément verbal « aeskucare ». Elle a conclu que l’élément verbal « aeskucare » avait le plus d’importance dans l’impression d’ensemble produite par les signes figuratifs demandés, en raison de son caractère fantaisiste sur le plan linguistique et de sa position dominante.
48 En ce qui concerne la comparaison des signes antérieurs AESCULAP avec le signe verbal demandé AESKUCARE, la chambre de recours a conclu à une similitude inférieure à la moyenne sur le plan visuel, au motif qu’ils étaient de longueur presque identique, qu’ils coïncidaient par les lettres « a », « e », « s », « u » et « a » et différaient par leurs autres lettres placées à la fin des signes qui était bien visible. Sur le plan phonétique, elle a conclu à une similitude moyenne, les deux premières syllabes étant identiques et la dernière étant différente. Sur le plan conceptuel, elle a conclu à une similitude supérieure à la moyenne, le début du signe demandé « aesku » étant perçu par le public pertinent comme une référence au dieu Esculape et la concordance conceptuelle n’étant que faiblement relativisée par l’indication « care » faiblement distinctive.
49 S’agissant de la comparaison des signes antérieurs AESCULAP avec les signes figuratifs demandés AESKUCARE Food Intolerance et AESKUCARE Allergy, la chambre de recours a procédé à la même analyse. Elle a ajouté, d’une part, que les autres éléments des signes demandés devaient être pris en compte dans une moindre mesure sur le plan visuel et, d’autre part, qu’ils n’occupaient qu’une position secondaire dans l’impression d’ensemble et étaient sans effet substantiel sur la similitude sur le plan conceptuel. Elle a également conclu que les signes en conflit présentaient une similitude inférieure à la moyenne sur le plan visuel, une similitude moyenne sur le plan phonétique et une similitude supérieure à la moyenne sur le plan conceptuel.
50 En premier lieu, l’intervenante fait valoir que les signes sont différents sur le plan conceptuel. Elle relève que le public pertinent ne décomposera pas le signe AESCULAP, qui est connu dans le domaine de la médecine comme désignant un dieu. Elle soutient que le terme « aeskucare » est un néologisme cohérent et indépendant du signe AESCULAP, que le public ne le scindera pas en différents composants, dans la mesure où ce dernier perçoit les marques telles qu’elles lui sont présentées. Le mot « care » n’aurait pas de connotation médicale. Elle fait valoir que les signes demandés n’ont pas de signification, que le public pertinent comprendrait tout au plus le terme « aeskucare » comme étant un type particulier de soin et que le terme « aesculap » serait associé au dieu de la médecine.
51 Il y a lieu de rappeler que, si le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, il n’en demeure pas moins que, en percevant un signe verbal, il décomposera celui-ci en des éléments verbaux qui, pour lui, ont une signification concrète ou qui ressemblent à des mots qu’il connaît. En outre, le consommateur décomposera le signe verbal même si seul un de ses éléments lui est familier [voir arrêt du 21 février 2024, Hong Kong NetEase Interactive Entertainment/EUIPO – Medion (LifeAfter), T‑175/23, non publié, EU:T:2024:109, point 59 et jurisprudence citée].
52 À cet égard, il suffit de relever que l’intervenante ne conteste pas que le mot « care » sera compris par le public germanophone comme signifiant « soin » en anglais. Elle ne saurait donc valablement soutenir que ce mot n’a pas de connotation médicale, compte tenu des produits et des services visés par les signes demandés. Cet argument est en outre en contradiction avec l’affirmation de l’intervenante selon laquelle le terme « aeskucare » serait compris tout au plus comme étant un type particulier de soin.
53 Il convient également de relever que l’intervenante ne saurait valablement soutenir que le terme « aeskucare » est un néologisme cohérent que le public ne scindera pas en différents composants, sans préciser quelle serait sa signification. En outre, cet argument est en contradiction avec son affirmation selon laquelle les signes demandés n’ont pas de signification.
54 De plus, conformément à la jurisprudence citée au point 51 ci‑dessus et contrairement à ce que semble soutenir l’intervenante, le seul fait qu’un signe se présente aux consommateurs en un seul mot n’exclut pas qu’il pourrait être décomposé en différents éléments qui auraient pour eux une signification.
55 Partant, la chambre de recours a considéré à juste titre que le public spécialisé dans le domaine médical décomposerait le signe AESKUCARE en deux éléments « aesku » et « care ».
56 En outre, l’intervenante ne soulève aucun argument visant à contester l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle l’élément « aesku » serait compris par le public pertinent, en ce qui concerne les produits et les services médicaux visés par les signes demandés, comme faisant référence au dieu de la médecine Esculape.
57 Enfin, dans le cadre de la comparaison sur le plan conceptuel, la chambre de recours s’étant fondée sur la signification du signe AESCULAP dans son ensemble, l’argument de l’intervenante selon lequel ce signe ne serait pas décomposé et réduit au seul terme « aescu » est inopérant.
58 Il s’ensuit que l’intervenante ne soulève pas d’argument susceptible de remettre en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les signes en conflit sont fortement similaires sur le plan conceptuel en raison de leur référence commune au dieu grec de la médecine.
59 En second lieu, s’agissant des signes figuratifs demandés AESKUCARE Food Intolerance et AESKUCARE Allergy, l’intervenante fait valoir que leurs éléments figuratifs, qui ne sont pas descriptifs dans le domaine médical, et leurs éléments verbaux « food intolerance » et « allergy » établissent une différence avec les signes antérieurs. S’agissant du signe verbal demandé AESKUCARE, il serait différent des signes antérieurs en ce qui concerne les lettres finales et les signes en conflit seraient prononcés avec des intonations différentes.
60 Il suffit de constater que ces arguments sont insuffisants pour remettre en cause les appréciations de la chambre de recours, laquelle a tenu compte des différences entre les signes en conflit pour conclure à une similitude faible sur le plan visuel et moyenne sur le plan phonétique.
61 Partant, le deuxième grief doit être rejeté.
Sur le troisième grief, tiré de l’absence de lien entre les marques en conflit pour les produits relevant de la classe 10
62 L’intervenante fait valoir que le public pertinent n’établira pas de lien entre les marques en conflit compte tenu, premièrement, de l’absence de caractère distinctif des marques antérieures, deuxièmement, de l’absence de similitude entre les produits relevant de la classe 10 visés par les marques demandées et les instruments chirurgicaux couverts par les marques antérieures et, troisièmement, de la composition de ce public.
63 Il convient de relever que les atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, lorsqu’elles se produisent, sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre la marque antérieure renommée et la marque demandée, en raison duquel le public pertinent effectue un rapprochement entre ces marques, c’est-à-dire établit un lien entre celles-ci, alors même qu’il ne les confond pas. Il n’est donc pas exigé que le degré de similitude entre la marque antérieure renommée et la marque demandée soit tel qu’il existe, dans l’esprit du public pertinent, un risque de confusion. Il suffit que le degré de similitude entre la marque renommée et la marque demandée ait pour effet que le public pertinent établit un lien entre ces marques [voir arrêt du 1er mars 2018, Shoe Branding Europe/EUIPO – adidas (Position de deux bandes parallèles sur une chaussure), T‑629/16, EU:T:2018:108, point 29 et jurisprudence citée].
64 L’existence d’un tel lien doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, au nombre desquels figurent, notamment, premièrement, la nature et le degré de proximité ou de dissemblance des produits ou des services en cause, deuxièmement, le degré de similitude entre les marques en conflit, troisièmement, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, quatrièmement, le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure ou encore, le cas échéant, cinquièmement, l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent (voir arrêt du 1er mars 2018, Position de deux bandes parallèles sur une chaussure, T‑629/16, EU:T:2018:108, point 30 et jurisprudence citée).
65 Dans les décisions attaquées, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un lien entre les marques en conflit pour les produits relevant de la classe 10 visés par les marques demandées.
66 Premièrement, elle a considéré que les marques antérieures étaient fortement distinctives à la suite d’un usage intensif et qu’elles bénéficiaient d’une protection en tant que marques d’une renommée moyenne.
67 Deuxièmement, elle a rappelé que les signes en conflit présentaient une similitude inférieure à la moyenne sur le plan visuel, une similitude moyenne sur le plan phonétique et une similitude supérieure à la moyenne sur le plan conceptuel.
68 Troisièmement, elle a relevé que tous les produits et les services visés par les marques demandées pouvaient être utilisés ou obtenus par le même public que celui des instruments chirurgicaux ou des instruments pour la chirurgie, couverts par les marques antérieures. À cet égard, elle a indiqué que les instruments chirurgicaux ou les instruments pour la chirurgie couverts par les marques antérieures pouvaient être utilisés par des médecins qui, en plus de leur activité dans le domaine de la chirurgie, proposaient tout le spectre des tâches médicales, notamment les conseils médicaux, la réalisation et la commande d’examens, l’analyse de substances corporelles et la réalisation de thérapies ainsi que la prescription des médicaments associés. Elle a estimé que ce public qualitativement et quantitativement significatif pouvait soit utiliser directement tous les produits et services visés par les marques demandées, soit anticiper la décision du patient ou l’influencer fortement. Elle a donc considéré qu’un lien entre les marques en conflit ne pouvait être réfuté, à tout le moins au regard de ce public, au motif que les produits et les services en cause concerneraient des destinataires différents. Elle a relevé que la situation pouvait être différente en ce qui concernait les chirurgiens ou les acheteurs qui travaillaient dans un hôpital.
69 Quatrièmement, la chambre de recours a indiqué que les produits relevant de la classe 10 visés par les marques demandées pouvaient être partiellement couverts par les termes « instruments chirurgicaux » ou « instruments pour la chirurgie », définis comme des dispositifs traditionnellement utilisés dans le domaine de la chirurgie, ou présenter un recoupement conceptuel avec ceux-ci et être identiques. Elle a ajouté que les produits relevant de la classe 10 visés par les marques demandées présentaient une importante proximité avec les instruments chirurgicaux, dans la mesure où, comme ces derniers, il s’agissait d’appareils mécaniques ou électroniques ou d’instruments qui appartenaient au domaine de la technologie médicale et où les instruments chirurgicaux pouvaient également avoir une fonction de diagnostic.
70 En premier lieu, l’intervenante soutient que le public pertinent n’établira pas de lien entre les marques en conflit étant donné que les marques antérieures ne disposent que d’un faible caractère distinctif intrinsèque. Les marques antérieures étant descriptives en tant qu’indication générale relative à la médecine, elles disposeraient tout au plus d’un caractère distinctif légèrement accru par l’usage et limité aux instruments chirurgicaux.
71 Aux fins de l’appréciation de l’existence d’un lien entre les marques en conflit, la jurisprudence n’exige pas de prendre en considération le degré de caractère distinctif intrinsèque d’une marque antérieure et le degré de caractère distinctif acquis par l’usage, mais uniquement l’un des deux [voir arrêt du 26 septembre 2018, Puma/EUIPO – Doosan Machine Tools (PUMA), T‑62/16, EU:T:2018:604, point 84 et jurisprudence citée].
72 Selon la jurisprudence, lorsque la renommée d’une marque est établie, il est dépourvu de pertinence d’établir le caractère distinctif intrinsèque de cette marque pour qu’elle soit considérée comme possédant un caractère distinctif. En effet, une marque antérieure peut posséder un caractère distinctif particulier non seulement intrinsèquement, mais également grâce à la notoriété dont elle jouit auprès du public, de telle sorte que, lorsqu’une marque a acquis un caractère distinctif particulier grâce à sa notoriété, un argument tiré du fait qu’elle ne possède qu’un très faible caractère distinctif intrinsèque est inopérant dans le cadre de l’appréciation de l’existence d’un lien entre les marques en conflit et, partant, d’une atteinte au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 (voir arrêt du 1er mars 2018, Position de deux bandes parallèles sur une chaussure, T‑629/16, EU:T:2018:108, point 135 et jurisprudence citée).
73 Il en ressort, comme le soutient la requérante, que, dans le cadre de l’appréciation du lien entre les marques en conflit, la chambre de recours pouvait considérer que les marques antérieures bénéficiaient d’un caractère distinctif élevé du fait de leur renommée sans tenir compte de leur caractère distinctif intrinsèque.
74 En outre, l’affirmation de l’intervenante selon laquelle les marques antérieures disposent tout au plus d’un faible caractère distinctif acquis par l’usage limité aux instruments chirurgicaux s’appuie sur la prémisse erronée selon laquelle la renommée des marques antérieures n’aurait pas été démontrée.
75 Il s’ensuit que les arguments de l’intervenante ne sont pas susceptibles de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les marques antérieures étaient fortement distinctives en tant que marques renommées.
76 En deuxième lieu, l’intervenante soutient que la chambre de recours a conclu à tort que les produits relevant de la classe 10 visés par les marques demandées et les instruments chirurgicaux couverts par les marques antérieures étaient similaires, de sorte que le public pertinent pourrait établir un lien entre ces marques.
77 L’intervenante fait valoir que ces produits ne présentent aucune similitude. Le fait que des produits appartiennent à la même classe ne serait pas suffisant pour les considérer comme similaires. Les produits visés par les marques demandées seraient spécifiquement destinés à des laboratoires et ne seraient donc pas similaires à des instruments chirurgicaux. Elle ajoute que, même si les produits visés par les marques en conflit sont destinés à un usage médical au sens large, ils n’ont pas la même finalité, il ne s’agit pas d’instruments, d’appareils ou de dispositifs de même nature, ils ne sont ni complémentaires ni en concurrence et ne partagent pas les mêmes canaux de distribution.
78 Il convient de rappeler que, selon l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, « [s]ur opposition du titulaire d’une marque antérieure enregistrée au sens du paragraphe 2, la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à une marque antérieure, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels elle est demandée sont identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée ».
79 L’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 n’exige pas que les produits et les services en cause soient similaires, de sorte qu’un lien pourrait exister entre deux marques en conflit, enregistrées pour des services et des produits différents. Cependant, la nature des produits ou des services concernés, y compris leur degré de proximité ou de dissemblance, est un des éléments permettant d’apprécier l’existence d’un lien entre les marques en conflit (voir arrêt du 28 avril 2021, VertiLight, T‑644/19, non publié, EU:T:2021:222, point 36 et jurisprudence citée).
80 Dans les décisions attaquées, la chambre de recours a considéré qu’il existait entre les instruments chirurgicaux couverts par les marques antérieures et les produits relevant de la classe 10 visés par les marques demandées un degré de proximité suffisant pour établir un lien au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. En revanche, contrairement à ce que soutient l’intervenante, elle n’a pas conclu à l’existence d’une similitude entre eux.
81 Tout d’abord, il ressort du point 69 ci-dessus que la chambre de recours s’est appuyée sur la nature et la finalité de ces produits et non, comme le fait valoir l’intervenante, sur le seul fait qu’ils relevaient de la même classe.
82 Ensuite, la chambre de recours ne s’est pas limitée à constater que les instruments chirurgicaux couverts par les marques antérieures et les produits relevant de la classe 10 visés par les marques demandées étaient destinés à un usage médical, mais elle a relevé qu’ils pouvaient partager la même finalité, à savoir la réalisation de diagnostics.
83 Or, à cet égard, d’une part, l’intervenante ne conteste pas les constatations de la chambre de recours selon lesquelles les instruments chirurgicaux ou les instruments de chirurgie, appelés « nécessaire chirurgical », couvraient également divers instruments médicaux ou instruments de diagnostic et qu’ils pouvaient avoir une fonction de diagnostic. D’autre part, elle indique que les produits relevant de la classe 10 visés par les marques demandées sont destinés à des laboratoires et qu’ils ont une fonction de diagnostic.
84 Enfin, contrairement à ce que soutient l’intervenante, le constat que les produits couverts par les marques antérieures et les produits relevant de la classe 10 visés par les marques demandées sont des instruments ou des appareils mécaniques ou électroniques est suffisant pour considérer qu’ils ont la même nature.
85 Il en ressort que la chambre de recours ayant constaté que les instruments chirurgicaux couverts par les marques antérieures et les produits relevant de la classe 10 visés par les marques demandées ont la même finalité et la même nature, elle a considéré à juste titre qu’ils présentaient un degré de proximité suffisant pour établir un lien au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.
86 À cet égard, l’argument de l’intervenante selon lequel ces produits ne sont pas similaires, parce qu’ils ne sont pas complémentaires ou concurrents ou qu’ils ne partagent pas les mêmes canaux de distribution, n’est pas susceptible de remettre en cause cette conclusion.
87 En troisième lieu, l’intervenante fait valoir que les produits visés par les marques en conflit s’adressent à des publics spécialisés totalement différents. La chambre de recours aurait apprécié la renommée des marques antérieures au regard des chirurgiens, mais aurait également indiqué que le public concerné par ces marques était constitué de médecins. L’intervenante considère que le public concerné par les produits visés par les marques demandées est exclusivement constitué de spécialistes du diagnostic en laboratoire et non de personnel médical ou de vétérinaires.
88 Comme cela est indiqué au point 68 ci-dessus, la chambre de recours a considéré que les produits visés par les marques en conflit pouvaient être utilisés ou obtenus par le même public, notamment par des médecins qui, en plus de leur activité dans le domaine de la chirurgie, exerçaient d’autres activités médicales, telles que la réalisation d’examens ou l’analyse de substances corporelles.
89 Il suffit de relever que l’intervenante ne conteste pas que les médecins peuvent effectuer des activités de diagnostic impliquant l’utilisation des produits relevant de la classe 10 visés par les marques demandées.
90 En outre, la définition large des produits relevant de la classe 10 figurant dans la demande d’enregistrement ne permet pas de considérer qu’ils seraient limités à des produits utilisés dans les seuls laboratoires.
91 L’intervenante n’a donc pas établi que les publics visés par les marques en conflit étaient différents.
92 Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que les arguments de l’intervenante ne sont pas susceptibles de remettre en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le public pertinent établira un lien entre les marques en conflit pour les produits relevant de la classe 10 visés par les marques demandées.
93 Partant, le troisième grief doit être rejeté.
Sur le quatrième grief, tiré de l’absence d’atteinte au caractère distinctif des marques antérieures ou de profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de ces marques
94 L’intervenante fait valoir que la requérante n’a pas démontré que les éléments constitutifs de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 étaient réunis en l’espèce. La requérante n’aurait pas apporté la preuve d’une atteinte au caractère distinctif des marques antérieures, ni d’un profit indu tiré de la renommée ou du caractère distinctif de ces marques.
95 Dans les décisions attaquées, la chambre de recours a estimé que, s’agissant des produits relevant de la classe 10 visés par les marques demandées, il existait suffisamment d’indices pour craindre un profit indûment tiré des marques antérieures par les marques demandées. Elle a considéré que, compte tenu de la renommée des marques antérieures, il était évident que, concernant les produits en cause dans le domaine de la technologie médicale, un utilisateur des produits relevant de la classe 10 visés par les marques demandées penserait aux marques antérieures et que cela influencerait sa décision d’achat en raison de l’attention du public pertinent et de la réputation des marques antérieures. Elle a ajouté que le risque de profit indûment tiré du caractère distinctif des marques antérieures ne pouvait être écarté et qu’il n’existait pas d’indice de l’existence d’un juste motif.
96 En premier lieu, l’intervenante fait valoir que la preuve que l’usage des marques demandées porterait atteinte au caractère distinctif des marques antérieures n’a pas été apportée. Elle souligne également que ce critère n’a pas été abordé dans les décisions attaquées.
97 Selon la jurisprudence, l’existence d’un lien entre les marques en conflit dans l’esprit du public pertinent constitue une condition nécessaire, mais, à elle seule, non suffisante pour qu’il soit conclu à l’existence de l’une des atteintes contre lesquelles l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 assure la protection en faveur des marques renommées. Ces atteintes sont, premièrement, le préjudice porté au caractère distinctif de la marque, deuxièmement, le préjudice porté à la renommée de cette marque et, troisièmement, le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de ladite marque. Il convient de noter que, sauf à ce que l’usage de la marque demandée soit justifié par un juste motif, un seul de ces trois types d’atteintes suffit pour que l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 soit applicable. Il en résulte que le profit tiré par un tiers du caractère distinctif ou de la renommée de la marque peut se révéler indu, même si l’usage du signe identique ou similaire ne porte préjudice ni au caractère distinctif ni à la renommée de la marque ou, plus généralement, au titulaire de celle-ci (voir arrêt du 1er mars 2018, Position de deux bandes parallèles sur une chaussure, T‑629/16, EU:T:2018:108, points 35 à 37 et jurisprudence citée).
98 Dans la mesure où la chambre de recours s’est uniquement fondée sur l’existence d’un profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures, les arguments de l’intervenante visant à démontrer une absence d’atteinte à leur caractère distinctif sont inopérants.
99 Par ailleurs, à l’appui de ces arguments, l’intervenante a produit les annexes B.3 et B.4, qui concernent l’utilisation du bâton d’Esculape et du mot « aeskulap » dans le domaine de la pharmacie.
100 L’EUIPO fait valoir que ces annexes contiennent des documents qui n’ont pas été produits dans le cadre de la procédure devant lui et qu’elles sont donc irrecevables.
101 Lors de l’audience, l’intervenante a soutenu que les annexes B.3 et B.4 sont recevables même si elles ont été produites pour la première fois devant le Tribunal, en ce qu’elles viennent au soutien d’arguments qui constituent une ampliation de constatations fondées sur des faits notoires.
102 Il suffit de constater que les annexes B.3 et B.4 venant au soutien d’arguments visant à démontrer une absence d’atteinte au caractère distinctif des marques antérieures, qui ont été rejetés comme étant inopérants au point 98 ci-dessus, ne sont donc, en tout état de cause, pas pertinentes.
103 En second lieu, l’intervenante fait valoir que l’existence d’un profit indu tiré du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures n’a pas été établie.
104 Selon une jurisprudence constante, la notion de profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, également désignée sous les termes de « parasitisme » et de « free-riding », s’attache non pas au préjudice subi par la marque, mais à l’avantage tiré de l’usage de la marque demandée identique ou similaire. Elle englobe notamment les cas où, grâce à un transfert de l’image de la marque renommée ou des caractéristiques projetées par celle-ci vers les produits désignés par la marque demandée, il existe une exploitation manifeste dans le sillage de la marque renommée (voir arrêt du 1er mars 2018, Position de deux bandes parallèles sur une chaussure, T‑629/16, EU:T:2018:108, point 43 et jurisprudence citée).
105 Ainsi, lorsqu’un tiers tente par l’usage d’une marque similaire à une marque renommée de se placer dans le sillage de celle-ci afin de bénéficier de son pouvoir d’attraction, de sa réputation et de son prestige ainsi que d’exploiter, sans aucune compensation financière et sans devoir déployer des efforts propres à cet égard, l’effort commercial déployé par le titulaire de la marque antérieure pour créer et entretenir l’image de cette marque, le profit résultant dudit usage doit être considéré comme indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de ladite marque (voir arrêt du 1er mars 2018, Position de deux bandes parallèles sur une chaussure, T‑629/16, EU:T:2018:108, point 44 et jurisprudence citée).
106 Par suite, le risque que survienne une telle atteinte peut, notamment, être admis lorsque est apportée la preuve d’une association de la marque demandée avec des qualités positives de la marque antérieure identique ou similaire (voir arrêt du 1er mars 2018, Position de deux bandes parallèles sur une chaussure, T‑629/16, EU:T:2018:108, point 45 et jurisprudence citée).
107 Néanmoins, afin de déterminer si, dans un cas d’espèce, l’usage, sans juste motif, de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale qui tienne compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Parmi ces facteurs figurent, notamment, l’intensité de la renommée et le degré de caractère distinctif de la marque antérieure, le degré de similitude entre les marques en conflit ainsi que la nature et le degré de proximité des produits ou des services concernés (voir arrêt du 1er mars 2018, Position de deux bandes parallèles sur une chaussure, T‑629/16, EU:T:2018:108, points 46 et 47 et jurisprudence citée).
108 Premièrement, l’intervenante soutient qu’il ne saurait lui être reproché de s’être placée délibérément dans le sillage des marques antérieures. Elle serait déjà active depuis des décennies sur le marché du diagnostic en laboratoire et se serait forgé une réputation par ses propres moyens grâce à des innovations dans ce domaine.
109 Lors de l’audience, l’intervenante a ajouté que, depuis des décennies, elle utilisait la marque AESKU et que cette marque et les marques antérieures coexistaient sur le marché médical.
110 Conformément à la jurisprudence citée aux points 104 et 105 ci-dessus, l’existence d’un profit indu tiré du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures suppose que l’intervenante tente de se placer dans le sillage de celles-ci par l’usage des marques demandées.
111 Or, il suffit de constater que les arguments de l’intervenante ne concernent que sa réputation en tant qu’entreprise et l’utilisation d’une marque qui est différente des marques demandées. Ces arguments ne concernent pas l’usage qui a été fait ou pourrait être fait des marques demandées pour les produits relevant de la classe 10. Ils sont donc insuffisants pour établir que, par l’usage des marques demandées, l’intervenante ne tentait pas de se placer dans le sillage des marques antérieures.
112 Deuxièmement, l’intervenante soutient que les indices requis pour démontrer le profit tiré de la renommée ou du caractère distinctif des marques antérieures ne sont pas réunis. Elle relève que l’existence d’un profit indu suppose un transfert d’image de la marque antérieure vers la marque demandée et que le signe antérieur doit donc être connu du public concerné par le signe demandé. Elle soutient que le public visé par les produits spécifiques de diagnostic en laboratoire visés par les marques demandées ne connaît pas les marques antérieures et qu’il associe le terme « aesculap » au dieu de la médecine. Elle fait valoir que l’existence d’un profit indu est exclu au motif que les marques antérieures disposent d’un faible caractère distinctif, que les produits visés par les marques en conflit sont différents et que les signes en conflit sont différents.
113 Il suffit de rappeler qu’il ressort de l’analyse des deuxième et troisième griefs que les arguments de l’intervenante tirés de l’absence de caractère distinctif des marques antérieures, de l’absence de similitude des signes en conflit, de l’absence de similitude entre les produits relevant de la classe 10 visés par les marques demandées et les produits couverts par les marques antérieures ainsi que des publics différents visés par les marques en conflit, ont été rejetés.
114 Par ailleurs, au soutien de son argument selon lequel elle bénéficie d’une réputation sur le marché des diagnostics en laboratoire, l’intervenante a produit les annexes B.5 à B.8, qui sont relatives à différents prix de l’innovation et de prix d’entreprise qu’elle a reçus.
115 L’EUIPO fait valoir que ces annexes contiennent des documents qui n’ont pas été produits dans le cadre de la procédure devant lui et qu’elles sont donc irrecevables.
116 Lors de l’audience, l’intervenante a soutenu que les annexes B.5 à B.8, même si elles ont été produites pour la première fois devant le Tribunal, sont néanmoins recevables en ce qu’elles concernent des faits qui étaient déjà évoqués dans les décisions attaquées.
117 Il suffit de constater que les annexes B.5 à B.8 venant au soutien d’arguments qui ont été rejetés comme étant inopérants au point 111 ci-dessus ne sont donc, en tout état de cause, pas pertinentes.
118 Partant, le quatrième grief doit être rejeté.
119 Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que les recours incidents doivent être rejetés.
Sur les recours principaux
120 Par son moyen unique, la requérante fait valoir que la chambre de recours a rejeté à tort les oppositions pour les produits relevant de la classe 5 et les services relevant des classes 42 et 44. Elle soulève, en substance, quatre griefs, tirés, premièrement, du fait que les marques antérieures bénéficient d’une renommée exceptionnelle, deuxièmement, de la similitude des signes en conflit, troisièmement, de l’existence d’un lien entre les marques en conflit pour les produits et les services relevant des classes 5, 42 et 44 et, quatrièmement, de l’existence pour ces produits et ces services d’un profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures.
Sur le premier grief, tiré du fait que les marques antérieures bénéficient d’une renommée « exceptionnelle »
121 La requérante conteste, en substance, l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les marques antérieures bénéficient d’une renommée seulement moyenne en Allemagne pour les instruments chirurgicaux ou les instruments pour la chirurgie.
122 En premier lieu, la requérante fait valoir que, à l’appui de ses oppositions, elle a produit différents éléments de preuve parmi lesquels la décision du 8 octobre 2013, qui avait constaté la « très grande renommée » de la marque AESCULAP pour les instruments chirurgicaux au regard du sondage d’opinion. Elle indique qu’elle s’est expressément référée à cette décision dans ses mémoires exposant les motifs des oppositions, déposés devant la division d’opposition le 17 décembre 2020. Or, la chambre de recours n’aurait pas tenu compte de cette décision en violation de la jurisprudence résultant de l’arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma (C‑564/16 P, EU:C:2018:509), qui lui impose l’obligation de motiver explicitement une divergence d’appréciation par rapport aux décisions antérieures de l’EUIPO relatives à la renommée de la même marque que celle invoquée devant elle.
123 Il convient de rappeler que les principes d’égalité de traitement et de bonne administration imposent à l’EUIPO de prendre en considération les décisions rendues sur des demandes similaires et de s’interroger avec une attention particulière sur le fait de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, dans le respect du principe de légalité. Cette obligation existe tant dans les procédures concernant un motif absolu de refus d’enregistrement que dans celles concernant un motif relatif de refus d’enregistrement [arrêt du 6 juillet 2022, ALO jewelry CZ/EUIPO – Cartier International (ALOve), T‑288/21, non publié, EU:T:2022:420, point 33 ; voir également, en ce sens, arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, points 60 à 63].
124 En outre, le droit à une bonne administration comporte, notamment, conformément à l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions. Cette obligation, qui découle également de l’article 94 du règlement 2017/1001, a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision concernée. Par ailleurs, cette obligation a la même portée que celle découlant de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, lequel exige que la motivation fasse apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, sans qu’il soit nécessaire que cette motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait auxdites exigences devant cependant être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, points 64 et 65 et jurisprudence citée).
125 Il résulte de ce qui précède que, dans des circonstances où un opposant invoque de manière précise devant la division d’opposition en tant que preuve de la renommée, au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, de la marque antérieure invoquée à l’appui de son opposition des décisions antérieures de l’EUIPO relatives à la renommée de cette même marque, il incombe aux instances de celui-ci de prendre en considération les décisions qu’elles ont déjà adoptées et de s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens. Dès lors que ces instances décident de retenir une appréciation différente de celle adoptée dans de telles décisions antérieures, il leur appartient, eu égard au contexte dans lequel elles adoptent leur nouvelle décision, l’invocation de telles décisions antérieures faisant partie dudit contexte, de motiver explicitement cette divergence par rapport auxdites décisions (arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, point 66).
126 L’opposant est libre, en principe, de choisir la forme de la preuve qu’il juge utile de présenter à l’EUIPO. Dès lors, rien ne s’oppose à ce que soient invoquées dans un tel contexte, en tant qu’éléments de preuve à l’appui de la renommée d’une marque antérieure, des décisions antérieures de l’EUIPO constatant l’existence d’une telle renommée dans le cadre d’autres procédures inter partes, notamment lorsqu’elles sont identifiées avec précision et que leur contenu essentiel est présenté dans l’acte d’opposition dans la langue de procédure de l’opposition (arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, point 69).
127 En l’espèce, il y a lieu de relever que, parmi les preuves de la renommée des marques antérieures produites par la requérante devant la division d’opposition figure la décision du 8 octobre 2013. Dans cette affaire, la date pertinente pour apprécier la renommée de la marque de l’Union européenne antérieure AESCULAP était le 15 octobre 2010. La première chambre de recours avait estimé que la plupart des nombreux documents produits par la requérante pour démontrer la renommée de cette marque n’étaient pas pertinents. Cependant, elle avait considéré que la renommée de la marque de l’Union européenne AESCULAP était établie et résultait principalement du sondage d’opinion, qui prouvait une très grande renommée de cette marque auprès du public pertinent spécialisé.
128 Comme l’indique la requérante, elle s’est expressément référée, dans ses mémoires exposant les motifs de l’opposition déposés devant la division d’opposition le 17 décembre 2020, au passage de la décision du 8 octobre 2013 indiquant que la marque de l’Union européenne antérieure AESCULAP bénéficiait d’une « très grande renommée ».
129 En outre, dans ses décisions du 30 novembre 2021, la division d’opposition a considéré que les preuves produites établissaient une utilisation longue et intensive de la marque antérieure et que les documents relatifs aux chiffres d’affaires et aux parts de marché ainsi que les références au succès de cette marque dans les articles de presse étaient des indications du haut niveau de renommée de la marque parmi le public pertinent.
130 Dans les décisions attaquées, la chambre de recours a indiqué que la division d’opposition n’avait pas commis d’erreur en s’appuyant sur le sondage d’opinion et, à cet égard, a fait une unique mention de la décision du 8 octobre 2013.
131 Cependant, comme le relève la requérante, la chambre de recours ne mentionne pas le fait que, dans la décision du 8 octobre 2013, la renommée de la marque de l’Union européenne antérieure AESCULAP avait été considérée comme étant très élevée sur le fondement du même sondage d’opinion.
132 Certes, il ne saurait être ignoré qu’un délai de sept ans s’est écoulé entre la réalisation du sondage d’opinion en janvier et en février 2011 et la date pertinente pour apprécier la renommée des marques antérieures. Toutefois, comme le soutient la requérante, elle a produit devant la division d’opposition d’autres éléments de preuve afin de compléter les résultats du sondage d’opinion, relatifs à l’usage de la marque AESCULAP depuis 100 ans, aux chiffres d’affaires et aux parts de marchés.
133 À cet égard, la chambre de recours a relevé, dans les décisions attaquées, que, à la date pertinente, la requérante était présente dans le domaine de la technologie médicale depuis plus de 100 ans et qu’il avait été prouvé que les activités commerciales se poursuivaient à un niveau élevé et stable. Elle a indiqué qu’il ressortait des rapports de gestion et de la déclaration sous serment du directeur du marketing et des ventes de la requérante, produits en annexe, que des transactions et des parts de marchés constamment élevées étaient documentées pour l’Allemagne jusqu’en 2018.
134 Compte tenu de ces circonstances, afin de satisfaire aux exigences de motivation rappelées au point 125 ci-dessus, la chambre de recours aurait dû expliquer pour quel motif elle considérait que la renommée de la marque de l’Union européenne antérieure était passée de « très élevée » en 2010, comme cela a été constaté dans la décision du 8 octobre 2013, à seulement « moyenne » en 2018.
135 À cet égard, l’EUIPO a reconnu, lors de l’audience, que la chambre de recours n’avait pas cité explicitement l’arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma (C‑564/16 P, EU:C:2018:509), ni expliqué pour quel motif elle s’était écartée de la décision du 8 octobre 2013. Contrairement à ce qu’a soutenu l’EUIPO, la seule mention, dans les décisions attaquées, de l’arrêt du Landgericht Mannheim (tribunal régional de Mannheim, Allemagne) du 19 août 2021, concernant la renommée en Allemagne du mot « aesculap », ne saurait être considérée comme une motivation explicite de la différence d’appréciation de la renommée des marques antérieures par rapport à celle retenue dans la décision du 8 octobre 2013.
136 Il s’ensuit que, à défaut de toute explication dans les décisions attaquées de nature à justifier une appréciation de l’intensité de la renommée des marques antérieures différente de celle retenue dans la décision du 8 octobre 2013, la chambre de recours a violé son obligation de motivation.
137 En deuxième lieu, la requérante fait valoir que le résultat du sondage d’opinion, selon lequel 88 % des personnes interrogées ont répondu que le mot « aesculap » faisait référence à une entreprise déterminée, établit un niveau très élevé de renommée des marques antérieures. Elle soutient que la chambre de recours a appliqué une décote à ce résultat sur le fondement de deux objections qui ne sont pas compréhensibles ni motivées, relatives, d’une part, à la faible participation au sondage d’opinion et, d’autre part, au rapport entre les chirurgiens travaillant en clinique et les chirurgiens indépendants qui ont été interrogés.
138 Il convient de rappeler que les décisions de l’EUIPO doivent être motivées conformément à la jurisprudence citée au point 124 ci-dessus.
139 En outre, une contradiction dans la motivation d’une décision constitue une violation de l’obligation qui découle de l’article 94 du règlement 2017/1001, de nature à affecter la validité de l’acte en cause s’il est établi que, en raison de cette contradiction, le destinataire de l’acte n’est pas en mesure de connaître les motifs réels de la décision, en tout ou en partie, et que, de ce fait, le dispositif de l’acte est, en tout ou en partie, dépourvu de tout support juridique [voir arrêt du 28 octobre 2009, BCS/OHMI – Deere (Combinaison des couleurs verte et jaune), T‑137/08, EU:T:2009:417, point 68 et jurisprudence citée].
140 Premièrement, dans les décisions attaquées, la chambre de recours a considéré qu’il convenait d’appliquer une décote par rapport au pourcentage de 88 % d’attribution du signe à une entreprise déterminée résultant du sondage d’opinion. Or, comme le soutient la requérante et comme l’a reconnu l’EUIPO lors de l’audience, la chambre de recours n’a pas expliqué de quelle manière, sur le fondement d’une décote non précisée, elle est parvenue à la conclusion qu’un tel pourcentage de reconnaissance particulièrement élevé conduirait à constater une renommée seulement « moyenne ».
141 Deuxièmement, la chambre de recours a relevé, d’une part, que les participants au sondage d’opinion, à savoir des chirurgiens hospitaliers ou indépendants, avaient été sélectionnés de manière représentative et que, même si la participation était faible, elle indiquait une tendance claire compte tenu du résultat, à savoir un pourcentage d’attribution de 88 %. Elle a également constaté que le groupe des participants au sondage d’opinion, à savoir essentiellement les chirurgiens, était relativement homogène, de sorte que les déclarations étaient susceptibles d’être généralisées. D’autre part, elle a justifié l’application d’une décote au résultat du sondage au motif qu’il existait une plus grande probabilité d’erreur lorsque la participation était faible et au motif que le sondage concernait surtout des chirurgiens en clinique et moins de chirurgiens indépendants.
142 Il en ressort que le raisonnement de la chambre de recours concernant le caractère représentatif des participants au sondage est entaché de contradictions.
143 En effet, d’une part, elle a estimé que le sondage était représentatif et que les résultats pouvaient être généralisés et, d’autre part, qu’une décote se justifiait en raison de la faible participation au sondage. De même, tout en indiquant que les chirurgiens participant au sondage constituaient un groupe relativement homogène, compte tenu de la similitude des formations et des pratiques professionnelles, elle a appliqué une décote au résultat du sondage au motif qu’il concernait surtout des chirurgiens hospitaliers.
144 De plus, comme le relève la requérante, la chambre de recours n’a pas motivé pour quelle raison la connaissance de la marque antérieure AESCULAP par des chirurgiens serait différente selon qu’ils étaient indépendants ou qu’ils travaillaient en clinique.
145 En outre, il y a lieu de relever que la chambre de recours n’a pas expliqué pour quel motif la représentativité des participants au sondage d’opinion justifiait une décote à la date pertinente alors que cette représentativité n’avait pas été remise en cause dans la décision du 8 octobre 2013 et que ce sondage avait conduit la chambre de recours à conclure à une très forte renommée de la marque antérieure AESCULAP.
146 Il s’ensuit que, comme le soutient la requérante, le raisonnement suivi par la chambre de recours concernant l’appréciation du sondage d’opinion ne permet pas de comprendre pour quel motif elle a appliqué une décote au résultat de ce sondage.
147 En troisième lieu, la requérante fait notamment valoir que ne sont pas pertinentes les appréciations de la chambre de recours selon lesquelles, d’une part, le mot « aesculap » était connu en Allemagne comme symbole de la médecine et, d’autre part, le signe AESCULAP disposait uniquement d’un caractère distinctif intrinsèque faible.
148 Il ressort des décisions attaquées que la chambre de recours a conclu que les marques antérieures bénéficiaient seulement d’une renommée moyenne à la date pertinente, compte tenu des faiblesses du sondage d’opinion et au regard des circonstances de l’espèce. À cet égard, elle a indiqué que, à cette date, le mot « aesculap » jouissait d’une grande renommée en Allemagne en tant que symbole de la médecine et du statut de médecin ou de pharmacien. Elle s’appuie sur un arrêt du Landgericht Mannheim (tribunal régional de Mannheim) du 19 août 2021, qui établirait que la plupart des pharmacies, des associations médicales et des cliniques utilisaient le bâton d’Esculape dans leurs logos. Elle a relevé que, en tant que référence commune à la médecine, le signe AESCULAP disposait d’un faible caractère distinctif intrinsèque.
149 Il convient de rappeler que, en application de la jurisprudence citée au point 18 ci-dessus, les marques antérieures sont considérées comme renommées si elles sont connues d’une partie significative du public concerné par les produits ou les services couverts par elles. En l’espèce, comme l’a relevé la chambre de recours, ce public est constitué des utilisateurs d’instruments chirurgicaux et d’instruments de chirurgie, à savoir, principalement, les chirurgiens hospitaliers et les médecins qui fournissent dans un cabinet médical des traitements chirurgicaux pour des maladies et des blessures.
150 Comme le relève la requérante, en affirmant que le mot « aesculap » jouissait d’une grande renommée en Allemagne en tant que symbole de la médecine, la chambre de recours ne semble pas avoir tenu compte des résultats du sondage d’opinion selon lequel uniquement 2,9 % du public pertinent considère que le signe AESCULAP fait référence au dieu de la médecine contre 88 % à une entreprise déterminée.
151 En outre, la chambre de recours a fait référence à l’arrêt du Landgericht Mannheim (tribunal régional de Mannheim) du 19 août 2021, relatif à l’utilisation du bâton d’Esculape et au mot « aesculap » dans le secteur médical en Allemagne, sans toutefois indiquer l’incidence que cet arrêt aurait sur le niveau de connaissance des marques antérieures par le public pertinent.
152 Il s’ensuit que le raisonnement suivi par la chambre de recours ne permet pas de comprendre pour quel motif les circonstances de l’espèce dont elle a tenu compte constitueraient des facteurs pertinents pour apprécier l’intensité de la renommée des marques antérieures.
153 Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que la chambre de recours a violé son obligation de motivation, d’une part, en ne justifiant pas explicitement la divergence d’appréciation de l’intensité de la renommée des marques antérieures par rapport à celle retenue dans la décision du 8 octobre 2013 et, d’autre part, en raison des contradictions et des insuffisances figurant dans son raisonnement fondant sa conclusion selon laquelle la renommée des marques antérieures était seulement moyenne.
154 Partant, il y a lieu d’accueillir le premier grief, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la question de savoir si la renommée des marques antérieures était moyenne ou élevée.
155 Dès lors, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur la recevabilité, contestée par l’EUIPO, de l’annexe A.5 de la requête contenant un document intitulé « Basics of surveys for legal evidence » extrait d’une présentation de l’Institut für Demoskopie Allensbach à l’EUIPO en mars 2021, relatif à la taille appropriée des échantillons dans le cadre de la réalisation d’un sondage, produite par la requérante à l’appui de son argument selon lequel la chambre de recours aurait commis des erreurs dans l’appréciation du sondage d’opinion.
Sur le troisième grief, tiré de l’existence d’un lien entre les marques en conflit pour les produits et les services relevant des classes 5, 42 et 44
156 La requérante fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en concluant à l’absence de lien entre les marques en conflit pour les produits et les services relevant des classes 5, 42 et 44 visés par les marques demandées.
157 S’agissant de l’appréciation de l’existence d’un lien entre les marques en conflit, ainsi que cela a été rappelé aux points 66 à 68 ci-dessus, dans les décisions attaquées, la chambre de recours a considéré, premièrement, que les marques antérieures étaient fortement distinctives, deuxièmement, que les signes en conflit présentaient une similitude inférieure à la moyenne sur le plan visuel, une similitude moyenne sur le plan phonétique et une similitude supérieure à la moyenne sur le plan conceptuel et, troisièmement, que tous les produits et les services visés par les marques demandées pouvaient être utilisés ou obtenus par le même public que celui utilisant les instruments chirurgicaux ou les instruments pour la chirurgie couverts par les marques antérieures.
158 Quatrièmement, la chambre de recours a considéré que, compte tenu des différences considérables entre les produits couverts par les marques antérieures et les produits et les services relevant des classes 5, 42 et 44 visés par les marques demandées, il n’y avait pas de preuves suffisantes que le public pertinent établirait un lien entre les marques demandées et les marques antérieures. À cet égard, elle a relevé que les produits et les services relevant des classes 5, 42 et 44 visés par les marques demandées pouvaient être rattachés au vaste domaine de la médecine et que, dans le cadre d’un traitement, ils pouvaient spatialement, voire fonctionnellement, entrer en contact avec des instruments chirurgicaux, mais qu’il n’existait pas de véritable relation de complémentarité entre eux. Elle a indiqué que les produits relevant de la classe 5 étaient des produits chimico-pharmaceutiques de différents secteurs et que les services relevant des classes 42 et 44 étaient des services médicaux liés à la personne et de diverses natures.
159 La chambre de recours a ajouté qu’il convenait de prendre en compte que le rayonnement des marques antérieures était d’autant plus faible que l’écart augmentait entre les produits et les services en cause et que, à la date pertinente, ce rayonnement était remplacé par une compréhension du signe AESCULAP par le public spécialisé en Allemagne qui n’évoquait plus les marques antérieures, mais faisait référence en priorité au dieu Esculape en tant que symbole de la médecine. Selon elle, la requérante ne pouvait prétendre que le mot « aesculap » était totalement identifié aux marques antérieures dans le domaine de la médecine, de la pharmacie ou des services médicaux en raison de sa renommée moyenne pour les instruments chirurgicaux.
160 En premier lieu, la requérante conteste, en substance, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les produits couverts par les marques antérieures et les produits et les services relevant des classes 5, 42 et 44 visés par les marques demandées présentent des différences considérables.
161 Selon la jurisprudence, même si les publics concernés par les produits ou les services pour lesquels les marques en conflit sont respectivement enregistrées sont les mêmes ou se recoupent dans une certaine mesure, lesdits produits ou services peuvent être si dissemblables que la marque postérieure sera insusceptible d’évoquer la marque antérieure dans l’esprit du public pertinent. Dès lors, la nature des produits ou des services pour lesquels les marques en conflit ont été respectivement enregistrées doit être prise en considération aux fins d’apprécier l’existence d’un lien entre ces marques [arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, points 49 et 50 ; voir, également, arrêt du 10 mars 2021, Puma/EUIPO – CAMäleon (PUMA-System), T‑71/20, non publié, EU:T:2021:121, point 70 et jurisprudence citée].
162 Il convient de rappeler qu’il ressort de l’article 94 du règlement 2017/1001 et de la jurisprudence mentionnée au point 124 ci-dessus, que les décisions de l’EUIPO doivent être motivées et que cette obligation exige que la motivation fasse apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte.
163 Premièrement, la requérante soutient que la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les produits couverts par les marques antérieures et les produits et les services relevant des classes 5, 42 et 44 visés par les marques demandées présentent des différences considérables est en contradiction avec l’affirmation de cette dernière selon laquelle ces produits et ces services pouvaient entrer en contact spatialement, dans le cabinet du médecin et, fonctionnellement, lors du traitement d’un même patient. Le fait qu’un médecin utilise les produits visés par les marques en conflit lors du traitement d’un même patient suffirait à l’existence d’un lien.
164 À cet égard, il y a lieu de relever que, dans les décisions attaquées, la chambre de recours a constaté que les publics visés par les marques en conflit étaient les mêmes. À cet égard, elle a estimé, ainsi que cela a été mentionné au point 68 ci-dessus, que les médecins qui, en plus de leur activité dans le domaine de la chirurgie, réalisaient d’autres tâches médicales, telles que la réalisation d’examens et l’analyse de substances corporelles, pouvaient utiliser directement tous les produits et services visés par les marques demandées.
165 Il convient également de rappeler que la chambre de recours a indiqué que les instruments chirurgicaux ou les instruments de chirurgie, appelés « nécessaire chirurgical », couvraient divers instruments médicaux ou instruments de diagnostic et qu’ils pouvaient avoir une fonction de diagnostic.
166 En outre, en considérant que les produits et les services relevant des classes 5, 42 et 44 visés par les marques demandées pouvaient entrer en contact spatialement, voire fonctionnellement, avec les instruments chirurgicaux ou instruments pour la chirurgie, couverts par les marques antérieures, la chambre de recours a reconnu que ces produits et ces services pouvaient être utilisés simultanément par les médecins lors d’un même acte médical, tel que la réalisation d’examens à des fins de diagnostic.
167 Il y a lieu de relever que l’ensemble de ces appréciations de la chambre de recours sont en contradiction avec sa conclusion selon laquelle les produits et les services relevant des classes 5, 42 et 44 visés par les marques demandées et les produits couverts par les marques antérieures présentaient des différences considérables. Ces appréciations ne permettent pas de comprendre le raisonnement ayant conduit la chambre de recours à cette conclusion.
168 Deuxièmement, la requérante fait valoir qu’une relation de complémentarité n’est pas nécessaire pour établir un lien au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. Par ailleurs, elle considère qu’il existe une relation de complémentarité entre les instruments chirurgicaux relevant de la classe 10 et les kits de test de diagnostic relevant de la classe 5 et que l’EUIPO aurait même admis, dans sa pratique décisionnelle, qu’ils étaient similaires.
169 Selon la jurisprudence relative à l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, citée par la chambre de recours, les produits ou les services complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise [arrêt du 29 janvier 2020, Aldi/EUIPO – Titlbach (ALTISPORT), T‑697/18, non publié, EU:T:2020:14, point 57].
170 Certes, comme l’a indiqué l’EUIPO lors de l’audience, la complémentarité entre des produits et des services peut être un élément pouvant être pris en compte afin d’établir l’existence d’une proximité entre eux pour établir un lien. Toutefois, l’absence de complémentarité n’est pas suffisante pour exclure l’existence d’un tel lien, le degré de proximité exigé pour l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 pouvant résulter d’autres critères.
171 Il ressort de ce qui précède que la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les produits et les services relevant des classes 5, 42 et 44 visés par les marques demandées et les produits couverts par les marques antérieures présentaient des différences considérables est entachée de contradictions et n’est pas suffisamment motivée.
172 En second lieu, la requérante soutient que la chambre de recours ne pouvait remettre en cause l’existence d’un lien en supposant que le public spécialisé pertinent connaissait la signification d’Esculape en tant que symbole de la médecine, ce qui serait contraire au résultat du sondage d’opinion. Elle rappelle également que, contrairement à ce qu’a affirmé la chambre de recours, la renommée des marques antérieures n’est pas seulement moyenne et soutient que, même dans ce cas, compte tenu du rapport étroit entre les produits et les services en cause, il y aurait lieu de conclure à l’existence d’un lien entre les marques en conflit.
173 Par ces arguments, la requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours mentionnée au point 159 ci-dessus.
174 Il convient de relever que cette appréciation de la chambre de recours s’appuie sur deux prémisses, à savoir, d’une part, que les produits et les services relevant des classes 5, 42 et 44 visés par les marques demandées et les produits couverts par les marques antérieures présentaient des différences considérables et, d’autre part, que les marques antérieures bénéficiaient seulement d’une renommée moyenne.
175 Or, il suffit de rappeler qu’il ressort, respectivement du point 171 ci-dessus et de l’analyse du premier grief, que ces deux prémisses ne sont pas suffisamment motivées.
176 Dès lors, il ressort de l’ensemble de ce qui précède que la chambre de recours a violé son obligation de motivation en concluant à l’absence de lien entre les marques en conflit.
177 Il s’ensuit que le Tribunal n’est pas en mesure d’apprécier le bien-fondé de l’appréciation de la chambre de recours, mentionnée au point 159 ci-dessus, relative à l’absence de lien entre les marques en conflit.
178 Partant, il y a lieu d’accueillir le troisième grief.
179 Le premier et le troisième grief ayant été accueillis, il y a lieu d’accueillir les recours principaux et d’annuler les décisions attaquées en tant que la chambre de recours a annulé les décisions de la division d’opposition et rejeté les oppositions en ce qu’elles étaient fondées sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 pour les produits et les services relevant des classes 5, 42 et 44, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres griefs soulevés par la requérante.
Sur les dépens
180 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
181 Au titre des recours principaux, l’EUIPO ayant succombé et la requérante n’ayant pas conclu à la condamnation de l’intervenante aux dépens, il y a lieu de condamner l’EUIPO à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière. L’intervenante, qui a succombé en ses conclusions, supportera ses propres dépens.
182 Au titre des recours incidents, l’intervenante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante et de l’EUIPO, conformément aux conclusions de ces derniers.
183 En outre, la requérante a conclu à la condamnation de l’intervenante aux dépens qu’elle a exposés dans le cadre des procédures devant l’EUIPO. À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Il n’en va toutefois pas de même des frais exposés aux fins de la procédure devant la division d’opposition. Partant, la demande de la requérante tendant à ce que l’intervenante, ayant succombé en ses conclusions, soit condamnée aux dépens des procédures administratives devant l’EUIPO ne peut être accueillie que s’agissant des seuls dépens indispensables exposés par la requérante aux fins des procédures devant la chambre de recours.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (huitième chambre)
déclare et arrête :
1) Les décisions de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 12 novembre 2022 (affaire R 18/2022‑2), du 23 novembre 2022 (affaire R 20/2022-2) et du 29 novembre 2022 (affaire R 21/2022-2) sont annulées en tant qu’elles ont annulé les décisions de la division d’opposition du 30 novembre 2021 et rejeté les oppositions pour les produits et les services relevant des classes 5, 42 et 44 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.
2) Les recours incidents sont rejetés.
3) Au titre des recours principaux, l’EUIPO est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par Aesculap AG, Aeneas GmbH & Co. KG supportera ses propres dépens.
4) Au titre des recours incidents, Aeneas est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Aesculap et l’EUIPO.
5) Aeneas supportera les dépens indispensables exposés par Aesculap aux fins des procédures devant la chambre de recours dans les affaires R 18/2022‑2, R 20/2022-2 et R 21/2022-2.
Kornezov | De Baere | Petrlík |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 novembre 2024.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.
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