Lukoil v Registre de Transparence and Others (Appeal – Institutional law – Interinstitutional Agreement on a mandatory transparency register - Judgment) French Text [2025] EUECJ C-223/24P (27 February 2025)

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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2025/C22324P.html
Cite as: EU:C:2025:129, ECLI:EU:C:2025:129, [2025] EUECJ C-223/24P

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ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

27 février 2025 (*)

« Pourvoi – Droit institutionnel – Accord interinstitutionnel sur un registre de transparence obligatoire – Radiation de la requérante du registre de transparence – Notification de la décision par voie électronique – Délai de recours – Caractère tardif du recours »

Dans l’affaire C‑223/24 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 22 mars 2024,

Oil company « Lukoil » PAO, établie à Moscou (Russie), représentée par Mes C. Alter et B. Lebrun, avocats,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Registre de transparence,

Parlement européen, représenté par MM. U. Rösslein et S. Toliušis, en qualité d’agents,

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bauer et Mme L. Bratusca, en qualité d’agents,

Commission européenne, représentée par M. M. Burón Pérez et Mme S. Pardo Quintillán, en qualité d’agents,

parties défenderesses en première instance,



LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. N. Jääskinen, président de chambre, M. A. Arabadjiev et Mme R. Frendo (rapporteure), juges,

avocat général : M. R. Norkus,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, Oil company « Lukoil » PAO demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 25 janvier 2024, Lukoil/Parlement e.a. (T‑280/23, ci‑après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2024:41), par laquelle celui-ci a rejeté comme étant manifestement irrecevable son recours tendant à l’annulation de la décision du secrétariat du registre de transparence Ares (2023) 1618717, du 6 mars 2023, prononçant sa radiation du registre de transparence de l’Union européenne (ci‑après la « décision litigieuse »).

I.      Le cadre juridique

A.      Le règlement (CEE, Euratom) no 1182/71

2        Le règlement (CEE, Euratom) no 1182/71 du Conseil, du 3 juin 1971, portant détermination des règles applicables aux délais, aux dates et aux termes (JO 1971, L 124, p. 1), dispose, à son article 3, paragraphe 1, second alinéa :

« Si un délai exprimé en jours, en semaines, en mois ou en années est à compter à partir du moment où survient un événement ou s’effectue un acte, le jour au cours duquel a lieu cet événement ou s’effectue cet acte n’est pas compté dans le délai. »

B.      Le règlement de procédure du Tribunal

3        L’article 58 du règlement de procédure du Tribunal prévoit :

« 1.      Les délais de procédure prévus par les traités, le statut [de la Cour de justice de l’Union européenne] et le présent règlement sont calculés de la façon suivante :

a)      si un délai exprimé en jours, en semaines, en mois ou en années est à compter à partir du moment où survient un événement ou s’effectue un acte, le jour au cours duquel survient cet événement ou se situe cet acte n’est pas compté dans le délai ;

b)      un délai exprimé en semaines, en mois ou en années prend fin à l’expiration du jour qui, dans la dernière semaine, dans le dernier mois ou dans la dernière année, porte la même dénomination ou le même chiffre que le jour au cours duquel est survenu l’événement ou a été effectué l’acte à partir duquel le délai est à compter ; si, dans un délai exprimé en mois ou en années, le jour déterminé pour son expiration fait défaut dans le dernier mois, le délai prend fin à l’expiration du dernier jour de ce mois ;

[...] »

2.      Si le délai prend fin un samedi, un dimanche ou un jour férié légal, l’expiration en est reportée à la fin du jour ouvrable suivant.

[...] »

4        Conformément à l’article 60 de ce règlement, les délais de procédure sont augmentés d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

C.      L’accord interinstitutionnel

5        Aux termes du considérant 14 de l’accord interinstitutionnel du 20 mai 2021 entre le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne sur un registre de transparence obligatoire (JO 2021, L 207, p. 1, ci‑après l’« accord interinstitutionnel ») :

« Dans l’exercice de leurs pouvoirs d’organisation interne respectifs, les institutions signataires [, à savoir, le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne,] devraient déléguer au secrétariat et au conseil d’administration du registre le pouvoir d’agir pour leur compte pour ce qui est de l’adoption de décisions individuelles concernant les demandeurs et les personnes enregistrées, conformément au présent accord. Les institutions signataires devraient être codéfenderesses dans toute action en justice portée devant la Cour de justice de l’Union européenne contre des décisions définitives rendues par le conseil d’administration du registre qui ont une incidence défavorable pour les demandeurs ou les personnes enregistrées. »

6        L’article 2, sous c), de l’accord interinstitutionnel définit la notion de « personne enregistrée » comme étant « tout représentant d’intérêts inscrit dans le registre ».

7        L’article 6, paragraphe 2, de cet accord prévoit :

« Lors de la présentation d’une demande d’enregistrement, les demandeurs fournissent les informations énumérées à l’annexe II et acceptent que ces informations soient mises à disposition dans le domaine public. »

8        Les informations générales devant être consignées dans le registre de transparence sont énumérées au point I de l’annexe II dudit accord. En vertu de ce point I, sous e), le « nom de la personne juridiquement responsable de l’entité ainsi que de la personne chargée des relations avec l’Union [européenne] » figure au nombre de ces informations.

9        L’annexe III du même accord, intitulée « Contrôle, enquêtes et mesures », dispose, à son point 1, intitulé « Principes généraux » :

« [...]

1.2.      Une enquête est une procédure administrative impliquant le secrétariat et la personne enregistrée concernée ainsi que, lorsque l’enquête n’a pas été ouverte à l’initiative du secrétariat, le tiers qui a introduit la plainte (ci‑après dénommé “plaignant”).

1.3.      Lorsqu’une enquête est ouverte, le secrétariat peut suspendre l’enregistrement concerné à titre conservatoire. Il informe immédiatement la personne enregistrée concernée de sa décision de suspendre l’enregistrement, en exposant les motifs de sa décision. »

10      Le point 7 de cette annexe III, intitulé « Décision », prévoit :

« 7.1.      Le secrétariat clôt une enquête par une décision motivée. Il informe les parties concernées de cette décision par écrit. Cette décision indique si l’inadmissibilité a été établie. Le cas échéant, la décision précise également la forme de l’inadmissibilité et, s’il y a lieu, les mesures prises par le secrétariat ainsi que les voies de recours pertinentes.

7.2.      Si le secrétariat établit qu’une personne enregistrée n’est pas admissible conformément au point 7.1, il radie l’enregistrement concerné du registre.

7.3.      Le secrétariat peut examiner une demande de réouverture d’une enquête dans un délai maximal de vingt jours ouvrables suivant la notification de sa décision aux parties concernées.

7.4.      Une enquête ne peut être rouverte que lorsque des informations qui étaient disponibles avant que le secrétariat ne statue n’ont pas été examinées par celui-ci aux fins de la décision, et ce sans faute ni omission de la part de la partie qui présente la demande conformément au point 7.3. »

D.      Les lignes directrices de l’accord interinstitutionnel

11      La partie II des lignes directrices du 1er septembre 2021 relatives au registre de transparence destinées aux demandeurs d’enregistrement et aux personnes enregistrées, établies par le secrétariat de ce registre (ci‑après les « lignes directrices de l’accord interinstitutionnel »), contient un point 5, intitulé « Informations à consigner dans le registre », dont la rubrique 4, elle-même intitulée « Personne juridiquement responsable », définit celle-ci comme étant « une personne légalement autorisée à agir au nom du représentant d’intérêts ou à représenter ce dernier dans les contacts avec les autorités publiques ».

II.    Le recours devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

12      Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 17 mai 2023, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

13      Considérant que ce recours était manifestement irrecevable, le Tribunal a décidé, en application de l’article 126 de son règlement de procédure, de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

14      En particulier, le Tribunal a constaté que la décision litigieuse avait été valablement notifiée à la requérante le 6 mars 2023 et que, par voie de conséquence, le délai pour demander l’annulation de cette décision, prévu à l’article 263 TFUE, avait expiré le 16 mai 2023. Partant, il a considéré que ledit recours, introduit le 17 mai 2023, était tardif.

III. Les conclusions des parties au pourvoi

15      Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour :

–        d’annuler l’ordonnance attaquée et

–        de condamner les parties défenderesses en première instance aux dépens.

16      Le Parlement, le Conseil et la Commission demandent à la Cour, en substance, de rejeter le pourvoi et de condamner la requérante aux dépens.

IV.    Sur le pourvoi

A.      Sur la recevabilité du mémoire en réponse du Conseil

1.      Argumentation des parties

17      Dans son mémoire en réplique, la requérante conteste la recevabilité du mémoire en réponse du Conseil. Elle fait valoir que ce dernier, en violation de l’article 173 du règlement de la procédure de la Cour, n’a pas mentionné la date à laquelle le pourvoi lui avait été signifié. Or, cette omission empêcherait la requérante de vérifier si ce mémoire en réponse a été déposé dans le délai imparti.

18      Par ailleurs, la requérante soutient que l’irrecevabilité du mémoire en réponse du Conseil entraînerait celle des mémoires en réponse du Parlement et de la Commission. Elle fonde son argumentation sur le considérant 14 de l’accord interinstitutionnel, selon lequel ces trois institutions devraient être codéfenderesses dans toute action en justice portée devant la Cour de justice de l’Union européenne contre des décisions définitives rendues par le conseil d’administration du registre de transparence qui ont une incidence défavorable pour les personnes enregistrées. Il en résulte, selon la requérante, que, si le mémoire en réponse de l’une desdites trois institutions est déclaré irrecevable, les deux autres institutions ne pourraient plus représenter valablement le registre de transparence.

19      Le Parlement, le Conseil et la Commission contestent cette argumentation.

2.      Appréciation de la Cour 

20      Il convient de relever que, en vertu de l’article 172 du règlement de procédure de la Cour, toute partie à l’affaire en cause devant le Tribunal ayant un intérêt à l’accueil ou au rejet du pourvoi peut présenter un mémoire en réponse dans un délai de deux mois à compter de la signification du pourvoi. Conformément à l’article 51 de ce règlement, ce délai de procédure doit être augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours. Par conséquent, le délai dans lequel doit être déposé un mémoire en réponse à un pourvoi est de deux mois et dix jours à compter de la signification de celui-ci.

21      En outre, en vertu de l’article 173, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, dans son mémoire en réponse, la partie à l’affaire en cause devant le Tribunal ayant un intérêt à l’accueil ou au rejet du pourvoi doit mentionner la date à laquelle le pourvoi lui a été signifié.

22      Par ailleurs, il convient de préciser que, par sa décision du 16 octobre 2018 relative au dépôt et à la signification d’actes de procédure par la voie de l’application e-Curia (JO 2018, L 293, p. 36), la Cour a institué un mode de dépôt et de signification d’actes de procédure par voie électronique. Conformément à l’article 7, deuxième alinéa, première phrase, de cette décision, l’acte de procédure est signifié au moment où le destinataire demande l’accès à cet acte.

23      En l’espèce, l’accusé de réception de l’application e‑Curia indique que le Conseil a demandé l’accès au pourvoi le 25 avril 2024, de sorte que le délai de deux mois et dix jours dans lequel cette institution devait déposer son mémoire en réponse a expiré le 5 juillet 2024. Le mémoire en réponse du Conseil ayant été déposé le 5 juillet 2024, il convient de constater qu’il a été déposé dans le délai imparti.

24      Cela étant, le Conseil n’a pas mentionné la date à laquelle le pourvoi lui a été signifié.

25      Dans ce contexte, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 168, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour, qui prévoit les exigences formelles auxquelles doit satisfaire une requête en pourvoi, « [m]ention doit être faite de la date à laquelle la décision attaquée a été signifiée à la partie requérante ».

26      À cet égard, la Cour a déjà eu l’occasion de juger que la seule omission, dans la requête en pourvoi, de la date à laquelle la décision attaquée a été signifiée à la partie requérante ne suffit pas pour rendre le pourvoi irrecevable, dès lors que celui‑ci a été formé dans le délai imparti (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2018, Estonie/Commission, C‑334/17 P, EU:C:2018:914, point 29 et jurisprudence citée).

27      Cette conclusion s’impose également et par analogie, lorsque, comme en l’espèce, une partie défenderesse en première instance a omis, contrairement à l’exigence prévue à l’article 173, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure de la Cour, de mentionner, dans son mémoire en réponse, la date à laquelle le pourvoi lui a été signifié, pourvu que ce mémoire ait été déposé dans le délai imparti.

28      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que le mémoire en réponse déposé par le Conseil est recevable, de sorte qu’il n’y a pas lieu de répondre à l’argument de la requérante tiré de ce que l’irrecevabilité du mémoire en réponse du Conseil entraînerait celle des mémoires en réponse du Parlement et de la Commission.

B.      Sur le fond

29      À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève trois moyens, tirés, le premier, d’erreurs de droit que le Tribunal aurait commises en jugeant que la décision litigieuse avait été dûment notifiée, le deuxième, d’une violation de l’obligation de motivation et, le troisième, d’une violation du principe de sécurité juridique ainsi que des droits de la défense.

1.      Sur le premier moyen, tiré d’erreurs de droit que le Tribunal aurait commises en jugeant que la décision litigieuse avait été dûment notifiée

30      Le premier moyen se divise, en substance, en trois branches correspondant chacune à une erreur de droit distincte. Premièrement, la requérante fait valoir que la décision litigieuse ne mentionne pas les voies de recours pertinentes pour contester celle-ci, en violation du point 7.1 de l’annexe III de l’accord interinstitutionnel, de sorte que ses droits à un procès équitable et à un recours effectif ont été violés. Deuxièmement, elle soutient que la décision litigieuse ne lui a pas été valablement notifiée. Troisièmement, elle fait valoir que la notification de la décision litigieuse n’était pas de nature à faire courir le délai prévu à l’article 263 TFUE.

a)      Sur la première branche du premier moyen, tirée de l’absence de mention des voies de recours pertinentes dans la décision litigieuse

1)      Argumentation des parties

31      Par la première branche de son premier moyen, la requérante fait valoir que la décision litigieuse ne mentionne pas les voies de recours pertinentes pour contester celle‑ci. Cette omission constituerait une violation du point 7.1 de l’annexe III de l’accord interinstitutionnel et, par conséquent, du droit à un procès équitable et à un recours effectif garanti à l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, ainsi qu’à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Ladite omission méconnaîtrait également le principe de sécurité juridique.

32      Le Parlement, le Conseil et la Commission rétorquent que la première branche du premier moyen est irrecevable, au motif que, en violation de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, la requérante n’identifierait pas avec précision les points des motifs de l’ordonnance attaquée qui sont contestés. Ils ajoutent que cette première branche repose sur des arguments qui n’auraient pas été présentés en première instance. En tout état de cause, ladite première branche serait non fondée.

2)      Appréciation de la Cour

33      Il convient de rappeler que, selon l’article 170, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement de procédure de la Cour, le pourvoi ne peut modifier l’objet du litige devant le Tribunal.

34      Ainsi, en vertu d’une jurisprudence bien établie, la compétence de la Cour dans le cadre du pourvoi est limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens et aux arguments débattus devant les premiers juges. Une partie ne saurait donc soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal, dès lors que cela reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal (arrêt du 6 octobre 2021, Sigma Alimentos Exterior/Commission, C‑50/19 P, EU:C:2021:792, point 38 et jurisprudence citée).

35      En l’espèce, force est de constater que la requérante invoque, pour la première fois au stade du pourvoi, une prétendue atteinte à son droit à un procès équitable en raison de l’absence de la mention des voies de recours pertinentes dans la décision litigieuse.

36      Il s’ensuit que la première branche du premier moyen tend à modifier l’objet du litige dont le Tribunal a été saisi. Dès lors, il y a lieu de rejeter cette première branche comme étant irrecevable.

b)      Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée de ce que la décision litigieuse n’aurait pas été notifiée au destinataire compétent

1)      Argumentation des parties

37      Par la deuxième branche de son premier moyen, la requérante fait valoir, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que la décision litigieuse lui avait été valablement notifiée.

38      À cet égard, la requérante soutient, en premier lieu, que le Tribunal a « manifestement violé » le point 7.1 de l’annexe III de l’accord interinstitutionnel, lequel prévoirait qu’une décision de radiation du registre de transparence doit être envoyée directement à la « personne concernée » par l’enquête en cause. Seules les décisions de suspension et de réexamen pourraient être communiquées à la « personne enregistrée ». Or, en l’espèce, la notification de la décision litigieuse, en tant que décision de radiation, aurait été effectuée auprès de deux représentants enregistrés, employés de la filiale belge de la requérante, alors qu’une notification à cette filiale ne constituerait pas une notification valide à la « personne concernée », à savoir à la requérante.

39      En second lieu, la requérante fait valoir que les deux personnes physiques auxquelles la décision litigieuse a été notifiée, bien qu’elles aient été désignées en tant que représentants dans le registre de transparence et qu’elles aient pu la représenter pour « certains actes » et déposer « certains documents » dans le cadre des activités de ce registre, ne disposeraient pas d’un mandat les autorisant à recevoir précisément cette décision. Dans ces conditions, elle reproche au Tribunal d’avoir considéré à tort qu’elle avait effectué une « élection de domicile » explicite en faveur de ces représentants.

40      Le Parlement, le Conseil et la Commission soutiennent que la seconde branche du premier moyen est non fondée.

2)      Appréciation de la Cour

41      À titre liminaire, il convient de relever, d’une part, que, dans sa requête en pourvoi, la requérante affirme que, lors de son inscription au registre de transparence, elle a indiqué le nom de deux représentants, en qualité, respectivement, de « personne juridiquement responsable » et de « personne chargée des relations avec l’Union », conformément à l’accord interinstitutionnel et aux lignes directrices de cet accord.

42      D’autre part, le Tribunal a constaté, au point 33 de l’ordonnance attaquée, que la décision litigieuse, adressée à « Lukoil, Boulevard Sretensky, 11, 101000 Moscou, Russie », a été communiquée à ces deux représentants, au moyen de leurs boîtes aux lettres électroniques.

43      À cet égard, le Tribunal a rappelé, tout d’abord, au point 24 de cette ordonnance, que l’article 2, sous c), de l’accord interinstitutionnel définit la « personne enregistrée » comme étant « tout représentant d’intérêts inscrit dans le registre ».

44      Ensuite, le Tribunal a également rappelé, au point 25 de ladite ordonnance, que, en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de l’accord interinstitutionnel, il appartient aux demandeurs d’enregistrement de fournir les informations énumérées à l’annexe II dudit accord. Or, parmi les informations à consigner dans le registre de transparence, énumérées au point I de cette annexe, figurent, notamment, le nom de la « personne juridiquement responsable de l’entité » ainsi que celui de la « personne chargée des relations avec l’Union ».

45      Par ailleurs, le Tribunal a ajouté, au point 26 de la même ordonnance, que, en application du principe de l’enregistrement unique, faisant l’objet du point 2 de la partie II des lignes directrices de l’accord interinstitutionnel, les représentants d’intérêts actifs dans plusieurs pays devraient enregistrer leurs activités dans ce registre une fois seulement.

46      Enfin, le Tribunal a relevé, au point 27 de l’ordonnance attaquée, que le point 5 de la partie II de ces lignes directrices, intitulé « Informations à consigner dans le registre », fait mention d’une rubrique 4 relative à la « personne juridiquement responsable », qu’il définit comme étant « une personne légalement autorisée à agir au nom du représentant d’intérêts ou à représenter ce dernier dans les contacts avec les autorités publiques ».

47      Ainsi, le Tribunal a considéré, en substance, au point 28 de cette ordonnance, que, en désignant, lors de son inscription au registre de transparence, une « personne juridiquement responsable » et une « personne chargée des relations avec l’Union », la requérante a accepté que ces deux personnes agissent en tant que représentants chargés de ses contacts avec ce registre.

48      Partant, contrairement à ce que la requérante allègue, le Tribunal n’a aucunement présumé l’existence d’une « élection de domicile » en faveur de ces représentants. En effet, le secrétariat du registre de transparence ne saurait s’écarter des choix expressément effectués par la requérante et doit simplement reconnaître ceux-ci, à des fins de communication avec cette dernière, en s’adressant à la « personne juridiquement responsable » et à la « personne chargée des relations avec l’Union » qu’elle avait désignées lors de son inscription à ce registre.

49      Au demeurant, il convient de relever que la requérante n’a contesté la capacité des deux personnes mentionnées au point précédent à recevoir la décision litigieuse que dans sa réponse du 4 septembre 2023 à la deuxième mesure d’organisation de la procédure du Tribunal, en soutenant que ces personnes ne disposaient de mandat que pour recevoir des communications et représenter sa filiale belge, également inscrite au registre de transparence. La requérante n’a, en revanche, pas soulevé un tel argument dans sa requête en annulation ni dans sa réponse du 25 juillet 2023 à la première mesure d’organisation de la procédure du Tribunal.

50      Or, ainsi qu’il ressort du point 32 de l’ordonnance attaquée, afin d’établir que lesdites personnes agissaient en tant que représentants de la requérante dans ses contacts avec le secrétariat du registre de transparence, la Commission a soutenu, devant le Tribunal, que ce secrétariat avait adressé, le 14 juillet 2022 et au moyen de la boîte aux lettres électronique du représentant désigné comme « personne juridiquement responsable », un courriel à la requérante, afin de l’informer de sa décision d’ouvrir une enquête à son égard et de suspendre son enregistrement à titre conservatoire. Le 28 juillet 2022, ce représentant a adressé un courriel en réponse aux membres dudit secrétariat et les a invités à trouver, en pièce jointe, « la réponse officielle » de la requérante à leur demande d’informations, à la lumière de l’enquête ouverte à l’égard de cette dernière. Cette réponse officielle a été signée par les deux personnes visées au point 48 du présent arrêt, à savoir la « personne juridiquement responsable » et la « personne chargée des relations avec l’Union » désignées par la requérante. Il importe d’ajouter, à cet égard, que ces courriels ont également été produits par la requérante sans qu’elle en conteste le contenu.

51      En outre, la Commission a produit devant le Tribunal l’extrait du registre de transparence indiquant que seule la requérante était inscrite à ce registre.

52      Il ressort ainsi de l’ordonnance attaquée, d’une part, que, en tenant compte du cadre établi par l’accord interinstitutionnel ainsi que sur la base d’une appréciation des éléments produits par la Commission et la requérante, le Tribunal a considéré, au point 30 de cette ordonnance, que la « personne juridiquement responsable » et la « personne chargée des relations avec l’Union » désignées par la requérante représentaient celle‑ci dans ses contacts avec le secrétariat du registre de transparence. D’autre part, ainsi que le Tribunal l’a constaté au point 29 de ladite ordonnance, la filiale belge de la requérante n’a pas fait l’objet d’une inscription séparée et n’a été mentionnée qu’en tant que « bureau chargé des relations avec l’Union », de sorte que, contrairement à ce que la requérante affirme, il ne saurait être considéré que cette filiale a également été inscrite au registre de transparence.

53      Cette appréciation du Tribunal n’est pas infirmée par l’argument de la requérante selon lequel celui-ci aurait « manifestement violé » le point 7.1 de l’annexe III de l’accord interinstitutionnel. En effet, en vertu de ce point, le secrétariat du registre de transparence doit clore son enquête par « une décision motivée » et informer les « parties concernées » de cette décision, par écrit. En outre, ainsi que le Parlement, le Conseil et la Commission le font valoir, il ressort du point 1.2 de l’annexe III de l’accord interinstitutionnel que les « personnes concernées » par une enquête ne peuvent être que la « personne enregistrée » et, lorsque l’enquête en cause n’a pas été ouverte à l’initiative de ce secrétariat, le « plaignant » qui a introduit la plainte.

54      En l’espèce, l’enquête ayant été ouverte à l’initiative dudit secrétariat, la seule partie concernée par l’enquête est la requérante, en tant que personne enregistrée. Or, s’agissant de la décision visée au point 7.1 de l’annexe III de l’accord interinstitutionnel, le secrétariat du registre de transparence est tenu de respecter l’information consignée par le représentant d’intérêts concernant le choix de la personne juridiquement responsable, qui, conformément aux lignes directrices de l’accord interinstitutionnel, est légalement autorisée à agir en son nom ou à le représenter dans les contacts avec les autorités publiques. Dans ces conditions, l’argumentation de la requérante visant à distinguer la « personne concernée » de la « personne enregistrée », au sens de l’accord interinstitutionnel, est dénuée de fondement.

55      Eu égard à ce qui précède, il convient de constater que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que la décision litigieuse avait été valablement notifiée à la requérante.

56      Partant, la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

c)      Sur la troisième branche du premier moyen, tirée de ce que le Tribunal n’aurait pas correctement déterminé le point de départ du délai de recours

57      Par la troisième branche de son premier moyen, la requérante fait valoir, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant qu’une déclaration de la part des conseils de la requérante constituait une reconnaissance de la bonne notification de la décision litigieuse, au sens de l’article 263 TFUE. Elle invoque deux griefs à cet égard, tirés, le premier, d’une prétendue notification irrégulière de la décision litigieuse et, le second, d’une appréciation prétendument erronée du courrier du 31 mars 2023.

1)      Sur le premier grief de la troisième branche du premier moyen, tiré d’une prétendue notification irrégulière de la décision litigieuse

i)      Argumentation des parties

58      Par le premier grief de la troisième branche de son premier moyen, la requérante soutient que, ainsi que le Tribunal l’a reconnu, la décision litigieuse n’a pas été envoyée par courrier recommandé, alors que l’envoi par un tel courrier avec accusé de réception constituerait le moyen de notification adéquat d’une telle décision, car il permettrait de déterminer avec certitude le point de départ du délai de recours en annulation contre celle-ci. Ainsi, dès lors que la décision litigieuse n’aurait pas été notifiée en bonne et due forme, le Tribunal aurait erronément considéré que, en l’espèce, ce délai a commencé à courir le 7 mars 2023.

59      La requérante ajoute que, à supposer même que le secrétariat du registre de transparence ait pu notifier la décision litigieuse par courriel, il incomberait alors à ce dernier de démontrer avec le même degré de certitude qu’elle a reçu ce courriel et qu’elle a été en mesure de prendre utilement connaissance de cette décision. En l’espèce, elle conclut qu’elle n’a pas pu prendre utilement connaissance de ladite décision, celle-ci ayant été envoyée le 6 mars 2023 en dehors des heures de bureau. Dès lors, il ne saurait être considéré que ledit délai a commencé à courir le 7 mars 2023.

60      Le Parlement, le Conseil et la Commission concluent au rejet du premier grief de la troisième branche du premier moyen.

ii)    Appréciation de la Cour

61      Il convient de constater d’emblée que l’argumentation de la requérante tirée, en substance, d’une prétendue notification irrégulière de la décision litigieuse repose sur une lecture erronée de l’ordonnance attaquée.

62      En l’espèce, le Tribunal a, tout d’abord, rappelé, au point 9 de cette ordonnance, qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que, afin d’établir qu’une décision notifiée par courriel a été dûment notifiée à son destinataire à une date précise et que, dès lors, le délai de recours a commencé à courir à partir de cette date, la partie intéressée doit démontrer, en fournissant les éléments nécessaires à cet égard, non seulement que cette décision a été communiquée à son destinataire, en ce sens qu’elle a été transmise à l’adresse électronique de ce destinataire et que celui-ci l’a reçue à cette adresse, mais également que ledit destinataire a été mis en mesure de prendre utilement connaissance du contenu de ladite décision à ladite date, à savoir qu’il a pu ouvrir le courriel contenant la décision en cause et en prendre ainsi dûment connaissance à la même date (voir, en ce sens, arrêt du 1er août 2022, Kerstens/Commission, C‑447/21 P, EU:C:2022:612, point 22).

63      Ensuite, le Tribunal a également rappelé, au point 10 de ladite ordonnance, que, en substance, une présomption selon laquelle le destinataire d’une décision notifiée par courriel ne peut, en tout état de cause, avoir été mis en mesure de prendre utilement connaissance de son contenu qu’à la date à laquelle il a consulté sa boîte aux lettres électronique ne saurait être conforme aux dispositions du droit de l’Union fixant des délais de recours. Il en va de même d’une présomption selon laquelle le destinataire d’une telle décision est mis en mesure de prendre utilement connaissance de son contenu, en tout état de cause, dès la réception de celle-ci dans sa boîte aux lettres électronique (voir, en ce sens, arrêt du 1er août 2022, Kerstens/Commission, C‑447/21 P, EU:C:2022:612, point 25).

64      Enfin, le Tribunal a examiné si les représentants de la requérante avaient été mis en mesure de prendre utilement connaissance, au sens de la jurisprudence citée aux points 62 et 63 du présent arrêt, du contenu du courriel du 6 mars 2023 le jour même où celui-ci était parvenu dans leurs boîtes aux lettres électroniques. À cet égard, au point 15 de la même ordonnance, le Tribunal a constaté que, par un courrier du 31 mars 2023 adressé au secrétariat du registre de transparence (ci‑après le « courrier du 31 mars 2023 »), les conseils de la requérante avaient présenté, en réponse à la décision litigieuse jointe à ce courriel, une demande de réouverture de l’enquête, en application des points 7.3 et 7.4 de l’annexe III de l’accord interinstitutionnel. Au point 18 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a relevé que, afin de justifier que cette demande de réouverture avait été introduite dans le délai maximal de 20 jours ouvrables suivant la notification d’une décision aux parties concernées, prévu à ce point 7.3, les conseils de la requérante ont fait explicitement mention, dans ce courrier, du fait que ce délai avait commencé à courir le 7 mars 2023 et qu’il expirait le 3 avril 2023.

65      Ainsi, au point 19 de cette ordonnance, le Tribunal a constaté qu’une telle information, émanant des conseils de la requérante, constituait une reconnaissance, par ceux-ci, que le courriel contenant la décision litigieuse avait bien été communiqué le 6 mars 2023 aux représentants de celle-ci, que ce courriel était parvenu dans les boîtes aux lettres électroniques de ces derniers à cette date et qu’ils en avaient pris connaissance ou, à tout le moins, avaient été mis en mesure d’en prendre utilement connaissance le jour même de cette communication et de cette réception. Dès lors, il en a conclu que ledit courriel avait été « dûment notifié » le 6 mars 2023 à ces représentants.

66      À cet égard, il suffit de constater que le Tribunal n’a ni reconnu que la décision litigieuse n’a pas été envoyée par courrier recommandé ni exigé du secrétariat du registre de transparence de démontrer avec certitude que la requérante a reçu le courriel mentionné au point précédent et qu’elle a été en mesure de prendre utilement connaissance de cette décision.

67      Partant, le premier grief de la troisième branche du premier moyen doit être rejeté.

2)      Sur le second grief de la troisième branche du premier moyen, tiré d’une appréciation prétendument erronée du courrier du 31 mars 2023

i)      Argumentation des parties

68      Par le second grief de la troisième branche de son premier moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir considéré que, par le courrier du 31 mars 2023, adressé par ses conseils au secrétariat du registre de transparence, elle avait avoué que la décision litigieuse lui avait été dûment notifiée le 6 mars 2023.

69      À cet égard, elle observe, premièrement, qu’un aveu ne peut porter que sur des questions de fait et non sur des questions de droit. En outre, si un aveu peut être implicite, il doit être certain, de sorte qu’il ne peut se déduire que de faits ne pouvant faire l’objet d’une autre interprétation. Or, en l’espèce, le calcul des délais constituerait une question de droit et le courrier du 31 mars 2023 ne contiendrait aucun élément factuel permettant, avec le degré de certitude requis ainsi qu’à l’exclusion de toute autre interprétation, de conclure que la requérante aurait bien reçu la décision litigieuse le 6 mars 2023 et aurait été mise en mesure d’en prendre utilement connaissance à cette dernière date.

70      Deuxièmement, la requérante soutient que le Tribunal ne pouvait pas se fonder sur le courrier du 31 mars 2023, envoyé dans le cadre de la procédure administrative devant le secrétariat du registre de transparence, pour déclarer irrecevable son recours, les règles relatives au calcul des délais applicables à cette procédure étant distinctes de celles applicables à la procédure devant le Tribunal. En effet, d’une part, le calcul du délai dans lequel une demande de réouverture d’une enquête doit être introduite devant le secrétariat du registre de transparence serait régi par l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1182/71, et, d’autre part, les règles relatives au calcul du délai prévu pour l’introduction d’un recours en annulation découleraient de l’article 263 TFUE. Or, contrairement à ce dernier article, le règlement no 1182/71 n’exigerait pas que le destinataire d’une décision soit en mesure de prendre utilement connaissance de celle-ci.

71      Troisièmement, la requérante soutient que les délais de recours étant d’ordre public, un calcul de délai effectué par ses conseils dans une procédure autre que son recours en annulation devant le Tribunal ne pourrait servir de fondement à la détermination du point de départ du délai dans lequel ce recours devait être introduit.

72      Le Parlement, le Conseil et la Commission rétorquent que, par le second grief de la troisième branche de son premier moyen, la requérante conteste les faits tels qu’établis par le Tribunal, sans pour autant alléguer ni démontrer une dénaturation de ceux-ci. Ce second grief serait donc irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.

ii)    Appréciation de la Cour

73      Il résulte de l’article 256 TFUE ainsi que de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces faits et de ces éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi. Une telle dénaturation doit apparaître de manière manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves. Cela suppose que le Tribunal ait manifestement outrepassé les limites d’une appréciation raisonnable des éléments de preuve. À cet égard, il ne suffit pas de montrer qu’un document pourrait faire l’objet d’une interprétation différente de celle retenue par le Tribunal, mais il incombe au requérant d’indiquer de manière précise les éléments qui auraient été dénaturés par le Tribunal et de démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit celui‑ci à cette dénaturation [voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2024, Portugal/Commission (Zone franche de Madère), C‑736/22 P, EU:C:2024:579, point 56 et jurisprudence citée].

74      En l’espèce, la requérante ne précise nullement les règles de droit qui auraient été méconnues par le Tribunal ni n’établit que celui‑ci ait manifestement outrepassé les limites d’une appréciation raisonnable du courrier du 31 mars 2023. En effet, bien que la requérante ait clairement exprimé son désaccord avec cette appréciation, elle n’allègue pas ni, partant, ne démontre une quelconque dénaturation de ce courrier.

75      Force est donc de constater que, par le second grief de la troisième branche de son premier moyen, la requérante se limite, en réalité, à demander une nouvelle appréciation des faits et des éléments de preuve, ce qui échappe à la compétence de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

76      Partant, ce second grief doit être rejeté comme étant irrecevable, de sorte que la troisième branche du premier moyen doit être rejetée comme étant, en partie, non fondée et, en partie, irrecevable.

77      Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté dans son intégralité comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation 

a)      Argumentation des parties

78      Par son deuxième moyen, la requérante soutient que le Tribunal s’est contenté de suivre l’argumentation de la Commission, laquelle n’est pas étayée par des éléments concrets. Par conséquent, la requérante conclut que l’ordonnance attaquée ne comprend aucune motivation permettant de justifier le rejet de ses arguments visant à démontrer qu’elle n’a pas pu prendre connaissance utile de la décision litigieuse.

79      Le Parlement, le Conseil et la Commission concluent au rejet de ce moyen.

b)      Appréciation de la Cour 

80      L’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien‑fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (arrêt du 18 janvier 2024, Jenkinson/Conseil e.a., C‑46/22 P, EU:C:2024:50, point 130 ainsi que jurisprudence citée).

81      Selon une jurisprudence constante, le Tribunal satisfait à cette obligation lorsque la motivation d’un arrêt ou d’une ordonnance fait apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement du Tribunal, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel. L’obligation de motivation qui s’impose au Tribunal n’oblige cependant pas celui-ci à fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige et cette motivation peut, dès lors, être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (arrêt du 18 janvier 2024, Jenkinson/Conseil e.a., C‑46/22 P, EU:C:2024:50, point 131 ainsi que jurisprudence citée).

82      En l’espèce, aux points 13 à 39 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a examiné l’ensemble des arguments de la requérante visant à contester le caractère tardif de son recours et y a répondu. La motivation figurant à ces points fait apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement du Tribunal et permet, d’une part, à la requérante de connaître les motifs pour lesquels celui-ci a considéré que son recours était manifestement irrecevable et, d’autre part, à la Cour d’exercer son contrôle dans le cadre de l’examen du présent pourvoi.

83      Partant, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir méconnu l’obligation de motivation qui s’imposait à lui.

84      Par conséquent, le deuxième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

3.      Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de sécurité juridique et des droits de la défense

a)      Argumentation des parties

85      Par son troisième moyen, la requérante fait valoir, en substance, que, par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a violé le principe de sécurité juridique ainsi que son droit à un recours effectif garanti à l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et son droit à un procès équitable garanti à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, en ce qu’il aurait commis une erreur en calculant le délai de recours, exprimé en mois, en combinaison avec le délai de distance, exprimé en jours.

86      À cet égard, la requérante soutient que le délai dans lequel elle était tenue d’introduire son recours en annulation contre la décision litigieuse a expiré le 6 ou le 7 mai 2023, soit, respectivement, un samedi ou un dimanche, ce qui aurait eu pour effet de reporter l’expiration de ce délai au premier jour ouvrable suivant, soit le 8 mai 2023. Dès lors, le délai de distance aurait dû commencer à courir à partir du 9 mai 2023 et expirer le 18 mai 2023.

87      Selon la requérante, le délai de recours de deux mois et le délai de distance de dix jours sont deux délais distincts, ce dernier ne pouvant pas être fusionné avec le délai de recours ni commencer à courir avant l’expiration de celui-ci. Or, une interprétation stricte des règles relatives aux délais de recours violerait le principe de sécurité juridique et les droits de défense de la requérante.

88      Le Parlement, le Conseil et la Commission soutiennent que le troisième moyen est non fondé.

b)      Appréciation de la Cour

89      En vertu de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, un recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification à la partie requérante ou, à défaut, du jour où celle-ci en a eu connaissance. Conformément à l’article 60 du règlement de procédure du Tribunal, ce délai doit, en outre, être augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

90      Selon la jurisprudence de la Cour, l’article 58, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, qui se réfère exclusivement au cas où le délai prend fin un samedi, un dimanche ou un jour férié légal, ne saurait être utilisé pour allonger ce délai de recours. En effet, cette disposition ne trouve à s’appliquer que dans le cas où le délai complet, délai de distance inclus, prend fin un samedi, un dimanche ou un jour férié légal. Dans cette seule hypothèse, l’expiration du délai de recours est reportée à la fin du jour ouvrable suivant (voir, en ce sens, ordonnance du 2 octobre 2014, Page Protective Services/SEAE, C‑501/13 P, EU:C:2014:2259, point 35 et jurisprudence citée).

91      Il s’ensuit que, contrairement à ce que la requérante allègue, le délai de distance doit être considéré comme étant non pas un délai distinct du délai de procédure, mais comme un simple prolongement de celui-ci.

92      En l’espèce, ainsi que cela ressort de l’examen des deuxième et troisième branches du premier moyen, la décision litigieuse a été dûment notifiée le 6 mars 2023.

93      Ainsi, eu égard à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, lu en combinaison avec l’article 58, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier a retenu à bon droit que le délai de recours avait expiré le mardi 16 mai 2023, lequel n’était pas un jour férié légal, et que, par conséquent, le recours introduit le 17 mai 2023 était tardif.

94      Dès lors, il y a lieu de constater que, en rejetant le recours de la requérante comme étant manifestement irrecevable au motif qu’il avait été introduit tardivement, le Tribunal n’a ni méconnu le principe de sécurité juridique ni porté atteinte aux droits de la requérante à une protection juridictionnelle effective et à un procès équitable.

95      Il ressort de ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

96      Aucun des moyens soulevés par la requérante n’ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son intégralité.

V.      Sur les dépens

97      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

98      En l’espèce, la requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Parlement, par le Conseil et par la Commission, conformément aux conclusions de ces institutions.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Oil company « Lukoil » PAO supporte, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Parlement européen, par le Conseil de l’Union européenne et par la Commission européenne.

Jääskinen

Arabadjiev

Frendo

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 février 2025.

Le greffier

 

Le président de chambre

A. Calot Escobar

 

N. Jääskinen


*      Langue de procédure : le français.

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