Hungary v Commission (Double financement pour les surfaces boisees) (Appeal – European Agricultural Guarantee Fund (EAGF) – European Agricultural Fund for Rural Development (EAFRD) - Exclusion of double financing - Judgment) French Text [2025] EUECJ C-587/23P (20 March 2025)

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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2025/C58723P.html
Cite as: [2025] EUECJ C-587/23P, ECLI:EU:C:2025:196, EU:C:2025:196

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ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

20 mars 2025 (*)

« Pourvoi – Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) – Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) – Règlement (UE) no 1306/2013 – Article 30 – Exclusion du double financement – Portée – Financement poursuivant le même objet – Règlement (UE) no 1305/2013 – Articles 21 et 22 – Aide au boisement – Règlement (UE) no 1307/2013 – Articles 43 et 46 – Aide à l’écologisation – Cumul de l’aide au boisement et de l’aide à l’écologisation pour la même surface boisée – Compensation de la même perte de revenus »

Dans l’affaire C‑587/23 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 22 septembre 2023,

Hongrie, représentée par MM. M. Z. Fehér et G. Koós, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par Mme J. Aquilina, M. A. Sauka et Mme Zs. Teleki, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. N. Jääskinen, président de la neuvième chambre, faisant fonction de président de la huitième chambre, MM. M. Gavalec (rapporteur) et N. Piçarra, juges,

avocat général : M. J. Richard de la Tour,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, la Hongrie demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 juillet 2023, Hongrie/Commission (T‑491/21, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2023:389), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision d’exécution (UE) 2021/988 de la Commission, du 16 juin 2021, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2021, L 218, p. 9), en ce que cette décision d’exécution lui a imposé une correction financière ponctuelle de 1 887 692,57 euros au titre des exercices financiers 2016 à 2019 (ci-après la « décision litigieuse »).

 Le cadre juridique

 Le règlement (UE) no 1305/2013

2        L’article 21 du règlement (UE) no 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant le règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 487), intitulé « Investissements dans le développement des zones forestières et amélioration de la viabilité des forêts », prévoit, à son paragraphe 1 :

« L’aide au titre de la présente mesure concerne :

a)      le boisement et la création de surfaces boisées ;

[...] »

3        L’article 22 de ce règlement, intitulé « Boisement et création de surfaces boisées », énonce :

« 1.      L’aide prévue à l’article 21, paragraphe 1, point a), est accordée aux gestionnaires terriens privés et publics et à leurs associations, et concerne les coûts d’installation et une prime annuelle par hectare destinée à couvrir les pertes de revenus agricoles et les coûts d’entretien, y compris les éventuels nettoyages anticipés et tardifs, pour une période maximale de douze ans. Dans le cas de terres appartenant à l’État, l’aide peut uniquement être accordée si l’organisme qui gère ces terres est un organisme privé ou une municipalité.

L’aide au boisement de terres qui sont la propriété d’autorités publiques ou l’aide accordée pour les arbres à croissance rapide ne couvre que les coûts d’installation.

2.      Les terres agricoles et non agricoles sont admissibles au bénéfice de l’aide. Les espèces plantées sont adaptées aux conditions environnementales et climatiques de la zone et satisfont à des exigences environnementales minimales. [...]

3.      Afin que le boisement des terres agricoles soit conforme aux objectifs de la politique environnementale, la Commission [européenne] est habilitée à adopter des actes délégués en conformité avec l’article 83 en ce qui concerne la définition des exigences environnementales minimales visées au paragraphe 2 du présent article. »

 Le règlement (UE) no 1306/2013

4        Selon l’article 30 du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1200/2005 et no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549), intitulé « Exclusion du double financement » :

« Les dépenses financées au titre du [Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader)] ne font l’objet d’aucun autre financement à partir du budget de l’Union [européenne]. »

5        L’article 58 de ce règlement, intitulé « Protection des intérêts financiers de l’Union », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les États membres prennent, dans le cadre de la [politique agricole commune (PAC)], toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives, ainsi que toute autre mesure nécessaire pour assurer une protection efficace des intérêts financiers de l’Union, en particulier pour :

a)      s’assurer de la légalité et de la régularité des opérations financées par les Fonds ;

b)      assurer une prévention efficace de la fraude, en particulier pour les zones à plus haut niveau de risque, qui aura un effet dissuasif, eu égard aux coûts et avantages ainsi qu’à la proportionnalité des mesures ;

c)      prévenir, détecter et corriger les irrégularités et les fraudes ;

d)      imposer des sanctions efficaces, dissuasives et proportionnées conformément au droit de l’Union ou, à défaut, des États membres, et engager les procédures judiciaires nécessaires à cette fin, le cas échéant ;

e)      recouvrer les paiements indus et les intérêts et engager les procédures judiciaires nécessaires à cette fin, le cas échéant. »

 Le règlement (UE) no 1307/2013

6        L’article 43 du règlement (UE) no 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) no 637/2008 du Conseil et le règlement (CE) no 73/2009 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 608), intitulé « Règles générales », qui fait partie du chapitre 3, relatif au paiement pour les pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement, du titre III dudit règlement, lui‑même intitulé « Régime de paiement de base, régime de paiement unique à la surface et paiements connexes », énonce, à ses paragraphes 1 à 4 et 9 :

« 1.      Les agriculteurs ayant droit à un paiement au titre du régime de paiement de base ou du régime de paiement unique à la surface observent, sur tous leurs hectares admissibles au sens de l’article 32, paragraphes 2 à 5, les pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement visées au paragraphe 2 du présent article ou les pratiques équivalentes visées au paragraphe 3 du présent article.

2.      Les pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement sont les suivantes :

[...]

c)      disposer d’une surface d’intérêt écologique sur la surface agricole.

3.      Les pratiques équivalentes sont celles qui incluent des pratiques similaires ayant des effets bénéfiques pour le climat et l’environnement équivalents ou supérieurs aux effets de l’une ou plusieurs des pratiques visées au paragraphe 2. [...]

4.      Les pratiques équivalentes visées au paragraphe 3 ne bénéficient pas d’un double financement.

[...]

9.      [...] les États membres octroient le paiement visé au présent chapitre aux agriculteurs qui observent les pratiques visées au paragraphe 1 du présent article qui les intéressent, et dans la mesure où ces agriculteurs respectent les articles 44, 45 et 46 du présent règlement.

Ce paiement prend la forme d’un paiement annuel par hectare admissible déclaré conformément à l’article 33, paragraphe 1, ou à l’article 36, paragraphe 2, dont le montant est calculé chaque année en divisant le montant résultant de l’application de l’article 47 par le nombre total d’hectares admissibles déclarés conformément à l’article 33, paragraphe 1, ou à l’article 36, paragraphe 2, dans l’État membre ou la région concernés.

[...] »

7        L’article 46 du règlement no 1307/2013, intitulé « Surface d’intérêt écologique », prévoit, à son paragraphe 2 :

« Le 1er août 2014 au plus tard, les États membres décident que l’une ou plusieurs des surfaces ci-après doivent être considérées comme des surfaces d’intérêt écologique :

[...]

h)      les surfaces boisées visées à l’article 32, paragraphe 2, point b) ii), du présent règlement ;

[...]

À l’exception des surfaces de l’exploitation visées aux points g) et h) du premier alinéa du présent paragraphe, la surface d’intérêt écologique est située sur les terres arables de l’exploitation. Dans le cas des surfaces mentionnées aux points c) et d) du premier alinéa du présent paragraphe, la surface d’intérêt écologique peut aussi être adjacente aux terres arables de l’exploitation que l’agriculteur a déclarées conformément à l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, point a), du règlement (UE) no 1306/2013. »

 Le règlement d’exécution (UE) no 809/2014

8        L’article 28 du règlement d’exécution (UE) no 809/2014 de la Commission, du 17 juillet 2014, établissant les modalités d’application du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les mesures en faveur du développement rural et la conditionnalité (JO 2014, L 227, p. 69), intitulé « Contrôles administratifs », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les contrôles administratifs visés à l’article 74 du règlement (UE) no 1306/2013, y compris les contrôles croisés, permettent la détection de cas de non-conformité, en particulier la détection automatisée par voie informatique. Les contrôles couvrent tous les éléments qu’il est possible et opportun de contrôler par des contrôles administratifs. Ils garantissent que :

[...]

b)      il n’y a aucun double financement par d’autres régimes de l’Union ;

[...] »

 Les antécédents du litige

9        Les antécédents du litige, tels qu’ils ressortent des points 2 à 22 de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés de la manière suivante pour les besoins de la présente procédure.

10      Par une lettre du 23 octobre 2017, la Commission a informé les autorités hongroises de l’ouverture d’une enquête portant sur un éventuel cas de double financement pour certaines surfaces boisées.

11      Dans cette lettre, la Commission a rappelé que les autorités hongroises avaient décidé que les surfaces boisées pouvaient constituer des surfaces d’intérêt écologique, afin qu’elles ouvrent droit, pour les agriculteurs qui disposaient de telles surfaces, à un paiement annuel au titre des pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement, en application de l’article 43 du règlement no 1307/2013 (ci‑après l’« aide à l’écologisation »).

12      Or, la Commission a relevé que, en application des articles 21 et 22 du règlement no 1305/2013, les surfaces boisées étaient susceptibles d’ouvrir droit, pour des gestionnaires terriens privés et publics et pour leurs associations, au versement d’une aide au boisement et à la création de surfaces boisées (ci-après l’« aide au boisement »).

13      En vertu de l’article 22, paragraphe 1, de ce règlement, cette aide au boisement concerne les coûts d’installation et une prime annuelle par hectare destinée à couvrir les pertes de revenus agricoles et les coûts d’entretien, y compris les éventuels nettoyages anticipés et tardifs, pour une période maximale de douze ans.

14      Ainsi, la Commission a estimé que, afin d’éviter un double financement, l’aide à l’écologisation devait être déduite de l’aide au boisement dans la mesure où cette dernière aide comprenait une composante destinée à couvrir les pertes de revenus agricoles. Elle a demandé aux autorités hongroises de lui indiquer les modalités de contrôle éventuellement mises en œuvre afin d’éviter ce double financement et, en l’absence d’un système de contrôle, de lui fournir la liste des bénéficiaires qui auraient perçu simultanément l’aide à l’écologisation et l’aide au boisement à partir de l’année 2015.

15      Le 30 novembre 2017, les autorités hongroises ont fait part de leur désaccord à la Commission.

16      En particulier, les autorités hongroises ont indiqué, en substance, que l’exclusion du double financement énoncée à l’article 30 du règlement no 1306/2013 ne trouvait pas à s’appliquer aux surfaces boisées ouvrant droit à la fois à l’aide à l’écologisation et à l’aide au boisement, dans la mesure où ces deux aides ne poursuivaient pas le même objectif, n’étaient pas affectées au même coût éligible et n’étaient pas octroyées sur la base des mêmes critères d’éligibilité.

17      Le 23 février 2018, la Commission a communiqué aux autorités hongroises ses conclusions, aux termes desquelles elle envisageait l’application d’une correction forfaitaire de 10 % sur les fonds agricoles versés à partir de l’année 2015 (année de demande), en l’absence de mise en œuvre par les autorités hongroises d’un contrôle clé permettant d’exclure le double financement pour les surfaces boisées qui ouvraient simultanément droit à l’aide à l’écologisation et à une compensation annuelle de revenus au titre de l’aide au boisement.

18      En particulier, la Commission a attiré l’attention des autorités hongroises sur le point 3.4.2 du document explicatif de la Commission relatif aux méthodes de calcul du montant de l’aide au développement rural en vue d’exclure le double financement, dans sa version adoptée au mois de février 2017 (ci‑après le « document explicatif »), dont il ressortait que, si les composantes de l’aide au boisement visant à compenser les frais d’implantation ou d’entretien des superficies boisées ne pouvaient relever d’une hypothèse de double financement, il n’en allait pas de même de la composante visant à compenser la perte de revenus résultant, pour l’exploitant agricole, de la mise en culture d’espèces forestières en lieu et place de cultures agricoles plus rentables, dans la mesure où cette composante du soutien au développement rural était de même nature que l’aide à l’écologisation.

19      Ainsi, selon la Commission, il découlait de ce document que le constat d’un double financement entre l’aide au boisement et l’aide à l’écologisation était subordonné à la réunion de trois conditions, à savoir, premièrement, que la surface boisée ouvrant droit à l’aide au boisement soit située sur une surface agricole, deuxièmement, que cette surface boisée ouvre droit au paiement direct dans le cadre du règlement no 1307/2013 et, troisièmement, que cette surface boisée donne droit à l’aide à l’écologisation également prévue par ce règlement.

20      Le 20 janvier 2020, les autorités hongroises ont présenté une demande de conciliation, conformément à l’article 40 du règlement d’exécution (UE) no 908/2014 de la Commission, du 6 août 2014, portant modalités d’application du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les règles relatives aux contrôles, les garanties et la transparence (JO 2014, L 255, p. 59).

21      Le 28 septembre 2020, l’organe de conciliation a rendu son rapport.

22      Dans ce rapport, l’organe de conciliation a constaté l’échec de la procédure de conciliation. Il a considéré que, si les conséquences financières des aides au boisement et à l’écologisation pouvaient être les mêmes, les objectifs et le contexte de ces deux aides étaient complètement différents. Selon l’organe de conciliation, la divergence entre les objectifs des deux types d’aides et l’existence de situations contractuelles dans le cadre de l’aide au boisement pouvaient expliquer l’absence de mise en place de contrôles spécifiques sur d’éventuels doubles financements en raison du cumul des aides au boisement et à l’écologisation. Constatant que le point 3.4.2 du document explicatif n’avait été introduit qu’au cours de l’année 2017, l’organe de conciliation a suggéré que la Commission limite le champ d’application temporelle de la correction envisagée, en fixant le début de la période de correction au mois d’avril 2017.

23      Dans un rapport du 22 février 2021, la Commission a maintenu sa position selon laquelle il convenait d’appliquer une correction financière ponctuelle de 10 % sur les dépenses du Feader relatives aux mesures forestières qui avaient été versées au titre des exercices financiers pour les années 2016 à 2019. En particulier, la Commission n’a pas suivi la suggestion de l’organe de conciliation de limiter la correction financière aux années de demande 2017 et 2018, en expliquant que l’interdiction générale des doubles financements était clairement énoncée à l’article 30 du règlement no 1306/2013 et était donc applicable par les États membres dès le début de la période de programmation 2014-2020, nonobstant la circonstance selon laquelle la Commission avait adopté des orientations spécifiques au cours de l’année 2017 s’agissant de l’aide au boisement.

24      Le 16 juin 2021, la Commission a adopté la décision litigieuse.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

25      Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 11 août 2021, la Hongrie a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

26      À l’appui de son recours, la requérante a soulevé un moyen unique, subdivisé en trois branches, tiré de la violation de l’article 30 du règlement no 1306/2013 et de l’article 28, paragraphe 1, sous b), du règlement d’exécution no 809/2014, relatifs à l’exclusion du double financement.

27      En premier lieu, s’agissant de la troisième branche du moyen unique, relative à une prétendue erreur d’interprétation commise par la Commission concernant la portée de la clause d’exclusion du double financement, le Tribunal a procédé à une interprétation littérale, contextuelle, téléologique et historique de l’article 30 du règlement no 1306/2013 et de l’article 28, paragraphe 1, sous b), du règlement d’exécution no 809/2014.

28      Aux points 39 à 42 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a déduit du libellé de l’article 30 du règlement no 1306/2013 qu’une situation dans laquelle les dépenses financées par le Feader et un autre financement de l’Union européenne sont identiques, au sens où elles ont à la fois le même objet et le même bénéficiaire, relève de cette clause d’exclusion du double financement.

29      Au point 49 de cet arrêt, il a constaté que le législateur de l’Union a utilisé le terme « dépenses » pour désigner, de manière générique, les dépenses du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), y compris les paiements directs, et la contribution financière du Feader, sans distinguer si les dépenses financées par ces fonds revêtent un caractère compensatoire de coûts exposés ou un caractère purement incitatif.

30      Il a, par ailleurs, relevé, au point 76 de l’arrêt attaqué, que l’adoption par le législateur de l’Union de dispositions spécifiques pour empêcher le cumul de certains paiements ne signifie pas que le cumul des aides à l’écologisation et au boisement est autorisé, en l’absence de telles dispositions spécifiques, par une forme de dérogation implicite à l’article 30 du règlement no 1306/2013.

31      Au point 99 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu que l’article 30 du règlement no 1306/2013 a une portée générale et doit s’appliquer à chaque fois que le même bénéficiaire est susceptible de recevoir, au titre de la même parcelle, un autre financement émanant du budget de l’Union et poursuivant le même objet, indépendamment du caractère compensatoire ou incitatif des financements en cause. Il a ajouté, au point 101 de cet arrêt, que l’article 28, paragraphe 1, sous b), du règlement d’exécution no 809/2014 doit recevoir une même interprétation que cet article 30.

32      S’agissant de l’objection de la Hongrie selon laquelle la réglementation de l’Union ne permettrait pas de déterminer les modalités de calcul de la déduction devant être imputée sur l’aide au boisement lorsqu’un exploitant agricole perçoit simultanément l’aide à l’écologisation, de sorte que l’article 30 du règlement no 1306/2013 et l’article 28, paragraphe 1, sous b), du règlement d’exécution no 809/2014 seraient inapplicables dans l’hypothèse du cumul de ces deux aides, le Tribunal a rappelé, au point 108 de l’arrêt attaqué, que, conformément à l’article 291, paragraphe 1, TFUE, il revient en principe aux États membres de prendre toutes les mesures de droit interne pour la mise en œuvre des actes juridiquement contraignants de l’Union. Au point 110 de cet arrêt, il a relevé que, pour ce qui est plus particulièrement des actions de financement décidées dans le cadre de la PAC, il incombe aux États membres, en vertu de l’article 58 du règlement no 1306/2013, de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer une protection efficace des intérêts financiers de l’Union. Le Tribunal en a déduit, au point 112 dudit arrêt, que la seule circonstance que les dispositions du droit de l’Union ne précisent pas les mesures spécifiques devant être adoptées en vue de la récupération des sommes indûment versées en cas de cumul des aides à l’écologisation et au boisement ne saurait être considérée comme entachant d’illégalité la décision litigieuse.

33      En deuxième lieu, aux points 117 à 133 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté les première et deuxième branches du moyen unique, tirées de ce que les aides au boisement et à l’écologisation financeraient des dépenses de nature différente et poursuivraient, par conséquent, des objectifs différents.

34      À cet égard, le Tribunal a rappelé, au point 127 de l’arrêt attaqué, que la clause d’exclusion du double financement prévue à l’article 30 du règlement no 1306/2013 et à l’article 28, paragraphe 1, sous b), du règlement d’exécution no 809/2014 s’applique, indépendamment du caractère compensatoire ou incitatif des aides, lorsqu’un exploitant agricole perçoit les deux aides simultanément au titre de la même surface boisée.

35      En outre, le Tribunal a constaté que, même si l’aide à l’écologisation et l’aide au boisement ne visent pas à rembourser le même groupe de coûts éligibles et ne sont pas octroyées sur la base du même critère d’éligibilité, ces deux aides ont une composante qui récompense la même activité, à savoir la décision d’un agriculteur de pratiquer des cultures non agricoles sur une superficie donnée, cette décision impliquant nécessairement un manque à gagner.

36      En troisième lieu, aux points 138 à 144 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté comme étant tardif et, partant, irrecevable le grief, figurant dans le mémoire en réplique, tiré de ce qu’il aurait été justifié, conformément aux préconisations de l’organe de conciliation, de réduire le montant fixé par la décision litigieuse, en raison du manque de clarté de la législation de l’Union et de la position de la Commission avant le mois d’avril 2017. En effet, le Tribunal a considéré qu’il s’agissait d’un moyen nouveau au sens de l’article 84, paragraphe 1, de son règlement de procédure et non d’une ampliation d’un argument soulevé dans la requête.

37      Partant, le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité.

 Les conclusions des parties au pourvoi

38      La requérante demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        d’annuler partiellement la décision litigieuse, à savoir la partie relative à la Hongrie, dans laquelle, au motif de l’absence de contrôles clés en relation avec les exercices financiers pour les années 2016 à 2019, un montant de 1 887 692,57 euros est exclu du financement de l’Union à la charge du Feader, eu égard aux « mesures Feader développement rural et boisement », et

–        de condamner la Commission aux dépens.

39      La Commission demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner la requérante aux dépens.

 Sur le pourvoi

40      À l’appui de son pourvoi, la Hongrie soulève en substance trois moyens. Le premier moyen vise une erreur qu’aurait commise le Tribunal en jugeant que la clause d’exclusion du double financement figurant à l’article 30 du règlement no 1306/2013 revêt une portée générale et, partant, est susceptible de s’appliquer à un cumul de l’aide au boisement et de l’aide à l’écologisation. Par son deuxième moyen, qui concerne l’application concrète de cette disposition et de l’article 28, paragraphe 1, sous b), du règlement d’exécution no 809/2014 au cas d’espèce, la requérante affirme que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que le cumul de l’aide au boisement et de l’aide à l’écologisation constitue un double financement proscrit par lesdites dispositions. Par son troisième moyen, la requérante allègue que le Tribunal a erronément rejeté comme étant irrecevable, en raison de son caractère nouveau, le grief relatif au caractère excessif de la période couverte par la correction financière qui a été imposée par la Commission dans la décision litigieuse.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

41      Par son premier moyen, la Hongrie allègue, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit, au point 99 de l’arrêt attaqué, en jugeant que l’exclusion du double financement établie à l’article 30 du règlement no 1306/2013 et réitérée à l’article 28, paragraphe 1, sous b), du règlement d’exécution no 809/2014 revêt une portée générale et doit s’appliquer à chaque fois que le même bénéficiaire est susceptible de recevoir, au titre de la même parcelle, un autre financement émanant du budget de l’Union et poursuivant le même objet, indépendamment du caractère compensatoire ou incitatif des financements en cause.

42      Au soutien de ce moyen, la Hongrie fait valoir que, contrairement aux constatations du Tribunal, l’absence de dispositions spécifiques visant à exclure le cumul de l’aide au boisement et de l’aide à l’écologisation, ou habilitant la Commission à adopter des actes délégués en ce qui concerne l’aide au boisement, en vue de fixer des règles détaillées pour le calcul des montants à déduire en cas de double financement, implique que le cumul de ces deux aides ne constitue pas un double financement prohibé par le droit de l’Union.

43      Par ailleurs, cette absence de dispositions spécifiques entraînerait une insécurité juridique quant à la méthode de calcul qu’il conviendrait d’appliquer pour éviter une situation de double financement en cas de cumul de l’aide au boisement et de l’aide à l’écologisation, en particulier pour déterminer le montant des déductions à imputer sur le montant de cette dernière aide.

44      La Commission conclut au rejet du premier moyen.

 Appréciation de la Cour

45      Aux termes de l’article 30 du règlement no 1306/2013, qui relève de la section de ce règlement consacrée aux dispositions générales relatives au Feader, « les dépenses financées au titre du Feader ne font l’objet d’aucun autre financement à partir du budget de l’Union ».

46      Il ressort du libellé même de cette disposition que l’exclusion du double financement qui y est établie n’est aucunement subordonnée, contrairement à ce qu’avance la Hongrie, à l’adoption de dispositions spécifiques par lesquelles le législateur de l’Union identifierait des aides incompatibles entre elles ou par lesquelles il habiliterait la Commission à fixer les méthodes de calcul appropriées pour prévenir un double financement.

47      Comme l’a relevé en substance le Tribunal aux points 61 à 84 de l’arrêt attaqué, une telle exigence de dispositions spécifiques ne saurait être déduite, en ignorant le libellé clair de l’article 30 du règlement no 1306/2013, de la circonstance que le législateur de l’Union a estimé opportun, dans certains cas de figure, d’adopter de telles dispositions spécifiques.

48      Ainsi, c’est à bon droit que le Tribunal a conclu, au point 99 de l’arrêt attaqué, que l’article 30 du règlement no 1306/2013 a une portée générale et doit s’appliquer à chaque fois que le même bénéficiaire est susceptible de recevoir, au titre de la même parcelle, un autre financement émanant du budget de l’Union et poursuivant le même objet, indépendamment du caractère compensatoire ou incitatif des financements en cause.

49      Dès lors que cette disposition revêt une portée générale, elle est susceptible de s’appliquer aux cumuls de l’aide au boisement et de l’aide à l’écologisation.

50      Cette interprétation ne saurait être infirmée par les difficultés d’ordre pratique évoquées par la Hongrie en ce qui concerne la détermination de la méthode de calcul qu’il convient d’appliquer pour éviter un double financement en cas de cumul de l’aide au boisement et de l’aide à l’écologisation.

51      Comme l’a rappelé à juste titre le Tribunal au point 108 de l’arrêt attaqué, conformément à l’article 291, paragraphe 1, TFUE, il revient en principe aux États membres de prendre toutes les mesures de droit interne pour la mise en œuvre des actes juridiquement contraignants de l’Union.

52      En outre, la Cour a itérativement jugé que des difficultés pratiques ne sauraient justifier l’inobservation des obligations résultant du droit de l’Union [arrêts du 27 février 2020, Commission/Belgique (Comptables), C‑384/18, EU:C:2020:124, point 58, et du 4 octobre 2024, Tecno*37, C‑242/23, EU:C:2024:831, point 80]. Partant, les difficultés d’ordre pratique invoquées par la Hongrie ne sauraient justifier l’inobservation de l’obligation de prévenir le double financement établie à l’article 30 du règlement no 1306/2013.

53      Il convient encore de préciser que le règlement d’exécution no 809/2014 ne fait qu’établir les modalités d’application du règlement no 1306/2013. Partant, c’est à juste titre que le Tribunal a jugé, au point 101 de l’arrêt attaqué, que l’article 28, paragraphe 1, sous b), de ce règlement d’exécution, également invoqué par la Hongrie dans le cadre de son premier moyen, ne saurait recevoir une interprétation distincte de celle de l’article 30 du règlement no 1306/2013.

54      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentation des parties

55      Par son deuxième moyen, la Hongrie fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que le cumul de l’aide au boisement et de l’aide à l’écologisation constitue un double financement proscrit par l’article 30 du règlement no 1306/2013 et par l’article 28, paragraphe 1, sous b), du règlement d’exécution no 809/2014.

56      Au soutien de son deuxième moyen, la Hongrie allègue, premièrement, que le Tribunal n’a pas dûment pris en compte les arguments avancés dans sa requête et lors de l’audience de plaidoiries. En outre, la motivation de l’arrêt attaqué serait insuffisante et contradictoire.

57      Deuxièmement, afin de déterminer si l’aide au boisement et l’aide à l’écologisation poursuivent le même objet, le Tribunal aurait erronément omis de prendre en considération leur caractère compensatoire ou incitatif.

58      Troisièmement, le Tribunal aurait commis une erreur de droit au point 128 de l’arrêt attaqué en jugeant que ces deux aides ont le même objet au motif qu’elles indemnisent une même décision d’un agriculteur, à savoir celle de ne pas pratiquer de cultures agricoles sur une même surface boisée. Selon la Hongrie, pour déterminer si deux aides ont le même objet, il y a lieu d’examiner non pas si elles visent la même décision du bénéficiaire, mais si elles couvrent une même dépense exposée par ce dernier. Ainsi, deux aides couvrant des dépenses différentes ne pourraient pas être considérées comme ayant le même objet.

59      Quatrièmement, les points 128 et 129 de l’arrêt attaqué seraient entachés d’une erreur de droit en ce que le Tribunal aurait erronément considéré que l’aide au boisement récompense la décision de s’abstenir de pratiquer des cultures agricoles sur une surface boisée, alors que cette aide récompenserait la décision positive de planter une forêt. Selon la Hongrie, l’objectif du boisement est non pas d’empêcher les cultures agricoles sur une surface donnée, mais de promouvoir la biodiversité grâce à la plantation de forêts, celles‑ci ayant une valeur en soi.

60      Cinquièmement, les points 128 et 129 de l’arrêt attaqué seraient encore entachés d’une erreur de droit en ce que le Tribunal aurait erronément estimé que l’aide à l’écologisation est destinée à compenser une perte de revenus, alors que l’octroi et le montant de cette aide ne seraient pas subordonnés à la démonstration d’une telle perte. L’objectif de cette aide serait d’étendre les pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement au moyen d’un incitant payé pour chaque hectare éligible de l’exploitation agricole. En outre, il ne serait pas possible de calculer la quotité de l’aide à l’écologisation, dont le montant serait de 81 euros par hectare en Hongrie, qui serait destinée à compenser une perte de revenus.

 Appréciation de la Cour

61      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler les conditions dans lesquelles peut survenir un cumul de l’aide au boisement et de l’aide à l’écologisation pour une même surface boisée.

62      D’une part, en vertu de l’article 21, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1305/2013, l’aide au boisement concerne notamment le boisement et la création de surfaces boisées. Aux termes de l’article 22, paragraphe 1, de ce règlement, cette aide couvre les coûts d’installation et une « prime annuelle par hectare destinée à couvrir les pertes de revenus agricoles et les coûts d’entretien », et ce « pour une période maximale de douze ans ».

63      D’autre part, en vertu de l’article 43, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1307/2013, l’aide à l’écologisation peut être accordée à un agriculteur disposant, notamment, d’une « surface d’intérêt écologique » sur une surface agricole. Selon le paragraphe 9 de cet article, une telle aide prend en principe la forme d’un « paiement annuel par hectare admissible déclaré » par l’agriculteur conformément aux dispositions pertinentes. En application de l’article 46, paragraphe 2, sous h), de ce règlement, chaque État membre peut décider d’inclure les surfaces boisées parmi les « surfaces d’intérêt écologique » au sens dudit article 43.

64      Partant, comme l’a expliqué la Commission, à supposer que l’État membre concerné ait choisi d’inclure les surfaces boisées parmi les « surfaces d’intérêt écologique », un agriculteur pourrait bénéficier simultanément, pour la même surface boisée, de l’aide au boisement et de l’aide à l’écologisation s’il choisit de déclarer cette surface boisée en tant que « surface d’intérêt écologique » au sens des articles 43 et 46 du règlement no 1307/2013.

65      Au point 133 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé qu’un tel cumul de l’aide à l’écologisation et de l’aide au boisement, pour la même surface boisée et pour la même période, constitue un double financement proscrit par l’article 30 du règlement no 1306/2013.

66      C’est à la lumière de ces considérations liminaires qu’il y a lieu d’examiner les arguments invoqués par la requérante au soutien de son deuxième moyen, résumés aux points 55 à 60 du présent arrêt.

67      En ce qui concerne, en premier lieu, l’argument tiré du défaut de prise en considération des arguments exposés devant le Tribunal ainsi que l’argument tiré d’une motivation insuffisante et contradictoire de l’arrêt attaqué, il convient de rappeler que, conformément aux exigences découlant de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169 du règlement de procédure de la Cour, un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (arrêt du 23 novembre 2021, Conseil/Hamas, C‑833/19 P, EU:C:2021:950, point 50 et jurisprudence citée).

68      Or, la requérante n’a pas identifié, avec la précision requise, les arguments que le Tribunal n’aurait pas dûment pris en compte, ni encore les passages de l’arrêt attaqué qui seraient entachés d’une motivation insuffisante ou contradictoire. Partant, il y a lieu, en application des principes rappelés au point précédent du présent arrêt, de rejeter cet argument comme étant irrecevable.

69      S’agissant, en deuxième lieu, de l’argument rappelé au point 57 du présent arrêt, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré, aux points 99 et 127 de l’arrêt attaqué, que l’article 30 du règlement no 1306/2013, qui vise le cumul d’un financement au titre du Feader et de tout autre financement à partir du budget de l’Union, doit s’appliquer indépendamment du caractère compensatoire ou incitatif des aides cumulées.

70      En troisième lieu, concernant l’argument rappelé au point 58 du présent arrêt, le Tribunal a jugé à juste titre, aux points 128 et 129 de l’arrêt attaqué, que, nonobstant leurs différences, tant l’aide au boisement que l’aide à l’écologisation incluent une composante qui indemnise l’agriculteur pour la perte de revenus qu’il subit en raison de sa décision de ne pas pratiquer de cultures agricoles sur la surface boisée. En effet, contrairement aux affirmations de la requérante, il n’est pas nécessaire, pour que deux aides puissent être considérées comme ayant le même objet, qu’elles soient destinées à compenser la même dépense exposée par leur bénéficiaire. Il peut s’avérer suffisant, à cet égard, qu’elles aient vocation à compenser la même perte de revenus subie par le bénéficiaire, comme c’est le cas pour l’aide au boisement et l’aide à l’écologisation.

71      En quatrième lieu, comme l’a relevé le Tribunal au point 130 de l’arrêt attaqué, l’article 22, paragraphe 1, du règlement no 1305/2013 précise expressément que l’aide au boisement inclut une prime annuelle par hectare destinée, notamment, à couvrir les pertes de revenus agricoles. Partant, le Tribunal a pu considérer à bon droit que cette aide incluait une composante destinée à compenser une perte de revenus agricoles. L’argument résumé au point 59 du présent arrêt doit donc être rejeté comme étant non fondé.

72      En cinquième lieu, en ce qui concerne l’argument résumé au point 60 du présent arrêt, il y a lieu de rappeler que l’octroi de l’aide à l’écologisation au titre d’une surface boisée est subordonné à la présence d’une telle surface au sein des terres arables de l’exploitation agricole concernée. Partant, le Tribunal a pu considérer à bon droit que cette aide incluait une composante destinée à compenser une perte de revenus agricoles résultant de la décision de ne pas pratiquer de cultures agricoles sur une partie des terres arables de l’exploitation. Cet argument doit donc également être rejeté comme étant non fondé.

73      Par ailleurs, conformément à la jurisprudence constante rappelée au point 52 du présent arrêt, des difficultés d’ordre pratique, relatives au calcul de la quotité de cette aide destinée à compenser la perte de revenus agricoles, ne sauraient justifier l’inobservation de l’obligation de prévenir le double financement, établie à l’article 30 du règlement no 1306/2013.

74      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation des parties

75      Par son troisième moyen, la Hongrie conteste le rejet comme étant irrecevable, au point 144 de l’arrêt attaqué, de son grief relatif au caractère excessif de la période couverte par la correction financière effectuée par la Commission dans la décision litigieuse. La Hongrie affirme qu’elle avait soulevé ce grief dans le cadre de sa requête en annulation et, partant, que le Tribunal a jugé à tort que ce grief constituait un moyen nouveau au sens de l’article 84, paragraphe 1, de son règlement de procédure.

76      La Commission conclut au rejet du troisième moyen.

 Appréciation de la Cour

77      Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

78      En l’espèce, s’il est vrai que la Hongrie a mentionné, au point 52 de sa requête en première instance, la circonstance que l’organe de conciliation avait proposé à la Commission de calculer la période de correction uniquement à partir de l’année 2017, elle s’est limitée à faire état de cette circonstance sans la développer et, en particulier, sans l’intégrer dans un moyen tiré du caractère trop élevé du montant de la correction financière en raison du caractère excessif de la période de correction retenue. Partant, c’est à bon droit que le Tribunal a écarté ce grief comme étant irrecevable, en ce qu’il était constitutif d’un moyen nouveau produit en cours d’instance.

79      Le troisième moyen doit, dans ces conditions, être écarté.

80      Aucun des moyens soulevés n’ayant été accueilli, le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

81      Conformément à l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

82      L’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, prévoit que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

83      La Hongrie ayant succombé en ses moyens et la Commission ayant conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens, il y a lieu de condamner la Hongrie aux dépens afférents au présent pourvoi.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      La Hongrie est condamnée aux dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : le hongrois.

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