Doorinn v EUIPO (Position d'une etiquette sur un matelas) (EU trade mark - Judgment) French Text [2025] EUECJ T-147/24 (29 January 2025)

BAILII [Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback]

Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Doorinn v EUIPO (Position d'une etiquette sur un matelas) (EU trade mark - Judgment) French Text [2025] EUECJ T-147/24 (29 January 2025)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2025/T14724.html
Cite as: ECLI:EU:T:2025:107, EU:T:2025:107, [2025] EUECJ T-147/24

[New search] [Contents list] [Help]


DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

29 janvier 2025 (*)

« Marque de l’Union européenne - Demande de marque de l’Union européenne consistant en la position d’une étiquette sur un matelas - Motif absolu de refus - Absence de caractère distinctif - Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑147/24,

Doorinn GmbH, établie à Berlin (Allemagne), représentée par Me O. Brexl, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme E. Nicolás Gómez, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. J. Schwarcz et W. Valasidis (rapporteur), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Doorinn GmbH, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 11 janvier 2024 (affaire R 986/2023-5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 15 juin 2022, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe suivant :

Image not found

3        La marque demandée désignait les produits relevant, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’EUIPO, des classes 10 et 12 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 10 : « Matelas à usage médical » ;

–        classe 12 : « Matelas ».

4        La requérante a décrit la marque demandée comme une marque de position répondant aux caractéristiques suivantes : « La marque consiste en une étiquette fanion de couleur rouge placée dans la partie inférieure du matelas, sur le tiers inférieur de l’une de ses arêtes verticales ».

5        Par décision du 5 mai 2023, l’examinateur a rejeté, pour l’ensemble des produits visés au point 3 ci-dessus, la demande d’enregistrement de ladite marque, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

6        Le 10 mai 2023, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de l’examinateur.

7        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif que la marque demandée ne possédait pas de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

8        La chambre de recours a relevé que le signe demandé consistait en une étiquette rouge, rectangulaire, formant une boucle et positionnée de façon saillante par rapport au reste du produit, ayant une taille de probablement quelques centimètres, cousue à l’extérieur de l’une des arêtes verticales du matelas, dans l’ourlet. Elle a également considéré qu’un tel signe se confondait, dans l’esprit du public pertinent, composé de l’ensemble des consommateurs de l’Union européenne, à l’apparence des produits désignés dans la demande d’enregistrement. Estimant que ce signe ne divergeait pas de façon significative de la norme ou des habitudes du secteur, elle en a conclu que ledit public ne le percevrait pas comme une caractéristique indépendante du produit remplissant une fonction d’indication de l’origine.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

10      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens dans l’hypothèse où une audience de plaidoiries serait organisée.

 En droit

11      La requérante invoque le moyen unique tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Elle soutient que la chambre de recours a considéré à tort que la marque demandée n’avait pas de caractère distinctif au regard des produits pour lesquels l’enregistrement était sollicité. Elle articule son moyen en trois branches.

12      La chambre de recours aurait, tout d’abord, commis une erreur de droit en n’ayant pas procédé à une appréciation globale de l’ensemble des caractéristiques de la marque demandée. Ensuite, elle aurait commis une erreur dans son appréciation des normes et des habitudes du secteur concerné par la demande de marque, à savoir le marché des matelas. Enfin, la chambre de recours n’aurait pas tenu suffisamment compte de sa pratique antérieure.

13      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

14      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif sont refusées à l’enregistrement.

15      À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que le caractère distinctif d’une marque au sens de cette disposition signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée).

16      Ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée).

17      La perception du public pertinent est susceptible d’être influencée par la nature du signe dont l’enregistrement a été demandé. Ainsi, dans la mesure où les consommateurs moyens n’ont pas l’habitude de présumer l’origine commerciale des produits en se fondant sur des signes qui se confondent avec l’aspect de ces mêmes produits, de tels signes sont distinctifs au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, seulement s’ils divergent, de manière significative, de la norme ou des habitudes du secteur [voir, en ce sens, arrêts du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, EU:C:2006:20, points 28 et 31 ; du 4 octobre 2007, Henkel/OHMI, C‑144/06 P, EU:C:2007:577, points 36 et 37, et du 15 juin 2010, X Technology Swiss/OHMI (Coloration orange de la pointe d’une chaussette), T‑547/08, EU:T:2010:235, point 25].

18      L’élément déterminant pour l’applicabilité de la jurisprudence citée au point 17 ci-dessus n’est pas la qualification du signe concerné en tant que signe figuratif, tridimensionnel ou autre, mais le fait qu’il se confonde avec l’aspect du produit désigné. Ainsi, ce critère a été appliqué aux marques de position [arrêts du 15 juin 2010, Coloration orange de la pointe d’une chaussette, T‑547/08, EU:T:2010:235, point 26 ; du 16 janvier 2014, Steiff/OHMI (Étiquette avec bouton en métal au milieu de l’oreille d’une peluche), T‑434/12, non publié, EU:T:2014:6, point 21, et du 26 février 2014, Sartorius Lab Instruments/OHMI (Arc de cercle jaune en bas d’un écran), T‑331/12, EU:T:2014:87, point 21]. De même, la jurisprudence considère que les couleurs et leurs combinaisons abstraites ne peuvent se voir reconnaître un caractère distinctif intrinsèque que dans des circonstances exceptionnelles, étant donné qu’elles se confondent avec l’aspect des produits désignés et qu’elles ne sont pas, en principe, utilisées comme moyens d’identification d’origine commerciale (voir arrêt du 15 juin 2010, Coloration orange de la pointe d’une chaussette, T‑547/08, EU:T:2010:235, point 26 et jurisprudence citée).

 Sur la nature de la marque demandée

19      Dans la décision attaquée, la chambre de recours, pour conclure, en application de la jurisprudence citée au point 17 ci-dessus, que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif s’est fondée sur la prémisse selon laquelle cette marque, « qui a pour objectif la protection d’un signe déterminé positionné de façon précise sur les produits en cause, se confondra, aux yeux du public pertinent, avec l’apparence de ces produits ».

20      Il convient donc de déterminer si la marque demandée se confond avec l’aspect des produits désignés.

21      Une marque de position se caractérise par la façon spécifique dont elle est placée ou apposée sur le produit [arrêt du 16 janvier 2019, Windspiel Manufaktur/EUIPO (Représentation de la position d’une fermeture de bouteille), T‑489/17, non publié, EU:T:2019:9, point 22].

22      Dans le cas d’espèce, la requérante revendique la protection pour « une étiquette fanion de couleur rouge placée dans la partie inférieure du matelas, sur le tiers inférieur de l’une de ses arêtes verticales ». L’objet de la protection demandée n’est pas l’étiquette fanion de couleur rouge, en tant que telle, mais uniquement la fixation d’une telle étiquette sur une partie précise des produits désignés. La marque demandée ne peut donc être dissociée de la forme d’une partie de ces mêmes produits, à savoir de la forme de l’arête d’un matelas. En effet, en raison des caractéristiques intrinsèques des marques de position, la marque demandée n’existerait pas sans le rattachement fixe de l’étiquette à l’endroit précis des produits désignés, de sorte qu’elle se confond nécessairement avec l’aspect desdits produits (voir, par analogie, arrêt du 16 janvier 2014, Étiquette avec bouton en métal au milieu de l’oreille d’une peluche, T‑434/12, non publié, EU:T:2014:6, point 26).

23      Dans ces conditions, c’est à bon droit que la chambre de recours a fait application du critère prévu par la jurisprudence citée au point 17 ci-dessus et considéré que, compte tenu de la nature de la marque demandée, celle-ci se confondait avec l’aspect des produits qu’elle désignait.

24      La requérante se prévaut d’ailleurs expressément dans sa requête de l’application de la jurisprudence en cause lorsque le signe demandé se confond avec l’aspect des produits désignés.

 Sur le caractère distinctif de la marque demandée

25      Il convient d’apprécier si la chambre de recours pouvait considérer à juste titre que la marque demandée ne divergeait pas de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur et qu’elle était en conséquence dépourvue de caractère distinctif.

26      Les trois branches du moyen unique, telles qu’elles ont été identifiées au point 12 ci-dessus, concernent cet aspect du litige.

27      À titre liminaire, il convient de relever que la chambre de recours a estimé que le public pertinent des produits désignés par la marque demandée, à savoir les matelas et les matelas à usage médical, était composé de l’ensemble des consommateurs de l’Union.

28      Il n’y a pas lieu de remettre en cause une telle appréciation, au demeurant non contestée par la requérante.

29      Tout d’abord, s’agissant de la première branche du moyen unique, relative à l’erreur de droit que la chambre de recours aurait commise en n’ayant pas effectué d’examen global de la marque demandée, il doit être rappelé que, afin d’apprécier si une marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’elle produit dans l’esprit du public pertinent. Cela ne saurait toutefois impliquer qu’il n’y aurait pas lieu de procéder, dans un premier temps, à un examen successif des différents éléments de présentation utilisés pour cette marque. En effet, il peut être utile, au cours de l’appréciation globale, d’examiner chacun des éléments constitutifs de la marque concernée (voir arrêt du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, EU:C:2007:635, point 82 et jurisprudence citée).

30      En l’espèce, la chambre de recours, reprenant sur ce point la position de l’examinateur, a considéré que la couleur rouge ainsi que le positionnement de l’étiquette fanion sur les produits en cause constituaient les éléments déterminants et centraux de la marque demandée et que les autres éléments, à savoir la forme rectangulaire et en boucle de cette étiquette ainsi que son positionnement saillant par rapport auxdits produits et sa petite taille, demeuraient secondaires dans l’esprit du public pertinent.

31      À cet égard, la chambre de recours a relevé que la forme rectangulaire de l’étiquette fanion, qui correspondait à une forme géométrique de base, n’était pas distinctive et que la boucle était typique des étiquettes. Elle a également considéré que la couleur et le positionnement de cette étiquette ne révélaient aucune particularité. Elle en a conclu que l’ensemble des éléments, tant principaux que secondaires, ne divergeaient pas de la norme et des habitudes du secteur, de sorte que la marque demandée n’était pas en mesure de remplir sa fonction première d’indication de l’origine commerciale des produits en cause.

32      Il ressort donc explicitement de la motivation de la décision attaquée, telle qu’elle a été reprise aux points 30 et 31 ci-dessus, que, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours a procédé à un examen global de l’ensemble des caractéristiques de la marque demandée, puisqu’elle a attribué, à chacun de ses éléments, un poids relatif dans l’impression d’ensemble que cette marque produisait dans l’esprit du public pertinent.

33      Par conséquent, la première branche du moyen unique de la requérante doit être écartée.

34      Ensuite, s’agissant de la deuxième branche, tirée de l’erreur que la chambre de recours aurait commise dans son appréciation de la norme et des habitudes du secteur concerné par la marque demandée, il convient de rappeler que, ainsi qu’il découle de la jurisprudence énoncée au point 17 ci-dessus, pour qu’une marque soit susceptible de remplir sa fonction essentielle d’indication d’origine, il faut qu’elle se différencie substantiellement des formes de base du produit en cause, communément utilisées dans le commerce, et qu’elle n’apparaisse pas comme une simple variante, voire une variante possible de ces formes [voir arrêt du 25 novembre 2020, Brasserie St Avold/EUIPO (Forme d’une bouteille foncée), T‑862/19, EU:T:2020:561, point 39 et jurisprudence citée].

35      La chambre de recours peut, dans le cadre de son examen du caractère distinctif, prendre en considération, pour apprécier la norme ou les habitudes du secteur en cause, les faits qui sont susceptibles d’être connus par toute personne ou qui peuvent être connus par le biais de sources généralement accessibles (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2014, Arc de cercle jaune en bas d’un écran, T‑331/12, EU:T:2014:87, points 29 à 31 et jurisprudence citée).

36      La requérante estime que la chambre de recours, pour apprécier correctement le caractère distinctif de la marque demandée, aurait dû, à partir des questions qu’elle lui avait soumises au cours de la procédure concernant, en substance, les configurations habituellement présentes dans le secteur des matelas, appréhender de manière globale les normes et les habitudes de ce secteur et vérifier s’« il existait des indices montrant que la marque [demandée était] courante ou que le public [était] susceptible de l’attendre ». À cette fin, la chambre de recours aurait dû également mieux tenir compte de l’analyse de marché que la requérante avait présentée au cours de la procédure concernant le marché des matelas dans cinq États membres de l’Union.

37      Toutefois, la jurisprudence ne prévoit pas la nécessité d’apporter la preuve du caractère usuel de la forme dans le commerce pour établir le manque de caractère distinctif de la marque demandée [voir arrêts du 7 octobre 2015, The Smiley Company/OHMI (Forme d’un visage), T‑243/14, non publié, EU:T:2015:765, point 37 et jurisprudence citée, et du 25 novembre 2020, Forme d’une bouteille foncée, T‑862/19, EU:T:2020:561, point 39 et jurisprudence citée].

38      Partant, la circonstance, à la supposer fondée, que la chambre de recours n’aurait pas vérifié, à partir des questions posées par la requérante et de l’analyse de marché produite au cours de la procédure, si la marque demandée était courante sur le marché des matelas est sans incidence dans le cadre de l’appréciation du caractère distinctif de ladite marque.

39      En tout état de cause, la chambre de recours, après avoir tenu compte, contrairement à ce que soutient la requérante, de l’ensemble des preuves produites au cours de la procédure, ainsi qu’il ressort notamment des points 5, 21 et 28 de la décision attaquée, a pu estimer, à juste titre, que les différents aspects de la marque demandée « ne constitu[ai]ent pas des circonstances inhabituelles sur le marché » et que les étiquettes constituaient des éléments de configuration usuels, de sorte que l’apposition d’une petite étiquette fanion de couleur rouge dans la partie inférieure d’un matelas sur l’une de ses arêtes verticales était, en substance, une pratique banale dans le secteur des matelas.

40      Les illustrations, données par la chambre de recours et reprises, pour certaines, des exemples fournis par la requérante elle-même lors de la procédure, représentant de petites étiquettes rectangulaires formant une boucle et positionnées de façon saillante par rapport au reste du produit, ou pour d’autres, d’exemples obtenus à l’aide d’un moteur de recherche sur Internet accessible à tous, représentant de petites étiquettes colorées en rouge et fixées sur l’une des arêtes d’un matelas, confirment que l’apposition d’une étiquette rectangulaire, de couleur rouge, de petite taille, formant une boucle et positionnée de façon saillante par rapport au reste du produit sur l’une de ses arêtes verticales constitue une variante possible d’une étiquette de couleur placée sur un matelas, laquelle sera perçue comme un élément purement décoratif.

41      À cet égard, si une étiquette apposée sur un matelas peut également être perçue comme un élément fonctionnel, lorsqu’elle comporte des informations techniques, telles que les indications de lavage ou d’entretien, ou encore le choix des matériaux utilisés pour la fabrication du produit concerné, la chambre de recours n’a pas considéré, en l’espèce, contrairement à ce que prétend la requérante, que la marque demandée serait perçue comme tel par le public pertinent. Si la chambre de recours a indiqué que le public pertinent « sait également que les matelas doivent comporter des étiquettes affichant des informations techniques », elle a expressément relevé que si la marque demandée devait être perçue, elle « serait simplement considéré[e] comme un élément décoratif banal ».

42      Dès lors, l’affirmation de la requérante selon laquelle les étiquettes d’identification des textiles n’ont généralement pas les caractéristiques de la marque demandée, notamment parce qu’elles se trouvent, en règle générale, à l’intérieur de la housse du matelas, est sans incidence sur l’examen de l’appréciation de la chambre de recours. Au demeurant, une telle affirmation est contredite par les illustrations d’étiquettes longues assorties d’instructions d’entretien apposées sur la face extérieure d’un matelas annexées à la requête.

43      Par ailleurs, la circonstance, à la supposer exacte, que l’étiquette portant l’indication de l’origine d’un matelas est généralement cousue à plat sur l’une des faces latérales de ce produit ou « cousue de manière à être à plat sur la surface de couchage en formant une banderole placée en diagonale sur l’un des coins » ne permet pas non plus de conclure que la marque demandée, laquelle est également constituée d’une étiquette apposée sur un matelas, serait substantiellement différente de la norme ou des habitudes du secteur.

44      La requérante fait encore valoir que la marque demandée est « très rare », tant par son positionnement de façon saillante sur une arête verticale que par la couleur rouge, qui contrasterait fortement avec les couleurs blanche, anthracite ou bleue habituellement utilisées sur les matelas. Il serait également « très rare » de trouver « [s]ur le marché européen des matelas, […] des indications de l’origine apposées sur des fanions saillants [, de sorte que cela constituerait] une divergence importante par rapport à la norme ».

45      Il convient toutefois de rappeler que la seule nouveauté ou l’originalité ne sont pas, en tout état de cause, des critères pertinents pour l’appréciation du caractère distinctif d’une marque. Il ne suffit pas qu’elle soit originale, mais elle doit aussi, ainsi qu’il a été relevé au point 34 ci-dessus, se différencier substantiellement des formes de base du produit en cause, communément utilisées dans le commerce, et ne pas apparaître comme une simple variante de ces formes.

46      La chambre de recours a relevé au demeurant que l’aspect saillant de l’étiquette disparaitra, compte tenu de sa petitesse par rapport au matelas, et a considéré, à juste titre, que « [la marque demandée] a[vait], en termes relatifs, une taille extrêmement réduite, [de sorte que] la couleur [de l’étiquette] ne produi[sai]t pas non plus, contrairement à ce que prétend la [requérante], un fort contraste par rapport aux coloris blanc-gris noir de base que revêt[ai]ent généralement les matelas ».

47      En outre, conformément à la jurisprudence citée au point 18 ci-dessus, les couleurs et leurs combinaisons abstraites ne peuvent se voir reconnaître un caractère distinctif intrinsèque que dans des circonstances exceptionnelles. Or, ainsi qu’il ressort des points 39 et 40 ci-dessus, la simple coloration d’éléments de produits, tels que des étiquettes, dans le secteur des matelas, ne constitue pas une telle circonstance exceptionnelle. Il en va d’autant plus ainsi en l’espèce que la couleur rouge est une couleur primaire, comme le relève à juste titre la chambre de recours, et que la requérante n’a pas non plus revendiqué une nuance concrète et particulière de rouge dans sa demande d’enregistrement.

48      En outre il ne peut être exclu que les consommateurs d’un produit donné soient, le cas échéant, influencés, dans leur perception de la marque dont ce produit est revêtu, par les modalités de commercialisation développées pour d’autres produits dont ils sont également consommateurs. Ainsi, selon la nature des produits en cause et de la marque demandée, il peut être nécessaire, aux fins d’apprécier si la marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, de prendre en considération un secteur plus vaste (arrêt du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, EU:C:2006:20, point 32). La chambre de recours a donc pu également tenir compte, pour conclure à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée, de l’expérience pratique du public pertinent en matière d’étiquettes fanion apposées sur d’autres produits en tissu, par exemple sur des vêtements, des coussins, des coussins de siège ou des draps, dont les consommateurs de matelas peuvent également être consommateurs.

49      Les caractéristiques de la marque demandée ne sont donc pas de nature à attirer l’attention du public pertinent et ne sauraient être mémorisées comme une indication de l’origine des produits en cause. Le consommateur pertinent percevra ladite marque comme une simple variante de la configuration de la catégorie de produits concernés.

50      Il découle de tout ce qui précède qu’un rattachement fixe d’une étiquette de couleur rouge sur l’arête verticale d’un matelas ne saurait être considéré comme exceptionnel, c’est‑à‑dire, comme divergeant, de manière significative, de la norme ou des habitudes de ce secteur pour conférer à la marque demandée un degré minimal de caractère distinctif (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 janvier 2014, Étiquette avec bouton en métal au milieu de l’oreille d’une peluche, T‑434/12, non publié, EU:T:2014:6, point 29).

51      Eu égard aux considérations qui précèdent, la deuxième branche du moyen unique doit être écartée.

52      Enfin, s’agissant de la troisième branche, tirée de la méconnaissance par la chambre de recours de sa pratique antérieure, il peut être rappelé que les décisions que l’EUIPO est conduit à prendre en vertu du règlement 2017/1001 concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique administrative antérieure à celles-ci (arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65).

53      L’EUIPO est cependant tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union, y compris les principes d’égalité de traitement et de bonne administration (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 73). Eu égard auxdits principes, l’EUIPO doit ainsi prendre en considération les décisions qu’il a déjà adoptées sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes devant être conciliée avec le respect du principe de légalité (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 74 et 75).

54      En l’espèce, la requérante ne saurait toutefois utilement soutenir que la chambre de recours aurait insuffisamment tenu compte de sa pratique antérieure, puisqu’elle se prévaut, à l’appui de son argument, de décisions antérieures qui ne concernent pas des demandes similaires. Les produits en cause sont différents de ceux désignés par la marque demandée, voire de forme également différente de ces mêmes produits.

55      Il en est ainsi de la décision de la chambre de recours R 983/2001-3 relative à un point de couleur rouge placé au centre d’une paire de ciseaux, des demandes d’enregistrement référencées respectivement sous les nos 018325102, pour des tables, 1795019, pour des sacs, et 18088548, pour des ceintures, ou encore de la marque figurative de l’Union européenne no 2292373 représentant une étiquette rectangulaire rouge, en textile, cousue dans et ressortant de la partie supérieure de la couture gauche de la poche arrière de pantalons, de shorts ou de jupes.

56      En tout état de cause, il ressort des points 30 à 35 de la décision attaquée que la chambre de recours a examiné avec une attention particulière les enregistrements antérieurs dont se prévaut la requérante. Elle a cependant estimé, à juste titre, qu’il n’y avait pas lieu de décider dans le même sens, puisque, ainsi qu’il ressort du point 54 ci-dessus, les produits désignés étaient « totalement différents » des produits visés par la marque demandée. Elle a, en outre, relevé, en substance et à juste titre également, que les produits désignés dans les exemples invoqués étaient de taille plus petite que celle d’un matelas, de sorte que l’étiquette fanion qui y était apposée pouvait, contrairement au signe demandé, être perceptible aux yeux du public pertinent, de sorte à être perçue comme une caractéristique indépendante par rapport aux produits eux-mêmes.

57      Dans ces conditions, la troisième branche du moyen unique doit être écartée ainsi que, par voie de conséquence, le moyen unique dans son ensemble.

58      Compte tenu de tout ce qui précède, le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

59      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

60      Bien que la requérante ait succombé, l’EUIPO n’a conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens qu’en cas d’organisation d’une audience. En l’absence d’organisation d’une audience, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Marcoulli

Schwarcz

Valasidis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 janvier 2025.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

© European Union
The source of this judgment is the Europa web site. The information on this site is subject to a information found here: Important legal notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.


BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2025/T14724.html