UL and Others v EEAS (Civil service - EEAS staff - Remuneration - Family allowances - Judgment) French Text [2025] EUECJ T-17/24 (12 February 2025)

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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2025/T1724.html
Cite as: EU:T:2025:149, ECLI:EU:T:2025:149, [2025] EUECJ T-17/24

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ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

12 février 2025 (*) (1)

« Fonction publique - Personnel du SEAE - Rémunération - Allocations familiales - Allocation scolaire - Article 15 de l’annexe X du statut - Demande de remboursement des frais de crèche et de scolarité - Décision de refus »

Dans l’affaire T‑17/24,

UL, et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe (2), représentées par Mes A. Guillerme, T. Bontinck et F. Patuelli, avocats,

parties requérantes,

contre

Service européen pour l’action extérieure (SEAE), représenté par M. R. Coesme, Mmes S. Falek et T. Payan, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de Mme O. Porchia, présidente, MM. M. Jaeger et L. Madise (rapporteur), juges,

greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 15 octobre 2024,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur recours fondé sur l’article 270 TFUE, les requérants, UL et les six autres personnes physiques dont les noms figurent en annexe, demandent, d’une part, l’annulation des décisions du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) contenues dans les courriers électroniques des 15 février, 23 mars, 27 avril, 2, 5 et 8 mai 2023 (ci-après les « décisions attaquées ») qui leur ont été adressés en réponse à leurs demandes portant sur le montant de l’allocation prévue à l’article 3, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») pour les enfants à charge âgés de moins de cinq ans (ci-après l’« allocation A ») et, d’autre part, la reconnaissance de leur droit à bénéficier, pour leurs enfants âgés de moins de cinq ans, de cette allocation pour un montant calculé selon les modalités prévues à l’article 15 de l’annexe X du statut et en tenant compte des circonstances exceptionnelles caractérisant leur situation.

 Antécédents du litige

2        Les requérants sont des fonctionnaires et des agents du SEAE en poste aux États-Unis et au Royaume-Uni. Ils ont présenté des demandes portant sur le montant de l’allocation A à laquelle ils pouvaient prétendre pour leurs enfants âgés de moins de cinq ans. Par les décisions attaquées, le SEAE a répondu à ces demandes.

3        Les requérants ont présenté des réclamations sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut, en soutenant, en substance, que le montant de l’allocation A devait être calculé selon les modalités prévues à l’article 15 de l’annexe X du statut. Ces réclamations ont été rejetées par des décisions du 29 septembre 2023.

4        Dans les décisions de rejet des réclamations, le SEAE a notamment exposé que l’article 15 de l’annexe X du statut établit, au bénéfice des fonctionnaires et des agents affectés dans un pays tiers, un régime spécial concernant exclusivement le montant de l’allocation scolaire prévue à l’article 3, paragraphe 1 de l’annexe VII du statut pour les enfants à charge âgés de cinq ans au moins (ci-après l’« allocation B »), et non le montant de l’allocation A. Ainsi, selon le SEAE, dans le cas de fonctionnaires et d’agents dont les enfants sont âgés de moins de cinq ans, les institutions ne sont légalement tenues de verser l’allocation A que dans les conditions prévues à l’article 3, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut.

5        Les décisions portant rejet des réclamations précisent que le SEAE, faisant usage de son autonomie institutionnelle, a néanmoins décidé d’appliquer « par analogie » l’article 15 de l’annexe X du statut aux fonctionnaires et aux agents affectés dans un pays tiers dont les enfants ont entre trois et cinq ans. Ainsi, selon cette approche, qualifiée de « très généreuse », les fonctionnaires et agents concernés bénéficient, en plus de l’allocation A, d’un avantage dénommé par le SEAE « complément institutionnel de remboursement » (ci-après le « complément institutionnel »). À ce titre, les fonctionnaires et agents affectés dans un pays tiers peuvent obtenir le remboursement des frais exposés pour l’éducation de leurs enfants ayant entre trois et cinq ans, dans la limite d’un plafond défini « dans l’esprit » de l’article 15 de l’annexe X du statut, selon les modalités définies par le SEAE dans le document interne intitulé « EU Delegations’ Guide – Education allowances » (ci-après le « guide des délégations »).

6        Le SEAE fait valoir, dans les décisions portant rejet des réclamations, qu’il a ainsi permis à ses fonctionnaires et à ses agents de bénéficier d’un avantage allant au-delà de ce que prévoit la stricte application du statut. Il expose toutefois qu’il dispose d’une large marge d’appréciation pour déterminer les modalités selon lesquelles il utilise l’enveloppe budgétaire dévolue aux dépenses non obligatoires. Le SEAE considère en conséquence que, compte tenu de cette large marge d’appréciation, il était libre, pour définir le plafond du complément institutionnel, de n’appliquer que pour partie l’article 15 de l’annexe X du statut.

 Conclusions des parties

7        Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        reconnaître leur droit à bénéficier, pour leurs enfants âgés de moins de cinq ans, de l’allocation A pour un montant calculé selon les modalités prévues à l’article 15 de l’annexe X du statut et en considérant les circonstances exceptionnelles les concernant ;

–        condamner le SEAE aux dépens.

8        Le SEAE conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

 Sur les conclusions en annulation

9        Il y a lieu de statuer d’emblée sur le bien-fondé des conclusions en annulation, à l’appui desquelles les requérants soulèvent quatre moyens qu’il convient d’examiner successivement.

 Sur le premier moyen

10      Par leur premier moyen, les requérants contestent l’interprétation retenue par le SEAE, selon laquelle l’allocation A est exclue de l’application de l’article 15 de l’annexe X du statut.

11      À ce titre, les requérants soutiennent que, au regard de son libellé, de son historique et du contexte dans lequel il s’inscrit, l’article 15 de l’annexe X du statut doit être interprété en ce sens que cette disposition s’applique à la fois à l’allocation B et à l’allocation A. L’interprétation défendue par les requérants serait confortée par l’analyse de la finalité de l’article 15 de l’annexe X du statut, qui, selon eux, a pour objectif de permettre que les enfants des fonctionnaires et des agents de l’Union européenne reçoivent un enseignement gratuit et d’éviter que le fait qu’un fonctionnaire ou un agent exerce ses fonctions à l’extérieur de l’Union entraîne une discrimination à son égard sur ce point. Les requérants, en poste à Londres (Royaume-Uni), à Washington DC (États-Unis) et à New York (États-Unis), relèvent à cet égard que les coûts particulièrement élevés qu’ils doivent supporter pour l’éducation de leurs enfants génèrent pour eux d’importantes difficultés financières et organisationnelles.

12      Les requérants déduisent de ce qui précède que, en vertu du statut, les modalités de calcul et le plafond de l’allocation A doivent, pour tous les fonctionnaires et agents affectés dans un pays tiers dont les enfants ont moins de cinq ans, être déterminés en faisant application de l’article 15 de l’annexe X du statut, les conditions d’octroi de cette allocation étant, par ailleurs, définies par l’article 3, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut.

13      Les requérants concluent que, en limitant, dans le guide des délégations, l’application « par analogie » de l’article 15 de l’annexe X du statut aux seuls parents d’enfants ayant entre trois et cinq ans, le SEAE a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation. Selon les requérants, les décisions attaquées sont illégales dès lors qu’elles sont fondées sur les dispositions illégales figurant dans le guide des délégations.

14      Le SEAE fait valoir que ce moyen n’est pas fondé.

15      L’annexe VII du statut définit les règles relatives à la rémunération et aux remboursements de frais. Elle comporte, dans sa section 1, aux articles 1er à 3, des dispositions relatives aux allocations familiales.

16      L’article 3 de l’annexe VII du statut, dans sa version applicable au litige, dispose ce qui suit :

« 1. Dans les conditions fixées par les dispositions générales d’exécution du présent article, le fonctionnaire bénéficie d’une allocation scolaire destinée à couvrir les frais de scolarité engagés par lui, dans la limite d’un plafond mensuel de 311,65 [euros] pour chaque enfant à charge au sens de l’article 2, paragraphe 2, de la présente annexe, âgé de cinq ans au moins et fréquentant régulièrement et à plein temps un établissement d’enseignement primaire ou secondaire payant ou un établissement d’enseignement supérieur. [...]

2. Pour chaque enfant à charge au sens de l’article 2, paragraphe 2, de la présente annexe, âgé de moins de cinq ans ou ne fréquentant pas régulièrement et à plein temps un établissement d’enseignement primaire ou secondaire, le montant de l’allocation est fixé à 112,21 [euros] par mois. »

17      L’article 3 de l’annexe VII du statut est applicable par analogie aux agents temporaires, en vertu de l’article 21 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), ainsi qu’aux agents contractuels en vertu de l’article 92 du RAA, lequel renvoie, notamment, à l’article 21 du RAA.

18      Le titre VIII ter du statut comporte des dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires affectés dans un pays tiers. L’article 101 bis du statut, qui relève dudit titre, prévoit que, sans préjudice des autres dispositions du statut, l’annexe X détermine les dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires affectés dans un pays tiers.

19      Aux termes de l’article 15 de l’annexe X du statut :

« Dans les conditions fixées par l’autorité investie du pouvoir de nomination, le fonctionnaire bénéficie d’une allocation scolaire visant à couvrir les frais effectifs de scolarité, versée sur production de pièces justificatives. Sauf dans des cas exceptionnels décidés par l’autorité investie du pouvoir de nomination, cette allocation ne peut pas dépasser un plafond correspondant à trois fois le double plafond de l’allocation scolaire. »

20      L’article 10, paragraphe 5, du RAA dispose que le titre VIII ter du statut, lequel renvoie à l’annexe X dudit statut, s’applique par analogie aux agents temporaires affectés dans un pays tiers. L’article 118 du RAA prévoit que l’annexe X du statut s’applique par analogie aux agents contractuels affectés dans les pays tiers, à l’exception, dans certaines circonstances, de l’article 21 de ladite annexe.

21      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union requiert de tenir compte non seulement de ses termes, mais également du contexte dans lequel elle s’inscrit ainsi que des objectifs et de la finalité que poursuit l’acte dont elle fait partie. La genèse d’une disposition du droit de l’Union peut également révéler des éléments pertinents pour son interprétation [voir arrêt du 25 juin 2020, A e.a. (Éoliennes à Aalter et à Nevele), C‑24/19, EU:C:2020:503, point 37 et jurisprudence citée].

22      Il convient également de rappeler que les dispositions du droit de l’Union qui donnent droit à des prestations financières doivent être interprétées strictement (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2017, Commission/RN, T‑695/16 P, non publié, EU:T:2017:520, point 54 et jurisprudence citée).

23      S’agissant du libellé de l’article 15 de l’annexe X du statut, cette disposition précise que l’allocation qu’elle désigne est destinée à couvrir les « frais effectifs de scolarité », qu’elle est versée « sur production de pièces justificatives » et que, sauf cas exceptionnels, cette allocation ne peut dépasser un certain plafond. Ainsi, il se déduit du libellé même de l’article 15 de l’annexe X du statut que cette disposition ne peut s’appliquer à l’allocation A, qui est une allocation forfaitaire, dont le montant est fixe pour tous les bénéficiaires et ne dépend pas des frais exposés par ces derniers pour l’éducation de leurs enfants. Par conséquent, lorsque l’article 15 de l’annexe X du statut mentionne un « plafond correspondant à trois fois le double plafond de l’allocation scolaire », il est nécessairement fait référence à l’allocation B, laquelle couvre les frais de scolarité engagés par les bénéficiaires de cette allocation dans la limite d’un plafond mensuel.

24      Au soutien de leur interprétation, les requérants font valoir que le montant forfaitaire visé à l’article 3, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut « constitue le “plafond” au sens de l’article 15 de l’annexe X du statut ». Toutefois, cette interprétation n’est pas compatible avec le libellé de ces dispositions. En effet, au regard du sens habituel, dans le langage courant, de ces notions, le terme « montant », qui renvoie ici à une somme d’argent s’élevant à un niveau précisément défini, ne peut être considéré comme synonyme ou équivalent du terme « plafond », qui renvoie à une limite supérieure, un maximum ne pouvant être dépassé.

25      Les requérants soutiennent, en outre, que la notion de « frais de scolarité » doit être interprétée en ce sens qu’elle couvre également les frais de crèche et de garderie. Toutefois, cet argument, qui porte exclusivement sur la notion de « frais de scolarité », n’est, en tout état de cause, pas de nature à infirmer l’analyse selon laquelle l’article 15 de l’annexe X du statut, qui se réfère à une allocation visant à rembourser des frais effectifs de scolarité sur production de pièces justificatives et dans la limite d’un plafond qui ne peut être dépassé que dans des cas exceptionnels, ne peut concerner l’allocation A, qui est versée sur la base d’un montant forfaitaire.

26      Il résulte de ce qui précède que l’analyse du libellé de l’article 15 de l’annexe X du statut plaide en faveur d’une interprétation selon laquelle seule l’allocation B entre dans le champ d’application de cette disposition.

27      S’agissant de l’interprétation contextuelle, les requérants exposent qu’il convient d’analyser l’article 15 de l’annexe X du statut en lien avec l’article 3 de l’annexe VII du statut. Ils relèvent à ce titre que, dans l’arrêt du 14 décembre 2017, Trautmann/SEAE (T‑611/16, non publié, EU:T:2017:917, point 53), le Tribunal a souligné que l’article 15 de l’annexe X du statut contient des dispositions particulières et dérogatoires à l’article 3 de l’annexe VII du statut pour les fonctionnaires affectés dans un pays tiers.

28      Le Tribunal constate que, au titre de l’analyse du contexte dans lequel s’inscrit l’article 15 de l’annexe X du statut, il convient de tenir compte de l’article 3 de l’annexe VII du statut, dès lors que la première disposition introduit, pour les fonctionnaires et agents affectés dans un pays tiers, des règles qui dérogent partiellement à celles prévues par la seconde. À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 15 de l’annexe X du statut dispose que le fonctionnaire bénéficie d’une « allocation scolaire visant à couvrir les frais effectifs de scolarité ». Le libellé de cette disposition reprend ainsi les termes de l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut, qui prévoit que « le fonctionnaire bénéficie d’une allocation scolaire destinée à couvrir les frais de scolarité engagés par lui ». Le fait que le législateur de l’Union emploie des termes similaires pour désigner l’allocation visée à l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut et celle mentionnée à l’article 15 de l’annexe X du statut conforte l’interprétation selon laquelle cette dernière disposition s’applique seulement à l’allocation visée à l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut, c’est-à-dire à l’allocation B. À l’inverse, l’article 3, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut, qui porte sur l’allocation A, est rédigé en des termes qui diffèrent à la fois de ceux employés au paragraphe 1 du même article et de ceux employés à l’article 15 de l’annexe X du statut. L’article 3, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut évoque, en effet, une « allocation », qui n’est d’ailleurs pas expressément qualifiée d’« allocation scolaire », et prévoit que cette allocation est versée sur la base d’un montant forfaitaire mensuel. Le versement de cette allocation sur une base forfaitaire signifie que ladite allocation n’est pas, à l’inverse de l’allocation B, destinée à couvrir les frais réels supportés par le fonctionnaire ou agent concerné pour l’éducation de son enfant.

29      En ce qui concerne la genèse de l’article 15 de l’annexe X du statut, les requérants exposent que cette annexe a été créée par le règlement (Euratom, CECA, CEE) no 3019/87 du Conseil, du 5 octobre 1987, établissant des dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires des Communautés européennes affectés dans un pays tiers (JO 1987, L 286, p. 3). Les requérants relèvent que, à cette date, le statut prévoyait seulement le versement de l’allocation B. En effet, les dispositions relatives à l’allocation A ont été introduites dans le statut par le règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut ainsi que le RAA (JO 2004, L 124, p. 1). Les requérants soulignent que ce texte n’a pas retenu l’expression « allocation préscolaire » qui figurait initialement dans la proposition de règlement du Conseil modifiant le statut ainsi que le RAA [COM(2002) 213 final]. Ils en déduisent que le législateur de l’Union a choisi de ne pas opérer de distinction entre « allocation scolaire » et « allocation préscolaire » et que l’allocation A constitue dès lors une allocation scolaire, au même titre que l’allocation B.

30      Cet argument est toutefois insuffisant pour conclure que le législateur de l’Union, en ajoutant les dispositions qui figurent à l’article 3, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut, a considéré que l’allocation ainsi créée entrait dans le champ d’application de l’article 15 de l’annexe X du statut. En effet, en premier lieu, le fait que l’allocation A n’a pas été qualifiée d’allocation préscolaire dans le texte finalement adopté ne suffit pas à considérer que le législateur de l’Union a entendu, en ce qui concerne cette allocation, appliquer, pour les fonctionnaires et agents affectés dans un pays tiers, les règles dérogatoires prévues à l’article 15 de l’annexe X du statut. En second lieu, comme le relève le SEAE, l’adoption en 2004 des dispositions figurant à l’article 3, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut n’a pas été accompagnée d’une modification de l’article 15 de l’annexe X du statut. Comme le souligne le SEAE, l’absence de modification de l’article 15 de l’annexe X du statut peut être interprétée en ce sens que, à la différence de ce qui concerne l’allocation B, le législateur de l’Union n’a pas entendu prévoir des conditions particulières et dérogatoires pour l’octroi de l’allocation forfaitaire nouvellement créée aux fonctionnaires et aux agents affectés dans un pays tiers.

31      Enfin, au titre des objectifs de l’article 15 de l’annexe X du statut, les requérants se réfèrent au préambule du règlement no 723/2004 et, en particulier, à ses considérants 26 et 27 qui énoncent, respectivement, qu’il convient de rapprocher l’allocation scolaire du niveau réel des dépenses et qu’il est nécessaire de réformer le système des allocations familiales afin d’améliorer la situation des familles et de faire face plus particulièrement aux difficultés des parents d’enfants en bas âge.

32      D’emblée, il convient de rappeler que l’article 15 de l’annexe X du statut n’est pas issu du règlement no 723/2004 et n’a pas non plus été modifié par ce règlement. Par conséquent, cet article ne saurait être interprété à la lumière des considérants dudit règlement.

33      Au demeurant, les objectifs rappelés au point 31 ci-dessus ne sont pas de nature à conforter l’interprétation de l’article 15 de l’annexe X du statut défendue par les requérants. D’une part, l’objectif visant à rapprocher l’allocation scolaire du niveau des dépenses ne concerne que l’allocation B, puisque celle-ci, contrairement à l’allocation A, est destinée à couvrir les frais de scolarité engagés par les fonctionnaires et agents dans la limite d’un plafond. D’autre part, si le législateur de l’Union a entendu poursuivre l’objectif d’améliorer la situation des familles, et plus particulièrement des parents d’enfants en bas âge, il ressort du considérant 27 du règlement no 723/2004 que cet objectif concerne le système des allocations familiales dans son ensemble et ne porte pas spécifiquement sur les allocations A et B. En tout état de cause, cet objectif, exprimé en des termes généraux, ne peut suffire à conclure que le législateur de l’Union aurait entendu prévoir que les fonctionnaires et agents affectés dans un pays tiers puissent bénéficier de l’allocation A dans des conditions différentes de celles qui s’appliquent à l’égard des fonctionnaires et des agents en poste au sein de l’Union.

34      Les requérants se réfèrent également au préambule du règlement no 3019/87, qui mentionne qu’« il importe de prévoir des dispositions particulières pour les fonctionnaires affectés dans des pays tiers, en raison de conditions de vie particulières ». Toutefois, s’il ressort de ce préambule que le législateur de l’Union avait pour objectif d’adapter sur certains points les dispositions du statut applicables aux fonctionnaires affectés dans un pays tiers, aucune conclusion ne peut être tirée de la formulation d’un tel objectif général quant au champ d’application de l’article 15 de l’annexe X du statut.

35      Les requérants se prévalent également de l’arrêt du 25 octobre 2018, PO e.a./SEAE (T‑729/16, EU:T:2018:721). Toutefois, dans cette affaire, le Tribunal a interprété la seconde phrase de l’article 15 de l’annexe X du statut et, en particulier, la notion de « cas exceptionnels » qui y est employée. En revanche, le Tribunal ne s’est pas prononcé sur la question de savoir si l’allocation A entrait dans le champ d’application de l’article 15 de l’annexe X du statut. À ce titre, il convient de relever que le litige soumis au Tribunal dans cette affaire portait exclusivement sur le bénéfice de l’allocation B. Cet arrêt ne permet ainsi de tirer aucune conclusion en ce qui concerne l’application de l’article 15 de l’annexe X du statut aux fonctionnaires et aux agents affectés dans un pays tiers percevant l’allocation A.

36      Au surplus, comme le soutiennent les requérants, le Tribunal a relevé que l’un des objectifs poursuivis par l’article 15 de l’annexe X du statut est que les fonctionnaires affectés dans un pays tiers soient traités de manière non discriminatoire par rapport aux fonctionnaires affectés au sein de l’Union en ce qui concerne la gratuité de l’enseignement de leurs enfants (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2018, PO e.a./SEAE, T‑729/16, EU:T:2018:721, points 68 et 97). Toutefois, l’objectif consistant à éviter une discrimination à l’égard des fonctionnaires affectés hors de l’Union ne justifie pas, en soi, d’interpréter l’article 15 de l’annexe X du statut en ce sens que cette disposition s’appliquerait tant à l’allocation A qu’à l’allocation B. En outre, il convient de relever que le Tribunal a considéré que, pour l’interprétation de l’article 15 de l’annexe X du statut, il devait également être tenu compte de l’objectif du législateur de l’Union visant à éviter que des dépenses excessives ne viennent grever le budget du SEAE, ce dont le Tribunal a déduit que, pour l’application de la seconde phrase de cet article, le SEAE est en droit de tenir compte de contraintes budgétaires (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2018, PO e.a./SEAE, T‑729/16, EU:T:2018:721, points 70 et 72). Or, la prise en compte d’un tel objectif n’est pas de nature à conforter l’interprétation défendue par les requérants, qui conduit à retenir un champ d’application large de la disposition en cause.

37      Il résulte de ce qui précède que l’analyse des termes, du contexte et de la genèse de l’article 15 de l’annexe X du statut conforte l’interprétation défendue par le SEAE selon laquelle seule l’allocation B entre dans le champ d’application de cette disposition. Par ailleurs, l’analyse des objectifs poursuivis par le législateur de l’Union ne permet pas de conforter l’interprétation contraire défendue par les requérants. Enfin, il convient de relever que cette dernière interprétation conduit à retenir un champ d’application large de la disposition en cause, et ce en contradiction avec le principe rappelé au point 22 ci-dessus selon lequel les dispositions du droit de l’Union donnant droit à des prestations financières doivent être interprétées strictement.

38      Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, l’article 15 de l’annexe X du statut doit être interprété en ce sens que les règles spécifiques qu’il prévoit au bénéfice des fonctionnaires et des agents affectés dans un pays tiers ne s’appliquent qu’à l’allocation B et non à l’allocation A.

39      Par conséquent, contrairement à ce que soutiennent les requérants, aucune obligation pour le SEAE d’octroyer à ses fonctionnaires et à ses agents le bénéfice de l’allocation A en faisant application des modalités prévues à l’article 15 de l’annexe X du statut ne découle de cet article.

40      Par conséquent, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le SEAE aurait, par l’insertion de règles illégales dans le guide des délégations, indûment restreint le champ d’application de l’article 15 de l’annexe X du statut et, ce faisant, commis une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation. Dès lors, ils ne sont pas fondés à exciper, sur ce point, de l’illégalité des dispositions figurant dans le guide des délégations en vue de contester la légalité des décisions attaquées.

41      Il en résulte que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen

42      Les requérants contestent les modalités selon lesquelles le SEAE a, dans le guide des délégations, appliqué « par analogie », au bénéfice des fonctionnaires et des agents affectés dans un pays tiers dont les enfants ont entre trois et cinq ans, les règles concernant la détermination du plafond prévues à l’article 15 de l’annexe X du statut.

43      À cet égard, les requérants exposent que l’article 15 de l’annexe X du statut prévoit un plafond deux fois supérieur à celui appliqué par le SEAE, pour ce qui concerne le complément institutionnel, sur la base du guide des délégations. En appliquant un plafond plus bas que celui prévu à l’article 15 de l’annexe X du statut, le SEAE aurait ainsi commis une erreur de droit. De même, selon les requérants, le SEAE dispose d’une marge d’appréciation réduite pour le versement des allocations dans la limite du plafond prévu à l’article 15 de l’annexe X du statut. Dès lors, en considérant qu’il disposait sur ce point d’un large pouvoir d’appréciation, le SEAE aurait commis une erreur manifeste d’appréciation.

44      Au regard de ce qui précède, les requérants soutiennent que les décisions dont ils demandent l’annulation sont illégales dès lors qu’elles sont fondées sur les dispositions illégales figurant dans le guide des délégations.

45      Le SEAE fait valoir que ce moyen n’est pas fondé.

46      Premièrement, il convient d’emblée de relever que, ainsi qu’il a été indiqué au point 38 ci-dessus, l’allocation A, dont peuvent bénéficier les fonctionnaires et agents dont les enfants ont moins de cinq ans, n’entre pas dans le champ d’application de l’article 15 de l’annexe X du statut. Cette allocation doit ainsi être octroyée, y compris pour les fonctionnaires et agents affectés dans un pays tiers, selon les modalités prévues à l’article 3, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut, dont il résulte que l’allocation est versée sur la base d’un montant forfaitaire. Par conséquent, le SEAE n’a pas commis d’erreur de droit en considérant qu’il n’était pas tenu, en vertu du statut, d’octroyer aux fonctionnaires et aux agents dont les enfants ont moins de cinq ans un remboursement des frais d’éducation qu’ils ont supportés dans la limite d’un plafond déterminé selon les modalités fixées par l’article 15 de l’annexe X du statut.

47      Deuxièmement, il ressort de la jurisprudence que le SEAE jouit d’une large marge d’appréciation en ce qui concerne la manière dont il répartit une enveloppe budgétaire dont il dispose pour des dépenses non obligatoires (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2018, PO e.a./SEAE, T‑729/16, EU:T:2018:721, point 100).

48      En l’espèce, le complément institutionnel mis en œuvre par le SEAE peut être qualifié de dépense non obligatoire, dès lors qu’une telle dépense ne résulte pas pour le SEAE d’une obligation prévue par le statut.

49      Par conséquent, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le SEAE dispose d’une large marge d’appréciation pour définir les modalités selon lesquelles il entend faire bénéficier ses fonctionnaires et ses agents du complément institutionnel. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que le SEAE se serait mépris sur l’existence ou l’étendue de son pouvoir d’appréciation en ce qui concerne les modalités de détermination du plafond du complément institutionnel.

50      Par ailleurs, si les requérants soutiennent que le SEAE a commis une erreur manifeste d’appréciation dans la détermination du plafond du complément institutionnel, ils se bornent à soutenir que ce plafond aurait dû être défini conformément à l’article 15 de l’annexe X du statut, sans pour autant critiquer spécifiquement, dans le cadre de leur deuxième moyen, le choix du SEAE de retenir un plafond correspondant à trois fois le montant annuel de l’allocation A. Dès lors, cette branche de l’argumentation des requérants n’est pas fondée.

51      Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le guide des délégations est entaché d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne la détermination du plafond applicable au complément institutionnel. Dès lors, ils ne sont pas fondés à exciper, sur ce point, de l’illégalité des dispositions figurant dans le guide des délégations en vue de contester la légalité des décisions attaquées.

52      Dès lors, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen

53      D’une part, les requérants soutiennent que le SEAE a commis une erreur de droit en excluant toute possibilité de dépassement du plafond prévu à l’article 15 de l’annexe X du statut pour les fonctionnaires et agents dont les enfants sont âgés de moins de trois ans, dès lors que, selon eux, s’agissant de l’allocation A, cette disposition est applicable à tous les fonctionnaires et agents affectés dans un pays tiers ayant un enfant de moins de cinq ans.

54      D’autre part, les requérants soutiennent que, en ce qui concerne les enfants ayant entre trois et cinq ans, le guide des délégations limite les possibilités de dépassement du plafond du complément institutionnel à certaines hypothèses particulières et ne tient pas compte des coûts particulièrement élevés supportés par les fonctionnaires et agents affectés dans un pays tiers pour l’éducation de leurs enfants. En refusant de considérer dans ce document le caractère particulièrement onéreux de ces coûts comme une circonstance exceptionnelle, au sens de l’article 15 de l’annexe X du statut, le SEAE aurait commis une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation.

55      Les requérants soutiennent en conséquence que les décisions attaquées sont illégales, dès lors qu’elles sont fondées sur les dispositions illégales figurant dans le guide des délégations.

56      Enfin, en refusant d’envisager tout dépassement du plafond résultant de l’article 15 de l’annexe X du statut, le SEAE aurait omis de prendre en considération l’intérêt des requérants et aurait, ce faisant, méconnu le devoir de sollicitude qui s’impose à l’administration.

57      Le SEAE fait valoir que le moyen n’est pas fondé.

58      Premièrement, il convient d’examiner l’argumentation des requérants fondée sur l’existence d’une erreur de droit commise par le SEAE dans la détermination des cas exceptionnels pouvant justifier un dépassement du plafond prévu à l’article 15 de l’annexe X du statut.

59      L’argumentation des requérants sur ce point repose sur la prémisse selon laquelle le SEAE aurait dû, tant pour les fonctionnaires et agents dont les enfants ont moins de trois ans que pour ceux dont les enfants ont entre trois et cinq ans, faire application de l’article 15 de l’annexe X du statut. Or, ainsi qu’il a été indiqué au point 38 ci-dessus, l’allocation A n’entre pas dans le champ d’application de l’article 15 de l’annexe X du statut. En vertu du statut, les fonctionnaires et agents concernés peuvent prétendre au bénéfice de cette allocation, versée sur une base forfaitaire, selon les modalités prévues à l’article 3, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut. L’article 15 de l’annexe X du statut n’étant pas applicable à l’allocation A, les requérants ne sauraient soutenir que le SEAE était tenu de prévoir, en application de cette disposition, la possibilité d’un dépassement du plafond qu’elle prévoit en cas de circonstances exceptionnelles. Dès lors, ils ne sont pas fondés à soutenir que le SEAE a commis une erreur de droit.

60      Deuxièmement, il convient d’examiner l’argumentation des requérants selon laquelle le SEAE aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que le niveau élevé des frais d’éducation ne pouvait pas constituer un cas exceptionnel justifiant un dépassement du plafond du complément institutionnel.

61      À cet égard, il convient de rappeler que le complément institutionnel résulte d’une initiative propre du SEAE et non d’une obligation découlant du statut et que, en conséquence, le SEAE disposait d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer les modalités d’octroi de cet avantage, et notamment les cas dans lesquels un dépassement du plafond de ce complément peut être envisagé. Il découle du large pouvoir d’appréciation reconnu sur ce point au SEAE que les modalités qu’il a définies ne sauraient être remises en cause qu’en cas d’erreur manifeste d’appréciation (voir, par analogie, arrêt du 7 février 2019, RK/Conseil, T‑11/17, EU:T:2019:65, point 141).

62      En l’espèce, les requérants critiquent le choix du SEAE de limiter la possibilité d’un dépassement du plafond du complément institutionnel à des cas limitativement énumérés, parmi lesquels ne figure pas le coût particulièrement élevé des frais que les fonctionnaires et agents affectés dans un pays tiers seraient amenés à supporter pour l’éducation de leurs enfants.

63      Toutefois, il convient de relever que le SEAE pouvait tenir compte des contraintes budgétaires auxquelles il est soumis et décider en conséquence de limiter le nombre des cas exceptionnels justifiant un dépassement du plafond du complément institutionnel (voir, par analogie, arrêt du 25 octobre 2018, PO e.a./SEAE, T‑729/16, EU:T:2018:721, point 72).

64      De même, il convient d’observer que, en mettant en œuvre le complément institutionnel, le SEAE a entendu compenser le fait que le législateur de l’Union n’a pas, pour les enfants de moins de cinq ans, prévu d’assistance financière, spécifique et modulée, pour aider les fonctionnaires et agents affectés dans un pays tiers exposés à des frais d’éducation préscolaire qui ne seraient pas couverts par l’allocation A. Le complément institutionnel, octroyé dans la limite d’un plafond ne pouvant être dépassé que dans des cas exceptionnels, a donc été mis en place afin de tenir compte du fait que les fonctionnaires et agents affectés hors de l’Union sont, dans de nombreux pays tiers, susceptibles d’être exposés à des frais d’éducation plus élevés que les fonctionnaires et agents en poste au sein de l’Union. Par conséquent, le fait pour le SEAE de ne pas avoir considéré, dans le guide des délégations, le caractère onéreux des frais supportés par ces fonctionnaires et agents comme étant, en tant que tel, un cas exceptionnel justifiant un dépassement de ce plafond ne constitue pas une erreur manifeste d’appréciation.

65      Il résulte des points 58 à 64 ci-dessus que les règles prévues dans le guide des délégations en ce qui concerne les cas pouvant exceptionnellement justifier un dépassement du plafond du complément institutionnel ne sont entachées ni d’une erreur de droit ni d’une erreur manifeste d’appréciation. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à exciper, sur ce point, de l’illégalité des dispositions contenues dans le guide des délégations en vue de contester la légalité des décisions attaquées.

66      Troisièmement, il convient d’examiner l’argumentation des requérants tirée d’une méconnaissance du devoir de sollicitude.

67      Selon une jurisprudence constante, le devoir de sollicitude reflète l’équilibre des droits et obligations réciproques que le statut et, par analogie, le RAA ont créé dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Cet équilibre implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un agent, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi, notamment, de celui de l’agent concerné (arrêts du 7 mai 2019, WP/EUIPO, T‑407/18, non publié, EU:T:2019:290, point 58, et du 30 juin 2021, FD/Entreprise commune Fusion for Energy, T‑641/19, non publié, EU:T:2021:388, point 131). Il ressort également de la jurisprudence que la protection des droits et des intérêts des fonctionnaires doit toujours trouver sa limite dans le respect des normes en vigueur (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2022, WT/Commission, T‑91/20, non publié, EU:T:2022:510, point 92 et jurisprudence citée).

68      En l’espèce, les requérants exposent que le SEAE a exclu tout dépassement du plafond prévu à l’article 15 de l’annexe X du statut pour les enfants de moins de trois ans et a refusé de considérer, dans le cas des enfants ayant entre trois et cinq ans, que le caractère particulièrement onéreux des frais d’éducation pouvait constituer une circonstance exceptionnelle justifiant un dépassement du plafond du complément institutionnel. Ce faisant, le SEAE n’aurait pas pris en compte l’intérêt de ses fonctionnaires et de ses agents, qui consiste à pouvoir exercer leurs fonctions dans des pays tiers en ayant recours à des modes de garde et d’éducation de qualité sans grever leur budget de façon disproportionnée.

69      Toutefois, il convient de relever que l’intérêt des requérants a été pris en compte puisqu’ils ont perçu l’allocation A dans les conditions prévues à l’article 3, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut. En outre, dès lors que le devoir de sollicitude doit être mis en œuvre dans le cadre fixé par les normes en vigueur, les requérants ne sauraient invoquer ce devoir afin de prétendre à l’octroi de cette allocation dans des conditions plus favorables que celles que prévoit le statut.

70      Au surplus, comme le relève le SEAE, le complément institutionnel a été mis en œuvre afin de faire bénéficier le plus grand nombre de ses fonctionnaires et de ses agents d’une prise en charge des frais supportés pour l’éducation de leurs enfants dans des conditions plus favorables que celles résultant de la stricte application du statut, dans la limite de ses possibilités budgétaires. Ce faisant, le SEAE a tenu compte à la fois de l’intérêt du service et de l’intérêt du personnel.

71      Il en résulte que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le devoir de sollicitude a été méconnu.

72      Le troisième moyen doit en conséquence être rejeté.

 Sur le quatrième moyen

73      Les requérants soutiennent que les règles adoptées par le SEAE dans le guide des délégations, même à les supposer conformes à l’article 15 de l’annexe X du statut, sont, en tout état de cause, contraires au principe de non-discrimination. Les décisions attaquées, fondées sur le guide des délégations, seraient en conséquence illégales pour ce motif.  

74      À titre liminaire, il y a lieu d’observer que le principe de non-discrimination invoqué par les requérants doit s’entendre comme renvoyant au principe d’égalité de traitement auquel il peut être assimilé (voir arrêt du 12 mars 2020, XB/BCE, T‑484/18, non publié, EU:T:2020:90, point 49 et jurisprudence citée).

75      Selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement, tel que consacré à l’article 20 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, constitue un principe général du droit de l’Union, qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 30 novembre 2023, MG/BEI, C‑173/22 P, EU:C:2023:932, point 45 et jurisprudence citée).

76      Il ressort également de la jurisprudence que la violation du principe d’égalité de traitement du fait d’un traitement différencié présuppose que les situations visées sont comparables eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Les éléments qui caractérisent différentes situations et ainsi leur caractère comparable doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet des dispositions en cause et du but poursuivi par celles-ci, étant entendu qu’il doit être tenu compte, à cet effet, des principes et des objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (voir arrêt du 30 novembre 2023, MG/BEI, C‑173/22 P, EU:C:2023:932, point 46 et jurisprudence citée).

77      Le quatrième moyen soulevé par les requérants comporte deux branches qu’il convient d’examiner successivement. Les requérants soutiennent en effet que les dispositions du guide des délégations créent une discrimination, d’une part, entre les parents d’enfants âgés de moins de trois ans et ceux d’enfants ayant entre trois et cinq ans et, d’autre part, entre les parents d’enfants âgés de moins de cinq ans et ceux d’enfants âgés de plus de cinq ans.

–       Sur la première branche

78      Les requérants soutiennent que le principe de non-discrimination a été méconnu dès lors que les parents d’enfants âgés de moins de trois ans sont traités de façon moins favorable que ceux d’enfants ayant entre trois et cinq ans.

79      Plus particulièrement, selon les requérants, les fonctionnaires et agents dont les enfants ont entre trois et cinq ans sont susceptibles, en application du guide des délégations, de percevoir une allocation d’un montant trois fois supérieur au montant de l’allocation perçue par les parents d’enfants de moins de trois ans. Or, les requérants soutiennent qu’une telle différence de traitement trouve son origine dans le guide des délégations, alors que l’article 15 de l’annexe X du statut, qui constitue une norme supérieure, poursuit l’objectif d’assurer un traitement non discriminatoire de tous les fonctionnaires et agents affectés dans un pays tiers par rapport aux fonctionnaires et aux agents affectés dans l’Union. Compte tenu de cet objectif et du principe d’unicité de la fonction publique, les fonctionnaires et les agents affectés dans un pays tiers dont les enfants sont âgés de moins de trois ans ne se trouveraient pas dans une situation différente de celle des fonctionnaires et des agents affectés dans un pays tiers dont les enfants ont entre trois et cinq ans.

80      Les requérants ajoutent que ces deux catégories de fonctionnaires et d’agents se trouvent dans une situation comparable dans la mesure où, d’une part, les frais d’éducation ne varieraient pas sensiblement selon que les enfants ont plus ou moins de trois ans et, d’autre part, la possibilité pour les parents d’enfants de moins de trois ans de bénéficier d’un congé parental comporterait également des coûts pour les fonctionnaires et agents concernés.

81      Les requérants soutiennent également que, à supposer qu’elle puisse être objectivement justifiée par l’existence de contraintes budgétaires, la différence de traitement entre les deux catégories de fonctionnaires et d’agents concernées serait, en tout état de cause, manifestement disproportionnée compte tenu de l’écart significatif entre les montants auxquels peuvent prétendre respectivement les fonctionnaires et agents dont les enfants ont entre trois et cinq ans et ceux dont les enfants sont âgés de moins de trois ans.

82      Le SEAE conteste l’existence d’une discrimination entre les fonctionnaires et agents dont les enfants ont entre trois et cinq ans et ceux dont les enfants ont moins de trois ans.

83      Il convient d’emblée de relever que, parmi les requérants, seuls ceux dont l’enfant ou l’un des enfants avait moins de trois ans à la date des décisions attaquées peuvent utilement invoquer, dans le cadre de la première branche du quatrième moyen, l’existence d’une discrimination au détriment des fonctionnaires et agents ayant des enfants de moins de trois ans.

84      Il y a également lieu d’observer que, en prévoyant que le bénéfice du complément institutionnel est réservé aux fonctionnaires et aux agents dont les enfants ont entre trois et cinq ans, le guide des délégations introduit une différence de traitement à l’égard des fonctionnaires et des agents dont les enfants ont moins de trois ans, qui ne bénéficient pas d’un tel avantage.

85      Afin d’apprécier si cette différence de traitement est susceptible de caractériser l’existence d’une discrimination, il convient d’examiner si, au regard des éléments propres à leur situation personnelle, les requérants ayant un enfant de moins de trois ans se trouvent dans une situation comparable à celle des fonctionnaires et des agents du SEAE ayant pu bénéficier du complément institutionnel.

86      Ainsi qu’il a été indiqué au point 76 ci-dessus, il convient d’apprécier le caractère comparable des situations dans lesquelles se trouvent les catégories de fonctionnaires et d’agents considérées à la lumière, notamment, de l’objet de l’acte à l’origine de la différence de traitement en cause et du but poursuivi par celui-ci. En l’espèce, il convient de relever que, à travers la mise en œuvre du complément institutionnel, le SEAE a cherché à remédier au fait que le statut ne permet pas un remboursement des frais liés à l’éducation préscolaire des enfants avant que ces derniers aient atteint l’âge de cinq ans, alors que, dans le cas d’établissements payants, ces frais ne sont pas intégralement couverts par l’allocation A.

87      En vue de démontrer la comparabilité de leur situation avec celle des fonctionnaires et des agents dont les enfants ont entre trois et cinq ans, les requérants ne peuvent utilement invoquer l’objectif poursuivi par l’article 15 de l’annexe X du statut. En effet, cette disposition vise à assurer un traitement non discriminatoire entre les fonctionnaires et agents affectés au sein de l’Union et ceux affectés en dehors de l’Union, alors que la différence de traitement contestée par les requérants est liée à l’âge des enfants des fonctionnaires et des agents concernés et non à leur lieu d’affectation. De même, l’invocation du principe d’unicité de la fonction publique, selon lequel les fonctionnaires de toutes les institutions sont soumis à un statut unique et aux mêmes dispositions, ne peut, contrairement à ce qu’allèguent les requérants, conduire à conclure que différentes catégories de fonctionnaires et d’agents d’une même institution doivent a priori être considérées comme se trouvant dans des situations comparables.

88      Il convient également d’observer, à l’instar du SEAE, que, dans les différents pays d’affectation, c’est généralement à partir de l’âge de trois ans que les enfants commencent à être scolarisés dans une école maternelle ou une structure équivalente et que la scolarisation des enfants est, dans certains pays, obligatoire à partir de cet âge. À l’inverse, les parents ont, pour leurs enfants de moins de trois ans, le choix entre différents modes de garde. Il se déduit de ces éléments que les parents d’enfants de moins de trois ans et ceux d’enfants ayant entre trois et cinq ans ne se trouvent pas, en principe, dans une situation comparable. Il y a également lieu d’observer que, si les requérants soutiennent que la possibilité de bénéficier d’un congé parental entraîne des coûts pour les agents concernés, cela ne signifie pas pour autant que cette possibilité ne peut pas être prise en compte pour apprécier si les parents d’enfants de moins de trois ans se trouvent dans une situation comparable à celle des parents d’enfants ayant entre trois et cinq ans. Enfin, si les requérants exposent qu’ils doivent, pour la garde de leurs enfants, supporter des coûts qui ne varient pas sensiblement en fonction de l’âge de ces derniers, ils ne contestent pas le fait que la scolarisation des enfants en école maternelle, quel que soit le pays considéré, n’intervient généralement pas avant l’âge de trois ans. Il convient également de relever que, si certains des requérants exposent, au point 99 de la requête, qu’ils ont supporté des « frais de scolarité » pour leurs enfants âgés de moins de trois ans, ils ne peuvent, du seul fait de l’emploi de cette expression qui, selon eux, couvre également les frais de crèche et de garderie, être regardés comme alléguant que leurs enfants, bien qu’étant âgés de moins de trois ans, étaient scolarisés dans une école maternelle. En tout état de cause, la fréquentation d’une école maternelle ou d’une structure équivalente par un enfant âgé de moins de trois ans à la date des décisions attaquées n’est pas établie au regard des pièces du dossier.

89      Ainsi, au regard de l’objet du complément institutionnel et du but poursuivi par la mise en œuvre de celui-ci, consistant à apporter une aide financière aux fonctionnaires et aux agents pour couvrir les frais liés à l’éducation préscolaire de leurs enfants avant l’âge de cinq ans, les requérants ayant un enfant de moins de trois ans n’établissent pas qu’ils se trouvent dans une situation comparable à celle des fonctionnaires et des agents dont les enfants ont entre trois et cinq ans.

90      En conséquence, les requérants ayant un enfant de moins de trois ans ne sont pas fondés à soutenir que le guide des délégations méconnaît le principe de non-discrimination à leur égard. Dès lors, ils ne sont pas fondés à exciper, sur ce point, de l’illégalité des dispositions contenues dans le guide des délégations en vue de contester la légalité des décisions attaquées.

91      Il résulte de ce qui précède que la première branche du quatrième moyen doit être rejetée.

–       Sur la seconde branche

92      Les requérants soutiennent que le guide des délégations introduit, s’agissant des modalités de détermination du plafond des allocations, une différence de traitement entre les fonctionnaires et agents dont les enfants ont entre trois et cinq ans et ceux dont les enfants ont plus de cinq ans. Selon les requérants, cette différence de traitement n’est pas objectivement justifiée. Cette différence de traitement serait également disproportionnée par rapport au but recherché par le SEAE, consistant à réduire la charge pesant sur le budget de l’Union.

93      Le SEAE conteste l’existence d’une discrimination entre les fonctionnaires et agents dont les enfants ont entre trois et cinq ans et ceux dont les enfants ont plus de cinq ans.

94      Il convient d’observer que, parmi les requérants, seuls ceux dont l’un des enfants avait entre trois et cinq ans à la date des décisions attaquées peuvent utilement invoquer, dans le cadre de la seconde branche du quatrième moyen, l’existence d’une discrimination entre les parents d’enfants ayant entre trois et cinq ans et ceux d’enfants âgés de plus de cinq ans.

95      Il convient également de relever que les requérants soutiennent que la différence de traitement qu’ils contestent résulte du fait que le SEAE a, pour les enfants ayant entre trois et cinq ans, déterminé le plafond du complément institutionnel selon une formule qui ne prévoit pas, contrairement à ce qui est prévu pour les enfants de plus de cinq ans, un plafond correspondant à trois fois le double du plafond de l’allocation B. Les requérants considèrent ainsi que les dispositions du guide des délégations relatives au plafond du complément institutionnel sont à l’origine de la discrimination alléguée.

96      Toutefois, il y a lieu d’observer que, s’agissant des modalités de détermination du plafond de l’allocation B, le guide des délégations se borne à reprendre les dispositions de l’article 15 de l’annexe X du statut, qui prévoit que les fonctionnaires et agents affectés dans un pays tiers bénéficient d’un remboursement des frais de scolarité dans la limite d’un plafond correspondant à trois fois le double plafond de cette allocation. De même, il résulte de ce qui a été indiqué aux points 21 à 38 ci-dessus que le guide des délégations fait une correcte application du statut en ce qu’il prévoit que les fonctionnaires et agents dont les enfants ont moins de cinq ans peuvent prétendre au bénéfice de l’allocation A selon les modalités prévues à l’article 3, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut et que l’article 15 de l’annexe X dudit statut n’est pas applicable de plein droit à l’allocation A.

97      Dès lors, si les requérants soutiennent que le guide des délégations prévoit, pour les fonctionnaires et agents dont les enfants ont entre trois et cinq ans, des modalités de calcul de l’allocation A qui ne sont pas équivalentes à celles prévues pour l’octroi de l’allocation B aux fonctionnaires et aux agents dont les enfants ont plus de cinq ans, la différence de traitement contestée résulte de l’application du statut lui-même, et non du guide des délégations.

98      Par conséquent, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le guide des délégations crée une différence de traitement injustifiée entre les fonctionnaires et agents dont les enfants ont moins de cinq ans et ceux dont les enfants ont plus de cinq ans.

99      Il convient par ailleurs de relever que, dans le cadre de leur recours, les requérants n’excipent pas de l’illégalité de l’article 15 de l’annexe X du statut ni même de l’article 3 de l’annexe VII du statut, en soutenant que ces dispositions seraient à l’origine d’une discrimination à l’égard des fonctionnaires et des agents affectés dans un pays tiers dont les enfants ont moins de cinq ans.

100    Il résulte de ce qui précède que la seconde branche du quatrième moyen doit être rejetée.

101    Aucun des moyens soulevés par les requérants n’étant fondé, il convient de rejeter les conclusions en annulation.

 Sur les conclusions à caractère pécuniaire

102    Les requérants demandent au Tribunal, en vertu de sa compétence de pleine juridiction, de reconnaître, pour leurs enfants âgés de moins de cinq ans, leur droit au bénéfice de l’allocation A, calculée selon les modalités prévues à l’article 15 de l’annexe X du statut.

103    Toutefois, dès lors que les conclusions en annulation ont été rejetées, aucun des moyens invoqués n’étant fondé, les conclusions à caractère pécuniaire présentées par les requérants doivent être rejetées par voie de conséquence.

 Sur les dépens

104    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

105    Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par le SEAE, conformément aux conclusions de celui-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      UL et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe supporteront, outre leurs propres dépens, ceux exposés par le Service européen pour l’action extérieure (SEAE).

Porchia

Jaeger

Madise

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 février 2025.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.


2      La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties et aux destinataires visés à l’article 55 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

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