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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Tokareva v Council (Common foreign and security policy – Restrictive measures taken in respect of actions undermining or threatening the territorial integrity, sovereignty and independence of Ukraine - Judgment) French Text [2025] EUECJ T-269/24 (26 February 2025) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2025/T26924.html Cite as: [2025] EUECJ T-269/24, EU:T:2025:179, ECLI:EU:T:2025:179 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
26 février 2025 (*)
« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine – Gel des fonds – Liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Maintien du nom du requérant sur la liste – Notion d’“avantage tiré d’un homme d’affaires influent exerçant des activités en Russie” – Article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145/PESC – Erreur d’appréciation – Responsabilité non contractuelle »
Dans l’affaire T‑269/24,
Maya Tokareva, demeurant à Moscou (Russie), représentée par Mes T. Bontinck, M. Brésart et J. Goffin, avocats,
partie requérante,
contre
Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme M.-C. Cadilhac et M. V. Piessevaux, en qualité d’agents, assistés de Me B. Maingain, avocat,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (première chambre),
composé de M. R. Mastroianni, président, Mme M. Brkan (rapporteure) et M. I. Gâlea, juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
vu la phase écrite de la procédure,
vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours, la requérante, Mme Maya Tokareva, demande, d’une part, sur le fondement de l’article 263 TFUE, l’annulation, en premier lieu, de la décision (PESC) 2024/847 du Conseil, du 12 mars 2024, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO L, 2024/847), ainsi que du règlement d’exécution (UE) 2024/849 du Conseil, du 12 mars 2024, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO L, 2024/849) (ci-après, pris ensemble, les « actes de maintien de mars 2024 »), et, en second lieu, de la décision (PESC) 2024/2456 du Conseil, du 12 septembre 2024, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO L, 2024/2456), ainsi que du règlement d’exécution (UE) 2024/2455 du Conseil, du 12 septembre 2024, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO L, 2024/2455) (ci-après, pris ensemble, les « actes de maintien de septembre 2024 »), en tant que ces actes et les actes de maintien de mars 2024 (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués »), maintiennent son nom sur les listes annexées auxdits actes et, d’autre part, sur le fondement de l’article 268 TFUE, la réparation du préjudice qu’elle aurait subi du fait de l’adoption des actes attaqués.
Antécédents du litige
2 La requérante est une ressortissante de nationalité russe et chypriote.
3 La présente affaire s’inscrit dans le contexte des mesures restrictives décidées par l’Union européenne eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.
4 Le 17 mars 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2014/145/PESC, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 16). À la même date, il a adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, le règlement (UE) no 269/2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 6).
5 Le 25 février 2022, au vu de la gravité de la situation en Ukraine, le Conseil a adopté, d’une part, la décision (PESC) 2022/329, modifiant la décision 2014/145 (JO 2022, L 50, p. 1), et, d’autre part, le règlement (UE) 2022/330, modifiant le règlement no 269/2014 (JO 2022, L 51, p. 1), afin notamment d’amender les critères en application desquels des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes pouvaient être visés par les mesures restrictives en cause
6 Par la décision (PESC) 2022/1272 du Conseil, du 21 juillet 2022, modifiant la décision 2014/145 (JO 2022, L 193, p. 219), et le règlement d’exécution (UE) 2022/1270 du Conseil, du 21 juillet 2022, mettant en œuvre le règlement no 269/2014 (JO 2022, L 193, p. 133), le nom de la requérante a été ajouté, respectivement, à la liste annexée à la décision 2014/145 et à celle figurant à l’annexe I du règlement no 269/2014 (ci-après les « listes litigieuses »), sur le fondement du critère prévu à l’article 2, paragraphe 1, in fine, de la décision 2014/145 dans sa version modifiée par la décision 2022/329 (ci-après le « critère de la personne associée »).
7 Par la décision (PESC) 2022/1530 du Conseil, du 14 septembre 2022, modifiant la décision 2014/145 (JO 2022, L 239, p. 149), et du règlement d’exécution (UE) 2022/1529 du Conseil, du 14 septembre 2022, mettant en œuvre le règlement no 269/2014 (JO 2022, L 239, p. 1) (ci-après, pris ensemble, « les actes de septembre 2022 »), le nom de la requérante a été maintenu sur les listes litigieuses jusqu’au 15 mars 2023 sur le fondement du critère prévu à l’article 2, paragraphe 1, in fine, de la décision 2014/145 dans sa version modifiée par la décision 2022/329.
8 Le 30 septembre 2022, le Conseil a transmis à la requérante le dossier portant la référence WK 10502/2022 INIT du 15 juillet 2022 (ci-après le « premier dossier de preuves »).
9 Par la décision (PESC) 2023/572 du Conseil, du 13 mars 2023, modifiant la décision 2014/145 (JO 2023, L 75 I, p. 134), et du règlement d’exécution (UE) 2023/571 du Conseil, du 13 mars 2023, mettant en œuvre le règlement no 269/2014 (JO 2023, L 75 I, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de mars 2023 »), le nom de la requérante a été maintenu sur les listes litigieuses jusqu’au 15 septembre 2023 sur le fondement du critère de la personne associée.
10 Par un courriel du 31 mars 2023, le Conseil a envoyé une lettre à la requérante l’informant de ce que les éléments sur lesquels il s’était fondé pour justifier le maintien de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses figuraient dans les dossiers portant la référence WK 1128/2023 INIT du 25 janvier 2023 (ci-après le « deuxième dossier de preuves »), WK 1128/2023 ADD 1 du 27 janvier 2023 (ci-après le « troisième dossier de preuves » et WK 1128/2023 ADD 2 du 30 janvier 2023 (ci-après le « quatrième dossier de preuves »).
11 Le 5 juin 2023, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2023/1094, modifiant la décision 2014/145 (JO 2023, L 146, p. 20). Par cette décision, il a modifié l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 de la manière suivante :
« 1. Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant :
[…]
g) à des femmes et hommes d’affaires influents exerçant des activités en Russie et aux membres de leur famille proche ou à d’autres personnes physiques, qui en tirent avantage, ou à des femmes et hommes d’affaires, des personnes morales, des entités ou des organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine […] »
12 Par un courrier du 19 juin 2023, le Conseil a notamment transmis à la requérante le dossier WK 8181/2023 INIT, du 15 juin 2023 (ci-après le « cinquième dossier de preuves »).
13 Par un courrier du 10 juillet 2023, le Conseil a notamment transmis à la requérante le dossier WK 8990/2023 REV 1 du 4 juillet 2023, relatif à des informations additionnelles la concernant (ci-après le « sixième dossier de preuves »).
14 Par la décision (PESC) 2023/1767 du Conseil, du 13 septembre 2023, modifiant la décision 2014/145 (JO 2023, L 226, p. 104), et du règlement d’exécution (UE) 2023/1765 du Conseil, du 13 septembre 2023, mettant en œuvre le règlement no 269/2014 (JO 2023, L 226, p. 3) (ci-après, pris ensemble, les « actes de maintien de septembre 2023 »), le nom de la requérante a été maintenu sur les listes litigieuses pour les motifs suivants :
« [La requérante] est la fille de Nikolay Tokarev, le PDG de Transneft, grande compagnie pétrolière et gazière russe. [La requérante] et son ex-mari, Andrei Bolotov, possèdent des biens immobiliers de luxe à Moscou, en Lettonie et en Croatie, d’une valeur supérieure à 50 millions de dollars US, qui peuvent être liés à Nikolay Tokarev. Elle a également des liens avec la société Ronin, qui gère le fonds de pension de Transneft. Lorsqu’elle a demandé la citoyenneté chypriote, elle a indiqué l’adresse de Ronin Europe comme étant la sienne dans l’annonce parue dans la presse. En outre, elle est liée au Ronin Trust, qui gère le fonds de pension de Transneft, par l’intermédiaire de sa société immobilière Ostozhenka 19 (anciennement appelée RPA Est[ate]). [La requérante] est donc membre de la famille proche de Nikolay Tokarev, un homme d’affaires influent exerçant des activités en Russie, et elle en tire avantage ».
15 Par un courrier du 6 octobre 2023, en réponse à une demande formulée par la requérante le 18 septembre 2023, le Conseil a confirmé à cette dernière que l’ensemble des éléments du dossier lui avait été communiqué.
16 Par un courrier du 20 octobre 2023, la requérante a présenté une demande de réexamen auprès du Conseil.
17 Par les actes de mars 2024, le nom de la requérante a été maintenu sur les listes litigieuses pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 14 ci-dessus.
Faits postérieurs à l’introduction du recours
18 Le 31 mai 2024, la requérante a présenté une demande de réexamen auprès du Conseil.
19 Par l’arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil (T‑744/22, EU:T:2024:608), le Tribunal a, d’une part, annulé les actes de septembre 2022, de mars 2023 et de septembre 2023 et, d’autre part, rejeté la demande en indemnité présentée par la requérante.
20 Par un courriel du 11 septembre 2024, réceptionné par le Conseil le 12 septembre 2024, la requérante a demandé à ce dernier de retirer son nom des listes litigieuses.
21 Le 12 septembre 2024, le Conseil a adopté les actes de septembre 2024 par lesquels il a maintenu le nom de la requérante sur les listes litigieuses pour les mêmes motifs que ceux rappelés au point 14 ci-dessus.
22 Par un courrier du 13 septembre 2024, le Conseil a informé la requérante de sa décision de maintenir l’inscription de son nom sur les listes litigieuses et a répondu à ses observations transmises le 31 mai 2024.
Conclusions des parties
23 La requérante conclut, dans le dernier état de ses écritures, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler les actes attaqués en tant qu’ils la concernent ;
– condamner le Conseil à lui verser une somme de 1 000 000 euros au titre de l’indemnisation de son préjudice moral résultant de l’adoption des actes attaqués ;
– condamner le Conseil aux dépens.
24 Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter la demande en annulation ;
– rejeter la demande en indemnité ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
Sur la demande d'annulation des actes attaqués
25 À l’appui de son recours, la requérante soulève, en substance, cinq moyens.
26 Dans la requête, la requérante soulève quatre moyens pour contester la légalité des actes de maintien de mars 2024. Le premier est tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective et de l’obligation de motivation. Le deuxième est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation. Le troisième est tiré d’une violation du principe de proportionnalité et des droits fondamentaux. Le quatrième est tiré d’une violation du principe de sécurité juridique.
27 En outre, si la requérante a soulevé, à titre subsidiaire, dans le deuxième moyen de sa requête, un grief tiré d’une exception d’illégalité du critère désignant les personnes qui tirent avantage d’une femme ou d’un homme d’affaires influents exerçant des activités en Russie, prévu dans le deuxième volet de l’article 1er, paragraphe 1, sous e), et de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145, telle que modifiée par la décision 2023/1094 [ci-après le « deuxième volet du critère g) modifié »], à la suite de l’arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil (T‑744/22, EU:T:2024:608), elle a décidé de renoncer à se prévaloir de cette exception d’illégalité dans le cadre de la présente procédure.
28 Par ailleurs, dans le mémoire en adaptation, par lequel la requérante conteste la légalité des actes de maintien de septembre 2024, est soulevé un cinquième moyen tiré d’une violation des droits de la défense et de l’irrégularité de la procédure de renouvellement.
29 Le Tribunal juge opportun d’examiner d’abord le deuxième moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation.
Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation
30 La requérante fait valoir, en substance, que sa situation personnelle ne relève pas du deuxième volet du critère g) modifié et que le Conseil ne dispose pas d’une base factuelle suffisante pour justifier le maintien de son nom sur les listes litigieuses sur ce fondement. En particulier, elle considère que le Conseil n’avance pas d’indices suffisamment concrets, précis et concordants de nature à établir qu’elle tirerait avantage de son père. En effet, elle conteste les faits mentionnés dans les motifs d’inscription des actes attaqués, à savoir, d’une part, celui selon lequel ses biens immobiliers pourraient être liés à son père et, d’autre part, celui selon lequel elle aurait des liens avec la société Ronin qui gèrerait le fonds de pension de Transneft. En outre, elle considère que le Conseil ne saurait se fonder sur les allégations qui ressortiraient de certaines preuves faisant état de fraudes impliquant son père et elle-même étant donné que ces éléments factuels ne peuvent se rattacher aux motifs d’inscription. En tout état de cause, elle soutient que les faits allégués sont anciens et constituent des allégations manifestement erronées.
31 Dans la réplique, la requérante fait valoir que son recours devrait être regardé comme manifestement fondé étant donné que les motifs des actes attaqués sont identiques à ceux des actes de maintien de septembre 2023 qui ont été annulés par l’arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil (T‑744/22, EU:T:2024:608) et au motif que le Conseil n’a fourni aucun élément nouveau pour étayer le bien-fondé des actes attaqués. De plus, dans la réplique, tout comme dans le mémoire en adaptation, elle soutient, en substance, que les arguments du Conseil pour justifier le maintien de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses devraient être écartés sur le fondement des mêmes motifs que ceux retenus dans cet arrêt.
32 Le Conseil conteste cette argumentation.
33 Il soutient que les dossiers de preuves font état d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants attestant que la situation personnelle de la requérante relève du deuxième volet du critère g) modifié.
34 En ce qui concerne l’avantage tiré par la requérante de son père, premièrement, le Conseil estime que certaines pièces des dossiers de preuves font référence à un développement d’affaires en famille et à des liens entre la fortune de la requérante et les fonctions de président-directeur général de Transneft exercées par son père ainsi qu’à la proximité de ce dernier avec le président Vladimir Poutine.
35 Deuxièmement, le Conseil considère que des éléments de preuve mettent en évidence que la requérante a développé un important patrimoine immobilier en Russie dans le cadre d’un schéma de gestion familiale. Tel serait notamment le cas des biens immobiliers situés à Moscou, à savoir la maison à Moscou détenue par la société Osthozhenka 19 ainsi qu’un appartement sis rue de Bryusov. Selon le Conseil, le fait que la requérante occupe les fonctions de présidente du conseil d’administration de la copropriété Home on Bryusov constitue un indice attestant de son implication active dans le secteur de l’immobilier de luxe. De plus, s’agissant de biens immobiliers situés en Russie, le Conseil considère qu’il convient de tenir compte des participations détenues par la requérante dans RPA Hotel Management. Par ailleurs, le Conseil soutient que la requérante est propriétaire du complexe immobilier Gelendzhhik resort Complex-Meridian avec M. Serguei Chemezov qui appartient à une famille proche du président Vladimir Poutine, ce qui corrobore l’hypothèse d’un lien entre la fortune de la requérante et les liens de proximité de son père avec le président de la Fédération de Russie.
36 Troisièmement, le Conseil considère également que, dans le cadre d’un schéma de gestion familiale des affaires, la requérante a également acquis un important patrimoine immobilier en dehors de la Russie. Tel serait notamment le cas de biens immobiliers détenus par cette dernière en Croatie, à savoir la Villa Karolina et une maison à Lošinj, qui seraient liés à des montages de sociétés impliquant des membres de la famille Tokarev. Il estime également qu’il doit être tenu compte d’un bien immobilier que la requérante détenait avec son ex-époux en Lettonie et qui aurait été lié à des contrats de Transneft dont les sociétés de son ex-époux avaient bénéficié.
37 Quatrièmement, le Conseil soutient qu’il ressort de certains éléments de preuve que la requérante a développé des activités dans le secteur pharmaceutique en tirant avantage de son père.
38 Cinquièmement, le Conseil considère que la requérante est liée à la société Ronin, qui est une société sous-traitante de Transneft qui gère le fonds de pension de cette dernière.
39 Sixièmement, le Conseil fait valoir que la requérante a développé des affaires avec des familles amies de son père. À cet égard, il cite l’exemple du complexe immobilier Gelendzhik ressort complex – Meridian qu’elle détient avec M. Chemezov. Selon le Conseil, les éléments de preuve font état de liens entre les familles Tokarev, Bolotov et Chemezov.
40 Septièmement, le Conseil se prévaut également du fait que le « clan Tokarev » soit mentionné dans des affaires de corruption.
41 À cet égard, en premier lieu, il importe de relever que le deuxième moyen soulevé par la requérante doit être considéré comme étant tiré d’une erreur d’appréciation, et non d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, s’il est vrai que le Conseil dispose d’un certain pouvoir d’appréciation pour déterminer, au cas par cas, si les critères juridiques sur lesquels se fondent les mesures restrictives en cause sont satisfaits, il n’en reste pas moins que les juridictions de l’Union doivent assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 121 et jurisprudence citée).
42 L’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne exige, notamment, que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme étant suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119, et du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 62).
43 Une telle appréciation doit être effectuée en examinant les éléments de preuve et d’information non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre la personne ou l’entité sujette à une mesure de gel de ses fonds et le régime ou, en général, les situations combattues (voir arrêt du 20 juillet 2017, Badica et Kardiam/Conseil, T‑619/15, EU:T:2017:532, point 99 et jurisprudence citée ; arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, points 63 et 66).
44 C’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs. À cette fin, il n’est pas requis que le Conseil produise devant le juge de l’Union l’ensemble des informations et des éléments de preuve inhérents aux motifs allégués dans l’acte dont il est demandé l’annulation. Il importe que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 121 et 122, et du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, points 66 et 67).
45 Dans cette hypothèse, il incombe au juge de l’Union de vérifier l’exactitude matérielle des faits allégués au regard de ces informations ou de ces éléments et d’apprécier la force probante de ces derniers en fonction des circonstances de l’espèce et à la lumière des éventuelles observations présentées, notamment, par la personne ou l’entité concernée à leur sujet (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 124).
46 S’agissant, plus particulièrement, du contrôle de légalité exercé sur les actes de maintien du nom de la personne concernée sur les listes litigieuses, il convient de rappeler que les mesures restrictives ont une nature conservatoire et, par définition, provisoire, dont la validité est toujours subordonnée à la perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à leur adoption ainsi qu’à la nécessité de leur maintien en vue de la réalisation de l’objectif qui leur est associé. C’est ainsi qu’il incombe au Conseil, lors du réexamen périodique de ces mesures, de procéder à une appréciation actualisée de la situation et d’établir un bilan de l’incidence de telles mesures, en vue de déterminer si elles ont permis d’atteindre les objectifs visés par l’inscription initiale des noms des personnes et des entités concernées sur les listes litigieuses ou s’il est toujours possible de tirer la même conclusion concernant lesdites personnes et entités (voir arrêt du 27 avril 2022, Ilunga Luyoyo/Conseil, T‑108/21, EU:T:2022:253, point 55 et jurisprudence citée ; arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 67).
47 Il en résulte que, pour justifier le maintien du nom d’une personne sur une liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives, il n’est pas interdit au Conseil de se fonder sur les mêmes éléments de preuve ayant justifié l’inscription initiale, la réinscription ou le maintien précédent du nom de cette personne sur ladite liste, pour autant que, d’une part, les motifs d’inscription demeurent inchangés et, d’autre part, le contexte n’a pas évolué d’une manière telle que ces éléments de preuve seraient devenus obsolètes (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 99). À ce titre, l’évolution du contexte inclut la prise en considération, d’une part, de la situation du pays à l’égard duquel le système de mesures restrictives a été établi ainsi que de la situation particulière de la personne concernée (arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 78 ; voir également, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 101), et, d’autre part, de l’ensemble des circonstances pertinentes et, notamment, la réalisation des objectifs visés par les mesures restrictives (arrêt du 27 avril 2022, Ilunga Luyoyo/Conseil, T‑108/21, EU:T:2022:253, point 56 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, points 82 à 84 et jurisprudence citée).
48 En deuxième lieu, il convient de relever que, dans les actes attaqués, le nom de la requérante a été maintenu sur les listes litigieuses sur le fondement du deuxième volet du critère g) modifié, lequel permet l’inscription des membres de la famille proche ou d’autres personnes qui tirent avantage d’une femme ou d’un homme d’affaires influents exerçant des activités en Russie.
49 À cet égard, il importe de rappeler que, même si le préambule d’un acte de l’Union n’a pas de valeur juridique contraignante et ne saurait être invoqué ni pour déroger aux dispositions mêmes de l’acte concerné ni pour interpréter ces dispositions dans un sens contraire à leur libellé, il est susceptible d’en préciser le contenu, les considérants qui figurent dans ce préambule constituant des éléments d’interprétation importants de nature à éclairer sur la volonté de l’auteur de cet acte (voir arrêt du 26 janvier 2021, Hessischer Rundfunk, C‑422/19 et C‑423/19, EU:C:2021:63, point 64 et jurisprudence citée).
50 En l’occurrence, selon le considérant 5 de la décision 2023/1094, ce critère de désignation a été introduit afin d’accroître la pression exercée sur le gouvernement de la Fédération de Russie ainsi que pour éviter le risque de contournement des mesures restrictives. En particulier, il ressort, en substance, de ce considérant que la nécessité d’une désignation des membres de la famille proche ou d’autres personnes qui tirent avantage de femmes ou d’hommes d’affaires influents exerçant des activités en Russie a été justifiée par le fait que ces derniers répartissaient leurs fonds et avoirs entre les membres de leur famille proche et d’autres personnes, notamment dans le but de dissimuler ces actifs, de contourner les mesures restrictives et de garder le contrôle des ressources dont ils disposaient (arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil, T‑744/22, EU:T:2024:608, point 141).
51 Ainsi, la notion d’« avantage », au sens du deuxième volet du critère g) modifié, doit être interprétée en tenant compte des objectifs visés par ce critère, énoncés au point 50 ci-dessus, lesquels impliquent un accroissement du coût des actions de la Fédération de Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine. Dès lors, l’avantage au sens de cette disposition vise tout avantage de quelque nature que ce soit, qui n’est pas nécessairement indu, mais qui doit être quantitativement ou qualitativement non négligeable. Il peut donc s’agir d’un avantage financier ou non financier, tel qu’un don, un transfert de fonds ou de ressources économiques, une intervention en vue de favoriser l’attribution de contrats publics, une nomination ou une promotion. Par ailleurs, eu égard à l’objectif d’éviter les pratiques de contournement des mesures restrictives, expressément visé au considérant 5 de la décision 2023/1094, peuvent également relever du deuxième volet du critère g) modifié les avantages octroyés par les femmes ou les hommes d’affaires influents exerçant une activité en Russie dans une situation susceptible de conduire à un contournement des mesures restrictives qui les visent (arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil, T‑744/22, EU:T:2024:608, point 142).
52 Dès lors, d’une part, c’est à tort que la requérante soutient que la notion d’« avantage » au sens du deuxième volet du critère g) modifié devrait se limiter aux seuls avantages sous forme de transferts de fonds dans un but de contournement des mesures restrictives. En effet, une limitation de la notion d’« avantage » aux seuls transferts de fonds ne ressort pas du libellé de ce critère et ne permettrait pas d’appréhender les multiples formes qu’est susceptible de revêtir un avantage. En outre, si une situation susceptible de conduire à un contournement peut justifier l’existence d’un avantage au sens du deuxième volet du critère g) modifié, la preuve d’une telle situation ne doit pas nécessairement être rapportée par le Conseil aux fins de l’inscription du nom d’une personne sur les listes litigieuses au titre dudit critère. D’autre part, le Conseil ne saurait faire valoir que le deuxième volet du critère g) modifié devrait être entendu dans un sens similaire à celui du critère de la personne associée, en tant qu’il viserait des personnes liées par des intérêts communs. En effet, une telle interprétation aurait pour effet de priver le deuxième volet du critère g) modifié d’effet utile en ce qu’il perdrait tout intérêt par rapport au critère de la personne associée lorsque celui-ci est appliqué en relation avec une personne inscrite sur la base du critère g) (arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil, T‑744/22, EU:T:2024:608, point 143).
53 En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, les avantages visés par le deuxième volet du critère g) modifié ne sauraient se limiter aux avantages accordés, à une date concomitante à leur désignation sur les listes litigieuses, par des femmes ou des hommes d’affaires influents exerçant des activités en Russie à un membre de leur famille proche ou à d’autres personnes. En effet, une telle limitation temporelle des avantages susceptibles d’être pris en considération afin de permettre l’application dudit critère ne ressort pas du libellé de la disposition qui prévoit ce critère. En outre, une telle interprétation limitative proposée par la requérante serait incompatible avec les objectifs poursuivis par l’introduction dudit critère, lesquels visent à accroître la pression exercée sur le gouvernement de la Fédération de Russie et à éviter le risque de contournement des mesures restrictives, notamment par des avantages accordés par des femmes et des hommes d’affaires influents avant l’inscription de leur nom sur les listes litigieuses (arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil, T‑744/22, EU:T:2024:608, point 144).
54 Il n’en demeure pas moins que les circonstances de l’octroi de l’avantage et l’écoulement du temps entre l’octroi d’un avantage par une femme ou un homme d’affaires ayant des activités en Russie et la date d’inscription du nom de ces derniers sur les listes litigieuses sont des éléments à prendre en compte pour apprécier le bien-fondé de l’inscription, sur lesdites listes, du nom de la personne qui a reçu cet avantage. En tout état de cause, l’avantage reçu par la personne dont le nom est inscrit sur les listes litigieuses au titre du deuxième volet du critère g) modifié, ou à tout le moins ses conséquences, doit demeurer au moment de l’adoption des mesures restrictives à l’encontre de ladite personne (arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil, T‑744/22, EU:T:2024:608, point 145).
55 De plus, l’interprétation du deuxième volet du critère g) modifié doit être conforme au principe de sécurité juridique. Il y a lieu de rappeler que le régime des mesures restrictives eu égard à la situation en Ukraine a été mis en œuvre, d’abord, par l’adoption de la décision 2014/145, en réaction à l’annexion de la Crimée et à la déstabilisation de l’est de l’Ukraine survenues à la fin du mois de février 2014, puis par une consolidation progressive dudit régime afin de l’adapter en fonction de la gravité des atteintes, par la Fédération de Russie, à l’intégrité territoriale, à la souveraineté et à l’indépendance de l’Ukraine. Il en résulte que, étant donné que les mesures restrictives en cause s’inscrivent dans la continuité de la réaction de l’Union aux politiques et aux activités des autorités russes concernant spécifiquement l’Ukraine, amorcées par l’annexion de la Crimée, le Conseil ne saurait, au titre du second volet du critère g) modifié, se prévaloir d’avantages dont l’octroi, par des femmes ou des hommes d’affaires influents aux membres de leur famille proche ou à d’autres personnes, est antérieur la fin du mois de février 2014 (arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil, T‑744/22, EU:T:2024:608, point 146).
56 En troisième lieu, étant donné que les motifs d’inscription des actes de maintien de mars 2024 et des actes de maintien de septembre 2024 sont identiques et que l’ensemble des actes attaqués se fondent sur les mêmes éléments de preuve, il n’y a pas lieu d’opérer une distinction entre, d’une part, les actes de mars 2024 et, d’autre part, les actes de septembre 2024.
57 C’est à l’aune des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner si le Conseil disposait d’une base factuelle suffisante pour justifier, dans les actes attaqués, l’application du deuxième volet du critère g) modifié à la requérante.
58 Pour justifier, par l’adoption des actes attaqués, le maintien de l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses sur le fondement du deuxième volet du critère g) modifié, le Conseil s’est fondé sur les éléments figurant dans six dossiers de preuves.
59 Le premier dossier de preuves contient les éléments suivants :
– un article publié le 5 mars 2022 sur le site Internet de Total Croatia News, intitulé « Les États-Unis bloquent la société de la fille d’un oligarque russe, propriétaire d’une villa à Lošinj », consulté le 5 avril 2022 (pièce no 1) ;
– un communiqué de presse du United States Department of the Treasury (département du Trésor des États-Unis d’Amérique), publié le 3 mars 2022, relatif aux sanctions adoptées contre des personnes et des institutions russes, consulté le 5 avril 2022 (pièce no 2) ;
– un article publié le 10 mars 2022 sur le site Internet du Evening Standard, intitulé « Quels oligarques russes ont été ajoutés à la liste des sanctions du Royaume-Uni ? », consulté le 7 avril 2022 (pièce no 3) ;
– une page du site Internet de l’Australian Department of Foreign Affairs and Trade (ministère des Affaires étrangères et du Commerce australien), publiée le 13 mars 2022, relative aux sanctions appliquées à la Russie, consultée le 7 avril 2022 (pièce no 4) ;
– un article publié le 6 mars 2022 sur le site Internet du World Law Group, intitulé « États-Unis : Les États-Unis imposent des sanctions supplémentaires et un contrôle des exportations à la Russie et au Bélarus », consulté le 7 avril 2022 (pièce no 5) ;
– un article publié le 4 mars 2022 sur le site Internet du Imperijal, intitulé « Les Russes sur liste noire font des affaires aux côtés de Plenkovic et du HDZ, ils ont aussi une villa impériale à Mali Lošinj », consulté le 7 avril 2022 (pièce no 6) ;
– des captures d’écran d’une page du site Internet « whoiswhopersona.info », consultée le 11 avril 2022 (pièce no 7) ;
– une page du site Internet du gouvernement du Canada, publiée le 24 février 2022, relative aux mesures économiques additionnelles adoptées en réponse à l’agression de l’Ukraine par la Russie, consultée le 11 avril 2022 (pièce no 8) ;
– une page du site Internet « acompromat.com » relative à la requérante, consultée le 11 avril 2022 (pièce no 9) ;
– une page du site Internet Wikipedia, publiée le 23 mars 2022, relative à M. Nikolay Tokarev, consultée le 5 avril 2022 (pièce no 10) ;
– un article publié le 15 mars 2022 sur le site Internet de Infobae, intitulé « Le Royaume-Uni annonce des sanctions à l’encontre de 350 autres personnes et entités russes », consulté le 5 avril 2022 (pièce no 11) ;
– un extrait d’une enquête réalisée par l’Organised Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP, Projet d’information sur la criminalité organisée et la corruption), publiée le 24 décembre 2016, intitulée « Les amis prospèrent grâce à la proximité du pouvoir de Poutine », consultée le 5 avril 2022 (pièce no 12) ;
– un article publié le 29 décembre 2016 sur le site Internet de LSM, intitulé « Lien entre l’immeuble de Jūrmala et l’ami de Poutine », consulté le 5 avril 2022 (pièce no 13) ;
– une page du site Internet du Russian Asset Tracker relative à la société Katina, consultée le 12 avril 2022 (pièce no 14) ;
– un article publié 27 novembre 2016 sur le site Internet d’information Meduza, intitulé « Un gendre très riche. Comment s’organisent les affaires des proches du directeur de Transneft Nikolai Tokarev ? », consulté le 17 mai 2022 (pièce no 15) ;
– un article publié le 28 août 2020 sur le site Internet de News Rambler, intitulé « Sortie de Shmatko vers le ‟méridien” de Guelendjik », consulté le 20 mai 2022 (pièce no 16) ;
– un article publié le 15 octobre 2019 sur le site Internet de Moscow Post, intitulé « Nikolai Tokarev et sa société Transneft n’ont pas réussi à rejeter la responsabilité de la qualité du pétrole sur leurs adversaires », consulté le 20 mai 2022 (pièce no 17) ;
– un article publié le 26 décembre 2011 sur le site de RU Politika, intitulé « Golden daughter of Transneft CEO Nikolai Tokarev » (La fille en or du PDG de Transneft Nikolai Tokarev), consulté le 11 juillet 2022 (pièce no 18).
60 Le deuxième dossier de preuves contient les éléments suivants :
– une page du site Internet List-Org relative à la requérante, dont la date de publication n’est pas précisée, consultée le 19 janvier 2023 (pièce no 1) ;
– une page du site Internet List-Org relative à la société GKK merdian, publiée en octobre 2022, consultée le 19 janvier 2023 (pièce no 2) ;
– une page du site Internet List-Org relative à la société Ostozhenka 19, dont la date de publication n’est pas précisée, consultée le 19 janvier 2023 (pièce no 3) ;
– un article publié le 28 août 2020 sur le site Internet du Moscow Post, intitulé « Sortie de Shmatko vers le ‟meridian” de Gelendzhik : Le complexe touristique de Gelendzhik Meridian a rassemblé la crème des milieux d’affaires autour de l’ex-ministre de l’Énergie Sergei Shmatko et des enfants de Tokarev et Chemezov. Manturov rejoindra-t-il le trio ? », consulté le 19 janvier 2023 (pièce no 4) ;
– des captures d’écran d’une page du site Internet d’EMIS, publiée le 26 février 2022, relatives à l’entreprise Irvin 2000, consultée 19 mars 2023 (pièce no 5) ;
– des captures d’écran d’une page du site Internet de Irvin-2, publiée à une date inconnue et consultée le 19 janvier 2023 (pièce no 6) ;
– un article publié le 20 mars 2022 sur le site Internet de Re:Baltica, intitulé « Qui sont les membres de l’entourage de Poutine qui possèdent des propriétés en Lettonie ? », consulté le 18 janvier 2023 (pièce no 7).
61 Le troisième dossier de preuves contient une enquête réalisée par l’OCCRP intitulée « Les amis prospèrent grâce à la proximité du pouvoir de Poutine », publiée le 24 décembre 2016 et consultée le 27 janvier 2023.
62 Le quatrième dossier de preuves contient un résumé d’un document confidentiel relatif aux entreprises détenues par la requérante, inscrites en Russie au registre du commerce.
63 Le cinquième dossier de preuves contient les éléments suivants :
– un article d’information contenant, notamment, des indications sur le patrimoine de la requérante, publié le 20 février 2023 sur le site Internet de Online publication company (dont l’adresse web est « ko.ru »), consulté le 19 mai 2023 (pièce no 1) ;
– un article publié le 25 avril 2022, sur le site Internet Platzdarm intitulé « La virologie à un milliard de dollars de Chemezov », consulté le 19 mai 2023 (pièce no 2) ;
– un article publié le 29 décembre 2011, sur le site Internet Rospres, intitulé « Clans familiaux de Transneft : les Chemzov, les Tokarev, les Bolotov », consulté le 19 mai 2023 (pièce no 3) ;
– un article publié le 23 avril 2023 sur le site Internet Platzdarm, intitulé « Nikolai Tokarev et son équipe de blanchisseurs », consulté le 19 mai 2023 (pièce no 4) ;
– un article publié le 30 juillet 2022 sur le site Internet Rosnadzor, intitulé « Rostec, Transneft et le grand capital : quel est le point commun entre les enfants de Serguey Chemezov et de Nikolaï Tokarev ? », consulté le 19 mai 2023 (pièce no 5).
64 Le sixième dossier de preuves contient les éléments suivants :
– un article publié le 22 mars 2022 sur le site Internet Delfi Ärileht, intitulé « Qui sont les membres du cercle rapproché de Poutine qui possèdent de coûteuses propriétés en Lettonie ? L’oligarque bien connu a créé un précédent pour son voisin », consulté le 27 juin 2023 (pièce no 1) ;
– un article publié le 3 février 2023 sur le site Internet du Moscow Post, intitulé « Blanchiment par Nikolai Tokarev », consulté le 28 juin 2023 (pièce no 2) ;
– une capture d’écran du site Internet « wise.com » relative à la société Ronin Europe Ltd, consulté le 28 mars 2023 (pièce no 3) ;
– un article publié le 10 novembre 2016 sur le site Internet du Moscow Post, intitulé « Transmoney Tokarev », consulté le 28 juin 2023 (pièce no 4) ;
– un article publié le 22 mars 2022 sur le site Internet « newsbeezer.com », intitulé « La villa des amis de Poutine sur la côte croate révélée », consulté le 28 juin 2023 (pièce no 5) ;
– un article publié le 3 février 2023 sur le site Internet Acompromat, intitulé « La ‟grande lessive” d’Akulov s’est soldée par un crime », consulté le 28 juin 2023 (pièce no 6) ;
– un article publié le 9 octobre 2021 sur le site Internet « versia.ru », intitulé « La fille et l’ancien gendre du dirigeant de Transneft, Nikolai Tokarev, ont été pris dans les “archives Pandora », consulté le 28 juin 2023 (pièce no 7).
65 En l’espèce, s’agissant du contexte général lié à la situation de l’Ukraine, il y a lieu de relever que, à la date d’adoption des actes attaqués, la gravité de la situation en Ukraine demeurait.
66 S’agissant de la situation personnelle de la requérante, il ressort des motifs des actes attaqués que le maintien du nom de cette dernière sur les listes litigieuses est justifié, d’une part, par le fait que son patrimoine immobilier pouvait être lié à son père et, d’autre part, par l’existence de liens entre elle et la société Ronin, laquelle était présentée comme assurant la gestion du fonds de pension de la société Transneft.
67 Il est constant entre les parties que les motifs des actes attaqués sont identiques à ceux des actes de maintien de septembre 2023 et que la base factuelle sur laquelle le Conseil s’est fondé pour justifier l’adoption des actes attaqués est également identique à celle utilisée pour étayer les motifs des actes de septembre 2023.
68 Or, ainsi que le soutient à juste titre la requérante, il y a lieu de relever que, par l’arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil (T‑744/22, EU:T:2024:608), le Tribunal a annulé les actes de maintien de septembre 2023, en ce qu’ils la concernaient, au motif que les éléments des six dossiers de preuves ne constituaient pas un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir que, à la date d’adoption desdits actes, la requérante tirait avantage de son père au sens du deuxième volet du critère g) modifié.
69 En premier lieu, s’agissant du motif relatif aux liens de la requérante avec les sociétés Ronin Trust et Ronin Europe, aux points 80 à 84 et 149 de l’arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil (T‑744/22, EU:T:2024:608), il a été jugé que le Conseil ne pouvait pas se fonder sur l’existence de relations d’affaires entre la requérante et ces sociétés afin d’établir un lien entre elle et son père par l’intermédiaire de la société Transneft. En effet, d’une part, étant donné que la société Transneft n’est pas l’unique, ni même la principale cliente de la société Ronin Trust, en l’absence d’éléments faisant état de participations de M. Tokarev dans le capital de la société Ronin Trust, ni d’une présence de celui-ci dans les organes de direction de cette société ni d’une quelconque singularité des relations d’affaires entre Ronin Trust et Transneft qui distingueraient ces relations de celles existantes entre la société Ronin Trust et les autres sociétés faisant partie de sa clientèle, le seul fait que la requérante et la société Transneft recourent aux services d’un même prestataire, lequel fournit ses services à d’autres sociétés tierces, ne saurait suffire pour établir l’existence d’un lien entre la requérante et la société Transneft. D’autre part, en ce qui concerne la société Ronin Europe, il a été constaté que le Conseil ne s’était prévalu d’aucun élément qui permettrait d’établir un lien entre cette société établie à Chypre et M. Tokarev. Par conséquent, ces relations d’affaires de la requérante avec les sociétés Ronin Trust et Ronin Europe ne sauraient constituer un avantage tiré de son père au sens du deuxième volet du critère g) modifié. Ainsi, le Tribunal a considéré que c’était à tort que le Conseil s’était fondé sur les relations d’affaires de la requérante avec ces sociétés pour établir un lien avec M. Tokarev par l’intermédiaire de la société Transneft.
70 Dans la présente affaire, outre le fait que les actes attaqués ont été adoptés sur la même base factuelle que celle des actes de maintien de septembre 2023, il y a lieu de relever que les arguments du Conseil en ce qui concerne les liens de la requérante avec les sociétés Ronin Trust et Ronin Europe ne font que réitérer ceux d’ores et déjà invoqués et rejetés par le Tribunal dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil (T‑744/22, EU:T:2024:608). Tel est notamment le cas de l’argumentation selon laquelle la société Ronin gèrerait encore le fonds de pension de Transneft. Or, une telle argumentation ne saurait suffire pour démontrer un lien entre la requérante et son père par l’intermédiaire de la société Transneft, pas plus que, par voie de conséquence, l’existence d’un avantage tiré par la requérante de son père au sens du deuxième volet du critère g) modifié.
71 En second lieu, en ce qui concerne le motif se rapportant aux liens entre le patrimoine immobilier de la requérante et son père, aux points 151 à 156 de l’arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil (T‑744/22, EU:T:2024:608), il a été jugé que le Conseil ne disposait pas d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants pour démontrer que, au cours de la période postérieure à l’invasion de la Crimée en février 2014, M. Tokarev aurait contribué à un accroissement du patrimoine immobilier de la requérante, de sorte que ledit patrimoine immobilier ne saurait constituer un avantage tiré de son père au sens de du deuxième volet du critère g) modifié.
72 Premièrement, s’agissant des biens immobiliers détenus par la requérante à Moscou, à savoir une maison historique qu’elle possède par l’intermédiaire de la société Osthozhenka 19 ainsi qu’un appartement situé rue de Bryusov, au point 154 de l’arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil (T‑744/22, EU:T:2024:608), il a été constaté que les éléments des dossiers de preuves ne contenaient pas d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence de liens entre l’un de ces biens, la société Transneft ou M. Tokarev susceptibles de démontrer que l’un d’entre eux constituait un avantage tiré par la requérante de son père au sens du deuxième volet du critère g) modifié. De plus, à supposer qu’il existe un lien entre Ronin Trust et la société Osthozhenka 19, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 69 ci-dessus, il a été considéré qu’un tel fait n’était pas pertinent pour établir que le bien immobilier détenu par la requérante à Moscou par l’intermédiaire de cette société était un avantage tiré de M. Tokarev au sens de ce même critère.
73 Dans la présente affaire, pour justifier l’adoption des actes attaqués, le Conseil n’a produit aucun nouvel élément de preuve susceptible de remettre en cause les conclusions auxquelles était parvenu le Tribunal au point 154 de l’arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil (T‑744/22, EU:T:2024:608).
74 Par ailleurs, en ce qui concerne le bien situé rue de Bryusov, le Conseil ne saurait raisonnablement soutenir que le fait que la requérante occupe les fonctions de présidente du conseil d’administration de la copropriété de l’immeuble dans lequel se trouve ce bien constituerait un indice de l’exercice d’une activité économique de cette dernière dans le secteur de l’immobilier de luxe. Au demeurant, le Conseil n’établit aucun lien entre la nomination de la requérante à ces fonctions et son père, de sorte que ce seul fait est dépourvu de pertinence pour justifier le maintien du nom de la requérante sur les listes litigieuses sur le fondement du deuxième volet du critère g) modifié.
75 Deuxièmement, en ce qui concerne le bien immobilier situé à Jūrmala en Lettonie, aux points 88 et 151 de l’arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil (T‑744/22, EU:T:2024:608), il a été constaté que, depuis son divorce en 2019, la requérante n’avait plus de participations dans la société détenant ce bien au moment de l’adoption des actes de maintien de septembre 2023, de sorte que ce bien ne pouvait constituer un avantage au sens du deuxième volet du critère g) modifié. La même conclusion s’impose dans la présente affaire, dans la mesure où le Conseil reconnaît que la requérante ne disposait plus de ce bien immobilier au moment de l’adoption des actes attaqués.
76 Troisièmement, en ce qui concerne les biens immobiliers situés en Croatie, tout d’abord, il a été constaté, au point 152 de l’arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil (T‑744/22, EU:T:2024:608), que, la villa Karolina détenue par la requérante par l’intermédiaire de la société Katina ne pouvait pas constituer un avantage tiré de son père au sens du deuxième volet du critère g) modifié, dans la mesure où la requérante en avait fait l’acquisition en 2009, soit plusieurs années avant l’invasion de la Crimée par la Russie en février 2014. De même, en l’absence d’éléments précis dans les dossiers de preuves en ce qui concerne l’appartement d’une valeur d’environ 700 000 euros détenu par la requérante en Croatie par l’intermédiaire de la société TGA, au même point de cet arrêt, il a été jugé, notamment en raison de l’absence d’information sur la date d’acquisition de ce bien, qu’il n’était pas possible de déterminer s’il s’agissait d’un avantage au sens de ce critère.
77 Ensuite, au point 153 de l’arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil (T‑744/22, EU:T:2024:608), s’agissant de la prétendue acquisition d’un hôtel, également situé en Croatie, d’une valeur de plusieurs milliards de dollars des États-Unis (USD) invoquée par le Conseil, il a été constaté que les informations figurant dans les dossiers de preuves, notamment dans la pièce no 4 du sixième dossier de preuves, n’étaient pas suffisamment concrètes et précises pour établir que la requérante était propriétaire d’un établissement hôtelier en Croatie après l’année 2005 et que les faits remontaient à un passé lointain, antérieur à l’annexion de la Crimée par la Russie en février 2014. Par conséquent, le Tribunal a jugé que le Conseil ne saurait se fonder sur le fait supposé que la requérante aurait acquis un complexe hôtelier en Croatie pour justifier le maintien de son nom sur les listes litigieuses sur le fondement du deuxième volet du critère g) modifié.
78 Dans la présente affaire, étant donné que l’acquisition de la villa Karolina détenue par la requérante par l’intermédiaire de la société Katina, tout comme sa prétendue acquisition d’un établissement hôtelier en Croatie, ont eu lieu plusieurs années avant l’annexion de la Crimée par la Russie en février 2014, lesdits biens, à supposer même que leur achat, par la requérante, aurait été financé par M. Tokarev, notamment par l’intermédiaire de la société Transneft, ne sauraient constituer, aux fins de l’adoption des actes attaqués, des avantages tirés de son père au sens du deuxième volet du critère g) modifié.
79 En outre, dès lors que pour justifier l’adoption des actes attaqués, le Conseil n’a produit aucun nouvel élément de preuve, il demeure impossible de déterminer si l’appartement en Croatie détenu par la requérante par l’intermédiaire de la société TGA serait susceptible de constituer un avantage tiré de son père au sens du deuxième volet du critère g) modifié.
80 Quatrièmement, ainsi qu’il a déjà été jugé au point 155 de l’arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil (T‑744/22, EU:T:2024:608), pour constater que la requérante tire un avantage de son père dans le domaine immobilier, le Conseil ne saurait se fonder sur le fait que celle-ci détenait, au moment de l’adoption des actes attaqués, des participations dans le complexe immobilier Gelendzhik Resort Meridian. En effet, ce bien immobilier n’est pas mentionné parmi les biens figurant dans les motifs d’inscription desdits actes étant donné que ceux-ci se limitent aux biens situés à Moscou, en Lettonie et en Croatie. Ainsi, sauf à admettre une substitution de motifs, il ne saurait être admis que le Conseil se prévale, pour justifier le bien-fondé de ces mêmes actes, du fait que la requérante détenait des participations dans ce bien immobilier. Au demeurant, il y a lieu de constater que Conseil n’a également pas démontré que ce bien immobilier, que la requérante détenait notamment avec M. Stanislav Chemezov, pouvait être lié à M. Tokarev. À cet égard, contrairement à ce que soutient le Conseil dans la présente affaire, le fait que la requérante ait développé des relations d’affaires avec des familles amies de son père ne saurait induire, en l’absence de preuves de l’implication de M. Tokarev, que les éventuels avantages résultant de telles relations d’affaires peuvent être considérés comme provenant de ce dernier.
81 Eu égard aux considérations qui précèdent, c’est à juste titre que, dans la présente affaire, la requérante soutient que la base factuelle du Conseil, composée des éléments figurant dans les six dossiers de preuves mentionnés aux points 59 à 64 ci-dessus, n’était pas suffisante pour démontrer que, lors de l’adoption des actes attaqués, un bien relavant de son patrimoine immobilier constituait un avantage tiré de son père au sens du deuxième volet du critère g) modifié.
82 Les autres arguments du Conseil ne sont pas susceptibles de remettre en cause cette conclusion.
83 Premièrement, contrairement à ce que semble faire valoir le Conseil, ce dernier ne saurait se fonder sur la pièce no 1 du premier dossier de preuves, pas plus que les pièces nos 2 et 3 du même dossier de preuves, pour démontrer que le patrimoine immobilier de la requérante constituerait un avantage au sens du premier volet du critère g) modifié. En effet, ces éléments de preuve se limitent à indiquer, de manière générale, que la requérante aurait profité de la relation de proximité de M. Tokarev avec le président de la Fédération de Russie pour se constituer un important patrimoine immobilier. Or, étant donné que l’application du deuxième volet du critère g) modifié concerne uniquement les avantages obtenus après l’invasion de la Crimée en février 2014 (voir point 55 ci-dessus), l’absence de précisions dans lesdites preuves concernant la date d’acquisition des biens immobiliers implique que ces éléments ne sauraient être regardés comme suffisants, à eux seuls, pour démontrer que la requérante a tiré un avantage de son père au sens de ce critère.
84 De même, s’agissant de la pièce no 7 du deuxième dossier de preuves, laquelle concerne le bien immobilier en Lettonie, le Conseil ne saurait se fonder sur cette preuve étant donné que la requérante ne disposait plus de ce bien au moment de l’adoption des actes attaqués.
85 Deuxièmement, ainsi qu’il a déjà été jugé au point 159 de l’arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil (T‑744/22, EU:T:2024:608), s’agissant de la pièce no 7 du sixième dossier de preuves, laquelle fait référence au fait que l’ex-époux de la requérante était lié à des sociétés ayant conclu des contrats avec la société Transneft, notamment après l’annexion de la Crimée, il est vrai qu’un tel élément serait pertinent pour démontrer l’existence d’un schéma de gestion familiale des affaires de nature à accroître la fortune de la requérante au cours d’une période appropriée aux fins de l’appréciation de l’existence d’un avantage au sens du deuxième volet du critère g) modifié. Toutefois, alors que les motifs d’inscription identifient le patrimoine immobilier de la requérante comme constituant un avantage au sens dudit critère, force est de constater que le Conseil ne se prévaut d’aucun élément qui permettrait d’établir un lien entre les contrats de Transneft, dont l’ex-époux de la requérante aurait indirectement bénéficié, et un éventuel accroissement du patrimoine immobilier de la requérante. En tout état de cause, à supposer même que la requérante et son ex-époux aient acquis, lorsqu’ils étaient encore mariés, un bien immobilier avec les fonds obtenus grâce auxdits contrats de Transneft, le Conseil ne dispose pas d’élément permettant de considérer que, à la suite de son divorce, l’un des biens dont disposait la requérante au moment de l’adoption des actes attaqués aurait été acquis précisément à l’aide de ces fonds.
86 Troisièmement, en ce qui concerne l’argumentation du Conseil relative aux activités de la requérante dans le secteur pharmaceutique, ainsi qu’il a déjà été jugé au point 158 de l’arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil (T‑744/22, EU:T:2024:608), d’une part, il y a lieu de relever que les motifs d’inscription figurant dans les actes attaqués se limitent à mentionner le patrimoine immobilier de la requérante. Par conséquent, le Conseil ne saurait se prévaloir d’un avantage obtenu par la requérante dans un domaine n’ayant aucun lien avec ce patrimoine. D’autre part, en tout état de cause, force est de constater qu’il ressort des éléments des dossiers de preuves invoqués par le Conseil, à savoir la pièce no 18 du premier dossier de preuves et les pièces nos 3 et 5 du cinquième dossier de preuves, que l’intervention de M. Tokarev en vue de favoriser l’attribution de contrats à la société que détenait la requérante dans le secteur pharmaceutique remonte à un passé lointain, antérieur à l’annexion de la Crimée.
87 Quatrièmement, s’agissant de l’argumentation selon laquelle le « clan Tokarev » serait mentionné dans des affaires de corruption, il y a lieu de relever, tout d’abord, que le Conseil se prévaut de ces faits supposés de corruption en tant qu’élément de contexte. Ensuite, il y a lieu de constater que les pièces sur lesquels se fonde le Conseil, à savoir la pièce no 4 du deuxième dossier de preuves et les pièces nos 2, 4, 6 et 7 du sixième dossier de preuves, ne permettent pas d’établir un lien entre lesdits faits supposés de corruption et l’accroissement du patrimoine immobilier de la requérante résultant d’une intervention de son père dans la période postérieure à l’invasion de la Crimée par la Russie en février 2014. Par conséquent, ces éléments de contexte, à eux seuls, ne sont pas de nature à étayer le maintien du nom de la requérante sur les listes litigieuses sur le fondement du deuxième volet du critère g) modifié.
88 Cinquièmement, ainsi qu’il a été jugé au point 161 de l’arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil (T‑744/22, EU:T:2024:608), le Conseil ne saurait se fonder sur le seul fait que, au moment de l’adoption des actes attaqués, la requérante était une femme d’affaires prospère détenant un important patrimoine immobilier pour justifier l’inscription de son nom sur le fondement du deuxième volet du critère g) modifié. En effet, dès lors qu’il ressort en substance des motifs d’inscription que le patrimoine immobilier de la requérante constitue un avantage tiré de M. Tokarev, il revenait au Conseil de démontrer que le père de la requérante avait contribué à un accroissement de ce patrimoine immobilier après l’annexion de la Crimée en février 2014. Or, il ressort des considérations qui précèdent que le Conseil n’a pas fait état d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir un tel accroissement du patrimoine immobilier de la requérante. Au demeurant, il y a lieu de constater que le Conseil n’a pas non plus démontré que M. Tokarev avait contribué à un accroissement non négligeable du patrimoine non immobilier de la requérante après l’annexion de la Crimée.
89 Par ailleurs, en ce qui concerne la gestion familiale des affaires dans le domaine immobilier, s’il est vrai que certains éléments des dossiers de preuves tendraient à démontrer qu’un tel mode de gestion avait existé par le passé, il ressort toutefois des points 89, 96 et 118 de l’arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil (T‑744/22, EU:T:2024:608), que le Conseil ne disposait pas de preuves de la persistance d’un schéma de gestion familiale des affaires dans le domaine immobilier impliquant le père de la requérante au moment de l’inscription du nom de cette dernière sur les listes litigieuses. Cette conclusion demeure inchangée s’agissant des actes attaqués dans la présente affaire étant donné que le Conseil n’apporte aucun élément supplémentaire.
90 Il résulte des considérations qui précèdent que le Conseil ne disposait pas d’une base factuelle suffisante pour justifier, par l’adoption des actes attaqués, le maintien du nom de la requérante sur les listes litigieuses sur le fondement du deuxième volet du critère g) modifié.
91 Il s’ensuit que le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, doit être accueilli.
92 Partant, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens invoqués, il y a lieu d’annuler les actes attaqués pour autant qu’ils concernent la requérante.
Sur la demande en indemnité
93 La requérante soutient que, par l’adoption des actes attaqués, le maintien de son nom sur les listes litigieuses lui a causé un préjudice moral. Selon elle, lesdits actes ont eu pour effet de l’associer au gouvernement russe et au conflit en Ukraine, en particulier à une situation largement condamnée et considérée comme étant répréhensible par la communauté internationale. Elle estime que les mesures restrictives adoptées à son encontre ont suscité l’opprobre et la méfiance à son égard affectant sa réputation, ses relations sociales et familiales. Selon la requérante, l’atteinte à sa réputation est d’autant plus grande qu’elle a des relations sociales dans les États membres, notamment à Chypre et en Croatie.
94 En outre, dans son mémoire en adaptation, la requérante se prévaut également d’un préjudice moral résultant de la non-exécution de l’arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil (T‑744/22, EU:T:2024:608). Selon elle, la non-exécution de cet arrêt a pour effet de faire croire qu’elle a valablement été soumise à des mesures restrictives.
95 Le Conseil conteste cette argumentation.
96 Il ressort de la jurisprudence que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre la violation de l’obligation qui incombe à l’auteur de l’acte et le dommage subi par les personnes lésées (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 47 et jurisprudence citée).
97 Selon une jurisprudence constante, les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, sont cumulatives (voir, en ce sens, arrêt du 7 décembre 2010, Fahas/Conseil, T‑49/07, EU:T:2010:499, point 93, et ordonnance du 17 février 2012, Dagher/Conseil, T‑218/11, non publiée, EU:T:2012:82, point 34). Il s’ensuit que, lorsque l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (voir, en ce sens, arrêts du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, EU:C:1999:402, point 14, et du 26 octobre 2011, Dufour/BCE, T‑436/09, EU:T:2011:634, point 193).
98 Il découle d’une jurisprudence bien établie que la constatation de l’illégalité d’un acte juridique de l’Union, dans le cadre par exemple d’un recours en annulation, ne suffit pas, pour regrettable qu’elle soit, pour considérer que la responsabilité non contractuelle de celle-ci, tenant à l’illégalité du comportement de l’une de ses institutions, est, de ce fait, automatiquement engagée. Pour admettre qu’il est satisfait à cette condition, la jurisprudence exige, en effet, que la partie requérante établisse que l’institution en cause a commis non pas une simple illégalité, mais une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (arrêts du 5 juin 2019, Bank Saderat/Conseil, T‑433/15, non publié, EU:T:2019:374, point 48, et du 7 juillet 2021, HTTS/Conseil, T‑692/15 RENV, EU:T:2021:410, point 53).
99 S’agissant de la violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit de l’Union, à titre liminaire, il y a lieu de préciser que les paramètres devant être pris en compte dans l’évaluation d’une telle violation se rapportent tous à la date à laquelle la décision ou le comportement ont été adoptés par l’institution concernée. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le degré de caractérisation de la violation d’une règle de droit de l’Union commise par l’institution en cause, exigé par la jurisprudence, en ce qu’il est intrinsèquement lié à cette violation, ne saurait être apprécié à un moment différent de celui auquel ladite violation a été commise. Il s’ensuit que l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit de l’Union doit nécessairement être appréciée en fonction des circonstances dans lesquelles l’institution a agi à cette date précise (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, points 44 à 46).
100 En ce qui concerne l’exigence d’une violation d’une règle de droit de l’Union ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, il y a lieu de relever que le maintien du nom de la requérante sur les listes litigieuses a été considéré comme constituant une violation des dispositions de la décision 2014/145, telle que modifiée, et du règlement no 269/2014, tel que modifié, à savoir des dispositions permettant l’adoption de mesures restrictives au regard de la situation en Ukraine. Or, bien que les dispositions en cause aient pour objet de permettre l’imposition par le Conseil de certaines restrictions aux droits des particuliers, afin, notamment, d’accroître la pression exercée sur le gouvernement de la Fédération de Russie ainsi que pour éviter le risque de contournement des mesures restrictives (voir point 50 ci-dessus), lesdites dispositions, notamment celles prévoyant le critère de désignation prévu au deuxième volet du critère g) modifié, énoncent, de façon limitative, les conditions dans lesquelles de telles restrictions sont permises (voir points 51 à 55). Il en résulte que les dispositions violées dans la présente affaire ont essentiellement pour objet, a contrario, de protéger les intérêts individuels des particuliers concernés, en limitant les cas d’application, l’étendue ou l’intensité des mesures restrictives auxquelles ceux-ci peuvent légalement être astreints (voir, par analogie, arrêt du 1er février 2023, Klymenko/Conseil, T‑470/21, non publié, EU:T:2023:26, point 70).
101 Il s’ensuit que les dispositions de la décision 2014/145, telle que modifiée, et du règlement no 269/2014, tel que modifié, dont la violation implique également une atteinte injustifiée au droit de propriété de la requérante, constituent des règles de droit conférant des droits à des particuliers.
102 Il y a lieu de rappeler que, dans l’arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil (T‑744/22, EU:T:2024:608), le Tribunal a constaté l’illégalité des actes de septembre 2022, de mars 2023 et de maintien de septembre 2023. Étant donné que cet arrêt n’a pas fait l’objet d’un pourvoi, il bénéficie donc de l’autorité de la chose jugée.
103 À cet égard, il importe de relever qu’il ressort de la jurisprudence que l’annulation éventuelle d’un ou de plusieurs actes du Conseil se trouvant à l’origine des préjudices invoqués par une partie requérante, même lorsqu’une telle annulation serait décidée par un arrêt du juge de l’Union prononcé avant l’introduction du recours indemnitaire, ne constitue pas la preuve irréfragable d’une violation suffisamment caractérisée de la part de cette institution, permettant de constater, ipso jure, la responsabilité non contractuelle de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 2 juillet 2019, Mahmoudian/Conseil, T‑406/15, EU:T:2019:468, point 61, et du 1er février 2023, Klymenko/Conseil, T‑470/21, non publié, EU:T:2023:26, point 74).
104 En effet, pour admettre qu’il est satisfait à la condition d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union relative à l’illégalité du comportement reproché à l’institution concernée, il est nécessaire que la violation dont l’institution concernée est responsable soit suffisamment caractérisée (voir, en ce sens, arrêts du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 29 et jurisprudence citée, et du 1er février 2023, Klymenko/Conseil, T‑470/21, non publié, EU:T:2023:26, point 75).
105 La preuve d’une violation suffisamment caractérisée vise à éviter, notamment dans le domaine des mesures restrictives, que la mission que l’institution concernée est appelée à accomplir dans l’intérêt général de l’Union et de ses États membres ne soit entravée par le risque que cette institution soit finalement appelée à supporter les dommages que les personnes concernées par ses actes pourraient éventuellement subir, sans pour autant laisser peser sur celles-ci les conséquences, patrimoniales ou morales, de manquements que l’institution concernée aurait commis de façon flagrante et inexcusable (arrêts du 7 juillet 2021, Bateni/Conseil, T‑455/17, EU:T:2021:411, point 87, et du 1er février 2023, Klymenko/Conseil, T‑470/21, non publié, EU:T:2023:26, point 76).
106 En effet, l’objectif plus large du maintien de la paix et de la sécurité internationale, conformément aux finalités de l’action extérieure de l’Union énoncées à l’article 21 TUE, est de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, découlant des décisions de mise en œuvre des actes adoptés par l’Union en vue de la réalisation de cet objectif fondamental (voir, en ce sens, arrêts du 7 juillet 2021, Bateni/Conseil, T‑455/17, EU:T:2021:411, point 88, et du 1er février 2023, Klymenko/Conseil, T‑470/21, non publié, EU:T:2023:26, point 77).
107 Ainsi, la jurisprudence a précisé que seule était susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union une méconnaissance manifeste et grave par l’institution concernée des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation, les éléments à prendre en considération à cet égard étant, notamment, la complexité des situations à régler, les difficultés d’application ou d’interprétation des textes ainsi que l’étendue de la marge d’appréciation que la règle enfreinte laisse à l’institution de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, points 33 et 42).
108 Il découle néanmoins de la jurisprudence qu’une violation du droit de l’Union est caractérisée lorsqu’elle a perduré malgré le prononcé d’un arrêt constatant le manquement reproché, d’un arrêt préjudiciel ou d’une jurisprudence bien établie en la matière, desquels résulte le caractère infractionnel du comportement en cause (voir, en ce sens, arrêts du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 31 ; du 7 juillet 2021, Bateni/Conseil, T‑455/17, EU:T:2021:411, point 88, et du 1er février 2023, Klymenko/Conseil, T‑470/21, non publié, EU:T:2023:26, point 79).
109 Seule la constatation d’une irrégularité que n’aurait pas commise, dans des circonstances analogues, une administration normalement prudente et diligente permet donc d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union (arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 43).
110 C’est au regard des principes jurisprudentiels mentionnés aux points 103 à 109 ci-dessus, qu’il convient d’examiner si la violation des dispositions de la décision 2014/145, telle que modifiée, et du règlement no 269/2014, tel que modifié, constitue, dans les circonstances de la présente affaire, une violation suffisamment caractérisée.
111 Il convient de relever que dans l’arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil (T‑744/22, EU:T:2024:608), le Tribunal a, pour la première fois, interprété le deuxième volet du critère g) modifié. Sur la base de cette interprétation, il a constaté que, eu égard aux motifs d’inscription retenus à l’égard de la requérante dans les actes de maintien de septembre 2023, le Conseil ne disposait pas d’une base factuelle suffisante pour justifier le maintien de son nom sur les listes litigieuses.
112 Or, compte tenu d’un contexte caractérisé par des difficultés d’investigation faisant obstacle à ce que des preuves précises et des éléments d’information objectifs soient apportés en raison de la situation de conflit entre la Fédération de Russie et l’Ukraine, de la complexité des situations à régler, de l’absence de jurisprudence relative à l’interprétation du deuxième volet du critère g) modifié ainsi qu’à l’étendue de la marge d’appréciation que la règle enfreinte laisse au Conseil, il y a lieu de considérer que, jusqu’au prononcé de l’arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil (T‑744/22, EU:T:2024:608), le maintien du nom de la requérante sur les listes litigieuses par l’adoption des actes de maintien de mars 2024 ne saurait constituer une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union.
113 En ce qui concerne les actes de maintien de septembre 2024, certes, ceux-ci ont formellement été adoptés après le prononcé de l’arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil (T‑744/22, EU:T:2024:608). Toutefois, étant donné que cet arrêt a été prononcé le jour qui précédait l’adoption formelle de ces actes, il ne saurait être fait grief au Conseil de ne pas avoir tenu compte dudit arrêt dans la procédure ayant conduit au renouvellement des mesures restrictives à l’égard de la requérante. En effet, dans le cadre de cette procédure, une seule journée n’était pas suffisante pour permettre au Conseil de tirer les conséquences dudit arrêt du Tribunal sur la légalité des actes de maintien de septembre 2024 et ce d’autant plus que, au moment de l’adoption de ces actes, il disposait encore de la possibilité de saisir la Cour d’un pourvoi à l’encontre de cet arrêt. Il en résulte que le maintien du nom de la requérante sur les listes litigieuses, par l’adoption de ces actes, ne saurait constituer une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union.
114 Ainsi, eu égard à la complexité des appréciations juridiques et factuelles requises en vue de régler le cas d’espèce, aux difficultés d’accès aux informations concernant les personnes et entités susceptibles de faire l’objet de mesures restrictives sur le fondement de la décision 2014/145 telle que modifiée et du règlement no 269/2014 tel que modifié, à l’absence de jurisprudence relative à l’interprétation du deuxième volet du critère g) modifié, ainsi qu’à l’importance fondamentale des objectifs d’intérêt général poursuivis par les actes attaqués, il y a lieu de conclure que la violation commise par le Conseil s’explique par les contraintes et les responsabilités particulières qui pesaient sur cette institution et ne constitue pas, dans les circonstances de la présente affaire, une méconnaissance manifeste et grave des limites s’imposant à son pouvoir d’appréciation.
115 Quant au prétendu refus de réponse au courrier de la requérante sollicitant, sur le fondement de l’arrêt du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil (T‑744/22, EU:T:2024:608), le retrait de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses, il y a lieu de relever que cette argumentation ne vise pas une illégalité qui résulterait de l’adoption même des actes de maintien de septembre 2024, mais d’actes subséquents non contestés dans le présent recours. À cet égard, il y a lieu de souligner que, contrairement à ce que soutient la requérante, l’annulation d’actes du Conseil imposant des mesures restrictives à l’égard d’une personne physique, d’une entité ou d’un organisme n’implique pas nécessairement, aux fins d’assurer une exécution de l’arrêt d’annulation de ces actes, que le Conseil retire le nom de la personne physique, de l’entité ou de l’organisme concerné des listes litigieuses annexées à des actes postérieurs. En effet, l’article 266 TFUE n’oblige l’institution dont émanent les actes annulés que dans les limites de ce qui est nécessaire pour assurer l’exécution de l’arrêt d’annulation. En outre, l’auteur de ces actes peut invoquer, dans de nouveaux actes, des motifs autres que ceux sur lesquels il avait fondé les actes annulés (voir, par analogie, arrêts du 6 mars 2003, Interporc/Commission, C‑41/00 P, EU:C:2003:125, points 28 à 32, et du 14 septembre 2016, National Iranian Tanker Company/Conseil, T‑207/15, non publié, EU:T:2016:471, point 46).
116 Eu égard aux considérations qui précèdent, l’illégalité des actes attaqués ne peut pas être regardée comme constituant une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union, de nature à engager la responsabilité non contractuelle de l’Union à l’égard de la requérante.
117 Il s’ensuit que la demande en indemnité doit être rejetée.
Sur les dépens
118 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
119 En l’espèce, le Conseil ayant succombé pour l’essentiel, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) La décision (PESC) 2024/847 du Conseil, du 12 mars 2024, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, le règlement d’exécution (UE) 2024/849 du Conseil, du 12 mars 2024, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, la décision (PESC) 2024/2456 du Conseil, du 12 septembre 2024, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine et le règlement d’exécution (UE) 2024/2455 du Conseil, du 12 septembre 2024, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine sont annulées, dans la mesure où le nom de Mme Maya Tokareva a été maintenu sur la liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’appliquent ces mesures restrictives.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) Le Conseil de l’Union européenne est condamné à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de Mme Tokareva.
Mastroianni | Brkan | Gâlea |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 février 2025.
Le greffier | Le président |
V. Di Bucci | S. Papasavvas |
* Langue de procédure : le français.
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