JDS Architects and Others v Parliament (Public service contracts - Negotiated procedure - Judgment) French Text [2025] EUECJ T-560/23 (26 March 2025)

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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2025/T56023.html
Cite as: ECLI:EU:T:2025:338, EU:T:2025:338, [2025] EUECJ T-560/23

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ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

26 mars 2025 (*)

« Marchés publics de services - Procédure négociée - Rénovation du bâtiment Paul-Henri Spaak - Annulation de la procédure négociée - Obligation de motivation - Erreur manifeste d'appréciation - Confiance légitime »

Dans l'affaire T‑560/23,

JDS Architects ApS, établie à Copenhague (Danemark),

Coldefy & associés architectes urbanistes, établie à Lille (France),

NL Architects BV, établie à Van Hallstraat (Pays-Bas),

Carlorattiassociati Srl, établie à Turin (Italie),

Ensamble studio SL, établie à Las Rozas (Espagne),

représentées par Me M. Vastmans, avocate,

parties requérantes,

contre

Parlement européen, représenté par M. A. Caiola, Mme L. Chrétien et M. F. Poilvache, en qualité d'agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, MM. E. Buttigieg et G. Hesse (rapporteur), juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l'audience du 7 novembre 2024,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur recours fondé sur l'article 263 TFUE, les requérantes, JDS Architects ApS, Coldefy & associés architectes urbanistes, NL Architects BV, Carlorattiassociati Srl et Ensamble studio SL, demandent l'annulation, premièrement, de la décision du bureau du Parlement européen (ci-après le « bureau ») du 12 juin 2023 (ci-après la « décision du bureau du 12 juin 2023 ») relative à la rénovation du bâtiment Paul-Henri Spaak (ci-après le « bâtiment Spaak ») et, deuxièmement, de la décision du Parlement du 20 juillet 2023 rejetant l'offre qu'elles ont soumise dans le cadre de la procédure négociée portant la référence 06D40/2023/M028 (ci-après la « décision du 20 juillet 2023 »).

 Antécédents du litige

2        Par un avis de marché publié au Supplément du Journal officiel de l'Union européenne (JO 2020/S 101‑243409) le 26 mai 2020, la direction générale (DG) « Infrastructures et logistique » (ci-après la « DG “Infrastructures” ») a lancé un concours d'architecture portant la référence 06D40/2020/M015 [concours de conception unique multidisciplinaire international (procédure restreinte)] (ci-après le « concours »), portant sur des projets pouvant aller de la rénovation profonde à la reconstruction du bâtiment Spaak.

3        Le 8 juillet 2020, les requérantes, sous la forme d'un consortium, ont déposé une demande de participation.

4        Par lettre du 6 juillet 2022, la DG « Infrastructures » a informé les requérantes qu'elles avaient obtenu le premier prix du concours, parmi cinq projets lauréats.

5        Par courriel du 28 juillet 2022, la DG « Infrastructures » a informé les requérantes que la mise en œuvre de leur projet architectural ne pouvait pas encore être envisagée, car les autorités du Parlement n'avaient pas encore décidé de mettre ou non en œuvre un projet architectural issu du concours.

6        Le 19 octobre 2022, le Parlement a adopté une résolution sur le projet de budget général de l'Union européenne, laquelle « demand[ait] au bureau d'examiner les économies possibles et de reconsidérer entièrement le projet sur le devenir du bâtiment Spaak à Bruxelles ».

7        Par courriel du 23 février 2023 adressé aux requérantes, la DG « Infrastructures » a confirmé le fait que le Parlement n'avait pas encore décidé de poursuivre le projet.

8        Le 5 mai 2023, la DG « Infrastructures » a invité le consortium à présenter une offre portant sur une mission d'ajustement de son projet architectural et sur la faisabilité des solutions proposées, dans le cadre de la procédure négociée portant la référence 06D40/2023/M028 (ci-après la « procédure négociée »).

9        Le 7 juin 2023, dans le cadre de la procédure négociée, le consortium a transmis son offre dans le délai imparti.

10      Le 12 juin 2023, une réunion du bureau concernant, notamment, l'avenir du bâtiment Spaak a eu lieu. À cet égard, trois options ont été examinées, à savoir :

–        option no 1 : négociation avec le lauréat du concours ;

–        option no 2 : rénovation du bâtiment pour répondre aux futures normes environnementales, tout en conservant ses fonctionnalités et en préservant sa conception architecturale ;

–        option no 3 : lancement d'une procédure de négociation qui associe les cinq lauréats du concours.

11      Lors de cette réunion, une majorité de membres a exprimé sa préférence pour l'option no 2, ce dont a pris acte la présidente du bureau, laquelle a conclu la réunion en chargeant le secrétaire général « d'élaborer un plan de mise en œuvre détaillant les évaluations techniques et financières de l'option [no] 2 dans l'optique de soumettre une proposition au bureau pour décision finale en temps utile ».

12      Par un article de presse du 13 juin 2023, les requérantes ont été informées de la décision du bureau du 12 juin 2023 de poursuivre l'option no 2. Le jour suivant, elles ont demandé, par courriel à la directrice générale de la DG « Infrastructures », à obtenir des informations.

13      Par courriel du 16 juin 2023 adressé aux requérantes, la directrice générale de la DG « Infrastructures » a confirmé la décision du bureau du 12 juin 2023 en faveur de l'option no 2. Le procès-verbal de la réunion du bureau du 12 juin 2023 a été rendu public sur le site Internet du Parlement le 13 juillet 2023.

14      Par la décision du 20 juillet 2023, le directeur de la DG « Infrastructures » ayant la charge des projets immobiliers a informé les requérantes du rejet de l'offre du consortium en raison de l'annulation de la procédure négociée, compte tenu de la décision du bureau du 12 juin 2023 en faveur de l'entretien et de la mise à niveau du bâtiment Spaak sans changement fondamental de sa forme et de ses fonctionnalités.

 Conclusions des parties

15      Les requérantes concluent, en substance, à ce qu'il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du bureau du 12 juin 2023 et la décision du 20 juillet 2023 ;

–        indemniser le consortium pour le préjudice subi ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

16      Le Parlement conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable en ce qui concerne la demande d'annulation de la décision du bureau du 12 juin 2023 et la demande d'indemnisation ;

–        rejeter le recours comme non fondé pour le surplus ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

17      Sans soulever formellement une exception d'irrecevabilité au titre de l'article 130 du règlement de procédure du Tribunal, le Parlement fait valoir que les conclusions en annulation de la décision du bureau du 12 juin 2023 ainsi que les conclusions en indemnisation sont irrecevables.

 Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision du bureau du 12 juin 2023

18      Les requérantes soutiennent que la décision du bureau du 12 juin 2023 constitue un acte attaquable, puisque ce dernier a privilégié l'option no 2, qui vise une rénovation du bâtiment Spaak, sans poursuivre les négociations avec le consortium. Elles font également valoir, en substance, qu'elles ont un « intérêt » au recours, compte tenu du fait que ledit consortium est le gagnant du concours et donc le destinataire de la décision du bureau du 12 juin 2023.

19      Le Parlement fait valoir, en substance, dans le mémoire en défense, que le recours est irrecevable en tant qu'il porte sur la décision du bureau du 12 juin 2023, laquelle ne constitue pas un acte attaquable au sens de l'article 263 TFUE. En effet, d'une part, les requérantes ne seraient pas destinataires de cette décision et, d'autre part, cette décision ne produirait pas directement d'effets sur leur situation juridique.

20      En application de l'article 263, premier alinéa, TFUE, le juge de l'Union contrôle la légalité des actes du Parlement destinés à produire des effets juridiques à l'égard des tiers.

21      Selon une jurisprudence constante, seules les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts des tiers en modifiant de façon caractérisée leur situation juridique constituent des actes susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation (ordonnance du 12 février 2010, Commission/CdT, T‑456/07, EU:T:2010:39, point 52 ; voir également, en ce sens, arrêts du 31 mars 1971, Commission/Conseil, 22/70, EU:C:1971:32, point 42, et du 6 avril 2000, Espagne/Commission, C‑443/97, EU:C:2000:190, point 27).

22      Pour déterminer si un acte dont l'annulation est demandée produit de tels effets, il y a lieu de s'attacher à sa substance (arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 9), au contexte dans lequel il a été élaboré (voir, en ce sens, arrêt du 17 février 2000, Stork Amsterdam/Commission, T‑241/97, EU:T:2000:41, point 62) ainsi qu'à l'intention de son auteur pour qualifier cet acte (voir, en ce sens, arrêts du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, EU:C:2008:422, points 42, 46 et 52, et du 26 janvier 2010, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C‑362/08 P, EU:C:2010:40, point 52). En revanche, la forme dans laquelle un acte est pris est, en principe, indifférente pour apprécier la recevabilité d'un recours en annulation (arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 9, et du 7 juillet 2005, Le Pen/Parlement, C‑208/03 P, EU:C:2005:429, point 46). Néanmoins, il ne saurait être exclu pour autant que le Tribunal prenne en considération la forme dans laquelle sont adoptés les actes dont l'annulation lui est demandée, dans la mesure où celle-ci peut contribuer à permettre d'en identifier la nature (ordonnance du 12 février 2010, Commission/CdT, T‑456/07, EU:T:2010:39, point 58 ; voir également, en ce sens, arrêt du 26 mai 1982, Allemagne et Bundesanstalt für Arbeit/Commission, 44/81, EU:C:1982:197, point 12).

23      De plus, la jurisprudence distingue deux catégories d'actes du Parlement.

24      La première catégorie regroupe les actes du Parlement qui ne peuvent pas faire l'objet d'un recours en annulation, dans la mesure où ils touchent uniquement à l'organisation interne des travaux de cette institution (voir, en ce sens, ordonnances du 4 juin 1986, Groupe des droites européennes/Parlement, 78/85, EU:C:1986:227, point 11 ; du 22 mai 1990, Blot et Front national/Parlement, C‑68/90, EU:C:1990:222, points 11 et 12, et arrêt du 23 mars 1993, Weber/Parlement, C‑314/91, EU:C:1993:109, point 9). Relèvent de cette catégorie les actes du Parlement qui soit ne produisent pas d'effets juridiques, soit ne produisent des effets juridiques qu'à l'intérieur du Parlement en ce qui concerne l'organisation de ses travaux et sont soumis à des procédures de vérification fixées par son règlement intérieur (arrêts du 23 mars 1993, Weber/Parlement, C‑314/91, EU:C:1993:109, point 10, et du 2 octobre 2001, Martinez e.a./Parlement, T‑222/99, T‑327/99 et T‑329/99, EU:T:2001:242, point 52).

25      La seconde catégorie inclut les actes du Parlement qui peuvent faire l'objet d'un recours en annulation, en ce qu'ils produisent ou sont destinés à produire à l'égard de tiers des effets juridiques qui dépassent le cadre de l'organisation interne des travaux de cette institution (arrêt du 2 octobre 2001, Martinez e.a./Parlement, T‑222/99, T‑327/99 et T‑329/99, EU:T:2001:242, point 53 ; voir également, en ce sens, arrêt du 23 mars 1993, Weber/Parlement, C‑314/91, EU:C:1993:109, point 11).

26      En outre, l'article 25 du règlement intérieur du Parlement dispose, notamment, que le bureau règle les questions financières, d'organisation et administratives concernant l'organisation interne du Parlement, son secrétariat et ses organes.

27      En l'espèce, la décision du bureau du 12 juin 2023 constitue un acte destiné à une utilisation interne au sein du Parlement, dans le cadre de l'adoption d'une position par rapport aux options offertes concernant l'avenir du bâtiment Spaak. Il s'agit donc d'une simple orientation interne, ainsi qu'il résulte tant de son contenu que de la façon dont elle a été rédigée.

28      En effet, il ressort du procès-verbal de la réunion du 12 juin 2023 que le bureau s'est borné à prendre position en faveur de l'option no 2, ce qui a conduit sa présidente à charger le secrétaire général d'élaborer un plan de mise en œuvre de cette option. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, cette décision ne produit aucun effet juridique à leur égard, le bureau n'étant pas chargé de l'organisation de la procédure de passation du marché. En revanche, c'est la décision du 20 juillet 2023 (voir point 14 ci-dessus) qui produit des effets juridiques à l'égard des requérantes, en ce qu'elle annule la procédure négociée.

29      Un tel caractère d'orientation interne, au demeurant préparatoire, de la décision du bureau du 12 juin 2023 est confirmé par la forme dans laquelle elle a été adoptée, telle qu'elle ressort du procès-verbal de la séance. En effet, d'une part, dans l'introduction de la présidente du bureau, il est mentionné que « [l]'objectif de la discussion était de fournir aux services du Parlement les orientations nécessaires sur les préférences et les priorités du bureau, sur la base desquelles les services effectueraient des évaluations techniques et financières, compte tenu de leur présentation au groupe de travail du bureau pour examen, avant de soumettre une proposition de décision finale par le bureau » et, d'autre part, à la fin de ce procès-verbal, il est indiqué que la présidente « [c]onclut en chargeant le secrétaire général d'élaborer un plan de mise en œuvre détaillant les évaluations techniques et financières de l'option [no] 2 en vue de soumettre au bureau une proposition de décision finale en temps utile ».

30      Il résulte des considérations qui précèdent que la décision du bureau du 12 juin 2023 constitue un acte du Parlement destiné aux services de celui-ci visant tout au plus à produire des effets au sein de cette institution.

31      Il s'ensuit que la décision du bureau du 12 juin 2023 ne produit pas d'effets juridiques contraignants à l'égard des requérantes. Partant, cet acte n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation en vertu de l'article 263 TFUE et, par conséquent, les conclusions tendant à l'annulation de ladite décision doivent être déclarées irrecevables.

 Sur la recevabilité du troisième chef de conclusions

32      Par leur troisième chef de conclusions, les requérantes demandent, en substance, au Tribunal qu'elles soient indemnisées pour le préjudice subi en raison des décisions prétendument illégales du Parlement.

33      Le Parlement estime que cette demande doit être rejetée comme étant irrecevable. Premièrement, le Tribunal n'aurait pas compétence pour faire des déclarations en droit dans le cadre du contrôle de légalité qu'il exerce. Deuxièmement, si cette demande était interprétée comme étant une demande d'indemnisation, elle ne ferait l'objet d'aucun moyen dans la requête, contrairement à ce que prévoit l'article 76, sous d), du règlement de procédure. Troisièmement, les requérantes n'apporteraient pas la preuve du caractère illégal de la décision du bureau du 12 juin 2023 et de la décision du 20 juillet 2023. En outre, elles n'identifieraient ni l'existence d'un préjudice qu'elles auraient subi et son étendue, ni l'existence du lien de causalité entre un prétendu préjudice et la prétendue illégalité de ces décisions.

34      Il convient de rappeler que, en vertu de l'article 21 du statut de la Cour de justice de l'Union européenne et de l'article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête doit contenir l'indication de l'objet du litige et l'exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l'appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu'un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels se fonde celui-ci ressortent, à tout le moins sommairement, mais d'une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Plus particulièrement, pour satisfaire à ces exigences, une requête tendant à la réparation de dommages prétendument causés par une institution de l'Union doit contenir les éléments qui permettent d'identifier le comportement que la partie requérante reproche à l'institution, les raisons pour lesquelles elle estime qu'un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice qu'elle prétend avoir subi ainsi que le caractère et l'étendue de ce préjudice (voir arrêt du 2 mars 2010, Arcelor/Parlement et Conseil, T‑16/04, EU:T:2010:54, point 132 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, ordonnance du 24 juin 2016, Onix Asigurări/AEAPP, T‑590/15, EU:T:2016:374, point 81).

35      En l'espèce, les requérantes ont indiqué lors de l'audience ne plus formuler de demande d'indemnisation, sans pour autant retirer le troisième chef de conclusions ni préciser la portée exacte de celui-ci. Par ailleurs, elles n'indiquent pas les moyens et les arguments qu'elles entendent invoquer à l'appui de ce chef de conclusions. Enfin, elles ne fournissent pas d'éléments permettant au Tribunal d'apprécier la nature et l'étendue du préjudice qu'elles ont prétendument subi ainsi que l'existence d'un lien de causalité entre les comportements reprochés au Parlement et ledit préjudice.

36      Il s'ensuit que le troisième chef de conclusions ne satisfait pas aux exigences minimales prévues à l'article 76, sous d), du règlement de procédure. Ledit chef de conclusions doit donc être rejeté comme irrecevable.

 Sur le fond

37      À l'appui de leur demande en annulation, les requérantes invoquent un moyen unique comportant trois branches, tirées, la première, d'un défaut de motivation, la deuxième, d'une erreur manifeste d'appréciation et, la troisième, d'une violation du principe de protection de la confiance légitime.

 Sur la première branche, tirée d'un défaut de motivation

38      Les requérantes soutiennent, en substance, que ni la décision du 20 juillet 2023 ni la décision du bureau du 12 juin 2023, à laquelle la première décision renvoie, ne font apparaître de façon claire et pertinente les éléments de fait et de droit qui ont conduit le Parlement à annuler la procédure négociée et à abandonner leur projet. À cela s'ajouterait le fait que leur projet correspondrait toujours au projet souhaité par le bureau, y compris l'absence de changement fondamental sur la forme et la fonction du bâtiment Spaak et les objectifs environnementaux et énergétiques. En outre, les requérantes font valoir que la procédure négociée a été annulée du fait uniquement d'une préférence du bureau pour l'option no 2. Elles indiquent également que la décision du bureau du 12 juin 2023 contient des contradictions, compte tenu des coûts de cette option par rapport aux coûts de leur projet. S'agissant du contexte entourant la décision d'annuler la procédure négociée, les requérantes soutiennent que leurs échanges avec le Parlement ne leur permettent pas de comprendre les raisons de cette annulation et que certains échanges, notamment un courrier du 24 juillet 2023, contiennent une motivation entièrement nouvelle par rapport à la décision du 20 juillet 2023.

39      Le Parlement conteste cette argumentation.

40      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l'article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle. L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 30 avril 2014, Hagenmeyer et Hahn/Commission, T‑17/12, EU:T:2014:234, point 173 et jurisprudence citée).

41      Par ailleurs, lorsqu'une décision a été adoptée dans un contexte bien connu de l'intéressé, elle peut être motivée de manière sommaire (voir, en ce sens, arrêts du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C‑156/98, EU:C:2000:467, point 105, et du 30 septembre 2003, Allemagne/Commission, C‑301/96, EU:C:2003:509, points 89 et 92).

42      Ainsi, l'obligation de motivation doit être appréciée en fonction des éléments d'information dont disposait la partie requérante au moment de l'introduction du recours, étant entendu, toutefois, que l'institution n'est pas autorisée à substituer une motivation intégralement nouvelle à la motivation initiale (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2009, VIP Car Solutions/Parlement, T‑89/07, EU:T:2009:163, point 73 et jurisprudence citée).

43      En l'espèce, en premier lieu, tout d'abord, la décision du 20 juillet 2023 indique au deuxième alinéa que la procédure d'appel d'offres a été retirée sans attribution. Ensuite, au troisième aliéna, le Parlement explique le rôle du bureau et comment s'effectue son processus décisionnel. Enfin, il est indiqué au quatrième alinéa que, lors de sa réunion du 12 juin 2023, le bureau a pris une décision concernant l'avenir du bâtiment Spaak et que cette décision consistait à mettre à niveau et à entretenir ce bâtiment sans changement fondamental quant à sa forme et à sa fonction.

44      En outre, au titre du contexte dans lequel la décision du 20 juillet 2023 a été adoptée, il convient de considérer que le cahier des charges du concours, distribué le 23 septembre 2020, était connu des requérantes et expliquait les différents stades de la procédure. Plus précisément, son article B.142 fait référence au fait que le Parlement allait décider de la mise en œuvre ou non du projet. De plus, les échanges écrits, en date du 28 juillet 2022 et du 23 février 2023, démontrent que le Parlement avait mentionné qu'il n'avait pas encore décidé de poursuivre le projet et qu'une décision d'orientation du bureau devait encore intervenir.

45      Par ailleurs, selon la résolution du Parlement du 19 octobre 2022 sur le projet de budget général de l'Union, le bureau était tenu d'examiner les économies possibles et de reconsidérer entièrement le projet sur le devenir du bâtiment Spaak à Bruxelles (Belgique). À cet égard, en ce qui concerne ladite résolution, celle-ci est un document public accessible sur Internet. Dans la requête, les requérantes font elles-mêmes référence au fait qu'il ressort du procès-verbal du bureau du 12 juin 2023 que, « dans des résolutions récentes relatives à la procédure budgétaire annuelle, la plénière a demandé au bureau d'examiner les économies possibles et de reconsidérer entièrement le projet sur le devenir du bâtiment Spaak ».

46      En second lieu, s'agissant du courrier du 24 juillet 2023, il y a lieu de relever que celui-ci indique que la décision du bureau du 12 juin 2023 prise lors de sa réunion de ce jour est de continuer avec une portée de projet différente de celle définie dans le cahier des charges du concours, de sorte que l'administration et ses services soient empêchés de poursuivre la procédure du concours, car cela représenterait une modification importante de la nature de la procédure d'appel d'offres.

47      Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne s'agit pas d'une motivation nouvelle par rapport à celle contenue dans la décision du 20 juillet 2023, mais d'explications supplémentaires sur des éléments de fait déjà connus d'elles.

48      Il résulte donc clairement de la motivation contenue dans la décision du 20 juillet 2023 et de son contexte que le pouvoir adjudicateur a décidé de choisir une option dont la portée principale était différente de celle décrite pour le concours, à la suite de la décision prise par le bureau. De plus, la préférence exprimée par le bureau pour une des trois options disponibles est un constat factuel pouvant être exprimé de façon sommaire. Dans ce contexte, la DG « Infrastructures » n'était pas tenue d'analyser en détail l'ensemble des facteurs l'ayant conduite à annuler la procédure négociée, ces raisons pouvant être identifiées par les requérantes en lisant la motivation de la décision du 20 juillet 2023 conjointement avec le procès-verbal de la réunion du bureau du 12 juin 2023.

49      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l'argument des requérantes selon lequel leur projet correspondrait aussi au nouveau projet souhaité par le Parlement, y compris l'absence de changement fondamental sur la forme et la fonction du bâtiment Spaak et les objectifs environnementaux et énergétiques. En effet, la question de savoir si leur projet pouvait correspondre ou pas au nouveau projet du Parlement relève du bien-fondé de l'appréciation de ce dernier, de sorte que cet argument doit être écarté comme inopérant.

50      L'argument des requérantes selon lequel les coûts de l'option choisie s'élèvent à un montant supérieur à celui des coûts de leur projet est également inopérant dans le cadre de l'appréciation d'un prétendu défaut de motivation de la décision du 20 juillet 2023.

51      Il en va de même s'agissant du prétendu caractère non définitif de la décision du bureau du 12 juin 2023, à laquelle fait référence la motivation de la décision d'annulation de la procédure négociée.

52      Par conséquent, compte tenu du contexte entourant la décision du 20 juillet 2023, celle-ci a permis aux requérantes de connaître la justification de l'annulation de la procédure négociée et, ainsi qu'il ressort de l'analyse de la deuxième branche du moyen unique, au Tribunal d'exercer son contrôle. Il s'ensuit que le Parlement n'a pas méconnu son obligation de motivation.

53      Dès lors, il y a lieu de rejeter la première branche du moyen unique, tirée d'un défaut de motivation.

 Sur la deuxième branche, tirée d'une erreur manifeste d'appréciation

54      Les requérantes font valoir que la DG « Infrastructures » a annulé la procédure négociée en se fondant uniquement sur une préférence du bureau concernant l'option no 2 sans tenir compte du fait que cette option devait faire l'objet d'une décision définitive du même bureau et sans qu'il soit certain que cette dernière allait pouvoir être mise en œuvre. Selon les requérantes, leur projet conserve la forme existante du bâtiment Spaak avec une approche centrée sur les objectifs environnementaux et énergétiques et, par conséquent, il peut s'inscrire dans le cadre des exigences visées dans l'option finalement choisie par le bureau. Les requérantes ajoutent que l'option no 2 est plus onéreuse que l'option no 1, ce qui serait confirmé par des articles de presse, et que l'option no 1 respectait les objectifs financiers tels qu'expliqués dans la résolution du 19 octobre 2022.

55      Le Parlement conteste cette argumentation.

56      À titre liminaire, il convient de souligner que, dans les documents de marché de la procédure négociée, il est indiqué, au point 6 des conditions générales de participation à l'appel d'offres, ce qui suit :  

« Le présent appel d'offres n'entraîne aucune obligation de la part du Parlement européen ; cela ne se produira qu'au moment de la signature du contrat avec le soumissionnaire retenu. De même, la présentation d'une offre n'autorise nullement un soumissionnaire à se voir attribuer le marché ou une partie de celui-ci. Jusqu'à la signature du contrat, le Parlement européen peut annuler la procédure de passation de marché sans que les soumissionnaires puissent prétendre à une quelconque indemnisation […] »

57      En outre, conformément à l'article 171 du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l'Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1, ci-après le « règlement financier »), le pouvoir adjudicateur peut, avant la signature du marché, annuler la procédure de passation de marché, sans que les candidats ou les soumissionnaires puissent prétendre à une quelconque indemnisation.

58      Selon une jurisprudence constante, le pouvoir adjudicateur dispose d'un large pouvoir d'appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de prendre la décision de passer un marché à la suite d'un appel d'offres et le contrôle du Tribunal doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi que de l'exactitude matérielle des faits, de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir. Ce large pouvoir d'appréciation est reconnu au pouvoir adjudicateur tout au long de la procédure de passation du marché, y compris en ce qui concerne le choix et l'évaluation des critères de sélection et d'attribution (voir arrêts du 17 septembre 2015, Ricoh Belgium/Conseil, T‑691/13, non publié, EU:T:2015:641, point 31 et jurisprudence citée, et du 4 juillet 2016, Orange Business Belgium/Commission, T‑349/13, non publié, EU:T:2016:385, point 45 et jurisprudence citée).

59      Afin d'établir que, dans l'appréciation des faits, le pouvoir adjudicateur a commis une erreur à ce point manifeste qu'elle est de nature à justifier l'annulation de la décision d'annulation de la procédure négociée, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues dans la décision en cause (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2017, Blaž Jamnik et Blaž/Parlement, T‑726/15, EU:T:2017:376, point 38).

60      C'est à la lumière des considérations qui précèdent qu'il y a lieu d'examiner si le Parlement a commis une erreur manifeste d'appréciation en annulant la procédure négociée.

61      En premier lieu, s'agissant de l'objet du marché en cause, dans la partie « Contexte et [o]bjectifs » du cahier des charges du concours distribué aux requérantes, il est indiqué que le Parlement a décidé de rénover le bâtiment Spaak, car celui-ci ne répondait plus aux exigences actuelles en matière de sécurité structurelle, de capacité fonctionnelle ainsi que de performance environnementale. Les projets pouvaient aller de la rénovation profonde du bâtiment à sa reconstruction. Le point A.16 du même document énonce que « l'état général du bâtiment nécessite au moins une rénovation radicale ».

62      En deuxième lieu, ainsi qu'il a été relevé au point 6 ci-dessus, le 19 octobre 2022, la résolution sur le projet de budget général de l'Union adoptée par le Parlement impliquait pour le bureau d'examiner les économies possibles et de reconsidérer entièrement le projet sur le bâtiment Spaak.

63      En troisième lieu, le bureau, lors de sa réunion du 12 juin 2023, a décidé d'écarter la négociation avec le lauréat du concours (option no 1) et a opté pour l'option no 2, à savoir la rénovation du bâtiment Spaak pour répondre aux futures normes environnementales, tout en conservant ses fonctionnalités et en préservant sa conception architecturale. À la suite de cette décision du bureau, le directeur de la DG « Infrastructures » chargé des projets immobiliers a informé les requérantes de l'annulation de la procédure négociée.

64      Dès lors, compte tenu de l'objet du marché et du projet des requérantes, le pouvoir adjudicateur pouvait fonder sa décision d'annuler la procédure négociée sur la base de la préférence du bureau, qui constitue l'organe décisionnaire du Parlement en ce qui concerne l'organisation et le fonctionnement interne de cette institution, pour l'option no 2.

65      En effet, au regard de son large pouvoir d'appréciation rappelé au point 58 ci-dessus, le pouvoir adjudicateur pouvait décider de ne pas poursuivre la procédure négociée visant l'ajustement du projet des requérantes, en considérant que cette décision était appropriée à la suite de la préférence du bureau pour une rénovation sans modification architecturale du bâtiment Spaak.

66      Cela a été confirmé lors de l'audience, pendant laquelle, en réponse à une question orale posée par le Tribunal, le Parlement, après avoir rappelé le rôle du bureau selon son règlement intérieur, a précisé que ce dernier désignait les grandes orientations. Toutefois, la décision de la DG « Infrastuctures » ne serait pas un résultat automatique de la décision du bureau du 12 juin 2023, ladite direction générale ayant une marge d'appréciation et pouvant adopter une décision de portée différente.

67      En outre, l'ensemble des motifs justifiant la préférence des membres du bureau pour l'option no 2 est énuméré dans la décision de celui-ci du 12 juin 2023. En particulier, ainsi que le fait valoir le Parlement, les motifs en faveur de l'option no 2 concernent, premièrement, l'« exigence de sobriété » imposée par le nouveau contexte économique et politique général, deuxièmement, l'urgence de la prise d'une décision, troisièmement, l'existence d'un risque juridique lié aux propositions de modification des caractéristiques architecturales du projet, quatrièmement, le caractère plus coûteux de l'option no 1, cinquièmement, la préférence pour une rénovation « ciblée » du bâtiment et, sixièmement, le fait que l'option no 2 pouvait inclure des « sous-options », avec une capacité accrue d'agir sur les coûts, par rapport à un projet architectural issu d'un concours.

68      Par ailleurs, il y a lieu de constater que la décision du 20 juillet 2023 était également conforme, ainsi que le Parlement le fait valoir dans ses écritures, au principe de bonne gestion financière prévu par l'article 317 TFUE. À cet égard, il a réussi à épargner des ressources humaines et financières, ce qui n'aurait pas été le cas s'il avait mobilisé ses services pour l'étude d'une offre qui n'aurait pas pu être acceptée ou s'il avait signé un contrat avec les requérantes en contradiction avec la décision du bureau du 12 juin 2023.

69      Dans ce contexte, et contrairement à ce que font valoir les requérantes, le fait que la décision du bureau du 12 juin 2023 n'était pas encore définitive au moment de l'adoption de la décision du 20 juillet 2023 ne saurait remettre en cause l'appréciation faite par le Parlement, le contenu de la décision du bureau et l'attribution au secrétaire général de l'élaboration d'un plan de mise en œuvre de l'option no 2 ne laissant pas de doutes sur l'orientation du bureau.

70      Par ailleurs, il convient d'écarter les arguments des requérantes selon lesquels leur projet pouvait s'inscrire dans le cadre des exigences visées dans l'option no 2 et cette dernière option était plus onéreuse que l'option no 1.

71      Plus précisément, d'une part, contrairement à ce que soutiennent les requérantes et ainsi que le Parlement le relève, leur projet architectural ne pouvait pas répondre aux exigences de l'option no 2. En effet, le projet des requérantes, malgré le fait qu'il maintenait une partie de la structure existante du bâtiment Spaak, contenait des modifications architecturales. Plus particulièrement, ce projet prévoyait l'ajout d'une nouvelle construction sur le tronçon central et le toit ainsi que la suppression de la partie verticale en forme de demi-cercle allongé qui surplombait l'ellipse du bâtiment existant, habituellement appelé le « dôme ». Une partie en arc de cercle débordant de l'ellipse sur les différents niveaux du côté du parc était aussi supprimée. La façade se présentait sous la forme d'une grille dont le but serait de servir d'enveloppe autour des structures et de fournir une nouvelle image du bâtiment. Une « agora » au niveau supérieur était également créée, ce qui avait pour conséquence la création d'un nouvel hémicycle.

72      Dès lors, il s'agissait de changements fondamentaux par rapport à la structure initiale du bâtiment Spaak, les propositions des requérantes sur une telle rénovation profonde étant également au nombre des raisons pour lesquelles elles avaient gagné le premier prix du concours.

73      Il résulte du projet des requérantes que l'offre du consortium ne pouvait être compatible avec la conservation de la conception architecturale du bâtiment Spaak requise par l'option no 2. Un tel exercice nécessitait, ainsi que le fait valoir le Parlement, des modifications substantielles à leur projet, qui auraient été différentes des modifications permises dans le cadre d'une procédure négociée, comme il résulte de ses objectifs décrits à l'annexe III du projet de contrat inclus dans les documents de marché de ladite procédure. À cela s'ajoutait le risque de fausser la concurrence, puisque de telles modifications portaient sur des éléments essentiels du projet, sur lesquels le jury s'était fondé pour classer le projet des requérantes en première position.

74      D'autre part, il résulte de l'offre du consortium, telle que présentée lors de la procédure négociée, que le coût des travaux s'élevait à 361 200 000 euros. Le coût de la mise en œuvre de l'option no 2, tel que mentionné dans les articles de presse invoqués par les requérantes (annexes C.1 et C.2 de la réplique), « comprenant entre autres des frais généraux et d'études d'environ 30 % », s'élevait à 455 millions d'euros.

75      À cet égard, il y a lieu de relever, à l'instar du Parlement, que, afin de comparer les deux coûts des travaux, il convient de déduire les frais généraux et d'études qui représentent 30 %, ce qui aboutit à un montant de 350 millions d'euros pour le coût total des travaux avec l'option no 2. Cette option est donc moins onéreuse que l'option no 1.

76      En tout état de cause, et ainsi que le fait valoir à juste titre le Parlement dans la duplique, la réduction des coûts constitue seulement l'un des six motifs invoqués dans la décision du bureau du 12 juin 2023 justifiant la préférence des membres de ce dernier pour l'option no 2, mentionnés au point 67 ci-dessus.

77      Il ressort de l'ensemble de ce qui précède que les requérantes n'ont pas démontré que le Parlement avait commis une erreur manifeste d'appréciation.

78      La deuxième branche du moyen unique doit dès lors être rejetée.

 Sur la troisième branche, tirée de la violation du principe de protection de la confiance légitime

79      Les requérantes reprochent au Parlement d'avoir violé le principe de protection de la confiance légitime, en ce qu'il s'est écarté de sa ligne de conduite en annulant la procédure négociée après des mois de négociations. Tout d'abord, d'une part, elles soutiennent, en substance, que, le 5 mai 2023, et à la suite d'une proposition de contrat par le Parlement, leur consortium a reçu les documents relatifs à la procédure négociée, lesquels contenaient également un projet de contrat. Puis, le 13 juin 2023, quelques jours après le dépôt de son offre, le consortium a appris que son projet avait été annulé par le Parlement. Les requérantes font valoir que le Parlement a adopté une ligne de conduite visant la conclusion du contrat avec elles sans mentionner la possibilité que leur projet puisse être annulé. De plus, il résulterait d'une lecture combinée des points B.26 et B.142 du cahier des charges du concours qu'une décision favorable du bureau de poursuivre le concours avait déjà été prise par le Parlement, dans la mesure où la procédure négociée ne pouvait se concevoir qu'en présence d'une telle décision. D'autre part, elles reprochent au Parlement d'avoir étudié d'autres options et l'accusent d'être de mauvaise foi, puisque ce dernier aurait pu entreprendre des négociations avec elles afin que leur proposition de conception corresponde à l'option no 2. L'annulation de la procédure négociée constituerait une violation du point 11.1, sous d), de l'annexe I du règlement financier. Ensuite, les requérantes soutiennent qu'une proposition de contrat de la part du Parlement a eu lieu lors d'une réunion organisée le 6 mars 2023 et d'un appel téléphonique passé le 14 avril suivant, avant que leur soient transmis les documents relatifs à la procédure négociée, et cela n'est pas en contradiction avec le règlement financier. Enfin, elles font valoir qu'il ressort des documents de marché que leur projet pouvait être adapté en tenant compte du potentiel du bâtiment existant et des préoccupations budgétaires du Parlement et que les arguments de ce dernier selon lesquels la rénovation sans changement architectural constituait une modification substantielle de l'objet du concours et du projet gagnant sont présentés pour la première fois dans le mémoire en défense.

80      Le Parlement conteste ces arguments.

81      Selon une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s'étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l'administration de l'Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées (arrêts du 15 juillet 2004, Di Lenardo et Dilexport, C‑37/02 et C‑38/02, EU:C:2004:443, point 70, et du 17 décembre 1998, Embassy Limousines & Services/Parlement, T‑203/96, EU:T:1998:302, point 74). Le droit de se prévaloir de ce principe suppose la réunion de trois conditions. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l'intéressé par l'administration. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l'esprit de celui auquel elles s'adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 15 juillet 2015, Socitrel et Companhia Previdente/Commission, T‑413/10 et T‑414/10, EU:T:2015:500, point 174 et jurisprudence citée).

82      Il convient de rappeler que constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants, émanant de sources autorisées et fiables. En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l'absence d'assurances précises que lui aurait fournies l'administration. De même, lorsqu'un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l'adoption d'une mesure de l'Union de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice dudit principe lorsque cette mesure est adoptée (voir arrêts du 17 mars 2011, AJD Tuna, C‑221/09, EU:C:2011:153, points 72 et 73 et jurisprudence citée, et du 3 décembre 2019, République tchèque/Parlement et Conseil, C‑482/17, EU:C:2019:1035, point 153 et jurisprudence citée).

83      Force est de constater que les allégations des requérantes ne répondent pas aux exigences mentionnées au point 81 ci-dessus.

84      En premier lieu, la possibilité pour un pouvoir adjudicateur d'annuler une procédure de passation de marché avant la signature du marché, sans que les candidats ou les soumissionnaires puissent prétendre à une quelconque indemnisation, est expressément prévue à l'article 171 du règlement financier, ainsi qu'il a été relevé au point 57 ci-dessus.

85      De plus, ainsi qu'il a été relevé au point 56 ci-dessus, les documents de marché de la procédure négociée indiquaient la possibilité du Parlement d'annuler la procédure de passation du marché avant la signature du contrat sans faire naître d'obligations de sa part. Dès lors, et ainsi que le fait valoir le Parlement, ce rappel du droit d'annulation de la procédure dans les documents de marché empêche de conclure au caractère inconditionnel de l'assurance alléguée.

86      En deuxième lieu, la décision du bureau quant à la poursuite ou non du concours constituait une condition nécessaire pour la conclusion d'un contrat, ainsi qu'il résulte des points B.26 et B.142 du cahier des charges du concours, lus en combinaison avec l'introduction de son annexe 12 intitulée « Mission d'auteur du projet », aux termes de laquelle l'autorité de projet gagnante sélectionnée par le Parlement, à la suite d'une décision prise par le bureau, serait invitée à participer à une procédure négociée visant la signature d'un contrat de service. À cet égard, dans les courriels du 28 juillet 2022 et du 23 février 2023, le Parlement a indiqué que le bureau n'avait pas encore pris de décision sur la poursuite ou non du concours.

87      En l'espèce, les requérantes déduisent du fait que la procédure négociée a été lancée le 5 mai 2023 qu'une décision favorable du bureau pour la poursuite du concours a nécessairement été prise. D'une part, il convient de constater que la finalité de la procédure négociée annulée est différente de celle de la procédure négociée visée au point B.26 du cahier des charges du concours, laquelle est lancée à la suite d'une éventuelle décision favorable de la part du bureau pour la poursuite du concours. En effet, ainsi que le Parlement l'a relevé à juste titre, la première visait à ajuster le projet des requérantes afin de réduire son coût et de remédier aux autres difficultés qu'il présentait, dans l'hypothèse de sa mise en œuvre à la suite d'une éventuelle décision favorable du bureau.

88      En revanche, ainsi que cela a été confirmé par le Parlement lors de l'audience, la seconde, à savoir la procédure négociée visée au point B.26 du cahier des charges du concours, concerne les services généraux de conception architecturale requis au stade de la réalisation du projet, tels que l'établissement des plans détaillés, l'assistance à la préparation des demandes de permis et l'établissement des autres documents et spécifications techniques pour la construction du bâtiment. La procédure négociée lancée le 5 mai 2023 et la procédure négociée visée au point B.26 du cahier des charges du concours se distinguent donc par leur finalité.

89      D'autre part, la seule décision du bureau ayant statué sur la poursuite du concours est, ainsi qu'il ressort du dossier, celle du 12 juin 2023 qui indique que le choix s'est porté sur l'option no 2, excluant ainsi le projet des requérantes.

90      Par conséquent, la prémisse des requérantes selon laquelle il existait une décision favorable du bureau à la poursuite du concours du fait qu'une procédure négociée avait été lancée repose sur une interprétation erronée de la finalité de la procédure négociée annulée et ne saurait satisfaire aux exigences de la jurisprudence mentionnée au point 81 ci-dessus, en particulier s'agissant des assurances précises de nature à faire naître une attente légitime.

91      En troisième lieu, les requérantes n'apportent aucun élément de preuve susceptible d'établir que le Parlement leur a proposé de signer un contrat au cours de la réunion du 6 mars 2023 et de l'appel téléphonique du 14 avril suivant. Le fait que, dans le courriel du 23 février 2023, il est indiqué qu'ils « examineron[t] également un contrat de consultance » et que « l'invitation sera envoyée pour le lundi 6 mars » ne constitue à l'évidence pas une assurance précise du Parlement ni une preuve qu'une telle proposition a eu lieu lors de la réunion du 6 mars 2023 ou de l'appel téléphonique du 14 avril suivant.

92      En quatrième lieu, quant à l'argument des requérantes selon lequel le règlement financier ne prévoit pas un formalisme spécifique pour le lancement d'une procédure négociée sans publication préalable, d'une part, il y a lieu de constater que l'article 164, paragraphe 4, dudit règlement prévoit ce qui suit :  

« Dans toutes les procédures faisant intervenir une négociation, le pouvoir adjudicateur négocie avec les soumissionnaires l'offre initiale et toutes les offres ultérieures éventuelles, ou des parties de celles-ci, à l'exception de leur offre finale, en vue d'en améliorer le contenu. Les exigences minimales et les critères précisés dans les documents de marché ne font pas l'objet de négociations. »

93      D'autre part, le point 16 de l'annexe I du règlement financier prévoit les éléments nécessairement contenus dans les documents de marché. Il résulte d'une lecture combinée de ces dispositions que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir qu'aucun formalisme n'est prévu par le règlement financier. Par conséquent, une prétendue proposition de contrat en mars et avril 2023, sans que le Parlement ait lancé préalablement une procédure formelle de marché, constitue une circonstance qui ne satisferait pas, en tout état de cause, aux exigences de la jurisprudence mentionnée au point 81 ci-dessus, laquelle requiert que les assurances données soient conformes aux normes applicables.

94      En cinquième lieu, l'argument des requérantes selon lequel, malgré une contradiction avec le règlement financier, le Parlement reste responsable de la ligne de conduite qu'il a adoptée, puisque ses agissements démontrent qu'il a souhaité conclure un contrat de service avec elles, ne saurait prospérer non plus. En effet, cette allégation est contredite par la jurisprudence constante citée au point 81 ci-dessus qui requiert que les assurances données soient conformes aux normes applicables.

95      En sixième lieu, à supposer que les requérantes étaient dans une situation ambiguë quant à la prise d'une décision en faveur de la poursuite du concours de la part du bureau, cela ne satisferait pas, ainsi que le fait valoir le Parlement, aux exigences de la jurisprudence qui requiert que soient fournies des assurances précises, inconditionnelles et concordantes (voir, en ce sens, arrêt du 20 mars 2013, Nexans France/Entreprise commune Fusion for Energy, T‑415/10, EU:T:2013:141, point 175).

96      S'agissant des arguments des requérantes selon lesquels leur projet pouvait être adapté en tenant compte du potentiel du bâtiment existant et des préoccupations budgétaires du Parlement et selon lesquels elles ne comprennent pas la raison pour laquelle leur projet ne pouvait pas s'insérer dans la procédure négociée annulée en raison de prétendues modifications substantielles, il convient de les rejeter comme inopérants aux fins de la présente branche, tirée de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

97      Il en va de même concernant l'argumentation des requérantes selon laquelle le Parlement n'était pas de bonne foi dès lors qu'il a étudié d'autres options que la réalisation de leur projet architectural, ce qui l'aurait conduit à violer le principe de protection de la confiance légitime. En particulier, les requérantes font valoir que la possibilité pour le Parlement d'étudier d'autres options serait contraire au point 11.1, sous d), de l'annexe I du règlement financier.

98      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu du point 11.1, sous d), de l'annexe I du règlement financier, « [l]e pouvoir adjudicateur peut recourir à une procédure négociée sans publication préalable d'un avis de marché, quel que soit le montant estimé du marché [...] lorsqu'un marché de services fait suite à un concours et doit être attribué au gagnant ou à un des gagnants ; dans ce dernier cas, tous les gagnants du concours sont invités à participer aux négociations ». Il s'ensuit que cette disposition ne constitue pas une obligation pour le pouvoir adjudicateur de recourir à une procédure négociée.

99      En l'espèce, le Parlement était libre d'examiner les différentes possibilités dont il disposait, parmi lesquelles celle de poursuivre ou non avec le lauréat du concours. En outre, et ainsi que le fait valoir à juste titre le Parlement, les requérantes ne démontrent pas pourquoi un tel examen des différentes options serait automatiquement constitutif d'un manquement à la bonne foi et d'une violation du principe de protection de la confiance légitime.

100    Il résulte des considérations exposées aux points 84 à 99 ci-dessus que les différents éléments invoqués par les requérantes, pris séparément ou ensemble, ne permettent pas d'établir que le Parlement leur aurait fourni des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, de nature à faire naître chez elles une attente légitime, en ce sens qu'un contrat serait conclu avec elles à l'issue de la procédure négociée.

101    Par ailleurs, et conformément à l'article 171 du règlement financier, l'invitation à soumettre une candidature à l'appel d'offres indiquait que le pouvoir adjudicateur pouvait, jusqu'à la signature du contrat, annuler la procédure de passation de marché. Il s'ensuit que, en leur qualité d'opérateur économique prudent et avisé et de soumissionnaire dans le cadre de cette procédure, les requérantes ne pouvaient ignorer que le Parlement pouvait annuler la procédure négociée avant la signature d'un contrat (voir, en ce sens, arrêt du 13 octobre 2021, Ciano Trading & Services CT & S e.a./Commission, T‑45/21, EU:T:2021:701, point 41). Dès lors, les requérantes étaient en mesure de savoir que le Parlement pouvait annuler la procédure négociée et elles ne se trouvaient pas dans un cas où ladite institution pouvait leur fournir des assurances de nature à faire naître une quelconque espérance fondée.

102    Dans ces conditions, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le Parlement a violé le principe de protection de la confiance légitime.

103    Partant, la troisième branche du moyen unique, tirée de la violation du principe de protection de la confiance légitime, doit être écartée.

104    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

105    Aux termes de l'article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Parlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      JDS Architects ApS, Coldefy & associés architectes urbanistes, NL Architects BV, Carlorattiassociati Srl et Ensamble studio SL sont condamnées aux dépens.

Kowalik-Bańczyk

Buttigieg

Hesse

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 mars 2025.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

S. Papasavvas


*      Langue de procédure : le français.

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