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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Abertis Telecom and Retevision I v Commission (Judgment) French Text [2015] EUECJ T-541/13 (26 November 2015) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2015/T54113.html Cite as: ECLI:EU:T:2015:898, EU:T:2015:898, [2015] EUECJ T-541/13 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
26 novembre 2015 (*)
« Aides d’État – Télévision numérique – Aide au déploiement de la télévision numérique terrestre dans des zones éloignées et moins urbanisées en Espagne – Décision déclarant les aides pour partie compatibles et pour partie incompatibles avec le marché intérieur – Avantage – Service d’intérêt économique général – Article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE – Aides nouvelles – Obligation de motivation »
Dans l’affaire T‑541/13,
Abertis Telecom, SA, établie à Barcelone (Espagne),
Retevisión I, SA, établie à Barcelone,
représentées initialement par Mes L. Cases Pallarès, J. Buendía Sierra, N. Ruiz García, A. Lamadrid de Pablo, M. Muñoz de Juan et M. Reverter Baquer, puis par Mes Cases Pallarès, Buendía Sierra, Lamadrid de Pablo et Reverter Baquer, avocats,
parties requérantes,
contre
Commission européenne, représentée par MM. É. Gippini Fournier, B. Stromsky et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenue par
SES Astra, établie à Betzdorf (Luxembourg), représentée par Mes F. González Díaz, F. Salerno et V. Romero Algarra, avocats,
partie intervenante,
ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2014/489/UE de la Commission, du 19 juin 2013, relative à l’aide d’État SA.28599 [(C 23/2010) (ex NN 36/2010, ex CP 163/2009)] accordée par le Royaume d’Espagne en faveur du déploiement de la télévision numérique terrestre dans des zones éloignées et moins urbanisées (excepté en Castille-La-Manche) (JO L 217, p. 52),
LE TRIBUNAL (cinquième chambre),
composé de MM. A. Dittrich (rapporteur), président, J. Schwarcz et Mme V. Tomljenović, juges,
greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 mars 2015,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 La présente affaire concerne des mesures mises en exécution par les autorités espagnoles dans le cadre du passage de la radiodiffusion analogique à la radiodiffusion numérique en Espagne en ce qui concerne l’ensemble du territoire espagnol, à l’exception de la communauté autonome de Castille-La-Manche (Espagne). Cette numérisation, qui peut techniquement être effectuée par le biais des plates-formes terrestre, satellitaire, câblée ou par le biais des accès à haut débit sur Internet, permet une utilisation plus efficace du spectre de fréquences radio. Dans la radiodiffusion numérique, le signal de télévision résiste mieux aux interférences et peut être accompagné d’une série de services complémentaires qui donnent une valeur ajoutée à la programmation. En outre, le processus de numérisation permet d’obtenir le soi-disant « dividende numérique », c’est-à-dire des fréquences libérées, puisque les technologies de la télévision numérique occupent un spectre bien moins large que les technologies analogiques. C’est en raison de ces avantages que la Commission européenne a encouragé, dès 2002, la numérisation dans l’Union européenne.
2 Le Royaume d’Espagne a instauré le cadre réglementaire nécessaire pour promouvoir le processus de transition de la radiodiffusion analogique à la radiodiffusion numérique, en promulguant notamment la Ley 10/2005 de Medidas Urgentes para el Impulso de la Televisión Digital Terrestre, de Liberalización de la Televisión por Cable y de Fomento del Pluralismo (loi 10/2005 établissant des mesures urgentes en vue du développement de la télévision numérique terrestre, de la libéralisation de la télévision par câble et encourageant au pluralisme) du 14 juin 2005 (BOE n° 142, du 15 juin 2005, p. 20562, ci-après la « loi 10/2005 ») et le Real Decreto 944 /2005 por el que se aprueba el Plan técnico nacional de la televisión digital terrestre (décret royal 944/2005 portant approbation du programme technique national en faveur de la télévision numérique terrestre) du 29 juillet 2005 (BOE n° 181, du 30 juillet 2005, p. 27006, ci-après le « décret royal 944/2005 »). Ce décret royal a imposé aux radiodiffuseurs nationaux de couvrir 96 % de la population dans le cas du secteur privé et 98 % de la population dans le cas du secteur public sur leur territoire respectif.
3 Afin de gérer le passage de la télévision analogique à la télévision numérique, les autorités espagnoles ont divisé le territoire espagnol en trois zones distinctes :
– dans la zone I, qui comprend 96 % de la population espagnole et qui a été considérée comme commercialement rentable, le coût du passage au numérique a été supporté par les radiodiffuseurs publics et privés ;
– dans la zone II, qui comprend des régions moins urbanisées et éloignées représentant 2,5 % de la population espagnole, les radiodiffuseurs, à défaut d’intérêt commercial, n’ont pas investi dans la numérisation, ce qui a amené les autorités espagnoles à mettre en place un financement public ;
– dans la zone III, englobant 1,5 % de la population espagnole, la topographie exclut la transmission numérique terrestre, de sorte que le choix s’est porté sur la plate-forme satellitaire.
4 Par décision du 7 septembre 2007, le Conseil des ministres espagnol a adopté le programme national en faveur du passage à la télévision numérique terrestre (ci-après la « TNT ») portant mise en œuvre du programme technique national prévu par le décret royal 944/2005. Ce programme a divisé le territoire espagnol en 90 projets techniques de passage et a fixé une date limite pour la fin de la radiodiffusion analogique pour chacun de ces projets. L’objectif fixé dans ce programme était d’atteindre une couverture de la population espagnole par le service de TNT analogue à la couverture de ladite population par la télévision analogique en 2007, à savoir plus de 98 % de cette population.
5 Dès lors que les obligations de couverture fixées pour la TNT (voir point 2 ci-dessus) risquaient de conduire à une couverture de la population espagnole moindre que la couverture de ladite population par la radiodiffusion analogique préexistante, il était nécessaire de garantir la couverture télévisuelle dans la zone II. La présente affaire ne porte que sur le financement public accordé par les autorités espagnoles pour soutenir le processus de numérisation terrestre dans ladite zone.
6 Le 29 février 2008, le ministère de l’Industrie, du Tourisme et du Commerce espagnol (ci-après le « MITC ») a adopté une décision destinée à améliorer les infrastructures de télécommunication et à fixer les critères et la répartition du financement des actions menées en faveur du développement de la société de l’information dans le cadre d’un plan intitulé « Plan Avanza ». Le budget approuvé en vertu de cette décision a été alloué en partie à la numérisation de la télévision dans la zone II.
7 Entre juillet et novembre 2008, la numérisation dans la zone II a été conduite au moyen de différents addenda aux conventions-cadres de 2006 en vigueur signés par le MITC et les communautés autonomes du Royaume d’Espagne dans le cadre du Plan Avanza. À la suite de ces addenda, le MITC a transféré des fonds aux communautés autonomes, qui se sont engagées à couvrir les autres dépenses liées à l’opération avec leurs propres ressources budgétaires.
8 Le 17 octobre 2008, le Conseil des ministres espagnol a décidé d’assigner des fonds supplémentaires pour étendre et compléter la couverture de la TNT dans le cadre des projets de passage qui devaient être mis en œuvre au cours du premier semestre de 2009. Les fonds ont été accordés après la signature de nouvelles conventions-cadres entre le MITC et les communautés autonomes en décembre 2008 relatives à la mise en œuvre du programme national en faveur du passage à la TNT. Le 29 mai 2009, ledit Conseil des ministres a approuvé les critères de répartition des fonds alloués au financement des initiatives en faveur du passage à la TNT.
9 Après la signature des addenda aux conventions-cadres de 2008 relatifs à l’extension de couverture de la TNT et la publication de ces conventions-cadres et de ces addenda au Boletín oficial del Estado, les communautés autonomes ont engagé le processus d’extension. À cet effet, elles se sont occupées de l’organisation d’appels d’offres ou ont confié cette organisation à des entreprises privées. Dans certains cas, les communautés autonomes ont demandé aux communes de se charger de l’extension.
10 En règle générale, deux types d’appels d’offres ont été lancés en Espagne. Premièrement, il y a eu les appels d’offres pour l’extension de la couverture qui impliquaient de confier à l’attributaire la mission de fournir un réseau de TNT opérationnel. À cet effet, la conception et l’exploitation du réseau, le transport du signal, le déploiement du réseau et la fourniture de l’équipement nécessaire figuraient parmi les tâches à effectuer. Les autres appels d’offres portaient sur la fourniture d’équipements de télécommunication.
11 Au total, entre 2008 et 2009, près de 163 millions d’euros prélevés sur le budget central, en partie des prêts à des conditions préférentielles accordés par le MITC aux communautés autonomes, et environ 60 millions d’euros prélevés sur les budgets des seize communautés autonomes concernées ont été investis pour l’extension de la couverture dans la zone II. Par ailleurs, les communes ont financé l’extension à hauteur d’environ 3,5 millions d’euros.
12 À partir de 2009, la deuxième étape après l’extension de la TNT dans la zone II consistait, pour certaines communautés autonomes, à organiser d’autres appels d’offres ou à conclure, sans appels d’offres, les contrats d’exploitation et de maintenance de l’équipement numérisé et déployé pendant l’extension. Le montant total des fonds alloués au moyen d’appels d’offres pour l’exploitation et la maintenance pour les années allant de 2009 à 2011 s’élevait à au moins 32,7 millions d’euros.
13 La première requérante, Abertis Telecom SA, est un exploitant d’infrastructures de télécommunications et un fournisseur d’équipements de réseaux. Elle détient 100% du capital social de la seconde requérante, Retevisión I SA, à qui a été attribué une partie des appels d’offres organisés par les diverses administrations publiques espagnoles.
14 Le 18 mai 2009, la Commission a reçu une plainte émanant d’un opérateur européen de satellites, à savoir l’intervenante, SES Astra, qui portait sur un régime d’aides présumé des autorités espagnoles en faveur du passage de la télévision analogique à la télévision numérique dans la zone II. Selon ledit opérateur, cette mesure comportait une aide non notifiée qui aurait créé une distorsion de concurrence entre la plate-forme de radiodiffusion terrestre et celle de radiodiffusion satellitaire.
15 Par lettre du 29 septembre 2010, la Commission a informé le Royaume d’Espagne de sa décision d’ouvrir la procédure visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE concernant l’aide en question sur l’ensemble du territoire espagnol, à l’exception de la communauté autonome de Castille-La-Manche, région dans laquelle une procédure indépendante a été ouverte (ci-après la « décision d’ouverture »). Par la publication de la décision d’ouverture, le 14 décembre 2010, au Journal officiel de l’Union européenne (JO C 337, p. 17), la Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations.
16 Après avoir reçu des observations des autorités espagnoles et d’autres parties intéressées, la Commission a adopté, le 19 juin 2013, la décision 2014/489/UE relative à l’aide d’État SA.28599 [(C 23/2010) (ex NN 36/2010, ex CP 163/2009)] accordée par le Royaume d’Espagne en faveur du déploiement de la télévision numérique terrestre dans des zones éloignées et moins urbanisées (excepté en Castille-La-Manche) (JO L 217, p. 52, ci-après la « décision attaquée »), dont le dispositif prévoit ce qui suit :
« Article premier
L’aide d’État accordée aux opérateurs de la plate-forme de télévision terrestre pour le déploiement, la maintenance et l’exploitation du réseau de télévision numérique terrestre dans la zone II, exécutée illégalement par [le Royaume d’]Espagne, en violation des dispositions de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, est incompatible avec le marché intérieur, à l’exception de l’aide qui aurait été accordée conformément au principe de neutralité technologique.
Article 2
L’aide individuelle octroyée au titre du régime visé à l’article 1er n’est pas constitutive d’une aide d’État si, au moment de son octroi, elle remplit les conditions établies dans le règlement adopté en vertu de l’article 2 du règlement (CE) n° 994/98 du Conseil, applicable au moment où l’aide est octroyée.
Article 3
1. [Le Royaume d’]Espagne devra récupérer, auprès des opérateurs de télévision numérique terrestre, l’aide incompatible accordée en vertu du régime visé à l’article 1er, qu’ils aient reçu l’aide directement ou indirectement.
2. Les sommes à récupérer produiront des intérêts à compter de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition des bénéficiaires, jusqu’à leur récupération effective.
3. Les intérêts seront calculés sur une base composée conformément au chapitre V du règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission.
4. [Le Royaume d’]Espagne annulera tous les paiements en suspens de l’aide visée à l’article 1er, à compter de la date de la notification de la présente décision.
Article 4
1. La récupération de l’aide octroyée dans le cadre du régime visé à l’article 1er sera immédiate et effective.
2. [Le Royaume d’]Espagne veillera à ce que la présente décision soit mise en œuvre dans un délai de quatre mois à compter de sa notification.
3. Dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, [le Royaume d’]Espagne communiquera les informations suivantes à la Commission :
a) la liste des bénéficiaires qui ont reçu l’aide en vertu du régime cité à l’article 1er et le montant total de l’aide reçue par chacun d’entre eux, conformément audit régime, ventilé en fonction des catégories qui figurent à la section 6.2 ;
b) le montant total (principal et intérêts) à recouvrer auprès de chaque bénéficiaire ;
[…]
Article 5
Le Royaume d’Espagne est destinataire de la présente décision. »
17 Aux fins de motiver la décision attaquée, en premier lieu, la Commission a considéré que les différents instruments adoptés au niveau central et les conventions qui avaient été conclues et modifiées entre le MITC et les communautés autonomes constituaient la base du régime d’aides pour l’extension de la TNT dans la zone II. Dans la pratique, les communautés autonomes auraient appliqué les directives du gouvernement espagnol sur l’extension de la TNT (considérant 91 de ladite décision).
18 En deuxième lieu, la Commission a constaté que la mesure en cause devait être considérée comme une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Étant donné que ladite mesure aurait été financée à partir du budget de l’État et des budgets de certaines communautés autonomes et communes, il s’agirait d’une intervention au moyen de ressources d’État. Selon la Commission, l’extension des réseaux d’émission de télévision était une activité économique et ne relevait pas de l’exercice de prérogatives de puissance publique. Les opérateurs de la plate-forme de TNT seraient les bénéficiaires directs de l’aide, tandis que les opérateurs de réseau qui auraient participé aux appels d’offres portant sur l’extension de la couverture seraient les bénéficiaires indirects de l’aide. L’avantage de cette mesure pour ces derniers opérateurs serait sélectif, car une telle mesure ne bénéficierait qu’au secteur de la radiodiffusion et, dans ce secteur, la même mesure ne concernerait que les entreprises qui intervenaient sur le marché de la plate-forme terrestre. Selon la décision attaquée, les autorités espagnoles ont présenté, comme le meilleur et l’unique exemple, le cas de la communauté autonome du Pays basque (Espagne) pour invoquer l’absence d’aide d’État conformément aux critères posés par la Cour dans l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, Rec, EU:C:2003:415). Toutefois, le premier critère de cet arrêt, selon lequel l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public et selon lequel ces obligations doivent être clairement définies, n’était, selon la Commission, pas satisfait. En outre, en l’absence de garantie du moindre coût dans l’intérêt général de ladite communauté autonome, le quatrième critère dudit arrêt n’aurait pas été satisfait. Selon la Commission, compte tenu du fait que les plates-formes de radiodiffusion satellitaire et terrestre étaient concurrentes, la mesure destinée au déploiement, à l’exploitation et à la maintenance de la TNT dans la zone II faussait le jeu de la concurrence entre les deux plates-formes. La mesure en question aurait également eu une incidence sur les échanges au sein de l’Union (considérants 94 à 141 de ladite décision).
19 En troisième lieu, la Commission a constaté que la mesure en cause ne pouvait être considérée comme une aide d’État compatible avec le marché intérieur, en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, en dépit du fait que cette mesure était destinée à atteindre un objectif d’intérêt commun bien défini et qu’elle avait reconnu l’existence d’une défaillance du marché. Selon elle, dès lors que ladite mesure ne respectait pas le principe de neutralité technologique, cette mesure n’était pas proportionnée et ne constituait pas un instrument approprié pour garantir la couverture des chaînes en clair aux résidents de la zone II (considérants 148 à 171 de la décision attaquée).
20 En quatrième lieu, la Commission a considéré que, en l’absence de définition avec précision de l’exploitation d’une plate-forme terrestre en tant que service public, la mesure en cause ne pouvait être justifiée au titre de l’article 106, paragraphe 2, TFUE (considérant 172 de la décision attaquée).
21 En cinquième lieu, la Commission a relevé que la mesure en cause n’était pas une aide existante, parce que ladite mesure devait être considérée comme une modification ayant eu une influence sur la substance même du régime initial. Les autorités espagnoles auraient donc dû notifier cette mesure (considérants 173 à 175 de la décision attaquée).
22 En sixième lieu, la Commission a précisé les différents cas dans lesquels les autorités espagnoles devaient récupérer l’aide en cause auprès des bénéficiaires directs et indirects (considérants 179 à 197 de la décision attaquée).
Procédure et conclusions des parties
23 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 octobre 2013, les requérantes ont introduit le présent recours.
24 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 29 octobre 2013, l’intervenante a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.
25 Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 25 novembre 2013, les requérantes ont demandé à ce que certaines pièces et informations contenues dans leurs écritures fassent l’objet d’un traitement confidentiel à l’égard de l’intervenante, si celle-ci était admise à intervenir.
26 Par ordonnance du 10 février 2014, il a été fait droit à la demande d’intervention et la décision sur le bien-fondé de la demande de traitement confidentiel présentée par les requérantes a été réservée.
27 Par lettre reçue au greffe du Tribunal le 27 février 2014, l’intervenante a contesté la demande de traitement confidentiel présentée par les requérantes.
28 L’intervenante a déposé son mémoire en intervention le 24 mars 2014. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 24 avril 2014, les requérantes ont présenté leurs observations sur ce mémoire. La Commission n’a pas présenté d’observations sur ce mémoire de l’intervenante.
29 Par ordonnance du 3 juillet 2014, la demande de traitement confidentiel présentée par les requérantes a été partiellement accueillie.
30 L’intervenante a déposé son mémoire en intervention complémentaire le 11 septembre 2014. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 27 octobre 2014, les requérantes ont présenté leurs observations sur ce mémoire. La Commission n’a pas présenté d’observations sur ce mémoire de l’intervenante.
31 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.
32 Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure du 2 mai 1991, le Tribunal a invité la Commission à produire des documents. La Commission a déféré à cette demande dans le délai imparti.
33 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 19 mars 2015.
34 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– constater que les moyens invoqués sont recevables et fondés ;
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
35 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner les requérantes aux dépens.
36 L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– faire droit aux conclusions de la Commission ;
– condamner les requérantes aux dépens découlant de son intervention.
En droit
Sur la recevabilité
37 La Commission, tout en ne contestant pas la recevabilité du recours et, plus précisément, la qualité pour agir des requérantes qui ne seraient pas les destinataires de la décision attaquée, fait valoir que les bénéficiaires effectifs de l’aide en cause ne seront identifiés que durant la phase de récupération, conformément aux considérants 189 à 197 de la décision attaquée.
38 Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de cet article, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.
39 En l’espèce, il est constant que la décision attaquée a pour unique destinataire le Royaume d’Espagne. Dans ces conditions, le recours en annulation n’est recevable, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, que si les requérantes sont directement et individuellement concernées par la décision attaquée ou si les requérantes sont directement concernées par la décision attaquée et cette dernière constitue un acte réglementaire qui ne comporte pas de mesures d’exécution (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, Rec, EU:C:2013:852, point 19).
40 Selon une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une décision le serait (voir, en ce sens, arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec, EU:C:1963:17, p. 197, 223, et du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, Rec, EU:C:2007:698, point 30).
41 En outre, il ressort de la jurisprudence qu’une entreprise ne saurait, en principe, attaquer une décision de la Commission interdisant un régime d’aides sectoriel si elle n’est concernée par cette décision qu’en raison de son appartenance au secteur en question et de sa qualité de bénéficiaire potentiel dudit régime. En effet, une telle décision se présente, à l’égard de l’entreprise requérante, comme une mesure de portée générale qui s’applique à des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard d’une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite (voir arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑298/00 P, Rec, EU:C:2004:240, point 37 et jurisprudence citée). Toutefois, les bénéficiaires effectifs d’aides individuelles octroyées au titre d’un régime d’aides dont la Commission a ordonné la récupération sont, de ce fait, individuellement concernés au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir arrêt du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, Rec, EU:C:2011:368, point 53 et jurisprudence citée).
42 En l’espèce, en vertu de l’article 1er de la décision attaquée, l’aide en cause a été octroyée aux opérateurs de réseau de TNT qui constituent donc les bénéficiaires de la mesure en cause. Il y a lieu de relever, ainsi que le font valoir les requérantes, que, en particulier aux considérants 104 et 108 ainsi que dans les notes en bas de page nos 54, 56 et 57 de ladite décision, les requérantes ont été mentionnées comme faisant partie des bénéficiaires directs et indirects de la mesure en cause en leur qualité d’opérateurs de réseau. Selon le considérant 106 de cette décision, les requérantes étaient les principales bénéficiaires des appels d’offres. Au considérant 194 de la même décision, la Commission a estimé que, dans le cas de la communauté autonome de Madrid, le montant de 3 622 744 euros accordé à la seconde requérante en sa qualité d’attributaire à la suite d’un appel d’offres non neutre devrait être intégralement récupéré auprès de cette entreprise, déduction faite du montant à récupérer auprès de l’entreprise publique qui avait lancé cet appel d’offres et qui serait le bénéficiaire direct.
43 S’il est vrai que la détermination définitive des bénéficiaires effectifs de la mesure en cause n’a pas été effectuée dans la décision attaquée mais sera faite dans le cadre de la phase de récupération de l’aide en cause, conformément à l’article 4 de ladite décision, il n’en demeure pas moins que, selon ces constatations, les requérantes ont effectivement reçu un certain montant des autorités espagnoles aux fins de l’extension de la couverture du réseau dans la zone II. Par conséquent, cette décision concerne les requérantes en raison d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une décision le serait. Il s’ensuit que les requérantes ont qualité pour agir.
44 En ce qui concerne l’argumentation des requérantes selon laquelle uniquement la seconde requérante serait l’attributaire des appels d’offres en cause, il convient de rappeler que, s’agissant d’un seul et même recours, il n’y a, en tout état de cause, pas lieu d’examiner la qualité pour agir de la première requérante (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, Rec, EU:C:1993:111, point 31).
45 Par conséquent, le recours est recevable.
Sur le fond
46 Au soutien du recours, les requérantes soulèvent quatre moyens. Le premier moyen est tiré, d’une part, d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce que la Commission a erronément constaté l’existence d’une aide d’État et, d’autre part, d’une violation de l’obligation de motivation. Les deuxième et troisième moyens concernent la question de la compatibilité de l’aide en cause avec le marché intérieur. Ils sont tirés, d’une part, d’une erreur de droit et d’un défaut de motivation dans l’application de la décision 2012/21/UE de la Commission, du 20 décembre 2011, relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2, TFUE aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général (JO 2012, L 7, p. 3) et, d’autre part, d’une erreur de droit et d’un défaut de motivation dans l’analyse de la compatibilité au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. Par le quatrième moyen, les requérantes font valoir une erreur de droit en ce que la Commission a constaté l’existence d’une aide nouvelle.
Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation et de l’article 107, paragraphe 1, TFUE
47 Les requérantes font valoir que la Commission a violé son obligation de motivation et l’article 107, paragraphe 1, TFUE en constatant l’existence d’une aide d’État.
– Sur la première branche, tirée d’une violation de l’obligation de motivation
48 Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir violé son obligation de motivation, prévue à l’article 296 TFUE. D’une part, bien que les mesures en cause aient été adoptées par les communautés autonomes et que la situation de fait différait selon la communauté autonome concernée, la Commission n’aurait pas analysé individuellement chaque appel d’offres. D’autre part, ainsi qu’il ressortirait notamment du considérant 43 de la décision attaquée, l’argumentation relative à l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415) aurait fait partie de la position espagnole et aurait été invoquée par plusieurs communautés autonomes et, en particulier, par la première requérante. En limitant l’analyse des premier et quatrième critères de cet arrêt au cas de la communauté autonome du Pays basque et en omettant l’examen des deuxième et troisième critères posés par cet arrêt, la Commission n’aurait pas répondu aux arguments invoqués.
49 Selon une jurisprudence constante, la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. La motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte, de façon à permettre, d’une part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle de légalité et, d’autre part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est bien fondée. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi au regard de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, la Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés. Il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt du 30 novembre 2011, Sniace/Commission, T‑238/09, EU:T:2011:705, points 37 et 38 et jurisprudence citée).
50 Il résulte également d’une jurisprudence constante que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêt du 12 septembre 2007, Olympiaki Aeroporia Ypiresies/Commission, T‑68/03, Rec, EU:T:2007:253, point 79 et jurisprudence citée).
51 En premier lieu, il y a lieu de rejeter l’argumentation selon laquelle la Commission a violé son obligation de motivation en ce qu’elle n’avait pas analysé individuellement chaque appel d’offres. En effet, il y a lieu de relever que la Commission a, aux considérants 90 à 93 de la décision attaquée, qui font référence aux considérants 23 à 31 de cette décision, décrit la base juridique de l’aide en cause. Elle a constaté que le cadre légal pour le passage au numérique en Espagne était un ensemble complexe formé de plusieurs instruments promulgués aussi bien par le gouvernement espagnol et les communautés autonomes que par les autorités locales pendant une période de quatre ans. Selon elle, bien que le programme technique national en faveur de la TNT de 2005 et le programme national en faveur du passage à la TNT de 2007 régissent en grande partie le passage à la TNT dans la zone I, ils avaient également posé les bases des mesures d’extension additionnelles dans la zone II. Le programme technique national en faveur de la TNT aurait également autorisé les autorités locales à établir, en partenariat avec les communautés autonomes, des centres émetteurs supplémentaires, nécessaires pour garantir la réception de la TNT dans cette dernière zone. Ces mesures d’extension auraient été mises en œuvre par les autorités régionales après la conclusion de plusieurs conventions-cadres avec ledit gouvernement et d’addenda à ces conventions-cadres. Selon la Commission, dans la pratique, les communautés autonomes avaient appliqué les directives de ce gouvernement sur l’extension de la TNT. Le déblocage de l’aide d’État pour le déploiement de la TNT dans la zone II aurait été marqué par le transfert de fonds des autorités nationales et régionales aux bénéficiaires.
52 Il résulte de différents actes législatifs et administratifs des autorités espagnoles que le plan de transition vers la télévision numérique dans l’ensemble du territoire du Royaume d’Espagne par un recours prédominant à la technologie terrestre obéissait à une initiative lancée et coordonnée par l’administration centrale. Il est constant, ainsi qu’il ressort du considérant 24 de la décision attaquée, que la loi 10/2005, qui marquait le début de la réglementation du passage à la TNT, a précisé la nécessité d’encourager la transition de la technologie analogique vers la TNT. Ainsi qu’il ressort du considérant 26 de ladite décision, les autorités espagnoles prévoyaient, dans une disposition additionnelle du programme technique national en faveur de la TNT, la possibilité d’une extension de couverture au moyen de la technologie terrestre dans les zones à faible densité de population à la condition que l’installation locale soit conforme à ce programme. Les considérants 28 à 32 de cette décision, dont le contenu n’est pas contesté par les requérantes, décrivent la collaboration entre le MITC et les communautés autonomes au moyen de conventions-cadres et d’addenda à des conventions-cadres afin de procéder à la numérisation dans ladite zone. Ces actes avaient notamment trait au cofinancement par le gouvernement espagnol de l’extension de la couverture de la TNT dans cette zone.
53 Au vu des éléments qui précèdent, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir analysé les mesures espagnoles en faveur du déploiement de la TNT dans la zone II dans un seul et même contexte. En effet, les différentes interventions étatiques aux niveaux national, régional et communal devant être analysées en fonction de leurs effets, elles présentaient, en l’espèce, des liens tellement étroits entre elles qu’elles pouvaient être considérées par la Commission comme un seul régime d’aides accordé par les autorités publiques en Espagne. Tel est le cas notamment parce que les interventions consécutives en Espagne présentaient, au regard notamment de leur chronologie, de leur finalité et de la situation dans ladite zone, des liens tellement étroits entre elles qu’il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas les avoir dissociées (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 2013, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, C‑399/10 P et C‑401/10 P, Rec, EU:C:2013:175, points 103 et 104).
54 En outre, dans le cas d’un régime d’aides, la Commission peut se borner à étudier les caractéristiques du régime en cause pour apprécier, dans les motifs de la décision, si, en raison des modalités que ce régime prévoit, celui-ci assure un avantage sensible aux bénéficiaires par rapport à leurs concurrents et est de nature à profiter essentiellement à des entreprises qui participent aux échanges entre États membres. Ainsi, dans une décision qui porte sur un tel régime, elle n’est pas tenue d’effectuer une analyse de l’aide octroyée dans chaque cas individuel sur le fondement d’un tel régime. Ce n’est qu’au stade de la récupération des aides qu’il sera nécessaire de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée (arrêts du 7 mars 2002, Italie/Commission, C‑310/99, Rec, EU:C:2002:143, points 89 et 91 ; Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, point 41 supra, EU:C:2011:368, point 63, et du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission, C‑630/11 P à C‑633/11 P, Rec, EU:C:2013:387, point 114). C’est dans ce cadre que chaque appel d’offres doit être examiné, ce qui est d’ailleurs prévu par l’article 4, paragraphe 3, de la décision attaquée.
55 En second lieu, il y a lieu d’examiner l’argumentation selon laquelle la Commission avait violé son obligation de motivation en ce que, d’une part, elle se s’est limitée à l’examen du respect des premier et quatrième critères posés par l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415) au Pays basque et, d’autre part, elle n’a pas répondu aux arguments invoqués par les autorités espagnoles et la première requérante relatifs au respect des deuxième et troisième critères de cet arrêt.
56 Premièrement, s’agissant de la prétendue violation de l’obligation de motivation en raison d’une limitation de l’examen du cas de la communauté autonome du Pays basque, il ressort du considérant 43 de la décision attaquée que les autorités espagnoles ont considéré que les opérateurs de réseau fournissaient un service d’intérêt économique général (ci-après le « SIEG ») au sens de l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415). Selon ce considérant, d’après les observations présentées par ces autorités, il incombait aux communautés autonomes de démontrer que les conditions de cet arrêt avaient été respectées et l’argumentation la plus exhaustive à cet égard a été présentée par le Pays basque, où la numérisation avait été mise en œuvre par une entreprise publique. La Commission a affirmé, au considérant 114 de ladite décision, que, selon les autorités espagnoles, il incombait aux communautés autonomes d’invoquer l’absence d’aide d’État conformément à l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415) et que, comme le meilleur et l’unique exemple, les autorités espagnoles avaient présenté ledit cas. Selon ce considérant, aucune autre communauté autonome n’avait présenté une argumentation qui démontrerait le fait que l’exploitation du réseau terrestre était un service public.
57 Au vu de ces considérations, en focalisant son examen sur le cas de la communauté autonome du Pays basque, la Commission n’a pas violé son obligation de motivation en concluant que le premier critère de l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415) qui concerne précisément l’existence d’un service public, n’était pas rempli. Ainsi qu’il a déjà été rappelé (voir point 49 ci-dessus), la Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés. Il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision.
58 À cet égard, s’agissant de l’argument selon lequel la première requérante aurait invoqué, aux points 43 à 47 de ses observations du 31 janvier 2011 concernant la décision d’ouverture, une argumentation relative à l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415), il importe de constater, d’une part, que ces observations ne contiennent aucunement un examen de l’existence des critères posés par cet arrêt selon chaque communauté autonome mais qu’elles présentent une argumentation valable en général pour tout le territoire espagnol concerné et, d’autre part, que les requérantes ne mentionnent aucun argument figurant audits points sur lequel la Commission n’aurait pas répondu.
59 En revanche, s’agissant du quatrième critère de l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415), il convient de relever que son examen dépend de la question de savoir si le choix de l’entreprise à charger de l’exécution d’obligations de service public a été effectué dans le cadre d’une procédure de marché public permettant de sélectionner le candidat capable de fournir ces services au moindre coût pour la collectivité (arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra, EU:C:2003:415, point 93).
60 Bien que les autorités espagnoles aient présenté le cas de la communauté autonome du Pays basque comme le meilleur et l’unique exemple pour invoquer l’absence d’aide d’État conformément à l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415), ainsi qu’il ressort du considérant 114 de la décision attaquée, il n’en demeure pas moins qu’il ressort du considérant 33 de ladite décision que la Commission était consciente du fait que des appels d’offres avaient été lancés pour l’extension de la couverture qui impliquaient de confier à l’attributaire la mission de fournir un réseau de TNT opérationnel. Il ressort du considérant 106 de cette décision que, selon la Commission, les requérantes ont été les principales bénéficiaires des appels d’offres. Étant donné que la Commission s’est limitée, aux considérants 127 et 128 de la même décision, à examiner ce seul cas qui, selon elle, était caractérisé justement par l’absence d’appel d’offres, elle n’a pas répondu à ces éléments dans la décision en question et elle a, par conséquent, violé son obligation de motivation en ce qui concerne sa conclusion selon laquelle le quatrième critère posé par l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415) n’était pas rempli.
61 Dans la mesure où, afin de justifier le non-respect du quatrième critère de l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415), la Commission estime, dans son mémoire en défense, que l’absence de neutralité technologique des appels d’offres, qui n’aurait pas été justifiée par une comparaison préalable des coûts, s’opposait à ce que la procédure soit considérée comme conforme à ce critère, son argumentation doit être rejetée. En effet, selon une jurisprudence constante, la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que la décision lui faisant grief. L’absence de motivation ne saurait être régularisée par le fait que l’intéressé apprend les motifs de la décision au cours de la procédure devant les instances de l’Union (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, Rec, EU:C:2011:620, point 149 et jurisprudence citée). En outre, il a déjà été jugé qu’un motif ne saurait utilement se voir substituer des motifs avancés en cours d’instance qui n’ont pas déterminé l’adoption de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêts du 28 mars 2012, Egan et Hackett/Parlement, T‑190/10, EU:T:2012:165, points 102 et 103, et du 26 octobre 2012, Oil Turbo Compressor/Conseil, T‑63/12, Rec, EU:T:2012:579, point 29).
62 Deuxièmement, en ce qui concerne l’argumentation relative à l’absence d’examen des deuxième et troisième critères posés par l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415), il ressort expressément des considérants 126 et 128 de la décision attaquée que, selon la Commission, les quatre critères posés par cet arrêt sont cumulatifs. Étant donné que la Commission a constaté que les premier et quatrième critères dudit arrêt n’étaient pas remplis, en n’examinant pas les autres critères, elle n’a pas violé son obligation de motivation.
63 La première branche doit donc être considérée comme fondée dans la mesure où la Commission n’a pas suffisamment motivé sa considération selon laquelle le quatrième critère de l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415) n’était pas satisfait. En revanche, la présente branche n’est pas fondée pour le surplus.
64 Il convient de relever que le fait que la première branche soit partiellement fondée n’entraînerait pas à lui seul l’annulation de la décision attaquée. En effet, les quatre critères posés par l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415) étant cumulatifs et la Commission ayant également constaté que le premier critère de cet arrêt n’était pas rempli, il faudrait, pour pouvoir annuler la décision attaquée que la Commission ait à tort constaté que le premier critère dudit arrêt n’était pas rempli, ce qui sera examiné par la suite.
– Sur la seconde branche, tirée d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE
65 Les requérantes affirment que la Commission a violé l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce qu’elle a constaté l’existence d’une aide d’État, parce que, selon elles, les critères posés par la Cour dans l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415) étaient satisfaits et, en particulier, le service de transport et de diffusion du signal de télévision dans la zone II constituait un SIEG et que, dans le cadre de ce dernier, le principe de neutralité technologique ne s’applique pas.
66 À titre liminaire, il convient de rappeler que la qualification d’aide, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions visées à cette disposition soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêt du 17 décembre 2008, Ryanair/Commission, T‑196/04, Rec, EU:T:2008:585, point 36 et jurisprudence citée).
67 La présente branche concerne plus particulièrement la troisième de ces conditions, aux termes de laquelle sont considérées comme des aides d’État les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises, ou qui doivent être considérées comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (voir arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Deutsche Post, C‑399/08 P, Rec, EU:C:2010:481, point 40 et jurisprudence citée).
68 Il convient de rappeler que, dans l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415), la Cour a relevé que, dans la mesure où une intervention étatique devait être considérée comme une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public, de sorte que ces entreprises ne profitaient pas, en réalité, d’un avantage financier et que ladite intervention n’avait donc pas pour effet de mettre ces entreprises dans une position concurrentielle plus favorable par rapport aux entreprises qui leur faisaient concurrence, une telle intervention ne tombait pas sous le coup de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Cependant, pour que, dans un cas concret, une telle compensation puisse échapper à la qualification d’aide d’État, quatre critères doivent être satisfaits cumulativement (arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra, EU:C:2003:415, points 87 et 88).
69 Il ressort des considérants 114 à 128 de la décision attaquée que, selon la Commission, les premier et quatrième critères posés par l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415) n’étaient pas satisfaits en l’espèce.
70 La Commission n’ayant pas suffisamment motivé sa considération selon laquelle le quatrième critère de cet arrêt n’était pas satisfait (voir points 59 à 61 ci-dessus), les requérantes contestent le bien-fondé des considérations de la Commission relatives au rejet du premier critère dudit arrêt.
71 Selon le premier critère posé par l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415), l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies (arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra, EU:C:2003:415, point 89).
72 Il convient de relever que la Commission a estimé, aux considérants 119 à 126 de la décision attaquée, que le premier critère de l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415) n’était pas satisfait.
73 Selon le considérant 119 de la décision attaquée, la loi espagnole ne précisait pas que l’exploitation d’un réseau terrestre était un service public. La Ley 11/1998, General de Telecomunicaciones (loi générale 11/1998 relative aux télécommunications), du 24 avril 1998 (BOE nº 99, du 25 avril 1998, p. 13909, ci-après la « loi 11/1998 »), établirait que les services de télécommunications, y compris l’exploitation des réseaux de diffusion radio et télévisuelle, sont des SIEG, bien qu’ils n’aient pas le rang de services publics, un rang qui ne serait réservé qu’à quelques rares services de télécommunications, notamment ceux en rapport avec la défense publique et la protection civile ainsi que l’exploitation du réseau téléphonique. La Ley 32/2003, General de Telecomunicaciones (loi générale 32/2003 relative aux télécommunications), du 3 novembre 2003 (BOE n° 264, du 4 novembre 2003, p. 38890, ci-après la « loi 32/2003 »), conserverait la même définition. Les services émetteurs pour la radiodiffusion télévisuelle, c’est-à-dire l’acheminement des signaux à travers les réseaux de télécommunications, seraient considérés comme des services de télécommunications et seraient, en tant que tels, des SIEG qui ne constituent pas un service public.
74 Selon le considérant 120 de la décision attaquée, en tout état de cause, les dispositions de la loi espagnole se caractérisaient par leur neutralité technologique. Ladite loi définirait les télécommunications comme l’exploitation des réseaux et la prestation des services de communications électroniques et les ressources associées. Les télécommunications seraient la transmission de signaux à travers tout réseau de diffusion et non à travers le réseau terrestre en particulier. De plus, cette loi préciserait que l’un de ses objectifs est d’encourager, dans la mesure du possible, la neutralité technologique dans la réglementation.
75 En vertu du considérant 121 de la décision attaquée, même si la norme en vigueur et applicable au moment du transfert de fonds définissait la radiodiffusion publique comme étant un service public, il ne serait pas possible d’étendre cette définition à l’exploitation d’une plate-forme de support déterminée. En outre, lorsqu’il existerait plusieurs plates-formes de transmission, il ne serait pas possible de considérer que l’une d’elles en particulier serait essentielle à la transmission des signaux de radiodiffusion. Par conséquent, selon la Commission, le fait, pour la loi espagnole, d’établir que l’utilisation d’une certaine plate-forme pour la transmission des signaux de radiodiffusion constituait un service public, aurait constitué une erreur manifeste.
76 En outre, la Commission a rejeté, aux considérants 123 et 124 de la décision attaquée, l’argumentation selon laquelle l’exploitation des réseaux terrestres avait été définie comme étant un service public dans les conventions interinstitutionnelles conclues entre le gouvernement basque, l’association des communes basques et les trois gouvernements provinciaux basques.
77 Au considérant 172 de la décision attaquée, la Commission a constaté, en faisant référence aux considérants 119 à 122 de cette décision, que ni le Royaume d’Espagne ni les autorités basques n’avaient défini avec précision l’exploitation d’une plate-forme terrestre en tant que service public.
78 Il convient de relever que, s’agissant de la notion de service public au sens de l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415), les parties ne contestent pas que celle-ci correspond à celle de SIEG au sens de l’article 106, paragraphe 2, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, Rec, EU:T:2008:29, point 162, et du 16 juillet 2014, Zweckverband Tierkörperbeseitigung/Commission, T‑309/12, EU:T:2014:676, point 132).
79 Selon une jurisprudence constante, les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation quant à la définition de ce qu’ils considèrent comme un SIEG et, par conséquent, la définition de ces services par un État membre ne peut être remise en cause par la Commission qu’en cas d’erreur manifeste (voir arrêts du 15 juin 2005, Olsen/Commission, T‑17/02, Rec, EU:T:2005:218, point 216 ; du 22 octobre 2008, TV2/Danmark e.a./Commission, T‑309/04, T‑317/04, T‑329/04 et T‑336/04, Rec, EU:T:2008:457, point 101, et du 6 octobre 2009, FAB/Commission, T‑8/06, EU:T:2009:386, point 63). En effet, en l’absence d’une réglementation de l’Union harmonisée en la matière, la Commission n’est pas habilitée à se prononcer sur l’étendue des missions de service public incombant à l’exploitant public, à savoir le niveau des coûts liés à ce service, ni sur l’opportunité des choix politiques pris, à cet égard, par les autorités nationales, ni sur l’efficacité économique de l’exploitant public (voir, en ce sens, arrêts du 27 février 1997, FFSA e.a./Commission, T‑106/95, Rec, EU:T:1997:23, point 108, et du 1er juillet 2010, M6/Commission, T‑568/08 et T‑573/08, Rec, EU:T:2010:272, point 139 et jurisprudence citée). Il ressort de l’article 1er, premier tiret, du protocole n° 26 sur les services d’intérêt général complétant les traités UE et FUE que les valeurs communes de l’Union concernant les SIEG au sens de l’article 14 TFUE comprennent notamment le rôle essentiel et le large pouvoir discrétionnaire des autorités nationales, régionales et locales pour fournir, faire exécuter et organiser les SIEG d’une manière qui réponde autant que possible aux besoins des utilisateurs.
80 Pour autant, le pouvoir de définition des SIEG par l’État membre n’est pas illimité et ne peut être exercé de manière arbitraire aux seules fins de faire échapper un secteur particulier à l’application des règles de concurrence (arrêt BUPA e.a./Commission, point 78 supra, EU:T:2008:29, point 168). Pour pouvoir être qualifié de SIEG, le service en cause doit revêtir un intérêt économique général qui présente des caractères spécifiques par rapport à celui que revêtent d’autres activités de la vie économique (arrêts du 10 décembre 1991, Merci convenzionali porto di Genova, C‑179/90, Rec, EU:C:1991:464, point 27, et du 17 juillet 1997, GT-Link, C‑242/95, Rec, EU:C:1997:376, point 53).
81 L’étendue du contrôle effectué par le Tribunal sur les appréciations de la Commission tient nécessairement compte du fait que la définition d’un service par un État membre en tant que SIEG ne peut être remise en cause par la Commission qu’en cas d’erreur manifeste. Ce contrôle doit néanmoins s’assurer du respect de certains critères minimaux tenant, notamment, à la présence d’un acte de puissance publique investissant les opérateurs en cause d’une mission de SIEG, ainsi qu’au caractère universel et obligatoire de cette mission (voir arrêt du 7 novembre 2012, CBI/Commission, T‑137/10, Rec, EU:T:2012:584, points 100 et 101 et jurisprudence citée). Par ailleurs, en vertu de l’article 4 de la décision 2005/842/CE, du 28 novembre 2005, concernant l’application des dispositions de l’article [106, paragraphe 2, TFUE] aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de SIEG (JO L 312, p. 67), la responsabilité de la gestion du SIEG doit être confiée à l’entreprise concernée au moyen d’un ou de plusieurs actes officiels, dont la forme peut être déterminée par chaque État membre, ces actes devant notamment indiquer la nature et la durée des obligations de service public et les entreprises et le territoire concernés. Le paragraphe 12 de l’encadrement communautaire des aides d’État sous forme de compensations de service public (JO 2005, C 297, p. 4) contient les mêmes exigences.
82 En premier lieu, les requérantes font valoir que le premier critère de l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415) était rempli, parce que, selon elles, l’exploitation des réseaux de diffusion radio et télévisuelle avait été définie en tant que SIEG au niveau national selon la loi espagnole et au niveau des communautés autonomes dans les appels d’offres et les contrats publics conclus avec les requérantes, ainsi qu’il ressortait notamment du considérant 119 de la décision attaquée. Lors de l’audience, elles ont précisé que la loi 32/2003 constituait le cadre d’habilitation qui aurait permis aux autorités espagnoles de définir un SIEG. Il serait constant que les caractéristiques typiques exigées pour définir un SIEG, et notamment l’existence d’une défaillance du marché, étaient réunies en l’espèce. Selon les requérantes, la Commission a conclu que le premier critère de l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415) n’était pas satisfait sur la base d’une interprétation erronée des notions de service public et de SIEG en droit espagnol et en droit de l’Union.
83 Cette argumentation ne démontre pas que la Commission a à tort considéré que, en l’absence de définition claire du service d’exploitation d’un réseau terrestre en tant que service public, le premier critère de l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415) n’était pas satisfait.
84 En effet, premièrement, l’exploitation d’un réseau de TNT dans la zone II n’a pas été définie par l’État espagnol en tant que SIEG au sens du droit de l’Union au niveau national.
85 Certes, ainsi qu’il ressort du considérant 119 de la décision attaquée, le service d’exploitation des réseaux de diffusion radio et télévisuelle a été qualifié par l’État espagnol de service d’intérêt général, en vertu de l’article 2 des lois 11/1998 et 32/2003, produites par la Commission à la suite des mesures d’organisation de la procédure ordonnées par le Tribunal (voir point 32 ci-dessus), lu en combinaison avec leur article 1er.
86 Cependant, il ressort de l’article 2 des lois 11/1998 et 32/2003 que cette qualification concerne tous les services de télécommunications, y compris les réseaux de diffusion radio et télévisuelle. Or, le seul fait qu’un service est désigné comme étant d’intérêt général en droit national n’implique pas que tout opérateur qui l’effectue est chargé de l’exécution d’obligations de service public clairement définies au sens de l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415). Si tel était le cas, tous les services de télécommunications en Espagne revêtiraient le caractère de SIEG au sens de cet arrêt, ce qui ne ressort aucunement de ces lois. À cet égard, il convient également de constater que l’article 2, paragraphe 1, de la loi 32/2003 dispose expressément que les services d’intérêt général au sens de cette loi doivent être fournis dans le cadre d’un régime de libre concurrence. Or, la qualification d’un service en tant que SIEG au sens de l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415) exige que la responsabilité de sa gestion soit confiée à certaines entreprises.
87 En outre, il y a lieu de constater que la Commission n’a commis aucune erreur en examinant, aux considérants 119 à 125 de la décision attaquée, si le premier critère de l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18supra (EU:C:2003:415) était satisfait en ce qui concerne le service d’exploitation des réseaux terrestres et non en ce qui concerne le service d’exploitation des réseaux de diffusion radio et télévisuelle, comme le soutiennent les requérantes. À cet égard, il ressort du considérant 120 de ladite décision que les dispositions de la loi 32/2003 se caractérisaient par leur neutralité technologique et que les télécommunications étaient la transmission de signaux à travers tout réseau de diffusion et non à travers le réseau terrestre en particulier, ce que les requérantes n’ont pas contesté. À la lumière de ces précisions de la loi espagnole, il ne saurait être conclu que la Commission a erronément estimé aux considérants 119 et 122 de cette décision que, dans ladite loi, l’exploitation d’un réseau terrestre n’était pas définie comme un service public au sens de l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415).
88 Contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, la limitation du service d’exploitation des réseaux de diffusion radio et télévisuelle à une plate-forme précise ne constitue pas simplement une modalité concrète de ce service. En effet, eu égard au principe de neutralité technologique, une telle limitation n’était pas nécessaire selon la loi 32/2003, voire était directement contraire à ses dispositions.
89 En outre, contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, le déploiement de la TNT dans la zone II ne peut être considéré comme une simple adaptation du réseau analogique déjà existant. S’il est constant qu’il ne s’agissait pas d’une extension territoriale du réseau terrestre déjà existante, il n’en demeure pas moins que la transmission du signal de télévision numérique constitue une technologie différente de celle de la transmission du signal de télévision analogique et que l’extension de couverture a nécessité la mise en place d’équipements numériques et la construction de nouveaux centres d’émission dans ladite zone.
90 Deuxièmement, en ce qui concerne la prétendue détermination d’un SIEG au niveau des communautés autonomes, les requérantes font valoir que le service de déploiement de la TNT dans la zone II a également été défini en tant que SIEG dans les appels d’offres organisés par des communautés autonomes et dans les contrats publics conclus avec elles par lesdites communautés autonomes. Elles font référence à cet égard, à titre d’exemple, à l’attribution à la première requérante du contrat pour le déploiement de la TNT par la communauté autonome de La Rioja (Espagne).
91 À cet égard, il est exact que, selon la jurisprudence, le mandat conférant la mission de service public peut également recouvrir des actes conventionnels, pour autant qu’ils émanent de la puissance publique et sont contraignants, a fortiori lorsque de tels actes concrétisent les obligations imposées par la législation (voir arrêt CBI/Commission, point 81 supra, EU:T:2012:584, point 109 et jurisprudence citée).
92 Toutefois, en l’espèce, il convient de constater que les contrats publics en cause n’ont pas été produits durant la procédure administrative en tant qu’exemple d’acte officiel d’assignation d’une mission de service public, ainsi que l’a indiqué la Commission lors de l’audience. Par conséquent, étant donné que la légalité d’une décision en matière d’aides doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (voir arrêt du 26 septembre 1996, France/Commission, C‑241/94, Rec, EU:C:1996:353, point 33 et jurisprudence citée), et que les requérantes, interrogées à cet égard lors de l’audience, n’ont pas été en mesure de démontrer que la Commission disposait de ces contrats publics, l’argumentation des requérantes doit être rejetée (voir, en ce sens, arrêt du 14 janvier 2004, Fleuren Compost/Commission, T‑109/01, Rec, EU:T:2004:4, point 50).
93 En outre, il convient de relever que, certes, l’appel d’offres en cause concernait le service de transport et de diffusion du signal de télévision par la plate-forme terrestre dans la communauté autonome de La Rioja. Cependant, la description figurant dans les cahiers des charges concernés ne permet pas de considérer que, par un contrat public, cette communauté autonome a confié une mesure de service public à l’attributaire. S’il est vrai que les points de ces cahiers mentionnés par les requérantes contiennent la description de l’objet du contrat, il n’en demeure pas moins qu’aucun de ces points ne détermine le service en cause en tant que SIEG. Le contrat public conclu entre ladite communauté autonome et la première requérante n’ayant pas été joint au dossier par les requérantes, aucun élément de ces documents ne permet de conclure que le service concerné constitue, selon les autorités espagnoles, un SIEG. Il ne saurait être conclu, du seul fait qu’un service fait l’objet d’un contrat public, que ce service revêt automatiquement, et sans aucune précision de la part des autorités concernées, la qualité de SIEG au sens de l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415). En outre, les requérantes soulignent expressément que, en Espagne, ce n’est pas la prestation du service de télévision numérique au moyen d’une plate-forme déterminée dans la zone II qui aurait été définie en tant que un SIEG, mais l’exploitation du réseau de télévision, qui aurait été réalisée en utilisant la technologie appropriée.
94 De plus, il convient de rappeler que la loi 32/2003, qui, selon les requérantes, constituait le cadre d’habilitation permettant aux autorités espagnoles de définir un SIEG, était caractérisée par le respect du principe de neutralité technologique (voir point 87 ci-dessus). Cela étant, il ne saurait être conclu que les autorités des communautés autonomes ont défini, dans les contrats publics en cause, l’exploitation du réseau de TNT en tant que SIEG, en excluant toute autre technologie pour transmettre le signal de télévision dans la zone II.
95 La Commission pouvait donc, à bon droit, constater, au considérant 114 de la décision attaquée, qu’aucune autre communauté autonome que celle du Pays basque, pour laquelle les autorités espagnoles avaient invoqué l’existence d’un SIEG, n’a présenté une argumentation qui démontrerait que l’exploitation du réseau terrestre était un service public.
96 En deuxième lieu, les requérantes affirment que la Commission a erronément distingué la prestation du service de radiodiffusion de l’exploitation des réseaux de radiodiffusion. Selon elles, s’il est constant que le service de radiodiffusion est un service public, le fait de garantir et de financer le réseau qui permet de fournir ledit service est également essentiel et poursuit un intérêt général. Elles font référence, à cet égard, à la Ley 31/1987 de Ordenación de las Telecomunicaciones (loi espagnole 31/1987 portant organisation des télécommunications) du 18 décembre 1987 (BOE n° 303, du 19 décembre 1987, p. 37409, ci-après la « loi 31/1987 ») selon laquelle les services de radiodiffusion sonore et télévision par ondes terrestres seraient des services publics.
97 À cet égard, il convient de relever que, certes, la transmission est indispensable à la radiodiffusion. En effet, bien que, selon la jurisprudence, la technique de transmission ne soit pas un élément déterminant dans l’appréciation de la notion de radiodiffusion (arrêts du 2 juin 2005, Mediakabel, C‑89/04, Rec, EU:C:2005:348, point 33, et du 22 décembre 2008, Kabel Deutschland Vertrieb und Service, C‑336/07, Rec, EU:C:2008:765, point 64), il n’en demeure pas moins qu’il existe entre les deux services un lien de dépendance.
98 Toutefois, ainsi que l’affirme la Commission, le service de radiodiffusion doit être distingué de celui d’exploitation des réseaux de diffusion. En effet, il s’agit de deux activités distinctes qui sont réalisées par des entreprises différentes opérant sur des marchés différents. Tandis que le service de radiodiffusion est assuré par des radiodiffuseurs, à savoir des opérateurs de télévision, le service d’exploitation des réseaux de diffusion est assuré par des opérateurs de plates-formes d’émission de signaux, à savoir des plates-formes terrestre, satellitaire, câblée ou par le biais des accès à haut débit sur Internet.
99 Ainsi que l’affirme l’intervenante, une telle distinction est également établie dans le secteur de la communication. Il ressort du considérant 5 de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») (JO L 108, p. 33), qu’il est nécessaire de séparer la réglementation de la transmission de celle des contenus.
100 Les requérantes font également référence au fait que le protocole n° 29 sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres complétant les traités UE et FUE souligne le pouvoir des États membres concernant la mission de service public de radiodiffusion telle qu’elle a été conférée, définie et organisée par chaque État membre. À cet égard, il convient de constater que ce protocole s’applique au secteur de la radiodiffusion (arrêt du 10 juillet 2012, TF1 e.a./Commission, T‑520/09, EU:T:2012:352, point 94) et, plus précisément, au financement du service public de radiodiffusion accordé aux organismes de radiodiffusion, à savoir en l’espèce les opérateurs de télévision. En revanche, le financement des opérateurs de plates-formes d’émission de signaux n’est pas concerné par ledit protocole.
101 Par ailleurs, lorsque, dans le protocole n° 29 sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres complétant les traités UE et FUE, les États membres ont énoncé que la radiodiffusion de service public dans les États membres était directement liée aux besoins démocratiques, sociaux et culturels de chaque société ainsi qu’à la nécessité de préserver le pluralisme dans les médias, ils ont fait directement référence aux systèmes de radiodiffusion de service public institués par eux et chargés de la diffusion, au profit de l’ensemble de la population de ces États, de programmes télévisés généralistes (arrêt du 26 juin 2008, SIC/Commission, T‑442/03, Rec, EU:T:2008:228, point 198). Or, en l’espèce, dès lors que le décret royal 944/2005 a imposé aux radiodiffuseurs nationaux de couvrir 96 % de la population dans le cas du secteur privé et 98 % de la population dans le cas du secteur public sur leur territoire respectif (voir point 2 ci-dessus) et que , pour la quasi-totalité de la zone II, une telle obligation de couverture garantissait l’accès aux chaînes publiques, la topographie de la zone III excluant la transmission numérique terrestre (voir point 3 ci-dessus), la mesure en cause visait en substance à financer l’extension de la couverture de la population par des opérateurs de télévision du secteur privé. En outre, il convient de relever que les objectifs dudit protocole visant à garantir les besoins démocratiques, sociaux et culturels d’une société et à préserver le pluralisme dans les médias ne présentent aucun lien avec le choix de la technologie de diffusion.
102 En ce qui concerne l’argumentation relative à la loi 31/1987, il convient de la rejeter. En effet, d’une part, cette loi n’a pas été produite devant le Tribunal. Or, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de l’adoption d’une décision en matières d’aides d’État, la constatation du droit national est une question de fait (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, A2A/Commission, C‑318/09 P, EU:C:2011:856, point 125 et jurisprudence citée). La question de savoir si et dans quelle mesure une règle de droit national s’applique ou non au cas d’espèce relève d’une appréciation factuelle du juge et est soumise aux règles sur l’administration de la preuve et sur la répartition de la charge de la preuve (arrêt du 20 septembre 2012, France/Commission, T‑154/10, Rec, EU:T:2012:452, point 65). D’autre part, l’argument des requérantes, selon lequel, en vertu de ladite loi, les services de radiodiffusion sonore et télévision par ondes terrestres sont des services publics, ne permet pas, en tout état de cause, de conclure que la même loi définit, outre les services de radiodiffusion, également d’autres services en tant que services publics.
103 Par ailleurs, il convient de constater que, à aucun moment, les requérantes n’ont été en mesure de déterminer quelles obligations de service public auraient été mises à la charge des exploitants de réseaux de TNT, soit par la loi espagnole, soit par les conventions d’exploitation, et encore moins d’en avoir apporté la preuve.
104 En troisième lieu, en ce qui concerne la constatation de la Commission, énoncée à titre subsidiaire et figurant au considérant 121 de la décision attaquée, selon laquelle la définition en tant que service public de l’exploitation d’une plate-forme de support déterminée, en l’occurrence celle de la plate-forme terrestre, a constitué une erreur manifeste des autorités espagnoles, les requérantes affirment que la Commission ne pouvait pas se limiter à considérer que, du fait que celles-ci avaient opté pour une certaine technologie, celles-ci avaient commis une erreur manifeste. Selon elles, le principe de neutralité technologique ne constitue pas un principe absolu. En faisant référence à des études, elles font valoir que la Commission aurait dû examiner si l’analyse faite par les autorités espagnoles relative au choix de la technologie à utiliser aurait été manifestement erronée.
105 Il est vrai qu’il résulte de l’économie générale du traité que la procédure prévue à l’article 108 TFUE ne doit jamais aboutir à un résultat qui serait contraire aux dispositions spécifiques du traité (voir arrêts du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, Rec, EU:C:2008:224, point 50 et jurisprudence citée, et du 16 octobre 2013, TF1/Commission, T‑275/11, EU:T:2013:535, point 41 et jurisprudence citée). La marge d’appréciation des États membres pour configurer leurs SIEG ne peut s’exercer d’une façon qui donne lieu à une violation du principe d’égalité de traitement qui est assuré, en ce qui concerne le service d’exploitation des réseaux, en particulier par le principe de neutralité technologique. C’est ainsi que, lorsqu’il existe plusieurs plates-formes de transmission comme en l’espèce, il n’est pas possible de considérer que l’une d’elles est essentielle à la transmission des signaux de radiodiffusion sans respecter le principe de neutralité technologique. En définissant le service d’exploitation des réseaux terrestres en tant que SIEG, les autorités espagnoles ne devaient donc pas discriminer les autres plates-formes. Un système de concurrence non faussée, tel que celui qui est prévu par le traité FUE, ne peut être garanti que si l’égalité des chances entre les différents opérateurs économiques est assurée (voir arrêt du 28 février 2013, Ordem dos Técnicos Oficiais de Contas, C‑1/12, Rec, EU:C:2013:127, point 88 et jurisprudence citée).
106 Toutefois, le respect du principe de neutralité technologique n’implique pas que, dans tous les cas, la définition d’une certaine plate-forme pour l’exploitation des réseaux de radiodiffusion constitue une erreur manifeste. Au considérant 121 de la décision attaquée, la Commission a constaté une erreur manifeste des autorités espagnoles en raison de la détermination d’une certaine plate-forme en tant que telle. Elle n’a donc pas examiné si un tel choix était objectivement justifié dans le cas d’espèce en tenant compte du large pouvoir d’appréciation des autorités espagnoles quant à la définition de ce qu’elles considèrent comme étant un SIEG. Il est vrai que, dans le cadre de l’examen de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, la Commission a examiné si le choix d’une technologie donnée pouvait être accepté. Cependant, ces considérations ne peuvent pas être prises en compte pour trancher la question de savoir si la Commission a, à juste titre, constaté l’existence d’une erreur manifeste commise par les autorités espagnoles relative à la définition d’un SIEG, parce que l’examen de la légalité de la définition d’un SIEG, en vertu de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, est différent de celui de la compatibilité d’une aide, conformément à l’article 107, paragraphe 3, TFUE. En effet, tandis que les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation relatif à la définition d’un SIEG, c’est la Commission qui dispose d’un large pouvoir d’appréciation relatif à la question de savoir si une aide est compatible avec le marché intérieur. Par conséquent, étant donné que la Commission n’a pas examiné de manière plus approfondie le choix de l’État membre, ce n’est pas à bon droit qu’elle a constaté l’existence d’une erreur manifeste des autorités espagnoles dans la définition d’une certaine plate-forme pour cette exploitation.
107 Dans la mesure où les requérantes font valoir que la Commission a agi de manière contradictoire en ce qu’elle avait déjà estimé que le déploiement de réseaux à haut débit pouvait être considéré comme un SIEG, son argumentation ne saurait être accueillie. En effet, il doit être examiné pour chaque service séparément si les exigences du premier critère de l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415), à savoir si l’entreprise bénéficiaire est effectivement chargée de l’exécution d’obligations de service public et si ces obligations sont clairement définies, sont satisfaites. Il convient de rappeler que la notion d’aide d’État est une notion objective qui est fonction de la seule question de savoir si une mesure étatique confère ou non un avantage à une ou à certaines entreprises. La pratique décisionnelle de la Commission en la matière, sur laquelle les parties sont du reste en désaccord, ne saurait donc s’avérer décisive (voir arrêt du 4 mars 2009, Associazione italiana del risparmio gestito et Fineco Asset Management/Commission, T‑445/05, Rec, EU:T:2009:50, point 145 et jurisprudence citée). En outre, contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, le respect du principe de neutralité technologique revêtait également un caractère décisif concernant la détermination du service d’établissement et d’exploitation d’un réseau de communications électroniques à très haut débit comme SIEG (arrêt du 16 septembre 2013, Iliad e.a./Commission, T‑325/10, EU:T:2013:472, points 142 à 145).
108 S’agissant à cet égard de l’argument des requérantes selon lequel la Commission a agi de manière contradictoire en acceptant le choix exclusif de la technologie satellitaire pour fournir le service de radiodiffusion dans la zone III, il suffit de constater que le service d’exploitation dans ladite zone ne fait pas partie de l’objet de la présente affaire et que cette zone a été définie comme un territoire dans lequel, en raison de ses conditions orographiques, la réception terrestre n’était pas possible ou présentait des difficultés exceptionnelles. En outre, le fait que la Commission accepte le choix d’une technologie dans une zone ne saurait justifier le choix d’une autre technologie dans une autre zone.
109 Enfin, les requérantes affirment que la Commission a erronément justifié sa position en faisant référence à l’affaire concernant l’aide d’État mise en exécution par la République fédérale d’Allemagne en faveur de l’introduction de la TNT (DVB-T) dans la région de Berlin-Brandebourg (Allemagne), ayant donné lieu à l’arrêt du 6 octobre 2009, Allemagne/Commission (T‑21/06, EU:T:2009:387) et à l’arrêt du 15 septembre 2011, Allemagne/Commission (C‑544/09 P, EU:C:2011:584). À cet égard, il y a lieu de relever que, dans ces arrêts, le juge de l’Union n’a pas examiné la question de savoir si le service d’exploitation d’un réseau terrestre avait été valablement défini comme SIEG, conformément aux exigences du premier critère de l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415). L’examen portait plutôt sur la question de savoir si l’aide en cause était compatible avec le marché intérieur, au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. C’est également dans ce contexte que la Commission a fait référence à cette aide, ainsi qu’il ressort notamment de la note en bas de page n° 77 de la décision attaquée.
110 Au vu de ce qui précède, bien que la Commission ait à tort considéré que la définition d’une certaine plate-forme pour l’exploitation des réseaux de radiodiffusion constituait une erreur manifeste des autorités espagnoles, le premier critère de l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415) n’était pas satisfait en l’absence de définition claire et précise du service en cause en tant que service public, ainsi que l’a constaté la Commission aux considérants 119 à 125 de la décision attaquée.
111 Par conséquent, la seconde branche doit être rejetée.
112 Dès lors que les critères de l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 18 supra (EU:C:2003:415) doivent être satisfaits cumulativement et que le premier de ces critères n’était pas rempli, la Commission n’a donc pas commis d’erreur en constatant l’existence d’un avantage économique.
113 Le premier moyen doit donc être rejeté.
Sur le deuxième moyen, tiré à titre subsidiaire d’une erreur de droit et d’un défaut de motivation dans l’application de la décision 2012/21
114 Les requérantes font valoir à titre subsidiaire que la Commission n’a erronément pas considéré que la mesure en cause était compatible avec le marché intérieur conformément à l’article 106, paragraphe 2, TFUE et à la décision 2012/21, qui serait applicable en l’espèce en vertu de son article 10, sous b). Conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de cette décision, la mesure en cause serait compatible avec le marché intérieur, parce qu’aucun appel d’offres ne dépasserait un montant annuel de 15 millions d’euros.
115 Cette argumentation doit être rejetée. En effet, selon l’article 1er de la décision 2021/12, celle-ci énonce les conditions en vertu desquelles les aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de SIEG sont compatibles avec le marché intérieur et exemptées de l’obligation de notification prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Étant donné qu’il a déjà été constaté que la Commission pouvait à bon droit considérer que le service en cause ne constituait pas un SIEG (voir points 65 à 111 ci-dessus), ladite décision n’était donc pas applicable et la Commission n’a pas commis d’erreur en estimant, au considérant 172 de la décision attaquée, que l’exception visée à l’article 106, paragraphe 2, TFUE ne saurait être invoquée.
116 En ce qui concerne l’affirmation selon laquelle la Commission a violé son obligation de motivation dans l’application de la décision 2012/21, il convient de constater que, bien que cette affirmation soit contenue dans l’intitulé du présent moyen, elle n’est pas reprise dans l’argumentation présentée par les requérantes au soutien de ce moyen. Il y a lieu de rappeler que, selon l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991, la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués et cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences dudit règlement. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen (voir arrêt du 27 septembre 2012, Nynäs Petroleum et Nynas Belgium/Commission, T‑347/06, Rec, EU:T:2012:480, point 107 et jurisprudence citée). Le grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation dans l’application de ladite décision doit donc être rejeté comme étant irrecevable. Par ailleurs, ce grief doit également être rejeté comme étant non fondé, puisque le raisonnement qui a amené la Commission à considérer que la mesure en cause n’était pas compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, ressort à suffisance de droit du considérant 172 de la décision attaquée.
117 Le deuxième moyen doit donc être rejeté.
Sur le troisième moyen, tiré à titre subsidiaire d’une violation de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE et d’un défaut de motivation
118 Les requérantes reprochent à la Commission, à titre subsidiaire, d’avoir violé l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE en ce que, premièrement, elle a considéré que la neutralité technologique constituait un principe absolu, deuxièmement, elle a méconnu que la technologie terrestre était la plus efficace et appropriée dans le cas espagnol et, troisièmement, elle a nié le fait que la mesure en cause constituait une mesure minimale nécessaire pour atteindre l’objectif visé en évitant des distorsions inutiles de la concurrence. En outre, la Commission aurait violé son obligation de motivation en constatant des distorsions inutiles de la concurrence.
– Sur le premier grief, tiré d’erreurs relatives à l’appréciation du principe de neutralité technologique
119 Les requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’elle a constaté que le principe de neutralité technologique n’avait pas été respecté. Selon elles, il résulte tant de la communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, du 17 septembre 2003, concernant la transition de la radiodiffusion analogique à la radiodiffusion numérique (du passage au numérique à l’abandon de l’analogique) [COM (2003) 541 final] (ci-après la « communication du passage au numérique de 2003 ») que de la communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, du 24 mai 2005, concernant l’accélération de la transition de la radiodiffusion analogique à la radiodiffusion numérique [COM (2005) 204 final] que le principe de neutralité technologique n’a pas de caractère absolu. La loi espagnole le citerait également uniquement comme un principe à prendre en considération dans la mesure du possible. L’application du principe de neutralité technologique dépendrait de chaque cas d’espèce et des circonstances de fait dans les différents territoires de l’Union. La Commission aurait admis, dans deux cas précédents, que la neutralité technologique n’était pas possible. En tout état de cause, les requérantes font valoir que, selon la législation espagnole, l’intervenante aurait pu présenter son offre aux différents appels d’offres même si le cahier des prescriptions techniques s’adressait à des entreprises de technologie numérique terrestre.
120 Il ressort des considérants 153 à 167 de la décision attaquée que la Commission a estimé que l’aide en cause ne pouvait être considérée comme compatible avec le marché intérieur au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, parce que, selon elle, la mesure en cause ne respectait pas le principe de neutralité technologique, n’était pas proportionnée et ne constituait pas un instrument approprié pour garantir la couverture des chaînes en clair aux résidents de la zone II. À cet égard, elle a constaté, au considérant 155 de ladite décision, que la plupart des appels d’offres ne se caractérisaient pas par leur neutralité technologique, étant donné qu’ils faisaient référence à la technologie terrestre et à la TNT. Seuls les opérateurs de TNT auraient été en mesure de satisfaire à ces exigences et ils auraient été les seuls à avoir participé auxdits appels d’offres.
121 Il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, les dérogations au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur, énoncé à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, doivent faire l’objet d’une interprétation stricte (voir arrêts du 29 avril 2004, Allemagne/Commission, C‑277/00, Rec, EU:C:2004:238, point 20 et jurisprudence citée, et du 14 octobre 2010, Nuova Agricast et Cofra/Commission, C‑67/09 P, Rec, EU:C:2010:607, point 74 et jurisprudence citée).
122 En outre, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission jouit, pour l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations complexes d’ordre économique et social. Le contrôle juridictionnel appliqué à l’exercice de ce pouvoir d’appréciation se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi qu’au contrôle de l’exactitude matérielle des faits retenus et de l’absence d’erreur de droit, d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits ou de détournement de pouvoir (arrêts du 26 septembre 2002, Espagne/Commission, C‑351/98, Rec, EU:C:2002:530, point 74, et du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, Rec, EU:C:2004:234, point 83).
123 Il convient également de rappeler que, si la Commission dispose d’une marge d’appréciation en matière économique, cela n’implique pas que le juge de l’Union doit s’abstenir de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de nature économique. En effet, le juge de l’Union doit non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées. Toutefois, dans le cadre de ce contrôle, il ne lui appartient pas de substituer son appréciation économique à celle de la Commission. En outre, il y a lieu de relever que, dans les cas où une institution dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle du respect de certaines garanties procédurales revêt une importance fondamentale. Selon la jurisprudence, parmi ces garanties figurent l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce et de motiver sa décision de façon suffisante (voir arrêt Espagne/Lenzing, point 40 supra, EU:C:2007:698, points 56 à 58 et jurisprudence citée).
124 En l’espèce, l’argumentation des requérantes ne démontre pas que la Commission a commis une erreur manifeste.
125 En effet, premièrement, il ressort du considérant 154 de la décision attaqué que la Commission n’a pas estimé que le principe de neutralité technologique constituait un principe absolu, mais que le choix de la technologie devait être opéré, en règle générale, à la suite d’un appel d’offres technologiquement neutre, comme cela aurait été le cas dans d’autres États membres. Selon la Commission, l’appel d’offres n’ayant pas été lancé en l’espèce, le choix d’une technologie donnée aurait pu être été accepté s’il avait été justifié par les conclusions d’une étude préliminaire établissant que, en termes de qualité et de coût, il n’était possible d’opter que pour une seule solution technologique. La charge de la preuve incomberait à l’État membre, qui devrait établir que ladite étude serait suffisamment étayée et qu’elle aurait été réalisée de manière totalement indépendante. Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, la Commission n’a pas exclu que, dans un cas d’espèce, les circonstances de fait peuvent permettre de choisir une technologie donnée.
126 L’importance du principe de neutralité technologique en la matière a été soulignée par la Commission au point 2.1.3 de la communication du passage au numérique de 2003, ainsi qu’il ressort du considérant 144 de la décision attaquée. La condition de neutralité technologique au sens de cette communication prévoit, en particulier, que l’abandon de la diffusion analogique sur un territoire donné ne peut avoir lieu que si la quasi-totalité des ménages reçoivent les services numériques et que, pour atteindre cet objectif, tous les modes de transmission doivent être pris en compte (arrêt Allemagne/Commission, point 109 supra, EU:T:2009:387, point 69). Lorsque la Commission adopte de tels actes destinés à préciser, dans le respect du traité, les critères qu’elle compte appliquer dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’appréciation, il en résulte une autolimitation de ce pouvoir en ce qu’il lui incombe de se conformer aux règles indicatives qu’elle s’est elle-même imposées (arrêt du 28 novembre 2008, Hotel Cipriani e.a./Commission, T‑254/00, T‑270/00 et T‑277/00, Rec, EU:T:2008:537, point 292).
127 Deuxièmement, dans la mesure où les requérantes affirment que la Commission a commis une erreur en raison du fait que, dans deux cas précédents, elle avait autorisé des aides qui ne respectaient pas le principe de neutralité technologique, leur argumentation doit également être rejetée. Il convient de relever que les requérantes invoquent une pratique décisionnelle antérieure de la Commission dont elles ne démontrent pas l’existence. En effet, dans les décisions de la Commission N 222/2006 du 22 novembre 2006 concernant une aide à la réduction du dividende numérique en Sardaigne (JO 2007, C 68, p. 5) et SA.33980 du 5 décembre 2013 concernant la télévision locale au Royaume-Uni, invoquées par les requérantes, le choix des autorités s’est fait sur la base d’études préliminaires, ainsi qu’il ressort des notes en bas de page nos 85 et 86 de la décision attaquée. Dans ces conditions, l’existence d’une pratique décisionnelle ne saurait être considérée comme établie. En tout état de cause, c’est dans le seul cadre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE que doit être appréciée la légalité d’une décision de la Commission constatant qu’une aide ne répond pas aux conditions d’application de cette dérogation, et non à l’aune d’une prétendue pratique antérieure (voir arrêt du 21 juillet 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission, C‑459/10 P, EU:C:2011:515, point 38 et jurisprudence citée).
128 Troisièmement, il y a lieu de rejeter l’argumentation selon laquelle la Commission a commis une erreur manifeste en raison du fait que l’intervenante aurait pu participer, selon la législation espagnole, aux différents appels d’offres même si le cahier des prescriptions techniques s’adressait à des entreprises de technologie numérique terrestre. Même à supposer que ladite législation en matière de marchés publics prévoit, ainsi que l’affirment les requérantes qui n’ont d’ailleurs pas produit cette législation, un mécanisme permettant à une partie intéressée de participer à n’importe quel appel d’offres, il n’en demeure pas moins que cela ne serait, selon les requérantes, qu’à la condition que cette partie prouve que les solutions qu’elle propose remplissent de manière équivalente les conditions définies dans les prescriptions techniques correspondantes. Ainsi que le font valoir la Commission et l’intervenante, un opérateur de satellite ne peut pas proposer sa technologie dans le cadre d’un appel d’offres concernant exclusivement la transition numérique de centres de diffusion terrestre, étant donné que la diffusion par satellite n’a pas besoin de ces centres, ni d’y installer un équipement quelconque.
129 Le premier grief doit donc être rejeté.
– Sur le deuxième grief, tiré d’une méconnaissance du caractère efficace et approprié de la technologie terrestre
130 Les requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur manifeste en ce qu’elle n’a pas considéré que la technologie terrestre était la technologie la plus efficace et la plus appropriée dans le cas espagnol. Selon elles, il résulte du rapport relatif aux coûts de référence du processus d’universalisation de la TNT en Espagne datant de juillet 2007 élaboré par les autorités espagnoles que la numérisation par le biais d’une technologie autre que la terrestre présentait un coût économique nettement supérieur, que la plate-forme satellitaire n’était pas viable, parce que les autorisations requises des opérateurs de télévision ne seraient pas délivrées et qu’utiliser une autre technologie que la technologie terrestre entraînerait de sérieux retards dans le processus de numérisation. Cette conclusion aurait été confirmée dans un autre rapport des autorités espagnoles datant de février 2009. Le fait que l’option terrestre était moins chère que l’option satellitaire et aussi la plus appropriée pour fournir le service de signal dans la zone II aurait également été démontré dans un rapport de la première requérante qui aurait été confirmé par un rapport d’une société de consultants. La première requérante aurait complété ces rapports par des informations annexées à son mémoire du 22 juin 2011 à la Commission.
131 Il convient de rappeler que, afin d’établir que la Commission a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation de la décision attaquée, les éléments de preuve apportés par le requérant doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans la décision (arrêts du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission, T‑380/94, Rec, EU:T:1996:195, point 59, et FAB/Commission, point 79 supra, EU:T:2009:386, point 78).
132 Premièrement, s’agissant du rapport des autorités espagnoles de juillet 2007 visé au point 130 ci-dessus, il y a lieu de constater que, selon le considérant 156 de la décision attaquée, ce rapport n’a pas apporté une preuve suffisante de la supériorité de la plate-forme terrestre par rapport à la plate-forme satellitaire. Il conclurait que le choix d’une solution technologique donnée pour l’extension de la couverture devait être analysé région par région, en tenant compte des particularités topographiques et démographiques de chacune d’elles. Il mettrait donc davantage en avant la nécessité d’organiser un appel d’offres technologiquement neutre pour déterminer quelle serait la plate-forme la plus appropriée.
133 Ces considérations ne sont pas entachées d’une erreur manifeste. En effet, il ressort du point 6 du rapport des autorités espagnoles de juillet 2007 visé au point 130 ci-dessus que celles-ci analysaient deux scénarios possibles, à savoir l’extension de couverture de la population de 98 à 100 % et l’extension de couverture de la population de 96 à 100 %. Aucun de ces deux scénarios ne correspond à l’extension de couverture de la population de 96 à 98,5 %. En outre, selon les conclusions dudit rapport relatives à ces deux scénarios, il était probable que la solution finale la plus appropriée soit celle résultant de la prise en considération des deux alternatives, à savoir les plates-formes terrestre et satellitaire, l’une ou l’autre solution étant retenue selon le cas en fonction des conditions et des circonstances de la localisation physique de la population à laquelle la couverture serait étendue. Il serait impossible de prévoir la proportion dans laquelle chaque alternative contribuerait à la solution finale, sans réaliser auparavant une étude circonstanciée par communauté autonome tenant compte de l’orographie du terrain, de la répartition territoriale de la population, et de la situation du réseau de diffusion de la télévision existante. Il résulte de ce qui précède que l’analyse faite dans ce rapport n’a pas justifié le non-respect du principe de neutralité technologique. Par ailleurs, s’il est vrai que, ainsi que l’affirment les requérantes, selon le même rapport, au-dessus d’une couverture d’environ 90 logements, la diffusion terrestre serait la solution la plus économique, il n’en demeure pas moins que cette conclusion a expressément été ajoutée à titre indicatif sans pour autant remettre en cause les autres conclusions du rapport concerné.
134 Deuxièmement, en ce qui concerne l’argumentation relative à un prétendu rapport des autorités espagnoles datant de février 2009 visé au point 130 ci-dessus, il y a lieu de constater que ce rapport n’a pas été produit par les parties devant le Tribunal, ainsi que l’ont confirmé les requérantes lors de l’audience. Par conséquent, cette argumentation ne démontre pas que la Commission a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits.
135 Troisièmement, les requérantes font valoir que leur point de vue est confirmé dans un rapport de la première requérante que la Commission aurait dû apprécier et qui aurait été confirmé par un rapport d’une société de consultants. À cet égard, la Commission a estimé, au considérant 158 de la décision attaquée, que ledit rapport datait de 2010 et était donc largement postérieur à la mise en œuvre des mesures en cause. Selon la Commission, indépendamment du fait qu’il puisse être considéré comme suffisamment indépendant et fiable, le fait que ce rapport soit postérieur aux mesures en cause faisait obstacle à ce qu’il soit utilisé pour justifier le fait que le gouvernement espagnol n’ait pas jugé opportun d’organiser un appel d’offres technologiquement neutre. La Commission a ajouté que les estimations de coûts présentées par l’intervenante, qui démontreraient que la technologie satellitaire était plus rentable, contredisaient les résultats du même rapport.
136 Aucun élément fourni par les requérantes ne démontre que ces considérations sont manifestement erronées. En effet, d’une part, il ressort des notes en bas de page nos 37 et 38 de la décision attaquée, qui contiennent un résumé du contenu du rapport de la première requérante, ainsi que du considérant 158 de cette décision, qui contient l’appréciation de ce rapport par la Commission relative au cas d’espèce, que cette dernière a examiné celui-ci. D’autre part, il y a lieu de constater que ce rapport date de 2010 et a comme point de référence l’année 2009. La Commission pouvait donc à juste titre constater qu’il est postérieur aux mesures en cause, les premiers appels d’offres relatifs au déploiement de la TNT dans la zone II ayant, selon le considérant 93 de ladite décision, été lancés en juillet 2008. Selon la jurisprudence, la question de savoir si une mesure constitue une aide d’État doit être résolue à la lumière de la situation existant au moment où cette mesure a été prise (voir arrêt du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’Agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, Rec, EU:T:2011:209, point 143 et jurisprudence citée). Ainsi qu’il ressort d’une comparaison du rapport de la première requérante avec les estimations de coûts présentées par l’intervenante, produites par la Commission à la suite des mesures d’organisation de la procédure ordonnées par le Tribunal (voir point 32 ci-dessus), la Commission pouvait à bon droit constater que les estimations de l’intervenante contredisaient les résultats du rapport de la première requérante. Par ailleurs, les requérantes soulignent elles-mêmes que la décision concernant le choix de la plate-forme n’a pas été prise par la première requérante mais par les autorités espagnoles qui n’avaient cependant pas connaissance dudit rapport lors de l’adoption de leur décision.
137 S’agissant du rapport effectué par la société de consultants visé au point 130 ci-dessus qui confirmerait le rapport de la première requérante, il convient de constater qu’il date du 25 janvier 2011 et est donc également largement postérieur aux mesures en cause. En outre, les requérantes indiquent elles-mêmes que le premier rapport a surestimé les coûts de la solution TNT et ceux de la solution satellitaire indiqués dans le second rapport. Par ailleurs, il convient de constater que le premier rapport énonce qu’il ne peut pas être considéré comme un rapport d’expert ou un rapport d’expertise légale susceptible d’être utilisé devant les tribunaux ou les instances d’arbitrage.
138 Quatrièmement, dans la mesure où les requérantes affirment à cet égard que le rapport effectué par la société de consultants visé au point 130 ci-dessus et le rapport de la première requérante ont été complétés par les informations fournies par cette dernière en annexe à son mémoire du 22 juin 2011 à la Commission, il suffit de relever que, à défaut d’indiquer la date à laquelle les données contenues dans ce mémoire se réfèrent, il ne saurait être conclu que ces données ne sont pas postérieures aux mesures en cause.
139 Cinquièmement, en ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel, dans sa décision du 18 juillet 2007, Nord/LB, la Commission a accepté les conclusions de rapports fournis a posteriori qui avaient confirmé les données économiques initiales sur lesquelles l’investissement était fondé, celui-ci doit également être rejeté. En effet, cet argument ne démontre aucunement l’existence d’une pratique décisionnelle antérieure de la Commission, dès lors que cette décision concernait la question de savoir si un État membre avait agi comme un investisseur privé l’aurait fait. De plus, il a déjà été rappelé que c’est dans le seul cadre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE que doit être appréciée la légalité d’une décision de la Commission constatant qu’une aide ne répond pas aux conditions d’application de cette dérogation, et non à l’aune d’une prétendue pratique antérieure (voir point 127 ci-dessus).
140 Dans la mesure où les requérantes ont fait référence à cet égard, lors de l’audience, à l’arrêt du 3 juillet 2014, Espagne e.a./Commission (T‑319/12 et T‑321/12, EU:T:2014:604), il convient de relever que, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, se posait la question de savoir si un État membre avait agi comme un investisseur privé l’aurait fait et non celle de la compatibilité d’une mesure avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. À cet égard, le Tribunal a considéré, au point 134 de cet arrêt, que des analyses économiques complémentaires, fournies par l’État membre lors de la procédure administrative, étaient susceptibles d’éclairer les éléments existants au moment de la décision d’investissement et devaient être prises en compte par la Commission. Or, une telle conclusion ne remet aucunement en cause la jurisprudence selon laquelle la question de savoir si une mesure constitue une aide d’État doit être résolue à la lumière de la situation existant au moment où cette mesure a été prise, eu égard au fait que, si la Commission tenait compte d’éléments postérieurs, elle avantagerait les États membres qui manquent à leur obligation de notifier les aides à l’état de projet qu’ils envisagent d’octroyer (voir arrêt Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’Agglomération du Douaisis/Commission, point 136 supra, EU:T:2011:209, point 143 et jurisprudence citée).
141 Sixièmement, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission a erronément inversé la charge de la preuve et validé le rapport de l’intervenante aux considérants 158 et 164 de la décision attaquée, celui-ci doit également être rejeté. En effet, il est vrai que, au considérant 158 de ladite décision, la Commission a constaté que les estimations de coûts présentées par l’intervenante, qui démontreraient que la technologie satellitaire était plus rentable, contredisaient les résultats des études effectuées par la première requérante. Toutefois, il ressort de ce considérant que la Commission a rejeté les études présentées par la première requérante, sans se prononcer sur l’indépendance et la fiabilité de ces études, du fait que celles-ci étaient postérieures aux mesures en cause et contredites par les estimations de coûts présentées par l’intervenante. Contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, la Commission n’a pas favorisé l’étude présentée par l’intervenante par rapport à celles présentées par la première requérante. Elle s’est plutôt bornée à présenter le contenu de l’étude de l’intervenante selon laquelle la technologie satellitaire était plus rentable ce qui contredisait les résultats des études présentées par la première requérante. Cette conclusion est confirmée par le fait qu’il ressort du considérant 154 de cette décision que, selon la Commission, le choix d’une technologie donnée aurait pu être accepté s’il avait été justifié par les conclusions d’une étude préliminaire établissant que, en termes de qualité et de coût, il n’était possible d’opter que pour une seule solution technologique. La Commission n’a donc pas considéré que l’étude de l’intervenante était valable ni qu’elle démontrait la supériorité de la solution satellitaire. Son objectif était d’examiner si, en raison du non-respect du principe de neutralité technologique, les mesures en cause pouvaient être basées sur une étude préliminaire optant pour une seule solution technologique.
142 En ce qui concerne le considérant 164 de la décision attaquée, il convient de relever que, audit considérant, la Commission a indiqué que, selon l’intervenante, le nombre de 1 380 chaînes régionales avancé par les autorités espagnoles était très exagéré. En revanche, elle n’a pas constaté que le nombre de chaînes régionales estimé par l’intervenante, à savoir 415 selon la note en bas de page n° 93 de la décision attaquée, était exact. Dans la mesure où elle a estimé, à ce considérant, que les autorités espagnoles n’avaient pas étayé leur argument selon lequel la technologie satellitaire n’était pas équipée pour émettre un grand nombre de chaînes régionales, elle a seulement appliqué la règle relative à la charge de la preuve énoncée au considérant 154 de cette décision selon laquelle il incombait aux autorités espagnoles d’établir que, en termes de qualité et de coût, il n’était possible d’opter que pour une seule solution technologique.
143 Septièmement, les requérantes affirment que la Commission ne peut reprocher un manque d’information, puisqu’elle aurait pu demander des informations supplémentaires. Cette argumentation ne saurait être accueillie. En effet, il est vrai que la Commission est tenue, dans l’intérêt d’une bonne administration des règles fondamentales du traité FUE relatives aux aides d’État, de procéder à un examen diligent et impartial (arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec, EU:C:1998:154, point 62). Toutefois, lorsque la Commission décide d’ouvrir une procédure formelle d’examen, il revient à l’État membre et au bénéficiaire potentiel d’une aide nouvelle d’apporter à la Commission les éléments de nature à démontrer que cette aide est compatible avec le marché intérieur (arrêt du 16 décembre 2010, AceaElectrabel Produzione/Commission, C‑480/09 P, Rec, EU:C:2010:787, point 99). Selon la jurisprudence, pour permettre à la Commission d’apprécier si une mesure remplit les conditions d’une dérogation au titre de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, il incombe à l’État membre concerné, dans le cadre du devoir de coopération loyale entre États membres et institutions tel qu’il découle de l’article 4, paragraphe 3, TUE, de fournir à la Commission tous les éléments de nature à permettre à cette institution de vérifier que les conditions de la dérogation sollicitée sont réunies (arrêt du 28 avril 1993, Italie/Commission, C‑364/90, Rec, EU:C:1993:157, point 20 ; voir, également, arrêt du 13 septembre 2010, Grèce/Commission, T‑415/05, T‑416/05 et T‑423/05, Rec, EU:T:2010:386, point 356 et jurisprudence citée).
144 Enfin, les requérantes affirment que la Commission a commis une erreur en ce qu’elle a constaté, au considérant 164 de la décision attaquée, que les arguments selon lesquels, d’une part, les radiodiffuseurs avaient des restrictions territoriales dans leurs accords avec certains fournisseurs et, d’autre part, que la technologie satellitaire n’était pas équipée pour émettre un grand nombre de chaînes régionales, n’étaient pas étayés. Cette argumentation doit être rejetée comme inopérante. En effet, même à supposer, ainsi que l’affirment les requérantes, que ces difficultés aient été illustrées par la première requérante avec l’exemple de ce qui était arrivé dans la communauté autonome de Cantabrie (Espagne), il y a lieu de relever que la Commission a rejeté les deux arguments en cause également par une autre considération qui n’a pas été contestée par les requérantes, à savoir celle figurant audit considérant selon laquelle ces arguments étaient contredits par le fait que le contrat de l’intervenante avec cette communauté autonome comprenait un système professionnel d’accès conditionnel.
145 Le deuxième grief doit donc être rejeté.
– Sur le troisième grief, tiré de l’inexistence de distorsions inutiles de la concurrence et d’un défaut de motivation
146 Les requérantes font valoir que la mesure en cause constituait une mesure minimale nécessaire pour atteindre l’objectif visé en évitant des distorsions inutiles de la concurrence. Ils reprochent à la Commission d’avoir ignoré, dans son examen de la proportionnalité de la mesure en cause, la répartition des compétences entre les administrations publiques en exigeant que le gouvernement espagnol organise un seul appel d’offres public pour l’ensemble de son territoire. La proportionnalité de la mesure serait démontrée par le fait que l’opérateur devant procéder à la numérisation du réseau aurait été choisi au moyen d’un appel d’offres public ouvert, transparent et concurrentiel. Ce moyen minimiserait toute éventuelle distorsion sur le marché, ainsi que la Commission l’aurait confirmé dans sa communication relative à l’encadrement de l’Union applicable aux aides d’État sous forme de compensations de service public (2011) (JO 2012, C 8, p. 15). En optant pour le développement de la technologie terrestre, l’existence du réseau analogique aurait également permis de minimiser les coûts. En outre, selon les requérantes, en constatant brièvement, au considérant 170 de la décision attaquée, l’existence de distorsions inutiles de la concurrence, la Commission a violé l’obligation de motivation.
147 Premièrement, s’agissant de la proportionnalité de la mesure en cause, il convient de relever que la Commission a estimé, au considérant 166 de la décision attaquée, que, lors de la conception de l’intervention pour la zone II, il aurait été judicieux que le gouvernement espagnol procède à une comparaison des coûts ou lance un appel d’offres au niveau national. Selon elle, si un appel d’offres avait été lancé au niveau national, il en aurait résulté davantage de réductions sur les prix. Elle a précisé que, bien qu’il incombait aux autorités espagnoles de décider de leur organisation administrative, en accordant un financement provenant dudit gouvernement, au lieu d’insister sur l’utilisation de la TNT, ce gouvernement aurait au moins pu inciter les communautés autonomes à lancer des appels d’offres en tenant compte des éventuelles économies susceptibles d’être réalisées avec certaines plates-formes.
148 Ces considérations ne sont entachées d’aucune erreur manifeste. En effet, loin de ne pas tenir compte de la répartition des compétences entre les administrations publiques espagnoles, la Commission s’est bornée à mettre en exergue le fait que le gouvernement espagnol aurait pu inciter les communautés autonomes à prendre en considération les éventuelles réductions sur les prix qui résulteraient d’une action coordonnée. Contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, la Commission n’a pas exigé qu’un seul appel d’offres public pour l’ensemble du territoire espagnol soit lancé. Le passage à la TNT ayant fait l’objet de différentes mesures législatives et administratives des autorités espagnoles au niveau national et ce passage ayant été en grande partie financé par le budget dudit gouvernement (voir points 2 à 8 ci-dessus), il ne saurait être conclu que l’incitation des communautés autonomes à lancer des appels d’offres en tenant compte des éventuelles économies susceptibles d’être réalisées avec certaines plates-formes viole la répartition des compétences entre les administrations publiques espagnoles.
149 En ce qui concerne l’argument selon lequel la proportionnalité de la mesure est démontrée par le fait que l’opérateur devant procéder à la numérisation du réseau avait été choisi à la suite d’un appel d’offres public ouvert, transparent et concurrentiel, il suffit de constater que les requérantes n’ont justement pas établi que la Commission avait erronément considéré que, en choisissant la technologie terrestre sans s’assurer que, en termes de qualité et de coût, il n’était possible d’opter que pour une seule solution technologique, le principe de neutralité technologique n’avait pas été respecté. Sans respecter ce principe, les procédures d’appel d’offres pour le déploiement de la télévision numérique dans la zone II ne pouvaient garantir le coût le moins élevé possible. S’agissant de l’encadrement de l’Union applicable aux aides d’État sous forme de compensations de service public invoqué par les requérantes, ces dernières ne précisent pas dans quelle mesure celui-ci serait en contradiction avec cette considération.
150 Dans la mesure où les requérantes affirment que, en optant pour le développement de la technologie terrestre, l’existence du réseau analogique a également permis de minimiser les coûts, il y a lieu de relever qu’il a déjà été constaté (voir point 89 ci-dessus) que la transmission d’un signal de télévision numérique constitue une technologie différente de celle de la transmission d’un signal de télévision analogique et que l’extension de couverture a nécessité la construction de nouveaux centres d’émission dans la zone II. En outre, il convient de constater que, pour autant que la Commission ait estimé, au considérant 166 de la décision attaquée, que le gouvernement espagnol aurait pu inciter les communautés autonomes à lancer des appels d’offres en tenant compte des éventuelles économies susceptibles d’être réalisées avec certaines plates-formes, celle-ci ne s’est pas référée au réseau analogique existant, mais à l’existence de différentes plates-formes avec lesquelles la numérisation pouvait techniquement être effectuée.
151 Deuxièmement, en ce qui concerne l’argumentation selon laquelle la Commission a violé son obligation de motivation, dans la mesure où elle a brièvement constaté, au considérant 170 de la décision attaquée, l’existence de distorsions inutiles de la concurrence, il y a lieu de relever qu’il ressort à suffisance de droit des considérants 153 à 169 de ladite décision que, selon la Commission, les distorsions inutiles de la concurrence ont eu lieu en raison du non-respect du principe de neutralité technologique, ainsi que l’ont d’ailleurs reconnu les requérantes dans leur requête. La Commission n’a donc pas violé son obligation de motivation.
152 Le troisième grief et, par conséquent, le troisième moyen doivent donc être rejetés.
Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur de droit relative à la constatation d’une aide nouvelle
153 Les requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur de droit en ce qu’elle a considéré que la mesure en cause constituait une aide nouvelle. Selon elles, la numérisation du réseau analogique consistant dans la simple augmentation de sa capacité technique, constituait une modification non substantielle d’une éventuelle aide existante et non une aide nouvelle, dans la mesure où le déploiement initial remonterait à 1982, à savoir avant l’adhésion du Royaume d’Espagne à l’Union.
154 Il convient de constater que la Commission a estimé, aux considérants 173 à 175 de la décision attaquée, que la mesure en cause constituait une aide nouvelle que le Royaume d’Espagne aurait dû avoir notifié.
155 Il y a lieu de rappeler que l’article 108 TFUE prévoit des procédures distinctes selon que les aides soient existantes ou nouvelles. Alors que les aides nouvelles doivent, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, être notifiées préalablement à la Commission et ne peuvent être mises à exécution avant que la procédure n’ait abouti à une décision finale, les aides existantes peuvent, conformément à l’article 108, paragraphe 1, TFUE, être régulièrement exécutées tant que la Commission n’a pas constaté leur incompatibilité (voir arrêt du 18 juillet 2013, P, C‑6/12, Rec, EU:C:2013:525, point 36 et jurisprudence citée). Les aides existantes doivent être considérées comme étant légales aussi longtemps que la Commission n’a pas constaté leur incompatibilité avec le marché intérieur (voir arrêt P, précité, EU:C:2013:525, point 41 et jurisprudence citée).
156 L’article 1er, sous b), i), du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO L 83, p. 1), prévoit qu’il faut entendre par aide existante toute aide existant avant l’entrée en vigueur du traité dans l’État membre concerné, c’est-à-dire les régimes d’aides et aides individuelles mis à exécution avant, et toujours applicables après, ladite entrée en vigueur. En vertu de l’article 1er, sous c), de ce règlement, toute aide, c’est-à-dire tout régime d’aides ou toute aide individuelle, qui n’est pas une aide existante, y compris toute modification d’une aide existante, doit être considérée comme aide nouvelle. À cet égard, l’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement n° 659/1999 (JO L 140, p. 1), qualifie de modification d’une aide existante, aux fins de l’article 1er, sous c), du règlement n° 659/1999, tout changement autre que les modifications de caractère purement formel ou administratif qui ne sont pas de nature à influencer l’évaluation de la compatibilité de la mesure d’aide avec le marché intérieur.
157 En substance, les mesures tendant à instituer des aides ou à modifier des aides existantes constituent des aides nouvelles. En particulier, lorsque la modification affecte le régime initial dans sa substance même, ce régime se trouve transformé en un nouveau régime d’aides (arrêts du 30 avril 2002, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 et T‑207/01, Rec, EU:T:2002:111, points 109 à 111 ; du 11 juin 2009, AEM/Commission, T‑301/02, Rec, EU:T:2009:191, point 121, et du 11 juillet 2014, Telefónica de España et Telefónica Móviles España/Commission, T‑151/11, Rec, EU:T:2014:631, point 63).
158 En l’espèce, la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que la mesure d’aide en cause constituait une aide nouvelle en raison du fait que cette mesure avait modifié substantiellement le régime initial. En effet, il est constant, ainsi que l’a indiqué la Commission au considérant 174 de la décision attaquée, que, au début des années quatre-vingt à l’époque où l’extension du réseau terrestre a commencé à être financée, il n’existait pas de radiodiffuseurs privés sur le marché, que l’infrastructure élargie ne répondait donc qu’aux besoins du radiodiffuseur public et que l’extension du réseau terrestre existant, qui était la seule plate-forme permettant la transmission d’un signal de télévision en Espagne à cette époque, ne faussait donc pas la concurrence avec d’autres plates-formes.
159 Par rapport à ce régime initial, la Commission pouvait à bon droit estimer, au considérant 175 de la décision attaquée, que, compte tenu du fait que le bénéficiaire et les circonstances générales du financement public avaient évolué de manière substantielle, la mesure en cause ne pouvait être considérée comme une modification formelle ou administrative, mais constituait une modification qui avait une influence sur la substance même du régime initial. À cet égard, elle a à bon droit indiqué que la législation et la technologie avaient évolué pour aboutir à de nouvelles plates-formes de radiodiffusion et à de nouveaux opérateurs de marché, en particulier aux radiodiffuseurs privés. Comme l’a indiqué la Commission audit considérant 175, il y a également lieu de tenir compte du fait que le passage de la télévision analogique à la télévision numérique n’a été possible que grâce aux progrès technologiques ayant eu lieu après l’adhésion du Royaume d’Espagne à l’Union. Contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, la modification en cause du régime initial ne s’est donc pas bornée à une amélioration de la capacité technique du réseau existant ou à un simple ajout au régime initial (voir point 89 ci-dessus), mais était de nature à influencer l’évaluation de la compatibilité de la mesure d’aide en cause avec le marché intérieur.
160 Il s’ensuit que le quatrième moyen et, par conséquent, le recours dans son intégralité doivent être rejetés.
Sur les dépens
161 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission et par l’intervenante, conformément aux conclusions de ces dernières.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Abertis Telecom, SA et Retevisión I, SA supporteront, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne et par SES Astra.
Dittrich | Schwarcz | Tomljenović |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 novembre 2015.
Signatures
Table des matières
Antécédents du litige
Procédure et conclusions des parties
En droit
Sur la recevabilité
Sur le fond
Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation et de l’article 107, paragraphe 1, TFUE
– Sur la première branche, tirée d’une violation de l’obligation de motivation
– Sur la seconde branche, tirée d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE
Sur le deuxième moyen, tiré à titre subsidiaire d’une erreur de droit et d’un défaut de motivation dans l’application de la décision 2012/21
Sur le troisième moyen, tiré à titre subsidiaire d’une violation de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE et d’un défaut de motivation
– Sur le premier grief, tiré d’erreurs relatives à l’appréciation du principe de neutralité technologique
– Sur le deuxième grief, tiré d’une méconnaissance du caractère efficace et approprié de la technologie terrestre
– Sur le troisième grief, tiré de l’inexistence de distorsions inutiles de la concurrence et d’un défaut de motivation
Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur de droit relative à la constatation d’une aide nouvelle
Sur les dépens
* Langue de procédure : l’espagnol.
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