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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> FU v Commission (Judgment) French Text [2016] EUECJ F-49/15 (11 April 2016) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2016/F4915.html Cite as: [2016] EUECJ F-49/15, EU:F:2016:72, ECLI:EU:F:2016:72 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)
11 avril 2016 *(1)
« Fonction publique – Procédure disciplinaire – Conseil de discipline – Agent temporaire de la Cour des comptes nommé fonctionnaire stagiaire à la Commission – Changement de lieu d’affectation – Absence de déclaration de changement de lieu d’affectation à l’administration de la Cour des comptes – Demandes simultanées de l’indemnité de réinstallation dans le pays d’origine et de l’indemnité d’installation à Bruxelles – Demande de remboursement des frais de déménagement depuis Luxembourg vers le pays d’origine – Enquête de l’OLAF – Sanction disciplinaire – Classement dans un groupe de fonctions inférieur sans rétrogradation – Article 25 de l’annexe IX du statut – Erreur manifeste d’appréciation – Non-respect du principe du contradictoire – Fait nouveau – Obligation de rouvrir la procédure disciplinaire – Proportionnalité de la sanction – Délai de procédure »
Dans l’affaire F‑49/15,
ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,
FU, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Tervuren (Belgique), représenté par Me S. Pappas, avocat,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée initialement par M. J. Currall et Mme C. Ehrbar, en qualité d’agents, puis par Mmes C. Ehrbar et F. Simonetti, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),
composé de MM. K. Bradley, H. Kreppel et Mme M. I. Rofes i Pujol (rapporteur), juges,
greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 décembre 2015,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 27 mars 2015, FU demande l’annulation de la décision du 3 juin 2014 par laquelle l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») de la Commission européenne lui a infligé la sanction du classement dans un groupe de fonctions inférieur, sans rétrogradation, avec effet au 1er juillet 2014.
Cadre juridique
2 L’article 20 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version applicable au litige (ci-après le « statut »), dispose :
« Le fonctionnaire est tenu de résider au lieu de son affectation ou à une distance telle de celui-ci qu’il ne soit pas gêné dans l’exercice de ses fonctions. […] »
3 L’article 86, paragraphe 1, du statut prévoit :
« Tout manquement aux obligations auxquelles le fonctionnaire ou l’ancien fonctionnaire est tenu, au titre du présent statut, commis volontairement ou par négligence, l’expose à une sanction disciplinaire. »
4 L’article 9, concernant les « [f]rais de déménagement », de l’annexe VII du statut, portant sur les règles relatives à la rémunération et aux remboursements de frais, dispose :
« 1. Les dépenses effectuées pour le déménagement du mobilier personnel, y compris les frais d’assurance pour la couverture des risques simples (bris, vol, incendie), sont remboursées au fonctionnaire qui se trouve obligé de déplacer sa résidence pour se conformer aux dispositions de l’article 20 du statut et qui n’aurait pas bénéficié par ailleurs d’un remboursement des mêmes frais. Ce remboursement est effectué dans les limites d’un devis préalablement approuvé. Deux devis au moins doivent être présentés aux services compétents de l’institution. Ces services, s’ils estiment que les devis présentés dépassent un montant raisonnable, peuvent faire choix d’un autre déménageur professionnel. Le montant du remboursement auquel le fonctionnaire a droit peut alors être limité à celui du devis présenté par ce dernier déménageur.
2. Lors de la cessation des fonctions ou du décès, les frais de déménagement sont remboursés du lieu d’affectation au lieu d’origine.
[…] »
5 Aux termes de l’article 3 de l’annexe IX du statut, relative à la procédure disciplinaire :
« Sur la base du rapport d’enquête, après avoir communiqué au fonctionnaire concerné toutes les pièces du dossier et après l’avoir entendu, l’[AIPN] peut :
[…]
c) en cas de manquement aux obligations, conformément à l’article 86 du statut,
[…]
ii) décider de l’ouverture d’une procédure disciplinaire devant le conseil de discipline. »
6 L’article 9 de l’annexe IX du statut prévoit :
« 1. L’[AIPN] peut appliquer une des sanctions [disciplinaires] suivantes :
[…]
g) le classement dans un groupe de fonctions inférieur, avec ou sans rétrogradation ;
[…] »
7 Selon l’article 10 de l’annexe IX du statut :
« La sanction disciplinaire infligée est proportionnelle à la gravité de la faute commise. Pour déterminer la gravité de la faute et décider de la sanction disciplinaire à infliger, il est tenu compte notamment :
a) de la nature de la faute et des circonstances dans lesquelles elle a été commise ;
b) de l’importance du préjudice porté à l’intégrité, à la réputation ou aux intérêts des institutions en raison de la faute commise ;
c) du degré d’intentionnalité ou de négligence dans la faute commise ;
d) des motifs ayant amené le fonctionnaire à commettre la faute ;
e) du grade et de l’ancienneté du fonctionnaire ;
f) du degré de responsabilité personnelle du fonctionnaire ;
g) du niveau des fonctions et responsabilités du fonctionnaire ;
h) de la récidive de l’acte ou du comportement fautif ;
i) de la conduite du fonctionnaire tout au long de sa carrière. »
8 L’article 25 de l’annexe IX du statut dispose :
« Lorsque le fonctionnaire fait l’objet de poursuites pénales pour les mêmes faits, sa situation n’est définitivement réglée qu’après que la décision rendue par la juridiction saisie est devenue définitive. »
9 Selon l’article 28 de l’annexe IX du statut :
« En cas de faits nouveaux étayés par des preuves pertinentes, une procédure disciplinaire peut être rouverte par l’[AIPN], à son initiative ou à la demande du fonctionnaire concerné. »
10 L’article 22 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, dans sa version applicable au litige (ci-après le « RAA »), dispose :
« […] [L]’agent temporaire a droit, dans les conditions fixées aux articles 5 à 15 de l’annexe VII [d]u statut, au remboursement des frais qu’il a exposés à l’occasion de son entrée en fonctions, de sa mutation ou de la cessation de ses fonctions, ainsi que de ceux qu’il a exposés dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. »
Faits à l’origine du litige
11 Le 15 avril 2005, le requérant est entré au service de la Cour des comptes de l’Union européenne, à Luxembourg (Luxembourg), où il a été affecté au cabinet d’un membre en tant qu’agent temporaire de grade AD 10, au sens de l’article 2, sous c), du RAA, pour une durée indéterminée, liée à la date d’expiration du mandat dudit membre, à savoir le 31 octobre 2010.
12 Lauréat d’un concours général, le requérant a reçu, le 31 mai 2010, une offre pour un poste à Bruxelles (Belgique), lui permettant de devenir fonctionnaire de grade AD 5 à la Commission. Le 2 juin 2010, le requérant a accepté cette offre et il a convenu avec la Commission d’une entrée en service le 1er septembre 2010. La date de son entrée en service a toutefois été reportée au 16 septembre 2010. Le requérant a informé le membre de la Cour des comptes pour lequel il travaillait qu’il allait entrer au service de la Commission, mais il n’en a pas informé l’administration de la Cour des comptes.
13 Le 7 juillet 2010, le requérant a introduit auprès de la Cour des comptes une demande de congé de convenance personnelle pour la période allant du 1er septembre au 31 octobre 2010. Le requérant n’a pas informé la direction des ressources humaines de la Cour des comptes de la véritable raison pour laquelle il demandait ce congé, mais, à l’audience, il a indiqué en avoir informé le membre de la Cour des comptes pour lequel il travaillait.
14 En août 2010, le requérant a pris son congé annuel.
15 Le 4 août 2010, le requérant a signé un contrat de bail pour une maison sise à Vossem (Belgique) avec effet à partir du 1er septembre 2010.
16 Le 9 août 2010, le requérant a soumis à la Cour des comptes deux devis établis par deux sociétés de déménagement de son pays d’origine en vue de la prise en charge par cette institution des frais de déménagement de ses biens depuis le Luxembourg vers ce pays. Le devis le moins cher, d’un montant de 16 555 euros, émis par la société de déménagement O., a été accepté par la Cour des comptes.
17 Le 11 août 2010, le bureau de la population de la commune luxembourgeoise où vivaient le requérant et sa famille a émis un certificat selon lequel ces derniers avaient été rayés du registre de la population de cette commune à compter de cette date. Ce même jour, le requérant a voyagé avec sa famille depuis le Luxembourg vers son pays d’origine.
18 Le 13 août 2010, les autorités locales de P., ville dont le requérant est originaire, ont émis un certificat selon lequel le requérant et sa famille résidaient depuis le 11 août 2010 à P., à l’adresse permanente des parents du requérant dans cette ville.
19 Ce même 13 août 2010, le requérant a introduit des demandes auprès de la Cour des comptes visant, d’une part, au remboursement de ses frais de voyage, à l’occasion de la cessation de ses fonctions, de Luxembourg à son pays d’origine pour lui et sa famille et, d’autre part, au paiement de l’indemnité de réinstallation. À sa demande d’indemnité de réinstallation le requérant a joint le certificat du registre de la population luxembourgeois et le certificat de résidence des autorités de P. Dans cette demande, il a déclaré qu’il s’était réinstallé à P. et qu’il n’avait pas perçu ni ne percevrait d’indemnité similaire. Ni ces frais de voyage ni cette indemnité n’ont été payés par la Cour des comptes.
20 À une date indéterminée, le requérant a demandé à la société de déménagement O. de lui indiquer le montant de la pénalité qu’il devrait payer en cas de rupture de contrat. Cette pénalité s’est avérée représenter 60 % du prix du contrat. Après des négociations, le requérant et la société de déménagement O. sont parvenus à un accord selon lequel, pour le prix convenu de 16 555 euros, une partie des biens du requérant serait expédiée dans son pays d’origine, l’autre partie étant transférée dans la maison louée à Vossem.
21 Le 16 août 2010, la Cour des comptes a reçu une facture d’un montant de 18 978,25 euros de la part de la société de déménagement O., signée par le requérant avec l’annotation manuscrite « pour paiement » et indiquant que le déménagement de ses biens allait s’effectuer de Luxembourg vers son pays d’origine. Le 1er septembre 2010, la Cour des comptes a acquitté cette facture à hauteur de 16 555 euros.
22 Le 18 août 2010, le requérant a voyagé avec sa famille de P. à Bruxelles.
23 Le 23 août 2010, la société de déménagement O. a transporté une partie des biens du requérant (48 m3) à Vossem, l’autre partie (28 m3) ayant été expédiée, par navire, d’Anvers (Belgique) vers le pays d’origine du requérant.
24 Le 16 septembre 2010, le requérant est entré en fonctions à la Commission, à Bruxelles, en tant que fonctionnaire stagiaire de grade AD 5.
25 Le 20 septembre 2010, dans le cadre de la détermination de ses droits financiers suite à son entrée en service à la Commission, le requérant a eu un entretien avec Mme A, agent de l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » de la Commission (PMO).
26 Peu après cet entretien, le requérant a demandé à la Commission l’octroi de l’indemnité d’installation. Cette indemnité lui a été accordée.
27 Le 5 octobre 2010, le requérant a envoyé à Mme A, suite à un entretien téléphonique de la veille avec cette dernière, une lettre qu’il avait reçue du directeur des ressources humaines de la Cour des comptes concernant le paiement par cette institution des frais de son déménagement de Luxembourg vers son pays d’origine, ainsi que les cartes d’embarquement relatives au voyage effectué de P. à Bruxelles pour lui et sa famille. En réponse, Mme A a demandé au requérant, ce même 5 octobre 2010, les détails des vols relatifs au voyage effectué de P. à Bruxelles. Cette information a été fournie par le requérant à Mme A le 7 octobre 2010.
28 Le 7 octobre 2010, le PMO a demandé des informations à la Cour des comptes afin de fixer les droits financiers du requérant. De ce fait, la Cour des comptes a appris que le requérant était entré en service à la Commission le 16 septembre 2010 après avoir accepté, le 2 juin 2010, une offre du 31 mai précédent en ce sens.
29 Le 8 octobre 2010, le requérant a fourni au PMO les justificatifs visant au remboursement des frais de voyage de P. à Bruxelles pour lui et sa famille. Ces frais n’ont pas été remboursés.
30 Le 26 octobre 2010, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a reçu une lettre de la Cour des comptes dans laquelle celle-ci apportait des éléments de preuve qui laissaient présumer l’existence d’un manquement par le requérant aux obligations auxquelles il était tenu.
31 Par lettre du 29 octobre 2010, la Cour des comptes a invité le requérant à procéder au remboursement de certains frais représentant des coûts liés à des conversations téléphoniques, du trop-perçu des frais de voyage annuel ainsi que des 16 555 euros représentant les frais de déménagement de ses biens de Luxembourg vers son pays d’origine. Par lettre du 7 décembre 2010, le requérant a accepté de rembourser les frais en question, excepté la somme de 16 555 euros.
32 Le 31 octobre 2010, le contrat d’agent temporaire du requérant auprès de la Cour des comptes est arrivé à son terme.
33 Le 18 mars 2011, l’OLAF a ouvert une enquête interne à l’encontre du requérant ainsi qu’une enquête externe à l’encontre de la société de déménagement O.
34 Le 18 avril 2011, le requérant a été entendu par l’OLAF.
35 Le 25 janvier 2012, l’OLAF a établi son rapport final d’enquête, lequel a été remis à la Commission et à la Cour des comptes. Le 12 juin 2012, le requérant a reçu une copie du rapport. Dans ce rapport, l’OLAF a recommandé notamment le recouvrement par la Cour des comptes des sommes indûment payées au requérant, dont la facture de la société de déménagement O., l’ouverture d’une procédure disciplinaire à l’encontre du requérant et la transmission aux autorités luxembourgeoises du dossier concernant la soumission d’une facture de déménagement dont les données étaient fausses. S’agissant de l’enquête externe à l’égard de la société de déménagement O., l’OLAF a recommandé que cette affaire soit transmise pour suivi aux autorités judiciaires du pays d’origine du requérant.
36 Le 7 juin 2012, l’AIPN a donné mandat à l’Office d’investigation et de discipline de la Commission (IDOC) pour auditionner le requérant au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut.
37 Le 5 juillet 2012, le requérant a été auditionné par l’IDOC.
38 Le 17 juillet 2012, le requérant a transmis à l’IDOC ses commentaires sur le rapport final d’enquête de l’OLAF.
39 Le 23 novembre 2012, l’AIPN a ouvert une procédure disciplinaire devant le conseil de discipline.
40 Le 26 novembre 2012, l’AIPN a, conformément à l’article 12 de l’annexe IX du statut, remis au conseil de discipline le rapport rédigé par l’IDOC. Dans le cadre de la rédaction de ce rapport, l’IDOC a, à une date non spécifiée, eu un entretien téléphonique avec Mme A.
41 Le 18 février 2013, le requérant a été auditionné par le conseil de discipline.
42 Le 13 mars 2013, le conseil de discipline a émis un avis. La majorité des membres ont conclu que la sanction appropriée consistait au classement du requérant, fonctionnaire de grade AD 5, échelon 3, dans le groupe de fonctions des assistants (AST) sans rétrogradation, sanction prévue à l’article 9, paragraphe 1, sous g), de l’annexe IX du statut.
43 L’audition devant l’AIPN tripartite, prévue initialement le 7 mai 2013, a été reportée par l’AIPN au 5 juin 2013. D’un commun accord avec le représentant du requérant, cette audition a finalement été fixée au 12 juin suivant. L’audition a ensuite été reportée par l’AIPN au 8 juillet 2013, en raison de l’agenda chargé d’un membre de l’AIPN tripartite, puis au 19 juillet 2013, en raison de l’indisponibilité d’un autre membre de l’AIPN tripartite. Par courriel du 18 juillet 2013, le représentant du requérant a demandé un report de l’audition, qui a finalement eu lieu le 13 septembre 2013.
44 Dans une note du 12 septembre 2013, présentée par le requérant à l’appui des moyens développés au cours de l’audition du lendemain, le requérant a fait valoir que, à la suite du rapport adressé par l’OLAF aux autorités judiciaires de son pays d’origine, celles-ci avaient engagé des poursuites pénales à son égard en tant que suspect de fraude financière commise à l’occasion de son déménagement de Luxembourg et que, dans le cadre de ces poursuites, il avait été interrogé par la police judiciaire nationale le 4 octobre 2012.
45 Le 22 octobre 2013, sur demande de l’AIPN, l’IDOC a entendu Mme A une seconde fois.
46 Par note du 25 octobre 2013, l’AIPN a transmis au requérant le compte rendu de l’audition de Mme A par l’IDOC du 22 octobre 2013. Par note du 8 novembre 2013, le requérant a soumis des commentaires sur ce compte rendu d’audition.
47 Par lettre du 28 octobre 2013, le représentant du requérant a demandé à l’IDOC de lui « transmettre le compte rendu de [l’]audition [de Mme A] par l’O[LAF] » et celui de sa première audition par l’IDOC.
48 Par lettre du 29 novembre 2013, l’IDOC a informé le représentant du requérant qu’il n’y avait pas de compte rendu d’une audition de Mme A par l’OLAF et que le seul compte rendu de son audition par l’IDOC était celui annexé à sa note du 25 octobre 2013. L’IDOC a expliqué que l’entretien qu’il avait eu avec Mme A dans le cadre de la préparation du rapport pour le conseil de discipline n’était pas une véritable audition, car seules quelques questions lui auraient été posées afin de clarifier un document du dossier.
49 Par lettre du 9 décembre 2013, le représentant du requérant a demandé des renseignements à l’IDOC concernant les « déclarations de Mme [A devant] l’O[LAF] » et l’IDOC.
50 Par lettre du 24 février 2014, l’IDOC a répondu au courrier du représentant du requérant du 9 décembre précédent et, à cette occasion, il a demandé au requérant de lui fournir davantage de précisions sur d’éventuelles poursuites pénales engagées à son égard dans son pays d’origine.
51 Par lettre du 27 février 2014 adressée à l’IDOC, le représentant du requérant a exprimé ses inquiétudes concernant les auditions de Mme A et a annoncé qu’il reviendrait vers l’IDOC au sujet de la procédure judiciaire nationale dans un prochain courrier.
52 Par courrier du 19 mars 2014 adressé à l’IDOC, le représentant du requérant a signalé que son client avait envoyé un rappel à la police nationale compétente afin de recevoir des informations sur l’état de son dossier, qu’il souhaitait compléter ses arguments de défense et qu’il reviendrait prochainement vers l’IDOC.
53 Par courrier du 2 mai 2014, l’IDOC a notamment signalé au représentant du requérant que, depuis les deux derniers courriers de celui-ci, il n’avait reçu aucune nouvelle de sa part sur la procédure judiciaire en cours contre le requérant dans le pays d’origine de ce dernier.
54 Par courrier du 7 mai 2014, le représentant du requérant a rappelé à l’IDOC que le requérant avait été entendu en tant que suspect par les autorités judiciaires de son pays d’origine, lesquelles n’avaient pas encore statué sur les suites à donner à son audition.
55 Le 19 mai 2014, le représentant du requérant a fourni à l’IDOC la copie d’un échange de courriels entre le requérant et la police nationale compétente.
56 Le 3 juin 2014, l’AIPN tripartite a décidé d’appliquer au requérant la sanction prévue à l’article 9, paragraphe 1, sous g), de l’annexe IX du statut en le classant dans un groupe de fonctions inférieur, sans rétrogradation (ci-après la « décision attaquée »). Cette décision a été reçue par le requérant le 4 juin 2014.
57 Le 4 septembre 2014, le requérant a introduit une réclamation contre la décision attaquée. Cette réclamation a été complétée par une lettre du 24 septembre 2014.
58 Par décision du 18 décembre 2014, notifiée au requérant au plus tard le 23 décembre 2014, la réclamation a été rejetée.
Conclusions des parties et procédure
59 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
60 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner le requérant aux dépens.
61 Par lettres du greffe du Tribunal du 23 novembre 2015, les parties ont été invitées à répondre à des mesures d’organisation de la procédure, ce qu’elles ont fait dans le délai imparti.
62 Par lettre du greffe du Tribunal du 24 novembre 2015, la Cour des comptes a été invitée à répondre à une mesure d’instruction. Elle a dûment déféré à cette invitation.
En droit
63 À l’appui de son recours en annulation, le requérant se prévaut de cinq moyens, tirés respectivement, le premier, de la violation de l’article 25 de l’annexe IX du statut, le deuxième, d’erreurs manifestes d’appréciation, le troisième, de la violation des règles en matière de procédure disciplinaire, le quatrième, de la violation du principe de proportionnalité et, le cinquième, de la violation des délais de procédure.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 25 de l’annexe IX du statut
Arguments des parties
64 Le requérant affirme que, à la date de l’adoption de la décision attaquée, il faisait l’objet de poursuites pénales, ou du moins d’une enquête susceptible de déboucher sur des poursuites pénales, car une instruction avait été ouverte à son égard par les services de police de son pays d’origine spécialisés en matière de fraude. Cette instruction porterait sur les faits dénoncés par l’OLAF aux autorités pénales nationales, suite à la recommandation faite par l’OLAF dans son rapport final d’enquête de donner, outre un suivi disciplinaire, un suivi pénal à ladite enquête. Dans la mesure où les poursuites disciplinaires à son égard seraient basées sur le même rapport final d’enquête de l’OLAF, les poursuites pénales porteraient, à tout le moins en partie, sur les mêmes faits que ceux à l’origine des poursuites disciplinaires. Par conséquent, la décision attaquée aurait été adoptée alors que les faits mis à sa charge dans le cadre de la procédure disciplinaire auraient fait parallèlement l’objet de poursuites pénales ouvertes à son égard, en violation de l’article 25 de l’annexe IX du statut.
65 La Commission rétorque que le requérant n’a pas démontré que des poursuites pénales se trouvaient ouvertes à son égard dans son pays d’origine au moment de l’adoption de la décision attaquée et que, à plus forte raison, il n’a pas prouvé faire l’objet de telles poursuites pour les mêmes faits que ceux fondant la décision attaquée. Par suite, la Commission conclut au rejet du premier moyen.
Appréciation du Tribunal
66 Il ressort de l’article 25 de l’annexe IX du statut qu’il est interdit à l’AIPN de régler définitivement, sur le plan disciplinaire, la situation du fonctionnaire concerné en se prononçant sur des faits faisant concomitamment l’objet d’une procédure pénale, aussi longtemps que la décision rendue par la juridiction répressive saisie n’est pas devenue définitive (arrêt du 13 mars 2003, Pessoa e Costa/Commission, T‑166/02, EU:T:2003:73, point 45). L’article 25 de l’annexe IX du statut, partant, n’octroie pas à l’AIPN chargée de régler définitivement la situation d’un fonctionnaire à l’égard duquel est ouverte une procédure disciplinaire un pouvoir discrétionnaire quant à la faculté de surseoir ou non à statuer sur la situation dudit fonctionnaire lorsque ce fonctionnaire est poursuivi devant un tribunal répressif (voir, en ce sens, arrêts du 19 mars 1998, Tzoanos/Commission, T‑74/96, EU:T:1998:58, points 32 et 33, et du 8 juillet 2008, Franchet et Byk/Commission, T‑48/05, EU:T:2008:257, point 341).
67 Il ressort de la jurisprudence que l’article 25 de l’annexe IX du statut a une double raison d’être.
68 D’une part, cet article répond au souci de ne pas affecter la position du fonctionnaire en cause dans le cadre des poursuites pénales qui seraient ouvertes contre lui en raison de faits qui font par ailleurs l’objet d’une procédure disciplinaire au sein de son institution (arrêt du 19 mars 1998, Tzoanos/Commission, T‑74/96, EU:T:1998:58, point 34).
69 D’autre part, la suspension de la procédure disciplinaire dans l’attente de la clôture de la procédure pénale permet de prendre en considération, dans le cadre de la procédure disciplinaire, des constatations factuelles opérées par le juge pénal lorsque sa décision est devenue définitive. Il doit être rappelé à cet effet que l’article 25 de l’annexe IX du statut consacre le principe selon lequel « le pénal tient le disciplinaire en l’état », ce qui se justifie notamment par le fait que les juridictions pénales nationales disposent de pouvoirs d’investigation plus importants que l’AIPN (arrêt du 21 novembre 2000, A/Commission, T‑23/00, EU:T:2000:273, point 37). Dès lors, dans le cas où les mêmes faits peuvent être constitutifs d’une infraction pénale et d’une violation des obligations statutaires du fonctionnaire, l’administration est liée par les constatations factuelles effectuées par la juridiction pénale dans le cadre de la procédure répressive. Une fois que cette dernière a constaté l’existence des faits de l’espèce, l’administration peut procéder ensuite à leur qualification juridique au regard de la notion de faute disciplinaire, en vérifiant notamment si ceux-ci constituent des manquements aux obligations statutaires (arrêts du 10 juin 2004, François/Commission, T‑307/01, EU:T:2004:180, point 75, et du 8 juillet 2008, Franchet et Byk/Commission, T‑48/05, EU:T:2008:257, point 342).
70 En outre, il ressort de la jurisprudence qu’il appartient au fonctionnaire en cause de fournir à l’AIPN les éléments permettant d’apprécier si les faits mis à sa charge dans le cadre de la procédure disciplinaire font parallèlement l’objet de poursuites pénales ouvertes à son égard. Pour satisfaire à cette obligation, le fonctionnaire en cause doit en principe démontrer que des poursuites pénales ont été ouvertes à son égard alors qu’il faisait l’objet d’une procédure disciplinaire. En effet, c’est uniquement lorsque de telles poursuites pénales ont été ouvertes que les faits sur lesquels elles portent peuvent être identifiés et comparés aux faits pour lesquels la procédure disciplinaire a été entamée, afin de déterminer leur éventuelle identité (arrêt du 30 mai 2002, Onidi/Commission, T‑197/00, EU:T:2002:135, point 81).
71 Il appartient dès lors au Tribunal d’examiner si, dans les circonstances de l’espèce, le requérant a démontré que des « poursuites pénales pour les mêmes faits » avaient été ouvertes au moment de l’adoption de la décision attaquée.
72 D’une part, s’agissant de la procédure disciplinaire, il ressort des points 12 à 16 de la décision attaquée que l’AIPN tripartite a retenu deux griefs à l’encontre du requérant, à savoir, d’une part, le fait pour celui-ci d’avoir « omis d’informer correctement l’administration de sa situation dans le but de bénéficier du remboursement des frais de déménagement vers [son pays d’origine] et du paiement de l’indemnité de réinstallation » (point 12 de la décision attaquée) et, d’autre part, le fait d’avoir « signé une facture contenant une information fausse ou du moins incomplète concernant son déménagement de Luxembourg vers [son pays d’origine] et la Belgique, en ayant omis de préciser que le déménagement serait un déménagement scindé » (point 16 de la décision attaquée).
73 D’autre part, s’agissant des poursuites pénales qui, selon le requérant, auraient été ouvertes à son égard pour les mêmes faits que ceux fondant la décision attaquée, le Tribunal observe d’abord que, dans sa note du 12 septembre 2013, le requérant s’est borné à affirmer que, suite au rapport adressé par l’OLAF aux autorités judiciaires de son pays d’origine, des poursuites pénales avaient été engagées par les autorités judiciaires nationales à son égard en tant que suspect de fraude financière commise à l’occasion de son déménagement de Luxembourg et que, dans le cadre de ces poursuites, il avait été interrogé par la police judiciaire nationale le 4 octobre 2012. Cette note ne précise toutefois pas en quoi consistaient les actes frauduleux qui lui auraient été reprochés.
74 Ensuite, le Tribunal constate que, par lettre du 24 février 2014, l’IDOC a demandé au représentant du requérant de lui fournir davantage de précisions sur d’éventuelles poursuites pénales engagées à son égard dans son pays d’origine. Dans cette lettre, l’IDOC a invité ledit représentant à lui envoyer « une copie de l’acte de mise en examen afin de savoir exactement quels faits [étaient] couverts par la procédure qui aurait été ouverte par les autorités judiciaires [du pays d’origine du requérant] » et lui a rappelé qu’il appartenait au requérant de démontrer dans quelle mesure les faits faisant l’objet de la procédure disciplinaire en cause faisaient également l’objet de poursuites pénales de la part des autorités judiciaires de son pays d’origine.
75 Or, en réponse, l’IDOC a seulement reçu une copie de quelques courriels échangés entre le requérant et deux lieutenants de la police nationale de son pays d’origine. Ainsi, dans un courriel du 27 août 2012, M. B, lieutenant de la police nationale, a demandé au requérant de prendre contact avec lui. Dans un courriel du 31 août 2012, M. B a invité le requérant à se rendre dans son pays d’origine pour y être interrogé « en tant que suspect ». Par courriel du 19 mars 2014, le requérant a demandé à M. B de l’informer de l’état d’avancement du dossier relatif à son interrogatoire par les services de police nationale, organisé début octobre 2012, « en tant que suspect à la suite des allégations formulées à [s]on égard dans un rapport que l’[OLAF] […] avait fait parvenir [à M. B] ». Par courriel du même jour, M. B a répondu au requérant qu’il ne travaillait plus dans le service qui conduisait l’enquête et le priait de bien vouloir contacter le chef dudit service. Par courriel du 2 avril 2014, le requérant a envoyé à M. C, un autre lieutenant de la police nationale, les deux courriels susmentionnés du 19 mars 2014. Par courriel du 13 mai 2014, le requérant a demandé à M. C de bien vouloir lui confirmer que, lors de leur entretien téléphonique du 23 avril 2014, M. C l’avait informé que « l’enquête dans l’affaire dans laquelle [le requérant était] un suspect [était] en cours » et qu’il lui avait également dit qu’il répondrait à son courriel du 2 avril 2014. Par courriel du 14 mai 2014, M. C a fait savoir au requérant que l’enquête ouverte dans l’affaire dans laquelle celui-ci était impliqué était toujours en cours et qu’il ne pouvait préciser la date à laquelle cette enquête serait clôturée.
76 Force est de constater que l’échange de courriels intervenu entre le requérant et la police de son pays d’origine ne permet pas de démontrer que, lors de l’adoption de la décision attaquée, le requérant faisait en parallèle l’objet de poursuites pénales pour les mêmes faits que ceux retenus au soutien de la décision attaquée. Certes, il est vrai que le courriel du requérant du 19 mars 2014 adressé à M. B fait référence à un rapport de l’OLAF, mais il est tout aussi vrai que, dans son rapport final d’enquête, l’affaire que l’OLAF a recommandé de transmettre aux autorités judiciaires nationales pour suivi est celle liée à l’enquête externe à l’égard de la société de déménagement O., et non pas une affaire visant directement le requérant.
77 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que le requérant n’a pas démontré que des « poursuites pénales pour les mêmes faits » avaient été ouvertes à son égard au moment de l’adoption de la décision attaquée.
78 Par conséquent, le premier moyen, tiré de la violation de l’article 25 de l’annexe IX du statut, doit être rejeté comme non fondé.
Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation
79 Dans le cadre du deuxième moyen, le requérant soulève deux griefs. Il fait valoir que l’AIPN tripartite a commis une erreur manifeste d’appréciation, d’une part, en estimant qu’il avait manqué à son devoir de transparence vis-à-vis de la Commission et, d’autre part, en considérant qu’il n’avait pas droit au remboursement de ses frais de déménagement de Luxembourg vers son pays d’origine.
Sur le premier grief, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation du devoir de transparence vis-à-vis de la Commission
– Arguments des parties
80 Le requérant reproche à l’AIPN tripartite d’avoir considéré dans la décision attaquée que, dans ses déclarations au PMO lors de son entrée en service à la Commission, il avait intentionnellement manqué à son devoir de transparence, dans un but purement lucratif, à propos de son déménagement de Luxembourg vers son pays d’origine. Il affirme avoir été totalement transparent sur sa situation vis-à-vis de la Commission. Selon le requérant, cette erreur de l’AIPN tripartite est due au fait que, pour adopter la décision attaquée, elle était tenue, conformément à l’article 18 de l’annexe IX du statut, de se baser exclusivement sur les faits établis dans l’avis du conseil de discipline, selon lequel le requérant avait intentionnellement caché son déménagement à Bruxelles en vue d’obtenir des bénéfices financiers à la fois de la Commission et de la Cour des comptes. Or, les faits établis dans ledit avis seraient matériellement inexacts, le conseil de discipline n’ayant pas pu prendre en considération les déclarations que Mme A avait faites le 22 octobre 2013, soit à une date postérieure à l’adoption dudit avis, le 13 mars 2013, et qui démontreraient que le requérant n’avait pas manqué à son devoir de transparence vis-à-vis de la Commission.
81 La Commission conclut au rejet du premier grief comme non fondé.
– Appréciation du Tribunal
82 L’argument du requérant selon lequel la décision attaquée serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que l’AIPN tripartite lui reprocherait d’avoir manqué à son devoir de transparence vis-à-vis de la Commission manque en fait, l’AIPN tripartite n’ayant pas fait une telle appréciation.
83 En effet, contrairement à ce que soutient le requérant, aucun grief n’a été retenu contre lui dans la décision attaquée pour manque de transparence à l’égard de la Commission. Seul son comportement vis-à-vis de la Cour des comptes lui est reproché.
84 Ainsi, tel qu’il a été relevé au point 72 du présent arrêt, l’AIPN tripartite a retenu dans la décision attaquée deux griefs disciplinaires à l’encontre du requérant. Le premier grief disciplinaire, à savoir le fait pour le requérant d’avoir omis d’informer « l’administration » de sa situation dans le but de bénéficier du remboursement des frais de déménagement du Luxembourg vers son pays d’origine et du paiement de l’indemnité de réinstallation, ne peut se référer qu’à l’administration de la Cour des comptes puisque c’est à cette seule institution que le requérant a demandé l’octroi de ces indemnités. Par ailleurs, le fait que l’AIPN tripartite reproche au requérant son comportement uniquement vis-à-vis de la Cour des comptes, et non pas également vis-à-vis de la Commission, ressort également des points 14 et 15 de la décision attaquée. Au point 14 de la décision attaquée, l’AIPN tripartite fait valoir que, en demandant le remboursement des frais de déménagement du Luxembourg vers son pays d’origine, le requérant a causé un surcoût important au budget des institutions, et notamment à celui de la Cour des comptes. Au point 15 de la même décision, s’appuyant sur les éléments en sa possession, l’AIPN tripartite estime que le requérant a agi avec préméditation afin de percevoir indûment des prestations lors de son départ de la Cour des comptes lorsqu’il a introduit ses demandes, en particulier sa demande d’indemnité de réinstallation. Enfin, toujours au point 15 de la décision attaquée, l’AIPN tripartite considère que le requérant aurait dû « présenter sa situation à l’administration (de la Cour des comptes) en pleine transparence ».
85 Le second grief disciplinaire porte sur la signature par le requérant d’une facture contenant une information fausse, ou du moins incomplète, concernant son déménagement du Luxembourg vers son pays d’origine et la Belgique. Dans la mesure où cette facture a été payée par la Cour des comptes, et non pas par la Commission, ce grief ne peut qu’être en lien avec les déclarations faites par le requérant à la Cour des comptes.
86 L’AIPN tripartite n’ayant pas fait, dans la décision attaquée, l’appréciation que le requérant estime erronée, il y a lieu de rejeter le premier grief du deuxième moyen.
Sur le second grief, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation du droit au remboursement des frais de déménagement
– Arguments des parties
87 Le requérant affirme que, pour adopter la décision attaquée, l’AIPN tripartite s’est fondée sur l’appréciation de l’OLAF et du conseil de discipline selon laquelle sa situation s’assimilait à celle d’un transfert interinstitutionnel, ce qui impliquait qu’il n’avait pas droit au remboursement des frais de déménagement de Luxembourg vers son pays d’origine, mais seulement de Luxembourg à Bruxelles. Or, il n’aurait pas été transféré de la Cour des comptes à la Commission, car il n’y aurait pas eu de continuité entre son emploi à la Cour des comptes et celui à la Commission. Il s’agirait en effet de deux emplois successifs, sans rapport de continuité. De ce fait, la cessation de ses fonctions à la Cour des comptes ne lui ouvrait qu’un droit au remboursement de ses frais de déménagement vers son pays d’origine, conformément à l’article 9, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut, et non pas vers la Belgique. Qui plus est, selon une lecture littérale de l’article 9 de l’annexe VII du statut, il aurait même été tenu de déménager d’abord du Luxembourg vers son pays d’origine puis de ce pays à Bruxelles, ce qui aurait été plus coûteux que le déménagement pour lequel il avait opté, en faisant transporter une partie de ses biens de Luxembourg vers son pays d’origine et l’autre partie à Bruxelles.
88 La Commission estime que ce grief n’est pas fondé.
– Appréciation du Tribunal
89 Le Tribunal observe, d’une part, que, dans la décision attaquée, l’AIPN tripartite ne prétend pas que le requérant ait été transféré de la Cour des comptes à la Commission, mais affirme qu’il a continué, dans les faits, à travailler sous l’empire du statut sans discontinuité, malgré le changement de lien d’emploi et d’institution.
90 D’autre part, il ressort de la lecture combinée de l’article 20 du statut et de l’article 9, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut, applicable aux agents temporaires en vertu de l’article 22 du RAA, qu’un agent qui se trouve obligé de déplacer sa résidence pour résider au lieu de son affectation ou à une distance telle de celui-ci qu’il ne soit pas gêné dans l’exercice de ses fonctions se verra rembourser les frais de déménagement s’il ne bénéficie pas par ailleurs d’un remboursement des mêmes frais. Ce déplacement de la résidence peut donc se produire lors de l’entrée en fonctions de l’agent temporaire ou du fonctionnaire, de son lieu d’origine au lieu d’affectation, ou bien lors d’un changement ultérieur du lieu d’affectation, changement qui peut être motivé notamment par la nomination d’un agent temporaire d’une institution déterminée comme fonctionnaire stagiaire d’une autre institution et l’obligation concomitante pour celui-ci de déplacer sa résidence au nouveau lieu d’affectation.
91 En l’espèce, le contrat d’engagement du requérant avec la Cour des comptes est arrivé à son terme le 31 octobre 2010. Le requérant pouvait donc seulement entrer en fonction à la Commission à partir du 1er novembre 2010, immédiatement après la cessation de ses fonctions à la Cour des comptes. Il est toutefois entré en fonction à la Commission à une date antérieure, le 16 septembre 2010. Or, s’il était entré en service à la Commission le 1er novembre 2010, il aurait été tenu, comme il l’a été à la suite de son entrée en fonction le 16 septembre 2010, de déplacer sa résidence de Luxembourg à Bruxelles, conformément à l’article 9, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut. C’est donc à bon droit que l’AIPN tripartite a considéré que le requérant avait uniquement droit au remboursement de ses frais de déménagement de son lieu d’affectation précédent, situé à Luxembourg, à son nouveau lieu d’affectation, situé à Bruxelles.
92 Certes, le requérant soutient que, à la suite de son engagement par la Commission, son lien d’emploi avec la Cour des comptes a disparu et que la cessation de ses fonctions auprès de la Cour des comptes lui ouvrait uniquement, au titre de l’article 9, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut, un droit au remboursement de ses frais de déménagement vers son lieu d’origine, à savoir son pays natal. Or, lorsque le requérant a cessé ses fonctions à la Cour des comptes, il n’a pas déplacé sa résidence pour la fixer dans son pays d’origine, mais à Bruxelles afin de travailler à la Commission. Contrairement à ce que prétend le requérant, son séjour dans son pays d’origine du 11 au 18 août 2010 ne saurait prouver qu’il aurait fixé sa résidence dans ce pays à la suite de la cessation de ses fonctions à la Cour des comptes. En effet, en date du 18 août 2010, et par ailleurs pendant le reste du mois d’août 2010, le requérant était en congé annuel et toujours au service de la Cour des comptes.
93 Au vu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le second grief comme non fondé. Par conséquent, le deuxième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation, doit être écarté dans son ensemble.
Sur le troisième moyen, tiré de la violation des règles en matière de procédure disciplinaire
94 À l’appui de ce moyen, le requérant soulève deux griefs : il se prévaut, en premier lieu, de la violation du principe du contradictoire pendant la procédure disciplinaire et, en second lieu, de la violation de ses droits de la défense en ce que, en présence de faits nouveaux, l’AIPN n’a pas rouvert la procédure devant le conseil de discipline.
Sur le premier grief, tiré de la violation du principe du contradictoire
– Arguments des parties
95 Le requérant fait valoir que, durant la procédure disciplinaire, le principe du contradictoire a été violé en ce que, le 22 octobre 2013, l’IDOC a auditionné Mme A en son absence et en celle de son représentant. Ainsi, il n’aurait pas eu la possibilité de procéder à un contre-interrogatoire et ce alors que les déclarations de Mme A étaient essentielles pour déterminer la nature intentionnelle ou non des faits qui lui étaient reprochés.
96 La Commission estime que le premier grief n’est pas fondé.
– Appréciation du Tribunal
97 Le principe du contradictoire, qui constitue un principe fondamental du droit de l’Union faisant, en particulier, partie des droits de la défense, exige que la partie concernée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, des griefs et des circonstances allégués par l’institution à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction au statut et au RAA (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2009, Italie/Commission, T‑211/05, EU:T:2009:304, point 53).
98 En l’espèce, les déclarations de Mme A pouvaient uniquement concerner le comportement du requérant à l’égard de la Commission, Mme A étant un agent du PMO. Dans la décision attaquée, l’AIPN tripartite ne s’est pas appuyée sur l’attitude du requérant vis-à-vis de la Commission pour alléguer qu’il avait enfreint le RAA et le statut. En effet, ainsi qu’il a été jugé aux points 83 à 85 du présent arrêt, les seuls faits qui ont été reprochés au requérant dans la décision attaquée ont trait à son comportement vis-à-vis de la Cour des comptes, à savoir le fait d’avoir omis d’informer l’administration de la Cour des comptes de sa situation dans le but de bénéficier du remboursement des frais de déménagement du Luxembourg vers son pays d’origine et du paiement de l’indemnité de réinstallation, ainsi que le fait d’avoir signé une facture contenant une information fausse, ou du moins incomplète, concernant son déménagement depuis le Luxembourg vers son pays d’origine et la Belgique.
99 Or, il ressort du dossier, et notamment du compte rendu de l’audition du requérant par l’OLAF le 18 avril 2011, du rapport d’enquête de l’IDOC remis au conseil de discipline le 26 novembre 2012 et de l’avis du conseil de discipline du 13 mars 2013, que le requérant a été entendu non seulement pendant l’enquête administrative devant l’OLAF et l’IDOC, mais également pendant la procédure disciplinaire devant le conseil de discipline, sur les deux faits reprochés, mentionnés au point précédent. Par ailleurs, le requérant ne prétend pas que, pendant l’enquête administrative et la procédure disciplinaire, il n’aurait pas été mis en mesure d’exposer utilement son point de vue sur ces deux faits reprochés.
100 Dans la mesure où la décision attaquée n’a pas retenu à l’encontre du requérant des faits, des griefs et des circonstances autres que ceux sur lesquels ce dernier a eu l’occasion de faire connaître son point de vue lors de la procédure disciplinaire, il y a lieu de conclure que le principe du contradictoire n’a pas été violé (voir, en ce sens, arrêt du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T‑43/92, EU:T:1994:79, point 33).
101 Par voie de conséquence, le premier grief du troisième moyen doit être rejeté comme non fondé.
Sur le second grief, tiré de la violation de l’obligation pour l’AIPN de rouvrir la procédure devant le conseil de discipline
– Arguments des parties
102 Le requérant soutient que l’audition de Mme A le 22 octobre 2013, à savoir après l’adoption de l’avis du conseil de discipline, aurait révélé un fait nouveau susceptible de modifier de manière substantielle l’appréciation de la réalité, de la portée ou de la gravité des faits qui lui étaient reprochés. En effet, cette audition aurait révélé qu’il avait agi de manière transparente vis-à-vis du PMO lors de son entrée en fonctions auprès de la Commission. Selon le requérant, l’AIPN aurait dès lors été tenue de rouvrir la procédure devant le conseil de discipline, moyennant le dépôt d’un nouveau rapport devant ledit conseil, afin que ce dernier, informé des développements postérieurs à son premier avis, puisse prendre en compte ce fait nouveau et rendre un nouvel avis substantiellement différent. N’ayant pas agi de la sorte, l’AIPN aurait méconnu la procédure disciplinaire et violé les droits de la défense du requérant.
103 La Commission estime que le second grief est irrecevable, faute d’avoir été soulevé dans la réclamation, conformément au principe de concordance entre la réclamation et la requête. À titre subsidiaire, elle soutient que le grief est mal fondé.
– Appréciation du Tribunal
104 En premier lieu, en ce qui concerne la recevabilité du second grief, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la règle de concordance entre la réclamation, au sens de l’article 91, paragraphe 2, du statut, et la requête subséquente exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen soulevé devant le juge de l’Union européenne l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’AIPN ait été en mesure de connaître les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée. Cette règle se justifie par la finalité même de la procédure précontentieuse, celle-ci ayant pour objet de permettre un règlement amiable des différends surgis entre les fonctionnaires et les agents en cause, d’une part, et l’administration, d’autre part. Il s’ensuit que, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, les conclusions présentées devant le juge de l’Union ne peuvent contenir que des chefs de contestation reposant sur la même cause que celle sur laquelle reposent les chefs de contestation invoqués dans la réclamation, étant précisé que ces chefs de contestation peuvent être développés, devant le juge de l’Union, par la présentation de moyens et d’arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s’y rattachant étroitement (arrêts du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, points 71 à 73 et jurisprudence citée, et du 15 juillet 2015, Rouffaud/SEAE, T‑457/14 P, EU:T:2015:495, point 24).
105 En l’espèce, dans sa réclamation, le requérant s’est limité à faire valoir, dans le cadre de son troisième moyen, que la décision attaquée devait être annulée en ce que l’audition de Mme A du 22 octobre 2013 avait été effectuée en violation du principe du contradictoire.
106 Dans la requête, le requérant demande au Tribunal d’annuler la décision attaquée non seulement au motif que l’audition de Mme A du 22 octobre 2013 aurait été effectuée en violation du principe du contradictoire (premier grief), mais également parce que cette audition aurait révélé un fait nouveau, raison pour laquelle l’AIPN aurait dû ressaisir le conseil de discipline (second grief).
107 Il y a lieu de constater, néanmoins, que le second grief du troisième moyen, qui ne figure effectivement pas dans la réclamation, se rattache étroitement au premier grief de ce moyen qui a été exposé dans la réclamation, de sorte qu’il doit être déclaré recevable.
108 En second lieu, en ce qui concerne le bien-fondé du second grief, il incombe au Tribunal d’examiner si, comme le soutient le requérant, l’AIPN avait l’obligation de ressaisir le conseil de discipline suite à l’audition de Mme A du 22 octobre 2013 et aux commentaires du requérant du 8 novembre suivant.
109 À cet égard, le Tribunal relève que, selon l’annexe IX du statut et plus particulièrement son article 28, aucune obligation de rouvrir la procédure disciplinaire en ressaisissant le conseil de discipline ne s’impose à l’AIPN, cette disposition laissant à l’AIPN le choix de rouvrir ou non la procédure disciplinaire soit à sa propre initiative, soit à la demande du fonctionnaire concerné.
110 Il convient donc de vérifier si la seconde audition de Mme A, le 22 octobre 2013, et les commentaires fournis par le requérant sur le compte rendu de cette audition ont effectivement révélé des faits nouveaux au sens qui vient d’être défini.
111 Selon la Commission, l’AIPN a considéré que l’audition de Mme A du 22 octobre 2013 et les commentaires du requérant sur le compte rendu de cette audition n’avaient révélé aucun fait nouveau, ce que conteste le requérant.
112 En l’espèce, il ressort de la lettre de l’IDOC du 24 février 2014 que l’audition de Mme A, le 22 octobre 2013, a été effectuée par l’IDOC à la demande de l’AIPN, dans le cadre du mandat conféré par celle-ci à l’IDOC au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut, afin de clarifier des commentaires manuscrits figurant sur un document du PMO. L’audition de Mme A du 22 octobre 2013 complète donc l’entretien téléphonique que l’IDOC a eu avec Mme A avant la rédaction de son rapport d’enquête et constitue une mesure d’instruction complémentaire adoptée par l’AIPN alors que la procédure disciplinaire devant le conseil de discipline était déjà finalisée.
113 À cet égard, le Tribunal constate que, dans le rapport d’enquête de l’IDOC, il est reproché au requérant d’avoir demandé, d’une part, à la Cour des comptes le bénéfice de l’indemnité de réinstallation ainsi que le remboursement des frais de déménagement et des frais de voyage de Luxembourg vers son pays d’origine et, d’autre part, à la Commission le remboursement des frais de voyage de ce pays à Bruxelles. L’IDOC n’a pas reproché au requérant d’avoir caché à la Commission le déménagement de ses biens en partie vers son pays d’origine et en partie à Bruxelles.
114 Le requérant soutient que l’audition de Mme A du 22 octobre 2013 aurait révélé un fait nouveau, à savoir le fait qu’il « n’a[vait] pas manqué à son obligation de transparence envers la Commission, contrairement à l’avis du [c]onseil de discipline ». Le requérant n’indique toutefois pas les raisons pour lesquelles, selon le rapport d’enquête de l’IDOC, il aurait manqué à son devoir de transparence vis-à-vis de la Commission.
115 À supposer que le requérant se réfère au déménagement de ses biens vers son pays d’origine et à Bruxelles, il suffit de rappeler qu’aucun reproche ne lui a été fait par l’IDOC dans son rapport d’enquête pour avoir manqué à son devoir de transparence en cachant ce déménagement à la Commission (voir point 83 du présent arrêt). Au cas où le requérant entendrait se référer à son voyage de P. à Bruxelles, le Tribunal observe que, dans son rapport d’enquête, non seulement l’IDOC ne reproche pas au requérant d’avoir manqué à son devoir de transparence par rapport à sa demande de remboursement adressée à la Commission pour ces frais de voyage, mais il fait également valoir que, le 8 octobre 2010, le requérant avait introduit cette demande pour lui et sa famille, ce qui démontre que l’IDOC n’a pas contesté le fait que le requérant avait agi de manière transparente sur ce point envers la Commission.
116 Dans ces circonstances, il convient de rejeter le second grief comme non fondé et, par suite, le troisième moyen, tiré de la violation des règles en matière de procédure disciplinaire, dans sa totalité.
Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité
Arguments des parties
117 Le requérant fait valoir que la sanction du classement dans un groupe de fonctions inférieur, sans rétrogradation, est disproportionnée par rapport aux fautes retenues et qu’elle porte gravement atteinte à sa carrière. Au soutien de ce moyen, le requérant affirme d’abord que la décision attaquée méconnaît les circonstances dans lesquelles il a commis les fautes reprochées ainsi que l’absence d’intentionnalité dans les manquements allégués à ses obligations professionnelles. Ensuite, il reproche à l’AIPN tripartite de l’avoir classé dans un grade relativement bas par rapport à son ancienneté et à ses responsabilités au sein des institutions européennes et de ne pas avoir tenu compte de ses « bonnes prestations » tout au long de sa « carrière brillante » effectuée tant au sein de la Cour des comptes que de la Commission. Enfin, le requérant fait également grief à l’AIPN tripartite d’avoir adopté la sanction proposée par le conseil de discipline alors qu’elle avait retenu moins de charges disciplinaires à son égard que ledit conseil, l’AIPN tripartite ayant considéré, à la différence du conseil de discipline, qu’il n’avait pas manqué à son devoir de loyauté envers la Commission.
118 La Commission conclut au rejet du quatrième moyen comme non fondé.
Appréciation du Tribunal
119 À titre liminaire, il convient de rappeler que la légalité de toute sanction disciplinaire présuppose que la réalité des faits reprochés à l’intéressé soit établie (arrêt du 19 novembre 2014, EH/Commission, F‑42/14, EU:F:2014:250, point 90).
120 Selon l’article 10 de l’annexe IX du statut, la sanction disciplinaire infligée doit être proportionnelle à la gravité de la faute commise. Ce même article indique également les critères dont l’AIPN doit notamment tenir compte dans le choix de la sanction.
121 S’agissant de l’évaluation de la gravité des manquements constatés par le conseil de discipline à la charge du fonctionnaire et du choix de la sanction qui apparaît, au vu de ces manquements, comme étant la plus appropriée, ceux-ci relèvent en principe du large pouvoir d’appréciation de l’AIPN, à moins que la sanction infligée ne soit disproportionnée par rapport aux faits révélés. Ainsi, selon une jurisprudence bien établie, l’AIPN dispose du pouvoir de procéder à une appréciation de la responsabilité du fonctionnaire, différente de celle portée par le conseil de discipline, ainsi que de choisir, par suite, la sanction disciplinaire qu’elle estime adéquate pour sanctionner les fautes disciplinaires retenues (arrêt du 19 novembre 2014, EH/Commission, F‑42/14, EU:F:2014:250, point 91).
122 Pour apprécier la proportionnalité d’une sanction disciplinaire par rapport à la gravité des faits retenus, le Tribunal doit prendre en considération le fait que la détermination de la sanction est fondée sur une évaluation globale par l’AIPN de tous les faits concrets et de toutes les circonstances propres à chaque cas d’espèce, étant rappelé que le statut ne prévoit pas de rapport fixe entre les sanctions qui y sont indiquées et les différentes catégories de manquements commis par les fonctionnaires et ne précise pas dans quelle mesure l’existence de circonstances aggravantes ou atténuantes doit intervenir dans le choix de la sanction. L’examen du juge de première instance est, dès lors, limité à la question de savoir si la pondération des circonstances aggravantes et atténuantes par l’AIPN a été effectuée de façon proportionnée, étant précisé que, lors de cet examen, le juge ne saurait se substituer à l’AIPN quant aux jugements de valeur portés à cet égard par celle-ci (arrêt du 19 novembre 2014, EH/Commission, F‑42/14, EU:F:2014:250, point 93).
123 C’est sur la base du cadre juridique décrit aux points 119 à 122 du présent arrêt que le Tribunal se doit d’apprécier les arguments avancés par le requérant relatifs à une prétendue violation du principe de proportionnalité.
124 En l’espèce, le Tribunal relève que le requérant ne conteste pas le fait que, lorsqu’il a introduit sa demande de congé de convenance personnelle pour les mois de septembre et d’octobre 2010 et les deux devis pour le remboursement de ses frais de déménagement vers son pays d’origine, il n’a pas déclaré à l’administration de la Cour des comptes que, le 2 juin précédent, il avait accepté une offre pour entrer au service de la Commission, à Bruxelles, à partir du 1er septembre 2010. Le requérant ne conteste pas non plus le fait d’avoir introduit auprès de la Cour des comptes une demande d’indemnité de réinstallation à une date à laquelle il savait qu’il n’allait pas se réinstaller dans son pays d’origine. Le requérant admet également avoir signé une facture contenant une information fausse ou du moins incomplète concernant son déménagement, en ayant omis de préciser que ses biens seraient déménagés en partie vers son pays d’origine et en partie en Belgique.
125 En revanche, le requérant prétend que l’AIPN tripartite n’a pas tenu compte de plusieurs éléments atténuants ou éléments à décharge. Il convient donc de les examiner.
126 S’agissant, en premier lieu, du grief tiré de ce que l’AIPN tripartite n’aurait pas pris en considération les circonstances dans lesquelles le requérant aurait commis les comportements reprochés, il suffit de relever que le requérant ne précise pas les circonstances dont il entend se prévaloir. Ce grief, simplement énoncé et qui n’est étayé par aucune argumentation, contrairement à la règle prévue à l’article 50, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure, doit donc être rejeté.
127 Pour ce qui est, en deuxième lieu, de la nature non intentionnelle des manquements du requérant à ses obligations professionnelles, le Tribunal observe que le requérant n’a pas contesté les comportements reprochés, rappelés au point 124 du présent arrêt, et qu’il a apporté à l’administration de la Cour des comptes plusieurs documents, tels qu’un extrait du registre de la population luxembourgeois et un certificat de résidence des autorités de P., tendant à démontrer qu’il s’était réinstallé dans son pays d’origine avec sa famille, alors qu’il était bien conscient qu’il s’installerait à Bruxelles. De tels comportements impliquent donc nécessairement une certaine réflexion et préparation de la part du requérant. Il était dès lors loisible à l’AIPN tripartite de marquer son accord avec l’avis du conseil de discipline selon lequel l’intention du requérant était de bénéficier d’autant d’avantages financiers que possible lors de son départ de la Cour des comptes pour la Commission et qu’il avait agi avec préméditation lorsqu’il avait demandé des prestations auxquelles il n’avait pas droit. Il ne saurait donc être reproché à l’AIPN tripartite d’avoir considéré comme une circonstance aggravante le fait que le requérant avait agi avec préméditation.
128 S’agissant, en troisième lieu, de l’ancienneté et des responsabilités du requérant que l’AIPN doit prendre en compte au titre de l’article 10 de l’annexe IX du statut, le Tribunal observe que l’AIPN tripartite a effectivement tenu compte de ces éléments, mais, à juste titre, en tant que circonstances aggravantes. En effet, les cinq années d’expérience du requérant en tant qu’agent temporaire de grade AD 10, soit un grade élevé, permettaient à l’AIPN tripartite d’exiger du requérant plus de prudence et une meilleure connaissance de ce qu’elle considère être un comportement acceptable de la part du personnel des institutions de l’Union. De même, le fait que le requérant travaillait au sein du cabinet d’un membre de la Cour des comptes permettait à l’AIPN tripartite de considérer qu’il occupait un poste de grande responsabilité, ce qui n’est pas de nature à atténuer la gravité des irrégularités commises.
129 S’agissant, en quatrième lieu, de la carrière du requérant au sein de la Cour des comptes et de la Commission que l’AIPN tripartite aurait ignorée, le Tribunal constate que, dans la décision attaquée, l’AIPN tripartite a indiqué, en se référant à la conduite du requérant tout au long de sa carrière conformément à l’article 10, sous i), de l’annexe IX du statut, que le requérant n’avait pas fait l’objet d’autres procédures disciplinaires. Il est vrai qu’elle n’a pas fait référence aux services rendus par le requérant dans ses fonctions à la Cour des comptes ou à la Commission. Toutefois, à supposer même que l’AIPN tripartite ait estimé que le requérant avait eu de bons états de service tout au long de sa carrière, elle aurait néanmoins pu légitimement considérer, même dans cette hypothèse, que, eu égard à la gravité des faits retenus, au grade et aux responsabilités du requérant, une telle circonstance n’était pas susceptible d’atténuer la sanction à infliger (voir, en ce sens, arrêts du 19 mai 1999, Connolly/Commission, T‑34/96 et T‑163/96, EU:T:1999:102, point 167, et du 17 juillet 2012, BG/Médiateur, F‑54/11, EU:F:2012:114, point 129).
130 S’agissant, en cinquième lieu, du grief tiré de ce que l’AIPN tripartite aurait retenu à l’encontre du requérant moins de charges disciplinaires que le conseil de discipline sans pour autant en tenir compte dans le choix de la sanction, il suffit de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 121 du présent arrêt, l’AIPN n’est pas liée par le choix de la sanction proposée par le conseil de discipline et peut donc apprécier la responsabilité du fonctionnaire concerné de manière différente de celle du conseil de discipline. En l’espèce, l’AIPN tripartite était donc en droit de retenir moins de fautes disciplinaires que le conseil de discipline n’en avait retenues dans son avis et de considérer qu’elles constituaient un manquement sérieux aux obligations du requérant, tout en choisissant la même sanction disciplinaire que le conseil de discipline.
131 À cet égard, le Tribunal observe que, dans la décision attaquée, l’AIPN tripartite signale avoir pris en considération les différentes sanctions prévues à l’article 9 de l’annexe IX du statut. Or, au vu de la gravité des faits reprochés, l’AIPN tripartite était en droit de considérer que les sanctions prévues audit article 9, sous a), b) et c), à savoir l’avertissement par écrit, le blâme et la suspension de l’avancement d’échelon pendant une période comprise entre un et vingt-trois mois, n’étaient pas suffisamment sévères. De même, il est constant que les sanctions prévues à l’article 9, sous e) et f), de l’annexe IX du statut, à savoir la rétrogradation temporaire pendant une période comprise entre quinze jours et un an et la rétrogradation dans le même groupe de fonctions, étaient exclues étant donné qu’il n’existe pas de grade dans le même groupe de fonctions inférieur au grade alors détenu par le requérant, à savoir le grade AD 5. L’AIPN tripartite pouvait également considérer que la sanction prévue à l’article 9, sous d), de l’annexe IX du statut, à savoir l’abaissement d’échelon, n’était pas non plus adéquate à la lumière de la gravité des fautes commises, compte tenu surtout du caractère temporaire de l’effet d’une telle sanction. Dès lors, il ne saurait être reproché à l’AIPN tripartite d’avoir opté pour la sanction immédiatement suivante, à savoir celle prévue à l’article 9, sous g), de l’annexe IX du statut, en classant le requérant dans un groupe de fonctions inférieur sans rétrogradation.
132 Il s’ensuit qu’aucun élément ne permet de conclure que la sanction infligée est disproportionnée par rapport au comportement reproché. Le quatrième moyen doit donc être rejeté comme non fondé.
Sur le cinquième moyen, tiré de la violation des délais de procédure
Arguments des parties
133 Le requérant fait valoir que la procédure disciplinaire a duré plus de dix-huit mois, alors que, conformément aux articles 18 et 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, elle aurait dû durer quatre mois. Il conclut que la procédure disciplinaire ne s’est pas déroulée dans un délai raisonnable, ce qui devrait entraîner l’annulation de la décision attaquée.
134 La Commission estime que le cinquième moyen est non fondé.
Appréciation du Tribunal
135 Il convient de rappeler que le statut fixe à la section 5 de son annexe IX des délais pour le déroulement de la procédure disciplinaire devant le conseil de discipline. Ainsi, l’article 18 de cette annexe dispose que le conseil de discipline transmet un avis motivé à l’AIPN et au fonctionnaire concerné dans un délai de deux mois à compter de la date de réception du rapport de l’AIPN, pour autant que ce délai soit adapté à la complexité du dossier. L’article 22, paragraphe 1, de la même annexe prévoit que, après avoir entendu le fonctionnaire concerné, l’AIPN prend sa décision dans un délai de deux mois à compter de la réception de l’avis du conseil de discipline.
136 Il est de jurisprudence constante que, s’il est vrai que ces délais ne sont pas péremptoires, ils énoncent néanmoins une règle de bonne administration dont le but est d’éviter, dans l’intérêt tant de l’administration que des fonctionnaires, un retard injustifié dans l’adoption de la décision qui met fin à la procédure disciplinaire. Il découle du souci de bonne administration manifesté par le législateur de l’Union que les autorités disciplinaires ont l’obligation de mener avec diligence la procédure disciplinaire et d’agir de sorte que chaque acte de poursuite intervienne dans un délai raisonnable par rapport à l’acte précédent. La non-observation de ce délai, qui ne peut être appréciée qu’en fonction des circonstances particulières de l’affaire, peut entraîner l’annulation de l’acte (arrêt du 8 mars 2012, Kerstens/Commission, F‑12/10, EU:F:2012:29, point 124 et jurisprudence citée).
137 Le caractère raisonnable de la durée de la procédure disciplinaire doit être apprécié en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire ainsi que du comportement du requérant et de celui des autorités compétentes (arrêt du 8 mars 2012, Kerstens/Commission, F‑12/10, EU:F:2012:29, point 128 et jurisprudence citée).
138 Aucun facteur particulier n’est déterminant. Il convient d’examiner chacun d’eux de manière séparée, puis d’évaluer leur effet cumulé. Certains exemples de retard imputables à l’AIPN peuvent ne pas paraître déraisonnables s’ils sont considérés isolément, mais être déraisonnables s’ils sont pris ensemble. Les exigences en matière de diligence procédurale ne vont cependant pas au-delà de celles qui sont compatibles avec le principe de bonne administration (arrêt du 8 mars 2012, Kerstens/Commission, F‑12/10, EU:F:2012:29, point 129 et jurisprudence citée).
139 Lorsque, en raison de décisions prises par l’AIPN, une procédure a dépassé ce que l’on considérerait normalement comme une durée raisonnable, il incombe à cette autorité d’établir l’existence de circonstances particulières de nature à justifier ce dépassement (arrêt du 8 mars 2012, Kerstens/Commission, F‑12/10, EU:F:2012:29, point 130 et jurisprudence citée).
140 À la lumière de ces principes, il convient de vérifier si la procédure disciplinaire a été conduite dans un délai raisonnable.
141 En l’espèce, le 26 novembre 2012, l’AIPN a remis au conseil de discipline le rapport rédigé par l’IDOC. Le conseil de discipline a auditionné le requérant le 18 février 2013 et émis son avis le 13 mars suivant. S’il est vrai que le conseil de discipline n’a pas émis son avis dans les deux mois suivant la réception du rapport de l’IDOC, il demeure que les différentes étapes de la procédure devant ledit conseil se sont succédé dans des délais raisonnables.
142 S’agissant de la suite de la procédure disciplinaire, le Tribunal constate que tant l’AIPN que le requérant sont responsables chacun d’un report de deux mois environ de l’audition disciplinaire, ainsi qu’il ressort du point 43 du présent arrêt. Dès lors, le requérant ne saurait reprocher à l’AIPN d’avoir attendu jusqu’au 13 septembre 2013 pour l’auditionner.
143 Suite à l’audition du requérant, l’AIPN a souhaité que Mme A soit entendue une seconde fois par l’IDOC. Cette audition a eu lieu le 22 octobre 2013 et le compte rendu a été envoyé au requérant le 25 octobre suivant. Par note du 8 novembre 2013, le requérant a soumis des commentaires sur ce compte rendu. Un échange de plusieurs courriers est intervenu par la suite. Ainsi, par courrier du 29 novembre 2013, l’IDOC a informé le requérant des entretiens qu’il avait eus avec Mme A. Le représentant du requérant a répondu par lettre du 9 décembre 2013. À son tour, l’IDOC a réagi par courrier du 24 février 2014, en demandant notamment au requérant de lui fournir davantage d’informations sur d’éventuelles poursuites pénales engagées à son égard dans son pays d’origine. Par lettre du 27 février 2014, le représentant du requérant a répondu qu’il reviendrait sur la procédure judiciaire nationale dans un prochain courrier. Par courrier du 19 mars 2014, le représentant du requérant a informé l’IDOC qu’il attendait des nouvelles des autorités nationales compétentes et qu’il reviendrait prochainement vers l’IDOC. Vu l’absence d’information de la part du requérant, l’IDOC lui a envoyé un rappel par courrier du 2 mai 2014, auquel le représentant du requérant a réagi par courriers des 7 et 19 mai 2014. Enfin, le 3 juin 2014, l’AIPN tripartite a adopté la décision attaquée. Il ressort ainsi de cette chronologie que chaque acte de poursuite est intervenu dans un délai raisonnable par rapport à l’acte précédent.
144 Il s’ensuit que les différentes étapes de la procédure disciplinaire se sont succédé dans des délais raisonnables.
145 Reste à examiner si l’ensemble de ces étapes, et, dès lors, la durée totale de la procédure disciplinaire, s’est maintenu dans des limites raisonnables (arrêt du 8 mars 2012, Kerstens/Commission, F‑12/10, EU:F:2012:29, point 160 et jurisprudence citée).
146 Tout en reconnaissant que les délais prévus à l’annexe IX du statut pour le déroulement de la procédure disciplinaire, y compris devant le conseil de discipline, ne sont pas péremptoires, le requérant estime que la durée totale de la procédure disciplinaire, de plus de 18 mois, est excessive.
147 À cet égard, le Tribunal observe que la prolongation de la procédure disciplinaire au-delà des quatre mois prescrits par les articles 18 et 22 de l’annexe IX du statut s’explique principalement, d’une part, par le retard, imputable tant au requérant qu’à l’AIPN, avec lequel le requérant a été entendu le 13 septembre 2013 par l’AIPN tripartite et, d’autre part, par les près de neuf mois qui ont suivi cette audition et pendant lesquels l’AIPN a souhaité faire des vérifications complémentaires concernant la première audition de Mme A par l’IDOC et concernant les éventuelles poursuites pénales engagées à l’encontre du requérant dans son pays d’origine. Au vu de ces considérations, le Tribunal estime que la procédure disciplinaire, prise dans son ensemble, a été menée dans un délai raisonnable.
148 Partant, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen comme non fondé et, par voie de conséquence, le recours dans sa totalité.
Sur les dépens
149 Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte ses propres dépens, mais n’est condamnée que partiellement aux dépens exposés par l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.
150 Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que le requérant a succombé en son recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, le requérant doit supporter ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) FU supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par la Commission européenne.
Bradley | Kreppel | Rofes i Pujol |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 avril 2016.
Le greffier | Le président |
W. Hakenberg | K. Bradley |
1* Langue de procédure : le français.
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