Solelec and Others v Parliament (Judgment) French Text [2017] EUECJ T-281/16 (10 October 2017)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2017/T28116.html
Cite as: [2017] ICR 1463, ECLI:EU:T:2017:711, EU:T:2017:711, [2017] EUECJ T-281/16

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ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

10 octobre 2017 (*)

« Marchés publics de travaux – Procédure d’appel d’offres – Travaux d’électricité (courants forts) dans le cadre du projet d’extension et de rénovation du bâtiment Konrad Adenauer du Parlement à Luxembourg – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire et attribution du marché à un autre soumissionnaire – Erreur manifeste d’appréciation – Critères de sélection – Capacité technique et professionnelle – Critères d’attribution – Offre anormalement basse – Valeur du marché »

Dans l’affaire T‑281/16,

Solelec SA, établie à Esch-sur-Alzette (Luxembourg),

Mannelli & Associés SA, établie à Bertrange (Luxembourg),

Paul Wagner et fils SA, établie à Luxembourg (Luxembourg),

Socom SA, établie à Foetz (Luxembourg),

représentées par Me S. Marx, avocat,

parties requérantes,

contre

Parlement européen, représenté par M. M. Mraz et Mme L. Chrétien, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, d’une part, de la décision du Parlement du 27 mai 2016 rejetant l’offre soumise par les requérantes pour le lot n° 75 dans le cadre de l’appel d’offres INLO-D-UPIL-T-15-AO6, intitulé « Électricité courants forts », concernant le projet d’extension et de remise à niveau du bâtiment Konrad Adenauer à Luxembourg (Luxembourg) et, d’autre part, de la décision attribuant ce lot à un autre soumissionnaire,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Par un avis de marché du 22 septembre 2015, publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2015, S 183-331251), sous la référence INLO-D-UPIL-T-15-AO6, le Parlement européen a lancé un appel d’offres portant sur un marché d’extension et de rénovation du bâtiment Konrad Adenauer à Luxembourg (Luxembourg), divisé en plusieurs lots, dont le lot n° 75, intitulé « Électricité – courants forts ». Suivant l’avis de marché, le lot devait être attribué à l’offre, conforme du point de vue administratif et technique, présentant le prix le plus bas.

2        Le 14 janvier 2016, l’association momentanée Électro KAD, constituée par les requérantes, Solelec SA, Mannelli & Associés SA, Paul Wagner et fils SA et Socom SA, a présenté une offre pour ce lot.

3        L’ouverture des offres a eu lieu le 21 janvier 2016. Les prix des offres ont été proclamés au cours de la séance d’ouverture.

4        Par courrier du 18 février 2016, le Parlement a fait parvenir une série de questions aux requérantes, qui ont pris position par courrier du 23 février 2016.

5        Par courrier du 8 mars 2016, les requérantes ont attiré l’attention du Parlement sur de possibles irrégularités entachant l’offre de l’association momentanée A. Muller & Fils Sàrl & Putman SA (ci-après l’« adjudicataire »), dans la mesure où, selon elles, cette dernière ne respectait pas certains critères de sélection posés par le cahier des charges et où le prix de l’offre était anormalement bas.

6        Par courrier du 27 mai 2016, communiqué le même jour par courriel aux requérantes, le Parlement a informé celles-ci, d’une part, du rejet de leur offre, dans la mesure où elle ne présentait pas le prix le plus bas parmi les offres soumises, et, d’autre part, de l’attribution du lot n° 75 à un autre soumissionnaire (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées »). Le Parlement a également indiqué ne pas répondre aux arguments figurant dans le courrier du 8 mars 2016 des requérantes, étant donné que ces dernières n’étaient pas autorisées à contacter le pouvoir adjudicateur après la remise des offres.

7        Par courrier du 31 mai 2016, les requérantes ont contesté le rejet de leur offre et l’attribution du lot à un autre soumissionnaire pour les motifs évoqués dans leur courrier du 8 mars 2016. Elles ont également demandé des informations supplémentaires ainsi que la production des documents du dossier de passation de marché dans lesquels les contacts qui avaient eu lieu entre le Parlement et les soumissionnaires avaient été consignés conformément à l’article 160, paragraphe 3, du règlement délégué (UE) n° 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement (UE, Euratom) n° 966/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union (JO 2012, L 362, p. 1, ci-après le « règlement délégué »).

8        Par courrier du 8 juin 2016, le Parlement a précisé aux requérantes le nom de l’adjudicataire, les motifs qui ont conduit à l’attribution du marché à ce dernier et le prix auquel le marché a été attribué.

II.    Procédure et conclusions des parties

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 juin 2016, les requérantes ont introduit le présent recours.

10      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, les requérantes ont introduit une demande en référé afin d’obtenir le sursis à l’exécution des décisions attaquées ainsi que la production des documents du dossier de passation de marché dans lesquels les contacts qui avaient eu lieu entre le Parlement et les soumissionnaires avaient été consignés.

11      Par ordonnance du 9 juin 2016, Solelec e.a./Parlement (T‑281/16 R, non publiée), le vice-président du Tribunal a accordé le sursis à l’exécution des décisions attaquées jusqu’à l’adoption de l’ordonnance mettant fin à la procédure de référé en vertu de l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

12      Par ordonnance du 11 novembre 2016, Solelec e.a./Parlement (T‑281/16 R, non publiée, EU:T:2016:659), le président de la quatrième chambre du Tribunal a rejeté la demande en référé, a rapporté l’ordonnance du 9 juin 2016, Solelec e.a./Parlement (T‑281/16 R, non publiée), et a réservé les dépens.

13      Par lettre du 26 janvier 2017, le Tribunal, au titre des mesures d’organisation de la procédure, a demandé aux requérantes de répondre par écrit à une question. Les requérantes y ont déféré dans le délai imparti.

14      Les parties n’ont pas déposé de demande visant à être entendues lors d’une audience de plaidoiries, présentée au titre de l’article 106 du règlement de procédure, dans le délai imparti.

15      Le Tribunal (cinquième chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

16      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

Les requérantes demandent également au Tribunal d’ordonner la production des documents du dossier de passation de marché consignant les contacts qui ont eu lieu entre le Parlement et les soumissionnaires ainsi que la production non anonymisée de l’intégralité des références de l’adjudicataire. Elles demandent enfin au Tribunal, à titre subsidiaire, d’ordonner une expertise tendant à établir que l’offre de l’adjudicataire était anormalement basse.

17      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande en annulation des décisions attaquées ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

Le Parlement demande également au Tribunal de rejeter la demande de production des documents en cause.

III. En droit

A.      Sur le premier chef de conclusions

18      Les requérantes invoquent, en substance, deux moyens, tirés de violations, respectivement, des critères de sélection et des critères d’attribution.

19      À titre liminaire, il y a lieu d’observer que les règles relatives aux procédures de passation de marchés de l’Union européenne en vigueur le 22 septembre 2015, date de la publication de l’avis de marché (voir point 1 ci-dessus), étaient celles prévues, d’une part, par le règlement (UE, Euratom) n° 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1, ci-après le « règlement financier »), et, d’autre part, par le règlement délégué.

20      Après le 22 septembre 2015, le règlement financier et le règlement délégué ont été modifiés, respectivement, par le règlement (UE, Euratom) 2015/1929 du Parlement européen et du Conseil, du 28 octobre 2015, modifiant le règlement financier (JO 2015, L 286, p. 1), et par le règlement délégué (UE) 2015/2462 de la Commission, du 30 octobre 2015, modifiant le règlement délégué (JO 2015, L 342, p. 7).

21      Il convient de rappeler, et les parties ne le contestent d’ailleurs pas, que les règles de fond du règlement financier et du règlement délégué modifiés respectivement par le règlement 2015/1929 et par le règlement délégué 2015/2462, applicables à partir du 1er janvier 2016, ne s’appliquent pas en l’espèce, conformément à une jurisprudence constante (voir, en ce sens, arrêts du 12 novembre 1981, Meridionale Industria Salumi e.a., 212/80 à 217/80, EU:C:1981:270, points 9, 11 et 12, et du 26 mars 2015, Commission/Moravia Gas Storage, C‑596/13 P, EU:C:2015:203, points 32 et 33).

1.      Sur le premier moyen, tiré d’une violation des critères de sélection

22      Dans le cadre du premier moyen, les requérantes avancent trois arguments, tirés, respectivement, du dépôt tardif des comptes annuels par A. Muller & Fils, du défaut de personnalité morale de l’adjudicataire pendant toute la durée du marché et du manque de capacité technique et professionnelle de ce dernier.

23      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le pouvoir adjudicateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de l’adoption d’une décision de passer un marché sur appel d’offres et le contrôle du Tribunal doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir. Ce large pouvoir d’appréciation est reconnu au pouvoir adjudicateur tout au long de la procédure de passation du marché, y compris en ce qui concerne le choix et l’évaluation des critères de sélection (voir arrêt du 10 novembre 2015, GSA et SGI/Parlement, T‑321/15, non publié, EU:T:2015:834, point 33 et jurisprudence citée).

24      À cet égard, il est, certes, vrai que, dans le cadre d’une procédure de passation de marché public où, comme dans le cas d’espèce, le marché est attribué au soumissionnaire ayant déposé l’offre conforme du point de vue administratif et technique et présentant le prix le plus bas, le pouvoir adjudicateur limite son pouvoir d’appréciation quant à l’attribution du marché à l’offre présentant le prix le plus bas parmi les offres conformes. Cependant, son pouvoir d’appréciation doit rester large en ce qui concerne l’évaluation de la conformité des offres présentées, et notamment de la documentation produite en ce sens (arrêt du 15 septembre 2011, CMB et Christof/Commission, T‑407/07, non publié, EU:T:2011:477, point 116).

25      Dans le cadre d’un tel contrôle, il appartient au Tribunal de déterminer, notamment, si l’interprétation retenue par le Parlement en tant que pouvoir adjudicateur d’une condition prévue dans le cahier des charges est, ou non, correcte (voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 2009, Antwerpse Bouwwerken/Commission, T‑195/08, EU:T:2009:491, point 53).

26      Selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié. Dans le domaine des marchés publics, le pouvoir adjudicateur est notamment tenu de veiller, à chaque phase de la procédure, au respect du principe d’égalité de traitement et, par voie de conséquence, à l’égalité des chances de tous les soumissionnaires. De même, le principe d’égalité de traitement signifie que les soumissionnaires doivent se trouver sur un pied d’égalité aussi bien au moment où ils préparent leurs offres qu’au moment où celles-ci sont évaluées par le pouvoir adjudicateur (voir arrêt du 29 octobre 2015, Direct Way et Direct Way Worldwide/Parlement, T‑126/13, EU:T:2015:819, points 63 et 64 et jurisprudence citée).

27      Il convient d’examiner les arguments des requérantes à la lumière des considérations qui précèdent.

a)      Sur la prétendue violation des exigences de la loi luxembourgeoise

28      Les requérantes prétendent que A. Muller & Fils, l’un des membres de l’adjudicataire, a déposé ses comptes annuels pour les années 2012, 2013 et 2014 de façon tardive au registre du commerce et des sociétés, violant ainsi les exigences de la loi luxembourgeoise.

29      Il y a lieu d’observer, comme l’a fait le Parlement à juste titre, que les requérantes se contentent d’invoquer la tardivité du dépôt des comptes annuels de l’un des membres de l’adjudicataire sans pour autant conclure que cette prétendue violation du droit luxembourgeois aurait dû conduire à écarter l’offre de l’adjudicataire. Les requérantes ne contestent pas que lesdits comptes aient été déposés au registre du commerce et des sociétés et elles ne mettent pas en cause la fiabilité des données y figurant.

30      Force est de constater, à cet égard, que ni le cahier des charges ni le règlement financier ou le règlement délégué n’exigent la production par les soumissionnaires de comptes annuels déposés, dans les délais, auprès des registres du commerce et des sociétés nationaux afin de permettre la vérification du critère de sélection relatif à leur capacité économique et financière.

31      Par conséquent, la production desdits comptes dans les délais au regard du droit national ne constitue pas un élément qui aurait dû être pris en compte par le pouvoir adjudicateur dans le cadre des critères de sélection des offres.

32      Ainsi, l’argument tiré de la prétendue violation des exigences de la loi luxembourgeoise doit être rejeté.

b)      Sur le prétendu défaut de personnalité morale de A. Muller & Fils pendant toute la durée du marché

33      Les requérantes font valoir que chaque soumissionnaire doit disposer de la personnalité morale non seulement lors de l’attribution d’un marché, mais également au cours de son exécution. Or, alors que la durée des travaux du lot n° 75 était fixée à 53 mois dans l’avis de marché, l’un des membres de l’adjudicataire, à savoir A. Muller & Fils, serait une société de droit luxembourgeois constituée pour une durée déterminée, jusqu’au 28 février 2018, et, donc, prenant fin au moins 2 ans et 9 mois avant la fin prévisionnelle des travaux. Le Parlement aurait ainsi dû refuser l’attribution du marché à l’adjudicataire.

34      Le Parlement fait valoir qu’il a respecté les conditions du marché qu’il avait fixées en conformité avec le règlement financier et le règlement délégué.

35      Quant à la prétendue existence d’une condition du marché selon laquelle la personnalité morale d’un soumissionnaire doit nécessairement être constituée pour une durée au moins égale à celle de l’exécution du marché, il convient de relever que ni le cahier des charges ni le règlement financier ou le règlement délégué ne prévoient la vérification d’une telle condition.

36      En effet, l’article 146, paragraphe 3, du règlement délégué permet au pouvoir adjudicateur de contrôler la capacité d’un opérateur économique à exercer une activité professionnelle en lien avec le marché en lui demandant de fournir, notamment, la preuve de l’inscription au registre professionnel ou au registre du commerce approprié. En outre, il ressort également dudit article qu’aucune durée minimale de la personnalité morale des soumissionnaires n’est requise.

37      Le Parlement n’était donc pas tenu de vérifier au moment de la sélection des offres que la durée de la personnalité morale des soumissionnaires couvrait toute la durée du marché. En effet, il importe seulement que le soumissionnaire détienne l’autorisation de fournir l’objet visé par le marché au moment de la sélection et que, pendant l’exécution du marché, cette autorisation reste valable, qu’elle soit initialement d’une durée de validité suffisamment longue ou qu’elle soit renouvelée pendant l’exécution du marché.

38      Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le Parlement n’a pas mal interprété une condition du marché prévue dans le cahier des charges en n’exigeant pas la production des statuts de A. Muller & Fils.

39      Force est de constater, à cet égard, que le Parlement a exercé la faculté prévue à l’article 146, paragraphe 3, du règlement délégué en demandant, au point 13.1 du cahier des charges, que les soumissionnaires justifient de leur statut et de leur autorisation à produire l’objet visé par le marché selon le droit national en joignant à leur offre toute pièce justificative pertinente, telle qu’une attestation d’inscription au registre du commerce ou de la profession, une copie des statuts de leur société, un certificat d’appartenance à une organisation spécifique, une attestation d’inscription au registre de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ou une déclaration sur l’honneur. Ledit point précise que si aucun de ces documents n’apporte la preuve requise pour justifier et évaluer l’existence d’une telle autorisation, le Parlement peut accepter d’autres documents officiels équivalents fournis par le soumissionnaire, ce qui était le cas en l’espèce. Ainsi, la liste des pièces justificatives mentionnées au point 13.1 du cahier des charges n’était qu’indicative et les soumissionnaires n’étaient, par conséquent, nullement obligés de fournir les statuts de leur société s’ils apportaient la preuve de l’autorisation susmentionnée par un autre biais.

40      , quant à la possibilité d’obtenir une prorogation de la durée de la personnalité morale, le Parlement avance, sans être contesté sur ce point par les requérantes, que, en vertu de l’article 180-1 de la loi du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales (Mémorial A 1915, p. 925), telle que modifiée, une société à responsabilité limitée peut être constituée pour une durée limitée ou illimitée. Dans le premier cas, la société peut être successivement prorogée dans les conditions visées à l’article 199 de ladite loi.

41      Conformément à l’article 199 de la loi du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, telle que modifiée, les sociétés à durée limitée sont en droit d’obtenir une prorogation de la durée de la personnalité morale, ce qui n’a pas été contesté par les requérantes. En effet, ces dernières se sont contentées d’indiquer que, en vertu de cette disposition, la demande de prorogation devait être faite par une majorité d’associés représentant trois quarts du capital social et devait intervenir « à l’intérieur du délai de validité de la société ».

42      En outre, ainsi que l’a indiqué le Parlement, sans être contesté sur ce point par les requérantes, à supposer même que A. Muller & Fils renonçât à demander sa prorogation avant le 28 février 2018, sa capacité à exercer l’activité professionnelle pertinente resterait intacte, dans la mesure où, conformément aux articles 141 et 145 de la loi du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, d’une part, elle conserverait sa personnalité morale pour les besoins de la liquidation et, d’autre part, les liquidateurs, avec l’autorisation de l’assemblée générale des associés, seraient en droit de continuer les activités de la société jusqu’à réalisation des opérations en cours.

43      Il s’ensuit que les arguments des requérantes relatifs aux capacités de Putman, l’autre membre de l’adjudicataire, à exécuter le marché seule sont inopérants.

44      Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que les requérantes ne sont pas parvenues à démontrer que le Parlement avait violé les critères de sélection en décidant d’attribuer le marché à l’adjudicataire alors même que ce dernier était composé d’une société constituée jusqu’au 28 février 2018.

45      L’argument tiré du prétendu défaut de personnalité morale de A. Muller & Fils pendant toute la durée du marché doit dès lors être rejeté.

c)      Sur le prétendu manque de capacité technique et professionnelle de l’adjudicataire

46      Les requérantes font valoir, en substance, que l’adjudicataire ne satisfait pas aux critères de sélection relatifs à la capacité technique et professionnelle figurant au point 13.3 du cahier des charges et qu’il n’aurait, par conséquent, pas dû être sélectionné. À cet égard, elles considèrent que les tableaux fournis avec le rapport du comité d’évaluation des offres ne permettent pas d’avoir l’assurance que l’adjudicataire satisfaisait auxdits critères. Selon elles, les références transmises par l’adjudicataire dans son offre et sur lesquelles le comité d’évaluation s’est fondé seraient également insuffisantes pour apporter cette preuve.

47      Le Parlement rappelle qu’il dispose d’un large pouvoir d’appréciation tout au long de la procédure d’appel d’offres et notamment pour déterminer et évaluer les critères de sélection, lesquels permettent de s’assurer que l’adjudicataire aura la capacité à exercer le marché. Il souligne que les critères de sélection ont été vérifiés par le comité d’évaluation et qu’ils étaient satisfaits.

48      À titre liminaire, il y a lieu de relever que les critères de sélection relatifs à la capacité technique et professionnelle des soumissionnaires sont mentionnés au point 13.3 du cahier des charges.

49      Le point 13.3, deuxième alinéa, du cahier des charges exige que le soumissionnaire dispose d’une capacité technique et professionnelle minimale, qui est évaluée sur la base des éléments suivants :

–        une expérience professionnelle d’au moins cinq ans dans des travaux de même nature que celui du marché concerné ;

–        une référence de bâtiments tertiaires neufs ou entièrement rénovés dont le montant des travaux exécutés par le soumissionnaire est supérieur à 10 000 000 euros et dont les travaux ont été réalisés au cours des cinq dernières années précédant la date limite de transmission des offres, ou en cours d’exécution (ci-après la « référence de 10 000 000 euros ») ;

–        des références de bâtiments tertiaires neufs ou entièrement rénovés dont la somme des montants des travaux exécutés par le soumissionnaire est supérieure à 40 000 000 euros et dont les travaux ont été réalisés au cours des cinq dernières années précédant la date limite de transmission des offres, ou en cours d’exécution (ci-après les « références de 40 000 000 euros ») ;

–        des moyens humains et matériels disponibles en suffisance pour assurer le respect des délais impartis pour l’exécution des travaux, la moyenne arithmétique des effectifs annuels au cours des trois dernières années civiles devant être égale ou supérieure à 150 ;

–        une aptitude spécifique à traiter les aspects environnementaux du projet définis au point 10 du cahier des charges.

50      Le point 13.3, troisième alinéa, 1, du cahier des charges indique que, afin de permettre la vérification de ces critères, les soumissionnaires fournissent avec leur offre une liste de références des principaux travaux de même nature que ceux du lot pour lequel une offre est déposée.

51      Conformément au point 13.4 du cahier des charges, intitulé « Groupement d’opérateurs économiques », d’une part, les documents exigés au point 13.3 de celui-ci pour justifier la capacité technique et professionnelle « sont cumulatifs et le soumissionnaire n’est obligé de les fournir pour les membres du groupement qu’à concurrence du seuil à atteindre » et, d’autre part, les capacités relatives, notamment, aux chiffres d’affaires, aux références et aux moyens humains de l’ensemble des membres du groupement « sont cumulées pour vérifier si le soumissionnaire répond aux critères de sélection ».

52      Les requérantes font valoir que l’adjudicataire ne remplit pas les deuxième, troisième et quatrième conditions visées au point 49 ci-dessus. En effet, une association momentanée formée notamment par l’une des sociétés de l’adjudicataire, à savoir Putman, aurait été écartée d’un marché public lancé en Belgique en raison de l’absence de références, alors même que celles-ci pouvaient inclure tout type de travaux de gros-œuvre et non pas seulement des travaux d’« électricité – courants forts ». Quant à A. Muller & Fils, l’autre société de l’adjudicataire, elle ne disposerait pas de références suffisantes, ses comptes annuels établissant des commandes, pour les exercices 2012, 2013 et 2014, de, respectivement, 874 570,18 euros, 1 200 182,74 euros et 1 654 973,81 euros. Par ailleurs, l’adjudicataire aurait des difficultés pour consacrer aux travaux en cause 150 salariés, dans la mesure où le lot n° 76 du même marché aurait été attribué à une association momentanée à laquelle Putman participe également.

1)      Sur les deuxième et troisième conditions visées au point 13.3 du cahier des charges, portant sur les références de 10 000 000 euros et de 40 000 000 euros

53      En l’espèce, les requérantes présentent des indices visant à démontrer que l’adjudicataire ne pouvait pas disposer des références de 10 000 000 euros et de 40 000 000 euros (voir point 52 ci-dessus). Toutefois, ces indices ne sont pas de nature à prouver que l’adjudicataire ne disposait pas effectivement desdites références. Selon les requérantes, il serait impossible de fournir cette preuve, étant donné qu’elles n’ont eu accès qu’à la version non confidentielle des documents transmis par l’adjudicataire au Parlement. Elles font valoir, à cet égard, que le fait que le Parlement a noirci le destinataire des travaux et les chantiers les a empêchées d’évaluer la véritable nature des travaux ayant donné lieu aux références de 10 000 000 euros et de 40 000 000 euros.

54      Les requérantes observent, à cet égard, que les références de 10 000 000 euros et de 40 000 000 euros contiennent en principe quatre types d’informations :

–        le montant des travaux ;

–        la nature des travaux (afin de vérifier s’il s’agit de travaux de même nature que ceux du lot pour lequel une offre est déposée) ;

–        le destinataire des travaux (le client) ;

–        la date des travaux (afin de vérifier si les références ont trait à des travaux réalisés au cours des cinq dernières années, tel que l’exige le cahier des charges).

55      Les requérantes sont d’avis qu’aucune de ces informations ne relève d’un secret technique ou commercial comme revendiqué par le Parlement et qu’elles devront leur être communiquées en intégralité en vertu du principe du contradictoire et du droit à un procès équitable. Elles demandent au Tribunal d’ordonner la production intégrale sans anonymisation des références en cause.

56      Dans un premier temps, il convient de déterminer, sur la base des documents figurant au dossier, si le Parlement a effectivement reçu les documents attestant que l’adjudicataire disposait des références de 10 000 000 euros et de 40 000 000 euros et s’il a commis une erreur manifeste d’appréciation lors de leur évaluation.

57      Dans un second temps, il convient de déterminer, au vu du résultat de l’examen desdits documents, s’il est encore nécessaire de demander au Parlement de produire une copie des références contenant le nom des destinataires des travaux ou une copie intégrale des références non anonymisées.

58      Force est de constater que le rapport du comité d’évaluation ne contient aucune analyse relative au respect des critères de sélection par l’adjudicataire et renvoie à un tableau récapitulatif joint en annexe, dans lequel le comité d’évaluation s’est limité à indiquer, en ce qui concerne l’adjudicataire, qu’il disposait des références exigées. Puisque ledit rapport ne permet pas d’effectuer ce contrôle, il convient d’examiner les documents fournis par l’adjudicataire au Parlement pour attester qu’il satisfaisait aux critères de sélection concernant les références de 10 000 000 euros et de 40 000 000 euros.

i)      Sur l’inexistence de la référence de 10 000 000 euros

59      À l’appui de leur argument, premièrement, les requérantes soutiennent que la référence de 10 000 000 euros produite par l’adjudicataire, datée du 20 janvier 2016, n’a pas été soumise avant la date limite de réception des offres, à savoir le 14 janvier 2016, ce qui aurait dû conduire le Parlement à rejeter l’offre retenue, dans la mesure où il ressort du point 13.3, troisième alinéa, 1, du cahier des charges que la référence devait être fournie avec l’offre. Deuxièmement, les requérantes font valoir que cette référence ne concerne pas un « bâtiment d’envergure », mais un cumul de travaux successifs, ce qui serait contraire à l’objectif recherché, à savoir s’assurer que l’adjudicataire est capable de réaliser un chantier d’une certaine envergure. Troisièmement, les requérantes affirment que la référence en cause concerne des travaux de « haute tension », de « basse tension » (courants forts) et des « réseaux data », ce qui ne permettrait pas de savoir si la part des travaux « courants forts » dépassait 10 000 000 euros.

–       Sur la soumission au Parlement postérieurement à la date limite de réception des offres

60      Les requérantes font valoir que l’adjudicataire a fourni une seule référence relative à un marché de plus de 10 000 000 euros, lequel aurait été effectué par Putman. Or, le certificat de bonne exécution afférent à cette référence, daté du 20 janvier 2016, n’aurait pas pu être soumis au pouvoir adjudicateur avant la date limite de réception des offres, ce qui aurait dû conduire le Parlement à rejeter l’offre retenue, dans la mesure où il ressort du point 13.3, troisième alinéa, 1, du cahier des charges que l’attestation devait être fournie avec l’offre.

61      Le Parlement, tout en admettant que la référence présentée par Putman n’a pas été soumise par l’adjudicataire avec son offre ou avant la date limite de réception des offres, fait valoir que les arguments des requérantes ne sont pas fondés.

62      Il y a lieu de relever que les requérantes ne contestent pas l’affirmation du Parlement, corroborée par des documents justificatifs, selon laquelle, d’une part, l’adjudicataire avait transmis au pouvoir adjudicateur avec son offre une liste de références de bâtiments incluant les travaux concernés par la référence présentée par Putman et, d’autre part, le pouvoir adjudicateur, par lettre du 3 février 2016, a demandé la production du certificat de bonne exécution en tant que preuve de l’exécution desdits travaux. Les requérantes reprochent toutefois au Parlement d’avoir demandé et accepté ce certificat en tant que preuve alors même qu’il n’avait pas été fourni avec l’offre, mais postérieurement.

63      Selon l’article 96, paragraphe 2, du règlement financier, lequel énonce les principes administratifs applicables à l’exécution du budget :

« Lorsque, en raison d’une erreur matérielle évidente de sa part, le demandeur ou le soumissionnaire omet de présenter des pièces ou de remettre des relevés, le comité d’évaluation ou, le cas échéant, l’ordonnateur compétent, exception faite des cas dûment justifiés, demande au demandeur ou au soumissionnaire de fournir les informations manquantes ou de clarifier les pièces justificatives. Ces informations ou clarifications ne modifient pas substantiellement la proposition ni ne changent les termes de l’offre. »

64      L’article 112, paragraphe 1, du règlement financier est rédigé comme suit :

« Pendant le déroulement d’une procédure de passation de marché, les contacts entre le pouvoir adjudicateur et [...] les soumissionnaires ont lieu dans des conditions qui garantissent la transparence et l’égalité de traitement. Ils ne conduisent ni à la modification des conditions du marché, ni à celle des termes de l’offre initiale. »

65      L’article 148, paragraphe 2, du règlement délégué prévoit ce qui suit :

« La capacité technique et professionnelle des opérateurs économiques peut être justifiée, selon la nature, la quantité ou l’importance et l’utilisation des fournitures, services ou travaux à fournir, sur la base d’un ou de plusieurs des documents suivants :

a)      l’indication des titres d’études et professionnels du prestataire ou de l’entrepreneur et/ou des cadres de l’entreprise et, en particulier, du ou des responsables de la prestation ou de la conduite des travaux ;

b)      la présentation d’une liste :

[…]

ii) des travaux exécutés au cours des cinq dernières années, indiquant leur montant, leur date et leur lieu ;

[…]

Aux fins du premier alinéa, [sous] b), ii), la liste des travaux les plus importants est accompagnée de certificats de bonne exécution, précisant s’ils ont été effectués dans les règles de l’art et menés régulièrement à bonne fin. »

66      L’article 158, paragraphe 3, du règlement délégué prévoit :

« Les […] offres qui ne contiennent pas tous les éléments essentiels exigés dans les documents d’appels d’offres sont éliminées.

Toutefois, le comité d’évaluation ou le pouvoir adjudicateur peut inviter le candidat ou le soumissionnaire à compléter ou à expliciter les pièces justificatives présentées relatives aux critères d’exclusion et de sélection, dans le délai qu’il fixe.

Sont jugées recevables les offres des candidats ou des soumissionnaires qui ne sont pas exclues et qui satisfont aux critères de sélection. »

67      En outre, le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis et impose au pouvoir adjudicateur de demander des précisions au candidat concerné, plutôt que d’opter pour le rejet pur et simple de l’offre, lorsque celle-ci est ambiguë et qu’une demande de précisions sur son contenu serait à même d’établir, rapidement et efficacement, le contenu effectif de l’offre (voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 2009, Antwerpse Bouwwerken/Commission, T‑195/08, EU:T:2009:491, points 57 et 58 et jurisprudence citée).

68      La jurisprudence a également précisé que le contact avec le soumissionnaire ne pouvait en aucun cas conduire à une modification des termes de l’offre (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2014, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑340/09, non publié, EU:T:2014:208, point 168).

69      En l’espèce, il ressort du point 13.3, troisième alinéa, 1, du cahier des charges que les soumissionnaires doivent fournir avec leur offre une liste de références des principaux travaux de même nature que ceux du lot pour lequel une offre est déposée, accompagnée de certificats de bonne exécution délivrés par le destinataire des travaux. Il y a lieu d’observer, à cet égard, qu’aucune conséquence de l’éventuelle omission de joindre les certificats de bonne exécution à la liste des références n’est visée audit point du cahier des charges.

70      Il y a lieu d’observer que les conséquences d’une telle omission sont exposées dans l’invitation à soumissionner, dans laquelle il est indiqué, d’une part, que « [l]e Parlement [...] se réserve le droit de rejeter toute offre incomplète ou illisible » et, d’autre part, ce qui suit :

« [L]es offres qui ne contiennent pas tous les éléments essentiels exigés dans les documents d’appels d’offres ou qui ne correspondent pas aux exigences spécifiques qui y sont fixées sont éliminées, sous réserve des cas d’erreurs matérielles évidentes ayant conduit à l’omission des pièces.

Dans le cas où le contenu de l’offre ne permettrait pas d’établir la capacité des signataires à engager valablement les soumissionnaires, de vérifier les critères économiques, professionnels ou techniques, ou de s’assurer de la conformité de l’offre avec les besoins décrits dans le présent appel d’offres, l’offre pourra être rejetée. »

71      Il s’ensuit que le cahier des charges exige que les soumissionnaires fournissent, avec leur offre, une liste de références des principaux travaux accompagnée de certificats de bonne exécution délivrés par le destinataire des travaux, afin de permettre au pouvoir adjudicateur d’évaluer et de vérifier leur capacité technique.

72      Il est constant que, en l’espèce, l’adjudicataire a transmis au pouvoir adjudicateur, avec son offre, une liste de références de bâtiments incluant les travaux concernés par la référence présentée par Putman et que le certificat de bonne exécution afférent à cette référence a été transmis au pouvoir adjudicateur seulement postérieurement à la date limite de la réception des offres, après que le Parlement a demandé à l’adjudicataire, par lettre du 3 février 2016, de compléter son offre par cette pièce manquante.

73      En l’espèce, les parties s’opposent sur la nature de cette omission et sur la possibilité de compléter l’offre. Il y a lieu de relever, à cet égard, que les requérantes qualifient ladite omission de violation d’une formalité substantielle qui aurait dû aboutir au rejet de l’offre de l’adjudicataire. En effet, le certificat de bonne exécution serait un élément essentiel au sens de la disposition visée au point 66 ci-dessus ou une exigence spécifique au sens de l’invitation à soumissionner. Le Parlement considère, toutefois, que la demande de certificat ne constituait ni une modification des documents de marché ni une modification substantielle des conditions de l’offre. En outre, il ressortirait des dispositions visées aux points 63 à 66 ci-dessus que, dans certains cas et sous certaines conditions, il incomberait au pouvoir adjudicateur de contacter, même après l’ouverture des offres, le soumissionnaire afin de lui demander des éclaircissements, de corriger des erreurs manifestes, de fournir des éléments d’informations supplémentaires ou des documents manquants ou de clarifier les documents ayant trait aux critères de sélection ou de l’inviter à compléter ou à expliciter les pièces justificatives présentées relatives aux critères de sélection.

74      En premier lieu, force est de constater que, en l’espèce, la liste des références de l’adjudicataire n’a pas été modifiée en ajoutant d’autres travaux, puisque les travaux couverts par le certificat manquant figuraient bel et bien sur la liste initiale. L’absence du certificat de bonne exécution en ce qui concerne la référence présentée par Putman est le fruit d’une erreur matérielle manifeste à laquelle l’adjudicataire pouvait remédier sans que cette correction aboutisse à une modification des termes de son offre. Les requérantes ne sauraient dès lors prétendre que la pièce manquante constituait un élément essentiel ou une exigence spécifique, au sens de l’invitation à soumissionner, dont l’absence dans l’offre de l’adjudicataire n’était pas susceptible d’être régularisée et devait nécessairement conduire à l’élimination de ladite offre (voir point 69 ci-dessus).

75      En deuxième lieu, aucun élément du dossier ne permet de constater que le pouvoir adjudicateur a traité de manière inégale les requérantes et l’adjudicataire quant à la possibilité de compléter leurs offres. Au contraire, il ressort clairement du dossier que le pouvoir adjudicateur a également invité les requérantes à compléter leur offre sur certains points.

76      En dernier lieu, en ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel, d’une part, l’adjudicataire disposait de presque quatre mois pour rassembler les certificats de bonne exécution et, d’autre part, l’absence du certificat de bonne exécution afférent à la référence présentée par Putman lors de la remise de l’offre initiale démontre que cette dernière éprouvait de sérieuses difficultés pour se le procurer, il y a lieu d’observer que le certificat en cause, daté du 20 janvier 2016, a été établi avant la date d’ouverture des offres et la demande d’éclaircissements du Parlement. En outre, l’interprétation privilégiée par les requérantes n’est pas la seule envisageable. En effet, comme le fait observer à juste titre le Parlement, l’absence de ce certificat peut s’expliquer par le fait que la demande de ce document était en cours au moment de la remise des offres. En tout état de cause, le fait que le pouvoir adjudicateur peut demander aux soumissionnaires de compléter leur offre par des pièces manquantes implique que lesdites pièces peuvent être établies même après la date de remise des offres, de sorte que la date qui figure sur la référence n’a pas d’influence sur la date des prestations visées par cette référence.

77      Eu égard aux développements précédents, il y a lieu de constater que le pouvoir adjudicateur n’a pas entaché d’illégalité les décisions attaquées en demandant à l’adjudicataire de compléter son offre par le certificat de bonne exécution afférent à la référence présentée par Putman.

78      Dès lors, il y a lieu de rejeter le présent grief.

–       Sur le cumul de travaux successifs

79      Les requérantes font valoir que la référence présentée par Putman ne concerne pas un bâtiment d’envergure, mais un cumul de travaux successifs sur plusieurs bâtiments, ce qui serait confirmé par le fait que le certificat de bonne exécution, tout d’abord, mentionne « [d]es bâtiments », ensuite, indique des montants par année, ce qui n’aurait de sens qu’en cas de succession de contrats en exécution d’un contrat-cadre, et, enfin, mentionne uniquement la société Putman, alors que celle-ci n’aurait jamais effectué des travaux d’envergure sans la collaboration d’une autre entreprise. Or, admettre un cumul de travaux successifs sur plusieurs bâtiments en tant que référence de 10 000 000 euros serait contraire à l’objectif recherché, à savoir s’assurer que l’adjudicataire est capable de réaliser un chantier d’une certaine envergure.

80      Le Parlement soutient que rien ne permet de constater, d’une part, que la référence présentée par Putman correspondait à un cumul de travaux successifs et, d’autre part, que l’adjudicataire ne satisfaisait pas au critère de sélection en cause.

81      Il y a lieu de rappeler que la référence de 10 000 000 euros est définie, au point 13.3, deuxième alinéa, deuxième tiret, du cahier des charges, comme « une référence de bâtiments tertiaires neufs ou entièrement rénovés [...] » (voir point 49 ci-dessus) et non pas comme « une référence d’un bâtiment tertiaire neuf ou entièrement rénové ».

82      Dès lors, le fait que la référence présentée par Putman mentionne des « installations électriques […] dans les bâtiments situés au [données occultées] », réalisées pour un seul et même client, ne signifie pas pour autant qu’il ne s’agit pas d’une référence valide.

83      Il y a lieu d’observer, à cet égard, que, afin que l’exigence de la référence de 10 000 000 euros dans le cahier des charges ait son utilité propre, distincte de celle des références de 40 000 000 euros, lesquelles permettent de cumuler le montant de travaux non liés, il est nécessaire que cette référence de 10 000 000 euros vise seulement des travaux étroitement liés, même s’ils sont effectués sur plusieurs bâtiments. Dans ces conditions, le Parlement n’a pas interprété de manière erronée la définition de la référence de 10 000 000 euros en considérant que constituaient une telle référence des travaux effectués pour un seul client dans le contexte d’un contrat-cadre relatif à la construction ou à la rénovation de plusieurs bâtiments. Cette interprétation est d’ailleurs confirmée par le fait que le pouvoir adjudicateur a accepté, au titre de la référence de 10 000 000 euros, deux références cumulées présentées par les requérantes pour deux immeubles d’un même ensemble.

84      Toutefois, en l’espèce, les requérantes soutiennent que la formulation de la référence présentée par Putman, mentionnant à la fois le montant global des travaux et ce même montant ventilé par année, semble indiquer l’existence d’un cumul de travaux successifs, ce qui ne correspondrait pas aux exigences du cahier des charges.

85      À cet égard, il convient d’observer, comme le font les requérantes, que la référence présentée par Putman comprend bien un seul montant global supérieur à 10 000 000 euros. Ce dernier correspond, en l’espèce, à un cumul de travaux effectués sur plusieurs bâtiments pour un seul et même client (voir point 82 ci-dessus). Par ailleurs, le fait que ce montant soit par la suite ventilé par année ne constitue pas un indice, d’une part, d’un cumul de travaux successifs et, d’autre part, de ce que ledit montant ne puisse pas correspondre à la construction ou à l’entière rénovation d’un ou de plusieurs bâtiments, comme en l’espèce. Une référence qui est relative à un projet de construction ou de rénovation durant plusieurs années et qui présente le montant des travaux effectués chaque année peut avoir une certaine utilité. Ainsi, grâce à cette ventilation, le Parlement a pu écarter le montant relatif à l’année 2010, hors de la période de référence. En outre, le montant important, supérieur à 20 000 000 euros, pour les années prises en compte, à savoir 2011 à 2014, constitue non seulement un indice du fait que les travaux sont d’envergure, mais confirment également qu’il ne s’agit pas de travaux de maintenance ou d’entretien.

86      Il résulte de ce qui précède que les éléments de preuve apportés par les requérantes ne permettent pas de constater que le pouvoir adjudicateur a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que la référence présentée par Putman, comportant un cumul de travaux effectués sur plusieurs bâtiments pour un seul et même client, dont le montant global est supérieur à 20 000 000 euros, concernait des travaux d’envergure visés au point 13.3, deuxième alinéa, deuxième tiret, du cahier des charges.

87      Il y a donc lieu de rejeter le présent grief.

–       Sur le cumul des travaux de « haute tension », de « basse tension » et des « réseaux data »

88      Les requérantes font valoir que la référence présentée par Putman concerne à la fois des travaux de « haute tension », de « basse tension » (courants forts) et des « réseaux data ». Il serait donc impossible de savoir si la part des travaux « courants forts » couverts par cette référence dépasse 10 000 000 euros.

89      Le Parlement souligne, à cet égard, que la référence fournie par Putman concerne des travaux qui sont tous de même nature que celui du marché du lot n° 75, à savoir des travaux d’électricité.

90      Force est de constater que, comme le Parlement le soutient à bon droit, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, il lui était loisible d’évaluer la capacité du soumissionnaire à s’acquitter du marché sur la base de sa capacité à effectuer, en général, des travaux électriques de différents types et non uniquement des travaux de courants forts.

91      En effet, tout d’abord, le point 13.3 du cahier des charges ne précise pas, en ce qui concerne le lot n° 75, ce qui doit être compris comme des « travaux de même nature ». Une telle précision figure à la note en bas de page n° 16 du cahier des charges, mais uniquement en ce qui concerne les lots nos 741 à 743. Par conséquent, comme le Parlement le relève, le cahier des charges ne permet pas d’exclure que les travaux électriques en général, de différents types, puissent être considérés comme des « travaux de même nature » que des travaux d’« électricité ‑ courants forts ».

92      Ensuite, comme le Parlement le fait observer, le lot n° 75 comprend des prestations électriques de différents types à accomplir à des degrés variables. Ainsi, le présent lot comprend non seulement des travaux de « courants forts », mais également des travaux de « courants faibles ».

93      Enfin, en l’espèce, il convient de constater que ni les références de l’adjudicataire ni celles des requérantes n’indiquent les montants des travaux par type de travaux d’électricité. Par conséquent, par leur propre offre, les requérantes confirment l’interprétation et l’analyse figurant au point 92 ci-dessus.

94      Il résulte de ce qui précède que le pouvoir adjudicateur n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant, au vu de la référence présentée par Putman, que l’adjudicataire avait effectué des travaux de même nature que ceux couverts par le lot n° 75.

95      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le présent grief et l’argument tiré de l’inexistence de la référence de 10 000 000 euros dans leur intégralité.

ii)    Sur l’inexistence des références de 40 000 000 euros

96      Les requérantes font observer que les références autres que celle présentée par Putman concernent toutes des travaux effectués par A. Muller & Fils et correspondent à des travaux dont le montant total est inférieur à 40 000 000 euros. Le pouvoir adjudicateur aurait ainsi nécessairement pris en considération ces références avec la référence présentée par Putman pour considérer que l’adjudicataire disposait des références de 40 000 000 euros. Cela serait contraire au point 13.3 du cahier des charges, lequel exigerait que la référence de 10 000 000 euros ne soit pas prise en compte pour apprécier les références de 40 000 000 euros.

97      À titre liminaire, il ne ressort aucunement de la troisième condition, visée au point 13.3 du cahier des charges, que chaque membre d’un groupement soumissionnaire devrait remplir seul la condition relative aux références de 40 000 000 euros (voir point 49 ci-dessus). Le point 13.4 du cahier des charges prévoit expressément la possibilité de cumuler ces références dans le cadre d’un groupement d’opérateurs économiques (voir point 51 ci-dessus).

98      Force est en outre de constater que le cahier des charges n’interdit pas la prise en compte de la référence de 10 000 000 euros au titre des références de 40 000 000 euros afin de déterminer si un soumissionnaire dispose de la capacité technique requise. Par ailleurs, il était loisible au pouvoir adjudicateur de vouloir s’assurer que le soumissionnaire avait effectué des travaux pertinents d’un montant total de plus de 40 000 000 euros et que, parmi ces travaux, figurait un projet d’une envergure particulière.

99      Par conséquent, les requérantes ne sont pas parvenues à démontrer que le Parlement a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que l’adjudicataire remplissait les deuxième et troisième conditions visées au point 13.3 du cahier des charges.

2)      Sur la quatrième condition visée au point 13.3 du cahier des charges, portant sur l’obligation de disposer des effectifs annuels dont la moyenne arithmétique au cours des trois dernières années civiles est égale ou supérieure à 150

100    Si les requérantes indiquent que l’adjudicataire pouvait difficilement consacrer 150 salariés aux travaux faisant l’objet du marché en cause, dans la mesure où les effectifs de Putman étaient en bonne partie déjà occupés par d’autres travaux, dont le lot n° 76, elles ne soutiennent cependant pas qu’il en découle que l’adjudicataire ne disposait pas des effectifs annuels dont la moyenne arithmétique au cours des trois dernières années civiles était égale ou supérieure à 150.

101    Le Parlement soutient, à juste titre, que le cahier des charges n’exige pas que 150 salariés soient affectés aux travaux concernés en permanence.

102    En outre, force est de constater, à l’instar du Parlement, que les requérantes ne présentent aucun argument permettant de considérer que l’adjudicataire ne pouvait pas disposer du personnel pour exécuter le marché, en embauchant, le cas échéant, les travailleurs nécessaires pour l’exécuter dans les délais prévus.

103    Il convient également de relever, à cet égard, que la participation de Putman à un autre marché d’envergure, dans le cadre d’un autre groupement, ne préjugeait en rien de sa capacité à mobiliser les ressources nécessaires pour exécuter le contrat en cause.

104    Par conséquent, les requérantes ne sont pas parvenues à démontrer que le Parlement a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que l’adjudicataire disposait des effectifs requis par la quatrième condition visée au point 13.3 du cahier des charges.

105    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le troisième argument tiré du prétendu manque de capacité technique et professionnelle de l’adjudicataire et, par conséquent, le premier moyen dans son intégralité.

106    Il ressort de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas parvenues à démontrer l’utilité de la production de l’intégralité des références de l’adjudicataire, qui ne sont pas indispensables pour la solution du présent litige. Dès lors, la demande des requérantes relative à la production non anonymisée de l’intégralité des références de l’adjudicataire doit être rejetée.

2.      Sur le second moyen, tiré d’une violation des critères d’attribution

107    Les requérantes font valoir, en substance, que le prix offert par l’adjudicataire était anormalement bas, ce qui aurait dû conduire le pouvoir adjudicateur à rejeter l’offre.

108    Dans ce contexte, les requérantes avancent, premièrement, que l’offre de l’adjudicataire est inférieure de presque 30 % à leur offre et que cet écart n’est pas justifié, deuxièmement, que l’offre de l’adjudicataire est inférieure de 13,39 % à l’estimation de la valeur du marché, qui est elle-même notoirement sous-évaluée, troisièmement, que l’offre de l’adjudicataire relative au marché de 2015 en cause est inférieure à son offre relative au marché de 2014 ayant un objet similaire, bien que l’estimation de la valeur des deux marchés ait augmenté, quatrièmement, que le prix au mètre carré du marché démontre la sous-évaluation de l’estimation du marché et le caractère anormalement bas de l’offre de l’adjudicataire et, cinquièmement, que la correction arithmétique apportée à l’offre de l’adjudicataire est irrégulière et ne peut être prise en compte pour apprécier si cette offre présente un caractère anormalement bas.

109    Le Parlement estime que les requérantes n’apportent aucun élément de nature à démontrer ou prouver que le prix offert par l’adjudicataire était anormalement bas.

110    Le point 14.1 du cahier des charges prévoit que chacun des lots sera attribué à l’offre présentant le prix le plus bas. Il importe de relever d’emblée qu’il est constant entre les parties que l’offre de l’adjudicataire pour le lot n° 75 présentait le prix le plus bas.

111    Les règles relatives aux offres anormalement basses figurent à l’article 151 du règlement délégué.

112    L’article 151 du règlement délégué se lit comme suit :

« 1. Si, pour un marché donné, des offres apparaissent anormalement basses, le pouvoir adjudicateur, avant de rejeter ces offres pour ce seul motif, demande, par écrit, les précisions qu’il juge opportunes sur la composition de l’offre et vérifie de manière contradictoire cette composition en tenant compte des justifications fournies. Ces précisions peuvent concerner notamment le respect des dispositions concernant la protection et les conditions de travail en vigueur au lieu où la prestation est à réaliser.

Le pouvoir adjudicateur peut notamment prendre en considération des justifications tenant :

a) à l’économie du procédé de fabrication, de la prestation de services ou du procédé de construction ;

b) aux solutions techniques adoptées ou aux conditions exceptionnellement favorables dont dispose le soumissionnaire ;

c) à l’originalité de l’offre du soumissionnaire.

2. Si le pouvoir adjudicateur constate qu’une offre anormalement basse résulte de l’obtention d’une aide d’État, il ne peut rejeter cette offre, pour ce seul motif, que si le soumissionnaire ne peut faire la preuve, dans un délai raisonnable fixé par le pouvoir adjudicateur, que cette aide a été octroyée de manière définitive et suivant les procédures et les décisions précisées dans la réglementation de l’Union en matière d’aides d’État. »

113    Tout d’abord, il convient de souligner qu’il n’existe aucune définition d’une offre anormalement basse ni de seuil d’anomalie défini par les textes réglementaires (voir, en ce sens, arrêt du 21 mai 2008, Belfass/Conseil, T‑495/04, EU:T:2008:160, points 93 à 95).

114    Ensuite, contrairement à ce que prétendent les requérantes, il ressort de la lecture de l’article 151 du règlement délégué l’obligation pour le pouvoir adjudicateur de demander des explications sur la composition d’une offre apparaissant anormalement basse.

115    Enfin, il ressort de la jurisprudence que l’article 151, paragraphe 1, du règlement délégué impose au pouvoir adjudicateur de permettre au soumissionnaire d’expliciter, voire de justifier, les caractéristiques de son offre avant de la rejeter, s’il estime qu’une offre est anormalement basse (voir arrêt du 15 septembre 2016, European Dynamics Luxembourg et Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑698/14, non publié, EU:T:2016:476, point 59 et jurisprudence citée).

116    En l’espèce, force est de constater que le pouvoir adjudicateur n’a pas considéré que l’offre retenue apparaissait anormalement basse et n’a pas jugé utile, par conséquent, de demander des précisions sur la composition de cette offre. Il convient donc d’examiner si les requérantes ont fourni des éléments de nature à démontrer que le Parlement aurait dû douter de la fiabilité de l’offre retenue, ce qui aurait dû le conduire à examiner plus profondément les composants du prix proposé.

117    Le Tribunal estime opportun d’examiner, dans un premier temps, l’argument tiré de la sous-évaluation de l’estimation de la valeur du marché.

a)      Sur la sous-évaluation de l’estimation de la valeur du marché

118    Les requérantes soutiennent, en substance, que l’estimation de la valeur du marché par le Parlement est notoirement basse. Ladite estimation serait fondée sur une estimation datant de 2014, qui remonte à 2012, elle-même découlant d’une estimation effectuée en 2009 par une société dont la faillite aurait été déclarée le 22 décembre 2010, et n’aurait pas été adaptée aux critères du marché. Cela expliquerait le dépassement systématique des estimations effectuées pour d’autres lots du même projet par les offres soumises.

119    Les requérantes précisent, à cet égard, que l’estimation effectuée en 2009 avait été reprise dans les estimations du prix de certains lots, incluant les travaux couverts par le lot n° 75, compris dans plusieurs processus de passation de marchés relatifs au projet d’extension et de rénovation du bâtiment Konrad Adenauer, qui auraient été abandonnés par le Parlement entre 2009 et 2015. Les requérantes déduisent de la différence minime entre ces anciennes estimations et l’estimation de la valeur du marché en cause que le Parlement s’est contenté de mettre à jour une estimation datant de 2009 selon l’indice semestriel des prix, sans pour autant procéder à une adaptation au fond.

120    À cet égard, d’une part, il convient de souligner que l’estimation de la valeur du marché par le Parlement est le résultat d’appréciations techniques complexes qui font l’objet d’un contrôle juridictionnel limité (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 6 mai 2013, Ethniko kai Kapodistriako Panepistimio Athinon/ECDC, T‑577/11, non publiée, EU:T:2013:229, point 19).

121    D’autre part, la charge de la preuve de l’erreur manifeste d’appréciation qu’aurait commise le Parlement en estimant la valeur du marché incombe aux requérantes (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 9 septembre 2010, Carpent Languages/Commission, T‑582/08, non publié, EU:T:2010:379, point 57).

122    Or, les requérantes n’avancent dans leurs écritures aucun élément permettant de prouver une erreur manifeste d’appréciation du Parlement dans l’estimation de la valeur du marché.

123    Contrairement à ce que les requérantes font valoir, le fait que la valeur du marché soit inférieure à la moyenne arithmétique des offres de l’ensemble des soumissionnaires ne saurait ni démontrer ni constituer un indice de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation commise par le Parlement dans l’estimation de la valeur du marché.

124    Il en va de même de la simple affirmation selon laquelle le fait que plusieurs marchés n’ont pas été attribués démontrerait une sous-évaluation répétée des valeurs des différents marchés commise par le Parlement.

125    En effet, même si l’ensemble des lots cités par les requérantes portaient sur des marchés ayant un objet similaire, lesdits lots ont fait l’objet d’appels d’offres distincts, dont le contexte factuel et juridique variait, de sorte qu’ils ne sauraient être comparés et ne sauraient démontrer une sous-évaluation de la valeur du marché en cause pour le lot n° 75.

126    En outre, quant à l’affirmation selon laquelle le Parlement s’est contenté de mettre à jour une estimation datant de 2009, selon l’indice semestriel des prix, sans pour autant procéder à une adaptation au fond, il y a lieu de relever que l’estimation de 2009 a été effectuée par un contractant qui ne contribue plus au projet d’extension et de rénovation du bâtiment Konrad Adenauer et que cette estimation était relative à une version antérieure dudit projet. Comme le Parlement le fait observer, tout d’abord, une nouvelle maîtrise d’œuvre a été contractée en 2013 et a établi une nouvelle estimation pour le lot n° 75. En effet, il ressort du dossier que, par courriel du 31 août 2015, le coordinateur-pilote de la maîtrise d’œuvre a communiqué au Parlement une estimation de prix pour le lot n° 75, qui s’élève à 42 511 192 euros, sans l’option maintenance, avec une date de valeur d’« octobre 2012 », en vue du lancement de la procédure d’appel d’offres faisant l’objet du présent recours. Ensuite, comme le Parlement le relève, l’option maintenance, dont le coût s’élevait à 2 503 831,40 euros, a été ajoutée à ce prix par ses propres soins. Enfin, le chiffre en résultant a été actualisé en utilisant un indice publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques du Grand-Duché de Luxembourg (Statec) en vigueur pour obtenir une date de valeur d’« avril 2015 », à savoir 46 716 845,94 euros.

127    Force est de constater que l’estimation retenue dans le document intitulé « Modèle de document de planification de marchés », qui fixe le cadre de l’appel d’offres et qui a été signé par l’ordonnateur le 8 septembre 2015, reflète ce dernier prix, augmenté de 283 154,06 euros, pour aboutir au montant arrondi de 47 000 000 euros.

128    Par conséquent, aucun élément ne permet de considérer que l’estimation de la valeur du marché a été effectuée en 2009 et non pas en 2015 sur la base de données actualisées.

129    À titre exhaustif, il y a lieu d’observer que, en application des articles 6, 53 et 55 du règlement financier, l’estimation de la valeur du marché se doit, comme pour la détermination du budget, de respecter les principes de bonne gestion financière.

130    Or, la valeur du marché a été déterminée en accord avec le contrôleur des coûts de la maîtrise d’œuvre et l’administration luxembourgeoise, ce qui témoigne d’une bonne gestion financière.

131    Dès lors, l’argument des requérantes selon lequel l’estimation de la valeur du marché est notoirement basse doit être écarté.

132    Ainsi, il ne saurait être reproché au Parlement d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en ne considérant pas l’écart entre le prix de l’offre de l’adjudicataire et l’estimation de la valeur du marché comme un indice soulevant un doute quant à la fiabilité de cette offre. Il convient d’observer, à cet égard, que le montant de l’offre initiale retenue, à savoir 41 451 060,16 euros, n’est inférieur que de 11,81 % au montant de l’estimation initiale de la valeur du marché, soit 47 000 000 euros.

b)      Sur l’écart entre le prix de l’offre de l’adjudicataire et celui de l’offre des requérantes

133    Les requérantes soutiennent que le caractère anormalement bas de l’offre retenue est également apparent, dans la mesure où elle est inférieure de 29,07 % à leur offre. En effet, elles détaillent les composants principaux du prix de cette dernière offre afin d’établir que le seul prix de revient qu’elles ont proposé était supérieur de presque trois millions d’euros au prix de l’offre retenue. Or, les composants du prix de leur offre correspondraient à des frais indispensables, calculés à des prix de marché, que l’adjudicataire ne pouvait pas éviter, majorés d’une marge nette, courante dans le secteur, de 3 %. La seule explication possible de la différence entre les deux offres en cause serait que l’adjudicataire soit n’aurait pas chiffré certains frais liés à l’achat de fournitures, soit aurait pratiqué une vente à pertes, soit aurait complètement négligé les frais d’ingénierie, de planification ainsi que de gestion du projet et aurait renoncé à toute marge brute.

134    Il convient d’observer, à cet égard, qu’aucun texte réglementaire n’impose au pouvoir adjudicateur de tenir compte des prix des autres offres reçues afin d’évaluer le caractère anormalement bas d’une offre. Il y a lieu de rappeler, à l’instar du Parlement, que le fait que le prix proposé par l’adjudicataire soit substantiellement plus bas que celui proposé par les requérantes n’est pas en soi la preuve que l’offre de l’adjudicataire devait être considérée comme étant anormalement basse (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, TV1/Commission, T‑700/14, non publié, EU:T:2017:35, point 58 et jurisprudence citée).

135    En effet, les coûts des différents opérateurs économiques peuvent fortement varier, pour un même service ou pour un même travail, en fonction de circonstances qui leur sont propres. Les requérantes n’avancent aucun argument permettant de considérer que, eu égard aux particularités du secteur en cause, la différence de prix entre leur offre et l’offre retenue était susceptible, par elle-même, de prouver que cette dernière présentait un caractère anormalement bas.

136    En outre, il y a lieu d’observer que le prix au mètre carré de l’offre de l’adjudicataire (182,25 euros) n’est inférieur au prix au mètre carré de l’offre des requérantes (192 euros) que de 5,08 %.

137    Par conséquent, il ne saurait être déduit du fait que l’offre de l’adjudicataire était inférieure à l’offre des requérantes que la première offre présentait un caractère anormalement bas.

138    Dès lors, l’argument tiré de l’écart entre le prix de l’offre de l’adjudicataire et celui de l’offre des requérantes doit être rejeté.

c)      Sur l’écart entre le prix de l’offre de l’adjudicataire relatif au marché de 2015 et celui relatif au marché de 2014

139    Quant à l’affirmation des requérantes selon laquelle l’estimation de la valeur du marché a augmenté entre 2014 et 2015, tandis que l’offre de l’adjudicataire a diminué, il importe de relever que, alors même que le contenu d’une offre doit être examiné au regard de l’appel d’offres auquel elle répond, et non d’un appel d’offres antérieur, premièrement, le marché a été modifié entre 2014 et 2015, deuxièmement, les estimations faites des deux marchés n’avaient pas les mêmes champs et, troisièmement, A. Muller & Fils s’est associée, pour le marché de 2015, à un opérateur économique différent de celui choisi pour le marché de 2014. Il s’ensuit que de nombreux paramètres peuvent expliquer la variation des coûts dans les différentes offres (voir également point 135 ci-dessus). Dans ce contexte, il ressort de la jurisprudence que le pouvoir adjudicateur peut, en vertu de son large pouvoir d’appréciation, prendre en considération les éléments qu’il estime raisonnablement pertinents pour conduire l’examen préliminaire des offres au regard de leur éventuel caractère anormalement bas (arrêt du 15 septembre 2016, European Dynamics Luxembourg et Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑698/14, non publié, EU:T:2016:476, point 65).

140    Par conséquent, le Parlement pouvait se fonder sur la structure du groupement de l’adjudicataire ainsi que sur les modifications du marché pour estimer que l’offre retenue n’était pas anormalement basse.

141    L’argument tiré de l’écart entre le prix de l’offre de l’adjudicataire relative au marché de 2015 et celui de l’offre relative au marché de 2014 doit dès lors être rejeté.

d)      Sur le prix au mètre carré du marché

142    Les requérantes estiment que le prix au mètre carrépermet de confirmer la sous-évaluation de l’estimation de la valeur du marché par le pouvoir adjudicateur ainsi que le caractère anormalement bas de l’offre de l’adjudicataire.

143    Il convient de relever, à cet égard, que le Parlement a observé que les prix au mètre carré de l’offre de l’adjudicataire (182,25 euros) et de l’estimation de la valeur du marché (192 euros) étaient supérieurs au prix moyen au mètre carré des références présentées par les requérantes (169,14 euros). Ainsi, l’offre de l’adjudicataire est supérieure de 7 % et l’estimation de la valeur du marché est supérieure de 12 % aux prix des travaux invoqués par les requérantes pour justifier de leur capacité à exercer le marché.

144    Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché au Parlement de ne pas avoir considéré le prix au mètre carré comme étant un indice susceptible de remettre en cause l’estimation de la valeur du marché par le pouvoir adjudicateur et la fiabilité de l’offre de l’adjudicataire.

145    Cependant, il y a lieu de relever, à cet égard, que les requérantes considèrent que le Parlement a commis une erreur de méthodologie et de logique pour calculer le prix moyen au mètre carré de leur offre en choisissant « avec parcimonie » les références et en intégrant des références d’ampleurs différentes.

146    En premier lieu, d’une part, il convient de constater que le Parlement a seulement pris en compte les références des requérantes justifiées par des certificats de bonne exécution dans lesquels figure l’indication de la surface du chantier et qui concernent des chantiers de nature comparable. D’autre part, comme le Parlement le fait remarquer, le prix au mètre carré d’un petit chantier est supérieur à celui d’un grand chantier, il s’ensuit que l’inclusion des petits chantiers dans le calcul renchérit le prix moyen au mètre carré. Les références des requérantes qui ont été retenues incluent en outre des éléments complexes qui ne font pas l’objet du lot n° 75 et qui renchérissent également le prix au mètre carré. Comme le relève le Parlement, leur inclusion dans le calcul démontre que l’estimation de la valeur du marché n’est pas anormalement basse par rapport au prix moyen au mètre carré pratiqué par les requérantes.

147    En second lieu, les calculs présentés par les requérantes afin de démontrer que le Parlement a commis une erreur de méthodologie et de logique pour établir le calcul du prix moyen au mètre carré de leur offre ne sauraient infirmer ce constat.

148    Force est de constater, tout d’abord, comme le Parlement le soutient à bon droit, que, puisque les requérantes n’ont pas indiqué dans les références soumises si les options, comme la maintenance, étaient incluses, il a comparé les prix au mètre carré « tout compris » pour l’ensemble des références. Les requérantes ne sauraient dès lors reprocher au Parlement de ne pas avoir déduit la valeur de l’option maintenance pour calculer les prix au mètre carré de son estimation et du prix de l’offre de l’adjudicataire. Ensuite, les prix au mètre carré hors option maintenance resteraient en tout état de cause supérieurs à celui habituellement pratiqué par les requérantes et à ceux calculés par elles-mêmes. Enfin, la démonstration des requérantes, en retenant cinq références de travaux de même nature parmi celles qu’elles ont proposées tout en les choisissant parmi les prix les plus élevés, est tout à fait partiale et ne saurait confirmer leur affirmation selon laquelle le prix au mètre carré de leurs autres chantiers de complexité et de taille semblables à celles du chantier du lot n° 75 serait « sans exception » supérieur à 200 euros. En effet, il y a lieu de relever, à cet égard, qu’il ressort de la référence au projet « Cour de Justice CJ4 », non retenu dans les calculs des requérantes, concernant un projet comparable au présent marché et d’une taille importante, que le prix au mètre carré s’élevait à 180,70 euros.

149    Partant, la tentative des requérantes d’établir de nouveaux prix au mètre carré ne saurait ni remettre en cause les calculs opérés par le Parlement, ni démontrer que l’estimation de la valeur du marché était sous-évaluée, ni démontrer que le prix de l’offre de l’adjudicataire présentait un caractère anormalement bas.

e)      Sur la correction arithmétique apportée à l’offre de l’adjudicataire

150    Il y a lieu de rappeler que l’offre initiale de l’adjudicataire, d’un montant de 41 451 060,16 euros, ne présentait pas un caractère anormalement bas au regard du montant de l’estimation initiale du marché, soit 47 000 000 euros, laquelle n’était pas sous-estimée (voir points 131 et 132 ci-dessus). Dès lors, il y a lieu de rejeter comme inopérant l’argument tiré de ce que la correction arithmétique apportée à l’offre initiale de l’adjudicataire est irrégulière et ne peut dès lors être prise en compte pour apprécier si cette offre présente un caractère anormalement bas.

151    En tout état de cause, il y a lieu de remarquer que l’estimation de la valeur du marché a été corrigée par le pouvoir adjudicateur pour tenir compte des quantités ajustées de certaines prestations sur le bordereau de soumission au cours de la procédure d’appel d’offres et que l’estimation de la valeur du marché ainsi corrigée s’élevait à 48 459 591,29 euros.

152    Il ressort du dossier que, pour évaluer la différence entre l’offre de l’adjudicataire et l’estimation corrigée de la valeur du marché, le Parlement a pris en compte des données comparables qui se fondent sur les quantités ajustées. Ainsi, le montant de l’offre retenue corrigée, soit 45 561 634 euros, est inférieur au montant de l’estimation corrigée, soit 48 459 591 euros, de 5,98 %. Cet écart ne démontre nullement que l’offre retenue était anormalement basse.

153    Toutefois, les requérantes font observer qu’une correction faisant passer le montant de l’offre de 41 451 060 euros à 45 561 634 euros ne peut être considérée comme une simple correction arithmétique et qu’elle est contraire au principe de l’intangibilité des offres.

154    Le Parlement précise que cette correction résulte, d’une part, de la correction d’erreurs de calcul et, d’autre part, de la correction résultant de la modification de la quantité de certaines prestations dans le bordereau de soumission de l’adjudicataire, au cours de la procédure d’appel d’offres.

155    Dès lors, la question se pose de savoir si le Parlement peut effectuer des corrections sur le bordereau de l’adjudicataire, dans le cas où il s’avère que ce dernier a introduit son offre sur la base d’un bordereau désuet, comme l’affirment les requérantes.

156    Il est certes vrai que l’adjudicataire a élaboré son offre sur la première version du bordereau des prix et que ledit bordereau a été remplacé, avant la date de remise des offres, par une seconde version qui a été mise à la disposition de tous les soumissionnaires par le biais d’une plateforme informatique. Les requérantes, quant à elles, ont élaboré leur offre sur la seconde version du bordereau des prix.

157    Il s’ensuit que l’erreur devant être corrigée en l’espèce résulte du fait que l’adjudicataire n’avait pas tenu compte, dans son offre, des modifications apportées aux quantités de certaines prestations figurant dans la seconde version du bordereau de prix.

158    Il convient d’observer que la possibilité pour le pouvoir adjudicateur d’apporter des corrections au bordereau de soumissions doit être regardée comme étant prévue au point 14.2 du cahier des charges, qui se lit comme suit :

« En cas d’incohérence entre le bordereau de soumission inclus dans l’offre et le bordereau de soumission fourni aux soumissionnaires […], le pouvoir adjudicateur apportera des corrections selon les règles suivantes :

–        pour les positions non-chiffrées ou supprimées par le soumissionnaire, les prix unitaires seront considérés comme égaux à 0 ;

–        les positions ajoutées par le soumissionnaire ne seront pas prises en compte ;

–        les quantités ou autres éléments du bordereau de soumission modifiés par le soumissionnaire seront ramenés à l’état du bordereau de soumission fourni aux soumissionnaires dans le dossier d’appel à la concurrence ;

–        les prix unitaires doivent être exprimés en euros et centimes ; tous les prix unitaires exprimés différemment seront arrondis au deuxième chiffre après l[a] virgule (centimes).

Ces corrections seront prises en compte pour l’attribution du marché et, en cas d’attribution, pour l’établissement du bordereau contractuel des prix et pour la définition du montant contractuel des travaux. »

159    Il est certes vrai que le point 14.2 du cahier des charges ne vise pas expressément le cas où un soumissionnaire n’a pas tenu compte, lors du dépôt de son offre, des modifications apportées aux quantités de certaines prestations figurant dans une nouvelle version du bordereau de prix publiée avant la fin de la période ouverte pour le dépôt des offres.

160    Toutefois, au vu de la lettre du point 14.2 du cahier des charges, rien ne permet de conclure que le pouvoir adjudicateur n’était pas en droit de corriger l’offre de l’adjudicataire fondée sur la première version du bordereau à la lumière de la seconde version du bordereau tout en respectant les règles énumérées audit point afin de permettre que l’adjudication se fasse sur une base aussi correcte que possible, afin d’améliorer la comparabilité des offres et de ne pas mettre en cause le traitement égal des soumissionnaires. Le Parlement a dès lors procédé de manière licite en apportant cette correction, conformément au pouvoir dont il disposait.

161    Il s’ensuit également que, contrairement à ce que prétendent les requérantes, le fait que l’offre de l’adjudicataire a été corrigée plus fortement que l’estimation de la valeur du marché ne saurait ni démontrer ni constituer un indice de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation commise par le Parlement en ce qui concerne l’appréciation du caractère anormalement bas de l’offre retenue.

162    Partant, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que le Parlement a considéré que l’offre retenue ne présentait pas un caractère anormalement bas.

163    Il ressort de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le second moyen dans son intégralité.

164    Dans ces conditions, la demande des requérantes, formulée à titre subsidiaire dans le cadre du quatrième chef de conclusions, en vue de la désignation d’un expert, doit être rejetée sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de ladite demande.

B.      Sur la demande d’ordonner la production de documents

165    Les requérantes demandent au Tribunal d’ordonner au Parlement de produire des documents du dossier de passation de marché consignant les contacts qui ont eu lieu entre le Parlement et les soumissionnaires, conformément à l’article 160, paragraphe 3, du règlement délégué.

166    Ladite demande ne peut être comprise que comme une demande de mesures d’organisation de la procédure ou de mesures d’instruction, au sens de l’article 88, paragraphe 1, du règlement de procédure. Or, conformément à l’article 88, paragraphe 2, dudit règlement, une telle demande doit indiquer avec précision les raisons de nature à justifier les mesures sollicitées.

167    Les requérantes se limitent, dans la requête, à indiquer, d’une part, que les documents demandés sont susceptibles de confirmer que l’attribution du marché à l’adjudicataire était illégale et, d’autre part, que, l’offre retenue étant anormalement basse, les précisions que le Parlement devait demander à propos de celle-ci étaient de nature à confirmer que l’offre n’était pas viable.

168    Toutefois, les requérantes n’identifient pas les documents qui seraient utiles pour étayer leur position et qui ne figureraient pas d’ores et déjà dans le dossier produit devant le Tribunal. Dès lors, la demande des requérantes tendant à la production du dossier de passation de marché consignant les contacts qui ont eu lieu entre le Parlement et les soumissionnaires doit être rejetée comme étant irrecevable.

169    Partant, le présent recours doit être rejeté dans son intégralité.

IV.    Sur les dépens

170    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions du Parlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Solelec SA, Mannelli & Associés SA, Paul Wagner et fils SA et Socom SA sont condamnées aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Gratsias

Labucka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 octobre 2017.

 

Signatures      

 



Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur le premier chef de conclusions

1. Sur le premier moyen, tiré d’une violation des critères de sélection

a) Sur la prétendue violation des exigences de la loi luxembourgeoise

b) Sur le prétendu défaut de personnalité morale de A. Muller & Fils pendant toute la durée du marché

c) Sur le prétendu manque de capacité technique et professionnelle de l’adjudicataire

1) Sur les deuxième et troisième conditions visées au point 13.3 du cahier des charges, portant sur les références de 10 000 000 euros et de 40 000 000 euros

i) Sur l’inexistence de la référence de 10 000 000 euros

– Sur la soumission au Parlement postérieurement à la date limite de réception des offres

– Sur le cumul de travaux successifs

– Sur le cumul des travaux de « haute tension », de « basse tension » et des « réseaux data »

ii) Sur l’inexistence des références de 40 000 000 euros

2) Sur la quatrième condition visée au point 13.3 du cahier des charges, portant sur l’obligation de disposer des effectifs annuels dont la moyenne arithmétique au cours des trois dernières années civiles est égale ou supérieure à 150

2. Sur le second moyen, tiré d’une violation des critères d’attribution

a) Sur la sous-évaluation de l’estimation de la valeur du marché

b) Sur l’écart entre le prix de l’offre de l’adjudicataire et celui de l’offre des requérantes

c) Sur l’écart entre le prix de l’offre de l’adjudicataire relatif au marché de 2015 et celui relatif au marché de 2014

d) Sur le prix au mètre carré du marché

e) Sur la correction arithmétique apportée à l’offre de l’adjudicataire

B. Sur la demande d’ordonner la production de documents

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : le français.

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