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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Greece v Commission (Agriculture and Fisheries - Judgment) French Text [2018] EUECJ T-272/16 (04 October 2018) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/T27216.html Cite as: ECLI:EU:T:2018:651, EU:T:2018:651, [2018] EUECJ T-272/16 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)
4 octobre 2018 (*)
« FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Dépenses effectuées par la République hellénique – Corrections financières forfaitaires – Corrections financières ponctuelles – Régime d’aides à la surface – Notion de pâturages permanents – Conditions d’imposition d’une correction forfaitaire de 25 % – Correction forfaitaire de 10 % – Correction forfaitaire de 5 % – Article 31, paragraphe 4, du règlement (CE) no 1290/2005 – Contrôles clés – Contrôles secondaires – Mesures pluriannuelles – Projets de longue durée »
Dans l’affaire T‑272/16,
République hellénique, représentée par M. G. Kanellopoulos et Mmes O. Tsirkinidou, A. Vasilopoulou, D. Ntourntoureka et E. Leftheriotou, en qualité d’agents,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée initialement par M. D. Triantafyllou et Mmes J. Aquilina, puis par M. Triantafyllou et Mmes Aquilina et K. Skelly, et enfin par M. Triantafyllou et Mme Aquilina, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision d’exécution (UE) 2016/417 de la Commission, du 17 mars 2016, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2016, L 75, p. 16),
LE TRIBUNAL (troisième chambre),
composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, V. Kreuschitz et Mme N. Półtorak (rapporteur), juges,
greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 23 janvier 2018,
rend le présent
Arrêt
I. Antécédents du litige
A. S’agissant des aides directes découplées
1 La Commission européenne a mené l’enquête portant la référence AA/2013/002/GR entre le 4 et le 8 novembre 2013, concernant les dépenses effectuées, notamment, au titre des aides à la surface.
2 Par lettre datée du 15 janvier 2014, la Commission a fait part de ses observations à la République hellénique. La République hellénique y a répondu le 17 mars 2014, puis la Commission a de nouveau transmis ses remarques à la République hellénique le 28 mai 2014.
3 Une réunion bilatérale a eu lieu le 23 juin 2014 et la République hellénique y a fait suite en envoyant une lettre le 18 septembre 2014.
4 Par la suite, la République hellénique s’est vu notifier l’intention du service compétent de la Commission de proposer de lui imputer un montant total, forfaitaire et ponctuel, de 167 399 260,04 euros en raison du fait que, selon ce service, l’application du système d’octroi des aides directes à la surface en Grèce n’était pas conforme aux règles de l’Union européenne pour les années de demandes 2012 et 2013.
5 Une procédure de conciliation a été engagée et un avis de l’organe de conciliation a été rendu le 13 juillet 2015.
6 Le 23 novembre 2015, la Commission a arrêté sa position finale, en maintenant sa position initiale et en proposant d’exclure du financement le montant final brut de la correction imposée à la République hellénique dans le domaine des aides directes, qui s’élevait à 167 399 260,04 euros.
B. S’agissant du développement rural
7 La Commission a mené l’enquête portant la référence RD 1/2012/810/GR, relative au développement rural Feader, axes 1 + 3 – mesures axées sur les investissements (2007/2013), entre le 24 et le 28 septembre 2012.
8 Par lettre datée du 9 janvier 2013, la Commission a fait part de ses observations à la République hellénique. La République hellénique y a répondu le 6 mars 2013.
9 Une réunion bilatérale s’est tenue le 5 septembre 2013, à la suite de laquelle la République hellénique a transmis ses observations le 27 décembre 2013.
10 Le 27 mai 2014, le service compétent de la Commission a notifié à la République hellénique son intention de proposer d’écarter un montant de 4 106 349, 91 euros du financement de l’Union. Il estimait en effet que des faiblesses avaient été constatées dans l’application, en Grèce, du régime des mesures entrant dans le cadre du programme de développement rural du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (2007-2013) au cours des exercices financiers 2010, 2011, 2012 et 2013.
11 À la suite de la demande de conciliation formulée par la République hellénique le 1er juillet 2014, l’organe de conciliation a émis son avis par le biais du rapport final du 28 janvier 2015.
12 La Commission a formulé sa position finale le 29 septembre 2015, en envoyant la lettre Ares (2015) 4006384/29.09.2015 par laquelle elle limitait la correction proposée à 3 880 460,50 euros (3 107 504,18 euros pour la mesure 125 auxquels s’ajoutaient 772 956,32 euros pour la mesure 121).
13 Le 17 mars 2016, la Commission a adopté la décision d’exécution (UE) 2016/417, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2016, L 75, p. 16, ci-après la « décision attaquée »).
C. Décision attaquée
14 Par la décision attaquée, la Commission a indiqué les montants des dépenses engagées par les États membres au titre du FEAGA et du Feader (ci-après, pris séparément, le « fonds ») exclus du financement de l’Union. S’agissant de la République hellénique, la Commission a appliqué des corrections forfaitaires et ponctuelles en ce qui concerne les exercices financiers 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014 dans les domaines pertinents pour la présente affaire, à savoir les aides directes découplées et le développement rural Feader. S’agissant des aides directes, la Commission a imposé une correction d’un montant global de 167 399 260,04 euros net, dont le montant de 166 797 866,22 euros net concernait particulièrement des faiblesses dans la définition des pâturages permanents éligibles, des erreurs manifestes et des faiblesses dans les contrôles sur place par télédétection. S’agissant du développement rural, la Commission a imposé une correction d’un montant de 3 880 460, 50 euros net.
15 La Commission a justifié l’imposition des corrections forfaitaires et ponctuelles en cause par les motifs suivants, exposés dans le rapport de synthèse (ci-après le « rapport de synthèse »).
1. S’agissant des aides directes découplées
16 La Commission a constaté que, au cours des années de demandes 2012 et 2013, la République hellénique avait considéré comme éligibles au paiement des pâturages permanents qui ne satisfaisaient pas aux critères de l’article 34 du règlement (CE) no 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs (JO 2009, L 30, p. 16), et de l’article 2, sous c), du règlement (CE) no 1120/2009 de la Commission, du 29 octobre 2009, portant modalités d’application du régime de paiement unique prévu par le titre III du règlement no 73/2009 (JO 2009, L 316, p. 1), parce que la végétation sur ces surfaces ne pouvait pas être considérée comme de « l’herbe ou du fourrage herbacé ». Cette appréciation erronée de la part des autorités grecques aurait également été utilisée pour les contrôles croisés au titre du règlement (CE) no 1122/2009 de la Commission, du 30 novembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement no 73/2009 en ce qui concerne la conditionnalité, la modulation et le système intégré de gestion et de contrôle dans le cadre des régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs prévus par ce règlement ainsi que les modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité dans le cadre du régime d’aide prévu pour le secteur vitivinicole (JO 2009, L 316, p. 65).
17 Au titre de l’année de demandes 2012, les autorités grecques avaient évalué les conséquences de l’erreur à un montant de 40 113 184,84 euros. La Commission a cependant estimé que ce montant avait été obtenu par l’application des taux d’éligibilité définis en octobre 2013, qui ne tenaient pas compte de la finalisation du plan d’action révisé en avril 2014. Elle a également considéré que le montant calculé par les autorités grecques n’avait pas pris en compte les sanctions qui devaient être imposées pour les cas de sur-déclaration. Au titre de l’année de demandes 2013, elle a constaté que le montant calculé par les autorités grecques n’avait pas pris en compte les sanctions qui devaient être imposées pour les cas de sur-déclaration concernant les montants qui n’avaient pas été payés. De plus, en ce qui concerne ces deux années de demandes, la Commission a également considéré que ces montants avaient été obtenus sans tenir compte de l’impact financier des modifications des facteurs prorata concernant les pâturages permanents telles qu’elles avaient été achevées le 30 avril 2014.
18 Par ailleurs, elle a aussi constaté que des insuffisances caractérisaient les contrôles sur place dont les conclusions étaient, dans certains cas, fondamentalement différentes de celles de la télédétection, ce qui avait conduit à un réexamen de 9 470 parcelles agricoles pour l’année de demandes 2013 (mais pas pour l’année de demandes 2012). Enfin, la Commission a estimé que, dans certains cas et par une application extensive de la pratique pertinente, les autorités grecques avaient considéré qu’une « erreur manifeste » existait, en vue de corriger le montant des paiements, sans appliquer les sanctions prévues.
19 Le 4 décembre 2014, les informations fournies par les autorités grecques à la Commission indiquaient que celles-ci proposaient une correction s’élevant à un montant de 52 225 465,79 euros pour l’année de demandes 2012 et à un montant de 37 133 161,78 euros pour l’année de demandes 2013. Cependant, la Commission a considéré que ces corrections étaient insuffisantes, en raison du taux élevé d’erreurs constatées lors des contrôles, qui indiquaient des irrégularités répandues et non encore suffisamment combattues.
20 En ce qui concerne l’année de demandes 2012, la Commission a donc appliqué une correction de 25 % pour la population à risque. Tenant compte de l’amélioration de la situation, elle a réduit la correction à 10 % pour l’année de demandes 2013, sur une base elle-même réduite du montant de 37 163 161,78 euros que les autorités grecques avaient déclarée en tant qu’erreur connue.
2. S’agissant du développement rural
21 Au sujet de la mesure 125, principalement relative à des infrastructures d’irrigation, la Commission a estimé que la sélection des projets éligibles ne correspondait pas aux exigences de l’article 71 du règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil, du 20 septembre 2005, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2005, L 277, p. 1). L’enquête avait en effet révélé que cette sélection comportait une deuxième étape de présélection problématique, de la part de la direction d’études et de constructions techniques du ministère du Développement rural grec. Au cours de cette phase de présélection, étaient ainsi contrôlées non seulement la maturité des projets, mais également leur adéquation quant aux priorités, sur la base de critères connus uniquement de cette direction. Des critères de sélection qui n’étaient pas ceux fixés par l’autorité de gestion compétente avaient donc été introduits.Par conséquent, la Commission a décidé d’appliquer une correction forfaitaire de 5 %, correspondant à un montant de 3 107 504,18 euros.
22 En ce qui concerne la mesure 121, essentiellement consacrée à la modernisation d’entreprises, l’enquête avait révélé que, dans certains cas de déclaration de dépenses inéligibles, les demandes des bénéficiaires avaient été réduites sans qu’aucune sanction leur soit imposée. Or, l’impunité pourrait, selon la Commission, encourager les bénéficiaires à déclarer des dépenses non éligibles, puisque, dans le pire des cas, ils se verraient simplement refuser le paiement du montant correspondant. Elle a donc considéré que cette pratique créait un risque pour le fonds et décidé d’appliquer, par analogie avec l’article 63 du règlement d’exécution (UE) no 809/2014 de la Commission, du 17 juillet 2014, établissant les modalités d’application du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les mesures en faveur du développement rural et la conditionnalité (JO 2014, L 227, p. 69), une correction correspondant à un montant de 772 956,32 euros.
II. Procédure et conclusions des parties
23 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 mai 2016, la République hellénique a introduit le présent recours.
24 Lors de l’audience, la République hellénique a informé le Tribunal qu’elle renonçait au huitième moyen, tiré de ce que, par la décision attaquée, la Commission aurait omis de lui rembourser le montant de 29 366 975,06 euros, à la suite de l’arrêt du 19 novembre 2015, Grèce/Commission (T‑107/14, non publié, EU:T:2015:870), ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience.
25 La République hellénique conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée, en tant qu’elle écarte du financement de l’Union des dépenses d’un montant total de 166 797 866,22 euros qui ont été réalisées dans le domaine des aides directes découplées pendant les années de demandes 2012 et 2013, et des dépenses d’un montant total de 3 880 460,50 euros qui ont été effectuées au titre du Feader pour les exercices financiers 2010 à 2013 ;
– condamner la Commission aux dépens.
26 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme non fondé ;
– condamner la République hellénique aux dépens.
III. En droit
27 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler, s’agissant des griefs avancés par la République hellénique, que selon une jurisprudence constante, les fonds agricoles européens ne financent que les interventions effectuées conformément aux dispositions du droit de l’Union dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (voir arrêt du 27 février 2013, Pologne/Commission, T‑241/10, non publié, EU:T:2013:96, point 20 et jurisprudence citée).
28 Lorsque la Commission refuse de mettre à la charge du fonds certaines dépenses pour cause de violations des dispositions du droit de l’Union imputables à un État membre, il lui appartient non de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par elles, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres. Cet allégement de l’exigence de la preuve pour la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du fonds, et auquel il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (arrêts du 11 janvier 2001, Grèce/Commission, C‑247/98, EU:C:2001:4, points 7 à 9, et du 17 mai 2013, Grèce/Commission, T‑294/11, non publié, EU:T:2013:261, points 21 et 22).
29 Ainsi, il y a lieu de vérifier si l’État membre concerné a démontré l’inexactitude des appréciations de la Commission ou l’absence de risque de perte ou d’irrégularité pour le fonds sur la base de l’application d’un système de contrôle fiable et efficace (voir, en ce sens, arrêts du 24 février 2005, Grèce/Commission, C‑300/02, EU:C:2005:103, point 95, et du 17 mai 2013, Grèce/Commission, T‑294/11, non publié, EU:T:2013:261, points 21 et 22).
30 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les griefs avancés par la République hellénique au soutien de son recours en ce qu’il vise les trois catégories de corrections forfaitaires et les corrections ponctuelles appliquées dans la décision attaquée.
31 La République hellénique ayant renoncé au huitième moyen, il y a lieu d’examiner les sept moyens d’annulation qu’elle soulève, dont trois concernent le régime des aides directes et quatre, le domaine du développement rural Feader.
A. S’agissant des aides directes découplées
1. Sur les moyens relatifs aux corrections forfaitaires de 25 et de 10 % et à la correction ponctuelle appliquées pour les faiblesses dans la définition et le contrôle des pâturages permanents éligibles
32 S’agissant des corrections forfaitaires de 25 et de 10 % et de la correction ponctuelle imposées pour les faiblesses dans la définition et le contrôle des pâturages permanents, la République hellénique invoque trois moyens. Le premier est tiré d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement (CE) no 796/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, portant modalités d’application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévus par le règlement (CE) no 1782/2003 du Conseil établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs (JO 2004, L 141, p. 18), et de l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009. Le deuxième est tiré d’une interprétation et d’une application erronées du document n° VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie » (ci-après le « document VI/5330/97 »), quant à la réunion des conditions d’imposition d’une correction financière de 25 %. Le troisième est tiré à la fois du caractère illégal et abusif ainsi que des motifs contradictoires de la correction financière appliquée au titre de l’année de demandes 2013, de l’interprétation et de l’application erronées des lignes directrices (document VI/5330/97) sur lesquelles elle repose, de la violation des principes de bonne administration, de proportionnalité et non bis in idem, et des droits à la défense de la République hellénique, dont cette correction serait à l’origine.
a) Sur le premier moyen, tiré d’une interprétation et d’une application erronée de l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 et de l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009
33 La République hellénique fait valoir, en substance, que la définition des pâturages permanents, figurant à l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 [et des dispositions ultérieures de l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009] doit être interprétée en ce sens que cette définition inclut les surfaces couvertes de végétation naturelle, herbacée et arborée qui constitue l’alimentation des petits ruminants (moutons et chèvres), caractéristiques des pâturages dits « de type méditerranéen ».
34 La Commission conteste cette argumentation.
35 Il convient, en premier lieu, de relever que, aux fins de la détermination des droits au paiement de l’aide de la politique agricole commune (PAC), l’article 43 du règlement (CE) no 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) no 2019/93, (CE) no 1452/2001, (CE) no 1453/2001, (CE) no 1454/2001, (CE) no 1868/94, (CE) no 1251/1999, (CE) no 1254/1999, (CE) no 1673/2000, (CEE) no 2358/71 et (CE) no 2529/2001 (JO 2003, L 270, p. 1), prévoyait le bénéfice d’un droit au paiement par hectare, ce dernier incluant, selon le point 2, sous b), de cet article, toutes les superficies fourragères au cours de la période de référence. Ces dernières étaient à leur tour définies au paragraphe 3 de cet article, selon lequel elles incluaient la superficie de l’exploitation disponible pour l’élevage des animaux à l’exclusion, notamment, des bâtiments, des bois, des étangs et des chemins. L’article 33 du règlement no 73/2009 accordait le bénéfice de l’aide au titre du régime de paiement unique aux agriculteurs détenant des droits au paiement attribués conformément au règlement no 1782/2003.
36 Selon l’article 44, paragraphe 1, du règlement no 1782/2003 et l’article 34, paragraphe 1, du règlement no 73/2009, tout droit au paiement lié à un hectare admissible au bénéfice de l’aide donnait droit au paiement de l’aide. Selon le paragraphe 2 de ces articles, il convenait, pour qu’un hectare soit admissible au bénéfice de l’aide, que la superficie qu’il représente ait été ou soit affectée, ou soit essentiellement utilisée, à des fins agricoles.
37 Il s’ensuit que le système instauré par le règlement no 1782/2003, remplacé ensuite par le règlement no 73/2009, réservait les aides liées à la surface aux seules surfaces agricoles et aux surfaces associées à des surfaces agricoles, pour éviter que les surfaces abandonnées ou qui n’étaient pas effectivement soumises à une activité agricole ne soient admises au bénéfice de l’aide.
38 En deuxième lieu, les pâturages permanents étaient définis à l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 et à l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009 comme des surfaces consacrées à la production d’herbe et à d’autres plantes fourragères herbacées.
39 Force est, d’emblée, de constater que, bien que les plantes autres que l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne soient pas expressément exclues du libellé de la définition, cette dernière établissait une distinction implicite entre, d’une part, l’herbe et les plantes fourragères herbacées, et, d’autre part, par opposition à ces dernières, toutes les plantes non herbacées, à savoir les plantes ligneuses. Il ressort, en effet, de la formulation des termes « production d’herbe et d’autres plantes fourragères herbacées » que seules les plantes fourragères herbacées devaient, en principe, être admises au bénéfice de l’aide au regard de cette définition.
40 Ainsi, s’agissant des aides aux pâturages, le critère choisi dans les règlements nos 1782/2003 et 796/2004 et repris ensuite dans les règlements nos 73/2009 et 1120/2009 pour s’assurer qu’il n’y ait pas de versement d’aides au titre des surfaces non soumises à une activité agricole, était le type de végétation présente sur la surface en cause. En effet, la prédominance des plantes autres que les plantes fourragères herbacées servait d’indicateur d’abandon des terres en termes d’activité agricole, en l’occurrence des pâturages. De la sorte, la limitation de la définition des pâturages aux seules surfaces couvertes d’herbe et de plantes fourragères herbacées, ces dernières servant de fourrage naturel, visait à prévenir le risque d’admission, au bénéfice des aides, des surfaces qui seraient affectées à des activités non agricoles et ne seraient pas effectivement utilisées pour l’élevage des animaux. Les éléments ligneux (arbres et arbustes) pouvaient tout au plus être tolérés pour autant qu’ils ne compromettaient pas le développement des ressources fourragères herbacées et, par là, l’exploitation effective des parcelles en tant que pâturages.
41 En l’espèce, la Commission a notamment relevé les observations suivantes lors de l’enquête portant la référence AA/2013/002/GR.
42 Elle a constaté, ainsi qu’il a été souligné au point 16 ci-dessus, que, au cours des années de demandes 2012 et 2013, la République hellénique avait considéré comme éligibles aux paiements des pâturages permanents qui ne satisfaisaient pas aux critères de l’article 34 du règlement no 73/2009 et de l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009. En effet, la végétation sur ces surfaces ne pouvait pas être considérée comme de « l’herbe ou du fourrage herbacé ». Il existait donc clairement un problème d’admission aux paiements de surfaces qui ne remplissaient pas les conditions d’éligibilité prévues par ces deux règlements. En outre, elle a relevé que les autorités grecques avaient utilisé ces données erronées dans le cadre des contrôles croisés réalisés au titre du règlement no 1122/2009, et que cette situation était à l’origine de paiements indus.
43 Dans la lettre d’observations du 15 janvier 2014, la Commission a demandé à la République hellénique de l’informer des mesures correctives déjà adoptées pour remédier aux déficiences constatées ainsi que de celles qui étaient envisagées à l’avenir, tout en précisant l’échéancier de leur mise en œuvre. À cet égard, elle a notamment rappelé que des enquêtes précédentes avaient déjà démontré que les surfaces que la République hellénique considérait comme éligibles au paiement ne remplissaient pas tous les critères formulés par le règlement no 1120/2009, puis précisé que le plan d’action conçu pour améliorer cette situation n’avait produit ses premiers effets que pour l’année de demandes 2013. Par conséquent, les paiements réalisés pour l’année de demandes 2012 étaient toujours entachés d’erreur, tandis qu’une mission d’octobre 2013 avait démontré que les mesures correctives adoptées pour remédier à cette situation n’en couvraient en réalité pas l’intégralité. Elle a donc souligné que, dans la mesure où des données erronées avaient été utilisées concernant les paiements avancés pour l’année de demandes 2013, il était essentiel que les informations disponibles après la finalisation des mesures correctives soient prises en compte dans l’équilibrage des paiements à réaliser pour 2014, sans quoi un risque de paiement indu perdurerait pour les années de demandes 2013 et suivantes. En outre, elle a relevé, s’agissant des contrôles sur place, que ceux-ci ne pouvaient pas être considérés comme conformes aux standards requis par l’article 34 du règlement no 1122/2009.
44 La Commission a maintenu ces affirmations dans le rapport de synthèse et confirmé l’existence d’un risque pour le fonds.
45 Il ressort de ce qui précède que les irrégularités constatées par les services de la Commission pouvaient constituer des éléments de preuve du doute sérieux et raisonnable que cette dernière éprouvait s’agissant des aides déboursées au titre des pâturages, conformément à la jurisprudence citée au point 28 ci-dessus.
46 Or, aucun des arguments que la République hellénique a invoqués ne démontre l’inexactitude des appréciations de la Commission et ne permet donc de remettre en cause la décision de lui imposer des corrections forfaitaires et une correction ponctuelle pour les faiblesses dans la définition et le contrôle des pâturages permanents.
47 En effet, la République hellénique fait valoir, en substance, qu’il ne serait ni logique ni fondé d’exclure les pâturages dits « de type méditerranéen » des aides de la PAC et soulève, à l’appui, une série d’arguments visant à démontrer que la Commission a commis une erreur en imposant les corrections litigieuses en ce que des surfaces couvertes de plantes ligneuses servant de fourrage traditionnel aux animaux du pourtour méditerranéen auraient dû être admises au bénéfice de l’aide en tant que pâturages.
48 Premièrement, la République hellénique affirme que, en Grèce, l’expression « pâturages permanents » désigne les surfaces couvertes de végétation naturelle, herbacée et arborée qui constitue l’alimentation des petits ruminants (moutons et chèvres), et qui, pour la plupart, servent exclusivement au pacage. Ces surfaces se distingueraient des pâturages des pays d’Europe centrale et du nord, sur lesquels sont cultivées et poussent des herbes et plantes herbacées. Ces constatations ne fonderaient aucunement une exclusion des surfaces couvertes d’arbustes, tels les pâturages grecs traditionnels, des superficies admissibles à l’aide, a fortiori à partir du moment où l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 et l’article 2, sous c), du règlement no 1120/09 désignent aussi comme pâturage la superficie qui produit de manière naturelle de la nourriture pour les petits ruminants. Selon la République hellénique, cette différenciation relative à la nature et à la composition du pâturage est également apparue dans d’autres États membres de l’Union et les éleveurs du sud de l’Europe revendiquent de longue date, et de manière constante, l’acceptation des caractéristiques particulières de l’ensemble des pâturages dits « de type méditerranéen » ainsi que la reconnaissance de leur admissibilité sur la base de leur caractère adapté au pâturage et non sur la base de leur végétation. Elle ajoute que la grande valeur environnementale de tels pâturages est reconnue en ce qu’ils contribuent au maintien de l’équilibre écologique. Ainsi, selon elle, refuser leur admissibilité mène à l’abandon de ces superficies, y compris au risque de désertification de celles-ci, et à l’intensification de l’élevage sur d’autres types de surfaces ou dans d’autres structures.
49 Tout d’abord, il y a lieu de relever que la République hellénique ne saurait utilement se prévaloir de l’interprétation, en Grèce, de l’expression « pâturages permanents » qui admettrait des surfaces à prédominance de couverture végétale ligneuse en tant que ressources fourragères, dès lors que seule une présence marginale de plantes ligneuses était tolérée selon la définition de l’Union en vigueur. En effet, les paiements doivent être conformes à la réglementation de l’Union pour être financés par le fonds (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2012, Grèce/Commission, T‑86/08, EU:T:2012:345, point 68).
50 Ensuite, l’argumentation de la République hellénique fondée sur sa revendication récurrente concernant la reconnaissance de l’éligibilité des pâturages dits « de type méditerranéen » au titre de la PAC, à l’appui de laquelle elle se contente de renvoyer à une série d’annexes datant, pour la plus ancienne, de 2011, sans identifier les passages pertinents de celles-ci, ne saurait être accueillie. En effet, il convient de relever que les travaux sur la réforme de la PAC 2014-2020 ont débuté en avril 2010 par le lancement d’un débat public sur l’avenir de la PAC, ses objectifs et ses principes. Puis, en octobre 2011, la Commission a présenté un ensemble de propositions législatives ayant abouti à l’adoption, notamment, du règlement (UE) no 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) no 637/2008 du Conseil et le règlement […] no 73/2009 (JO 2013, L 347, p. 608). Ce dernier a étendu la définition des pâturages permanents aux surfaces couvertes de plantes ligneuses. Par ailleurs, il ressort du contenu des documents produits par la République hellénique qu’ils ont été établis et publiés dans le cadre d’une campagne ayant pour but d’influencer les choix du législateur concernant la définition à donner aux pâturages permanents dans ce règlement. Or, la définition des pâturages permanents figurant à l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 et à l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009 excluant les pâturages dits « de type méditerranéen », ladite disposition ne saurait faire l’objet de l’interprétation proposée par la République hellénique au regard d’une série de documents établis et publiés dans le cadre d’une telle campagne.
51 Enfin, force est de constater que la République hellénique n’apporte aucun élément étayant son argument selon lequel le refus du bénéfice de l’aide aux surfaces couvertes de plantes ligneuses mènerait à leur abandon et à l’aggravation du risque de désertification de ces terres ainsi qu’à une intensification de l’élevage sur d’autres types de surfaces ou dans d’autres structures. Il y a donc lieu d’écarter ledit argument.
52 Deuxièmement, la République hellénique évoque un objectif de la PAC consistant à soutenir les pâturages permanents dits « de type méditerranéen », qu’elle déduit du fait que la notion de pâturages permanents s’inscrit dans le système d’octroi du paiement unique visant à soutenir les revenus agricoles, puisque les surfaces de pâturage servent à l’activation de droits.
53 S’agissant du prétendu objectif de la PAC de soutien aux pâturages dits « de type méditerranéen », il convient de relever qu’un tel objectif ne figure pas parmi les objectifs de la PAC énoncés à l’article 39 TFUE et ne découle pas non plus des dispositions des règlements nos 1782/2003 et 73/2009, qui prévoyaient seulement, respectivement en son considérant 4, pour le premier, et en son considérant 7 pour le second, que, étant donné que les pâturages permanents ont un effet positif sur l’environnement, il convient d’adopter des mesures visant à encourager le maintien des pâturages permanents existants afin de prévenir leur transformation généralisée en terres arables. Outre le fait que la République hellénique omet de préciser la source d’un tel objectif de protection des pâturages dits « de type méditerranéen », sa mise en œuvre ne saurait en aucun cas résulter dans une extension de la définition de la notion de pâturages permanents telle qu’elle ressort clairement des dispositions applicables en l’espèce aux surfaces couvertes de plantes ligneuses.
54 Troisièmement, la République hellénique fait valoir que, dans le contexte exposé, il ne serait ni logique ni possible de soutenir que, avant l’adoption du règlement no 1307/2013, la volonté du législateur de l’Union était d’exclure les pâturages dits de « type méditerranéen » du calcul des droits au paiement ou de réduire leur participation dans le calcul de ces droits. Elle s’appuie, s’agissant de l’interprétation de l’objectif du législateur de l’Union, sur l’arrêt du 6 novembre 2014, Grèce/Commission (T‑632/11, non publié, EU:T:2014:934, point 99). Elle avance qu’une telle exclusion impliquerait que le législateur exclurait ou excepterait une forme de pâturage qui, compte tenu des conditions climatiques et de l’environnement naturel, constitue la principale forme de pâturage dans toute l’Europe méridionale, ce qui a pour conséquence à la fois d’exclure de l’aide la majorité des éleveurs de ces pays et de nuire à leur élevage au regard des pays d’Europe centrale et d’Europe du nord. Elle ajoute que ce législateur ne pouvait pas ignorer ou méconnaître les données de la sylviculture et de l’agronomie, selon lesquelles les végétaux ligneux et arbustifs constituent un élément indissociable des pâturages dits « de type méditerranéen ». Par conséquent, il ne saurait être soutenu, selon elle, que les dispositions relatives à la définition des « pâturages permanents », interprétées correctement et compte tenu du cadre général dans lequel elles s’inscrivent et de l’objectif qu’elles poursuivent, n’incluent pas également les pâturages dits « de type méditerranéen » à végétation arbustive.
55 Il convient de relever d’emblée que, par ce grief, la République hellénique n’entend pas contester la légalité de la définition des « pâturages permanents » figurant à l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 et de l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009.
56 En outre, il ressort de la conclusion intermédiaire figurant aux points 37 à 40 ci-dessus que, s’agissant des surfaces admises au bénéfice de l’aide de la PAC au titre des pâturages permanents, les éléments ligneux (arbres et arbustes) pouvaient tout au plus être tolérés, pour autant qu’ils ne compromettaient pas le développement des ressources fourragères herbacées et, par là, l’exploitation effective des parcelles en tant que pâturages.
57 À cet égard, il convient de relever que la Commission n’est pas tenue de prendre en charge, pour le fonds, les dépenses effectuées par un État membre qui sont fondées sur une application objectivement erronée, mêmes celles fondées sur la base d’une interprétation adoptée de bonne foi, du droit de l’Union, sauf si l’interprétation erronée du droit de l’Union peut être imputée à une institution de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2009, Espagne/Commission, T‑369/05, non publié, EU:T:2009:213, point 67). Or, force est de constater que la République hellénique n’apporte aucun élément permettant de conclure que l’interprétation qu’elle avance de la notion de pâturages permanents était imputable à un comportement de la Commission. Bien au contraire, il ressort des constatations effectuées par la Commission, lors des enquêtes, que l’interprétation en cause n’est pas le fait du comportement de cette institution.
58 Par ailleurs, s’agissant de l’interprétation de l’objectif du législateur de l’Union, la République hellénique se prévaut de l’arrêt du 6 novembre 2014, Grèce/Commission (T‑632/11, non publié, EU:T:2014:934, point 99). Or, en l’espèce, il convient de relever qu’elle ne précise pas le contenu de son argument. En effet, elle se borne à une référence abstraite à l’arrêt cité, sans que cette référence soit pourvue d’explications quant à sa pertinence en l’espèce. Il convient donc d’écarter cet argument qui n’est nullement étayé. En outre, il y a lieu d’observer que rien, dans l’arrêt précité, n’est susceptible de justifier l’appréciation de la République hellénique selon laquelle la volonté initiale du législateur, avant l’adoption du règlement no 1307/2013, était d’inclure les pâturages de « type méditerranéen » dans le calcul des droits au paiement ou d’éviter de réduire leur participation dans le calcul de ces droits.
59 Quatrièmement, la République hellénique se prévaut d’un plan d’action qu’elle a élaboré en octobre 2012 en collaboration avec la Commission, comprenant l’évaluation de l’admissibilité des pâturages par photo-interprétation d’images satellites au niveau de la parcelle de référence (unité) et l’application d’un système de calcul proportionnel (au prorata) dans les cas où il existe des arbustes diffus. Selon la République hellénique, les critères et la méthodologie concernant l’évaluation de l’admissibilité des pâturages ont été déterminés sur la base des lignes directrices publiées par la Commission. La République hellénique indique que, selon ces lignes directrices, si le nombre d’arbres par hectare de pâturage est inférieur à cinquante, la totalité de la surface est considérée comme un pur pâturage. De plus, pour les surfaces de pâturage comportant des arbustes, les graduations suivantes auraient été définies :
– lorsque, par photo-interprétation, la surface admissible de pâturage est estimée à 25-30 %, la surface admissible est réputée constituer 37,5 % de la surface totale ;
– lorsque, par photo-interprétation, la surface admissible de pâturage est estimée à 50-75 %, la surface admissible est réputée constituer 62,5 % de la surface totale ;
– lorsque, par photo-interprétation, la surface admissible de pâturage est estimée à 75-100 %, la surface totale est alors réputée admissible.
60 Selon la République hellénique, le fait que, alors que l’article 2 du règlement no 796/2004 était en vigueur, la Commission ait elle-même procédé aux recommandations qui figurent dans le plan d’action en cause et selon lesquelles la végétation ligneuse (boisée ou arbustive) est prise en compte pour l’admissibilité des pâturages, plaide en faveur de la conclusion selon laquelle la volonté du législateur de l’Union a toujours été de protéger aussi les pâturages dits « de type méditerranéen ». Elle avance également que, au cours de la collaboration de la Commission avec les autorités grecques pour l’élaboration de ce plan d’action, celle-ci a reconnu l’éligibilité de surfaces de pâturage comportant des arbustes ou des arbres, reconnaissant, de fait, que cela ne générait pas de risque pour le fonds.
61 Cependant, la Commission fait valoir que les discussions relatives à l’éligibilité des pâturages n’auraient eu lieu qu’afin de leur permettre de régler cette question à compter de la mise au point de ce plan d’action, au mois d’avril 2014. Elle considère donc que ledit plan d’action ne pouvait pas avoir d’incidence sur les paiements effectués avant celle-ci, ni que cette mise en œuvre ait pu produire ses effets en 2012, en 2013 et jusqu’au milieu de l’année 2014.
62 À ce sujet, il convient de relever que, ainsi qu’en attestent les documents fournis à la demande du Tribunal dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure et comme cela a ensuite été confirmé par les parties lors de l’audience, un plan d’action relatif à l’éligibilité des pâturages et destiné à améliorer la situation en République hellénique a bien été présenté par la République hellénique à la Commission et accepté par cette dernière le 12 septembre 2012. Celui-ci prévoyait un certain nombre de mesures notamment liées aux critères et à la méthodologie applicables, par les autorités grecques, pour établir l’éligibilité des surfaces considérées comme des pâturages permanents. Ces mesures ont été mises en œuvre de manière continue et adaptées en fonction des résultats qu’elles avaient permis d’obtenir, selon que les objectifs fixés étaient atteints ou non.
63 Cependant, il y a lieu de constater que l’affirmation de la République hellénique selon laquelle la mise en œuvre de ce plan d’action, conjuguée à la définition ultérieure du « pâturage permanent » consacrée par le règlement no 1307/2013, serait susceptible de démontrer que « la volonté du législateur de l’Union a toujours été de protéger également les pâturages méditerranéens » est infondée. En effet, elle ne démontre en rien en quoi un plan d’action convenu entre la Commission et les autorités helléniques serait susceptible de conduire à une interprétation nouvelle de la volonté initiale du législateur telle qu’elle ressort des règlements nos 796/2004 et 1120/2009.
64 Cinquièmement, la République hellénique se prévaut de la modification de la définition des pâturages permanents par l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013, qui inclut, lorsque les États membres le décident, des surfaces adaptées au pâturage et relevant des pratiques locales établies dans lesquelles l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas traditionnellement.
65 S’agissant de la modification de la définition des pâturages permanents opérée par le règlement no 1307/2013, il convient de constater que, par son argument, la République hellénique invoque une législation postérieure à l’appui de l’interprétation qu’elle avance de la législation antérieure. Il est constant que le règlement no 1307/2013 a commencé à s’appliquer le 1er janvier 2015, sans qu’aucune application rétroactive ait été prévue s’agissant de son article 4. Or, force est de constater que, compte tenu du fait qu’il appartenait au législateur de l’Union, qui dispose dans l’exercice de son pouvoir d’une large marge d’appréciation, d’évaluer la situation et, le cas échéant, de décider de l’opportunité de modifier la disposition en vigueur, il ne résulte pas de la seule modification ultérieure de cette définition que l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004, ni les dispositions ultérieures de l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009, doivent être interprétés dans le sens de la modification opérée (voir, en ce sens, arrêt du 5 avril 2006, Deutsche Bahn/Commission, T‑351/02, EU:T:2006:104, point 112). Ce grief ne peut donc qu’être rejeté comme infondé.
66 Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen de la République hellénique, tiré d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 et de l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009.
b) Sur le deuxième moyen, tiré de l’interprétation et de l’application erronées du document VI/5330/97, quant à la réunion des conditions d’application d’une correction forfaitaire de 25 % au titre de l’année de demandes 2012
1) Sur le grief relatif aux limites du pouvoir d’appréciation de la Commission et à une violation du principe de proportionnalité
67 La République hellénique fait valoir, en substance, que les conditions d’imposition d’une correction forfaitaire de 25 % n’étaient pas réunies en l’espèce.
68 La Commission conteste cette argumentation.
69 Il convient de rappeler qu’une correction arrêtée par la Commission, conformément aux orientations qu’elle a adoptées en la matière, tend à éviter la mise à la charge du fonds de montants n’ayant pas servi au financement d’un objectif poursuivi par la réglementation de l’Union en cause et ne constitue pas une sanction (voir arrêt du 31 mars 2011, Grèce/Commission, T‑214/07, non publié, EU:T:2011:130, point 136 et jurisprudence citée). La jurisprudence a ainsi reconnu que les taux forfaitaires retenus dans les orientations permettaient à la fois le respect du droit de l’Union et la bonne gestion des ressources de l’Union ainsi que d’éviter que la Commission n’exerce son pouvoir discrétionnaire en imposant aux États membres des corrections démesurées et disproportionnées (arrêt du 10 septembre 2008, Italie/Commission, T‑181/06, non publié, EU:T:2008:331, point 234).
70 Il y a également lieu de rappeler que, en ce qui concerne le montant de la correction financière, la Commission peut aller jusqu’à refuser la prise en charge par le fonds de l’intégralité des dépenses exposées, si elle constate qu’il n’existe pas de mécanismes de contrôle suffisants (arrêt du 11 juin 2009, Grèce/Commission, T‑33/07, non publié, EU:T:2009:195, point 140). Cependant, la Commission doit respecter le principe de proportionnalité, qui exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (arrêts du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, EU:C:1984:183, point 25, et du 19 juin 1997, Air Inter/Commission, T‑260/94, EU:T:1997:89, point 144). Ainsi, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêt du 19 novembre 2015, Grèce/Commission, T‑107/14, non publié, EU:T:2015:870, point 54).
71 En outre, s’il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles de l’Union, une fois cette violation établie, il revient à l’État membre de démontrer, le cas échéant, que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à en tirer (arrêts du 14 février 2008, Espagne/Commission, T‑266/04, non publié, EU:T:2008:37, point 105, et du 5 juillet 2012, Grèce/Commission, T‑86/08, EU:T:2012:345, point 196).
72 En ce qui concerne le type de correction appliqué en l’espèce, il y a lieu de rappeler que, à la lumière des orientations de la Commission établies dans le document VI/5330/97, lorsqu’il n’est pas possible d’évaluer précisément les pertes subies par l’Union, une correction forfaitaire peut être envisagée (arrêt du 18 septembre 2003, Royaume‑Uni/Commission, C‑346/00, EU:C:2003:474, point 53). Ce document contient les principales orientations que la Commission se propose de suivre lors de l’application des corrections financières dans le cadre de la procédure d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie. Il résulte de l’annexe 2 de ce document que les corrections financières sont calculées au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée et que la Commission tient compte, à cet effet, de la nature et de la gravité de l’infraction ainsi que du préjudice financier causé à l’Union.
73 De plus, l’annexe 2 du document VI/5330/97 prévoit que « [l]e manquement devient plus sérieux si un État membre omet d’améliorer ses contrôles alors que la Commission lui a déjà notifié les améliorations nécessaires ». Les conditions dans lesquelles la Commission entend appliquer ce principe sont précisées dans le document AGRI/60637/2006, intitulé « Communication de la Commission – Sur le traitement par la Commission, dans le cadre de l’apurement des comptes [FEOGA, section “Garantie”], des cas de récurrence d’insuffisance de systèmes de contrôle ».
74 En l’espèce, la Commission a imposé une correction de 25 % dont les conditions cumulatives prévues par le document VI/5330/97 sont les suivantes : le risque de pertes particulièrement élevées pour le fonds du fait d’une absence complète ou d’une déficience grave du système de contrôle, l’existence d’indices d’irrégularités très fréquentes et l’existence d’indices de négligence dans la lutte contre les pratiques irrégulières. Étant donné que les parties s’opposent quant à la conformité de la correction de 25 % imposée en l’espèce, avec les conditions qui doivent être remplies pour qu’une telle correction puisse être appliquée, il convient de vérifier si la Commission s’est conformée à ces conditions.
75 S’agissant des défaillances constatées par la Commission dans les contrôles effectués par la République hellénique, il y a lieu d’observer qu’aucun des arguments présentés par cette dernière ne permet de démontrer que les constatations faites dans le rapport de synthèse et dans la lettre de conciliation du 18 février 2015 quant à l’absence ou aux carences de certains contrôles sont erronées ou manquent en fait. En effet, la République hellénique ne conteste pas l’existence de ces défaillances, mais elle se borne à contester l’ampleur de la correction imposée, à savoir le taux de 25 %.
76 En ce qui concerne la première condition visée au point 74 ci-dessus, il est, en l’espèce, constant que la mise en œuvre du système de contrôle n’était pas complètement absente. Il convient dès lors de vérifier si les défaillances constatées par la Commission pouvaient néanmoins fonder la conclusion selon laquelle la mise en œuvre de ce système de contrôle était gravement déficiente.
77 À cet égard, et spécifiquement au sujet des pâturages, dans sa lettre de conciliation du 18 février 2015, la Commission a relevé que, pour les années de demandes 2012 et 2013, la République hellénique a persisté à considérer comme éligibles « des pâturages permanents qui ne correspondaient pas aux critères d’éligibilité définis par [l’]article] 34 du règlement no 73/2009 et [l’article] 2 du règlement no 1120/2009 ». De plus, elle a également souligné que l’identification incorrecte, liée à la définition erronée de ces surfaces, dans le système d’identification des parcelles agricoles (ci-après le « SIPA ») utilisé pour les contrôles croisés entraînait des versements irréguliers de paiements à la surface supplémentaires. En outre, elle a fait référence « au manque d’actualisation du [SIPA] selon des photos aériennes récentes [ ; l]es images récentes de télédétection ne couvraient que 15 % du pays et l’étude sur la capacité de pâture que 9 %, ce qui a affecté la qualité des contrôles pour 2012 et 2013 ». Par ailleurs, elle ajoute aussi que, pour ces mêmes années, les sanctions prévues en cas de sur-déclaration n’avaient pas été imposées. Ainsi, la Commission a considéré que le système mis en œuvre en République hellénique souffrait de déficiences en ce qui concernait le fonctionnement de contrôles clés et secondaires, ce qui engendrait un risque pour le fonds dans le cadre du régime des aides directes à la surface,et que les faiblesses relatives à la définition des pâturages permanents éligibles devaient être considérées comme une faiblesse récurrente qui conduisait à une mauvaise application des contrôles croisés et des contrôles sur place.Dans sa position finale, renseignée dans le rapport de synthèse, la Commission fait donc valoir que, au regard de ces considérations, elle ne disposait d’aucun moyen qui lui permettait de déterminer précisément le risque pour le fonds.
78 Compte tenu de la conjugaison d’irrégularités relevée par la Commission, il y a lieu de constater que l’appréciation de la Commission relative à la gravité des déficiences du système de contrôle mis en œuvre par la République hellénique était fondée.
79 De plus, et au regard des différents arguments avancés par la République hellénique, il convient également de rappeler que, en vertu des règles du droit de l’Union relatives aux fonds, il incombe aux États membres d’organiser un système efficace de contrôle et de surveillance. Une telle exigence implique que les limites des parcelles de référence et leur superficie maximale admissible pour l’aide soient définies de manière précise et avec exactitude. Ces informations sont en effet essentielles pour que soit garantie la fiabilité des contrôles administratifs croisés, pour que puissent être réalisés les contrôles sur place et pour que les agriculteurs disposent d’informations correctes afin qu’ils puissent soumettre des déclarations correctes (arrêt du 17 mai 2013, Bulgarie/Commission, T‑335/11, non publié, EU:T:2013:262, point 29).
80 En outre, il ressort de la définition contenue dans le document VI/5330/97 que les contrôles administratifs croisés et les contrôles sur place sont des contrôles clés, ce que ne conteste d’ailleurs pas la République hellénique.
81 Il résulte de ce qui précède que, en ce qui concerne les dépenses liées aux pâturages, la Commission a constaté des carences dans le système de contrôle, tenant à l’admission, par les autorités grecques, au bénéfice de l’aide au titre des pâturages, de superficies non conformes aux règles en vigueur. Ainsi, ces carences dans le système de contrôle, prises ensemble avec toutes les autres carences constatées et non contestées par la République hellénique, ont vraisemblablement entraîné des pertes extrêmement élevées pour le fonds.
82 Par ailleurs, ne saurait remettre en cause cette conclusion l’argument de la République hellénique selon lequel elle effectue tous les contrôles clés et les contrôles secondaires prévus dans les règlements en vigueur. En effet, ainsi qu’il a déjà été jugé, lorsqu’un État membre ne veille pas au respect des conditions de fond régissant l’octroi des aides, en l’occurrence la définition correcte des superficies éligibles au bénéfice de l’aide au titre des pâturages, cela signifie nécessairement que cet État n’effectue pas les contrôles qui lui incombent afin de s’assurer que les conditions prévues, à savoir l’éligibilité des superficies déclarées, sont remplies (voir, en ce sens, arrêt du 19 novembre 2015, Grèce/Commission, T‑107/14, non publié, EU:T:2015:870, point 81).
83 Ensuite, s’agissant de la question de savoir si les faiblesses du système de contrôle, telles qu’elles viennent d’être décrites, ont conduit à l’existence d’un risque de pertes particulièrement élevées pour le fonds, il convient d’abord d’observer que, en ce qui concerne les dépenses liées aux pâturages, les carences généralisées dans le système des contrôles, qui tenaient à l’admission au bénéfice de l’aide au titre des pâturages, par les autorités grecques, de superficies non conformes aux règles en vigueur constituent une mise en œuvre gravement déficiente du système de contrôle et sont de nature à entraîner vraisemblablement des pertes extrêmement élevées pour le fonds.
84 À cet égard, la République hellénique fait cependant valoir que le risque pour le fonds aurait disparu, grâce à l’élaboration et à l’application du plan d’action conçu conjointement avec la Commission. Elle soutient donc que l’application d’une correction forfaitaire de 25 % serait arbitraire et disproportionnée.
85 Il convient de relever à ce sujet que, en l’espèce et ainsi que la République hellénique l’a elle-même souligné durant l’audience, les paiements définitifs pour l’année de demandes 2012 ont été effectués le 30 juin 2013, après un réexamen des demandes sur la base du plan d’action tel qu’il était mis en œuvre à cette date. Cependant, la mise en œuvre dudit plan d’action ayant seulement débuté au cours de l’année de demandes 2012 et les mesures prévues par celui-ci n’étant pas toutes destinées à produire des effets immédiats, il ne saurait être considéré que cette même mise en œuvre avait déjà pu conduire à une application correcte des taux d’éligibilité des pâturages permanents par les autorités grecques pour l’année de demandes concernée.
86 En effet, il ressort notamment des enquêtes menées par la Commission que les problèmes constatés en ce qui concernait l’actualisation du SIPA n’étaient toujours pas réglés en 2014. Celui-ci, qui est utilisé pour les contrôles sur place, n’avait en effet pas été actualisé, et n’était pas destiné à l’être avant 2014.
87 Au regard de ces éléments, il convient de constater que, si la République hellénique a effectivement appliqué le plan d’action élaboré en collaboration avec la Commission lorsqu’elle a déterminé le montant de l’erreur connue pour l’année de demandes 2012, la mise en œuvre progressive de ce plan d’action, aux différents stades de sa conception et selon les limites imputables à son caractère évolutif et aux différentes défaillances qu’elle avait relevées, a été dûment prise en compte par la Commission lorsqu’elle a elle-même calculé le montant des corrections forfaitaires et ponctuelle imposées à la République hellénique pour cette année de demandes.
88 Il ne saurait donc être considéré que la mise en œuvre progressive du plan d’action se soit révélée suffisante pour faire disparaître tout risque pour le fonds pour l’année de demandes 2012.
89 En outre, et au-delà de la question de savoir dans quelle mesure ce plan d’action était déjà appliqué en 2012, il convient de relever que, contrairement à ce qu’affirme la République hellénique, la circonstance que l’ensemble des pâturages n’est pas toujours nécessaire à l’activation des droits au paiement des agriculteurs ne modifie en rien la constatation du risque de pertes extrêmement élevées pour le fonds, étant donné que l’erreur concernant l’éligibilité des pâturages a déjà affecté le calcul de ces droits au paiement. En effet, conformément aux articles 43 et 44 du règlement no 1782/2003, le calcul correct du nombre des droits au paiement et de leur valeur dépend du nombre d’hectares disponibles. Par conséquent, un écart aussi important que celui en l’espèce crée pour le fonds un risque très élevé.
90 En ce qui concerne la deuxième condition, à savoir l’existence d’indices d’irrégularités très fréquentes, il y a lieu de relever que l’application d’une définition des pâturages permanents non conforme à la définition réglementaire en vigueur implique un niveau élevé d’irrégularités qui aboutissent à l’admission d’un grand nombre de surfaces en réalité non éligibles. Cette appréciation est fondée sur les constatations de la Commission effectuées lors des enquêtes qui ont révélé que la République hellénique a persisté à considérer comme éligibles « des pâturages permanents qui ne correspondaient pas aux critères d’éligibilité définis par [l’]article 34 du règlement no 73/2009 et [l’article ]2 du règlement no 1120/2009 ».
91 À cet égard, la République hellénique fait valoir que, même en supposant qu’il existe certaines lacunes ou insuffisances, elles étaient toutefois très limitées, puisque l’aide ne couvrait pas l’ensemble de la superficie déclarée, étant donné que les droits distribués correspondaient au nombre d’hectares qui les accompagnaient effectivement conformément à l’article 43 du règlement no 1782/2003 qu’elle invoque.
92 Cette argumentation ne peut qu’être rejetée. En effet, il ressort de l’article 44 de ce règlement invoqué par la République hellénique que tout droit au paiement lié à un hectare admissible au bénéfice de l’aide donne droit au paiement du montant fixé par ce droit, alors que, par « hectare admissible au bénéfice de l’aide », il convient d’entendre, notamment, « toute superficie agricole de l’exploitation ». En outre, il ressort du paragraphe 3 de ce dernier article que l’agriculteur déclare les parcelles correspondant à la superficie admissible liée à un droit au paiement. Par ailleurs, la définition des pâturages permanents qui, elle, ressort des règlements d’application nos 796/2004 et 1120/2009, est utilisée pour déterminer l’éligibilité des superficies qu’un agriculteur déclare afin d’activer ses droits au paiement. Par conséquent, le fait que les surfaces des pâturages ouvrant des droits à paiement liés à la surface ne représentent qu’une partie des surfaces des pâturages déclarées ne remet pas en cause les irrégularités constatées dans le fonctionnement du SIPA et dans les contrôles clés, selon lesquelles une partie des superficies auxquelles l’aide a été octroyée n’était pas, de manière généralisée, éligible à l’aide, car elles ne répondaient pas aux conditions exigées des pâturages permanents conformément à l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 et à l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009 (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2013, Grèce/Commission, T‑294/11, non publié, EU:T:2013:261, point 204).
93 En outre, l’argumentation de la République hellénique selon laquelle sa collaboration avec la Commission démontrerait une absence de négligence ne saurait être retenue. En effet, il est établi que l’influence de ce plan d’action n’a pu être que marginale en ce qui concerne l’année de demandes 2012 dans la mesure où les premières mesures envisagées dans ce cadre n’ont débuté qu’à partir du mois de juillet de cette même année, et où sa mise en œuvre n’a, en tout état de cause, pas éliminé les déficiences et irrégularités qui ont été relevées par la Commission.
94 Enfin, l’argument de la République hellénique fondé sur l’adoption de l’article 25, paragraphe 3, de la Ν. 4315/2014 (loi no 4315/2014 [(FEK 269/24-12-2014, tome B)], relatif notamment à la création, au sein du SIPA, d’une carte thématique relative aux pâturages de caractère public, pour démontrer la poursuite de ses efforts de détermination précise des pâturages permanents, ne peut, pour sa part, qu’être rejeté. En effet, même à supposer que cette loi puisse être pertinente pour démontrer l’élimination des irrégularités dans le SIPA et le système de contrôle liés à la définition des pâturages, ce qui n’est par ailleurs nullement avéré, l’adoption de cette loi est intervenue postérieurement aux années de demandes litigieuses et ne peut donc non plus avoir d’incidence en l’espèce.
95 S’agissant de la troisième condition, à savoir l’existence d’indices de négligence dans la lutte contre les pratiques irrégulières ou frauduleuses, la République hellénique fait valoir qu’aucune négligence ne peut lui être imputée.
96 À cet égard, il convient cependant de relever que la position de la République hellénique est contradictoire. En effet, dans le cadre du premier moyen, elle prétend démontrer que l’interprétation étendue de la notion de pâturage qu’elle cherche à faire prévaloir devrait être retenue pour remplacer la réglementation en vigueur. Or, cette interprétation n’est pas conforme à la réglementation et elle a persisté à l’appliquer à la place de cette dernière, malgré l’opposition récurrente de la Commission. En maintenant sa propre définition des pâturages permanents en vigueur et en persistant ainsi à l’appliquer, la République hellénique a donc clairement négligé de corriger les irrégularités constatées à maintes reprises par la Commission. Elle ne saurait donc prétendre qu’aucune négligence ne peut lui être imputée.
97 Il en ressort que l’argumentation de la République hellénique relative à la non-satisfaction de la troisième condition, nécessaire à l’imposition d’une correction forfaitaire de 25 %, ne saurait être retenue.
98 Il résulte de ce qui précède que les arguments de la République hellénique relatifs à la réunion des conditions d’imposition de la correction forfaitaire en cause doivent être rejetés et que, partant, les constatations de la Commission sont conformes à ses orientations établies dans le document VI/5330/97 et constituent des éléments susceptibles de justifier l’imposition d’une correction forfaitaire de 25 %.
99 Par ailleurs, force est de constater que les autres arguments de la République hellénique ne remettent pas non plus en cause les conclusions de la Commission.
100 S’agissant, d’abord, de l’argument de la République hellénique fondé sur les interrogations de l’organe de conciliation relatives au bien-fondé de l’imposition de la correction de 25 %, il est utile de rappeler que la Commission n’est pas liée par les conclusions de cet organe lorsqu’elle arrête sa décision (arrêts du 13 juin 2002, Luxembourg/Commission, C‑158/00, EU:C:2002:367, point 50, et du 17 mai 2013, Bulgarie/Commission, T‑335/11, non publié, EU:T:2013:262, point 124).
101 En outre, ainsi qu’il ressort du point 98 ci-dessus, il a été conclu que les constatations de la Commission relatives au niveau considérable des surfaces inéligibles enregistrées dans le SIPA ainsi qu’au manquement systématique de la République hellénique à son obligation de mettre en place un système permettant aux agriculteurs de déposer des demandes correctes étaient susceptibles de justifier l’imposition d’une correction forfaitaire de 25 % selon les critères prévus par le document VI/5330/97.
102 La République hellénique se prévaut ensuite de l’arrêt du 22 novembre 2001, Italie/Commission (C‑147/99, EU:C:2001:624), pour dénoncer l’absence d’une « circonstance exceptionnelle » requise pour l’imposition d’une correction de 25 %. À cet égard, force est de constater que, contrairement à la version des orientations applicables au litige en cause dans l’affaire C‑147/99 et à ce que prétend la République hellénique, le présent cas de figure, où l’application d’un taux de correction de 25 ou de plus de 25 % est justifiée conformément au document VI/5330/97, ne demande pas l’établissement d’une « circonstance exceptionnelle » (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2001, Italie/Commission, C‑147/99, EU:C:2001:624, point 53).
103 Ainsi, contrairement aux prétentions de la République hellénique, s’il incombe à la Commission de justifier le taux de correction imposé, en l’espèce un taux de 25 %, au regard des conditions figurant dans les orientations qu’elle a établies dans le document VI/5330/97, elle n’a pas d’obligation de justifier ce taux de correction par l’établissement d’une circonstance exceptionnelle qui, elle, ne figure pas parmi les conditions énoncées.
104 À titre surabondant, il y a lieu de relever que la Cour a souligné au point 55 de l’arrêt du 22 novembre 2001, Italie/Commission (C‑147/99, EU:C:2001:624), que, « conformément à l’exposé des faits développé par la Commission, qui n’a pas été contesté par le gouvernement italien, d’une part, le système de contrôle italien comportait des carences notables, et, d’autre part, des irrégularités graves ont été constatées dans les régions en cause ». Il s’ensuit que la Cour a considéré que la circonstance exceptionnelle était établie du fait, d’une part, de l’existence de carences notables dans le système de contrôle et, d’autre part, de la constatation d’irrégularités graves. Par conséquent, même s’il était admis que, en l’espèce, la République hellénique était fondée à faire valoir que la constatation d’une « circonstance exceptionnelle » serait indispensable pour justifier l’imposition d’une correction forfaitaire de 25 %, l’existence d’une telle « circonstance exceptionnelle » serait en l’espèce établie. En effet, le fait pour un État membre de s’obstiner, malgré des indications d’irrégularités réitérées sur plusieurs années par la Commission, à reproduire les pratiques reprochées constitutives des mêmes irrégularités d’une envergure considérable, peut être considéré comme une circonstance exceptionnelle.
105 La République hellénique invoque également l’argument selon lequel le taux de la correction financière imposée par la Commission serait disproportionné, dans la mesure où la définition de la notion de « pâturage permanent » a été modifiée par le législateur de l’Union dans un sens conforme à celui qui correspondait à la position grecque en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013.Toutefois, le fait que le législateur ait modifié la définition de la notion de « pâturage permanent » ne permet pas, à lui seul, de démontrer que la correction financière imposée en application de la définition antérieure à cette modification est disproportionnée. En effet, le caractère proportionné d’une correction financière s’apprécie au regard du cadre réglementaire applicable au moment de la correction. En outre, ainsi qu’il a déjà été indiqué au point 65 ci-dessus, il est constant que le règlement no 1307/2013 a commencé à s’appliquer le 1er janvier 2015, sans qu’aucune application rétroactive ait été prévue. Or, il appartenait au législateur de l’Union, qui dispose dans l’exercice de son pouvoir d’une large marge d’appréciation, d’évaluer la situation et, le cas échéant, de décider de l’opportunité de modifier la disposition en vigueur. Il ne résulte pas de la seule modification ultérieure de ladite définition que l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004, ou les dispositions ultérieures de l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009, doivent être interprétés dans le sens de la modification opérée par le règlement no 1307/2013.
106 Partant, il y a lieu de considérer que la République hellénique n’apporte pas d’éléments de nature à inverser le doute sérieux et raisonnable que la Commission a éprouvé à l’égard du fonctionnement du SIPA et des contrôles clés. Ce doute sérieux et raisonnable a, par ailleurs, incontestablement été conforté par le caractère récurrent des faiblesses qu’elle a constatées en ce qui concerne la question de la définition et de l’éligibilité des pâturages permanents.Il s’ensuit que la Commission a considéré à juste titre que les défaillances dans le SIPA et les lacunes dans les contrôles clés attestaient d’un système de contrôle gravement défaillant et qu’elle a appliqué de façon correcte une correction financière de 25 %.
107 Il y a donc lieu de constater, s’agissant des griefs tirés d’un dépassement des limites du pouvoir d’appréciation de la Commission et d’une violation simultanée du principe de proportionnalité, que, d’une part, la Commission a correctement appliqué la correction financière de 25 % et que la République hellénique se contente de reprocher l’application de cette correction sans donner plus d’indications sur la violation du principe de proportionnalité. D’autre part, au vu des circonstances du cas d’espèce, notamment le fait pour la République hellénique d’avoir reproduit de manière récurrente, malgré des indications d’irrégularités réitérées sur plusieurs années par la Commission, des pratiques constitutives des mêmes irrégularités dans la conduite des contrôles en cause, ladite correction ne dépasse pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché. Dès lors, les griefs tirés du dépassement des limites du pouvoir d’appréciation de la Commission et d’une violation simultanée du principe de proportionnalité doivent être rejetés.
2) Sur le grief relatif au calcul erroné de la correction financière pour l’année de demandes 2012
108 S’agissant du grief tiré du calcul erroné de la correction financière de 25 %, d’un montant de 99 103 011,64 euros, appliquée au titre de l’année de demandes 2012, la République hellénique fait valoir, en substance, que la Commission a commis une erreur, liée à une mauvaise application des lignes directrices définies par le document VI/5330/97.
109 La Commission conteste cette argumentation.
110 À titre liminaire, il y a lieu de souligner, ainsi que cela a déjà été rappelé au point 71 ci-dessus, que, s’il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles de l’Union, une fois cette violation établie, il revient à l’État membre de démontrer, le cas échéant, que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à en tirer (arrêts du 14 février 2008, Espagne/Commission, T‑266/04, non publié, EU:T:2008:37, point 105, et du 5 juillet 2012, Grèce/Commission, T‑86/08, EU:T:2012:345, point 196).
111 De même, il y a également lieu de constater à la lumière des orientations de la Commission issues du document VI/5330/97, et ainsi que cela a déjà été rappelé au point 72 ci-dessus, que, en ce qui concerne le type de correction appliqué en l’espèce, une correction forfaitaire peut être envisagée lorsqu’il n’est pas possible d’évaluer précisément les pertes subies par l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2003, Royaume‑Uni/Commission, C‑346/00, EU:C:2003:474, point 53).
112 Aussi, il convient de vérifier si la République hellénique est parvenue à démontrer que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à tirer des violations des règles de droit de l’Union qui ont été établies dans le premier grief du présent moyen, en ce que le montant des pertes subies par l’Union du fait de ces violations pouvait être précisément évalué pour l’année de demandes 2012.
113 En ce sens, la République hellénique fait valoir que l’Organisme de paiement et de contrôle des aides communautaires d’orientation et de garantie (OPEKEPE) avait calculé le montant de l’erreur découlant de l’application des taux d’éligibilité des pâturages pour l’ensemble des paiements de demandes d’aide unique pour l’année de demandes 2012, par le biais d’une mise en correspondance des parcelles agricoles de pâturages et des droits, au regard des taux d’éligibilité fixés en 2013. Il avait ainsi évalué ce montant à la somme de 40 113 184,84 euros. La République hellénique considère donc que, puisque le montant de l’erreur avait pu être déterminé, la correction financière en cause aurait dû être fixée au niveau de ce montant, et non à celui de 99 103 011,64 euros calculé forfaitairement.
114 À ce sujet, il convient toutefois de relever que, en procédant de la sorte et comme le fait justement valoir la Commission, l’OPEKEPE n’a pas tenu compte des nombreuses faiblesses relevées dans l’analyse du premier grief de ce moyen, et notamment des constats dressés au point 77 ci-dessus. À cet égard, la Commission a relevé que des surfaces inéligibles avaient été enregistrées dans le SIPA, de même qu’elle a constaté les carences et les irrégularités graves qui ont entaché le système de contrôle des aides à la surface au regard des règles de l’Union. Il en va notamment ainsi du manque d’actualisation des données, de la non-prise en compte d’éventuelles données plus récentes à des fins de recouvrement, ou de la non-imposition de sanctions, associée à l’acceptation d’erreurs dans les déclarations en tant qu’erreurs manifestes.
115 Il ressort de ce qui précède que, contrairement à ce que prétend la République hellénique, il n’était pas possible d’établir avec précision quel était le montant de l’erreur pour l’année de demandes 2012 et qu’il ne saurait être affirmé avec certitude que celui-ci s’élevait à 40 113 184,84 euros, puisque la méthode employée par l’OPEKEPE pour parvenir à ce résultat ne tenait pas compte des déficiences qui ont été exposées au cours de l’analyse du premier grief du présent moyen et qui étaient susceptibles d’exercer une influence sur celui-ci.
116 Il est donc établi qu’aucun des arguments que la République hellénique a invoqués ne démontre l’inexactitude des appréciations formulées par la Commission, et que c’est à bon droit que celle-ci a estimé que les irrégularités qu’elle a relevées ne permettaient pas de calculer le montant précis des pertes subies du fait des violations des règles de l’Union pour l’année de demandes 2012. Elle était donc fondée à imposer une correction forfaitaire pour les raisons précitées.
117 Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter le deuxième moyen dans son ensemble.
2. Sur le troisième moyen, relatif à la correction forfaitaire de 10 % et à la correction ponctuelle appliquées pour les faiblesses et les erreurs dans la définition et le contrôle des pâturages permanents éligibles au titre de l’année de demandes 2013
118 La République hellénique évoque, en substance, le caractère illégal et abusif et les motifs contradictoires de la décision attaquée, l’interprétation et l’application erronées des lignes directrices sur lesquelles elle repose ainsi que la violation des principes de bonne administration, de proportionnalité et non bis in idem, ainsi que de ses droits de la défense. En effet, la République hellénique considère que la correction financière qui lui a été appliquée au titre de l’année de demandes 2013 est injustifiée, car celle-ci ne tiendrait pas compte de l’identification et de la correction des erreurs relatives, notamment, aux contrôles sur place par télédétection après l’année 2012 par les autorités grecques. Elle considère également qu’il n’y avait pas lieu de lui imposer une correction forfaitaire, puisque l’impact financier des constatations de la Commission relatives à l’erreur manifeste avait été évalué. En outre, elle estime que la Commission n’aurait pas dû réunir les trois violations constatées en une violation unique sans en préciser les raisons. Elle conteste, par ailleurs, le fait que la Commission lui ait imposé à la fois une correction forfaitaire et une correction ponctuelle, pour la même irrégularité et au titre de la même année de demandes 2013, et rejette les modalités du calcul adoptées pour déterminer le montant de la correction financière en cause. En ce sens, la République hellénique avance que la Commission n’a pas respecté la procédure de l’article 31 du règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO 2005, L 209, p. 1),en ajoutant la somme de 37 163 161,78 euros, correspondant à l’estimation de l’erreur telle qu’elle a été réalisée par les autorités grecques, au montant issu de la correction forfaitaire de 10 %, qu’elle a décidé de lui imposer.En outre, elle fait valoir qu’une procédure distincte est prévue aux articles 32 et suivants de ce règlement en ce qui concerne les cas de non-remboursement par les États membres de montants indûment versés. Enfin, elle estime que la Commission a confondu les modalités de détermination des erreurs concernant les faiblesses relatives aux pâturages, avec les modalités de détermination des erreurs liées aux faiblesses dans les contrôles sur place par télédétection.
119 La Commission conteste ces arguments.
120 À titre liminaire, il convient d’observer que la correction financière contestée résulte de l’application d’une correction ponctuelle et d’une correction forfaitaire. Il ressort du tableau figurant en annexe à la décision attaquée que les corrections en cause sont fondées sur des « faiblesses dans la définition des pâturages permanents éligibles » et des « erreurs manifestes et faiblesses dans les contrôles sur place par télédétection ».
121 En premier lieu, s’agissant de l’argumentation de la République hellénique selon laquelle la correction financière qui lui a été appliquée au titre de l’année de demandes 2013 serait injustifiée, car les autorités grecques auraient identifié les erreurs relatives, notamment, aux contrôles sur place par télédétection après l’année 2012, et selon laquelle l’impact financier des constatations de la Commission relatives à l’erreur manifeste aurait été évalué, il convient de constater que, au point 12.3.4 du rapport de synthèse, la Commission a notamment relevé qu’une accumulation d’erreurs et de déficiences problématiques avaient été identifiées pour l’année de demandes 2013. Ainsi, elle a considéré que les faiblesses dans la définition des pâturages éligibles étaient d’une « nature récurrente » et qu’elles conduisaient à une application des contrôles croisés et sur place erronée, ce qui représentait une déficience d’un contrôle clé.
122 Il ressort donc des observations de la Commission que, pour l’année de demandes 2013, la République hellénique a persisté à considérer comme étant éligibles aux paiements des pâturages permanents qui ne satisfaisaient pas aux critères de l’article 34 du règlement no 73/2009 et de l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009. En effet, la végétation sur ces surfaces ne pouvait pas être considérée comme de « l’herbe ou du fourrage herbacé ». Par ailleurs, la Commission a également relevé l’identification erronée de ces surfaces dans le SIPA, qui était utilisé pour les contrôles croisés, et qui était à l’origine de paiements indus,ainsi que l’admission excessive d’ « erreurs manifestes » par les autorités grecques, en conséquence de laquelle tant la détermination des paiements à réaliser que celle des sanctions applicables étaient incorrectement réalisées.
123 De plus, dans la lettre d’observations qui faisait suite à l’enquête portant la référence AA/2013/002/GR, la Commission avait déjà relevé, concernant les contrôles sur place par télédétection, qu’il ne pouvait pas être considéré que ceux-ci satisfaisaient aux critères définis par l’article 34 du règlement no 1122/2009. Ainsi, elle a notamment constaté à ce sujet que la photo-interprétation, en tant que telle, était déficiente du fait de la méthode appliquée, tandis que l’absence de visites rapides sur le terrain avait affecté les conclusions finales. En outre, la Commission a considéré qu’aucune « réelle » actualisation du SIPA n’avait été réalisée depuis 2008, une première actualisation n’ayant été promise par les autorités grecques que pour l’année 2014 et seulement destinée à couvrir 30 % de la surface du pays en utilisant des images datant de la période 2011-2013. En ce qui concerne les 70 % restants, une future actualisation demeurait incertaine. Il ressort de cette accumulation d’erreurs relevées par les services de la Commission qu’elles concernaient des éléments relatifs à la fois à l’éligibilité des pâturages et au système de contrôle mis en place par la République hellénique. Face à de telles faiblesses, le risque pour le fonds était avéré, ce que la République hellénique ne conteste pas au demeurant. Malgré cela, la Commission a, dans le calcul de la correction financière litigieuse, pris en compte les efforts des autorités grecques tendant à déterminer le montant de l’erreur connue sur la base du plan d’action tel que mis en œuvre lors de l’année de demandes 2013. Ainsi qu’elle le souligne dans le rapport de synthèse, c’est notamment parce que l’action des autorités grecques avait conduit à une amélioration de la situation qu’elle a décidé de réduire le pourcentage de la correction forfaitaire imposée de 25 à 10 % par rapport à l’année de demandes précédente.
124 Par ailleurs, la Commission a considéré que le calcul d’un risque pour le fonds d’un montant de 37 millions d’euros, réalisé par les autorités grecques sur la base des nouvelles données issues de l’actualisation du SIPA, ne couvrait toutefois pas l’intégralité de ce risque pour des raisons qui ont été clairement exposées tout au long de la procédure précontentieuse ainsi que dans le rapport de synthèse. En effet, elle a fait observer au point 12.3.4 de ce rapport de synthèse que ce montant ne tenait pas compte des sanctions qui auraient dû être appliquées et qu’une mission de contrôle effectuée au mois de novembre 2014 avait révélé la persistance d’erreurs concernant cemême SIPA.
125 Il y a donc lieu de constater que, confrontée à ces carences, c’est à juste titre que la Commission a considéré qu’elle ne pouvait déterminer avec exactitude le montant total du risque encouru par le fonds. En effet, il lui était impossible de calculer le montant des différentes erreurs cumulées et mises en avant dans ses lettres ainsi que dans le rapport de synthèse, puis dans la décision attaquée. À ce titre, l’imposition d’une correction forfaitaire était donc justifiée, puisque les calculs effectués par les autorités grecques ne suffisaient pas à déterminer le montant total du risque auquel le fonds avait été exposé du fait des déficiences exposées aux points 121 à 124 ci-dessus. Il ne saurait donc être avancé, comme le fait la République hellénique dans sa réplique, que la Commission a confondu les modalités de détermination des erreurs concernant les faiblesses relatives aux pâturages avec les modalités de détermination des erreurs connues liées aux faiblesses dans les contrôles sur place par télédétection. De même, il ne saurait pas non plus être avancé que la correction litigieuse a été imposée de manière abusive ou contradictoire.
126 En deuxième lieu, la République hellénique soutient que la Commission n’aurait pas dû réunir les trois violations en cause en une violation unique, dans la mesure où il aurait convenu, selon elle, de préciser pour quelle violation chaque correction était appliquée, sans quoi la correction litigieuse serait dépourvue de motivation.
127 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 29 avril 2004, Pays-Bas/Commission, C‑159/01, EU:C:2004:246, point 65 et jurisprudence citée).
128 Il convient également de rappeler que les décisions de la Commission en matière d’apurement des comptes du fonds sont prises sur le fondement d’un rapport de synthèse ainsi que d’une correspondance entre la Commission et l’État membre concerné (arrêt du 14 mars 2002, Pays-Bas/Commission, C‑132/99, EU:C:2002:168, point 39). Dans ces conditions, la motivation d’une décision refusant de retenir à la charge de celui-ci une partie des dépenses déclarées doit être considérée comme suffisante dès lors que l’État destinataire a été étroitement associé au processus d’élaboration de cette décision et qu’il connaissait les raisons pour lesquelles la Commission estimait ne pas devoir mettre à la charge du fonds la somme litigieuse (arrêts du 20 septembre 2001, Belgique/Commission, C‑263/98, EU:C:2001:455, point 98, et du 17 mai 2013, Grèce/Commission, T‑294/11, non publié, EU:T:2013:261, point 94).
129 En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que la République hellénique a été associée au processus d’élaboration de la décision attaquée et que la question de l’inéligibilité des superficies déclarées pour cause de non-conformité à la définition des pâturages permanents contenue à l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 [devenu article 2, sous c), du règlement no 1120/2009] a été expressément soulevée dans la correspondance initiale, dans le cadre de la procédure de conciliation et dans la position finale arrêtée par la Commission, ainsi qu’il ressort des lettres échangées entre cette dernière et la République hellénique, de l’avis de l’organe de conciliation et du rapport de synthèse.
130 Il ressort donc clairement des lettres de la Commission des 15 janvier 2014 et 28 février 2015, ainsi que de l’avis de l’organe de conciliation et du rapport de synthèse, que la République hellénique connaissait les irrégularités ayant motivé les corrections imposées, aussi bien en ce qui concerne les violations imputables à la définition des pâturages permanents qu’en ce qui concerne celles imputables aux erreurs manifestes et aux contrôles sur place par télédétection. À ce sujet, il y a également lieu de constater que les services de la Commission ont expressément contesté la manière dont les autorités grecques déterminaient les surfaces des pâturages éligibles aux aides en se fondant sur des exemples d’irrégularités, ainsi que le fait qu’ils ont constaté et énuméré des défaillances dans le fonctionnement du SIPA, dans les contrôles sur place, dans le manque de télédétection et dans l’admission excessive d’erreurs manifestes.
131 En outre, il ressort également des points 120 à 124 ci-dessus que les motifs de la correction en cause ont été clairement identifiés et exposés en ce qui concerne tant les faiblesses relatives à la définition des pâturages permanents que les erreurs manifestes et les faiblesses relatives aux contrôles sur place par télédétection.
132 Il s’ensuit que la République hellénique a été étroitement associée au processus d’élaboration de la décision attaquée et qu’elle connaissait les raisons qui fondaient cette décision pour chacune des violations alléguées.
133 Au demeurant, il ressort de l’ensemble des appréciations qui précèdent ainsi que des moyens et des arguments soulevés par la République hellénique sur le fondement des motifs de la décision attaquée, que ces motifs ont permis à celle-ci de connaître les raisons des corrections imposées et, au Tribunal, d’exercer son contrôle.
134 Il en résulte que la décision attaquée est motivée conformément aux exigences de l’article 296 TFUE. Il s’ensuit que l’argumentation de la République hellénique fondée sur le défaut de motivation ne saurait être retenue.
135 En troisième lieu, la République hellénique fait valoir que le mode de calcul adopté par la Commission pour déterminer la correction applicable pour l’année de demandes 2013 a conduit à l’imposition d’une double correction forfaitaire et ponctuelle, pour la même irrégularité et pour la même année de demandes 2013, ce qui ne serait prévu par aucune disposition du droit de l’Union.
136 Tout d’abord, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que prétend la République hellénique, les orientations issues du document VI/5330/97 permettent d’appliquer de telles corrections. En effet, ainsi que le relève la Commission, il ressort de la page 13 de ces orientations, d’une part, que, lorsqu’un même système recèle plusieurs carences, les taux forfaitaires de correction ne sont pas cumulatifs, la carence la plus grave étant considérée comme indicative des risques présentés par le système de contrôle dans son ensemble, et, d’autre part, que les taux forfaitaires sont applicables à ce qui reste des dépenses après déduction des montants écartés concernant les dossiers individuels.
137 C’est donc à tort que la République hellénique soutient que la Commission aurait prétendument violé les lignes directrices par le biais desquelles elle a limité l’exercice de son propre pouvoir d’appréciation en lui ayant appliqué le cumul d’une correction forfaitaire et d’une correction ponctuelle.
138 En outre, force est de constater que, en l’espèce, il ne saurait être question d’une double correction, pour les mêmes irrégularités et pour la même année de demandes, puisque le mode de calcul adopté par la Commission vise précisément à éviter un tel cumul. En effet, en ayant décidé de retrancher les montants calculés par les autorités grecques du montant à partir duquel la Commission a calculé la correction forfaitaire imposée, la Commission s’est justement assurée de ne pas imposer une double correction auxdits bénéficiaires particuliers déjà inclus dans le calcul prévu par les autorités grecques. En ce sens, et ainsi qu’elle le précise dans son mémoire en défense, la Commission a en effet accepté le calcul des autorités grecques pour les surfaces qui avaient été effectivement contrôlées et n’a donc appliqué une correction forfaitaire que pour celles qui n’avaient pas fait l’objet de contrôles et pour lesquelles aucune extrapolation n’avait été réalisée par les autorités grecques. Il ne saurait donc être reproché à la Commission d’avoir méconnu le principe non bis in idem en imposant la correction litigieuse à la République hellénique.
139 De même, ne saurait non plus prospérer l’argumentation de la République hellénique tirée d’une prétendue violation du principe de proportionnalité. Celle-ci reposerait, selon cette dernière, sur le fait que la Commission aurait appliqué « pour la même irrégularité et au titre de la même année de demande[s] 2013, à la fois une correction forfaitaire et une correction ponctuelle ». La République hellénique précise en outre, au stade de la duplique, que, par les modalités de calcul qu’elle a adoptées pour déterminer le montant de la correction, la Commission aurait doublement calculé le risque pour le fonds.
140 Cependant, s’agissant de ce principe de proportionnalité, il convient de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle ce principe, en tant que principe général du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis par la réglementation en cause. Ainsi, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêts du 12 juillet 2001, Jippes e.a., C‑189/01, EU:C:2001:420, point 81, et du 6 mai 2010, Comune di Napoli/Commission, T‑388/07, non publié, EU:T:2010:177, point 143).
141 Or, il ressort, des considérations exposées au point 138 ci-dessus que c’est précisément afin de prévenir l’imposition d’une double correction, pour les mêmes irrégularités et pour la même année, que la Commission a décidé de retrancher les montants calculés par les autorités grecques de celui à partir duquel elle a calculé la correction forfaitaire imposée. En outre, cette correction forfaitaire ne concernait que les surfaces qui n’avaient pas fait l’objet de contrôles et pour lesquelles aucune extrapolation n’avait été réalisée par lesdites autorités. C’est donc bien en cherchant à éviter l’imposition d’une correction démesurée par rapport aux buts visés que la Commission a déterminé le montant de la correction litigieuse.
142 Partant, la République hellénique ne saurait invoquer la violation du principe de proportionnalité à l’encontre de la décision attaquée.
143 Par ailleurs, il y a également lieu de constater que la décision de la Commission d’écarter les montants en cause dans le présent recours fait suite aux vérifications qu’elle a menées et qui étaient l’objet de notifications écrites, à l’issue desquelles les deux parties ont cherché à parvenir à un accord quant aux mesures à prendre pour y remédier. C’est seulement face à l’impossibilité de parvenir à un accord qu’une procédure de conciliation a ensuite été organisée. C’est donc de nouveau à tort que la République hellénique prétend que la Commission n’a pas respecté la procédure de l’article 31 du règlement no 1290/2005 avant de lui imposer la correction ponctuelle d’un montant de 37 163 161,78 euros qu’elle conteste.
144 De même, c’est toujours à tort que la République hellénique prétend que la Commission n’a pas respecté les exigences distinctement prévues à l’article 32 du règlement no 1290/2005 dans le cadre d’une procédure visant à imputer les conséquences des irrégularités constatées par la Commission à un État membre, puisque celui-ci dispose qu’il convient d’abord de suivre la procédure prévue à son article 31, ainsi que l’a justement relevé la Commission.
145 Sur ce point, il convient également de relever que c’est aussi à tort que la République hellénique affirme que la Commission avait considéré qu’un taux de 5 % était, en l’occurrence, manifestement approprié au début de ses conclusions. Il ressort en effet de l’analyse du rapport de synthèse que la Commission avait estimé qu’il convenait d’appliquer une correction d’au moins 5 %. Ce constat n’excluait donc pas l’éventualité d’un taux de correction plus important.
146 Concernant le calcul de la correction financière proprement dit, il est important de relever que c’est conformément à sa pratique constante et aux orientations contenues dans le document VI/5330/97 qui préconise que les taux forfaitaires de correction soient « appliqués à ce qui reste des dépenses après déduction des montants écartés concernant des dossiers individuels » que la Commission a déduit les taux d’erreurs déjà constatées par les autorités grecques de son propre calcul visant à déterminer le montant de la correction forfaitaire qu’il convenait d’imposer à la République hellénique. Ce faisant, et contrairement à ce que prétend cette dernière, la Commission s’assurait que les bénéficiaires particuliers de paiements indus dont les autorités grecques avaient déjà établi qu’ils devraient être recouvrés ne seraient pas soumis à une double correction.
147 En quatrième lieu, en ce qui concerne la prétendue violation du principe de bonne administration invoquée par la République hellénique, il y a lieu de constater que ce grief doit être rejeté compte tenu de son caractère abstrait et non étayé par des éléments tenant aux circonstances du cas d’espèce.
148 Dès lors, le troisième moyen, tiré du caractère illégal et abusif ainsi que des motifs contradictoires de la correction financière appliquée au titre de l’année de demandes 2013, de l’interprétation et de l’application erronées des lignes directrices (document VI/5330/97) sur lesquelles elle repose, et de la violation du principe de bonne administration, de proportionnalité et non bis in idem, ainsi que des droits de la défense de la République hellénique, doit être rejeté.
B. S’agissant du développement rural
1. Sur les moyens relatifs à la correction forfaitaire de 5 % appliquée pour des faiblesses dans l’application des critères de sélection des projets de la mesure 125
149 S’agissant de la correction de 5 % appliquée pour des faiblesses dans l’application des critères de sélection des projets de la mesure 125, la République hellénique invoque deux moyens. Le premier concerne les exercices financiers 2010, 2011, 2012 et 2013 et est tiré d’un défaut de base légale et de motivation, ainsi que d’une erreur de fait, en ce que l’intervention de la direction technique des études et constructions (ci-après la « DTEC ») a été exercée dans le respect de ses compétences et en toute légalité. Le second est tiré de ce que la correction forfaitaire de 5 % imposée pour les dépenses effectuées au titre de l’exercice financier 2010, d’un montant de 506 480,19 euros, aurait été appliquée en violation de l’article 31 du règlement no 1290/2005, dans la mesure où celles-ci ont été effectuées plus de 24 mois avant la notification écrite par la Commission des résultats des vérifications.
a) Sur le quatrième moyen, tiré du défaut de base légale et de motivation de la décision attaquée ainsi que d’une erreur de fait quant à la correction forfaitaire de 5 % appliquée au titre des exercices financiers 2010, 2011, 2012 et 2013
150 La République hellénique fait, en substance, grief à la Commission d’avoir appliqué une correction forfaitaire de 5 % au titre des exercices financiers 2010 à 2013, au motif de l’application de critères de sélection des projets éligibles pour la participation du Feader qui n’étaient pas ceux fixés par l’autorité de gestion compétente.
151 À titre liminaire, il convient de rappeler que les dispositions générales régissant le fonctionnement du Feader pendant la période de programmation 2007-2013 sont issues du règlement no 1698/2005. Ainsi, en vertu de l’article 71, paragraphe 2, de ce règlement, les « dépenses ne sont éligibles pour la participation du Feader que si elles sont effectuées pour des opérations décidées par l’autorité de gestion du programme concerné ou sous sa responsabilité, selon les critères de sélection fixés par l’organe compétent ».
152 Des dispositions complémentaires figurent dans le règlement (CE) no 1974/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, portant modalités d’application du règlement no 1698/2005 (JO 2006, L 368, p. 15), dont l’article 48, paragraphe 1, prévoit que, pour assurer une protection efficace des intérêts financiers de l’Union, « les États membres veillent à ce que toutes les mesures de développement rural qu’ils entendent mettre en œuvre puissent faire l’objet de contrôles et de vérifications » et « élaborent à cet effet des dispositions en matière de contrôles leur permettant de s’assurer de façon satisfaisante du respect des critères d’admissibilité et autres engagements ».
153 Il ressort du considérant 61 et de l’article 71, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1698/2005 que, conformément au principe de subsidiarité, les règles d’éligibilité des dépenses sont, en principe, fixées au niveau national, et que les dépenses ne sont éligibles que si elles sont effectuées pour des opérations décidées selon les critères de sélection fixés par l’organe compétent.
154 Dans ce contexte, il appartient aux autorités des États membres d’agir en respectant les orientations et les limites fixées par l’habilitation que leur confère le règlement no 1698/2005, d’une part, dans la fixation de critères de sélection à l’égard des dépenses concernées et, d’autre part, dans l’application de ces critères.
155 Aussi, il convient de vérifier si la procédure de sélection telle qu’elle est organisée par la République hellénique répond aux exigences formulées par les dispositions de l’article 71, paragraphe 2, du règlement no 1698/2005. Il convient donc notamment de s’assurer que la sélection effective des projets résulte bien d’une décision prise par l’autorité de gestion, seule compétente pour fixer les critères et pour intégrer les projets à la mesure 125.
156 À cet égard, la République hellénique fait valoir que, chaque année, l’intervention de la DTEC consiste en « un contrôle préalable, un premier examen afin de déterminer la fiabilité de la proposition d’investissement, c’est-à-dire qu’elle vérifie si elle entre bien dans le champ d’application de la mesure, si le budget est réaliste, si les études exigées (étude d’ouvrages hydrauliques, étude géotechnique etc., selon le projet en cause) et les autorisations existent, y compris les autorisations environnementales (homologation des conditions environnementales) ». La République hellénique considère donc que la DTEC n’a pas de pouvoir de décision, mais seulement un pouvoir d’avis.
157 Toutefois, il ressort de la communication formelle de la Commission du 27 mai 2014 que la sélection des projets se déroulait selon plusieurs étapes successives : un appel à propositions, une présélection et la sélection. Or, la Commission a relevé à ce sujet que si les première et troisième étapes semblaient classiques, la phase de présélection menée par la DTEC était problématique.
158 En effet, il ressort du compte rendu de la réunion bilatérale du 5 septembre 2013 que la DTEC évaluait les projets qui lui étaient soumis sur la base de critères qui lui étaient propres et qui différaient de ceux fixés par l’autorité de gestion, ce qui avait pour effet de limiter l’accès à la phase de sélection formelle pour un certain nombre de dossiers. Or, cette phase de sélection formelle était pour sa part réalisée par l’autorité de gestion sur la base des critères fixés par l’organe compétent. Ainsi, au stade de l’évaluation par la DTEC, la validité des projets en cause était évaluée selon trois critères et les coefficients de pondération suivants : 45 % pour la proportion de la terre cultivée, 35 % pour les besoins en eau et 20 % pour l’impact territorial de la concentration de fonds. Par ailleurs, les autorités grecques ont reconnu que ces critères différaient de ceux qui étaient appliqués par l’autorité de gestion et qu’ils n’avaient pas été fixés par l’organe compétent.
159 Il convient également de relever que toutes les propositions évaluées par la DTEC n’étaient pas ensuite transmises à l’autorité de gestion.
160 Il en ressort que la phase de « présélection » en cause dépassait clairement le stade de la seule évaluation formelle qui n’aurait eu pour seule vocation que de porter sur des éléments objectifs, parmi lesquels pourraient, par exemple, figurer le contrôle des permis requis, l’existence d’autorisations ou encore l’absence de problèmes d’ordre technique. Elle ne se limitait en effet pas au contrôle de l’éligibilité des propositions soumises, et donc de leur validité, mais, dans le cadre de cette phase, était porté, au contraire, un véritable jugement de fond au terme duquel un certain nombre de projets n’étaient pas transmis à l’autorité de gestion, et ce alors que les critères appliqués pour réaliser cette « présélection » n’étaient pas fixés par l’organe compétent ainsi que cela a été précisé au point 158 ci-dessus.
161 Par ailleurs, il est sans incidence que, ainsi que le fait valoir la République hellénique, la procédure en cause constitue un processus institutionnalisé de la structure administrative relative à l’organisation des travaux publics en Grèce, qui est suivi depuis des décennies sans qu’aucune observation ou suggestion ait jamais été formulée à ce sujet, ni qu’aucun contrôle de la Commission ait relevé les moindres irrégularité ou projet qui auraient été inclus à tort ou du fait d’un traitement de faveur.
162 De même, il est inexact de prétendre que cette pratique de présélection, telle qu’elle était réalisée par la DTEC, ne constituait pas un obstacle, ni ne représentait un risque pour le fonds.
163 En effet, en ne respectant pas les orientations et les limites fixées par l’habilitation que leur conférait le règlement no 1698/2005, les autorités grecques ont clairement méconnu une des obligations fondamentales qui leur incombait en vertu de cette disposition.
164 Le manquement constaté doit par conséquent être considéré comme la défaillance d’un contrôle clé, dont il est raisonnablement permis de penser qu’il faisait peser un risque élevé de pertes sur le fonds. Il entraînait en effet un risque d’allouer des ressources de l’Union à des opérations qui ne présentaient pas les mérites nécessaires.
165 Au regard de l’analyse qui précède, il y a donc lieu de rejeter le quatrième moyen.
b) Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 31 du règlement no 1290/2005
166 La République hellénique fait valoir, en substance, que la correction forfaitaire de 5 % imposée par la Commission pour les dépenses effectuées au titre de l’exercice financier 2010, d’un montant de 506 480,19 euros, est illégale et doit être annulée. En effet, elle considère que la Commission a violé l’article 31, paragraphe 4, du règlement no 1290/2005, dans la mesure où il n’y aurait pas lieu d’appliquer une correction financière en dehors de la période de 24 mois précédant la communication écrite par la Commission de ses constatations. Elle conteste que la correction en cause puisse être justifiée sur la base de l’article 31, paragraphe 4, sous b), du règlement no 1290/2005, car la mesure 125 n’est pas une mesure pluriannuelle.
167 En réponse aux arguments de la Commission, la République hellénique fait également valoir que cette dernière ne lui a jamais demandé d’informations en vue de fonder sa conclusion selon laquelle les paiements en cause de l’année 2010 étaient liés à des paiements finaux effectués au titre de projets précis au cours de ces 24 mois, à savoir du 9 janvier 2011 au 9 janvier 2013. Elle allègue, en substance, que, en invoquant l’article 31, paragraphe 4, sous c), du règlement no 1290/2005 comme base légale pour la correction au stade de la défense, la Commission viole son obligation de motivation. En outre, cette disposition ne pourrait fonder la correction en question, car cette correction aurait été appliquée à l’ensemble des dépenses effectuées au titre des années 2010 à 2013 pour les projets intégrés dans le cadre du règlement no 1698/2005. Or, ces projets étaient en cours et aucun paiement final n’avait été effectué les concernant, puisque, à cette époque, aucun de ces projets n’était encore achevé. Enfin, il ressort de l’argumentation développée par la République hellénique durant l’audience que le présent moyen vise à contester la base juridique erronée ainsi que la motivation insuffisante de la correction financière litigieuse.
168 La Commission conteste cette argumentation.
169 Au vu de ces arguments, il convient de rappeler le contenu de l’article 31, paragraphe 4, du règlement no 1290/2005. Cette disposition prévoit :
« Un refus de financement ne peut pas porter sur :
a) les dépenses visées à l’article 3, paragraphe 1, qui ont été effectuées plus de vingt-quatre mois avant que la Commission ait notifié par écrit à l’État membre concerné les résultats des vérifications ;
b) les dépenses relatives à des mesures pluriannuelles faisant partie des dépenses visées à l’article 3, paragraphe 1, ou des programmes visés à l’article 4, pour lesquelles la dernière obligation imposée au bénéficiaire est intervenue plus de vingt-quatre mois avant que la Commission ait notifié par écrit à l’État membre concerné le résultat des vérifications ;
c) les dépenses relatives aux mesures prévues dans les programmes visés à l’article 4 autres que celles visées [sous] b), pour lesquelles le paiement ou, le cas échéant, le paiement du solde, par l’organisme payeur, a été effectué plus de vingt-quatre mois avant que la Commission ait notifié par écrit à l’État membre concerné le résultat des vérifications. »
170 L’article 4 du règlement no 1290/2005 prévoit que :
« Le Feader finance en gestion partagée entre les États membres et la Communauté la contribution financière de la Communauté aux programmes de développement rural exécutés conformément à la législation communautaire relative au soutien au développement rural par le Feader ».
171 En premier lieu, en ce que la République hellénique fait valoir que la décision attaquée est entachée d’une motivation insuffisante, il convient de rappeler les faits suivants.
172 Comme il a été exposé aux points 7 à 21 ci-dessus, l’enquête de la Commission relative à des mesures grecques relevant du programme de développement rural du Feader au cours des exercices financiers 2010, 2011, 2012 et 2013 portait notamment sur la mesure 125. Ainsi que la République hellénique l’a précisé dans sa lettre du 5 mars 2015, la mesure 125 A, action 1, dans le programme de développement rural national approuvé pour la période 2007-2013 est conçue de sorte à répondre à l’objectif d’amélioration de la gestion de l’eau agricole. À la suite d’une réunion bilatérale avec les autorités grecques, la Commission a notifié à la République hellénique son intention de proposer une correction forfaitaire de 5 % correspondant à un montant de 3 107 504,18 euros en raison de faiblesses constatées dans l’application, en Grèce, de la mesure 125.
173 À l’appui de la prise en compte d’éléments de l’année 2010 pour l’établissement de cette correction, la Commission affirmait, dans sa communication formelle du 27 mai 2014, que « comme le prévoit le règlement, cette correction financière est fondée sur tous les paiements intervenus dans les vingt-quatre mois précédant la notification de la Commission (article 11 de la lettre), de même que toutes les avances et tous les paiements intermédiaires liés aux paiements finals intervenus durant ces vingt-quatre mois [ ; c]es premiers paiements sont intervenus durant l’exercice financier 2010 ». La note en bas de page no 3 précisait que la mention « le règlement » renvoyait à l’article 31, paragraphe 4, sous b), du règlement no 1290/2005.
174 Lors de la procédure de conciliation introduite par la République hellénique, la Commission a cependant indiqué, dans une lettre du 15 décembre 2014 adressée à l’organe de conciliation, que ses services « admett[aient] que le cadre juridique [précédemment mentionné] était erroné ». Elle citait ensuite expressément la disposition de l’article 31, paragraphe 4, sous c), du règlement no 1290/2005 qu’elle désignait en tant que base juridique de la correction financière proposée. Dans le rapport de l’organe de conciliation, il a été indiqué que « les services [de la Commission] ont expliqué que la référence à l’article 31(4)(b) du règlement (CE) no 1290/2005 était erronée [ ; l]a proposition était basée sur et calculée par rapport à l’article 31(4)(c) ».
175 Enfin, l’intitulé du rapport de synthèse précise que celui-ci a été adopté sur la base de l’article 31 du règlement no 1290/2005.
176 Il ressort de ce qui précède que, pour la mesure 125, d’une part, la Commission a fondé la correction financière en tenant compte de l’exercice financier 2010 sur la base de l’article 31, paragraphe 4, sous c), du règlement no 1290/2005 et, d’autre part, la République hellénique a été informée de cette base juridique au cours de la procédure ayant abouti à la décision attaquée.
177 En outre, la République hellénique ne peut utilement alléguer une insuffisance de motivation au motif que la référence précitée ne lui a pas été directement apportée, puisque la lettre du 15 décembre 2014 était adressée à l’organe de conciliation et, que, en tout état de cause, elle n’a été communiquée par la Commission qu’au cours de la procédure de conciliation.
178 En effet, tout d’abord, la République hellénique ne peut alléguer ne pas avoir pu prendre connaissance de cette référence dès lors qu’elle s’est vu transmettre le rapport de l’organe de conciliation dans lequel figurait expressément cette référence. Ensuite, il convient de rappeler que la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au juge de l’Union d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement du libellé de cet acte, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 12 septembre 2012, Grèce/Commission, T‑356/08, non publié, EU:T:2012:418, point 113 et jurisprudence citée).
179 Or, l’intitulé du rapport de synthèse contenant les motifs de la décision attaquée indique expressément qu’il se fonde sur l’article 31 du règlement no 1290/2005. De plus, la République hellénique a lancé et participé à la procédure de conciliation qui fait partie de la procédure et donc du contexte ayant mené à l’adoption de la décision attaquée. De sorte, elle ne pouvait pas ne pas savoir que la Commission fondait la prise en compte de l’exercice financier 2010 lors des corrections afférentes à la mesure 125 à l’article 31, paragraphe 4, sous c), du règlement no 1290/2005.
180 Pour les motifs qui précèdent, il convient de rejeter le grief tiré de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée dès lors que le fondement de la prise en compte des paiements de l’exercice financier 2010 pour la mesure 125 a été exposé clairement lors de la procédure de conciliation introduite par la République hellénique. Il s’ensuit également que la République hellénique ne saurait utilement invoquer un prétendu élargissement des motifs de la décision attaquée dans le mémoire en défense de la Commission, ni une violation du droit à une protection juridictionnelle effective à ce sujet. De même, il ressort du développement qui précède qu’il y a lieu d’écarter les griefs de la République hellénique tirés de l’application erronée de l’article 31, paragraphe 4, sous b), du règlement no 1290/2005 dès lors que cette disposition n’a pas fondé la décision attaquée.
181 En second lieu, en ce que la République hellénique allègue que l’article 31, paragraphe 4, sous c), du règlement no 1290/2005 ne pourrait fonder la correction en question, dans la mesure où il n’y aurait pas lieu d’appliquer une correction financière en dehors de la période de 24 mois précédant la communication écrite par la Commission de ses constatations, il convient d’observer ce qui suit.
182 La mesure 125 participe au programme de développement rural 2007-2013. Par ailleurs, il ressort tant des écritures des parties que de leur argumentation lors de l’audience que celles-ci s’accordent sur le fait que les projets en cause ne sont pas des mesures pluriannuelles au sens de l’article 31, paragraphe 4, sous b), du règlement no 1290/2005, mais des projets de longue durée, en ce sens que la période entre les premières études de faisabilité et l’achèvement du projet s’étend sur plusieurs années.
183 Il est nécessaire de rappeler à ce sujet que, en application de l’article 31, paragraphe 4, sous c), du règlement no 1290/2005, un refus de financement ne peut pas porter sur « les dépenses relatives aux mesures prévues dans les programmes visés à l’article 4 autres que celles visées [sous] b), pour lesquelles le paiement ou, le cas échéant, le paiement du solde, par l’organisme payeur, a été effectué plus de vingt-quatre mois avant que la Commission ait notifié par écrit à l’État membre concerné le résultat des vérifications ». Il découle de cette disposition que, lorsqu’il est procédé par des paiements intermédiaires et provisoires suivis d’un paiement définitif du solde, ce dernier paiement sera pris en compte aux fins de l’application du délai de 24 mois.
184 En effet, il a été jugé, s’agissant du délai de 24 mois visé respectivement à l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement (CEE) no 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO 1970, L 94, 13), tel que modifié par le règlement (CE) no 1287/95 du Conseil, du 22 mai 1995 (JO 1995, L 125, p. 1), et à l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement (CEE) no 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO 1999, L 160, p. 103), que la date déterminante pour l’application de ce délai était celle à laquelle le montant définitif de l’aide compensatoire était fixé ou celle à laquelle le solde était versé. Cette interprétation a été justifiée par le fait que les montants versés au cours de l’année précédente ne constituaient que des versements provisoires subordonnés à la constitution d’une garantie et n’étaient, dès lors, pas pertinents pour déterminer la date à laquelle la dépense d’aide a été effectuée aux fins de l’application du délai de 24 mois (arrêts du 19 juin 2003, Espagne/Commission, C‑329/00, EU:C:2003:355, point 43, et du 12 novembre 2010, Espagne/Commission, T‑113/08, non publié, EU:T:2010:465, point 122).
185 Par analogie avec cette jurisprudence, il importe, aux fins du calcul du délai de 24 mois visé à l’article 31, paragraphe 4, sous c), du règlement no 1290/2005, de prendre en compte la date à laquelle le montant définitif de l’aide est fixé et où le solde est versé. Les montants versés provisoirement ou les paiements intermédiaires ne sont pas pertinents aux fins du calcul du délai de 24 mois visé par cette disposition.
186 En l’espèce, la notification écrite à la République hellénique du résultat des vérifications portant sur la mesure 125 date du 9 janvier 2013. Il s’ensuit que, en application de l’article 31, paragraphe 4, sous c), du règlement no 1290/2005, la Commission pouvait, le cas échéant, appliquer la procédure de correction aux dépenses effectuées par la République hellénique à partir du 9 janvier 2011. Pour les motifs qui précèdent, celle-ci pouvait également porter sur des dépenses intermédiaires et provisoires antérieures au 9 janvier 2011, pour autant que le paiement final ou du solde ait eu lieu après le 9 janvier 2011.
187 Au regard de ces observations, et en ce qui concerne l’argument de la République hellénique selon lequel la Commission ne lui a jamais demandé d’informations en vue de fonder sa conclusion selon laquelle les paiements en cause de l’exercice financier 2010 étaient liés à des paiement finaux effectués au titre de projets précis au cours de la période se situant entre le 9 janvier 2011 et le 9 janvier 2013, il convient de relever ce qui suit.
188 D’abord, il y a lieu de constater que la Commission avait clairement notifié à la République hellénique la prise en compte, aux fins du calcul de la correction litigieuse, de toutes les avances et de tous les paiements intermédiaires liés à un paiement survenu dans les 24 mois précédant la notification écrite des résultats de ses vérifications, à partir de l’exercice financier 2010.Or, la République hellénique ne lui a jamais opposé de réaction visant à faire valoir que ces paiements ou avances ne seraient pas liés à un tel paiement, pas plus qu’elle n’a ensuite été en mesure de le démontrer au cours de la procédure écrite ou de l’audience devant le Tribunal.
189 Ainsi, il convient de relever que la République hellénique n’a nullement fait apparaître, ni au cours de la procédure administrative, ni dans ses écritures, ni dans ses réponses aux questions formulées par le Tribunal durant l’audience, que certaines des dépenses de 2010 qui ont été prises en compte dans le calcul du montant de la correction litigieuse n’étaient pas liées à un paiement ou à un paiement du solde intervenu postérieurement au 9 janvier 2011, et qu’il y aurait donc lieu de considérer qu’un refus de financement ne pouvait leur être imposé au titre de l’article 31, paragraphe 4, sous c), du règlement no 2390/2005. Bien au contraire, il ressort de son affirmation selon laquelle « la correction financière au titre de la mesure 125 a été appliquée à l’ensemble des dépenses effectuées au titre des années 2010 à 2013 pour les projets intégrés dans le cadre du règlement 1698/2005 [ ; c]es projets étaient en cours et aucun paiement final n’avait été effectué les concernant, puisque, à cette époque, aucun de ces projets n’était encore achevé » qu’aucune desdites dépenses n’avait vocation à échapper au champ d’application de cette disposition, puisque aucun des paiements effectués au titre de l’exercice financier 2010 n’était un paiement final.
190 Ensuite, il y a également lieu de constater que le tableau joint en annexe à la lettre de la République hellénique du 27 décembre 2013 contient les paiements effectués en 2010 par le biais des fonds de l’Union pour les projets relevant de la mesure 125. De plus, dans la lettre du 28 décembre 2017, la République hellénique précise que ce tableau contient les dépenses au titre des années 2010 et suivantes, puisque l’année 2010 était la première année à partir de laquelle les dépenses ont été versées au titre de la mesure 125 dans le cadre du programme de développement rural 2007-2013 en cause. Ce tableau permet donc d’identifier quels montants ont été payés sur la base d’une participation de l’Union pour quels projets relevant de la mesure 125 pour les années 2010 à 2013.
191 La République hellénique avance que les projets intégrés dans le cadre du règlement no 1698/2005 étaient en cours et qu’aucun paiement final n’avait été effectué les concernant. Cependant, l’analyse du tableau précédemment évoqué, qui, selon les écrits des parties, indique « pour chaque exercice financier à compter du 1er janvier 2007, le montant total payé aux bénéficiaires », révèle que, pour le projet portant la référence 109464, les paiements introduits en 2010 n’ont pas perduré au-delà de l’année 2012. Dans la mesure où la République hellénique n’a jamais été en mesure d’établir devant le Tribunal en quoi ces derniers paiements ne sauraient être considérés comme finaux, il doit en être conclu que, pour ces projets ou phases de projets, ceux-ci sont bien des paiements finaux ou du solde au sens de l’article 31, paragraphe 4, sous c), du règlement no 1290/2005. De même, pour les autres projets figurant dans le tableau et pour lesquels des paiements ont également introduits en 2010, ceux-ci se sont poursuivis jusqu’en 2013. En ce qui les concerne, il convient d’observer que le programme dont faisaient partie les projets visés par ces paiements était le programme de développement rural 2007-2013 et qu’aucun financement de l’Union sous ce programme ne pouvait aller au-delà de 2013. Partant, dans la mesure où le tableau susmentionné fait état de derniers paiements en 2013 et en l’absence de preuve tendant à démontrer que ces projets n’étaient pas encore achevés et qu’aucun paiement final n’avait été effectué, la République hellénique ne saurait prétendre, ainsi qu’elle le fait pour la première fois au stade de la réplique, que la Commission n’était pas fondée à considérer que les dépenses en cause ne relevaient pas du champ d’application de l’article 31, paragraphe 4, sous c), du règlement no 1290/2005.
192 Au vu de ce qui précède, il convient de constater que c’est à tort que la République hellénique estime que l’article 31, paragraphe 4, sous c), du règlement no 1290/2005 ne pouvait fonder la prise en compte de paiements de l’exercice financier 2010 afférents aux projets relevant de la mesure 125.
193 Cette appréciation n’est pas remise en cause par l’argument de la République hellénique selon lequel cette appréciation reviendrait à permettre à la Commission d’imposer indéfiniment des sanctions financières pour les dépenses de la mesures 125, ce qui violerait les principes de bonne administration, de proportionnalité et de sécurité juridique.En effet, il est erroné de prétendre que l’application de l’article 31, paragraphe 4, sous c), du règlement no 1290/2005 permet d’imposer indéfiniment des sanctions financières. Comme il a été exposé aux points 183 à 185 ci-dessus, cette disposition permet uniquement de prendre en compte des paiements intermédiaires antérieurs à la période de 24 mois qui précédait la notification, à l’État membre concerné, du résultat de ses vérifications par la Commission, pour autant que le paiement du solde par l’organisme payeur ait été effectué au cours de cette période. Le paiement du solde fixe cependant définitivement la période au cours de laquelle la Commission peut imposer une correction financière pour les dépenses échelonnées de la mesure 125.
194 Par ailleurs, il convient enfin de rappeler que le principe de sécurité juridique, qui est un principe général du droit de l’Union, exige que le droit de l’Union soit clair et son application prévisible pour ceux qui sont concernés. Cet impératif requiert que tout acte visant à créer des effets juridiques emprunte sa force obligatoire à une disposition du droit de l’Union qui doit expressément être indiquée comme base juridique et qui prescrit la forme juridique dont l’acte doit être revêtu (voir arrêts du 12 décembre 2007, Italie/Commission, T‑308/05, EU:T:2007:382, point 123 et jurisprudence citée, et du 29 septembre 2011, Pologne/Commission, T‑4/06, non publié, EU:T:2011:546, point 82 et jurisprudence citée).
195 Or, en l’espèce, le rapport de synthèse prévoit expressément que la correction en cause a été adoptée sur la base de l’article 31 du règlement no 1290/2005. De plus, préalablement à l’adoption de la décision attaquée et du rapport de synthèse, la République hellénique a été informée par la Commission que celle-ci fonderait cette correction sur le paragraphe 4, sous c), de cette disposition. Il s’ensuit que la République hellénique ne saurait utilement invoquer, dans le cas d’espèce, une violation du principe de sécurité juridique. En ce que la République hellénique invoque également une violation des principes de bonne administration et de proportionnalité, il y a lieu de rejeter ces griefs, dès lors qu’ils n’ont pas été dûment exposés.
196 Pour l’ensemble des motifs qui précèdent, le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 31 du règlement no 1290/2005, doit être rejeté.
2. Sur les moyens relatifs à la correction ponctuelle appliquée au titre des exercices financiers 2011, 2012 et 2013 en raison de faiblesses constatées dans l’application de la politique de sanction s’agissant de la mesure 121
197 S’agissant de la correction ponctuelle de 772 956,32 euros appliquée pour des faiblesses constatées dans l’application de la politique de sanction concernant la mesure 121, la République hellénique invoque deux moyens, tirés, pour le premier, du caractère illégal de la décision de la Commission ainsi que de la méthode de calcul par laquelle le montant de la correction litigieuse a été déterminé et, pour le second, invoqué à titre subsidiaire, du défaut de base légale et de motivation de la décision attaquée ainsi que d’une violation du document VI/5330/97.
a) Sur le sixième moyen, relatif à l’illégalité de la méthode de calcul de la correction qui mènerait à des résultats disproportionnés au regard des faiblesses constatées
198 La République hellénique fait valoir, en substance, que la Commission aurait commis une erreur en considérant qu’il convenait de lui appliquer une correction ponctuelle d’un montant de 772 956,32 euros, alors qu’elle avait pourtant reconnu l’existence d’un cadre juridique national qui prévoyait une politique de sanctions et qui avait effectivement été appliqué. À cet égard, elle conteste les modalités de calcul de la correction litigieuse adoptées par la Commission.
199 La Commission conteste cette argumentation.
200 À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 73 du règlement (CE) no 817/2004 de la Commission, du 29 avril 2004, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1257/1999 du Conseil concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) (JO 2004, L 153, p. 30), « [l]es États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions du présent règlement, et prennent toute mesure nécessaire pour en assurer la mise en œuvre [ ; l]es sanctions ainsi prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives ».
201 En l’espèce, la Commission a refusé de reconnaître que la simple déduction ou que le simple recouvrement des montants non éligibles auprès de leurs bénéficiaires constituaient une sanction effective, proportionnée et dissuasive.
202 Les éléments suivants ont été mis en avant par la Commission pour justifier l’existence d’un doute sérieux et raisonnable quant à la conformité de la politique de sanctions mise en place par la République hellénique aux exigences fixées à l’article 73 du règlement no 817/2004 alors applicable. Premièrement, dans de nombreux cas de différences entre les montants déclarés et les montants éligibles, des sanctions n’auraient pas été imposées, puisque la République hellénique aurait simplement rejeté les dépenses non éligibles et adapté les dépenses dans les limites de l’éligibilité en supprimant les excès, ainsi qu’il ressort de la pratique que la République hellénique décrit elle-même dans la requête. Deuxièmement, la République hellénique se serait contentée d’exclure, plutôt que de véritablement sanctionner, certains projets non conformes afin de ne pas financer des projets non réalisés ou non productifs.
203 À ce sujet, il convient de relever d’emblée que l’organe de conciliation s’est, lui-aussi, interrogé quant à la conformité aux exigences du règlement no 817/2004 de la simple déduction ou du simple recouvrement des montants contrôlés qui avaient été décrétés non éligibles.
204 Il y a également lieu de constater que la République hellénique a décrit sa propre pratique en affirmant que l’ensemble des demandes de paiement et toutes les dépenses proposées comme éligibles étaient systématiquement contrôlées et, qu’en conséquence, toute dépense ne répondant pas à la règle d’éligibilité était identifiée et exclue, la dépense étant par ailleurs réévaluée à son juste montant. Ce mode de fonctionnement lui permettait de déterminer correctement le montant des dépenses et la République hellénique insiste sur le fait qu’aucun dépassement des dépenses éligibles n’était toléré sans qu’il y soit mis fin.
205 Il ressort ainsi des explications fournies par la République hellénique que la « politique de sanctions » qu’elle revendique avoir établie se caractérise essentiellement par la mise en œuvre généralisée d’une inspection sur place auprès des projets d’investissements ainsi que par une éventuelle exclusion, un éventuel remboursement de la participation publique et l’exclusion de deux ans de tout soutien du Feader dans l’hypothèse où des irrégularités seraient constatées.
206 Il ressort par exemple de l’annexe 1 à la lettre d’observations du 9 janvier 2013 de la Commission, relative à son enquête RD 1/2012/810/GR que, dans le cas d’un projet consacré à la construction d’une bergerie et d’un silo pour nourrir les animaux, les inspecteurs avaient, lors d’une inspection sur le terrain, constaté que celui-ci consistait en réalité en l’extension d’une bergerie déjà existante. Or, le montant de l’aide accordée couvrait l’intégralité de la construction. En conséquence, l’inspecteur avait décidé de diminuer le montant de l’aide accordée au bénéficiaire en cause, sans pour autant lui appliquer une sanction additionnelle.De même, la Commission a également constaté, concernant l’un des projets contrôlés durant cette même enquête, que les autorités grecques avaient identifié des dépenses inéligibles correspondant à un montant de 7,5 %. En conséquence, les autorités grecques avaient seulement réduit la demande du bénéficiaire de ce montant, sans pour autant appliquer une autre sanction.
207 À cet égard, force est ainsi de constater que la conjugaison des mesures que la République hellénique estime être constitutive d’une « politique de sanction » ne saurait être qualifiée comme telle. En effet, les actions de vérification de l’éligibilité des demandes de paiements et des dépenses proposées, la non-tolérance du dépassement des dépenses éligibles ou encore l’exigence de remboursement des irrégularités éventuellement constatées ne s’apparentent qu’à une démarche légitime et nécessaire de contrôle de la conformité des pratiques en vigueur avec le droit applicable, et d’éventuelles récupérations de montants indûment versés. Il ne saurait, en conséquence, leur être attribué le caractère de sanction.
208 De même, en ce qui concerne l’éventuelle exclusion des projets dont ces contrôles révéleraient qu’ils ne répondraient pas aux conditions d’éligibilité, il y a lieu de préciser que, lorsque le législateur de l’Union fixe des conditions d’éligibilité pour l’octroi d’une aide, l’exclusion qu’entraîne l’inobservation de l’une de ces conditions ne constitue pas une sanction, mais la simple conséquence du non-respect desdites conditions prévues par la loi (voir arrêt du 24 mai 2012, Hehenberger, C‑188/11, EU:C:2012:312, point 37 et jurisprudence citée).
209 Ainsi, seule l’éventuelle exclusion pour deux ans de tout soutien du Feader des bénéficiaires qui se rendraient coupables d’irrégularités s’apparente, comme telle, à une véritable sanction. Cette pratique ne peut toutefois, à elle seule, justifier de l’existence d’une véritable « politique de sanction » qui serait suffisamment dissuasive.
210 Compte tenu de la nécessité, en application de l’article 73 du règlement no 817/2004, de prévoir des sanctions effectives, la République hellénique ne peut prétendre avoir mis en place un régime de sanctions en imposant un remboursement des irrégularités éventuellement constatées et une éventuelle exclusion pour deux ans de tout soutien du Feader. En effet, cette dernière sanction n’est pas suffisamment dissuasive et, partant, efficace pour constituer un régime de sanction au sens de l’article 73 du règlement no 817/2004.
211 C’est donc à juste titre que la Commission fait valoir que l’exclusion des bénéficiaires ou le remboursement par ceux-ci des montants indûment versés, constituent les conséquences logiques de la violation de leurs obligations ou de leurs abus, mais ne sauraient pour autant être considérés comme véritablement constitutifs de sanctions effectives, proportionnées et surtout dissuasives, celles-ci devant, par définition et par nature, revêtir un caractère punitif susceptible de persuader les bénéficiaires qu’il n’est pas dans leur intérêt d’adopter de tels comportements.
212 D’ailleurs, et contrairement à ce que prétend la République hellénique, dans le rapport de synthèse, la Commission n’a reconnu qu’il existait bien un cadre juridique national prévoyant une politique de sanctions qui a effectivement été appliquée que « dans une certaine mesure ». La pertinence de la nuance se justifie au regard des considérations précédemment exposées. Elle ne saurait d’autant moins être ignorée que le libellé de l’article 73 du règlement no 817/2004 n’est source, pour sa part, et comme cela a aussi été rappelé précédemment, d’aucune ambigüité quant au caractère effectif, proportionné et dissuasif des sanctions qu’il convient de prévoir et, le cas échéant, d’appliquer.
213 Il en ressort que, si la République hellénique se prévaut à juste titre du pouvoir d’appréciation que l’article 73 du règlement no 817/2004 reconnaît aux États membres en ce qui concerne l’application des sanctions, cette liberté de choix ne saurait pour autant justifier l’absence de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives.
214 Pour l’ensemble de ces raisons, il y a lieu de constater que l’imposition d’une correction par la Commission en raison de faiblesses constatées dans l’application de la politique de sanction dans le cadre de la mesure 121 est justifiée, puisque la République hellénique ne saurait en l’espèce se prévaloir de la mise en place et de l’application, sur son territoire, de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives.
215 Par conséquent, il convient d’apprécier la légalité des modalités de calcul de cette correction, telles qu’elles ont en l’espèce été mises en œuvre par la Commission.
216 À ce sujet, il convient d’abord de constater que, contrairement à ce que prétend la République hellénique au stade de la réplique,il ressort clairement de l’annexe 8 du document VI/5330/97, produite parmi les annexes du mémoire en défense de la Commission, que, en ce qui concerne le secteur du développement rural, « les sanctions constituent un élément important du système de contrôle, dans la mesure où leur non-application menace l’effectivité de l’ensemble du système ». Il s’ensuit logiquement que « la non-imposition de sanctions à la suite d’un contrôle (clé ou secondaire) doit être traitée, dans le cadre de la procédure d’apurement, comme une insuffisance du contrôle en question ». Ainsi que le fait valoir la Commission, la non-imposition de sanction dans le secteur du développement rural s’apparente donc à une insuffisance de ce contrôle lorsqu’elle concerne un contrôle clé.
217 À cet égard, il convient de déterminer la catégorie de contrôle, clé ou secondaire, dont relève la non-imposition de sanction à l’encontre des bénéficiaires qui avaient soumis une demande de paiement comportant des dépenses éligibles surévaluées, dans le cadre de la mesure 121. À ce sujet, il ressort expressément de l’annexe 8 du document VI/5330/97 que la vérification de l’éligibilité des montants demandés appartient à la catégorie des contrôles clés \/).
218 Or, si la République hellénique rappelle à juste titre que l’annexe 2 du document VI/5330/97, relatif au calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie, prévoit que « [l]es contrôles secondaires sont les opérations administratives nécessaires pour traiter correctement les demandes, telles que la vérification du respect des délais de soumission, l’identification de demandes en doublon pour un même objet, l’analyse du risque, l’application de sanctions et la supervision adéquate des procédures », il ressort cependant de l’annexe 8 que ces mêmes lignes directrices ont entendu régler spécifiquement la question des contrôles dans le secteur du développement rural. Or, il est constant que la correction en cause fait suite à l’enquête RD 1/2012/810/GR, qui se situait dans le secteur du développement rural Feader.
219 Ainsi, dans la mesure où il est avéré que le contrôle de l’éligibilité des demandes et donc les sanctions qui s’y rapportent relèvent de la catégorie des contrôles clés, dans le secteur du développement rural, c’est à bon droit que la Commission a considéré que, en l’espèce, l’absence de sanction dans le cadre de la mesure 121 devait être traitée de manière analogue à l’insuffisance d’un contrôle clé, et qu’elle était donc susceptible de faire l’objet d’une correction forfaitaire d’au moins 5 %.
220 En ce sens, et afin de calculer le montant de la correction, la Commission prétend cependant avoir tenu compte du calcul des autorités grecques qui suivait les recommandations de l’organe de conciliation et selon lequel l’impact budgétaire était inférieur auxdits 5 %, s’élevant en réalité à 998 845 euros, ce que la République hellénique conteste en faisant valoir que le calcul de ce montant n’a pas été effectué par les autorités grecques, mais par la Commission elle-même.
221 À ce sujet, il ressort des pièces du dossier que le calcul du montant de 998 845 euros résulte d’une opération mathématique de la Commission consistant en la déduction des dépenses éligibles (5 873 786,36 euros) des dépenses déclarées (6 872 632,09 euros), dont les montants avaient été fournis par la République hellénique.
222 Par ailleurs, la Commission fait valoir, à juste titre, qu’il ressort d’une pratique constante que la base légale de la correction financière en cause réside dans l’article 52 du règlement (UE) no 1306/2013du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, no 1290/2005 et no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549), qui a remplacé l’article 31 du règlement no 1290/2005, tandis que ses orientations établies dans le document VI/5330/97 et leurs annexes sont appliquées pour sa mise en œuvre.
223 Toutefois, la Commission rappelle également que l’article 63 du règlement no 809/2014, entré en vigueur postérieurement à l’article 30 du règlement (UE) no 65/2011 de la Commission, du 27 janvier 2011, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil en ce qui concerne l’application de procédures de contrôle et de conditionnalité pour les mesures de soutien au développement rural (JO 2011, L 25, p. 8), dispose ce qui suit :
« 1. Les paiements sont calculés sur la base de montants jugés admissibles lors des contrôles administratifs visés à l’article 48.
L’autorité compétente examine la demande de paiement reçue du bénéficiaire et fixe les montants admissibles au bénéfice du soutien. Elle détermine :
a) le montant payable au bénéficiaire sur la base de la demande de paiement et de la décision d’octroi ;
b) le montant payable au bénéficiaire après examen de l’admissibilité de la dépense dans la demande de paiement.
Si le montant établi conformément au deuxième alinéa, [sous] a), dépasse de plus de 10 %, le montant établi conformément [à la disposition sous] b) dudit alinéa, une sanction administrative est appliquée au montant établi conformément [à la disposition sous] b). Le montant de la sanction correspond à la différence entre ces deux montants et ne va pas au-delà du retrait total de l’aide […] »
224 À cet égard, l’application de l’article 63 du règlement no 809/2014 plus récent se révélait donc favorable à la République hellénique, puisque la réduction calculée sur sa base ne portait plus que sur une base d’imposition de sanctions applicable à des écarts supérieurs à 10 % entre le montant de l’aide réclamée par les bénéficiaires et le montant éligible auquel ils avaient effectivement droit. La correction financière finalement calculée par la Commission, en application de cet article, correspondait donc à un montant total de 772 956,32 euros, au lieu du montant de 998 845,13 euros qu’elle avait initialement calculé en déduisant le montant des dépenses éligibles de celui des dépenses déclarées.
225 Or, selon la jurisprudence de la Cour, le principe de l’application rétroactive de la peine plus légère fait partie des traditions constitutionnelles communes aux États membres, de sorte qu’il doit être considéré comme un principe général du droit de l’Union dont la Cour assure le respect et que le juge national est tenu d’observer (voir, en ce sens, arrêt du 3 mai 2005, Berlusconi e.a., C‑387/02, C‑391/02 et C‑403/02, EU:C:2005:270, points 67 à 69).
226 En outre, il ressort de l’article 2, paragraphe 2, du règlement (CE, Euratom) n o 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes que, « [e]n cas de modification ultérieure des dispositions portant sanctions administratives et contenues dans une réglementation communautaire, les dispositions moins sévères s’appliquent rétroactivement ». Il incombe donc, en vertu de cette disposition, aux autorités compétentes d’appliquer de manière rétroactive, à un comportement constitutif d’une irrégularité au sens du paragraphe 1 de cet article, les modifications ultérieures apportées par des dispositions contenues dans une réglementation de l’Union sectorielle instituant des sanctions administratives moins sévères (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 1997, National Farmers’ Union e.a., C‑354/95, EU:C:1997:379, point 41).
227 Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, dans le domaine des contrôles et des sanctions des irrégularités commises en droit de l’Union, le législateur de l’Union a, en adoptant le règlement no 2988/95, posé une série de principes généraux et exigé que, en règle générale, l’ensemble des règlements sectoriels respectent ces principes (voir, en ce sens, arrêt du 16 mars 2006, Emsland-Stärke, C‑94/05, EU:C:2006:185, point 50 et jurisprudence citée).
228 La République hellénique conteste malgré tout la mise en œuvre, par analogie, de l’article 63 du règlement no 809/2014. Elle fait valoir que, contrairement à celui-ci, le règlement no 817/2004 ne comporterait pas d’obligation particulière relative aux sanctions applicables aux violations des dispositions de son article 73.
229 Au regard de cette argumentation, il y a donc lieu de constater que cette dernière ne conteste pas les modalités du calcul opéré par la Commission en tant que telles, mais bien le principe même de la correction imposée. Elle considère en effet avoir satisfait aux exigences formulées par le règlement no 817/2004, en établissant une politique prévoyant des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives. Puisqu’il n’y aurait donc, selon elle, pas lieu de lui imposer une correction au titre du règlement no 817/2004, elle fait valoir qu’il n’y aurait pas non plus matière à appliquer, par analogie, des dispositions ultérieures plus favorables de l’article 63 du règlement no 809/2014.
230 À ce sujet, il convient cependant de constater que, ainsi qu’il a déjà été démontré aux points 205 à 214 ci-dessus, l’imposition d’une correction par la Commission en raison de faiblesses constatées dans l’application de la politique de sanction dans le cadre de la mesure 121 était en l’occurrence justifiée, puisque la République hellénique ne saurait se prévaloir de la mise en place et de l’application, sur son territoire, d’une politique de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives.
231 La mise en œuvre de cette politique, sur le territoire grec, ne satisfaisant donc pas aux exigences formulées par le règlement no 817/2004, c’est à bon droit que la Commission a ensuite décidé de l’imposition d’une correction sur la base de ladite disposition, mais aussi de réduire le montant de cette correction du montant de 998 845 euros à celui de 772 956 euros, en application des dispositions plus favorables de l’article 63 du règlement no 809/2014 plus récent.
232 Au regard de l’analyse qui précède, il y a donc lieu de rejeter le sixième moyen.
b) Sur le septième moyen, soulevé à titre subsidiaire, tiré du défaut de base légale et de motivation de la décision attaquée et de la violation du document VI/5330/97
233 En substance, la République hellénique fait valoir que l’appréciation de la Commission selon laquelle le fait que les autorités grecques, en ce qui concerne les projets de la mesure 121 régis par le règlement no 817/2004, n’ont imposé aucune sanction à l’encontre des bénéficiaires qui avaient soumis une demande de paiement comportant des dépenses éligibles surévaluées, en définitive, de plus de 10 %, constituerait une faiblesse au niveau d’un contrôle clé, est erronée. Selon elle, ces dernières relèveraient en effet de l’application d’un contrôle secondaire et non d’un contrôle clé au regard des dispositions du document VI/5330/97.
234 La Commission conteste cette argumentation.
235 Il ressort des explications données aux points 216 à 219 ci-dessus que c’est à bon droit que la Commission a imposé une correction de l’ordre de 5 % plutôt que de 2 % à la République hellénique. En effet, la non-imposition de sanction à l’encontre des bénéficiaires qui avaient soumis une demande de paiement comportant des dépenses éligibles surévaluées devait, dans le cadre de la mesure 121 et pour les raisons déjà évoquées, être assimilée à l’absence d’un contrôle clé et non à celle d’un contrôle secondaire susceptible de justifier l’imposition d’une correction de 2 %.
236 Par ailleurs, il y a également lieu de relever que la République hellénique n’explique pas la raison pour laquelle celle-ci retient le montant de 772 956,32 euros comme base de calcul d’une éventuelle correction de 2 %, alors même qu’elle contestait le calcul de la Commission qui y avait lui-même conduit dans le moyen précédent. En outre, il convient de constater que cette dernière est demeurée en défaut d’éclaircir ce point litigieux, qui avait par ailleurs déjà été soulevé devant l’organe de conciliation, au cours de l’audience.
237 Le septième moyen, soulevé à titre subsidiaire, doit donc être rejeté, de même que, partant, le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
238 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République hellénique ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) La République hellénique est condamnée aux dépens.
Frimodt Nielsen | Kreuschitz | Półtorak |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 octobre 2018.
Signatures
Table des matières
I. Antécédents du litige
A. S’agissant des aides directes découplées
B. S’agissant du développement rural
C. Décision attaquée
1. S’agissant des aides directes découplées
2. S’agissant du développement rural
II. Procédure et conclusions des parties
III. En droit
A. S’agissant des aides directes découplées
1. Sur les moyens relatifs aux corrections forfaitaires de 25 et de 10 % et à la correction ponctuelle appliquées pour les faiblesses dans la définition et le contrôle des pâturages permanents éligibles
a) Sur le premier moyen, tiré d’une interprétation et d’une application erronée de l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 et de l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009
b) Sur le deuxième moyen, tiré de l’interprétation et de l’application erronées du document VI/5330/97, quant à la réunion des conditions d’application d’une correction forfaitaire de 25 % au titre de l’année de demandes 2012
1) Sur le grief relatif aux limites du pouvoir d’appréciation de la Commission et à une violation du principe de proportionnalité
2) Sur le grief relatif au calcul erroné de la correction financière pour l’année de demandes 2012
2. Sur le troisième moyen, relatif à la correction forfaitaire de 10 % et à la correction ponctuelle appliquées pour les faiblesses et les erreurs dans la définition et le contrôle des pâturages permanents éligibles au titre de l’année de demandes 2013
B. S’agissant du développement rural
1. Sur les moyens relatifs à la correction forfaitaire de 5 % appliquée pour des faiblesses dans l’application des critères de sélection des projets de la mesure 125
a) Sur le quatrième moyen, tiré du défaut de base légale et de motivation de la décision attaquée ainsi que d’une erreur de fait quant à la correction forfaitaire de 5 % appliquée au titre des exercices financiers 2010, 2011, 2012 et 2013
b) Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 31 du règlement no 1290/2005
2. Sur les moyens relatifs à la correction ponctuelle appliquée au titre des exercices financiers 2011, 2012 et 2013 en raison de faiblesses constatées dans l’application de la politique de sanction s’agissant de la mesure 121
a) Sur le sixième moyen, relatif à l’illégalité de la méthode de calcul de la correction qui mènerait à des résultats disproportionnés au regard des faiblesses constatées
b) Sur le septième moyen, soulevé à titre subsidiaire, tiré du défaut de base légale et de motivation de la décision attaquée et de la violation du document VI/5330/97
Sur les dépens
* Langue de procédure : le grec.
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