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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Agricola J.M. v EUIPO - Miguel Torres (CLOS DE LA TORRE) (Judgment) French Text [2018] EUECJ T-806/16 (22 March 2018) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/T80616.html Cite as: [2018] EUECJ T-806/16, ECLI:EU:T:2018:163, EU:T:2018:163 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)
22 mars 2018 (*)
« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale CLOS DE LA TORRE – Marque de l’Union européenne verbale antérieure TORRES –– Motif relatif de refus – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] – Risque de confusion »
Dans l’affaire T‑806/16,
Agricola J.M., SL, établie à Gérone (Espagne), représentée par Me J. Clos Creus, avocat,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant
Miguel Torres, SA, établie à Vilafranca del Penedès (Espagne), représentée par Me J. Güell Serra, avocat,
ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 28 juillet 2016 (affaire R 2099/2015-5), relative à une procédure d’opposition entre Miguel Torres et Agricola J.M.,
LE TRIBUNAL (huitième chambre),
composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva (rapporteur) et M. G. De Baere, juges,
greffier : M. E. Coulon,
vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 15 novembre 2016,
vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 26 janvier 2017,
vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 10 février 2017,
vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,
vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Le 25 juin 2014, la requérante, Agricola J.M., SL, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].
2 La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal CLOS DE LA TORRE.
3 Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 29 et 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :
– classe 29 : « Huiles et graisses comestibles ; gelées, confitures, compotes, pâtes à tartiner de fruits et de légumes » ;
– classe 33 : « Boissons alcoolisées à l’exception des bières ».
4 La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 127/2014, du 11 juillet 2014.
5 Le 9 octobre 2014, l’intervenante, Miguel Torres, SA, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits compris dans la classe 33 visés au point 3 ci-dessus.
6 L’opposition était fondée sur les marques antérieures suivantes :
– la marque de l’Union européenne verbale TORRES, déposée le 14 juillet 2000 et enregistrée le 1er octobre 2001 sous le numéro 1752526, désignant les produits relevant de la classe 33 et correspondant à la description suivante : « Boissons alcooliques (à l’exception des bières) » ;
– la marque espagnole verbale LA TORRE, déposée le 20 octobre 1981 et enregistrée le 20 octobre 1982 sous le numéro 986739, désignant les produits relevant de la classe 33 et correspondant à la description suivante : « Vins, spiritueux et liqueurs ».
7 Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001].
8 Par décision du 7 août 2015, la division d’opposition a accueilli l’opposition, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, en ce qui concerne les produits en cause relevant de la classe 33.
9 Le 19 octobre 2015, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition.
10 Par décision du 28 juillet 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Premièrement, la chambre de recours a estimé, à l’instar de la division d’opposition, qu’il y avait lieu de limiter l’examen de l’opposition à la marque verbale antérieure TORRES. Deuxièmement, elle a considéré que le public pertinent était composé par le grand public adulte belge, français et luxembourgeois qui consomme de l’alcool. Troisièmement, elle a relevé que les produits en cause étaient identiques et, s’agissant de la comparaison des signes, que ceux-ci présentaient de grandes similitudes sur les plans visuel et phonétique, mais non sur le plan conceptuel. Quatrièmement, la chambre de recours a ajouté que, pour le public de langue française, l’élément « clos » avait un caractère distinctif inférieur à la moyenne en ce qu’il signifie « vignoble » en français. Cinquièmement, selon la chambre de recours, les signes en conflit présentaient plus de similitudes que de différences dans la mesure où ils partageaient la partie la plus distinctive du signe demandé, à savoir l’élément « torre ». Eu égard à ce qui précède, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion entre les signes au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.
Conclusions des parties
11 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– annuler la décision de la division d’opposition ;
– réformer ces décisions et permettre l’enregistrement de la marque demandée pour les produits relevant de la classe 33 ;
– condamner l’EUIPO aux dépens.
12 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
13 L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– confirmer la décision attaquée ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
14 À l’appui du recours, la requérante invoque un seul moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009.
15 Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.
16 Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union européenne, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits ou des services en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 existe dans une partie de l’Union [voir arrêt du 5 mai 2015, Skype/OHMI – Sky et Sky IP International (SKYPE), T‑183/13, non publié, EU:T:2015:259, point 18 et jurisprudence citée].
17 Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon ladite jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés (voir arrêt du 5 mai 2015, SKYPE, T‑183/13, non publié, EU:T:2015:259, point 17 et jurisprudence citée).
18 En outre, cette appréciation globale implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte, et notamment de la similitude des marques et de celle des produits ou des services couverts. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services couverts peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement. Par conséquent, il convient d’interpréter la notion de similitude en relation avec le risque de confusion dont l’appréciation, quant à elle, dépend notamment de la connaissance de la marque antérieure sur le marché et du degré de similitude entre la marque demandée et le signe antérieur et entre les produits ou les services désignés (voir, par analogie, arrêt du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 19).
19 Aux fins de l’appréciation globale du risque de confusion, le consommateur moyen des produits concernés est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Par ailleurs, il convient de tenir compte du fait que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire. Il y a lieu également de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services concernés [voir arrêt du 18 septembre 2012, Scandic Distilleries/OHMI – Bürgerbräu, Röhm & Söhne (BÜRGER), T‑460/11, non publié, EU:T:2012:432, point 28 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, arrêt du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 26].
Sur le public et le territoire pertinents
20 La requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours figurant aux points 18 et 19 de la décision attaquée selon laquelle le public pertinent est constitué par le grand public, c’est-à-dire le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette appréciation.
21 En revanche, la requérante soutient que la chambre de recours s’est fondée à tort sur la perception d’un groupe minoritaire de consommateurs, à savoir les consommateurs francophones. À cet égard, elle relève que la marque demandée l’a été pour l’ensemble du territoire de l’Union, sans exclure aucun territoire ou langue officielle. Dans ces circonstances, elle estime que l’examen de l’existence du risque de confusion aurait dû être effectué par rapport au consommateur moyen de l’ensemble de l’Union.
22 L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argument de la requérante.
23 Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 16 ci-dessus, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 existe dans une partie de l’Union.
24 En l’espèce, force est de constater que l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit pour les consommateurs francophones de l’Union, en particulier ceux de la Belgique, de la France et du Luxembourg, était un motif suffisant pour rejeter l’enregistrement du signe demandé, sans qu’il fût besoin d’examiner si un tel risque existait également pour les autres consommateurs de l’Union. Dès lors, contrairement à ce que fait valoir la requérante, pour autant que la chambre de recours ait pu considérer qu’un risque de confusion était susceptible d’exister davantage par rapport aux consommateurs francophones des trois États membres susmentionnés, elle n’était pas tenue d’examiner l’existence d’un risque de confusion au regard des autres consommateurs de l’Union.
25 Il s’ensuit que l’analyse du risque de confusion entre les signes en conflit a pu, sans erreur, être effectuée au regard de la perception des consommateurs francophones de l’Union, en particulier ceux de la Belgique, de la France et du Luxembourg.
Sur la comparaison des produits
26 Au point 21 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que les produits visés par la marque demandée et ceux couverts par la marque antérieure étaient identiques. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette appréciation, qui n’est d’ailleurs pas contestée par la requérante.
Sur la comparaison des signes
27 S’agissant de la comparaison des signes en conflit, il convient de rappeler que l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée, et du 5 mai 2015, SKYPE, T‑183/13, EU:T:2015:259, point 28 et jurisprudence citée).
28 En l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 24 et 25 de la décision attaquée, le signe antérieur est exclusivement constitué de l’élément verbal « torres », alors que la marque demandée se compose des quatre mots « clos », « de », « la » et « torre ».
29 En ce qui concerne, premièrement, la comparaison visuelle, il convient de relever qu’il ressort de la lecture combinée des points 26, 27 et 48 de la décision attaquée que la chambre de recours a estimé que les signes en conflit présentaient des similitudes, en ce qu’ils ont en commun l’élément « torre », et cela malgré les différences résultant de la présence de l’expression « clos de la » dans la marque demandée et de la lettre « s » finale dans la marque antérieure.
30 La requérante fait valoir que les signes en conflit produisent une impression visuelle distincte, voire manifestement différente. De plus, selon elle, le terme « torre » constitue un terme générique, ce qui amènerait le consommateur à porter son attention sur l’ensemble des éléments qui constituent la marque CLOS DE LA TORRE.
31 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.
32 En l’espèce, il y a lieu de considérer, à l’instar de la chambre de recours au point 26 de la décision attaquée, que, en dépit de l’existence de l’expression « clos de la » dans le signe demandé, le fait que les deux signes partagent l’élément « torre » invite à constater qu’ils présentent des similitudes sur le plan visuel. À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, la circonstance selon laquelle la marque demandée est composée par la marque antérieure à laquelle d’autres mots sont accolés constitue une indication de la similitude entre ces deux marques [voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2016, LR Health & Beauty Systems/OHMI – Robert McBride (LR nova pure.), T‑202/14, EU:T:2016:28, point 33 et jurisprudence citée]. De plus, même si, comme le soutient la requérante, le terme « torre » de la marque demandée n’est pas identique au terme « torres » de la marque antérieure, force est de constater que le premier constitue presque la totalité du second, de sorte que les marques en conflit revêtent une similitude évidente quant à ces éléments.
33 Par ailleurs, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de la prétendue signification générique du terme « torre », il convient de relever qu’il est dénué de pertinence dans le cadre de la comparaison visuelle des signes en cause. En tout état de cause, cet argument ne saurait prospérer étant donné que le public pertinent en l’espèce n’est pas le consommateur espagnol, mais le consommateur francophone.
34 Partant, la requérante ne réussit pas à démontrer d’erreur de la part de la chambre de recours en ce qui concerne l’appréciation quant à la comparaison visuelle.
35 En ce qui concerne, deuxièmement, la comparaison phonétique, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort des points 30 à 33 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que la prononciation des signes coïncide par l’élément « torre », présent dans les deux signes. La chambre de recours a également souligné que la lettre finale « s » de la marque antérieure ne sera pas prononcée par le public francophone et que, par conséquent, les termes « torres » et « torre » se prononcent de la même façon. Enfin, elle a constaté que la prononciation des signes diffère en raison de l’expression « clos de la » figurant dans la marque demandée.
36 La requérante fait valoir que les signes en conflit possèdent un nombre différent de lettres, de syllabes et de mots, de sorte que leur prononciation est différente. Elle conteste également l’affirmation selon laquelle la lettre « s » de la marque antérieure n’est pas prononcée.
37 L’EUIPO et l’intervenante contestent ces arguments.
38 D’une part, force est de constater que, comme l’a établi à juste titre la chambre de recours, la prononciation des signes coïncide par l’élément « torre », présent dans les deux signes, et que, de ce fait, l’impression globale des signes comporte une similitude entre eux, malgré les différences, alléguées par la requérante, quant au nombre de syllabes et de vocables. En outre, comme il ressort de la jurisprudence citée au point 32 ci-dessus, le fait que la marque demandée est composée de la marque antérieure à laquelle trois autres mots sont accolés constitue une indication de la similitude entre ces deux marques.
39 D’autre part, il y a lieu de relever, à l’instar de l’EUIPO, que l’affirmation de la requérante selon laquelle la lettre finale « s » de la marque antérieure est prononcée n’est pas étayée. En particulier, la requérante n’indique pas si elle se réfère au public espagnol ou au public francophone. En tout état de cause, il convient de relever que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, au point 32 de la décision attaquée, que, selon les règles de la langue française, la lettre « s » indique le pluriel dans le mot « torres » et n’est, dès lors, pas prononcée par le public pertinent.
40 Par conséquent, aucune erreur ne peut être constatée quant à la comparaison phonétique des signes en conflit.
41 Par ailleurs, les conclusions qui précèdent, quant aux comparaisons visuelle et phonétique, ne sauraient être mises en question par l’allégation de la requérante selon laquelle la chambre de recours aurait effectué, en violation du principe de l’appréciation globale des marques, son examen des signes en conflit en ne prenant en compte que l’un des composants de la marque demandée aux fins de sa comparaison avec la marque antérieure, à savoir le terme « torre ». En particulier, elle relève que le signe CLOS DE LA TORRE constitue une unité logique et conceptuelle, dotée d’une signification autonome, qui devrait dès lors être comparée dans son ensemble par rapport à la marque antérieure.
42 Or, à cet égard, il suffit de relever qu’il ressort de la lecture combinée, notamment, des points 26, 27, 30, 33 et 56 de la décision attaquée que la chambre de recours a effectué la comparaison des signes par rapport à l’ensemble des éléments des marques en cause, en ce qui concerne tant la comparaison visuelle que phonétique des signes en conflit et en prenant en compte tant les éléments similaires que les éléments différents ressortant de l’impression d’ensemble desdits signes. Il y a lieu de souligner que le fait que la chambre de recours ait conclu que l’élément commun « torre » donne lieu, en l’occurrence, à l’existence d’une similitude entre les signes en conflit ne saurait signifier qu’elle s’est bornée à examiner, comme la requérante le prétend, des composants séparés de la marque demandée. Partant, même dans l’hypothèse où le signe CLOS DE LA TORRE constituerait un seul bloc doté de signification, dans le sens allégué, cette circonstance doit être considérée comme étant inopérante dans le cadre de la présente espèce dans la mesure où rien ne permet de constater que la chambre a effectué son analyse sans tenir en compte de tous les éléments dudit signe.
43 Eu égard à ce qui précède, ainsi qu’au fait que la requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours quant à l’inexistence d’une similitude sur le plan conceptuel, il y a lieu d’entériner le constat, ressortant du point 48 de la décision attaquée, selon laquelle les signes présentent des similitudes sur les plans visuel et phonétique, mais non sur le plan conceptuel.
Sur le risque de confusion
44 En vertu d’une jurisprudence constante, l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].
45 En l’espèce, il a été rappelé, au point 26 ci-dessus, que les produits en cause sont identiques et, au point 43 ci-dessus, que les signes en conflit présentent des similitudes sur les plans visuel et phonétique.
46 Dans la décision attaquée, la chambre de recours a estimé qu’il existait un risque de confusion entre les signes en conflit. Elle a constaté, d’abord, que l’élément « clos » du signe demandé avait un caractère distinctif inférieur à la moyenne et que l’élément « torre » constituait la partie la plus distinctive de ce signe. Or, cet élément était inclus dans la marque antérieure. Ensuite, elle a estimé que les différences entre les signes en conflit, surtout conceptuelles, ne pouvaient pas neutraliser les similitudes existantes sur les plans visuel et phonétique. En outre, la chambre de recours a constaté que l’élément « torre » était reconnaissable en tant qu’élément séparé possédant une capacité distinctive indépendante dans la marque demandée. Enfin, elle a établi, en substance, que, le public pertinent n’ayant pas la possibilité de comparer directement les marques, le fait que les marques ne concordent pas du point de vue de l’ensemble des éléments n’est pas suffisant pour éviter que le public considère que les produits en conflit ont une même origine commerciale.
47 Premièrement, la requérante conteste cette appréciation en faisant valoir que le terme « clos » n’est pas un élément faiblement distinctif, mais constitue l’élément principal du signe demandé, combiné avec le complément « de la torre ». En outre, la requérante allègue que le terme « torre » est communément utilisé afin de distinguer les produits visés par les signes en conflit et énumère, à cet égard, des exemples de marques enregistrées comprenant cet élément.
48 Cependant, de telles allégations ne sauraient être accueillies en ce qui concerne le public pertinent, à savoir le public francophone. En effet, il convient de relever que, comme la requérante le reconnaît elle-même et comme la chambre de recours l’a constaté à juste titre au point 53 de la décision attaquée, le terme « clos » signifie « vignoble » en français, de sorte que, eu égard aux produits visés par le signe demandé, ledit terme, ainsi que la préposition « de » et l’article « la », revêt un caractère distinctif moins élevé que le terme « torre ».
49 En outre, alors que la requérante allègue que le terme « torre » est communément utilisé afin de distinguer les produits visés par les signes en conflit, raison pour laquelle il ne serait pas distinctif dans le cadre du signe demandé, force est de constater qu’un tel argument ne peut pas être accueilli s’agissant du public francophone, pour lequel le terme « torre » est dépourvu de toute signification. Dès lors que l’élément « torre » était un mot fantaisiste pour ledit public, c’est à juste titre que la chambre de recours, au point 55 de la décision attaquée, a établi que l’élément « torre » était l’élément le plus distinctif dudit signe.
50 En ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle la liste de marques enregistrées comportant l’élément « torre » qu’elle a fournie démontrerait que cet élément est couramment utilisé en tant que signe pour des vins espagnols, italiens et portugais, raison pour laquelle, selon elle, il aurait perdu une part significative de sa capacité à indiquer l’origine commerciale du produit, force est de constater que cette allégation n’est pas pertinente en ce qui concerne le public pertinent en l’espèce, à savoir le public francophone.
51 De plus, il y a lieu de relever, à l’instar de l’intervenante, que la requérante n’étaye pas, par des preuves concrètes, si les marques invoquées sont réellement enregistrées, les produits qu’elles distinguent et si elles coexistent sur le marché en raison d’une absence de risque de confusion entre elles.
52 Par ailleurs, le seul fait que des marques contenant l’élément « torre » sont enregistrées ne permet pas d’établir que des produits portant ces marques sont effectivement commercialisés auprès du public francophone pertinent et donc que ce public est habitué à voir cet élément, de sorte que son caractère distinctif serait amoindri [voir, en ce sens, arrêt du 23 mars 2017, Vignerons de la Méditerranée/EUIPO – Bodegas Grupo Yllera (LE VAL FRANCE), T‑216/16, non publié, EU:T:2017:201, point 44].
53 Enfin, en ce qui concerne l’argument de la requérante se fondant sur l’appréciation effectuée par le Tribunal dans l’arrêt du 11 juillet 2006, Torres/OHMI – Bodegas Muga (Torre Muga) (T‑247/03, non publié, EU:T:2006:198), concernant les signes TORRE MUGA et TORRES, il convient de relever que, dans cet arrêt, le Tribunal a constaté, en substance, que le caractère distinctif de la marque demandée résultait de la combinaison des termes « torre » et « muga ». En revanche, en l’espèce, ainsi que le soutient à juste titre l’EUIPO, une telle constatation ne peut être effectuée puisque l’élément « clos » est moins distinctif que le terme « torre » pour le public francophone. Dans ce contexte, l’élément « clos » n’est pas en mesure de neutraliser la similitude existante entre les éléments « torre » et « torres ».
54 Deuxièmement, la requérante soutient que, au vu des différences sur les plans visuel, phonétique et conceptuel entre les signes en conflit, l’existence d’un risque de confusion entre eux doit être écartée.
55 Toutefois, c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté, en substance, aux points 56 et 57 de la décision attaquée, que les différences entre les signes, étant surtout conceptuelles, n’étaient pas suffisantes pour neutraliser les similitudes sur les plans visuel et phonétique et n’étaient, dès lors, pas susceptibles de remettre en cause l’impression de similitude globale entre les signes, et ce d’autant plus que la partie la plus distinctive du signe demandé coïncidait avec la presque totalité du signe antérieur.
56 Il s’ensuit que, au regard de la similitude globale des signes en conflit et de l’identité des produits désignés par ceux-ci, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu qu’il était très probable que le public considère que les produits désignés par les signes en conflit proviennent de la même entreprise.
57 Il résulte de ce qui précède que le moyen unique doit être rejeté ainsi que le recours dans son ensemble, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des deuxième et troisième chefs de conclusions, tendant à l’annulation de la décision de la division d’opposition et à l’accueil de la demande d’enregistrement de la marque demandée.
Sur les dépens
58 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
59 La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (huitième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Agricola J.M., SL est condamnée aux dépens.
Collins | Kancheva | De Baere |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 mars 2018.
Signatures
* Langue de procédure : l’espagnol.
© European Union
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