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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Deutsche Telekom v Commission (Competition - Judgment) French Text [2018] EUECJ T-827/14 (13 December 2018) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/T82714.html Cite as: EU:T:2018:930, [2018] EUECJ T-827/14, ECLI:EU:T:2018:930 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)
« Concurrence – Abus de position dominante – Marché slovaque des services de télécommunication à haut débit – Accès par des entreprises tierces à la “boucle locale” de l’opérateur historique sur ce marché – Décision constatant une infraction à l’article 102 TFUE et à l’article 54 de l’accord EEE – Infraction unique et continue – Notion d’“abus” – Refus d’accès – Compression des marges – Calcul de la compression des marges – Critère du concurrent aussi efficace – Droits de la défense – Imputation à la société mère de l’infraction commise par sa filiale – Influence déterminante de la société mère sur la politique commerciale de la filiale – Exercice effectif – Charge de la preuve – Calcul du montant de l’amende – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 – Amende distincte infligée uniquement à la société mère au titre de la récidive et de l’application d’un coefficient multiplicateur à des fins de dissuasion »
Dans l’affaire T‑827/14,
Deutsche Telekom AG, établie à Bonn (Allemagne), représentée par Mes K. Apel et D. Schroeder, avocats,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par MM. M. Kellerbauer, L. Malferrari, C. Vollrath et Mme L. Wildpanner, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenue par
Slovanet, a.s., établie à Bratislava (Slovaquie), représentée par Me P. Tisaj, avocat,
partie intervenante,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant, à titre principal, à l’annulation, dans son intégralité ou en partie, pour autant qu’elle concerne la requérante, de la décision C(2014) 7465 final de la Commission, du 15 octobre 2014, concernant une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE (affaire AT.39523 – Slovak Telekom), telle que rectifiée par la décision C(2014) 10119 final de la Commission, du 16 décembre 2014, ainsi que par la décision C(2015) 2484 final de la Commission, du 17 avril 2015, et, à titre subsidiaire, à l’annulation ou à la réduction du montant des amendes infligées à la requérante par ladite décision,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie),
composé de MM. M. van der Woude, faisant fonction de président, S. Gervasoni, L. Madise, R. da Silva Passos (rapporteur) et Mme K. Kowalik-Bańczyk, juges,
greffier : Mme N. Schall, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 19 avril 2018,
rend le présent
Arrêt
I. Antécédents du litige
1 La requérante, Deutsche Telekom AG, est l’opérateur historique de télécommunications en Allemagne et la société à la tête du groupe Deutsche Telekom. La requérante a, à compter du 4 août 2000 et durant toute la période pertinente dans la présente affaire, détenu une participation de 51 % dans le capital de Slovak Telekom, a.s., qui est l’opérateur de télécommunications historique en Slovaquie. L’autre partie du capital de Slovak Telekom était détenue, respectivement, par le ministère de l’Économie de la République slovaque, à concurrence de 34 %, et par le fonds du patrimoine national de la République slovaque, à concurrence de 15 % (ci-après, pris ensemble, l’« État slovaque »).
2 Le 15 octobre 2014, la Commission européenne a adopté la décision C(2014) 7465 final, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE (affaire AT.39523 – Slovak Telekom), rectifiée par sa décision C(2014) 10119 final, du 16 décembre 2014, ainsi que par sa décision C(2015) 2484 final, du 17 avril 2015, adressée à la requérante ainsi qu’à Slovak Telekom (ci-après la « décision attaquée »). Slovak Telekom a, le 26 décembre 2014, introduit un recours distinct par lequel elle sollicite également l’annulation de la décision attaquée (affaire T‑851/14).
A. Contexte technologique, factuel et réglementaire de la décision attaquée
3 Slovak Telekom, qui a indirectement succédé à l’entreprise publique des postes et des télécommunications disparue en 1992, est le plus grand opérateur de télécommunications et fournisseur d’accès à la large bande en Slovaquie. Le monopole légal dont elle bénéficiait sur le marché slovaque des télécommunications a pris fin en 2000.Slovak Telekom offre un éventail complet de services de données et de services vocaux, et possède et exploite des réseaux fixes en cuivre et en fibre optique ainsi qu’un réseau mobile de télécommunications. Les réseaux en cuivre et mobile couvrent la quasi-totalité du territoire de la Slovaquie.
4 La décision attaquée concerne des pratiques anticoncurrentielles sur le marché slovaque des services Internet à haut débit. Elle vise, en substance, les conditions fixées par Slovak Telekom pour l’accès dégroupé d’autres opérateurs à la boucle locale en cuivre, en Slovaquie, entre 2005 et 2010.
5 La boucle locale désigne le circuit physique à paire torsadée métallique (également appelé « ligne ») qui relie le point de terminaison du réseau dans les locaux de l’abonné au répartiteur principal ou à toute autre installation équivalente du réseau téléphonique public fixe.
6 L’accès dégroupé à la boucle locale permet aux nouveaux entrants – dénommés habituellement « opérateurs alternatifs », par opposition aux opérateurs historiques des réseaux de télécommunications – d’utiliser l’infrastructure de télécommunications déjà existante et appartenant à ces opérateurs historiques afin d’offrir divers services aux utilisateurs finals, en concurrence avec les opérateurs historiques. Parmi les différents services de télécommunications qui peuvent être fournis aux utilisateurs finals à travers la boucle locale figure la transmission des données à haut débit pour un accès fixe à l’internet et pour les applications multimédias à partir de la technologie de ligne d’abonné numérique (digital subscriber line ou DSL).
7 Le dégroupage de la boucle locale a été organisé au niveau de l’Union européenne, notamment, par le règlement (CE) no 2887/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif au dégroupage de l’accès à la boucle locale (JO 2000, L 336, p. 4), et par la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (JO 2002, L 108, p. 33). Le règlement no 2887/2000 exigeait des opérateurs « puissants sur le marché » qu’ils accordent un accès aux boucles locales dont l’accès est dégroupé (unbundled local loop ou ULL) et qu’ils publient une offre de référence en matière de dégroupage. Ces dispositions ont été mises en œuvre en Slovaquie par le Zákon z 3. decembra 2003 č. 610/2003 Z.z. o elektronických komunikáciách, v znení neskorších predpisov (loi no 610/2003, du 3 décembre 2003, relative aux communications électroniques), tel que modifié, entré en vigueur, avec certaines exceptions, le 1er janvier 2004.
8 En substance, ce cadre réglementaire obligeait l’opérateur identifié par l’autorité réglementaire nationale comme l’opérateur doté d’une puissance significative sur le marché (en général, l’opérateur historique) à accorder aux opérateurs alternatifs l’accès dégroupé à sa boucle locale et aux services connexes à des conditions transparentes, équitables et non discriminatoires et à tenir à jour une offre de référence pour un tel accès dégroupé. L’autorité réglementaire nationale était tenue de veiller à ce que la tarification de l’accès dégroupé à la boucle locale, orientée en fonction des coûts, favorise l’établissement d’une concurrence loyale et durable. À cet effet, l’autorité réglementaire nationale pouvait notamment imposer des modifications de l’offre de référence.
9 Au terme d’une analyse du marché, l’autorité réglementaire nationale slovaque en matière de télécommunications (ci-après le « TUSR ») a adopté, le 8 mars 2005, la décision de première instance no 205/14/2005, dans laquelle elle a désigné Slovak Telekom comme opérateur disposant d’une puissance significative sur le marché de gros pour l’accès dégroupé à la boucle locale, au sens du règlement no 2887/2000. Le TUSR a, en conséquence, imposé à Slovak Telekom diverses obligations, dont celle de lui soumettre une offre de référence dans les 60 jours. Cette décision, contestée par Slovak Telekom, a été confirmée par le président du TUSR le 14 juin 2005. En application de cette décision confirmative, Slovak Telekom était tenue d’accéder à toutes les demandes de dégroupage de sa boucle locale considérées comme raisonnables et justifiées, afin de permettre à des opérateurs alternatifs d’utiliser cette boucle en vue d’offrir leurs propres services sur le « marché de détail de masse (ou grand public) » des services à haut débit en position fixe en Slovaquie. La décision du 14 juin 2005 a également enjoint à Slovak Telekom de publier toutes les modifications envisagées pour l’offre de référence en matière de dégroupage au moins 45 jours au préalable et de les soumettre au TUSR.
10 Slovak Telekom a publié son offre de référence en matière de dégroupage le 12 août 2005 (ci-après l’« offre de référence »). Cette offre, qui a été modifiée à neuf reprises entre cette date et la fin de l’année 2010, définit les conditions contractuelles et techniques pour un accès à la boucle locale de Slovak Telekom. Sur le marché de gros, Slovak Telekom offre un accès aux boucles locales dont l’accès est dégroupé dans ou à côté d’un répartiteur principal, sur lequel l’opérateur alternatif qui cherche un accès a déployé son propre réseau central.
11 Aux termes de la décision attaquée, le réseau de la boucle locale de Slovak Telekom, susceptible d’être utilisé pour fournir des services de haut débit après le dégroupage des lignes concernées de cet opérateur, couvrait 75,7 % de l’ensemble des ménages slovaques au cours de la période comprise entre les années 2005 et 2010. Cette couverture s’étendait à toutes les boucles locales situées dans le réseau d’accès métallique de Slovak Telekom pouvant être utilisé pour transmettre un signal à haut débit. Toutefois, au cours de cette même période, seules quelques rares boucles locales de Slovak Telekom ont vu leur accès dégroupé, à partir du 18 décembre 2009, et n’ont été utilisées que par un seul opérateur alternatif en vue de la fourniture de services de détail à très haut débit à des entreprises.
B. Procédure devant la Commission
12 La Commission a ouvert d’office une enquête ayant pour objet, notamment, les conditions d’accès dégroupé à la boucle locale de Slovak Telekom. À la suite de demandes de renseignements adressées aux opérateurs alternatifs le 13 juin 2008 et d’une inspection inopinée dans les locaux de Slovak Telekom entre les 13 et 15 janvier 2009, la Commission a, le 8 avril 2009, décidé d’ouvrir une procédure à l’encontre de cet opérateur, au sens de l’article 2 de son règlement (CE) no 773/2004, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18).
13 L’enquête s’est poursuivie par des demandes de renseignements supplémentaires adressées aux opérateurs alternatifs et au TUSR ainsi que par une inspection annoncée dans les locaux de Slovak Telekom les 13 et 14 juillet 2009.
14 Slovak Telekom a, dans plusieurs documents de réflexion adressés à la Commission entre le 11 août 2009 et le 31 août 2010, indiqué qu’il n’existait, selon elle, aucun fondement pour considérer qu’elle avait méconnu l’article 102 TFUE en l’espèce.
15 Dans le cadre de l’enquête, Slovak Telekom s’est opposée à la fourniture d’informations datant de la période antérieure au 1er mai 2004, date d’adhésion de la République slovaque à l’Union. Elle a introduit un recours en annulation, d’une part, contre la décision C(2009) 6840 de la Commission, du 3 septembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 18, paragraphe 3, et de l’article 24, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), ainsi que, d’autre part, contre la décision C(2010) 902 de la Commission, du 8 février 2010, relative à une procédure d’application de l’article 18, paragraphe 3, et de l’article 24, paragraphe 1, du règlement no 1/2003. Par arrêt du 22 mars 2012, Slovak Telekom/Commission (T‑458/09 et T‑171/10, EU:T:2012:145), le Tribunal a rejeté les recours introduits contre ces décisions.
16 Le 13 décembre 2010, à la suite de demandes de renseignements adressées à la requérante, la Commission a décidé d’ouvrir à l’encontre de celle-ci une procédure au sens de l’article 2 du règlement no 773/2004.
17 Le 7 mai 2012, la Commission a adressé une communication des griefs à Slovak Telekom. Cette communication des griefs a été envoyée à la requérante le lendemain. Dans cette communication des griefs, la Commission concluait, à titre préliminaire, que Slovak Telekom s’était potentiellement rendue coupable d’une violation de l’article 102 TFUE en raison d’une pratique aboutissant à la compression des marges en ce qui concerne l’accès dégroupé aux boucles locales de son réseau ainsi que l’accès de gros à haut débit national et régional à ses concurrents, ainsi que d’un refus d’accès aux opérateurs alternatifs à certains produits de gros. Elle concluait également, à titre préliminaire, que la requérante était potentiellement responsable de ce comportement infractionnel, en sa qualité de société mère de Slovak Telekom au cours de la période d’infraction.
18 Après avoir obtenu accès au dossier d’enquête, Slovak Telekom et la requérante ont, chacune, répondu à la communication des griefs le 5 septembre 2012. Une audition a ensuite été organisée les 6 et 7 novembre de cette même année.
19 Le 21 juin 2013, Slovak Telekom a soumis à la Commission une proposition d’engagements destinés à répondre à ses objections du point de vue du droit de la concurrence et a demandé à celle-ci d’adopter une décision d’acceptation d’engagements au sens de l’article 9 du règlement no 1/2003 plutôt qu’une décision d’interdiction. La Commission a toutefois considéré ces engagements insuffisants et a, dès lors, décidé de poursuivre la procédure.
20 La Commission a adressé à Slovak Telekom et à la requérante, respectivement le 6 décembre 2013 et le 10 janvier 2014, une lettre d’exposé des faits destinée à leur permettre de présenter des observations sur les éléments de preuve supplémentaires collectés à la suite de l’envoi de la communication des griefs. La Commission a indiqué que ces éléments de preuve, auxquels Slovak Telekom et la requérante ont eu accès, pourraient être utilisés dans une éventuelle décision finale.
21 Slovak Telekom et la requérante ont, respectivement le 21 février et le 6 mars 2014, répondu à la lettre d’exposé des faits.
22 La Commission a, lors de réunions qui se sont tenues avec Slovak Telekom le 16 septembre 2014 et avec la requérante le 29 septembre 2014, fourni à celles-ci des informations sur la décision qu’elle envisageait d’adopter sur le fondement de l’article 7 du règlement no 1/2003.
C. Décision attaquée
23 Dans la décision attaquée, la Commission considère que l’entreprise que forment Slovak Telekom et la requérante a commis une infraction unique et continue à l’article 102 TFUE et à l’article 54 de l’accord EEE concernant les services de haut débit en Slovaquie durant la période comprise entre le 12 août 2005 et le 31 décembre 2010 (ci-après la « période en cause »).
1. Définition des marchés pertinents et position dominante de Slovak Telekom sur ceux-ci
24 Dans la décision attaquée, la Commission identifie deux marchés de produits concernés, à savoir :
– le marché de masse de détail (ou grand public) pour les services à haut débit en position fixe ;
– le marché de gros de l’accès aux boucles locales dont l’accès est dégroupé.
25 Le marché géographique en cause couvre, selon la décision attaquée, l’ensemble du territoire de la Slovaquie.
26 La Commission constate que, pendant la période en cause, Slovak Telekom a occupé une position de monopole sur le marché de gros pour l’accès dégroupé aux boucles locales et qu’il n’existait pas de pressions directes sous la forme d’une concurrence réelle ou potentielle ou une puissance d’achat compensatrice limitant la puissance de cette société sur le marché. Slovak Telekom bénéficiait donc d’une position dominante sur ce marché au cours de la période en cause. La Commission constate également que Slovak Telekom bénéficiait d’une position dominante, durant cette période, sur le marché de masse de détail (ou grand public) pour les services à haut débit en position fixe.
2. Comportement de Slovak Telekom
a) Refus de fourniture d’un accès dégroupé aux boucles locales de Slovak Telekom
27 La Commission relève, dans une première partie de son analyse intitulée « Refus de fourniture », que, bien que plusieurs opérateurs alternatifs aient eu un grand intérêt à se voir accorder un accès aux boucles locales de Slovak Telekom afin de concurrencer cette dernière sur le marché de détail des services à haut débit, cet opérateur a, dans l’offre de référence, fixé des modalités et des conditions abusives afin de rendre un tel accès inacceptable. Slovak Telekom aurait ainsi retardé, compliqué ou empêché l’entrée sur ce marché de détail des services à haut débit.
28 La Commission souligne à cet égard que, premièrement, l’accès dégroupé à la boucle locale par un opérateur alternatif suppose que ce dernier obtienne préalablement des informations suffisantes et adéquates concernant le réseau de l’opérateur historique. Ces informations doivent permettre à l’opérateur alternatif concerné d’évaluer ses opportunités commerciales et d’élaborer des modèles économiques appropriés pour ses futurs services de détail fondés sur le dégroupage de l’accès à la boucle locale. Or, en l’espèce, l’offre de référence n’aurait pas satisfait à cette exigence d’information des opérateurs alternatifs.
29 Ainsi, en dépit des exigences fixées par le cadre réglementaire pertinent (voir points 7 et 8 ci-dessus), l’offre de référence ne fournirait pas d’informations de base concernant les emplacements des points d’accès physiques et la disponibilité des boucles locales dans des parties bien déterminées du réseau. Les opérateurs alternatifs n’auraient eu accès à ces informations que sur demande, moyennant le paiement d’une redevance, dans les cinq jours à compter de l’entrée en vigueur d’un accord de confidentialité avec Slovak Telekom et uniquement après la constitution d’une garantie bancaire. La Commission estime, en substance, que ces exigences ont retardé indûment et compliqué la communication des informations pertinentes aux opérateurs alternatifs et, de cette façon, dissuadé lesdits opérateurs d’accéder aux boucles locales de Slovak Telekom.
30 Même en cas d’accès sur demande, la Commission estime que les informations communiquées par Slovak Telekom étaient insuffisantes. Slovak Telekom n’aurait notamment communiqué aucune information concernant la disponibilité de ses boucles locales, alors que ces informations étaient primordiales pour permettre aux opérateurs alternatifs d’élaborer à temps leurs modèles économiques et de déterminer le potentiel commercial du dégroupage. La Commission considère que Slovak Telekom aurait dû communiquer non seulement la liste des répartiteurs principaux et des ressources similaires, mais aussi la description de leur couverture géographique, des informations sur les séries de numéros téléphoniques desservis par ces centraux, l’utilisation effective des câbles (en pourcentage) pour les technologies DSL, le degré de déploiement de l’équipement de modulation par impulsion et codage (pulse code modulation ou PCM) concernant les câbles reliés aux différents répartiteurs principaux, les noms ou fonctions des répartiteurs et la façon dont ils sont utilisés dans les réglementations techniques et méthodologiques de ladite société, ou encore les longueurs maximales des boucles locales homogènes. Au demeurant, Slovak Telekom aurait été bien consciente du problème occasionné pour les opérateurs alternatifs par ces conditions d’accès aux informations et par la portée limitée de celles-ci. La Commission relève également que, alors que Slovak Telekom n’a publié un modèle concernant les demandes de dégroupage à soumettre par les opérateurs alternatifs qu’en mai 2009, l’offre de référence en matière de dégroupage prévoyait dès l’origine l’imposition de sanctions financières dans l’hypothèse où une demande d’accès serait jugée incomplète.
31 Deuxièmement, aux termes de la décision attaquée, Slovak Telekom a réduit de manière injustifiée la portée de son obligation en matière d’accès dégroupé à ses boucles locales.
32 Ainsi, en premier lieu, Slovak Telekom aurait indûment exclu de cette obligation les lignes « passives », à savoir les lignes qui, tout en existant physiquement, n’étaient pas utilisées. En procédant de cette façon, Slovak Telekom se serait réservé une quantité significative de clients potentiels qui n’achetaient pas encore ses services à haut débit, bien qu’ils fussent desservis par son réseau, et ce alors même que le cadre réglementaire pertinent ne prévoyait aucune limitation de l’obligation de dégroupage aux seules lignes actives et que ce marché était en pleine croissance. La limitation appliquée par Slovak Telekom n’était, selon la Commission, pas justifiée par une quelconque raison technique objective.
33 En deuxième lieu, Slovak Telekom aurait exclu de manière injustifiée de son obligation en matière de dégroupage les services qu’elle a qualifiés de « services en conflit », à savoir des services qu’elle était susceptible de proposer et qui pouvaient être en conflit avec l’accès d’un opérateur alternatif à la boucle locale. Outre que le concept même de services en conflit serait vague, la liste de tels services, établie unilatéralement par Slovak Telekom, serait ouverte et, par conséquent, génératrice d’incertitude pour les opérateurs alternatifs. Cette limitation aurait privé les opérateurs alternatifs d’un grand nombre de clients potentiels, réservés à Slovak Telekom et dès lors retirés du marché de détail.
34 En troisième lieu, la Commission relève le caractère injustifié de la règle imposée par Slovak Telekom dans l’offre de référence, selon laquelle seuls 25 % des boucles locales contenues dans un câble à paires multiples pouvaient être utilisés pour la prestation de services à haut débit, afin d’éviter le parasitage et les interférences. Cette règle ne serait pas justifiée, car elle présenterait un caractère général et abstrait et ne tiendrait ainsi pas compte des caractéristiques des câbles et de la combinaison concrète des techniques de transmission. La Commission relève, à cet égard, que la pratique dans d’autres États membres démontre l’existence d’alternatives à de telles limitations d’accès abstraites et en amont, telles que le principe d’une utilisation du câble à 100 % cumulée à la gestion a posteriori de tous problèmes concrets résultant des brouillages du spectre. Enfin, Slovak Telekom se serait appliquée à elle-même une règle d’utilisation maximale du câble de 63 %, moins stricte que celle qu’elle imposait aux opérateurs alternatifs.
35 Enfin, troisièmement, Slovak Telekom aurait fixé dans l’offre de référence plusieurs clauses et conditions inéquitables concernant l’accès dégroupé à ses boucles locales.
36 À cet égard, en premier lieu, aux termes de la décision attaquée, Slovak Telekom a inscrit dans l’offre de référence des clauses et des conditions inéquitables relatives à la colocalisation, définie dans cette offre comme « la fourniture d’un espace et de l’équipement technique nécessaires au placement adéquat de l’équipement de télécommunications du fournisseur autorisé en vue d’une prestation de services aux utilisateurs finals du fournisseur autorisé via un accès à la boucle locale ». L’obstacle ainsi créé pour les opérateurs alternatifs résultait plus particulièrement des éléments suivants : i) les conditions fixaient un examen préliminaire des possibilités de colocalisation qui n’était pas objectivement nécessaire ; ii) les opérateurs alternatifs ne pouvaient contester la détermination de la forme de colocalisation décidée par Slovak Telekom que moyennant le paiement de frais supplémentaires ; iii) l’expiration de la période de réservation après la signification à l’opérateur alternatif de l’avis concernant le résultat de l’examen préliminaire ou de l’examen détaillé, sans qu’un accord sur la colocalisation soit intervenu, impliquait que la procédure d’examen préliminaire ou d’examen détaillé devait être intégralement reprise ; iv) Slovak Telekom n’était tenue par aucun délai en cas d’examens détaillés supplémentaires découlant de négociations et avait le droit de retirer sans explication et sans conséquences juridiques une proposition d’accord de colocalisation pendant la durée d’acceptation de la proposition par les opérateurs alternatifs dans les délais établis ; v) Slovak Telekom ne s’engageait sur aucun calendrier précis pour la mise en œuvre de la colocalisation ; vi) Slovak Telekom imposait unilatéralement des tarifs déloyaux et non transparents pour la colocalisation.
37 En deuxième lieu, la Commission relève que, en vertu de l’offre de référence, les opérateurs alternatifs étaient tenus de soumettre des prévisions des demandes de qualification de la boucle locale douze mois à l’avance pour chaque espace de colocalisation, mois après mois, avant de pouvoir introduire une demande de qualification pour l’accès à la boucle locale correspondante. Or, la Commission estime qu’une telle exigence impose aux opérateurs alternatifs de soumettre des prévisions à un moment où ils ne sont pas en mesure d’estimer leurs besoins en termes d’accès dégroupé. Elle dénonce, de surcroît, la circonstance que la méconnaissance des conditions de prévision entraînait le paiement de pénalités, de même que le caractère contraignant de l’obligation de prévision et l’absence de délai de réponse, pour Slovak Telekom, à une demande de qualification en cas de non-conformité d’une telle demande avec le volume prévisionnel.
38 En troisième lieu, la Commission considère que la procédure obligatoire de qualification, qui devait permettre aux opérateurs alternatifs de déterminer si une boucle locale spécifique convenait pour la technologie DSL ou toute autre technologie à haut débit qu’ils auraient pu avoir l’intention d’utiliser avant de passer une commande ferme de dégroupage, était telle que ces opérateurs étaient dissuadés de solliciter un accès dégroupé aux boucles locales de Slovak Telekom. Ainsi, tout en admettant la nécessité de vérifier le caractère adéquat des boucles locales pour le dégroupage ou les conditions préalables essentielles pour le dégroupage d’une ligne spécifique, la Commission indique que la dissociation de cette procédure de qualification de la demande même d’accès à la boucle locale a inutilement retardé le dégroupage et occasionné des frais supplémentaires pour les opérateurs alternatifs. De surcroît, plusieurs aspects examinés dans le cadre de la procédure de qualification présenteraient un caractère superflu. La Commission relève encore le caractère injustifié du délai de validité limité à dix jours de la qualification d’une boucle locale, au-delà duquel une demande d’accès ne pouvait plus être introduite.
39 En quatrième lieu, aux termes de la décision attaquée, l’offre de référence aurait inclus des conditions désavantageuses en ce qui concerne les réparations, l’entretien et la maintenance, en raison i) de l’absence d’une définition appropriée des « travaux planifiés » et « non planifiés », ii) du manque de clarté de la distinction entre des « travaux non planifiés » et de simples « défauts », susceptible de donner lieu à des comportements injustifiés de la part de Slovak Telekom, iii) des délais très courts prévus pour informer un opérateur alternatif de tels travaux ainsi que pour répercuter cette information auprès des clients de ce dernier et, enfin, iv) du transfert à l’opérateur alternatif de la responsabilité des interruptions de service occasionnées par une réparation lorsque ledit opérateur était jugé non coopératif.
40 En cinquième lieu, la Commission considère déloyales plusieurs modalités et conditions entourant la garantie bancaire exigée de tout opérateur alternatif souhaitant conclure avec Slovak Telekom un accord de colocalisation et, au final, obtenir un accès à ses boucles locales. Ainsi, tout d’abord, Slovak Telekom bénéficierait d’une trop large marge d’appréciation pour accepter ou refuser une garantie bancaire et ne serait soumise au respect d’aucun délai à cet égard. Ensuite, le montant de la garantie, fixé à 66 387,84 euros, serait disproportionné par rapport aux risques et aux coûts encourus par Slovak Telekom. Il en irait d’autant plus ainsi que l’offre de référence permettait à Slovak Telekom d’exiger une multiplication de cette garantie lorsqu’elle y faisait appel, le montant initial de la garantie bancaire pouvant être multiplié jusqu’à douze fois. De surcroît, Slovak Telekom aurait été en mesure de faire appel à la garantie bancaire afin de couvrir non seulement le défaut de paiement des services effectifs qu’elle fournissait, mais aussi toute demande de dédommagement qu’elle pouvait présenter. Au demeurant, Slovak Telekom aurait été en mesure d’actionner la garantie bancaire sans devoir démontrer qu’elle avait tout d’abord mis le débiteur en demeure, ledit débiteur ne pouvant en outre pas s’opposer à cet appel en garantie. Enfin, la Commission souligne que les opérateurs alternatifs ne bénéficient d’aucune garantie comparable, alors même qu’ils sont susceptibles d’encourir des pertes résultant du comportement de Slovak Telekom en matière d’accès dégroupé aux boucles locales.
41 La Commission conclut que ces aspects du comportement de Slovak Telekom, considérés conjointement, ont constitué un refus par cet opérateur de fournir un accès dégroupé à ses boucles locales.
b) Compression des marges des opérateurs alternatifs dans le cadre de la fourniture d’accès dégroupé aux boucles locales de Slovak Telekom
42 Dans une deuxième partie de son analyse du comportement de Slovak Telekom, la Commission retient l’existence d’une compression des marges occasionnée par le comportement de cet opérateur s’agissant de l’accès dégroupé à ses boucles locales, constitutive d’une forme autonome d’abus de position dominante. Ainsi, l’écart entre les prix pratiqués par Slovak Telekom pour l’octroi d’un tel accès à des opérateurs alternatifs et les prix pratiqués à l’égard de ses propres clients aurait été soit négatif, soit insuffisant pour permettre à un opérateur aussi efficace que Slovak Telekom de couvrir les coûts spécifiques qu’elle devait supporter pour la fourniture de ses propres produits ou services sur le marché en aval, à savoir le marché de détail.
43 S’agissant d’un scénario où le portefeuille de services considéré inclut uniquement les services à haut débit, la Commission note qu’un concurrent aussi efficace aurait été en mesure, par le biais d’un accès dégroupé aux boucles locales de Slovak Telekom, de reproduire l’intégralité de l’offre DSL de détail de Slovak Telekom telle qu’elle a évolué au fil du temps. Or, l’approche dite « période par période » (à savoir le calcul des marges disponibles pour chaque année entre les années 2005 et 2010) démontrerait qu’un concurrent aussi efficace que Slovak Telekom affichait des marges négatives et ne pouvait, dès lors, reproduire de manière rentable le portefeuille de services de haut débit proposé par Slovak Telekom sur le marché de détail.
44 S’agissant d’un scénario où le portefeuille examiné inclut des services de téléphonie vocale en plus des services à haut débit par le biais d’un accès total à la boucle locale, la Commission aboutit également à la constatation qu’un concurrent aussi efficace que Slovak Telekom n’aurait pu, en raison des prix pratiqués par celle-ci sur le marché en amont de l’accès dégroupé, exercer de manière rentable des activités sur le marché de détail pertinent durant la période comprise entre les années 2005 et 2010. Un concurrent aussi efficace n’aurait donc pu reproduire de manière rentable, au cours de cette même période, le portefeuille proposé par Slovak Telekom. L’ajout, à un tel portefeuille de référence, des services multi-play, disponibles à partir de l’année 2007, ne modifierait pas ce constat.
45 Dès lors que ni Slovak Telekom ni la requérante n’auraient avancé, au cours de la procédure administrative, de justification objective quant à leur comportement d’exclusion, la Commission conclut que le comportement de Slovak Telekom pendant la période en cause doit s’analyser comme une compression abusive des marges.
3. Analyse des effets anticoncurrentiels du comportement de Slovak Telekom
46 La Commission considère que ces deux types de comportement de Slovak Telekom, à savoir le refus de fourniture d’un accès dégroupé à la boucle locale et la compression des marges des opérateurs alternatifs, étaient susceptibles d’empêcher les opérateurs alternatifs de se fonder sur un accès dégroupé afin d’entrer sur le marché de détail de masse (ou grand public) en Slovaquie pour les services à haut débit en position fixe. Ces comportements ont, aux termes de la décision attaquée, rendu la concurrence sur ce marché moins effective dès lors qu’il n’existait pas de réelle alternative rentable pour les opérateurs concurrents à un accès de gros à haut débit à la technologie DSL fondée sur le dégroupage des boucles locales. L’impact du comportement de Slovak Telekom sur la concurrence aurait été d’autant plus marqué que le marché de détail des services de haut débit présentait un fort potentiel de progression durant la période en cause.
47 La Commission ajoute en substance que, conformément au concept de l’« échelle de l’investissement », ce blocage de l’accès au dégroupage de la boucle locale a privé les opérateurs alternatifs d’une source de revenus qui leur aurait permis de réaliser d’autres investissements dans le réseau, notamment en développant leur propre réseau d’accès afin d’y raccorder directement leurs clients.
48 La Commission conclut que le comportement anticoncurrentiel de Slovak Telekom sur le marché de masse (ou grand public) des services à haut débit en position fixe en Slovaquie était susceptible d’avoir des effets négatifs sur la concurrence et, eu égard à sa couverture géographique correspondant à l’ensemble du territoire de la Slovaquie, a pu affecter le commerce entre les États membres.
4. Destinataires de la décision attaquée et amendes
49 Aux termes de la décision attaquée, la requérante, durant toute la période en cause, non seulement était en mesure d’exercer une influence déterminante sur la politique commerciale de Slovak Telekom, mais a effectivement exercé une telle influence. Dès lors que la requérante et Slovak Telekom font partie de la même entreprise, toutes deux sont tenues pour responsables de l’infraction unique et continue à l’article 102 TFUE qui fait l’objet de la décision attaquée.
50 S’agissant de la sanction de cette infraction, la Commission indique avoir fixé le montant des amendes par référence aux principes énoncés dans ses lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »).
51 Tout d’abord, la Commission calcule le montant de base de l’amende en retenant 10 % du chiffre d’affaires réalisé par Slovak Telekom sur le marché de l’accès dégroupé à la boucle locale et du haut débit de détail pour les services fixes lors du dernier exercice complet de sa participation à l’infraction, en l’espèce l’année 2010, et en multipliant le chiffre ainsi obtenu par 5,33 afin de tenir compte de la durée de l’infraction (cinq ans et quatre mois). Le montant de base obtenu au terme de ce calcul s’élève à 38 838 000 euros. Il s’agit de la première amende infligée pour l’infraction en cause et pour laquelle Slovak Telekom et la requérante sont, aux termes de l’article 2, premier alinéa, sous a), de la décision attaquée, tenues solidairement responsables.
52 Ensuite, la Commission procède à un double ajustement de ce montant de base. En premier lieu, elle constate que, au moment où a été commise l’infraction en cause, la requérante avait déjà été tenue pour responsable d’une infraction à l’article 102 TFUE, en raison d’une compression des marges dans le secteur des télécommunications, dans sa décision 2003/707/CE, du 21 mai 2003, relative à une procédure d’application de l’article 82 [CE] (affaires COMP/37.451, 37.578, 37.579 – Deutsche Telekom AG) (JO 2003, L 263, p. 9, ci-après la « décision Deutsche Telekom »), et que, à l’époque à laquelle cette décision a été adoptée, la requérante détenait déjà 51 % des parts de Slovak Telekom et était en mesure d’exercer une influence déterminante sur cette dernière. Par conséquent, la Commission conclut que, pour la requérante, le montant de base de l’amende doit être augmenté de 50 % au titre de la récidive. En second lieu, la Commission constate que le chiffre d’affaires mondial de la requérante s’élevait, en 2013, à 60,132 milliards d’euros et que, afin de donner à l’amende infligée à la requérante un effet dissuasif suffisant, il convient d’appliquer au montant de base un coefficient multiplicateur de 1,2. Le produit de ce double ajustement du montant de base, à savoir 31 070 000 euros, conformément à l’article 2, premier alinéa, sous b), de la décision attaquée, donne lieu à une amende distincte infligée uniquement à la requérante.
5. Dispositif de la décision attaquée
53 Les articles 1er et 2 de la décision attaquée se lisent comme suit :
« Article premier
1. L’entreprise composée de Deutsche Telekom AG et de Slovak Telekom a.s. a commis une infraction unique et continue à l’article 102 du traité et à l’article 54 de l’accord EEE.
2. L’infraction a duré du 12 août 2005 au 31 décembre 2010 et a consisté dans les pratiques suivantes :
a) dissimulation aux opérateurs alternatifs des informations relatives au réseau nécessaires pour le dégroupage des boucles locales ;
b) réduction du champ d’application de ses obligations concernant le dégroupage des boucles locales ;
c) fixation de modalités et conditions inéquitables dans son offre de référence en matière de dégroupage concernant la colocalisation, la qualification, les prévisions, les réparations et les garanties bancaires ;
d) application de tarifs inéquitables ne permettant pas à un opérateur aussi efficace s’appuyant sur l’accès de gros aux boucles locales dégroupées de Slovak Telekom a.s. de reproduire les services de détail offerts par Slovak Telekom a.s. sans encourir de perte.
Article 2
Pour l’infraction visée à l’article 1er, les amendes suivantes sont infligées :
a) une amende de 38 838 000 EUR à Deutsche Telekom AG et Slovak Telekom a.s., solidairement ;
b) une amende de 31 070 000 EUR à Deutsche Telekom AG.
[...] »
II. Procédure et conclusions des parties
54 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 décembre 2014, la requérante a introduit le présent recours.
55 Par actes déposés au greffe du Tribunal le 30 avril 2015, Orange Slovensko, a.s. et Slovanet, a.s. ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.
56 À la demande de la requérante et de la Commission, le délai pour le dépôt d’une demande de traitement confidentiel a été prorogé à trois reprises. En dernier lieu, il a été fixé au 9 octobre 2015.
57 Par lettres des 6 et 9 octobre 2015, la requérante et la Commission ont demandé le traitement confidentiel, à l’égard d’Orange Slovensko et de Slovanet, de certains éléments contenus dans la requête, dans le mémoire en défense et dans la réplique ainsi que dans certains documents figurant dans leurs annexes. La requérante a également demandé le traitement confidentiel de certains éléments contenus dans le corrigendum du mémoire en défense.
58 Par lettre du 10 novembre 2015, la requérante a indiqué au Tribunal que ses demandes de traitement confidentiel du 6 octobre 2015 à l’égard d’Orange Slovensko et de Slovanet, ainsi que les versions non confidentielles des pièces, étaient identiques à l’égard de ces deux sociétés.
59 Par lettres des 20 novembre et 11 décembre 2015, la Commission et la requérante ont demandé le traitement confidentiel, à l’égard d’Orange Slovensko et de Slovanet, de certains éléments contenus dans la duplique ainsi que dans certains documents figurant dans les annexes de celle-ci.
60 Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 18 février 2016, Orange Slovensko et Slovanet ont été admises à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission. La décision sur le bien-fondé des demandes de traitement confidentiel a été réservée.
61 Des versions non confidentielles communes des différentes pièces de procédure, préparées par les parties principales, ont été communiquées à Orange Slovensko et à Slovanet. Ces dernières ont, sur la base de ces pièces de procédure, déposé leurs mémoires en intervention en date du 19 avril 2016.
62 Par ordonnance du 15 septembre 2016, le président de la deuxième chambre du Tribunal a, à la suite de contestations soulevées par Orange Slovensko et Slovanet, fait partiellement droit aux demandes de confidentialité de la requérante et de la Commission.
63 Par décision du président du Tribunal du 11 octobre 2016, un nouveau juge rapporteur a été désigné et l’affaire a été réattribuée à la neuvième chambre.
64 À la suite de la communication, à Orange Slovensko et à Slovanet, de nouvelles versions non confidentielles communes des différentes pièces de procédure, établies par les parties principales en application de l’ordonnance visée au point 62 ci-dessus, Slovanet a, le 23 janvier 2017, déposé un mémoire en intervention complémentaire. Orange Slovensko a, en revanche, par lettre adressée le même jour au greffe du Tribunal, renoncé à déposer un tel mémoire complémentaire.
65 Par courrier adressé au greffe du Tribunal le 8 juin 2017, Orange Slovensko a demandé le retrait de son intervention.
66 Par ordonnance du 6 septembre 2017, le président de la neuvième chambre du Tribunal a fait droit à cette demande et a ordonné, en l’absence d’observations des parties principales à cet égard, que celles-ci et Orange Slovensko supportent leurs dépens relatifs à la demande d’intervention.
67 Sur proposition de la neuvième chambre du Tribunal, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.
68 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (neuvième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a invité les parties à répondre à certaines questions lors de l’audience de plaidoiries.
69 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions écrites et orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 19 avril 2018.
70 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler totalement ou partiellement la décision attaquée, en tant qu’elle la concerne, et, à titre subsidiaire, annuler ou réduire les amendes qui lui ont été infligées ;
– condamner la Commission aux dépens.
71 La Commission et l’intervenante, Slovanet, concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
III. En droit
72 La requérante invoque cinq moyens à l’appui tant de ses conclusions principales, qui tendent à l’annulation totale ou partielle de la décision attaquée, que de ses conclusions subsidiaires, qui tendent à l’annulation des amendes qui lui ont été infligées ou à la réduction de leur montant. Le premier moyen est pris d’erreurs de fait et de droit dans l’application de l’article 102 TFUE en ce qui concerne le comportement abusif de Slovak Telekom ainsi que d’une violation des droits de la défense. Le deuxième moyen est pris d’erreurs de droit et de fait en ce qui concerne la durée du comportement abusif de Slovak Telekom. Le troisième moyen est pris d’erreurs de droit et de fait dans l’imputation à la requérante du comportement abusif de Slovak Telekom, au motif que ces sociétés feraient partie de la même entreprise. Le quatrième moyen est pris d’une violation de la notion d’« entreprise » au sens du droit de l’Union et du principe d’individualisation des peines, en ce que la décision attaquée inflige également à la seule requérante une amende distincte, ainsi que d’un défaut de motivation. Le cinquième moyen, enfin, est pris d’erreurs dans le calcul du montant de l’amende infligée solidairement à Slovak Telekom et à la requérante.
A. Sur les conclusions, présentées à titre principal, tendant à l’annulation de la décision attaquée
73 Il y a lieu d’examiner successivement les cinq moyens invoqués par la requérante et mentionnés au point 72 ci-dessus.
1. Sur le premier moyen, pris d’erreurs de droit et de fait dans l’application de l’article 102 TFUE en ce qui concerne le comportement abusif de Slovak Telekom ainsi que d’une violation des droits de la défense
74 Le premier moyen comprend trois branches, tirées, la première, d’une violation de l’article 102 TFUE dès lors que la Commission a constaté l’existence d’une infraction au sens de cette disposition sans examiner le caractère indispensable des infrastructures de télécommunication en cause, la deuxième, d’une violation du droit de la requérante à être entendue en ce qui concerne le calcul de la compression des marges et, la troisième, d’erreurs lors du calcul des coûts moyens incrémentaux à long terme (ci-après les « CMILT »).
75 Par ailleurs, la requérante indique se rallier, dans le cadre de son premier moyen, à l’argumentation présentée par Slovak Telekom dans son recours introduit le 26 décembre 2014 contre la décision attaquée (affaire T‑851/14). La requérante fait également valoir, en se référant notamment à l’arrêt du 22 janvier 2013, Commission/Tomkins (C‑286/11 P, EU:C:2013:29), que, si un moyen invoqué dans le cadre de ce recours devait être accueilli, elle devrait également bénéficier d’un tel résultat dans la présente affaire.
a) Sur la recevabilité du renvoi général à l’argumentation de Slovak Telekom dans l’affaire T‑851/14
76 La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste la recevabilité du renvoi général opéré par la requérante à l’argumentation présentée par Slovak Telekom au soutien de son recours contre la décision attaquée dans l’affaire T‑851/14. Elle soutient ne pas être en mesure d’exercer de manière effective ses droits de la défense en l’absence d’une argumentation suffisamment précise dans la requête elle-même.
77 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en application de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, applicable au moment de l’introduction du recours, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. S’il est vrai que le corps de celle-ci peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés des pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui doivent figurer dans la requête (voir arrêts du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 50 et jurisprudence citée, et du 27 avril 2017, Germanwings/Commission, T‑375/15, non publié, EU:T:2017:289, point 127 et jurisprudence citée). Il en va de même pour toute conclusion formulée dans un recours, qui doit être assortie de moyens et d’arguments permettant, tant à la partie défenderesse qu’au juge, d’en apprécier le bien-fondé (arrêt du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T‑43/92, EU:T:1994:79, point 183).
78 En l’espèce, le renvoi général opéré dans la requête aux moyens et aux arguments invoqués par Slovak Telekom dans l’affaire T‑851/14, certes connexe à la présente affaire, ne répond pas à ces exigences (arrêt du 24 mars 2011, Legris Industries/Commission, T‑376/06, non publié, EU:T:2011:107, point 32 ; voir également, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2013, Good Luck Shipping/Conseil, T‑57/12, non publié, EU:T:2013:410, point 56 et jurisprudence citée).
79 Il en résulte que l’argumentation par laquelle la requérante fait siens les moyens et les arguments de Slovak Telekom dans l’affaire T‑851/14 n’est pas recevable.
80 Il convient néanmoins de préciser que cette conclusion concerne la recevabilité d’un renvoi global par la requérante aux moyens et aux arguments présentés dans le recours distinct introduit par Slovak Telekom. Cette conclusion n’est donc pas afférente à la question de savoir si la requérante, pour autant que l’existence d’une unité économique entre elle et Slovak Telekom soit confirmée, devrait bénéficier, au motif que sa responsabilité est purement dérivée, de l’éventuel accueil d’une argumentation qui est spécifique au recours intenté par Slovak Telekom dans l’affaire T‑851/14 et qui a le même objet que le présent recours (arrêts du 22 janvier 2013, Commission/Tomkins, C‑286/11 P, EU:C:2013:29, points 43 à 49, et du 17 septembre 2015, Total/Commission, C‑597/13 P, EU:C:2015:613, point 39).
b) Sur la première branche, tirée d’une violation de l’article 102 TFUE au motif que la Commission a constaté l’existence d’une infraction au sens de cette disposition sans examiner le caractère indispensable des infrastructures de télécommunication en cause
81 Par la première branche de son premier moyen, la requérante soutient que la Commission a erronément omis d’examiner, dans la décision attaquée, le caractère indispensable de l’accès au réseau DSL en cuivre de Slovak Telekom pour exercer une activité sur le marché de détail des services à haut débit en Slovaquie. La Commission aurait, ce faisant, méconnu le principe découlant de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), selon lequel un refus de fourniture ou d’accès ne constitue un abus de position dominante que lorsqu’il est de nature à éliminer toute concurrence sur le marché dérivé et que les intrants en cause en amont sont indispensables à l’exercice de l’activité en aval. L’application de ce principe en l’espèce ne serait pas mise en cause par la circonstance que la présente affaire concerne un refus implicite d’accès et non, comme dans l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), un refus total de fourniture. En effet, aucune raison ne justifierait que l’existence d’un abus en raison d’un refus implicite d’accès soit soumise à des exigences de preuve moins strictes que l’existence d’un abus en raison d’un refus total d’accès. La distinction opérée en ce sens par la Commission reposerait sur une lecture erronée des points 55 et 58 de l’arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83). Elle aboutirait de surcroît au résultat illogique que la démonstration de l’infraction la plus grave (à savoir le refus total d’accès) serait soumise à des conditions plus strictes que celles applicables à l’infraction la moins grave (à savoir le refus implicite d’accès). La requérante souligne au sujet de ce dernier point qu’au moins une entreprise a obtenu l’accès aux boucles locales de Slovak Telekom, ce qui aurait été exclu en présence d’un refus total d’accès.
82 La requérante fait également valoir que cette exigence de preuve ne serait pas diminuée par la circonstance que Slovak Telekom était soumise à une obligation réglementaire d’octroyer aux fournisseurs concurrents un accès dégroupé à sa boucle locale, cette obligation poursuivant d’autres objectifs et étant soumise à d’autres conditions que le contrôle a posteriori tenant à l’existence d’un abus au sens de l’article 102 TFUE. Une telle obligation, édictée en 2005 par le TUSR, ne serait au demeurant pas de nature à remplacer l’examen concret du caractère indispensable de l’accès aux boucles locales de Slovak Telekom à un moment ultérieur. Or, la Commission aurait omis de procéder à un tel examen concret en l’espèce, alors même que les marchés des télécommunications sont en constante évolution.
83 De même, la requérante conteste le point de vue de la Commission selon lequel, en substance, le principe issu de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), ne s’appliquerait pas en l’espèce dès lors que le réseau de télécommunications en cause a été développé dans des conditions de monopole par le gouvernement slovaque. La Commission ne justifierait pas en quoi cette circonstance lui permettait de constater l’existence d’un abus de position dominante sans vérifier le caractère indispensable de l’accès au réseau DSL en cuivre de Slovak Telekom. L’existence d’un abus devant toujours être appréciée indépendamment des conditions dans lesquelles une position dominante est née, aucune raison ne justifierait que des anciens monopoles d’État soient soumis à un traitement différent de celui d’autres entreprises dans le cadre de l’application de l’article 102 TFUE. La requérante ajoute que le réseau DSL de Slovak Telekom fondé sur le cuivre avait, à l’origine, un taux de couverture très faible et était de mauvaise qualité et que cela a conduit Slovak Telekom, ainsi qu’il ressort du considérant 891 de la décision attaquée, à investir en permanence dans des actifs à haut débit entre 2003 et 2010, soit postérieurement à la perte de son monopole.
84 En tout état de cause, le fait que plusieurs fournisseurs concurrents soient parvenus à entrer sur le marché de détail du haut débit à partir de leur propre infrastructure démontrerait que l’accès dégroupé à la boucle locale de Slovak Telekom n’était pas indispensable au développement d’offres concurrentes.
85 La Commission conteste ces allégations.
86 À cet égard, selon une jurisprudence constante, il incombe à l’entreprise qui détient une position dominante une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte, par son comportement, à une concurrence effective et non faussée dans le marché intérieur (voir arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 135 et jurisprudence citée), la circonstance qu’une telle position trouve son origine dans un ancien monopole légal devant, à cet égard, être prise en compte (arrêt du 27 mars 2012, Post Danmark, C‑209/10, EU:C:2012:172, point 23).
87 C’est pourquoi l’article 102 TFUE interdit, notamment, à une entreprise occupant une position dominante de mettre en œuvre des pratiques produisant des effets d’éviction pour ses concurrents considérés comme étant aussi efficaces qu’elle-même, renforçant sa position dominante en recourant à des moyens autres que ceux qui relèvent d’une concurrence par les mérites. Dans cette perspective, toute concurrence par les prix ne peut être considérée comme légitime (voir arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 136 et jurisprudence citée).
88 Il a été jugé, à cet égard, que l’exploitation abusive d’une position dominante interdite par l’article 102 TFUE est une notion objective qui vise les comportements d’une entreprise en position dominante qui, sur un marché où, à la suite précisément de la présence de l’entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli, ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou des services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence (voir arrêts du 19 avril 2012, Tomra Systems e.a./Commission, C‑549/10 P, EU:C:2012:221, point 17 et jurisprudence citée, et du 9 septembre 2009, Clearstream/Commission, T‑301/04, EU:T:2009:317, point 140 et jurisprudence citée).
89 L’article 102 TFUE vise non seulement les pratiques qui causent un préjudice immédiat aux consommateurs, mais également celles qui leur causent un préjudice en portant atteinte au jeu de la concurrence (voir, en ce sens, arrêts du 27 mars 2012, Post Danmark, C‑209/10, EU:C:2012:172, point 20 et jurisprudence citée, et du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, EU:T:2012:172, point 171).
90 L’effet sur la situation concurrentielle auquel il est fait référence au point 88 ci-dessus ne concerne pas nécessairement l’effet concret du comportement abusif dénoncé. Aux fins de l’établissement d’une violation de l’article 102 TFUE, il y a lieu de démontrer que le comportement abusif de l’entreprise en position dominante tend à restreindre la concurrence ou, en d’autres termes, que le comportement est de nature à avoir un tel effet ou est susceptible d’avoir un tel effet (arrêt du 19 avril 2012, Tomra Systems e.a./Commission, C‑549/10 P, EU:C:2012:221, point 68 ; voir, également, arrêts du 9 septembre 2009, Clearstream/Commission, T‑301/04, EU:T:2009:317, point 144 et jurisprudence citée, et du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, EU:T:2012:172, point 268 et jurisprudence citée).
91 Par ailleurs, en ce qui concerne le caractère abusif d’une pratique aboutissant à la compression des marges, il convient de relever que l’article 102, second alinéa, sous a), TFUE interdit explicitement le fait pour une entreprise dominante d’imposer de façon directe ou indirecte des prix non équitables (arrêts du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige, C‑52/09, EU:C:2011:83, point 25, et du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, EU:T:2012:172, point 173). La liste des pratiques abusives figurant à l’article 102 TFUE n’étant néanmoins pas limitative, l’énumération des pratiques abusives contenues dans cette disposition n’épuise pas les modes d’exploitation abusive de position dominante interdits par le droit de l’Union (arrêts du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can/Commission, 6/72, EU:C:1973:22, point 26 ; du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige, C‑52/09, EU:C:2011:83, point 26, et du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, EU:T:2012:172, point 174).
92 En l’espèce, il convient de préciser que l’argumentation présentée par la requérante dans la première branche du présent moyen concerne uniquement le critère juridique appliqué par la Commission, dans la septième partie de la décision attaquée (considérants 355 à 821), en vue de qualifier une série de comportements de Slovak Telekom au cours de la période en cause de « refus de fourniture ». En revanche, la requérante ne conteste pas l’existence même des comportements constatés par la Commission dans cette partie de la décision attaquée. Ainsi qu’il ressort des considérants 2 et 1507 de ladite décision, ces comportements, qui ont contribué à l’identification par la Commission d’une infraction unique et continue à l’article 102 TFUE (considérant 1511 de la décision attaquée), ont consisté, premièrement, en une dissimulation aux opérateurs alternatifs d’informations relatives au réseau de Slovak Telekom, nécessaires au dégroupage de la boucle locale de cet opérateur, deuxièmement, en une réduction par Slovak Telekom de ses obligations relatives au dégroupage découlant du cadre réglementaire applicable et, troisièmement, en la fixation par ledit opérateur de plusieurs clauses et conditions inéquitables dans son offre de référence en matière de dégroupage.
93 Par ailleurs, et ainsi que l’a confirmé la requérante lors de l’audience, la première branche du premier moyen ne vise pas à remettre en cause l’analyse du comportement de Slovak Telekom ayant consisté en une compression des marges opérée par la Commission dans la huitième partie de la décision attaquée (considérants 822 à 1045 de la décision attaquée). En effet, dans son recours, la requérante ne conteste pas que ce type de comportement constitue une forme autonome d’abus différente du refus de fourniture d’accès et dont l’existence n’est, dès lors, pas soumise aux critères établis dans l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569) (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 75 et jurisprudence citée).
94 Ainsi, en substance, la requérante reproche à la Commission d’avoir qualifié les comportements rappelés au point 92 ci-dessus de « refus de fourniture » d’accès à la boucle locale de Slovak Telekom sans avoir vérifié le caractère « indispensable » d’un tel accès, au sens de la troisième condition édictée au point 41 de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569).
95 Dans cet arrêt, la Cour a certes considéré que, afin que le refus par une entreprise en position dominante d’accorder l’accès à un service puisse constituer un abus au sens de l’article 102 TFUE, il faut que ce refus soit de nature à éliminer toute concurrence sur le marché de la part du demandeur du service, que ce refus ne puisse être objectivement justifié et que le service en lui-même soit indispensable à l’exercice de l’activité du demandeur (arrêt du 26 novembre 1998, Bronner, C‑7/97, EU:C:1998:569, point 41 ; voir, également, arrêt du 9 septembre 2009, Clearstream/Commission, T‑301/04, EU:T:2009:317, point 147 et jurisprudence citée).
96 Par ailleurs, il ressort des points 43 et 44 de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), que, pour déterminer si un produit ou un service est indispensable pour permettre à une entreprise d’exercer son activité sur un marché déterminé, il convient de rechercher s’il existe des produits ou des services constituant des solutions alternatives, même si elles sont moins avantageuses, et s’il existe des obstacles techniques, réglementaires ou économiques de nature à rendre impossible, ou du moins déraisonnablement difficile, pour toute entreprise entendant opérer sur ledit marché la création, éventuellement en collaboration avec d’autres opérateurs, de produits ou de services alternatifs. Selon le point 46 de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), pour pouvoir admettre l’existence d’obstacles de nature économique, il doit à tout le moins être établi que la création de ces produits ou services n’est pas économiquement rentable pour une production à une échelle comparable à celle de l’entreprise contrôlant le produit ou le service existant (arrêt du 29 avril 2004, IMS Health, C‑418/01, EU:C:2004:257, point 28).
97 Toutefois, en l’espèce, dès lors que la réglementation relative au secteur des télécommunications définit le cadre juridique applicable à celui-ci et que, ce faisant, elle contribue à déterminer les conditions de concurrence dans lesquelles une entreprise de télécommunications exerce ses activités sur les marchés concernés, ladite réglementation constitue un élément pertinent pour l’application de l’article 102 TFUE aux comportements adoptés par cette entreprise, notamment pour apprécier le caractère abusif de tels comportements (arrêt du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C‑280/08 P, EU:C:2010:603, point 224).
98 Comme le fait valoir à juste titre la Commission, les conditions rappelées au point 95 ci-dessus ont été édictées et appliquées dans le contexte d’affaires dans lesquelles était en jeu la question de savoir si l’article 102 TFUE pouvait être de nature à requérir de l’entreprise en position dominante qu’elle fournisse à d’autres entreprises l’accès à un produit ou à un service, en l’absence de toute obligation réglementaire en ce sens.
99 Un tel contexte diffère de celui de la présente affaire, dans laquelle le TUSR a, par une décision du 8 mars 2005 confirmée par le directeur de cette autorité le 14 juin 2005, imposé à Slovak Telekom d’accéder à toutes les demandes de dégroupage de sa boucle locale considérées comme raisonnables et justifiées, afin de permettre à des opérateurs alternatifs, sur cette base, d’offrir leurs propres services sur le marché de détail de masse (ou grand public) des services à haut débit en position fixe en Slovaquie (voir point 9 ci-dessus). Cette obligation résultait de la volonté des autorités publiques d’inciter Slovak Telekom et ses concurrents à investir et à innover, tout en veillant à ce que la concurrence sur le marché soit préservée (considérants 218, 373, 388, 1053 et 1129 de la décision attaquée).
100 Comme cela est exposé aux considérants 37 à 46 de la décision attaquée, la décision du TUSR, prise en application de la loi no 610/2003, mettait en œuvre en Slovaquie l’exigence d’accès dégroupé à la boucle locale des opérateurs puissants sur le marché de la fourniture de réseaux téléphoniques publics fixes, prévue à l’article 3 du règlement no 2887/2000. Le législateur de l’Union a justifié cette exigence, au considérant 6 dudit règlement, par la circonstance qu’« [i]l ne serait pas économiquement viable pour les nouveaux arrivants de reproduire l’infrastructure d’accès local métallique des opérateurs en place, dans sa totalité et dans un laps de temps raisonnable[, l]es autres infrastructures [...] n’offr[a]nt en général ni la même fonctionnalité, ni la même densité de couverture ».
101 Ainsi, étant donné que le cadre réglementaire pertinent reconnaissait clairement la nécessité d’un accès à la boucle locale de Slovak Telekom, en vue de permettre l’émergence et le développement d’une concurrence efficace sur le marché slovaque des services Internet à haut débit, la démonstration, par la Commission, qu’un tel accès présentait bien un caractère indispensable au sens de la dernière condition édictée au point 41 de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), n’était pas requise.
102 Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel l’existence d’une obligation réglementaire d’accès à la boucle locale de Slovak Telekom ne signifie pas qu’un tel accès devait également être accordé en vertu de l’article 102 TFUE, dès lors qu’une telle obligation réglementaire ex ante poursuit d’autres objectifs et est soumise à d’autres conditions que le contrôle ex post du comportement d’une entreprise dominante, au titre dudit article.
103 En effet, il suffit, pour rejeter cet argument, de souligner que les éléments qui figurent aux points 97 à 101 ci-dessus ne reposent pas sur la prémisse selon laquelle l’obligation faite à Slovak Telekom d’accorder l’accès dégroupé à sa boucle locale résulterait de l’article 102 TFUE, mais se bornent à souligner, conformément à la jurisprudence citée au point 97 ci-dessus, que l’existence d’une telle obligation réglementaire constitue un élément pertinent du contexte économique et juridique dans lequel il convient d’apprécier si les pratiques de Slovak Telekom examinées dans la septième partie de la décision attaquée pouvaient être qualifiées de pratiques abusives au sens de cette disposition.
104 Au demeurant, la référence opérée par la requérante au point 113 de l’arrêt du 10 avril 2008, Deutsche Telekom/Commission (T‑271/03, EU:T:2008:101), en vue de soutenir l’argument rappelé au point 102 ci-dessus manque de pertinence. Le Tribunal a certes relevé, audit point, que les autorités réglementaires nationales agissent conformément au droit national, lequel peut avoir des objectifs qui diffèrent de ceux de la politique de l’Union en matière de concurrence. Ce point de raisonnement visait à étayer le rejet par le Tribunal de l’argument de la requérante, invoqué dans cette affaire, selon lequel, en substance, le contrôle ex antede ses tarifs par l’autorité de régulation des télécommunications et des postes allemande excluait que l’article 102 TFUE puisse être appliqué à une éventuelle compression des marges résultant de ses tarifs pour l’accès dégroupé à sa propre boucle locale. Ce point était dès lors étranger à la question de savoir si l’existence d’une obligation réglementaire d’accès à la boucle locale de l’opérateur dominant est pertinente en vue d’apprécier la conformité de ses conditions d’accès avec l’article 102 TFUE.
105 Il résulte de ce qui précède qu’il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir omis d’établir le caractère indispensable de l’accès au réseau en cause.
106 Il y a lieu d’ajouter qu’un tel reproche ne saurait être davantage opposé à la Commission s’il devait être estimé que le refus implicite d’accès en cause était visé par les considérations de l’arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83). Dans cet arrêt, la Cour a jugé qu’il ne saurait être déduit des points 48 et 49 de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), que les conditions nécessaires afin d’établir l’existence d’un refus abusif de fourniture, qui faisait l’objet de la première question préjudicielle examinée dans cette dernière affaire, doivent nécessairement s’appliquer également dans le cadre de l’appréciation du caractère abusif d’un comportement consistant à soumettre la fourniture de services ou la vente de produits à des conditions désavantageuses ou auxquelles l’acheteur pourrait ne pas être intéressé (arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige, C‑52/09, EU:C:2011:83, point 55). À cet égard, la Cour a relevé que de tels comportements pourraient, en soi, être constitutifs d’une forme autonome d’abus différent du refus de fourniture (arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige, C‑52/09, EU:C:2011:83, point 56).
107 La Cour a indiqué par ailleurs qu’une interprétation différente de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), reviendrait à exiger, afin que tout comportement d’une entreprise dominante concernant les conditions commerciales de celle-ci puisse être considéré comme étant abusif, que soient toujours remplies les conditions requises pour établir l’existence d’un refus de livrer, ce qui réduirait indûment l’effet utile de l’article 102 TFUE (arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige, C‑52/09, EU:C:2011:83, point 58).
108 La requérante souligne à juste titre sur ce point que la pratique en cause dans l’affaire au principal examinée par la Cour dans l’arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83), consistait uniquement, ainsi qu’il ressort du point 8 de cet arrêt, en une possible compression des marges pratiquée par l’opérateur historique suédois du réseau de téléphonie fixe en vue de décourager les demandes d’opérateurs alternatifs d’accéder à sa boucle locale. Il ne saurait pour autant en être déduit que l’interprétation qu’a donnée la Cour de la portée des conditions posées au point 41 de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), est limitée à cette seule forme de comportement abusif et ne couvre pas des pratiques non strictement tarifaires telles que celles examinées en l’espèce par la Commission dans la septième partie de la décision attaquée (voir points 27 à 41 ci-dessus).
109 En effet, il convient tout d’abord de constater que, aux points 55 à 58 de l’arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83), la Cour ne s’est pas référée à la forme particulière d’abus que constitue la compression des marges d’opérateurs concurrents sur un marché en aval, mais plutôt à la « fourniture de services ou [à] la vente de produits à des conditions désavantageuses ou auxquelles l’acheteur pourrait ne pas être intéressé » ainsi qu’aux « conditions commerciales » fixées par l’entreprise dominante. Un tel libellé suggère que les pratiques d’éviction auxquelles il était ainsi fait référence concernaient non pas uniquement une compression des marges, mais aussi d’autres pratiques commerciales de nature à produire des effets d’éviction illicites pour des concurrents actuels ou potentiels, du type de celles qualifiées par la Commission de refus implicite de fourniture d’accès à la boucle locale de Slovak Telekom (voir, en ce sens, considérant 366 de la décision attaquée).
110 Cette lecture de l’arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83), est confortée par le renvoi opéré par la Cour, dans cette partie de son analyse, aux points 48 et 49 de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569). Ces points étaient en effet consacrés à la seconde question préjudicielle soumise à la Cour dans cette affaire et concernaient non pas le refus par l’entreprise dominante en cause dans le litige au principal de donner accès à son système de portage à domicile à l’éditeur d’un quotidien concurrent, examiné dans le cadre de la première question, mais l’éventuelle qualification d’abus de position dominante d’une pratique qui aurait consisté pour cette entreprise à soumettre un tel accès à la condition que l’éditeur en question lui confiât en même temps l’exécution d’autres services, tels que la vente dans les kiosques ou l’impression.
111 À cet égard, ne saurait être retenu l’argument de la requérante selon lequel, en substance, l’application en l’espèce du raisonnement suivi aux points 55 à 58 de l’arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83), aboutirait au résultat illogique que la démonstration d’un refus implicite de fourniture serait plus aisée que celle tenant à un refus pur et simple de fourniture, alors même que ce dernier type de comportement constitue une forme plus grave d’abus de position dominante. En effet, il suffit de constater que cet argument repose sur une prémisse erronée, à savoir que la gravité d’une infraction à l’article 102 TFUE consistant en un refus d’une entreprise dominante de fournir un produit ou un service à d’autres entreprises dépendrait uniquement de sa forme. Or, la gravité d’une telle infraction est susceptible de dépendre de nombreux facteurs indépendants du caractère explicite ou implicite dudit refus, tels l’étendue géographique de l’infraction, son caractère intentionnel, ou encore ses effets sur le marché. Les lignes directrices de 2006 confirment cette analyse lorsqu’elles indiquent, à leur point 20, que l’appréciation de la gravité d’une infraction à l’article 101 ou 102 TFUE est faite au cas par cas pour chaque type d’infraction, en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce.
112 Enfin, il doit être rappelé que, au point 69 de l’arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83), la Cour a relevé que le caractère indispensable du produit de gros pouvait être pertinent afin d’apprécier les effets d’une compression des marges. Toutefois, en l’espèce, force est de constater que la requérante n’a invoqué l’obligation pour la Commission de démontrer le caractère indispensable de l’accès dégroupé à la boucle locale de Slovak Telekom qu’à l’appui de son allégation selon laquelle la Commission n’aurait pas appliqué le critère juridique adéquat lors de son appréciation des pratiques examinées dans la septième partie de la décision attaquée (voir, par analogie, arrêt du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, EU:T:2012:172, point 182), et non en vue de remettre en cause l’appréciation par la Commission des effets anticoncurrentiels desdites pratiques, opérée dans la neuvième partie de ladite décision (considérants 1046 à 1109 de la décision attaquée).
113 Quant à la référence faite par la requérante au point 79 de la communication relative aux orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article [102 TFUE] aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes (JO 2009, C 45, p. 7), elle manque de pertinence en l’espèce.
114 En effet, d’une part, comme le relève à juste titre la Commission, la distinction opérée audit point entre un refus pur et simple et un « refus implicite » de fourniture n’est accompagnée d’aucune précision quant aux critères juridiques pertinents en vue d’aboutir, dans chacune de ces hypothèses, au constat d’une infraction à l’article 102 TFUE. D’autre part et en tout état de cause, cette communication indique qu’elle a pour seul objet de définir les priorités guidant l’action de la Commission dans l’application de l’article 102 TFUE aux pratiques d’éviction auxquelles se livrent les entreprises dominantes, et non pas d’établir le droit applicable (voir points 2 et 3 de la communication).
115 Compte tenu de ce qui précède, il convient de conclure que la qualification des comportements de Slovak Telekom examinés dans la septième partie de la décision attaquée de pratiques abusives au sens de l’article 102 TFUE ne supposait pas que la Commission établisse que l’accès à la boucle locale de Slovak Telekom était indispensable à l’exercice de l’activité des opérateurs concurrents sur le marché de détail pour les services à haut débit fixe en Slovaquie, au sens de la jurisprudence citée au point 96 ci-dessus.
116 Il résulte des éléments qui précèdent que la première branche du premier moyen doit être rejetée comme non fondée.
c) Sur la deuxième branche, tirée d’une violation du droit de la requérante à être entendue en ce qui concerne le calcul de la compression des marges
117 Par la deuxième branche de son premier moyen, la requérante soutient que la Commission a méconnu à double titre son droit d’être entendue au stade de la procédure administrative.
118 Premièrement, la Commission aurait porté à la connaissance de la requérante un ensemble d’éléments nouveaux lors d’une réunion d’information qui s’est tenue le 29 septembre 2014. Un document intitulé « Calcul de la compression des marges (résultats préliminaires) » [Margin squeeze calculation (preliminary results)], communiqué à la requérante à cette occasion, aurait fait apparaître que la marge réalisée par Slovak Telekom en 2005 était positive sur la base d’un calcul des marges période par période (année par année). Ce document contiendrait par ailleurs des chiffres auxquels la requérante n’avait pas eu accès avant la réunion d’information. Enfin, la Commission aurait indiqué, lors de cette réunion, son intention, d’une part, d’appliquer une approche sur plusieurs périodes (ou pluriannuelle) pour le calcul des marges entre le 12 août 2005 et le 31 décembre 2010 et, d’autre part, de constater ainsi une marge négative également pour l’année 2005. Or, cette annonce aurait surpris tant la requérante que Slovak Telekom, aucune d’elles n’ayant jusque-là suggéré une telle méthode.
119 À la suite d’une demande présentée par la requérante, la Commission aurait informé celle-ci, le 1er octobre 2014, qu’elle pouvait lui communiquer ses observations sur ces éléments pour le 3 octobre 2014 au plus tard. Or, dès lors que cette dernière date était un jour férié légal en Allemagne, la requérante aurait disposé de moins de deux jours ouvrables pour présenter ses observations. Certains des chiffres utilisés pour le calcul révisé de la compression des marges ayant été fournis par Slovak Telekom dans sa réponse à l’exposé des faits et la requérante n’ayant pas eu accès à celle-ci, la Commission a, par lettre du 7 octobre 2014, autorisé la requérante à consulter cette réponse et à formuler ses observations sur celle-ci, au plus tard, pour le 9 octobre au soir.
120 Selon la requérante, ces délais très courts l’ont, en pratique, privée de toute possibilité réelle de faire connaître son point de vue sur les éléments nouveaux portés à sa connaissance le 29 septembre 2014, et ce alors même que lesdits éléments ont été pris en compte dans la décision attaquée. La requérante souligne que les données chiffrées présentées pour la première fois par la Commission à cette date étaient non seulement nouvelles, du fait notamment de l’utilisation des CMILT, mais aussi complexes. Elle n’aurait pas été en mesure de soumettre ces nouvelles données chiffrées à des économistes, ce qui lui aurait certainement permis d’influencer l’appréciation par la Commission de la durée de la compression des marges ayant fait l’objet de l’enquête.
121 Deuxièmement, la requérante reproche à la Commission d’avoir procédé dans la décision attaquée à des corrections et ajustements des données fournies par Slovak Telekom pour calculer les CMILT, sans toutefois l’avoir préalablement informée de ses objections à cet égard et, par conséquent, en l’ayant privée de toute possibilité de faire valoir utilement son point de vue.
122 La Commission conteste ces arguments.
123 Il y a lieu de rappeler que le respect des droits de la défense dans la conduite des procédures administratives en matière de politique de la concurrence constitue un principe général du droit de l’Union, dont les juridictions de l’Union assurent le respect (voir arrêt du 18 juin 2013, ICF/Commission, T‑406/08, EU:T:2013:322, point 115 et jurisprudence citée).
124 Ce principe exige que l’entreprise intéressée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction aux règles de la concurrence. En ce sens, l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 prévoit l’envoi aux parties d’une communication des griefs. Cette communication doit énoncer, de manière claire, tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure (arrêt du 5 décembre 2013, SNIA/Commission, C‑448/11 P, non publié, EU:C:2013:801, points 41 et 42).
125 Cette exigence est respectée dès lors que la décision définitive ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer au cours de la procédure (voir, en ce sens, arrêts du 24 mai 2012, MasterCard e.a./Commission, T‑111/08, EU:T:2012:260, point 266, et du 18 juin 2013, ICF/Commission, T‑406/08, EU:T:2013:322, point 117).
126 Toutefois, l’énonciation des éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde dans la communication des griefs peut être faite de manière sommaire et la décision ne doit pas nécessairement être une copie de la communication des griefs, car cette communication constitue un document préparatoire dont les appréciations de fait et de droit ont un caractère purement provisoire (voir, en ce sens, arrêts du 17 novembre 1987, British American Tobacco et Reynolds Industries/Commission, 142/84 et 156/84, EU:C:1987:490, point 70 ; du 5 décembre 2013, SNIA/Commission, C‑448/11 P, non publié, EU:C:2013:801, point 42 et jurisprudence citée, et du 24 mai 2012, MasterCard e.a./Commission, T‑111/08, EU:T:2012:260, point 267). Sont ainsi admissibles des ajouts à la communication des griefs effectués à la lumière du mémoire en réponse des parties, dont les arguments démontrent qu’elles ont effectivement pu exercer leurs droits de la défense. La Commission peut également, au vu de la procédure administrative, réviser ou ajouter des arguments de fait ou de droit à l’appui des griefs qu’elle a formulés (arrêt du 9 septembre 2011, Alliance One International/Commission, T‑25/06, EU:T:2011:442, point 181). En conséquence, jusqu’à ce qu’une décision finale soit adoptée, la Commission peut, au vu notamment des observations écrites ou orales des parties, soit abandonner certains ou même la totalité des griefs initialement articulés à leur égard et modifier ainsi sa position en leur faveur, soit, à l’inverse, décider d’ajouter de nouveaux griefs, pour autant qu’elle donne aux entreprises concernées l’occasion de faire valoir leur point de vue à ce sujet (voir arrêt du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑191/98 et T‑212/98 à T‑214/98, EU:T:2003:245, point 115 et jurisprudence citée).
127 Il découle du caractère provisoire de la qualification juridique des faits retenue dans la communication des griefs que la décision finale de la Commission ne saurait être annulée au seul motif que les conclusions définitives tirées de ces faits ne correspondent pas de manière précise à ladite qualification provisoire (arrêt du 5 décembre 2013, SNIA/Commission, C‑448/11 P, non publié, EU:C:2013:801, point 43). La prise en compte d’un argument avancé par une partie au cours de la procédure administrative, sans qu’elle ait été mise en mesure de s’exprimer, à cet égard, avant l’adoption de la décision finale, ne saurait dès lors constituer, en tant que telle, une violation de ses droits de la défense, lorsque la prise en compte de cet argument ne modifie pas la nature des griefs qui lui ont été adressés (voir, en ce sens, ordonnance du 10 juillet 2001, Irish Sugar/Commission, C‑497/99 P, EU:C:2001:393, point 24 ; arrêts du 28 février 2002, Compagnie générale maritime e.a./Commission, T‑86/95, EU:T:2002:50, point 447, et du 9 septembre 2011, Alliance One International/Commission, T‑25/06, EU:T:2011:442, point 182).
128 En effet, la Commission doit entendre les destinataires d’une communication des griefs et, le cas échéant, tenir compte de leurs observations visant à répondre aux griefs retenus en modifiant son analyse, précisément pour respecter leurs droits de la défense. Il doit ainsi être permis à la Commission de préciser cette qualification dans sa décision finale, en tenant compte des éléments résultant de la procédure administrative, soit pour abandonner des griefs qui se seraient révélés mal fondés, soit pour aménager et compléter tant en fait qu’en droit son argumentation à l’appui des griefs qu’elle retient, à condition toutefois qu’elle ne retienne que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer et qu’elle ait fourni, au cours de la procédure administrative, les éléments nécessaires à leur défense (voir arrêts du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, EU:C:2009:505, point 40 et jurisprudence citée, et du 5 décembre 2013, SNIA/Commission, C‑448/11 P, non publié, EU:C:2013:801, point 44 et jurisprudence citée).
129 Enfin, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, il y a une violation des droits de la défense lorsqu’il existe une possibilité que, en raison d’une irrégularité commise par la Commission, la procédure administrative menée par elle ait pu aboutir à un résultat différent. Une entreprise requérante établit qu’une telle violation a eu lieu lorsqu’elle démontre à suffisance non pas que la décision de la Commission aurait eu un contenu différent, mais bien qu’elle aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de l’irrégularité, par exemple en raison du fait qu’elle aurait pu utiliser pour sa défense des documents dont l’accès lui a été refusé lors de la procédure administrative (voir arrêts du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, EU:C:2003:527, point 31 et jurisprudence citée, et du 24 mai 2012, MasterCard e.a./Commission, T‑111/08, EU:T:2012:260, point 269 et jurisprudence citée ; arrêt du 9 septembre 2015, Philips/Commission, T‑92/13, non publié, EU:T:2015:605, point 93).
130 C’est à la lumière de ces principes qu’il convient tout d’abord d’examiner le premier grief de la requérante, selon lequel son droit à être entendue aurait été méconnu dès lors qu’elle n’a pas été en mesure de faire connaître utilement son point de vue, au cours de la procédure administrative, sur des éléments nouveaux portés à sa connaissance lors de la réunion d’information organisée par la Commission le 29 septembre 2014 et dont il aurait été tenu compte dans la décision attaquée. Ces éléments consistaient, premièrement, en de nouveaux chiffres concernant les calculs de compression des marges de Slovak Telekom, deuxièmement, en la circonstance que la marge pour l’année 2005 était positive sur la base d’un calcul des marges période par période (année par année) et, troisièmement, en l’intention manifestée par la Commission lors de cette réunion d’appliquer au surplus une méthode sur plusieurs périodes (pluriannuelle) de calcul des marges lui permettant de conclure à l’existence d’une marge négative également pour l’année 2005.
131 En ce qui concerne les deux premiers éléments, d’une part, il convient certes de relever que, aux termes du considérant 1010 de la décision attaquée, les marges identifiées pour l’année 2005 ont été positives en ce qui concerne les trois portefeuilles de services analysés. Cela contraste avec le calcul de compression des marges pour l’accès à la boucle locale de Slovak Telekom qui figurait dans la communication des griefs et qui faisait apparaître que la marge calculée pour cette même année était négative (voir tableau 88 et considérant 1203 de la communication des griefs). D’autre part, il est constant que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas repris l’ensemble des chiffres utilisés en vue du calcul de compression des marges dans la communication des griefs et que cette modification a donné lieu à l’identification dans ladite décision de marges différentes de celles calculées à titre prévisionnel dans cette communication.
132 Toutefois, comme la Commission le relève à juste titre dans ses écritures, sans être contredite par la requérante, ces changements concernant les calculs de compression des marges ont résulté de la prise en considération des données et des calculs fournis par Slovak Telekom elle-même en réponse à la communication des griefs. Cette prise en considération apparaît ainsi, notamment, aux considérants 910, 945, 963 et 984 de la décision attaquée. Il ressort, par ailleurs, des considérants 946 (note en bas de page no 1405) et 1000 de la décision attaquée que la Commission a tenu compte, lors de l’adoption de celle-ci, de l’actualisation des calculs de compression des marges fournie par Slovak Telekom dans sa réponse à la lettre d’exposé des faits (voir point 21 ci-dessus).
133 Ce faisant, en ce qui concerne son appréciation de la compression des marges, la Commission n’a pas modifié, dans la décision attaquée, la nature des griefs retenus à l’encontre de Slovak Telekom et, par extension, à l’encontre de la requérante en sa qualité de société mère, en mettant à leur charge des faits sur lesquels celles-ci n’auraient pas eu l’occasion de s’exprimer au cours de la procédure administrative. En effet, elle s’est bornée à tenir compte des objections formulées par Slovak Telekom au cours de ladite procédure en vue d’aménager et de compléter son analyse de la compression des marges contenue dans la communication des griefs. Cette prise en compte ayant précisément visé à satisfaire aux exigences rappelées au point 128 ci-dessus, le droit des parties à être entendues au cours de la procédure administrative ne requérait pas qu’une possibilité leur soit à nouveau offerte de faire connaître leur point de vue sur les calculs révisés de compression des marges préalablement à l’adoption de la décision attaquée.
134 En ce qui concerne le troisième élément cité au point 130 ci-dessus, relatif à la méthode de calcul de la compression des marges sur plusieurs périodes (pluriannuelle), il y a lieu de souligner que, au point 1281 de sa réponse à la communication des griefs reproduit dans le mémoire en défense de la Commission, Slovak Telekom s’est opposée à l’utilisation exclusive de la méthode période par période (année par année), qui avait été proposée par la Commission dans la communication des griefs.
135 En effet, Slovak Telekom a fait valoir en substance que, dans le secteur des télécommunications, les opérateurs étudiaient leur capacité à obtenir un rendement raisonnable sur une période plus longue qu’une année. Elle a ainsi suggéré, notamment, que l’examen d’une compression des marges soit complété par une analyse sur plusieurs périodes, dans laquelle la marge totale serait évaluée sur plusieurs années. Il découle par ailleurs du considérant 587 de la réponse de la requérante à la communication des griefs que celle-ci s’est ralliée à cette objection.
136 Or, comme il ressort du considérant 859 de la décision attaquée, la Commission a utilisé une approche sur plusieurs périodes (pluriannuelle) pour tenir compte de cette objection et afin d’établir si cette approche modifiait sa conclusion selon laquelle les tarifs pratiqués par Slovak Telekom auprès des opérateurs alternatifs pour l’accès dégroupé à sa boucle locale avaient entraîné une compression des marges au cours des années 2005 à 2010.
137 Dans le cadre de cet examen additionnel, dont le résultat figure aux considérants 1013 et 1014 de la décision attaquée, la Commission a identifié une marge totale négative en ce qui concerne chaque portefeuille de services, d’une part, pour la période comprise entre les années 2005 et 2010 (tableau 39 au considérant 1013 de la décision attaquée) et, d’autre part, pour la période comprise entre les années 2005 et 2008 (tableau 40 au considérant 1014 de la décision attaquée). La Commission en a déduit, au considérant 1015 de la décision attaquée, que l’analyse pluriannuelle (sur plusieurs périodes) ne modifiait pas son constat tenant à l’existence d’une compression des marges résultant d’une analyse période par période (année par année).
138 Il découle de ce qui précède que, d’une part, dans le cadre de l’établissement d’une compression des marges dans la décision attaquée, l’analyse sur plusieurs périodes (pluriannuelle) a fait suite à l’objection, formulée par Slovak Telekom dans sa réponse à la communication des griefs et à laquelle s’est ralliée la requérante, au sujet de la méthode de calcul des marges période par période (année par année). D’autre part, l’analyse sur plusieurs périodes (pluriannuelle) des marges pour l’accès dégroupé à la boucle locale de Slovak Telekom a, dans la décision attaquée, eu pour objet de s’ajouter à l’analyse période par période (année par année) figurant aux considérants 1175 à 1222 de ladite décision, sans se substituer à cette dernière analyse. Par ailleurs, l’analyse additionnelle sur plusieurs périodes (pluriannuelle) a conduit la Commission à conforter son constat tenant à l’existence d’une compression des marges sur le marché slovaque des services Internet à haut débit entre le 12 août 2005 et le 31 décembre 2010.
139 Partant, comme le soutient en substance la Commission, l’analyse sur plusieurs périodes (pluriannuelle) n’a pas eu pour conséquence de retenir à la charge de la requérante et de Slovak Telekom des faits sur lesquels ces dernières n’ont pas eu l’occasion de s’expliquer au cours de la procédure administrative, en modifiant la nature des griefs retenus à leur égard, mais seulement de procéder à une analyse additionnelle de la compression des marges résultant des tarifs pratiqués par Slovak Telekom pour l’accès dégroupé à sa boucle locale, à la lumière d’une objection soulevée par Slovak Telekom en réponse à la communication des griefs.
140 Dans ces circonstances, conformément à la jurisprudence citée aux points 127 et 128 ci-dessus, le droit de la requérante à être entendue n’exigeait pas de la Commission, préalablement à l’adoption de la décision attaquée, qu’elle lui offrît la possibilité de formuler de nouvelles observations au sujet de l’analyse de la compression des marges pour l’accès dégroupé à la boucle locale de Slovak Telekom fondée sur plusieurs périodes. Il y a lieu de souligner qu’une solution différente serait incompatible avec la jurisprudence rappelée au point 127 ci-dessus, dès lors qu’elle reviendrait à faire obstacle à ce que la décision attaquée contienne des éléments sur lesquels les parties n’ont pas spécifiquement été en mesure de se prononcer au cours de la procédure administrative, et ce même lorsque lesdits éléments ne modifient pas la nature des griefs retenus à leur égard.
141 Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel, en substance, la méthode de calcul de la compression des marges appliquée par la Commission dans le cadre de cet examen additionnel ne correspondrait pas à la méthode proposée par Slovak Telekom dans sa réponse à la communication des griefs et prétendument fondée sur la pratique décisionnelle de la Commission, cette dernière ayant en l’espèce utilisé l’analyse sur plusieurs périodes (pluriannuelle) dans le but d’augmenter la durée de l’infraction.
142 D’une part, cet argument repose sur une lecture erronée de la décision attaquée dans la mesure où, au terme de l’analyse période par période (année par année), la Commission était déjà parvenue à la conclusion qu’un concurrent aussi efficace que Slovak Telekom n’aurait pu, entre le 12 août 2005 et le 31 décembre 2010, reproduire de manière rentable le portefeuille de détail de Slovak Telekom comprenant les services à haut débit (considérant 1012 de la décision attaquée). Il ressort notamment du considérant 998 de la décision attaquée que, selon la Commission, l’existence d’une marge positive entre août et décembre 2005 ne faisait pas obstacle à ce que cette période soit incluse dans la période d’infraction sous la forme d’une compression des marges, dès lors que les opérateurs considèrent leur capacité à obtenir un rendement sur une période plus longue. En d’autres termes, la Commission a établi la durée de la pratique aboutissant à la compression des marges sur la base de l’approche période par période (année par année) et l’approche sur plusieurs périodes (pluriannuelle) a été utilisée uniquement à titre supplémentaire.
143 D’autre part et en tout état de cause, il découle de la jurisprudence citée au point 128 ci-dessus que le respect du droit de la requérante à être entendue imposait uniquement à la Commission de tenir compte, en vue de l’adoption de la décision attaquée, de la critique concernant la méthode de calcul des marges présentée par Slovak Telekom en réponse à la communication des griefs et partagée par la requérante (voir point 135 ci-dessus). En revanche, ce droit n’impliquait nullement que la Commission doive nécessairement aboutir au résultat auquel la requérante aspirait en se ralliant à la critique soumise par Slovak Telekom, à savoir le constat de l’absence de toute compression des marges entre le 12 août 2005 et le 31 décembre 2010.
144 À titre surabondant, c’est-à-dire à supposer que la Commission fût tenue d’offrir spécifiquement à la requérante la possibilité d’être entendue sur les éléments rappelés au point 130 ci-dessus préalablement à l’adoption de la décision attaquée, il conviendrait de constater qu’une telle exigence aurait été respectée. En effet, certes, les délais accordés par la Commission à la requérante pour formuler ses observations sur ces éléments étaient particulièrement brefs. Toutefois, il ne saurait en être déduit qu’ils privaient celle-ci de toute possibilité d’être utilement entendue à cet égard, compte tenu, premièrement, du stade très avancé de la procédure administrative auquel la réunion du 29 septembre 2014 a eu lieu, soit plus de deux ans et quatre mois après l’envoi de la communication des griefs et, deuxièmement, du degré élevé de connaissance du dossier qu’il est raisonnable de considérer que la requérante avait acquis à ce moment.
145 Il s’ensuit que le premier grief de la deuxième branche du présent moyen doit être rejeté.
146 Il convient également de rejeter le second grief, par lequel la requérante soutient que la Commission a méconnu son droit à être entendue en ne lui permettant pas de faire valoir utilement son point de vue au cours de la procédure administrative au sujet des corrections et des ajustements, opérés dans la décision attaquée, des données fournies par Slovak Telekom pour le calcul des CMILT.
147 À cet égard, il est certes exact que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas intégralement retenu les nouvelles données concernant le calcul des CMILT fournies par Slovak Telekom à la suite de l’envoi de la communication des griefs. Ce constat peut notamment être déduit des considérants 910, 945 et 963 de la décision attaquée. Toutefois, par analogie avec le raisonnement suivi au point 143 ci-dessus, la Commission ne saurait être tenue d’entendre à nouveau les parties lorsqu’elle envisage de ne pas retenir dans sa décision finale l’ensemble des objections formulées par celles-ci en réponse à la communication des griefs, sauf lorsque cela la conduit à modifier la nature des griefs retenus à leur égard.
148 La circonstance relevée au point précédent n’ayant pas eu pour effet de modifier les principaux éléments de fait et de droit sur lesquels reposaient les charges retenues à l’encontre de la requérante durant la procédure administrative, la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée dans son ensemble comme non fondée.
d) Sur la troisième branche, tirée d’erreurs lors du calcul des coûts moyens incrémentaux à long terme (CMILT)
149 Dans une troisième branche, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir correctement calculé les CMILT de Slovak Telekom, c’est-à-dire les coûts que cet opérateur n’aurait pas eu à supporter s’il n’avait pas proposé les services correspondants. En effet, le rapport de consultance produit par Slovak Telekom en annexe à sa réponse à la communication des griefs (ci-après le « rapport de consultance ») proposait d’ajuster les actifs de Slovak Telekom au niveau d’un opérateur efficace qui concevrait un réseau de façon optimale en vue de répondre à la demande tant actuelle que future (ci-après les « ajustements d’optimisation »). Or, la Commission n’aurait finalement pas procédé à de tels ajustements. Plus précisément, la Commission n’aurait pas accepté de procéder au remplacement des actifs existants par leurs équivalents modernes (modern asset equivalent). Elle n’aurait pas davantage pris en compte la diminution des actifs sur la base de la capacité actuellement utilisée. Cette approche serait critiquable aux motifs que la Commission a par ailleurs accepté une réévaluation des actifs de Slovak Telekom dans la décision attaquée, que l’ajustement proposé dans le rapport de consultance reposait bien sur les coûts historiques de cet opérateur et non sur les coûts d’un concurrent hypothétique et que ces coûts doivent être appréciés par référence à un concurrent efficace. De surcroît, la requérante souligne que le calcul des CMILT figurant dans le rapport de consultance tenait compte d’une capacité de réserve suffisante pour Slovak Telekom et, contrairement à ce qu’allègue la Commission, ne prenait pas pour référence un concurrent pleinement efficace. Selon la requérante, en l’absence de cette erreur de calcul, la Commission aurait nécessairement conclu à l’existence de marges supérieures, voire positives pour certaines années, en raison d’une réévaluation vers le bas des CMILT.
150 La Commission conteste cette argumentation.
151 En ce qui concerne les arguments avancés par la requérante, il convient tout d’abord de relever que Slovak Telekom a proposé dans sa réponse à la communication des griefs, en se fondant sur le rapport de consultance, une méthode fondée sur la comptabilité en coûts actuels, au moyen de l’estimation des coûts en aval pour la période comprise entre 2005 et 2010 sur la base des données à partir de l’année 2011 (considérant 881 de la décision attaquée). En particulier, Slovak Telekom a soutenu, dans cette réponse, qu’il convenait, lors du calcul des CMILT, d’une part, de réévaluer les actifs et, d’autre part, de tenir compte des inefficiences de son réseau pour l’offre de haut débit. S’agissant, notamment, de la prise en compte de ces inefficiences, Slovak Telekom a proposé de procéder à des ajustements d’optimisation, à savoir, premièrement, le remplacement des actifs existants par leurs équivalents modernes, plus efficaces et moins coûteux (modern asset equivalent), deuxièmement, le maintien dans la mesure du possible de la cohérence technologique et, troisièmement, la diminution des actifs sur la base de la capacité actuellement utilisée par opposition à la capacité installée.
152 Dans ses propres calculs des CMILT, Slovak Telekom a ainsi ajusté le coût en capital des actifs ainsi que leurs valeurs d’amortissement au cours des années 2005 à 2010, de même que les frais d’exploitation desdits actifs, en se fondant sur le facteur d’ajustement moyen pondéré calculé par l’auteur du rapport de consultance pour l’année 2011 (considérant 897 de la décision attaquée). Slovak Telekom a fait valoir que les ajustements d’optimisation suggérés reflétaient la capacité de réserve identifiée dans les éléments dudit réseau, à savoir des actifs retirés de ce dernier, car ne faisant pas l’objet d’un usage productif, mais qui n’avaient pas encore été vendus par cet opérateur (considérant 898 de la décision attaquée).
153 La Commission a néanmoins refusé de procéder à ces ajustements d’optimisation dans la décision attaquée.
154 En premier lieu, s’agissant du remplacement des actifs existants par leurs équivalents plus modernes, la Commission a indiqué, au considérant 900 de la décision attaquée, qu’un tel remplacement ne pouvait être admis, dès lors qu’il reviendrait à ajuster les coûts sans procéder à un ajustement adéquat des amortissements. La Commission a renvoyé sur ce point aux considérants 889 à 893 de la décision attaquée, dans lesquels elle a exposé des doutes quant à l’ajustement, tel qu’il avait été proposé par Slovak Telekom, des coûts des actifs pour la période comprise entre 2005 et 2010 suggéré par Slovak Telekom. En outre, la Commission a estimé, au considérant 901 de la décision attaquée, qu’un tel remplacement des actifs existants n’était pas conforme au critère du concurrent aussi efficace. En effet, la jurisprudence aurait confirmé que le caractère abusif des pratiques tarifaires d’un opérateur dominant est en principe déterminé par rapport à sa propre situation. Or, en l’espèce, l’ajustement des CMILT suggéré par Slovak Telekom serait fondé sur un ensemble d’actifs hypothétiques et non sur les mêmes actifs que ceux détenus par cet opérateur.
155 En second lieu, s’agissant de la prise en compte de la capacité excédentaire des réseaux sur la base de la capacité « actuellement » utilisée, la Commission a relevé, au considérant 902 de la décision attaquée, en substance, que, dès lors que les investissements se fondent sur une prévision de la demande, il était inévitable que, dans le cadre d’un examen rétrospectif,certaines capacités demeurent parfois inutilisées.
156 Aucun des griefs formulés par la requérante à l’encontre de cette partie de la décision attaquée ne saurait être retenu.
157 Premièrement, c’est à tort que la requérante soutient qu’il existe une contradiction entre, d’une part, le rejet des ajustements d’optimisation des CMILT et, d’autre part, l’acceptation, au considérant 894 de la décision attaquée, de la réévaluation des actifs proposée par Slovak Telekom. La requérante ne saurait davantage faire valoir, dans la réplique, que la Commission aurait dû accepter les ajustements d’optimisation proposés par Slovak Telekom au motif que, comme pour la réévaluation des actifs, la Commission ne disposait pas de coûts historiques fiables en ce qui concernait les ajustements d’optimisation.
158 En effet, la réévaluation des actifs était fondée sur les actifs que Slovak Telekom détenait en 2011. En ce qui concerne cette réévaluation et ainsi qu’il ressort des considérants 885 à 894 de la décision attaquée, la Commission a souligné qu’elle ne disposait pas des données reflétant mieux les coûts des actifs à haut débit incrémentaux de Slovak Telekom pour la période comprise entre 2005 et 2010. Pour cette raison, la Commission a, dans l’analyse de la compression des marges qui figure dans la décision attaquée, inclus la réévaluation des actifs existants de Slovak Telekom proposée par cette dernière. Cependant, la Commission a précisé que ladite réévaluation était susceptible d’entraîner une sous-estimation des coûts des actifs en aval.
159 Par comparaison, ainsi qu’il ressort du considérant 895 de la décision attaquée, les ajustements d’optimisation proposés par Slovak Telekom consistaient à corriger les actifs au niveau approximatif d’un opérateur efficace qui construirait un réseau optimal adapté pour satisfaire une future demande fondée sur les informations « d’aujourd’hui » et les prévisions de la demande. Ces ajustements étaient fondés sur une projection ainsi que sur un modèle de réseau optimal et non sur une estimation reflétant les coûts incrémentaux des actifs existants de Slovak Telekom.
160 Il s’ensuit que les ajustements d’optimisation, en général, et le remplacement des actifs existants par leurs équivalents plus modernes, en particulier, avaient un objet différent de la réévaluation des actifs proposée par Slovak Telekom. Par ailleurs, la prise en compte, par la Commission, de la réévaluation des actifs existants proposée par Slovak Telekom, en raison de l’absence d’autres données plus fiables sur les CMILT de cet opérateur, ne supposait nullement que la Commission acceptât nécessairement les ajustements d’optimisation des CMILT. La Commission était donc fondée à traiter d’une manière différente, d’une part, le remplacement des actifs existants par leurs équivalents plus modernes et, d’autre part, la réévaluation des actifs proposée par Slovak Telekom.
161 Deuxièmement, la requérante ne saurait être suivie lorsqu’elle conteste la conclusion figurant au considérant 901 de la décision attaquée, selon laquelle les ajustements d’optimisation aboutiraient à calculer des CMILT sur la base des actifs d’un concurrent hypothétique et non pas sur ceux de l’opérateur historique en cause, Slovak Telekom.
162 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’appréciation de la licéité de la politique de prix appliquée par une entreprise dominante, au regard de l’article 102 TFUE, suppose, en principe, de se référer à des critères de prix fondés sur les coûts encourus par l’entreprise dominante elle-même et sur la stratégie de celle-ci (voir arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige, C‑52/09, EU:C:2011:83, point 41 et jurisprudence citée ; arrêt du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, EU:T:2012:172, point 190 ; voir également, en ce sens, arrêt du 10 avril 2008, Deutsche Telekom/Commission, T‑271/03, EU:T:2008:101, point 188 et jurisprudence citée).
163 En particulier, s’agissant d’une pratique tarifaire aboutissant à la compression des marges, l’utilisation de tels critères d’analyse permet de vérifier si, conformément au critère du concurrent aussi efficace rappelé au point 87 ci-dessus, cette entreprise aurait été suffisamment efficace pour proposer ses prestations de détail aux clients finals autrement qu’à perte, si elle avait été préalablement obligée d’acquitter ses propres prix de gros pour les prestations intermédiaires (arrêts du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige, C‑52/09, EU:C:2011:83, point 42, et du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, EU:T:2012:172, point 191 ; voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C‑280/08 P, EU:C:2010:603, point 201).
164 Une telle approche est d’autant plus justifiée qu’elle est également conforme au principe général de sécurité juridique dès lors que la prise en compte des coûts de l’entreprise dominante permet à celle-ci, eu égard à la responsabilité particulière qui lui incombe au titre de l’article 102 TFUE, d’apprécier la légalité de ses propres comportements. En effet, si une entreprise dominante connaît ses propres coûts et tarifs, elle ne connaît en principe pas ceux de ses concurrents (arrêts du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C‑280/08 P, EU:C:2010:603, point 202 ; du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige, C‑52/09, EU:C:2011:83, point 44, et du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, EU:T:2012:172, point 192).
165 La Cour a certes précisé, aux points 45 et 46 de l’arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83), qu’il ne pouvait être exclu que les coûts et les prix des concurrents puissent être pertinents dans l’examen de la pratique aboutissant à la compression des marges. Il ressort toutefois de cet arrêt que ce n’est que lorsqu’il n’est pas possible, compte tenu des circonstances, de faire référence aux prix et aux coûts de l’entreprise dominante qu’il convient d’examiner ceux des concurrents sur le même marché, ce que la requérante n’a pas soutenu en l’espèce (voir, par analogie, arrêt du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, EU:T:2012:172, point 193).
166 En l’espèce, d’une part, le remplacement des actifs existants par leurs équivalents plus modernes visait à ajuster les coûts des actifs en retenant la valeur des actifs « actuels », sans toutefois procéder à des ajustements adéquats des amortissements (considérant 900 de la décision attaquée). Ce remplacement aurait conduit à calculer la compression des marges sur la base d’actifs hypothétiques, c’est-à-dire d’actifs ne correspondant pas à ceux que Slovak Telekom détenait. Les coûts afférents aux actifs de Slovak Telekom auraient donc été sous-estimés (considérants 893 et 900). D’autre part, la prise en compte de la capacité excédentaire des réseaux sur la base de la capacité « actuellement » utilisée aurait eu pour résultat d’exclure les actifs de Slovak Telekom ne faisant pas l’objet d’un usage productif (voir point 152 ci-dessus).
167 Dès lors, au regard des principes rappelés aux points 162 à 165 ci-dessus, la Commission a pu conclure sans commettre d’erreur que les ajustements d’optimisation des CMILT proposés par Slovak Telekom auraient conduit, lors du calcul de la compression des marges, à s’écarter des coûts encourus par cet opérateur lui-même entre le 12 août 2005 et le 31 décembre 2010.
168 Enfin, la requérante ne saurait être suivie lorsqu’elle soutient que, dans la décision attaquée, la Commission a méconnu le principe selon lequel l’examen d’une compression des marges doit se fonder sur un concurrent efficace, lorsqu’elle a relevé en substance qu’il était inévitable que certaines capacités demeurent parfois inutilisées (considérant 902 de la décision attaquée). En effet, il résulte des principes rappelés aux points 162 et 163 ci-dessus que l’examen d’une pratique tarifaire aboutissant à la compression des marges consiste, en substance, à apprécier si un concurrent aussi efficace que l’opérateur dominant serait susceptible de proposer les services concernés aux clients finals autrement qu’à perte. Un tel examen ne s’opère dès lors pas par référence à un opérateur parfaitement efficace au regard des conditions du marché à l’époque d’une telle pratique. Or, si la Commission avait accepté les ajustements d’optimisation liés aux capacités excédentaires, les calculs des CMILT de Slovak Telekom auraient reflété les coûts liés à un réseau optimal correspondant à la demande et ne souffrant pas des inefficiences du réseau de cet opérateur, à savoir les coûts d’un concurrent plus efficace que Slovak Telekom. Dès lors, en l’espèce, bien qu’il soit constant qu’une partie des actifs pertinents de Slovak Telekom est demeurée inutilisée entre le 12 août 2005 et le 31 décembre 2010, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a pu inclure ladite partie des actifs, en d’autres termes la capacité excédentaire, dans le calcul des CMILT.
169 Il résulte de ce qui précède qu’il convient de rejeter la troisième branche du premier moyen comme non fondée de même que ce moyen dans son ensemble.
2. Sur le deuxième moyen, pris d’erreurs de droit et de fait s’agissant de la durée du comportement abusif de Slovak Telekom
170 Par son deuxième moyen, la requérante soutient, en se ralliant à l’argumentation présentée sur ce point par Slovak Telekom dans l’affaire T‑851/14, que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et méconnaît les principes d’égalité de traitement et de sécurité juridique dans la mesure où elle conclut à l’existence d’une infraction à compter du 12 août 2005. Elle se fonde à cet égard sur trois griefs. Par son premier grief, la requérante fait valoir, en substance, que la Commission a erronément considéré que le refus implicite d’accès à la boucle locale a débuté le 12 août 2005, c’est-à-dire à la date à laquelle Slovak Telekom a publié son offre de référence. Par ses deuxième et troisième griefs, la requérante soutient en substance que c’est à tort que la Commission a conclu à l’existence d’une compression des marges au cours de l’année 2005.
a) Observations liminaires
171 Premièrement, il y a lieu, pour des raisons analogues à celles exposées aux points 77 à 79 ci-dessus, d’écarter comme irrecevable la référence générale opérée par la requérante, dans le cadre du deuxième moyen du recours, à l’argumentation présentée par Slovak Telekom dans son propre recours dans l’affaire T‑851/14.
172 Deuxièmement, sur le fond, il convient tout d’abord de rappeler que, ainsi que cela a été souligné au point 90 ci-dessus, dans la perspective de prouver un abus de position dominante au sens de l’article 102 TFUE, il suffit de démontrer que le comportement abusif de l’entreprise en position dominante tend à restreindre la concurrence ou que le comportement est susceptible d’avoir un tel effet. Ainsi, si la pratique d’une entreprise en position dominante ne saurait être qualifiée d’abusive en l’absence du moindre effet anticoncurrentiel sur le marché, il n’est en revanche pas requis qu’un tel effet soit nécessairement concret, étant suffisante la démonstration d’un effet anticoncurrentiel potentiel (voir arrêt du 6 décembre 2012, AstraZeneca/Commission, C‑457/10 P, EU:C:2012:770, point 112 et jurisprudence citée).
173 En outre, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 89 ci-dessus, les pratiques qui portent atteinte au jeu de la concurrence, par exemple en empêchant ou en retardant l’entrée de concurrents sur le marché, sont couvertes par l’interdiction édictée à l’article 102 TFUE même lorsqu’elles ne causent pas un préjudice immédiat aux consommateurs.
174 En l’espèce, l’infraction à l’article 102 TFUE identifiée par la Commission a, aux termes du considérant 1497 de la décision attaquée, consisté en diverses pratiques de Slovak Telekom constitutives d’un refus de fourniture d’accès dégroupé à sa boucle locale ainsi que d’une compression des marges des opérateurs alternatifs dans le cadre de cet accès. Les pratiques ayant entraîné un refus de fourniture ont consisté, premièrement, dans une dissimulation aux opérateurs alternatifs d’informations relatives au réseau de Slovak Telekom, nécessaires au dégroupage de la boucle locale, deuxièmement, dans une réduction par Slovak Telekom de ses obligations relatives au dégroupage découlant du cadre réglementaire applicable et, troisièmement, dans la fixation par cet opérateur de plusieurs clauses et conditions inéquitables dans son offre de référence en matière de dégroupage (voir point 92 ci-dessus).
175 La Commission a par ailleurs constaté, aux considérants 1507 à 1511 de la décision attaquée, que ces diverses pratiques relevaient d’une même stratégie d’exclusion déployée par Slovak Telekom, visant à restreindre et à fausser le jeu de la concurrence sur le marché de détail pour les services à haut débit fixe en Slovaquie et à protéger les revenus et la position de cet opérateur sur ledit marché. Elle en a conclu que ces pratiques, dont la requérante devait également être tenue pour responsable en sa qualité de société mère de Slovak Telekom, relevaient d’un même plan global visant à restreindre la concurrence et constituaient dès lors une infraction unique et continue (considérant 1511 de la décision attaquée).
176 En l’espèce, et ainsi qu’elle l’a confirmé lors de l’audience, la requérante ne remet pas en cause cette qualification d’infraction unique et continue dans son recours. En revanche, par son deuxième moyen, elle conteste la conclusion figurant au considérant 1184 de la décision attaquée, selon laquelle cette infraction unique et continue a débuté le 12 août 2005, date à laquelle Slovak Telekom a publié son offre de référence en matière de dégroupage de l’accès à sa boucle locale.
177 La Commission a écarté sur ce point les arguments présentés par Slovak Telekom au cours de la procédure administrative, selon lesquels, notamment, l’infraction qui lui était reprochée n’avait pu débuter au moment de la publication de son offre de référence, dès lors que celle-ci constituait uniquement un contrat-cadre décrivant les conditions d’accès à la boucle locale et supposait dès lors des négociations avec les opérateurs alternatifs intéressés par un tel accès, et le refus de fourniture ne pouvait être identifié qu’en cas d’échec de telles négociations. La Commission a souligné à ce sujet, au considérant 1520 de la décision attaquée, qu’elle avait démontré le caractère inéquitable de plusieurs modalités et conditions prévues dans l’offre de référence pour l’obtention par un opérateur alternatif d’un accès dégroupé à la boucle locale de Slovak Telekom. Elle a considéré que l’offre de référence, qui vise à mettre en œuvre l’obligation réglementaire de dégroupage, devait dès le départ contenir des modalités et des conditions équitables.
178 De surcroît, la Commission a écarté, au considérant 1521 de la décision attaquée, l’argument de la requérante selon lequel la pratique consistant en une compression des marges par Slovak Telekom n’avait pu débuter avant le 1er janvier 2006, dès lors qu’aucune marge négative n’avait pu être identifiée en 2005. D’une part, elle a renvoyé à son analyse, figurant au considérant 998 de la décision attaquée, selon laquelle cette circonstance n’infirmait pas l’existence d’une compression des marges entre les 12 août et 31 décembre 2005, puisque, en substance, aucun opérateur alternatif n’aurait décidé d’entrer sur le marché en cause au terme d’une analyse prospective de rendement portant sur une période aussi courte. D’autre part, elle a souligné que ladite circonstance ne pouvait de toute façon pas influer sur la durée de l’infraction, dès lors que celle-ci est également constituée d’autres pratiques avec lesquelles elle forme une infraction unique et continue.
179 C’est à l’aune de ces observations liminaires qu’il convient d’examiner, d’une part, le premier grief invoqué par la requérante et tiré de ce que la Commission a erronément considéré que le refus implicite d’accès à la boucle locale a débuté le 12 août 2005 et, d’autre part, les deuxième et troisième griefs, tirés, en substance, d’erreurs commises par la Commission lorsqu’elle a conclu à l’existence d’une compression des marges au cours de l’année 2005.
b) Sur la fixation au 12 août 2005 du début du refus implicite d’accès à la boucle locale de Slovak Telekom
180 Par son premier grief, la requérante fait valoir que l’offre de référence se serait limitée à fixer un cadre, qui ne pouvait par lui-même entraîner aucune compression des marges, mais devait être complété par des négociations individuelles avec d’éventuels candidats à l’accès dégroupé à la boucle locale. Or, ces négociations auraient abouti, dans la pratique, à des conditions plus favorables pour lesdits candidats. De même, un refus de fourniture ne pourrait être identifié qu’en cas d’échec de telles négociations. La décision attaquée ne serait pas conforme sur ce point à la pratique décisionnelle de la Commission, la requérante citant à cet égard les décisions C(2004) 1958 final, du 2 juin 2004 (affaire COMP/38.096 – Clearstream, ci-après la « décision Clearstream »), et C(2011) 4378 final, du 22 juin 2011 (affaire COMP/39.525 – Télécommunications polonaises, ci-après la « décision Télécommunications polonaises »). La demande limitée d’accès dégroupé aux boucles locales de Slovak Telekom s’expliquerait notamment par la circonstance que certains opérateurs alternatifs considéraient qu’il était plus avantageux d’entrer sur le marché en ayant recours à l’accès à haut débit ou en développant leurs propres infrastructures locales.
181 La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste cette argumentation.
182 À cet égard, il est constant que le président du TUSR a, par sa décision du 14 juin 2005, imposé à Slovak Telekom de fournir un accès dégroupé à sa boucle locale à des conditions équitables et raisonnables et que c’est en vue de satisfaire à cette obligation que Slovak Telekom a publié, le 12 août 2005, une offre de référence en matière de dégroupage (voir points 9 et 10 ci-dessus).
183 Par ailleurs, la requérante ne conteste pas la description du contenu de l’offre de référence opérée dans la section 7.6 de la décision attaquée (« Clauses et conditions inéquitables de ST »), au terme de laquelle la Commission a conclu, au considérant 820 de ladite décision, que les clauses et conditions de cette offre avaient été fixées de façon à rendre l’accès dégroupé à la boucle locale inacceptable pour les opérateurs alternatifs.
184 Or, il ressort de cette partie de la décision attaquée que les pratiques abusives qui y ont été qualifiées de « refus de fourniture » par la Commission résultaient, pour l’essentiel, de l’offre de référence elle-même.
185 Ainsi, s’agissant, premièrement, de la dissimulation aux opérateurs alternatifs d’informations relatives au réseau de Slovak Telekom, nécessaires au dégroupage de la boucle locale, il ressort tout d’abord du considérant 439 de la décision attaquée que la Commission a estimé que l’offre de référence ne contenait pas les informations de base concernant les emplacements des points d’accès physiques et la disponibilité des boucles locales dans des parties bien déterminées du réseau d’accès. Par ailleurs, aux considérants 443 à 528 de la décision attaquée, la Commission a certes examiné les informations relatives au réseau fournies par Slovak Telekom à la demande d’un opérateur alternatif dans la perspective d’un dégroupage. Toutefois, il ressort également de cette partie de la décision attaquée que les modalités d’accès à de telles informations considérées par la Commission comme inéquitables et, partant, dissuasives pour les opérateurs alternatifs résultaient de l’offre de référence elle-même. La Commission a notamment critiqué la circonstance, en premier lieu, que l’offre de référence n’avait pas déterminé la portée exacte des informations relatives au réseau que Slovak Telekom mettrait à la disposition des opérateurs alternatifs, en spécifiant les catégories d’informations concernées (considérant 507 de la décision attaquée), en deuxième lieu, que ladite offre ne prévoyait l’accès aux informations provenant de systèmes d’information non publics qu’après la conclusion de l’accord-cadre sur l’accès à la boucle locale (considérant 510 de la décision attaquée) et, en troisième lieu, que cette offre subordonnait un tel accès aux informations relatives au réseau de Slovak Telekom au paiement par l’opérateur alternatif de redevances élevées (considérants 519 et 527 de la décision attaquée).
186 S’agissant, deuxièmement, de la réduction par Slovak Telekom de la portée de son obligation réglementaire en matière d’accès dégroupé à la boucle locale, tout d’abord, il ressort des considérants 535 et 536 de la décision attaquée que la limitation de ladite obligation aux seules lignes actives (voir point 32 ci-dessus), reprochée par la Commission à Slovak Telekom, résultait du point 5.2 de la partie introductive de son offre de référence. Ensuite, il ressort en particulier des considérants 570, 572, 577, 578 et 584 de la décision attaquée que c’est au regard de stipulations contenues à l’annexe 3 de l’offre de référence que la Commission a déduit que Slovak Telekom avait exclu de manière injustifiée les services en conflit de son obligation en matière d’accès dégroupé à la boucle locale (voir point 33 ci-dessus). Enfin, il découle du considérant 606 de la décision attaquée que la règle de limitation d’utilisation du câble de 25 %, imposée par Slovak Telekom pour l’accès dégroupé à la boucle locale et considérée par la Commission comme injustifiée (voir point 34 ci-dessus), découlait de l’annexe 8 de l’offre de référence.
187 S’agissant, troisièmement, de la fixation par Slovak Telekom de conditions inéquitables en matière de dégroupage concernant la colocalisation, les prévisions, les réparations, l’entretien, la maintenance ainsi que la constitution d’une garantie bancaire, celles-ci résultaient toutes, ainsi que cela est démontré à la section 7.6.4 de la décision attaquée, de l’offre de référence publiée par cet opérateur le 12 août 2005. Aussi les clauses considérées comme inéquitables par la Commission étaient-elles contenues aux annexes 4, 5, 14 et 15 de ladite offre en ce qui concerne la colocalisation (considérants 653, 655 et 683 de la décision attaquée), aux annexes 12 et 14 en ce qui concerne l’obligation de prévision par les opérateurs alternatifs (considérants 719 et 726 à 728 de la décision attaquée), à l’annexe 5 en ce qui concerne la procédure de qualification des boucles locales (considérants 740, 743, 767, 768 et 774 de la décision attaquée), à l’annexe 11 en ce qui concerne les clauses et conditions relatives aux réparations, à l’entretien et à la maintenance (considérants 780, 781, 787, 790 et 796 de la décision attaquée) et aux annexes 5 et 17 en ce qui concerne la garantie bancaire exigée de l’opérateur alternatif candidat à l’accès dégroupé (considérants 800, 802 à 807, 815 et 816 de la décision attaquée).
188 Il s’ensuit que, à supposer même que certaines de ces modalités d’accès aient été susceptibles de faire l’objet d’assouplissements dans le cadre de négociations bilatérales entre Slovak Telekom et des opérateurs candidats à l’accès, ce que la requérante se limite à affirmer sans preuve à l’appui, la Commission a conclu à juste titre que l’offre de référence publiée le 12 août 2005 avait pu dissuader dès cette date la présentation de demandes d’accès par des opérateurs alternatifs, en raison des clauses et des conditions inéquitables qu’elle contenait.
189 Dans ces circonstances, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a considéré que Slovak Telekom avait, en raison des modalités d’accès figurant dans son offre de référence publiée le 12 août 2005, compromis l’entrée d’opérateurs alternatifs sur le marché de détail de masse (ou grand public) pour les services à haut débit en position fixe en Slovaquie, en dépit de l’obligation qui pesait sur elle en ce sens en vertu de la décision du TUSR, et que ce comportement était dès lors de nature à avoir de tels effets négatifs sur la concurrence dès cette date (voir, notamment, considérants 1048, 1050, 1109, 1184 et 1520 de la décision attaquée).
190 Cette conclusion n’est pas contredite par l’allégation de la requérante, formulée dans la réplique, selon laquelle la demande limitée des opérateurs alternatifs pour obtenir l’accès dégroupé à la boucle locale de Slovak Telekom s’expliquait, d’une part, par la circonstance que l’accès de gros au haut débit [wholesale broadband access (WBA) ou bitstream], offert au moyen de produits dénommés « ISP Gate/ADSL Partner », représentait pour ces opérateurs une alternative intéressante en vue d’entrer sur le marché de détail compte tenu des investissements sensiblement moindres qu’il nécessitait et, d’autre part, par la préférence manifestée par certains opérateurs alternatifs d’entrer sur le marché au moyen de leurs propres infrastructures locales. Il suffit de constater que cette allégation, par laquelle la requérante vise à contester de manière générale les effets anticoncurrentiels des pratiques litigieuses, n’est aucunement étayée et n’est dès lors pas susceptible de remettre en cause l’analyse desdits effets par la Commission aux considérants 1049 à 1183 de la décision attaquée.
191 Au demeurant, la requérante ne saurait être suivie lorsqu’elle conteste la date du début de l’infraction retenue par la Commission en l’espèce par référence à l’approche retenue dans la décision Clearstream et dans la décision Télécommunications polonaises. En effet, sans même qu’il y ait lieu d’établir si de telles décisions sont susceptibles de relever du cadre juridique pertinent pour apprécier la légalité de la décision attaquée, ce que conteste la Commission, il suffit de constater qu’elles sont intervenues dans un contexte différent de celui de la présente affaire et qu’elles ne sont dès lors pas de nature à établir que la Commission s’est écartée dans la décision attaquée de sa pratique décisionnelle antérieure.
192 Ainsi, s’agissant de la décision Clearstream, il suffit de souligner que cette décision, à la différence de la décision attaquée en l’espèce, est intervenue dans un contexte caractérisé par l’absence de toute obligation réglementaire pour l’entreprise titulaire de l’infrastructure en cause d’octroyer à d’autres entreprises un accès à ladite infrastructure ainsi que par l’absence d’obligation faite à cette entreprise de publier une offre de référence précisant les modalités et conditions d’un tel accès.
193 S’agissant de la décision Télécommunications polonaises, la Commission y a constaté que l’opérateur historique en cause avait abusé de sa position dominante sur le marché polonais de gros de l’accès au haut débit et de l’accès dégroupé à la boucle locale, en refusant de donner accès à son réseau et de fournir des produits de gros relevant desdits marchés afin de protéger sa position sur le marché de détail. En outre, le contexte de l’affaire Télécommunications polonaises se caractérisait par une obligation réglementaire d’accès analogue à celle pesant sur Slovak Telekom dans la présente affaire ainsi que par l’exigence faite à l’opérateur de télécommunications polonais en cause de publier une offre de référence pour l’accès dégroupé à sa boucle locale. Cependant, il ressort d’une analyse détaillée de la décision Télécommunications polonaises que l’approche suivie dans cette décision ne présente aucune contradiction avec celle retenue dans la décision attaquée. En effet, dans la décision Télécommunications polonaises, la Commission a relevé que la stratégie anticoncurrentielle de l’opérateur dominant ne s’était pour l’essentiel matérialisée qu’au cours des négociations avec des opérateurs alternatifs candidats à l’obtention d’un accès dégroupé à la boucle locale ainsi que d’un accès de gros aux services de haut débit de l’opérateur dominant. Ainsi, les conditions déraisonnables d’accès résultaient des propositions de contrats d’accès faites par l’opérateur dominant en cause dans le cadre des négociations avec des opérateurs alternatifs. Par ailleurs, le retardement du processus de négociation des accords d’accès n’avait, par hypothèse, pas pu être identifié dès la publication de la première offre de référence de l’opérateur dominant. En outre, la limitation de l’accès à son réseau par l’opérateur dominant s’est développée à un stade postérieur à la conclusion des accords d’accès de gros avec les opérateurs alternatifs. De plus, la limitation d’accès effectif aux lignes d’abonnés est intervenue après l’obtention par l’opérateur alternatif concerné d’un accès à un espace de colocalisation ou de l’autorisation d’installer un câble de correspondance. Enfin, les problèmes d’accès à des informations générales fiables et exactes indispensables aux opérateurs alternatifs pour prendre des décisions en matière d’accès s’étaient manifestés à chaque étape du processus d’accès au réseau de l’opérateur dominant. Les comportements de l’opérateur dominant dans l’affaire Télécommunications polonaises différaient donc des pratiques qui ont été qualifiées de « refus de fourniture » par la Commission dans la décision attaquée, lesquelles, ainsi qu’il ressort de l’analyse figurant aux points 184 à 189 ci-dessus, résultaient pour l’essentiel de l’offre de référence pour l’accès dégroupé à la boucle locale de Slovak Telekom elle-même. Ces différences justifient que, à la différence de la décision Télécommunications polonaises dans laquelle le point de départ de l’infraction à l’article 102 TFUE a été fixé à la date à laquelle avaient débuté les premières négociations d’accès entre l’opérateur dominant en cause et un opérateur alternatif, postérieure de plusieurs mois à la publication de la première offre de référence (considérant 909 et note en bas de page no 1259 de la décision attaquée), la Commission ait retenu, en l’espèce, le 12 août 2005, à savoir la date de publication de l’offre de référence, comme date de début du refus implicite d’accès à la boucle locale.
194 Le premier grief, pris d’une erreur commise par la Commission lorsqu’elle a considéré que le refus implicite d’accès à la boucle locale avait débuté le 12 août 2005, doit donc être rejeté comme non fondé.
195 Il convient d’ajouter que la requérante ne conteste pas la qualification d’infraction unique et continue retenue par la Commission en ce qui concerne l’ensemble des pratiques mentionnées à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, à savoir a) la dissimulation aux opérateurs alternatifs des informations relatives au réseau nécessaires pour le dégroupage des boucles locales ; b) la réduction du champ d’application de ses obligations concernant le dégroupage des boucles locales ; c) la fixation de modalités et de conditions inéquitables dans son offre de référence en matière de dégroupage concernant la colocalisation, la qualification, les prévisions, les réparations et les garanties bancaires ; d) l’application de tarifs inéquitables ne permettant pas à un opérateur aussi efficace s’appuyant sur l’accès de gros aux boucles locales dégroupées de Slovak Telekom de reproduire les services de détail offerts par Slovak Telekom sans encourir de perte.
196 Dans ces circonstances, et dans la mesure où le premier grief de la requérante, pris d’une erreur commise par la Commission lorsqu’elle a considéré que le refus implicite d’accès à la boucle locale avait débuté le 12 août 2005, a été rejeté (voir point 194 ci-dessus), c’est à bon droit que la Commission a constaté que l’infraction unique et continue faisant l’objet de la décision attaquée avait débuté le 12 août 2005.
197 Cependant, cette conclusion ne fait pas obstacle à ce que le Tribunal examine les deuxième et troisième griefs invoqués par la requérante et apprécie si l’article 1er, paragraphe 2, sous d), de la décision attaquée pourrait être annulé partiellement en ce qu’il constate que, au cours de la période comprise entre le 12 août et le 31 décembre 2005, la requérante a appliqué des tarifs inéquitables ne permettant pas à un opérateur aussi efficace s’appuyant sur l’accès de gros aux boucles locales dégroupées de Slovak Telekom de reproduire les services de détail offerts par Slovak Telekom sans encourir de perte (voir, par analogie, arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission, T‑321/05, EU:T:2010:266, points 864 et 865 et point 1 du dispositif).
c) Sur l’existence d’une compression des marges au cours de l’année 2005
198 Par ses deuxième et troisième griefs, la requérante soutient, en substance, que c’est à tort que la Commission a conclu à l’existence d’une compression des marges au cours de l’année 2005.
199 En effet, par son deuxième grief, la requérante soutient que la marge de Slovak Telekom durant l’année 2005 était positive, quel que soit le scénario envisagé. Une telle marge positive impliquant nécessairement que des concurrents aussi efficaces que Slovak Telekom ne subiraient aucune perte en cas d’entrée sur le marché, c’est à tort que la Commission aurait conclu à l’existence d’une compression des marges au cours de cette année. Il serait inexact, de surcroît, qu’une décision d’entrée sur le marché par un concurrent, en 2005, n’était pas concevable pour une période aussi brève que quatre mois et demi. À cette époque, en effet, les chiffres pour les années à venir n’étaient par hypothèse pas encore connus et ne pouvaient dès lors avoir une quelconque influence sur une telle décision d’investissement.
200 Par son troisième grief, la requérante soutient que la méthode de calcul des marges sur plusieurs périodes (pluriannuelle), qui n’avait jusqu’alors été appliquée qu’à titre additionnel et en faveur de l’entreprise concernée, aurait permis à la Commission d’identifier artificiellement des compressions de marges au cours d’années précédant celles au cours desquelles de telles compressions peuvent effectivement être constatées. Cette méthode ne saurait toutefois être utilisée pour étendre une compression des marges dans le passé. Dès lors que ni Slovak Telekom ni la requérante ne pouvaient prévoir l’évolution des tarifs après l’année 2005, conclure qu’elles ont commis une infraction dès cette époque méconnaîtrait l’article 23 du règlement no 1/2003. La circonstance que la Commission elle-même a mis plusieurs années avant d’être en mesure de présenter un calcul de compression des marges démontrerait que ni la requérante ni Slovak Telekom ne pouvaient avoir conscience que cette dernière commettait un abus sous la forme d’une telle compression à l’époque des faits.
201 La Commission rétorque, s’agissant du deuxième grief, que la légère marge positive qui a pu exister en 2005 est sans préjudice de la constatation d’une compression des marges à compter du 12 août de cette même année. Cette compression aurait en effet empêché les concurrents entrés sur le marché d’amortir leurs investissements liés à cette entrée. De surcroît, contrairement à ce qu’avance la requérante, aucun opérateur n’envisagerait d’entrer sur un marché sans perspective raisonnable de rendement sur plusieurs années.
202 Par ailleurs, la Commission répond au troisième grief en indiquant qu’elle n’a pas fixé le point de départ de l’infraction au 12 août 2005 de façon arbitraire, mais en raison de la publication à cette date de l’offre de référence et en tenant compte de la période à compter de laquelle cet opérateur était tenu de dégrouper l’accès à ses boucles locales. Quant à l’argument tiré de la violation de l’article 23 du règlement no 1/2003, la Commission rappelle qu’il suffit qu’une entreprise ait connaissance des éléments de fait relatifs à l’abus de position dominante qui lui est reproché pour établir sa responsabilité au titre de l’article 102 TFUE. En l’espèce, Slovak Telekom savait qu’un concurrent aussi efficace n’avait, dès 2005, aucune chance de réaliser une marge suffisamment positive en entrant sur le marché. Contrairement à ce qu’affirme la requérante, les coûts d’accès sur le marché de gros n’auraient d’ailleurs, pour l’essentiel, pas été litigieux. Au demeurant, la requérante n’expliquerait pas pourquoi la méthode sur plusieurs périodes (pluriannuelle) ne pourrait être utilisée que lorsqu’elle est avantageuse pour l’entreprise dominante en cause.
203 Enfin, la Commission soutient que, dès lors qu’elle a démontré l’existence de deux formes d’abus pendant toute la durée de l’infraction, l’éventuel constat de l’absence d’une compression des marges en 2005 n’impliquerait en tout état de cause pas que le 12 août 2005 ne pouvait être retenu comme date de début de l’infraction. Il s’ensuivrait qu’un tel constat ne procurerait à la requérante aucun avantage.
204 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Commission a conclu, en s’appuyant sur l’approche dite « période par période » (année par année), que Slovak Telekom s’était engagée dans des pratiques de compression des marges dès le 12 août 2005. En effet, il ressort du considérant 997 de la décision attaquée que, sur la base d’une analyse portant sur chaque année durant la période en cause, un concurrent aussi efficace utilisant l’accès de gros à la boucle locale de Slovak Telekom affichait des marges négatives et ne pouvait reproduire de manière rentable le portefeuille de détail à haut débit de la requérante. Au considérant 998 de la décision attaquée, la Commission a précisé que le fait qu’il y ait eu une marge positive pendant quatre mois en 2005 n’infirmait pas cette conclusion, étant donné qu’une entrée pendant quatre mois ne pouvait être considérée comme une entrée sur une base durable. Selon la Commission, les opérateurs considèrent leur capacité à obtenir un rendement raisonnable sur une plus longue période, qui s’étend sur plusieurs années (considérant 998 de la décision attaquée). Sur cette base, la Commission a conclu, au considérant 1012 de ladite décision, que, au cours de la période allant du 12 août 2005 au 31 décembre 2010, un concurrent aussi efficace que Slovak Telekom n’aurait pu reproduire de manière rentable le portefeuille de détail de cet opérateur.
205 Toutefois, ainsi que cela a été rappelé au point 162 ci-dessus, afin d’apprécier la licéité de la politique de prix appliquée par une entreprise dominante, il y a lieu, en principe, de se référer à des critères de prix fondés sur les coûts encourus par l’entreprise dominante elle‑même et sur la stratégie de celle-ci.
206 En particulier, s’agissant d’une pratique tarifaire aboutissant à la compression des marges, l’utilisation de tels critères d’analyse permet de vérifier si cette entreprise aurait été suffisamment efficace pour proposer ses prestations de détail aux clients finals autrement qu’à perte, si elle avait été préalablement obligée d’acquitter ses propres prix de gros pour les prestations intermédiaires (voir point 163 ci-dessus et jurisprudence citée).
207 Une telle approche est d’autant plus justifiée qu’elle est également conforme au principe général de sécurité juridique dès lors que la prise en compte des coûts de l’entreprise dominante permet à celle-ci, eu égard à la responsabilité particulière qui lui incombe au titre de l’article 102 TFUE, d’apprécier la légalité de ses propres comportements. En effet, si une entreprise dominante connaît ses propres coûts et tarifs, elle ne connaît pas en principe ceux de ses concurrents. En outre, un abus d’exclusion affecte également les concurrents potentiels de l’entreprise dominante, que la perspective d’un manque de rentabilité pourrait dissuader de faire leur entrée sur le marché (voir point 164 ci-dessus et jurisprudence citée).
208 Il en découle que, pour établir les éléments constitutifs de la pratique de compression des marges, la Commission a retenu, à juste titre, au considérant 828 de la décision attaquée, le critère du concurrent aussi efficace, fondé sur la démonstration que l’entreprise dominante ne pourrait exercer des activités rentables en aval en se fondant sur le prix de gros appliqué à ses concurrents en aval et sur le prix de détail appliqué par la branche en aval de cette entreprise.
209 Or, ainsi qu’il résulte des tableaux 32 à 35 de la décision attaquée, l’analyse effectuée par la Commission a abouti, dans tous les scénarios envisagés et ainsi que cette dernière l’a elle-même admis au considérant 998 de ladite décision, à une marge positive pour la période comprise entre les 12 août et 31 décembre 2005.
210 Dans un tel cas de figure, la Cour a déjà jugé que, dans la mesure où l’entreprise occupant une position dominante fixe ses prix à un niveau qui couvre l’essentiel des coûts imputables à la commercialisation du produit ou à la fourniture de la prestation de services en question, un concurrent aussi efficace que cette entreprise a, en principe, la possibilité de concurrencer ces prix sans encourir des pertes insupportables à long terme (arrêt du 27 mars 2012, Post Danmark, C‑209/10, EU:C:2012:172, point 38).
211 Il en découle que, durant la période comprise entre les 12 août et 31 décembre 2005, un concurrent aussi efficace que Slovak Telekom avait, en principe, la possibilité de concurrencer cet opérateur sur le marché de détail des services à haut débit pour autant qu’un accès dégroupé à la boucle locale lui fût accordé, et ce sans encourir des pertes insupportables à long terme.
212 La Cour a certes jugé que, si une marge est positive, il n’est pas exclu que la Commission puisse, dans le cadre de l’examen de l’effet d’éviction d’une pratique tarifaire, démontrer que l’application de ladite pratique était, en raison, par exemple, d’une réduction de rentabilité, susceptible de rendre au moins plus difficile pour les opérateurs concernés l’exercice de leurs activités sur le marché concerné (voir, en ce sens, arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige, C‑52/09, EU:C:2011:83, point 74). Cette jurisprudence peut être rapprochée de l’article 2 du règlement no 1/2003, selon lequel, dans toutes les procédures d’application de l’article 102 TFUE, la charge de la preuve d’une violation de cet article incombe à la partie ou à l’autorité qui l’allègue, à savoir, en l’espèce, à la Commission.
213 Toutefois, en l’espèce, force est de constater que la Commission n’a pas démontré dans la décision attaquée que la pratique tarifaire de Slovak Telekom, au cours de la période comprise entre les 12 août et 31 décembre 2005, a emporté de tels effets d’éviction. Or, une telle démonstration s’imposait tout particulièrement en raison de la présence de marges positives.
214 La seule affirmation, au considérant 998 de la décision attaquée, que les opérateurs considèrent leur capacité à obtenir un rendement raisonnable sur une plus longue période, qui s’étend sur plusieurs années, ne saurait constituer une telle preuve. Une telle circonstance, à la supposer établie, repose en effet sur un examen prospectif de rentabilité, nécessairement aléatoire. De surcroît, dans la présente affaire, lesdites marges positives se sont présentées au tout début de la période en cause, à une époque à laquelle aucune marge négative n’avait encore pu être constatée. Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que le motif figurant au considérant 998 de la décision attaquée ne répond pas à l’exigence issue du principe de sécurité juridique et rappelée au point 164 ci-dessus, selon laquelle une entreprise dominante doit être en mesure d’apprécier la conformité de ses comportements avec l’article 102 TFUE.
215 Pour ce même motif, la constatation des marges négatives, par l’application de l’approche portant sur plusieurs périodes (pluriannuelle), ne saurait infirmer cette appréciation, dès lors que, en l’espèce, cette approche n’a abouti à un tel constat qu’au moyen d’une pondération des marges positives pour l’année 2005 avec les marges négatives constatées respectivement pour les années 2006 à 2010 (considérant 1013 de la décision attaquée) et les années 2006 à 2008 (considérant 1014 de la décision attaquée).
216 En outre, au considérant 1026 de la décision attaquée, la Commission a, sur la base de documents d’avril 2005 élaborés par le département réglementaire de Slovak Telekom et afférents à une stratégie de soumission de l’offre de référence concernant l’accès dégroupé à la boucle locale et les prix de l’ULL, considéré que cette dernière savait, dès le 12 août 2005, que les prix de gros au niveau de la boucle locale exerçaient une compression des marges des opérateurs alternatifs.
217 Cependant, il convient de souligner que, compte tenu de la présence de marges positives entre le 12 août et le 31 décembre 2005, la Commission était soumise à une obligation particulière en ce qui concernait la preuve des effets d’éviction de la pratique de compression des marges reprochée à Slovak Telekom au cours de cette période (voir la jurisprudence mentionnée au point 212 ci-dessus).
218 Ainsi, l’allégation de la Commission et les documents invoqués à son soutien ne suffisent pas à démontrer l’effet d’éviction de la pratique de compression des marges reprochée à Slovak Telekom et, par exemple, une réduction de rentabilité, susceptible de rendre au moins plus difficile pour les opérateurs concernés l’exercice de leurs activités sur le marché concerné.
219 D’ailleurs, les sections 9 et 10 de la décision attaquée, consacrées aux effets anticoncurrentiels du comportement de Slovak Telekom, ne comportent aucun examen des effets de la pratique de compression des marges alléguée au cours de la période comprise entre le 12 août et le 31 décembre 2005.
220 Dès lors, eu égard à une jurisprudence bien établie selon laquelle l’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction (arrêts du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, EU:T:2004:221, point 177, et du 12 juillet 2011, Hitachi e.a./Commission, T‑112/07, EU:T:2011:342, point 58), il convient de considérer que la Commission n’a pas apporté la preuve que la pratique aboutissant à une compression des marges par Slovak Telekom avait débuté avant le 1er janvier 2006. La décision attaquée étant, par conséquent, entachée d’une erreur d’appréciation sur ce point, il n’est pas nécessaire d’examiner si cette approche méconnaît également, ainsi que le soutient la requérante, l’article 23 du règlement no 1/2003.
221 Compte tenu de ce qui précède, le deuxième moyen invoqué par la requérante doit être partiellement accueilli et l’article 1er, paragraphe 2, sous d), de la décision attaquée doit être annulé en tant qu’il constate que, au cours de la période comprise entre le 12 août et le 31 décembre 2005, la requérante a appliqué des tarifs inéquitables ne permettant pas à un opérateur aussi efficace s’appuyant sur l’accès de gros aux boucles locales dégroupées de Slovak Telekom de reproduire les services de détail offerts par Slovak Telekom sans encourir de perte.
3. Sur le troisième moyen, pris d’erreurs de droit et de fait dans l’imputation à la requérante du comportement abusif de Slovak Telekom, dans la mesure où la Commission n’aurait pas prouvé l’exercice effectif d’une influence déterminante sur Slovak Telekom
222 Par son troisième moyen, invoqué à titre subsidiaire, la requérante soutient en substance que c’est en méconnaissance de la notion d’« entreprise » en droit de la concurrence de l’Union que le prétendu comportement infractionnel de Slovak Telekom lui a été imputé, en sa qualité de société mère.
223 Ce moyen se subdivise en quatre branches.
a) Sur la première branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une erreur de droit ainsi que d’une violation de la présomption d’innocence et du principe de bonne administration
224 Dans une première branche, la requérante reproche à la Commission, en substance, d’avoir conclu qu’elle avait exercé de manière effective une influence déterminante sur Slovak Telekom en se fondant sur la seule possibilité d’un tel exercice et, ce faisant, d’avoir méconnu les principes de la présomption d’innocence et de bonne administration tels qu’ils ont été précisés dans la jurisprudence.
225 Au soutien de cette première branche, la requérante formule quatre griefs. Premièrement, la Commission aurait appliqué en l’espèce le test pertinent lorsqu’une filiale est détenue à 100 % par une société mère, alors que la participation de la requérante dans le capital de Slovak Telekom était de 51 % seulement. Deuxièmement, la Commission aurait erronément tenu compte de la simple possibilité d’exercice d’une influence déterminante de la requérante sur le comportement de Slovak Telekom sur le marché en raison de la présence des mêmes cadres supérieurs dans les deux sociétés. Troisièmement, la requérante soutient que la Commission ne pouvait présumer l’exercice effectif d’une influence déterminante de sa part sur Slovak Telekom en raison de la mise à la disposition de collaborateurs auprès de cette dernière. Quatrièmement, le système de transmission verticale de rapports de Slovak Telekom vers la requérante dans le cadre des réunions du groupe Deutsche Telekom pour l’Europe centrale et orientale ne démontrerait nullement, en lui-même, l’exercice d’une influence déterminante sur cette filiale, voire la possibilité d’un tel exercice.
226 Il convient d’examiner successivement ces quatre griefs après avoir rappelé les principes applicables.
1) Rappel des principes
227 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la responsabilité du comportement d’une filiale peut être imputée à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (voir arrêts du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, EU:C:2009:536, points 58 et 72 et jurisprudence citée, et du 18 janvier 2017, Toshiba/Commission, C‑623/15 P, non publié, EU:C:2017:21, point 45 et jurisprudence citée).
228 En effet, dans une telle situation, la société mère et sa filiale faisant partie d’une même unité économique et formant ainsi une seule entreprise au sens de l’article 101 TFUE, la Commission peut adresser une décision infligeant des amendes à la société mère sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction (arrêts du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, EU:C:2009:536, point 59, et du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission, T‑104/13, EU:T:2015:610, point 94).
229 Aux fins de l’examen de la question de savoir si la société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement sur le marché de sa filiale, il convient de prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent la filiale à sa société mère et, ainsi, de tenir compte de la réalité économique (voir arrêts du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 76 et jurisprudence citée, et du 18 janvier 2017, Toshiba/Commission, C‑623/15 P, non publié, EU:C:2017:21, point 46 et jurisprudence citée). Ces liens peuvent varier selon les cas et ne sauraient dès lors faire l’objet d’une énumération exhaustive (voir, en ce sens, arrêts du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, EU:C:2009:536, point 74 ; du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, EU:C:2010:389, point 100, et du 16 juin 2016, Evonik Degussa et AlzChem/Commission, C‑155/14 P, EU:C:2016:446, point 33).
230 Toutefois, il convient de noter que, afin de pouvoir imputer le comportement d’une filiale à la société mère, la Commission ne saurait se contenter de constater que la société mère est en mesure d’exercer une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, mais doit également vérifier si cette influence a effectivement été exercée (voir arrêts du 12 octobre 2011, Alliance One International/Commission, T‑41/05, EU:T:2011:586, point 94 et jurisprudence citée, et du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission, T‑104/13, EU:T:2015:610, point 95 et jurisprudence citée).
231 L’exercice effectif d’une influence déterminante de la société mère sur le comportement de la filiale peut être déduit d’un faisceau d’éléments concordants, même si aucun des éléments, pris isolément, ne suffit pour établir l’existence d’une telle influence (arrêts du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, EU:C:2010:389, point 65 ; du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 77, et du 18 janvier 2017, Toshiba/Commission, C‑623/15 P, non publié, EU:C:2017:21, point 47).
232 En outre, les liens organisationnels figurent au nombre des éléments à même de prouver l’existence d’une unité économique entre la société mère et sa filiale (voir points 227 et 229 ci-dessus). La représentation de la société mère dans les organes de direction de sa filiale constitue ainsi un élément de preuve pertinent de l’exercice d’un contrôle effectif sur la politique commerciale de celle-ci (voir arrêts du 27 septembre 2012, Total/Commission, T‑344/06, non publié, EU:T:2012:479, point 73 et jurisprudence citée ; du 13 décembre 2013, HSE/Commission, T‑399/09, non publié, EU:T:2013:647, point 38 et jurisprudence citée, et du 15 juillet 2015, Socitrel et Companhia Previdente/Commission, T‑413/10 et T‑414/10, EU:T:2015:500, point 213 et jurisprudence citée).
233 Par ailleurs, l’exercice effectif d’un pouvoir de direction par la société mère sur sa filiale peut être attesté, notamment, par la présence, à la tête de la filiale, de personnes occupant des fonctions de direction au sein de la société mère. En effet, un tel cumul de fonctions place nécessairement la société mère en situation d’influencer de manière déterminante le comportement de sa filiale sur le marché dans la mesure où il permet aux membres de la direction de la société mère de veiller, dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions dirigeantes au sein de la filiale, à ce que la ligne d’action de cette dernière sur le marché soit conforme aux orientations dégagées par les instances dirigeantes de la société mère. Un tel objectif peut être atteint sans même que le ou les membres de la société mère assumant des fonctions de direction au sein de la filiale n’aient la qualité de mandataire social de la société mère. Au demeurant, l’implication de la société mère dans la gestion de sa filiale peut ressortir des relations d’affaires que la première entretient avec la seconde. Ainsi, lorsqu’une société mère est également fournisseur ou cliente de sa filiale, elle a un intérêt tout particulier à diriger les activités de production ou de distribution de cette dernière, et ce afin de profiter pleinement des plus-values engendrées par l’intégration verticale ainsi réalisée (voir arrêt du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission, T‑104/13, EU:T:2015:610, point 100 et jurisprudence citée).
234 De même, dans la jurisprudence, l’analyse de l’existence d’une entité économique unique entre plusieurs sociétés faisant partie d’un groupe a impliqué l’examen de la question de savoir si la société mère avait influencé la politique des prix de sa filiale, les activités de production et de distribution, les objectifs de vente, les marges brutes, les frais de vente, le « cash‑flow », les stocks et le marketing (voir arrêt du 12 décembre 2012, 1. garantovaná/Commission, T‑392/09, non publié, EU:T:2012:674, point 31 et jurisprudence citée ; arrêt du 9 septembre 2015, LG Electronics/Commission, T‑91/13, non publié, EU:T:2015:609, point 38).
235 Enfin, il y a lieu de rappeler que la portée du contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE s’étend à l’ensemble des éléments des décisions de la Commission relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE dont le Tribunal assure un contrôle approfondi, en droit comme en fait, à la lumière des moyens soulevés par les parties requérantes et compte tenu de l’ensemble des éléments soumis par ces dernières, que ceux-ci soient antérieurs ou postérieurs à la décision entreprise, qu’ils aient été préalablement présentés dans le cadre de la procédure administrative ou, pour la première fois, dans le cadre du recours dont le Tribunal est saisi, dans la mesure où ces éléments sont pertinents pour le contrôle de la légalité de cette décision (arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 72).
236 C’est à l’aune de ces principes qu’il convient d’apprécier le bien-fondé des quatre griefs formulés par la requérante au soutien de la première branche du troisième moyen (voir point 225 ci-dessus).
2) Sur l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission aurait présumé l’exercice d’une influence déterminante sur Slovak Telekom
237 Par son premier grief, la requérante fait valoir que la Commission a appliqué en l’espèce le test pertinent lorsqu’une filiale est détenue à 100 % par une société mère, alors que la participation de la requérante dans le capital de Slovak Telekom était de 51 % seulement.
238 À cet égard, premièrement, il convient de relever que la Commission a exposé, aux considérants 1191 à 1200 de la décision attaquée, les principes juridiques qu’elle a appliqués en l’espèce en vue d’établir si la responsabilité de l’infraction en cause pouvait être imputée à la requérante, en sa qualité de société mère de Slovak Telekom. Or, il ne ressort aucunement de cet exposé que la Commission aurait entendu faire application du principe, issu d’une jurisprudence constante, selon lequel, dans le cas particulier où une société mère détient la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence, il existe une présomption réfragable selon laquelle cette société mère exerce effectivement une influence déterminante sur la filiale (voir, en ce sens, arrêts du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, EU:C:2009:536, point 61, et du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 54 et jurisprudence citée).
239 Deuxièmement, il y a lieu de constater que la Commission a procédé en plusieurs étapes en vue d’aboutir au constat selon lequel la requérante et Slovak Telekom faisaient partie de la même unité économique durant la période en cause.
240 Ainsi, dans un premier temps, aux considérants 1201 à 1255 de la décision attaquée, la Commission a énuméré une série de circonstances objectives établissant selon elle que la requérante avait, durant ladite période, la capacité d’exercer une influence déterminante sur le comportement de Slovak Telekom sur le marché. La Commission a pour l’essentiel déduit cette capacité, premièrement, de la circonstance que la participation majoritaire de la requérante au capital de Slovak Telekom lui permettait d’imposer ses vues dans tous les cas où l’assemblée générale de cette dernière statuait à la majorité simple (considérants 1224 à 1228 de la décision attaquée), deuxièmement, de la circonstance que le pacte d’actionnaires, tel que modifié en 2003 par l’accord sur la coopération future entre les actionnaires de Slovak Telekom, prévoyait la désignation par la requérante de quatre des sept membres du conseil d’administration de Slovak Telekom, dont son président, ainsi que l’adoption par ledit conseil des décisions commerciales à la majorité simple (considérants 1229 et 1230), troisièmement, de l’influence indirectement exercée par la requérante sur le conseil exécutif de direction de Slovak Telekom par le biais des membres désignés par elle au conseil d’administration de cette filiale (considérants 1233 à 1241 de la décision attaquée) et, quatrièmement, de déclarations de la requérante en ce sens que, en substance, elle acquerrait le contrôle d’EuroTel à la suite de l’achat par Slovak Telekom, le 31 décembre 2004, des 49 % du capital social de cet opérateur dont Slovak Telekom n’était pas encore propriétaire jusque-là (considérants 1247 à 1255 de la décision attaquée).
241 Dans un deuxième temps, aux considérants 1256 à 1387 de la décision attaquée, la Commission a examiné plusieurs circonstances permettant selon elle d’établir que la requérante avait effectivement exercé une influence déterminante sur le comportement de Slovak Telekom sur le marché.
242 D’emblée, il convient de relever que, aux considérants 1295 et 1296 de la décision attaquée, la Commission a estimé, en substance, que la possibilité pour la requérante d’intervenirauprès de Slovak Telekom, au besoin par le remplacement des membres de la direction de cette filiale ou par l’évocation de cette possibilité, suffisait à démontrer l’exercice par la requérante d’une influence déterminante sur cette filiale, par le biais de sa représentation au sein du conseil d’administration.
243 Certes, ce constat, envisagé isolément, n’est pas conforme aux principes rappelés au point 230 ci-dessus. Toutefois, cette erreur ne suffit pas à entacher d’illégalité l’examen au terme duquel la Commission a conclu que la requérante devait être tenue pour responsable de l’infraction unique et continue qui fait l’objet de la décision attaquée, dès lors qu’elle formait une même entreprise avec Slovak Telekom. En effet, cette conclusion ne repose nullement sur le seul constat tenant à la possibilité d’intervention de la requérante auprès de Slovak Telekom mentionnée au point 242 ci-dessus, mais, conformément aux principes rappelés au point 231 ci-dessus, sur un ensemble d’indices fondés sur une analyse des liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissaient ces deux entités durant la période en cause.
244 À cet égard, il importe de constater que la Commission a déduit l’exercice effectif d’une influence déterminante, premièrement, de chevauchements de personnel entre ces deux sociétés (considérants 1263 à 1287 de la décision attaquée), deuxièmement, d’illustrations concrètes de cas dans lesquels des décisions du conseil d’administration de Slovak Telekom ont été conformes aux instructions données par la requérante aux membres dudit conseil désignés par la requérante (considérants 1288 à 1294 de la décision attaquée), troisièmement, de la transmission régulière à la requérante d’informations concernant la politique commerciale envisagée par Slovak Telekom dans le cadre de réunions du groupe Deutsche Telekom, tout d’abord dans la structure de coopération des filiales de la requérante dans les pays d’Europe centrale et orientale (PECO) et, ultérieurement, dans la structure de coopération pour l’Europe du Sud-Est (ci-après l’« ESE ») (considérants 1298 à 1337 de la décision attaquée), quatrièmement, de l’examen par la requérante, dans le cadre régulier de réunions internationales de direction (international management meetings), de propositions concernant la politique commerciale de Slovak Telekom avant que celles-ci soient examinées par le conseil d’administration ou le conseil exécutif de direction de cette filiale (considérants 1338 à 1359 de la décision attaquée) et, cinquièmement, de l’influence déterminante exercée par la requérante sur Slovak Telekom lors du choix par cette dernière du fournisseur de services de télévision par Internet (IPTV) (considérants 1360 à 1375 de la décision attaquée). La Commission a encore complété cette analyse, aux considérants 1459 à 1468 de la décision attaquée, par plusieurs éléments constituant selon elle des preuves supplémentaires de l’influence déterminante exercée par la requérante sur le comportement de Slovak Telekom sur le marché.
245 Dans un troisième temps, la Commission a exposé, aux considérants 1388 à 1458 de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles elle a estimé, en substance, que divers cas présentés par la requérante comme des preuves d’absence d’exercice d’une telle influence déterminante ne démontraient en réalité pas l’autonomie de Slovak Telekom sur le marché.
246 Il résulte de ce qui précède que, malgré l’erreur relevée aux points 242 et 243 ci-dessus, la Commission n’a nullement présumé en l’espèce l’exercice par la requérante d’une influence déterminante sur le comportement de Slovak Telekom sur le marché. Au contraire, bien que la Commission se soit appuyée dans une première partie de son analyse sur la capacité de la requérante à exercer une telle influence sur cette filiale (voir point 240 ci-dessus), elle a également vérifié, au terme d’une analyse circonstanciée et détaillée, si cette influence avait effectivement été exercée. Ainsi, conformément aux principes rappelés aux points 229 à 234 ci-dessus, la Commission a conclu que la requérante et Slovak Telekom formaient une seule entreprise au terme de l’examen d’un ensemble d’éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques unissant ces deux sociétés.
247 Ce constat n’est pas remis en cause par l’argument de la requérante selon lequel, en substance, la Commission aurait pour l’essentiel déduit l’exercice d’une influence déterminante de la requérante sur le comportement de Slovak Telekom sur le marché de la convergence des intérêts de ces sociétés. En effet, cet argument repose sur une prémisse erronée dès lors que, si la Commission a certes constaté une telle convergence d’intérêts au considérant 1283 de la décision attaquée, en vue de répondre à un argument de la requérante relatif au droit slovaque des sociétés, elle n’a toutefois nullement cherché à déduire l’exercice d’une telle influence de cette seule circonstance (voir point 241 ci-dessus). Pour cette même raison, c’est à tort que la requérante soutient que l’approche retenue en l’espèce par la Commission aboutirait à constater l’exercice effectif d’une influence déterminante sur le comportement d’une filiale sur le marché dans tous les cas de participation majoritaire, dans la mesure où tout actionnaire d’une filiale a un intérêt à ce que cette dernière soit rentable.
248 Le premier grief de la première branche du présent moyen doit donc être rejeté.
3) Sur la présence de cadres supérieurs de la requérante au sein du conseil d’administration de Slovak Telekom
249 Par son deuxième grief, la requérante avance, en substance, un certain nombre d’éléments visant à démontrer que la Commission a méconnu le rôle et l’influence que plusieurs de ses cadres supérieurs, nommés par elle au conseil d’administration de Slovak Telekom, auraient exercés au sein de cette dernière.
250 En ce qui concerne tout d’abord le rôle de M. R. R. qui, selon la requérante, aurait été présenté d’une manière inexacte dans la décision attaquée, il convient de relever que la requérante ne remet pas en cause le constat opéré au considérant 1263 de la décision attaquée selon lequel celui-ci, à l’époque de l’infraction litigieuse, a simultanément été membre du conseil d’administration de Slovak Telekom et occupé des postes de direction au sein de la requérante, notamment celui de directeur financier(chief financial officer) des activités du réseau fixe de la requérante, de directeur financier de la division du conseil de la requérante pour l’Europe méridionale et orientale (depuis 2009) et, enfin, de chef de Deutsche Telekom Finance Europe (depuis juillet 2010).
251 La requérante soutient néanmoins, en substance, que la Commission a erronément retenu cette circonstance comme un indice d’influence déterminante sur Slovak Telekom, dès lors que les missions assumées par M. R. R. consistaient pour l’essentiel à consolider les comptes de cette filiale au niveau de la requérante, conformément aux dispositions légales applicables. La requérante se réfère à cet égard à une déclaration du 4 septembre 2012, annexée à la requête et présentée par elle dès le stade de la procédure administrative, dans laquelle M. R. R. a décrit son rôle au sein du conseil d’administration de Slovak Telekom.
252 Cet argument ne saurait toutefois prospérer.
253 D’une part, il a été jugé que l’exercice de la fonction de membre d’un conseil d’administration d’une société entraîne, par sa nature même, une responsabilité légale pour l’ensemble des activités de cette société, y compris pour son comportement sur le marché (arrêt du 30 avril 2014, FLSmidth/Commission, C‑238/12 P, EU:C:2014:284, point 30). Il ne saurait par conséquent être considéré que, ainsi que le soutient la requérante, le rôle de M. R. R. au sein de Slovak Telekom s’est limité à assumer des obligations légales relatives à la consolidation des comptes de cette filiale au niveau du groupe Deutsche Telekom. Cette conclusion tend à être confirmée par la déclaration de M. R. R. citée au point 251 ci-dessus, dans laquelle celui-ci distingue clairement sa mission de « consolidation des comptes » en tant que directeur financier au sein de la requérante et celle de membre du conseil d’administration de Slovak Telekom. Au surplus, la seule circonstance que d’autres membres du conseil d’administration de Slovak Telekom qui n’avaient pas été nommés par la requérante aient pu avoir une meilleure connaissance des affaires courantes de cette filiale que M. R. R., soulignée dans cette même déclaration, n’est pas de nature à diminuer la responsabilité légale qui pesait sur celui-ci en sa qualité de membre dudit conseil.
254 D’autre part, ainsi que le souligne à juste titre la Commission, il ressort en substance de cette même déclaration et de l’extrait de la réponse de la requérante à la communication des griefs, cité au considérant 1265 de la décision attaquée, que M. R. R., au cours de la période en cause, vérifiait les comptes de Slovak Telekom en vue de leur consolidation au niveau du groupe Deutsche Telekom. Il ressort également de cette déclaration que M. R. R. était par ailleurs impliqué dans l’élaboration par Slovak Telekom de sa planification financière et de sa politique d’investissement, en vue d’assurer la conformité de celles-ci avec les objectifs de ce groupe, et qu’il vérifiait si cette filiale atteignait ses propres objectifs financiers au cours de chaque période de référence.
255 Or, de tels éléments, relatifs à la planification, au contrôle et au financement, s’ils ne suffisent certes pas à établir une unité économique entre la requérante et Slovak Telekom, relèvent néanmoins de la gestion décentralisée typique des entreprises de grande taille et, partant, constituent bien des indices que cette filiale ne déterminait pas de façon autonome son comportement sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2014, RWE et RWE Dea/Commission, T‑543/08, EU:T:2014:627, point 51).
256 Cette conclusion ne saurait au demeurant être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel M. R. R. a déclaré qu’il n’avait pas pour mission de valider les indicateurs financiers de Slovak Telekom ni d’influencer le comportement concret de cette filiale sur le marché lors des discussions relatives à la consolidation des comptes de cette filiale. En effet, il y a lieu de constater sur ce point que les missions assumées par M. R. R. concernant le suivi de la planification financière et la politique d’investissement, rappelées au point 254 ci-dessus, présentaient nécessairement un lien étroit avec la politique commerciale de Slovak Telekom et constituaient ainsi un indice de l’implication de la requérante dans la définition et le contrôle de ladite politique.
257 En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel, en substance, la Commission aurait commis une erreur manifeste en retenant comme indice d’influence déterminante la présence au sein du conseil d’administration de Slovak Telekom de deux de ses cadres supérieurs, alors que ceux-ci ne se seraient jamais vu confier des tâches de direction au sein de cette filiale et n’auraient jamais représenté cette dernière auprès de tiers, il ne saurait davantage être retenu.
258 En effet, il convient de rappeler à cet égard le constat opéré au point 253 ci-dessus, selon lequel l’exercice de la fonction de membre d’un conseil d’administration d’une société entraîne, par sa nature même, une responsabilité légale pour l’ensemble des activités de cette société, y compris pour son comportement sur le marché.
259 Or, une telle responsabilité n’est pas démentie en l’espèce par la circonstance, soulignée par la requérante, que la gestion quotidienne de Slovak Telekom relevait du seul conseil exécutif de direction, dont ne faisaient pas partie ses deux cadres supérieurs nommés au conseil d’administration.
260 À cet égard, il est certes exact, comme la Commission l’a constaté en substance aux considérants 10 et 1219 de la décision attaquée, que la gestion des opérations quotidiennes de Slovak Telekom était du ressort de son conseil exécutif de direction, ce dernier s’étant vu déléguer certaines des attributions du conseil d’administration.
261 Toutefois, ainsi que l’a rappelé à juste titre la Commission au considérant 1273 de la décision attaquée, il a été jugé qu’une influence déterminante d’une société mère sur une filiale n’était pas nécessairement liée à la gestion quotidienne de cette filiale (arrêt du 26 septembre 2013, The Dow Chemical Company/Commission, C‑179/12 P, non publié, EU:C:2013:605, point 64 ; voir également, en ce sens, arrêts du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T‑360/09, EU:T:2012:332, point 280, et du 13 décembre 2012, Versalis et Eni/Commission, T‑103/08, non publié, EU:T:2012:686, point 68). L’exercice par une société mère d’une influence déterminante sur la politique commerciale d’une filiale n’exige ainsi pas la démonstration d’une immixtion dans la gestion quotidienne des activités de ladite filiale, ni d’une influence sur sa politique commerciale stricto sensu, telle que sa stratégie de distribution ou de prix, mais plutôt sur la stratégie générale qui définit les orientations de l’entreprise (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission, T‑104/13, EU:T:2015:610, point 121).
262 En l’espèce, il convient de relever que la délégation de la gestion quotidienne de Slovak Telekom au conseil exécutif de direction ne privait pas le conseil d’administration de celle-ci d’attributions essentielles concernant la définition et la mise en œuvre de la politique commerciale de cette société. À cet égard, la requérante ne conteste pas dans ses écritures et a confirmé lors de l’audience le constat qui figure au considérant 1269 de la décision attaquée et selon lequel l’approbation du plan d’entreprise et d’exploitation de Slovak Telekom ainsi que du budget de cette dernière demeurait du ressort du conseil d’administration. En outre et en tout état de cause, il ressort du règlement de procédure du conseil exécutif de direction de Slovak Telekom que la Commission a relevé à juste titre, aux considérants 1270 à 1273 de la décision attaquée, que ledit conseil exécutif agissait sous le contrôle du conseil d’administration de celle-ci. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a considéré que des indices d’un tel contrôle pouvaient être déduits, en particulier, de l’obligation pesant sur le conseil exécutif de direction de Slovak Telekom, en substance, de faire régulièrement rapport au conseil d’administration sur ses activités ainsi que sur l’état de cette société et de ses filiales, de même que de la compétence du conseil d’administration s’agissant de l’approbation du plan d’affaires préparé par le conseil exécutif de direction (considérant 1271 de la décision attaquée).
263 Compte tenu des principes rappelés aux points 232 et 233 ci-dessus, c’est à juste titre que la Commission, aux considérants 1263 à 1274 de la décision attaquée, a estimé que la présence au sein du conseil d’administration de Slovak Telekom de cadres supérieurs de la requérante constituait un indice que cette dernière avait exercé une influence déterminante sur cette filiale s’agissant de sa position sur le marché.
264 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait omis, à tort, d’examiner dans la décision attaquée la déclaration du directeur général de Slovak Telekom, M. M. M., datée du 4 septembre 2012 et annexée à la requête, selon laquelle, d’une part, la requérante ne donnait pas d’instructions visant à orienter le comportement commercial de Slovak Telekom et, d’autre part, les rapports qu’il entretenait avec la requérante ainsi qu’avec l’État slovaque étaient « strictement neutres » dès lors qu’il agissait dans le seul intérêt de Slovak Telekom.
265 À cet égard, il est exact que cette déclaration n’est pas mentionnée dans la décision attaquée, bien qu’elle ait été produite par la requérante au cours de la procédure administrative. De surcroît, le directeur général de Slovak Telekom a indiqué dans cette déclaration, en substance, qu’il ne recevait pas d’instructions de la requérante et qu’il n’avait pas connaissance d’instructions données par cette dernière à d’autres employés de Slovak Telekom.
266 Toutefois, il y a lieu de constater que, d’une part, ladite déclaration émane d’un membre du conseil d’administration de Slovak Telekom qui, s’il avait été nommé par la requérante, n’occupait en revanche pas simultanément un poste de cadre supérieur au sein de cette dernière. Cette déclaration n’apparaît dès lors pas décisive en ce qui concerne la nature des liens existant entre la requérante et Slovak Telekom par le biais des membres du conseil d’administration de cette dernière qui occupaient simultanément des postes de cadres supérieurs au sein de la requérante durant la période en cause.
267 D’autre part, et en tout état de cause, il a été jugé que l’absence d’instructions directes données par une société mère à sa filiale ne signifie aucunement que ces deux entités juridiques relèvent d’entreprises distinctes, une politique commerciale uniforme au sein d’un groupe pouvant également résulter de l’ensemble des liens économiques et juridiques entre la société mère et la filiale, notamment en ce qui concerne les ressources humaines (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission, T‑104/13, EU:T:2015:610, point 121 et jurisprudence citée).
268 De même, l’argument de la requérante pris de la circonstance qu’elle n’aurait jamais demandé la révocation d’un membre nommé par elle au conseil d’administration ou au conseil exécutif de direction de Slovak Telekom, au motif que ledit membre avait voté de manière autonome, ne saurait prospérer. En effet, il suffit de constater sur ce point que l’argumentation de la requérante ne fournit aucune illustration concrète de situations dans lesquelles elle se serait abstenue de révoquer des membres du conseil d’administration ou du conseil exécutif de direction de Slovak Telekom nommés par elle alors même qu’ils auraient voté contre ses intérêts ou en méconnaissance de ses recommandations. Cette partie de son argumentation n’est dès lors pas de nature à remettre en cause la valeur probante de l’indice d’influence déterminante que constituait la présence au sein du conseil d’administration de Slovak Telekom de cadres supérieurs de la requérante au cours de la période en cause.
269 La requérante ne saurait davantage être suivie lorsqu’elle soutient, en substance, que c’est en méconnaissance de son obligation de motivation que la Commission a omis de tenir compte dans la décision attaquée de ses arguments rappelés aux points 264 et 268 ci-dessus, alors que ceux-ci avaient été invoqués durant la procédure administrative.
270 À cet égard, il convient de rappeler que, lorsqu’une décision d’application des règles de l’Union en matière de droit de la concurrence concerne une pluralité de destinataires et porte sur l’imputabilité de l’infraction, elle doit comporter une motivation suffisante à l’égard de chacun de ses destinataires, particulièrement de ceux d’entre eux qui, aux termes de cette décision, doivent supporter la charge de cette infraction. Ainsi, à l’égard d’une société mère tenue pour responsable du comportement infractionnel de sa filiale, une telle décision doit, en principe, contenir un exposé circonstancié des motifs de nature à justifier l’imputabilité de l’infraction à cette société (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 152 et jurisprudence citée ; arrêts du 5 décembre 2013, Commission/Edison, C‑446/11 P, non publié, EU:C:2013:798, point 24, et du 9 septembre 2015, Philips/Commission, T‑92/13, non publié, EU:T:2015:605, point 104). La Commission n’est en revanche pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (arrêt du 15 juillet 2015, SLM et Ori Martin/Commission, T‑389/10 et T‑419/10, EU:T:2015:513, point 414).
271 Or, en l’espèce, force est de constater que les raisons pour lesquelles la Commission a conclu à la pertinence du chevauchement entre le personnel de direction de la requérante et celui de Slovak Telekom à l’époque de l’infraction apparaissent de manière claire et suffisamment détaillée aux considérants 1263 à 1274 de la décision attaquée. Il s’ensuit que l’absence de réponse explicite, dans la décision attaquée, aux arguments rappelés aux points 264 et 268 ci-dessus ne saurait permettre de conclure que cette partie de ladite décision est entachée d’une insuffisance de motivation.
272 C’est par ailleurs à tort que la requérante reproche à la Commission d’avoir commis une erreur, au considérant 1267 de la décision attaquée, en omettant de tenir compte du fait que, premièrement, les règles générales du droit slovaque des sociétés empêchaient la requérante d’adresser des instructions individuelles à des organes ou à la direction de Slovak Telekom et que, deuxièmement, l’accord-cadre sur la coopération stratégique (framework strategic cooperation agreement) prévoyait que les prestations de conseil fournies par la requérante à Slovak Telekom ne pouvaient en aucun cas être interprétées comme des instructions à caractère obligatoire.
273 En effet, s’agissant de la référence à des dispositions du droit slovaque des sociétés, il y a lieu de constater que la requérante omet de citer celles-ci et, a fortiori, de fournir toute explication circonstanciée sur les raisons qui la conduisent à considérer que la Commission a méconnu lesdites règles dans la décision attaquée. En tout état de cause, pour autant qu’il faille comprendre la référence faite par la requérante aux « règles générales du droit des sociétés » comme visant, en substance, les dispositions du droit slovaque exigeant des administrateurs un devoir de loyauté à l’égard des actionnaires, examinées par la Commission au considérant 1282 de la décision attaquée, force est de constater que rien dans l’argumentation de la requérante n’est susceptible de remettre en cause le constat opéré par la Commission audit considérant, selon lequel ce devoir n’implique aucunement qu’une société mère détenant une majorité du capital social d’une filiale établie en Slovaquie soit légalement empêchée d’exercer une influence déterminante sur le comportement de celle-ci sur le marché.
274 Quant à la référence faite par la requérante à la description, dans l’accord-cadre sur la coopération stratégique, de la nature non contraignante des prestations de conseil fournies à Slovak Telekom, il suffit de relever, comme le souligne à juste titre la Commission, que la précision contenue en ce sens dans ledit accord n’était nullement de nature à exclure l’exercice par la requérante d’une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale par le biais des membres du conseil d’administration de celle-ci désignés par elle. Il en va d’autant plus ainsi que l’article 3, sous b) et c), de ce même accord-cadre précise, en substance, que le budget, la planification à long terme ainsi que les objectifs de Slovak Telekom devaient être approuvés par le conseil d’administration de celle-ci.
275 La requérante reproche encore à la Commission d’avoir commis une erreur en indiquant en substance, au considérant 1261 de la décision attaquée, qu’il résulte des arrêts du 27 octobre 2010, Alliance One International e.a./Commission (T‑24/05, EU:T:2010:453, point 180), et du 13 décembre 2013, HSE/Commission (T‑399/09, non publié, EU:T:2013:647, point 38), que les chevauchements de personnel au niveau de la direction entre la filiale et la société mère constituent un élément de preuve de l’exercice effectif d’une influence déterminante. La requérante soutient que de tels chevauchements constituent tout au plus un indice d’un tel exercice.
276 À cet égard, il suffit de constater que cet argument repose sur une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, il ressort sans ambiguïté du considérant 1274 de la décision attaquée que la Commission, conformément aux principes issus de la jurisprudence citée au point précédent, a retenu la présence de cadres supérieurs de la requérante au sein du conseil d’administration de Slovak Telekom comme un simple indice de l’exercice d’une influence déterminante de la requérante sur cette filiale. La Commission n’a nullement considéré, dans cette partie de la décision attaquée, qu’un tel chevauchement constituait en soi une preuve suffisante pour établir un tel exercice effectif et, partant, l’existence d’une unité économique entre la requérante et Slovak Telekom durant la période en cause.
277 Quant à l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission aurait déduit en l’espèce l’exercice effectif d’une influence déterminante sur Slovak Telekom en appliquant « sans examen supplémentaire » la solution retenue dans l’arrêt du 13 décembre 2013, HSE/Commission (T‑399/09, non publié, EU:T:2013:647), elle est également inexacte. La Commission, après avoir fait référence au point 94 de cet arrêt au considérant 1270 de la décision attaquée, a exposé au considérant suivant de ladite décision les raisons pour lesquelles la nature des rapports entre le conseil d’administration et le conseil exécutif de direction de Slovak Telekom permettait, en l’espèce, de s’inspirer de l’approche retenue audit point, à savoir, notamment, le fait que le conseil exécutif de direction agit sous la supervision du conseil d’administration dont la requérante nomme la majorité des membres.
278 Enfin, la requérante ne saurait être suivie lorsqu’elle soutient, en substance, que le raisonnement figurant dans cette partie de la décision attaquée est incompatible avec l’arrêt du 6 mars 2012, FLS Plast/Commission (T‑64/06, non publié, EU:T:2012:102). Il est certes exact que, dans cet arrêt, le Tribunal a considéré que la seule présence de représentants de la société mère au sein du conseil d’administration de la filiale en cause au cours d’une période déterminée ne permettait pas d’établir à suffisance de droit l’exercice effectif d’une influence déterminante sur ladite filiale (arrêt du 6 mars 2012, FLS Plast/Commission, T‑64/06, non publié, EU:T:2012:102, points 42 à 46). Le Tribunal a notamment fondé cette solution, au point 45 de l’arrêt, sur la circonstance que la gestion quotidienne de cette filiale relevait de la compétence du directeur général de cette dernière, ledit directeur général ne relevant quant à lui pas du personnel de direction de la société mère. Toutefois, le Tribunal a également souligné, au point 43 de cet arrêt, que la Commission n’avait donné aucune explication quant au pouvoir des représentants du groupe dirigé par la société mère, requérante dans cette affaire, au sein du conseil d’administration de la filiale en cause et qu’il n’était donc pas établi que lesdits représentants aient disposé du pouvoir d’imposer un contrôle effectif à l’ensemble du conseil d’administration de cette filiale. Ces éléments distinguent la décision en cause dans cette affaire de la décision attaquée. En effet, d’une part, il convient de relever que la Commission a indiqué, notamment aux considérants 1230, 1236 et 1241 à 1246 de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles le pacte d’actionnaires permettait selon elle aux représentants de la requérante au sein du conseil d’administration de Slovak Telekom d’exercer une influence déterminante sur toutes les décisions commerciales de cette dernière, y compris l’approbation du plan d’affaires et du budget. D’autre part, ainsi qu’il ressort du point 262 ci-dessus, il est établi en l’espèce que la délégation par le conseil d’administration de Slovak Telekom de la gestion quotidienne de cette filiale au conseil exécutif de direction de celle-ci ne privait pas ledit conseil d’administration d’attributions essentielles concernant la définition et la mise en œuvre de la politique commerciale de Slovak Telekom. Il s’ensuit que la solution retenue par le Tribunal aux points 42 à 46 de l’arrêt du 6 mars 2012, FLS Plast/Commission (T‑64/06, non publié, EU:T:2012:102), n’est pas transposable en l’espèce.
279 Le deuxième grief de la première branche du présent moyen doit donc être rejeté.
4) Prêts de personnel de la requérante à Slovak Telekom
280 Par son troisième grief, la requérante soutient que la Commission ne pouvait présumer l’exercice effectif d’une influence déterminante de sa part sur Slovak Telekom en raison de la mise à la disposition de collaborateurs auprès de cette dernière.
281 À cet égard, il ressort du considérant 1275 de la décision attaquée, qui ne fait pas l’objet de contestation de la part de la requérante, que cette dernière et Slovak Telekom ont conclu en 2003 un accord au terme duquel la requérante s’est engagée à détacher des membres de son personnel à Slovak Telekom pour l’exécution de services professionnels et de gestion, cette filiale s’étant pour sa part engagée à verser une contrepartie à la requérante. En outre, la requérante ne conteste pas le constat figurant au considérant 1276 de la décision attaquée, selon lequel, en substance, quatre de ses cadres supérieurs mis à la disposition de Slovak Telekom au cours de la période en cause ont occupé au sein de cette dernière des postes impliquant un haut degré de responsabilité. Ainsi, M. S. G., précédemment responsable du contrôle de gestion auprès d’une autre filiale du groupe de la requérante, a occupé, au moins jusqu’au 31 décembre 2010, la fonction de directeur financier de Slovak Telekom ainsi que de membre de son conseil exécutif de direction et de son conseil d’administration. M. H. M. a, quant à lui, après avoir été vice-président de la requérante chargé des clients commerciaux, successivement occupé les fonctions de vice-président, de premier vice-président exécutif et de directeur opérationnel de Slovak Telekom. Par ailleurs, M. R. S., précédemment vice-président au sein d’une autre filiale de la requérante, a occupé les postes de directeur opérationnel chargé du réseau et de l’informatique ainsi que de premier vice-président exécutif chargé du réseau et des technologies de l’information au sein de Slovak Telekom. Enfin, M. J. Z. a, après avoir occupé des fonctions de direction au sein d’une autre filiale de la requérante, occupé les fonctions de vice-président chargé du marketing produit ainsi que de directeur du marketing résidentiel et des ventes chez Slovak Telekom.
282 Or, il convient de souligner qu’une telle mise à la disposition auprès d’une filiale de membres du personnel de la société mère relève bien des liens organisationnels pertinents en vue de déterminer si elles constituent une seule et même entreprise, au sens de la jurisprudence citée aux points 227 et 229 ci-dessus, cette mise à disposition étant susceptible de fournir un indice de l’implication active de la société mère dans la gestion de cette dernière.
283 De surcroît, les déclarations de MM. M. M. et H. M., sur lesquelles la requérante fonde la présente partie de son recours, ne sont pas de nature à remettre en cause le constat de la Commission selon lequel les mises à disposition de personnel rappelées au point 281 ci-dessus constituaient un indice de l’influence déterminante exercée par la requérante sur Slovak Telekom.
284 En effet, il ressort certes de ces déclarations, en substance, que les employés de la requérante détachés au sein de Slovak Telekom étaient en pratique considérés comme des membres du personnel de cette filiale et agissaient non pas en vertu d’instructions de la requérante, mais dans l’intérêt de cette filiale.
285 Il convient toutefois de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 267 ci-dessus, l’absence d’instructions directes données à Slovak Telekom par le biais du personnel détaché au sein de celle-ci par la requérante, à la supposer établie, ne signifie aucunement que ces deux entités juridiques relevaient d’entreprises distinctes à l’époque de l’infraction. Par ailleurs, les exemples fournis par la Commission au considérant 1276 de la décision attaquée concernent le détachement auprès de Slovak Telekom de cadres supérieurs employés par la requérante, en vue d’exercer des fonctions importantes pour la définition de la politique commerciale de cette filiale. Or, il peut être raisonnablement considéré que ces cadres, même s’ils n’étaient plus placés sous l’autorité directe de la requérante durant leur détachement, possédaient une connaissance approfondie de la politique et des objectifs commerciaux de celle-ci et étaient dès lors particulièrement bien placés pour veiller à ce que Slovak Telekom agisse de manière conforme à ses intérêts (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission, T‑104/13, EU:T:2015:610, point 116).
286 Ce constat n’est pas susceptible d’être remis en cause par la circonstance, soulignée par la requérante, que la Commission n’a cité dans la décision attaquée aucun exemple de situation dans laquelle un membre du personnel de la requérante détaché auprès de Slovak Telekom aurait agi dans un sens contraire aux intérêts de cette dernière, mais conforme aux intérêts de la requérante. En effet, il suffit de souligner à cet égard que la survenance d’une telle situation ne constitue nullement une condition nécessaire pour conclure que les cadres supérieurs de la société mère détachés auprès de sa filiale exercent une influence sur la définition même de la position de celle-ci sur le marché.
287 En outre, l’allégation de la requérante selon laquelle les déclarations de MM. M. M. et H. M. démontreraient que les membres de son personnel détaché auprès de Slovak Telekom agissaient de manière pleinement autonome ne saurait être retenue. D’une part, comme le souligne à juste titre la Commission, ces déclarations témoignent du fait que des contacts ont été maintenus entre la requérante et ses cadres supérieurs détachés auprès de Slovak Telekom au cours de leur période de détachement. Plus particulièrement, sans préjudice de l’examen du grief soulevé sur ce point par la requérante dans le cadre de la deuxième branche du présent moyen, ces déclarations ne remettent pas en cause l’illustration de tels contacts fournie par la Commission au considérant 1279 de la décision attaquée, relative au changement de fournisseur de services IPTV pour la plateforme « Triple Play » de Slovak Telekom. D’autre part, ces mêmes déclarations ne remettent pas en cause le constat opéré au considérant 1280 de la décision attaquée, selon lequel les cadres supérieurs de la requérante détachés auprès de Slovak Telekom sont demeurés les employés de la requérante durant leur détachement et dépendaient ainsi de cette dernière pour la suite de leur carrière au sein du groupe Deutsche Telekom. Eu égard au maintien d’un tel lien juridique entre ces cadres et la requérante, il est raisonnable de considérer que ceux-ci n’ont pas agi de manière autonome à l’égard de la requérante au cours de leur détachement.
288 La requérante ne saurait davantage être suivie lorsqu’elle reproche à la Commission d’avoir méconnu la charge de la preuve ainsi que l’obligation de motivation qui lui incombaient en considérant comme dépourvu de pertinence le fait que la requérante n’avait jamais fait usage, au cours de la période en cause, de son droit de licencier des employés détachés auprès de Slovak Telekom. En effet, une telle circonstance ne suffit aucunement à démentir le lien de dépendance de ces cadres envers la requérante, souligné au point 287 ci-dessus, mais fournit tout au plus un indice que la requérante a globalement approuvé l’action desdits cadres au cours de ce détachement.
289 Enfin, la requérante soutient en substance que la Commission a erronément estimé, aux considérants 1285 et 1286 de la décision attaquée, que les dispositions de l’accord-cadre sur la coopération stratégique concernant le recrutement et l’évolution de la carrière au niveau des cadres supérieurs constituaient un indice de son influence sur les processus décisionnels au sein de Slovak Telekom. À cet égard, la Commission aurait omis de considérer, en substance, que ledit accord-cadre confinait sans ambiguïté la requérante à un rôle de conseil sur ces aspects, si bien qu’il appartenait à Slovak Telekom de décider quels employés de la requérante étaient détachés auprès d’elle.
290 Cet argument ne saurait toutefois prospérer. En effet, il est constant que, si le choix des cadres supérieurs de la requérante détachés auprès de Slovak Telekom relevait de cette dernière, il devait néanmoins être opéré sur la base d’une proposition faite par la requérante elle-même. Il s’ensuit que, comme la Commission le souligne en substance dans ses écritures, la requérante assumait un rôle clé dans la sélection de ses employés détachés auprès de Slovak Telekom. Au demeurant et en tout état de cause, la seule circonstance que cette dernière ait pu avoir le dernier mot s’agissant de l’identité des membres du personnel de la requérante détachés auprès d’elle n’est nullement susceptible de remettre en cause la constatation, figurant au point 285 ci-dessus, selon laquelle les exemples de détachement de cadres supérieurs mentionnés par la Commission au considérant 1276 de la décision attaquée fournissent bien un indice de l’implication de la requérante dans la politique commerciale de Slovak Telekom.
291 Le troisième grief de la première branche du présent moyen doit donc être rejeté.
5) Transmission de rapports de Slovak Telekom à la requérante
292 Par son quatrième grief, la requérante soutient, en substance, que le système de transmission verticale de rapports qui lui étaient destinés et qui émanaient de Slovak Telekom, dans le cadre des réunions du groupe Deutsche Telekom pour l’Europe centrale et orientale, ne démontrerait nullement, en lui-même, l’exercice d’une influence déterminante sur cette filiale, voire la possibilité d’un tel exercice. La requérante souligne encore que, comme elle l’a indiqué dans sa réponse à la communication des griefs, l’article 4 de l’accord-cadre sur la coopération stratégique ne constitue pas une présentation des rapports existant entre elle et Slovak Telekom au cours de la période en cause, mais énumère seulement des principes à prendre en considération dans le cas où Slovak Telekom conclurait des contrats concrets avec elle en matière de soutien opérationnel. Or, de tels contrats n’auraient précisément pas été conclus, de sorte que la Commission se référerait à tort, dans la décision attaquée, à une « structure administrative » existante. Quant à l’analyse par la Commission de la nouvelle structure organisationnelle pour l’ESE, celle-ci serait entachée d’une violation du principe de bonne administration dès lors que tous les éléments pertinents du cas d’espèce n’auraient pas été examinés avec soin et impartialité.
293 À cet égard, il y a lieu de préciser d’emblée que la Commission, dans la décision attaquée, n’a pas déduit de la transmission régulière d’informations à la requérante, concernant la politique commerciale de Slovak Telekom, que ces entités relevaient de la même unité économique. En effet, la Commission a uniquement retenu cette circonstance comme un indice parmi d’autres de l’exercice par la requérante d’une influence déterminante sur cette filiale.
294 Or, force est de constater qu’une telle approche est, dans son principe, conforme à la jurisprudence rappelée aux points 227 et 229 ci-dessus. En effet, la transmission régulière par une filiale à sa société mère d’informations détaillées relatives à sa politique commerciale est de nature à établir la connaissance par la société mère du comportement de sa filiale sur le marché et, par conséquent, à mettre la société mère en position d’intervenir de manière plus éclairée et donc plus efficace sur la politique commerciale de ladite filiale (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2013, HSE/Commission, T‑399/09, non publié, EU:T:2013:647, point 93 ; voir également, par analogie, arrêt du 6 mars 2012, FLSmidth/Commission, T‑65/06, non publié, EU:T:2012:103, point 31). Ainsi, une telle circonstance relève bien des liens organisationnels qui unissaient la requérante à Slovak Telekom durant la période en cause, et est dès lors susceptible de contribuer, avec d’autres indices, à établir que ces sociétés formaient une même unité économique durant ladite période.
295 Il convient ensuite de répondre à l’argument de la requérante selon lequel la Commission a erronément constaté, au considérant 1307 de la décision attaquée, qu’il ressortirait d’une présentation relative à la structure de gouvernance de ses filiales dans les PECO, préparée en vue d’une réunion des directeurs opérationnels desdites filiales qui s’est déroulée le 7 mars 2006, que les accords-cadres sur la coopération stratégique conclus avec lesdites filiales formaient la base d’une coopération opérationnelle au sein du groupe Deutsche Telekom.
296 Cette critique ne saurait être retenue.
297 En effet, il y a lieu de relever que la présentation préparée en vue de la réunion de direction opérationnelle du 7 mars 2006, à laquelle ont participé MM. H. M. et R. R., indique en substance que, à la suite de plusieurs de ces réunions internationales en 2005, la requérante et ses filiales des PECO avaient « exprimé leur profond souhait d’harmoniser et de normaliser davantage [lesdites réunions] afin d’équilibrer les coûts/bénéfices s’y rapportant » et que, « à la suite de l’approbation par le conseil d’administration du concept de gouvernance opérationnelle de [la requérante] et conformément aux accords-cadres de coopération stratégique [...] conclus avec les filiales, des réunions de direction de [la requérante] ser[aie]nt introduites pour soutenir l’exécution [desdits accords] ». Cette même présentation précisait encore que l’objectif des réunions internationales de direction était d’analyser l’évolution des résultats des filiales, de surveiller et de promouvoir de grands projets et de créer une plateforme de discussion des évolutions stratégiques entre la direction de la requérante et celle de ses filiales.
298 Or, la requérante ne saurait être suivie lorsqu’elle soutient en substance, ainsi qu’elle l’avait déjà fait au cours de la procédure administrative, que ces principes régissant la coopération internationale avec les filiales des PECO seraient dépourvus de pertinence en l’espèce dès lors que la « structure de gouvernance » envisagée alors par Deutsche Telekom n’aurait jamais été mise en œuvre dans les rapports avec Slovak Telekom, en l’absence de contrats concrets avec cette filiale portant sur des domaines précis de soutien opérationnel.
299 M. M. M. a certes indiqué, dans une déclaration présentée lors de la procédure administrative et sur laquelle se fonde la requérante, que la « matrice de structure de gouvernance » proposée en 2006, mentionnée par la Commission dans la communication des griefs et ensuite dans la décision attaquée, n’avait jamais été mise en œuvre.
300 Force est toutefois de constater que cette déclaration, qui a une valeur probante moindre que des éléments de preuve contemporains de la période en cause (voir, en ce sens, arrêts du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T‑360/09, EU:T:2012:332, point 201, et du 12 décembre 2014, H & R ChemPharm/Commission, T‑551/08, EU:T:2014:1081, point 137), ne remet pas en cause le constat, opéré aux considérants 1310 et 1342 de la décision attaquée et qui ne fait pas l’objet de contestation par la requérante, selon lequel des réunions internationales de direction ont bien eu lieu entre la requérante et ses filiales des PECO, dont Slovak Telekom, au cours de la période comprise à tout le moins entre le 4 mai 2006 et le 2 avril 2009.
301 De surcroît, comme le soutient en substance la Commission, le procès-verbal de la réunion de direction opérationnelle du 7 mars 2006, cité au considérant 1303 de la décision attaquée, fournit un indice sérieux de la mise en place effective d’une gouvernance d’entreprise au sein du groupe Deutsche Telekom en ce qui concerne les filiales des PECO. En effet, ce procès-verbal indique que « [l]’objectif principal de la réunion [était] d’organiser la coopération au sein de la direction opérationnelle du groupe T-Com, conformément à la gouvernance d’entreprise ». Ce procès-verbal fait également état de l’accord des participants pour qu’une stratégie globale visant à une approche harmonisée « T‑Com/TMO/TSI », à savoir entre les secteurs de la téléphonie fixe, de la téléphonie mobile et des grands comptes, soit développée au motif que les filiales de la requérante dans les PECO constituent des acteurs intégrés.
302 Dans ces circonstances, et sans préjudice de l’examen des autres critiques de la requérante au sujet de cette partie de la décision attaquée, la Commission pouvait raisonnablement considérer que les réunions internationales de direction organisées par la requérante pour ses filiales des PECO, qui ont rassemblé des cadres supérieurs de ces entités, avaient bien fourni un cadre pour la mise en œuvre des principes de coopération édictés dans l’accord-cadre sur la coopération stratégique conclu avec Slovak Telekom, entré en vigueur en mars 2006, et précisés par la requérante dans sa présentation effectuée lors de la réunion du 7 mars 2006. Il en va d’autant plus ainsi que, comme le fait valoir la Commission, il ressort de la déclaration de M. R. R. annexée à la requête que cet accord-cadre est bien entré en vigueur et régissait les rapports entre la requérante et Slovak Telekom durant la période en cause.
303 Eu égard aux considérations figurant aux points 300 à 302 ci-dessus, le Tribunal a au demeurant estimé qu’il n’était pas opportun d’ordonner que M. M. M. comparaisse comme témoin, ainsi que la requérante l’a suggéré dans ses écritures. D’ailleurs, une déclaration de celui-ci figure déjà au dossier et reflète sa conception des liens qui unissaient la requérante et Slovak Telekom durant la période en cause.
304 En outre, l’argument de la requérante pris du caractère non contraignant des prestations de conseil et de soutien en faveur de Slovak Telekom prévues dans l’accord-cadre sur la coopération stratégique, lequel aurait été confirmé par une déclaration de M. R. Z. effectuée au cours de la procédure administrative, ne saurait remettre en cause la pertinence de la coopération opérationnelle entre ces deux entités qui s’est développée sur le fondement de cet accord, examinée par la Commission aux considérants 1303 à 1317 de la décision attaquée.
305 En effet, sans préjudice de l’examen des griefs de la requérante portant spécifiquement sur des réunions internationales de direction (voir points 348 à 371 ci-après), un tel caractère non contraignant, à le supposer établi, ne remettrait pas en cause le constat opéré en substance par la Commission au considérant 1313 de la décision attaquée, selon lequel la coopération opérationnelle qui s’est développée entre la requérante et Slovak Telekom par le biais desdites réunions représentait un lien organisationnel important entre ces deux sociétés, impliquant la transmission régulière à la requérante d’informations sur la politique commerciale de cette filiale, et constituait dès lors un élément pertinent en vue d’apprécier si lesdites sociétés relevaient de la même unité économique durant la période en cause (voir point 294 ci-dessus).
306 Quant à la critique de la requérante par laquelle celle-ci conteste son intention de réaliser des synergies et des économies en Europe centrale et orientale, contrairement à l’affirmation contenue au considérant 1317 de la décision attaquée, elle ne saurait davantage être retenue. En effet, il suffit de relever à cet égard que la requérante n’avance aucun élément de nature à étayer son allégation selon laquelle la présentation citée par la Commission audit considérant attesterait simplement de l’existence de réflexions en ce sens et non d’une intention définitive.
307 Il convient encore de se prononcer sur l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait erronément analysé la nouvelle structure organisationnelle ESE et méconnu à cet égard le principe de bonne administration en omettant d’examiner avec soin et impartialité l’ensemble des éléments pertinents du cas d’espèce.
308 La requérante soutient tout d’abord que la Commission a erronément déduit l’existence d’une structure de gouvernance au sein du groupe Deutsche Telekom pour la région ESE de la présentation préparée en vue de la première réunion du conseil ESE, le 2 juillet 2009, alors même que cette présentation attesterait seulement d’un projet de coopération.
309 Cet argument n’est toutefois pas fondé. En effet, il convient de constater que la Commission a elle-même indiqué, au considérant 1322 de la décision attaquée, que la structure organisationnelle de la requérante pour la région ESE, reflétée à la page 4 de la présentation citée au point 308 ci-dessus, « était supposée revêtir la forme d’une matrice » et avait été présentée « sur une base préliminaire » au cours de la première réunion du conseil ESE. Partant, c’est à tort que la requérante reproche à la Commission, en substance, d’avoir considéré que l’intégration réalisée au sein du groupe Deutsche Telekom pour la région ESE était déjà réalisée à la date de cette réunion.
310 En outre, l’argument de la requérante selon lequel les projets discutés lors de ladite réunion n’ont jamais été mis en œuvre est démenti par l’examen du dossier. En effet, la présentation précitée indiquait, en substance, que la coopération entre la requérante et ses différentes filiales relevant de la région ESE devait être fondée sur un « accord de coopération », auquel Slovak Telekom serait notamment partie, et précisait que les prochaines étapes consisteraient dans la transmission d’un projet d’accord aux départements juridiques des parties concernées ainsi qu’en la négociation et en la mise en œuvre de l’accord de coopération.
311 Or, ainsi que la Commission l’a relevé au considérant 1325 de la décision attaquée, sans être contredite sur ce point par la requérante, un tel accord de coopération a bien été conclu, le 21 septembre 2009, entre la requérante et certaines de ses filiales de la région ESE, dont Slovak Telekom. Il ressort de cet accord qu’ont été institués un comité de coopération ESE (SEE cooperation committee), composé de représentants des parties audit accord, ainsi qu’un bureau de coopération (« Cooperation Office ») et que les réunions devaient avoir lieu une fois par mois (clause 1.1). De surcroît, cet accord prévoyait qu’il était « valide sur le plan juridique » dès la date de sa conclusion et qu’il était conclu pour une durée indéterminée (clause 4.1). Eu égard à ces éléments, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a pu considérer dans la décision attaquée, en substance, que la structure de gouvernance de la requérante pour la région ESE n’était pas restée à l’état de projet, mais avait bien donné lieu à des mesures visant à sa mise en œuvre.
312 La requérante soutient que la structure opérationnelle pour la région ESE ne saurait, en tout état de cause, constituer un indice pertinent de l’exercice d’une influence déterminante sur sa filiale Slovak Telekom, dès lors que les filiales de l’ESE étaient, ainsi que l’a admis la Commission, responsables de leur propre coordination. La Commission n’aurait ainsi pas justifié le constat, opéré au considérant 1321 de la décision attaquée, selon lequel la requérante assumait un rôle de stimulation et de coordination desdites filiales par ce biais.
313 Cependant, cet argument, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, doit être écarté au regard de plusieurs passages de la présentation intitulée « DT Southern & Eastern Europe Strategy SEE Board Meeting – Key Challenges SEE Strategy », sur laquelle la Commission se fonde au considérant 1321 de la décision attaquée. En effet, en premier lieu, cette présentation se réfère expressément à une « stratégie ESE de Deutsche Telekom » et détaille les onze leviers qui composaient celle-ci. En deuxième lieu, ces points sont confirmés par le résumé des décisions prises lors de cette première réunion, figurant dans une présentation préparée par la requérante en vue d’une deuxième réunion qui s’est tenue le 12 août 2009 à Dubrovnik (Croatie) et à laquelle il est fait référence au considérant 1323 de la décision attaquée. Enfin, en troisième lieu, il ressort encore de cette présentation, émanant de la requérante elle-même, que cette stratégie devait être présentée et approuvée dans le cadre de plusieurs réunions du conseil d’administration et du conseil de surveillance de la requérante.
314 Eu égard à ces éléments, la requérante ne saurait donc être suivie lorsqu’elle soutient que la coordination qui s’est développée dans le cadre de la structure opérationnelle au sein du groupe Deutsche Telekom pour la région ESE procédait d’une simple concertation entre ses filiales concernées elles-mêmes. Lesdits éléments tendent au contraire à confirmer le rôle initiateur de la requérante, souligné dans la décision attaquée, non seulement dans le développement de cette coordination, mais également dans la définition de ses principaux objectifs et de son mode de fonctionnement.
315 Au demeurant, il convient de souligner que l’exercice d’une influence déterminante sur la politique commerciale d’une filiale ne suppose aucunement que cette dernière soit privée de toute forme d’autonomie ou de tout pouvoir d’initiative au sein de l’entreprise qu’elle forme avec sa société mère. Partant, la seule circonstance que Slovak Telekom ait pu contribuer à l’élaboration de la stratégie au sein de la structure opérationnelle mise en place par la requérante pour la région ESE n’exclut nullement que ces entités relevaient de la même unité économique à l’époque de l’infraction.
316 Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante tiré d’une erreur de la Commission lorsqu’elle a déduit d’une présentation préparée en vue d’une réunion ESE, citée au considérant 1335 de la décision attaquée, que la requérante y avait indiqué son intention de réaliser une intégration en « une seule société » (one company) dans cette région, il doit être écarté.
317 À cet égard, la requérante ne saurait être suivie lorsqu’elle soutient que cette expression visait uniquement le regroupement, au sein de chacune des sociétés relevant de la structure opérationnelle pour la région ESE, des services de téléphonie fixe et de téléphonie mobile. En effet, si une référence à ces deux catégories de services apparaît effectivement dans un tableau figurant dans la partie de la présentation susvisée consacrée au projet « One Company », force est néanmoins de constater qu’il ressort de ce même tableau que ledit projet englobait de nombreux autres aspects, tels que les ventes (sales), la stratégie commerciale (marketing), la gestion produits (product management) ou encore les fonctions générales et administratives (G&A functions) telles que les ressources humaines (HR) et les finances (finance), de même que la définition d’une série de principes communs, figurant sous la rubrique « Design principles ». En outre, le tableau figurant à la page suivante de cette présentation, qui a trait à la situation des filiales de la requérante en Hongrie, en Croatie, en Slovaquie, en Grèce ainsi qu’en Roumanie et n’évoque pas les services de téléphonie fixe et de téléphonie mobile, contient trois références à une « organisation commune » (joint organisation). La requérante n’avance par ailleurs aucun élément de nature à remettre en cause la constatation, opérée par la Commission aux considérants 1334 et 1335 de la décision attaquée, selon laquelle, en substance, les dispositions consacrées à la confidentialité dans l’accord de coopération cité au point 311 ci-dessus permettaient aux cadres dirigeants des parties audit accord d’échanger librement des informations sensibles et des secrets d’affaires, comme si elles appartenaient à une entreprise unique intégrée.
318 Enfin, l’argument de la requérante selon lequel la structure organisationnelle du groupe Deutsche Telekom pour la région ESE aurait seulement abouti à un échange de savoir-faire et d’informations et non à la formulation d’instructions précises par elle-même à ses filiales de ladite région doit être rejeté. En effet, d’une part, les éléments examinés aux points 313 à 317 ci-dessus tendent à étayer le constat, opéré par la Commission au considérant 1319 de la décision attaquée, selon lequel la coopération au sein de ladite structure avait bien pour objectif non seulement d’aligner les filiales de la requérante dans la région ESE, y inclus Slovak Telekom, sur les plans d’action relatifs aux bonnes pratiques au sein du groupe Deutsche Telekom, mais aussi de créer des synergies afin d’intégrer davantage les opérations et les activités des sociétés concernées. Or, une telle intégration, qui repose sur la création d’une structure de gouvernance élaborée, dépasse manifestement le simple échange de savoir-faire et d’informations entre des sociétés commerciales. D’autre part, il découle de la jurisprudence rappelée au point 285 ci-dessus que la formulation d’instructions directes par une société mère à sa filiale ne constitue pas le seul type d’indice pertinent en vue d’établir si ces entités relèvent de la même unité économique, cette dernière devant être démontrée au regard de l’ensemble des liens économiques, organisationnels et juridiques qui les unissent.
319 Il résulte de ce qui précède que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a déduit des éléments du dossier que la structure organisationnelle de la requérante pour la région ESE constituait bien un indice supplémentaire en ce sens qu’elle formait une seule et même entreprise avec Slovak Telekom durant la période en cause.
320 Le quatrième grief ainsi que la première branche du troisième moyen dans son ensemble doivent dès lors être rejetés comme non fondés.
b) Sur la deuxième branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation des faits s’agissant de l’exercice effectif d’une influence déterminante
321 Dans une deuxième branche, la requérante allègue que la Commission a, en raison d’erreurs manifestes dans l’appréciation des faits ainsi que d’erreurs de droit, violé la présomption d’innocence ainsi que le principe d’individualisation des peines et des sanctions lors de son examen de l’exercice effectif d’une influence déterminante sur Slovak Telekom.
322 Cette branche se subdivise en cinq griefs. Premièrement, la requérante réitère sa critique formulée dans le cadre de la première branche du troisième moyen, selon laquelle la Commission a commis une erreur de droit en considérant que la simple possibilité pour elle d’influencer les décisions du conseil d’administration de Slovak Telekom constituerait une preuve de l’exercice d’une influence déterminante. Deuxièmement, c’est en violation de la présomption d’innocence et de son obligation de motivation que la Commission prendrait appui sur les réunions internationales de direction de Slovak Telekom pour conclure à l’exercice effectif d’une influence déterminante de la requérante sur celle-ci.Troisièmement, la requérante conteste avoir exercé sur Slovak Telekom une influence déterminante en ce qui concerne le choix d’un fournisseur de services IPTV. Quatrièmement, la requérante critique la référence contenue dans la décision attaquée à la procédure de contrôle des concentrations COMP/N.3561 – Deutsche Telekom/EuroTel. Cinquièmement, la requérante soutient qu’elle n’a pas eu connaissance du comportement prétendument anticoncurrentiel de Slovak Telekom et n’a a fortiori pas pu approuver tacitement ce comportement.
323 Il convient d’examiner successivement les cinq griefs avancés par la requérante au soutien de cette branche du troisième moyen.
1) Sur l’examen des processus décisionnels au sein du conseil d’administration de Slovak Teleko
324 Par son premier grief, la requérante réitère sa critique formulée dans le cadre de la première branche du troisième moyen, selon laquelle la Commission a commis une erreur de droit en considérant que la simple possibilité pour elle d’influencer les décisions du conseil d’administration de Slovak Telekom constituerait une preuve de l’exercice d’une influence déterminante.
325 À cet égard, d’abord, il convient de rappeler que l’erreur commise par la Commission aux considérants 1295 et 1296 de la décision attaquée ne suffit pas à entacher d’illégalité l’examen au terme duquel la Commission a conclu que la requérante devait être tenue pour responsable de l’infraction unique et continue qui fait l’objet de la décision attaquée (voir points 242 à 244 ci-dessus).
326 Ensuite, la requérante soutient à tort que, au considérant 1293 de la décision attaquée, la Commission a commis une erreur de droit lorsqu’elle a indiqué que la seule connaissance détaillée par une société mère des opérations commerciales de sa filiale de même que la formulation de commentaires à ce sujet suffiraient à prouver l’exercice effectif d’une influence déterminante. En effet, comme le fait valoir la Commission, cet argument procède d’une lecture erronée de ce considérant, dans lequel la Commission ne s’est nullement bornée à mentionner la connaissance détaillée par la requérante de la politique et des activités commerciales de Slovak Telekom, mais a souligné, en se référant à d’autres passages de la décision attaquée, l’influence exercée selon elle par la requérante sur cette filiale par le biais des notes préparatoires adressées à ses représentants au conseil d’administration de cette dernière.
327 S’agissant, par ailleurs, de l’argument de la requérante selon lequel la préparation des membres non exécutifs du conseil d’administration de Slovak Telekom préalablement aux réunions de celui-ci, au moyen de notes préparatoires, est conforme à une pratique courante et n’attesterait ainsi pas l’exercice d’une influence déterminante sur cette filiale, il convient de rejeter celui-ci comme inopérant. En effet, la seule circonstance qu’il puisse être courant pour une société mère d’adresser de telles notes préparatoires à ses représentants au sein d’une filiale, ce que la Commission a d’ailleurs elle-même estimé au considérant 1291 de la décision attaquée, ne prive nullement ces notes de pertinence en vue d’établir si ces sociétés forment une même entreprise, dès lors que l’examen du contenu desdites notes relève bien de l’appréciation de l’ensemble des liens économiques, organisationnels et juridiques unissant ces sociétés.
328 Il en va de même de la circonstance, soulignée par la requérante, que les notes préparatoires en question ont été seulement adressées à deux des quatre membres nommés par elle au conseil d’administration et que lesdits membres ne pouvaient ainsi, à eux seuls, faire prévaloir le point de vue de la requérante au sein dudit conseil.
329 La requérante ne saurait davantage être suivie lorsqu’elle reproche à la Commission d’avoir considéré qu’elle formulait des « commentaires » sur la politique commerciale de Slovak Telekom par le biais de ses représentants au sein du conseil d’administration de cette filiale. En effet, à supposer fondée l’allégation de la requérante selon laquelle les notes préparatoires examinées par la Commission au considérant 1292 de la décision attaquée ne revêtaient aucun caractère contraignant pour les membres exécutifs du conseil d’administration de Slovak Telekom désignés par elle, cela n’exclurait aucunement que de telles notes préparatoires aient pu, au regard d’un examen concret de leur impact sur les décisions dudit conseil, constituer un indice de l’influence déterminante exercée par la requérante sur le comportement de cette filiale sur le marché. Pour ce motif, il est également sans pertinence que les notes préparatoires aient, ainsi que le soutient la requérante, systématiquement émané de membres du personnel de cette dernière hiérarchiquement inférieurs aux membres du conseil d’administration de Slovak Telekom auxquels elles s’adressaient.
330 Au demeurant, ainsi que l’a indiqué la requérante lors de l’audience, le droit slovaque interdit uniquement aux membres du conseil d’administration d’une société d’adopter des comportements qui iraient à l’encontre des intérêts de ladite société. Ainsi, le droit slovaque ne saurait exclure que les membres non exécutifs en question aient pu recevoir des notes préparatoires de la requérante leur indiquant les orientations à suivre concrètement lors de séances du conseil d’administration de Slovak Telekom.
331 La requérante soutient par ailleurs que la Commission ne démontre pas, au considérant 1292 de la décision attaquée, en quoi les trois notes préparatoires sur lesquelles elle se fonde allaient au-delà de ce qui était nécessaire pour pouvoir prendre des décisions commerciales en connaissance de cause, la décision attaquée étant, selon la requérante, entachée d’une insuffisance de motivation sur ce point.
332 À titre liminaire, il convient de constater que, par son argumentation, la requérante critique en réalité le bien-fondé des motifs adoptés par la Commission dans la décision attaquée et non le caractère suffisant de la motivation qui figure dans ladite décision.
333 S’agissant, en premier lieu, de la réunion du conseil d’administration de Slovak Telekom du 7 septembre 2005, il convient de relever que ledit conseil y a arrêté à l’unanimité une stratégie en matière de réseau de nouvelle génération (next generation network, ci-après la « stratégie NGN »), sous la réserve d’une exigence de concertation au niveau du groupe Deutsche Telekom pour les décisions importantes en matière de technologie.
334 Or, la critique par la requérante de l’analyse de cette réunion opérée dans la décision attaquée n’est pas fondée. Ainsi, l’affirmation de la requérante selon laquelle la référence aux décisions importantes en matière de technologie contenue dans ce procès-verbal refléterait uniquement le souhait de Slovak Telekom de bénéficier de son expérience en la matière ne remet pas en cause le constat, opéré au considérant 1292, sous a), de la décision attaquée, selon lequel le contenu de la décision prise par le conseil d’administration de cette filiale répondait à une exigence formulée par la requérante dans la note préparatoire élaborée en vue de cette réunion. Il ressort en effet de cette note que la requérante estimait indispensable de garantir la compatibilité de la stratégie NGN de Slovak Telekom avec son offre « Triple Play » en Allemagne.
335 C’est donc sans commettre d’erreur que la Commission a conclu en substance, dans ledit considérant, que le procès-verbal relatif à la réunion du conseil d’administration du 7 septembre 2005 constituait un indice de l’influence de la requérante sur les décisions du conseil d’administration de Slovak Telekom.
336 Un tel constat ne saurait être remis en cause par la circonstance que cette réunion du conseil d’administration n’aurait pas spécifiquement porté sur le choix d’un fournisseur de services IPTV, si bien qu’il est inutile de se prononcer sur l’argument de la requérante en ce sens.
337 L’appréciation qui figure au point 335 ci-dessus ne peut davantage être remise en cause par le document du 7 septembre 2005 qui a été déposé devant le Tribunal par la requérante lors de l’audience et qui consiste en une présentation de la « stratégie de Slovak Telekom en matière de technologie NGN ». Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité d’une telle production lors de l’audience, il convient de souligner que, certes, ainsi que cela ressort du procès-verbal de la réunion du conseil d’administration de Slovak Telekom du 7 septembre 2005 annexé à la requête, ledit conseil d’administration a approuvé la « stratégie de Slovak Telekom en matière de technologie NGN » qui figure dans ce document. Toutefois, un examen du contenu de cette stratégie montre que cette dernière ne contient aucun élément de nature à contredire le constat, effectué au point 334 ci-dessus, selon lequel la requérante estimait indispensable de garantir la compatibilité de la stratégie NGN de Slovak Telekom avec son offre « Triple Play » en Allemagne. Par ailleurs, le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration de Slovak Telekom du 7 septembre 2005 indique expressément que les décisions importantes en matière de technologie doivent faire l’objet d’une concertation au niveau du groupe Deutsche Telekom (voir point 333 ci-dessus).
338 S’agissant, en second lieu, de la réunion du conseil d’administration du 5 décembre 2007, il convient de rappeler que plusieurs décisions ont été adoptées à cette occasion au sujet du projet intitulé « no 1 en matière de haut débit et de télévision » (Nr 1 in broadband and TV). La requérante reproche toutefois à la Commission d’avoir ignoré, au considérant 1292, sous b), de la décision attaquée, la circonstance que ces décisions prévoyaient, à la différence de la note préparatoire élaborée en vue de cette réunion, que l’équipe de projet devait proposer certaines mesures au conseil exécutif de direction et que Slovak Telekom devait adopter une vision à long terme lors du choix des entreprises partenaires. La requérante soutient de surcroît que, en tout état de cause, la décision du conseil d’administration de Slovak Telekom d’ordonner une étude d’opportunité économique actualisée préalablement à un report de dépenses d’investissement correspondait à une pratique normale des entreprises industrielles, si bien qu’une approche différente n’aurait pas été retenue en l’absence de recommandation en ce sens dans la note préparatoire relative à cette réunion.
339 À cet égard, il convient tout d’abord de relever que, comme l’admet la requérante, le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration de Slovak Telekom, sous la rubrique 14.1 consacrée au projet intitulé « no 1 en matière de haut débit et de télévision », reflète en substance la critique formulée par la requérante dans sa note préparatoire à cette réunion en ce qui concerne le report de dépenses d’investissement de 2007 à 2008. Ce procès-verbal atteste en effet que ce report n’a pas été approuvé.
340 Or, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la pertinence de cet indice de l’influence exercée par elle sur Slovak Telekom par le biais du conseil d’administration de cette dernière ne saurait être remise en cause par la circonstance que ledit conseil a par ailleurs décidé, au sujet de ce même projet, que l’équipe qui en avait la responsabilité devait proposer certaines mesures au conseil exécutif de direction et que Slovak Telekom devait adopter une vision à long terme lors du choix des entreprises partenaires. En effet, de tels compléments ne remettent pas en cause la concordance rappelée au point 339 ci-dessus entre la critique formulée par la requérante dans sa note préparatoire et l’absence d’approbation du report de dépenses d’investissement par le conseil d’administration de Slovak Telekom.
341 De même, la seule circonstance que la décision de ne pas approuver un report des dépenses d’investissement à 2008 sans une étude d’opportunité économique actualisée était déjà envisagée dans une note préparée par le conseil exécutif de direction de Slovak Telekom, annexée à sa réplique, voire que cette décision correspondrait à une pratique commerciale normale, n’est pas de nature à remettre en cause le constat de la Commission, opéré en substance au considérant 1292, sous b), de la décision attaquée, selon lequel la note préparatoire examinée aux points 338 à 340 ci-dessus témoigne de l’implication étroite de la requérante dans la définition de la position de cette filiale sur le marché, et constitue dès lors un indice pertinent pour apprécier la responsabilité de la requérante dans l’infraction en cause.
342 Dans ces circonstances, c’est à tort que la requérante reproche à la Commission d’avoir violé le principe de la présomption d’innocence dans ce passage de la décision attaquée.
343 S’agissant enfin de la réunion du conseil d’administration du 14 mars 2007, il convient de relever que la vente de Radiokomunikácie par Slovak Telekom y a été décidée au terme d’un vote favorable de la part des quatre membres dudit conseil désignés par la requérante, tandis que deux membres désignés par l’État slovaque se sont abstenus et qu’un membre désigné par ce dernier a voté contre [voir considérant 1292, sous c), de la décision attaquée]. Le sens du vote des membres du conseil d’administration désignés par la requérante était conforme à la note préparatoire élaborée par cette dernière en vue de cette réunion. La requérante soutient toutefois que cette circonstance n’est pas non plus décisive aux fins de démontrer l’exercice effectif d’une influence déterminante de sa part sur Slovak Telekom.
344 À cet égard, premièrement, il y a lieu d’écarter l’argument de la requérante selon lequel la décision de vendre Rádiokomunikácie serait dépourvue de pertinence dès lors que cette décision se serait limitée à mettre en œuvre les orientations définies dans l’accord sur le développement de la coopération entre les actionnaires de Slovak Telekom. En effet, comme le souligne à juste titre la Commission, il ressort du point 2 de cet accord que les actionnaires de Slovak Telekom s’étaient entendus sur le fait que Rádiokomunikácie ne relevait pas du cœur d’activité de cette société et que cela justifiait « en principe » de la vendre, selon des modalités de détermination du prix qui devaient encore être négociées au sein de Slovak Telekom et entre les actionnaires de cette dernière. Il s’ensuit que la décision définitive de vendre Rádiokomunikácie n’était pas encore arrêtée à ce moment et que, partant, l’accord sur le développement de la coopération entre les actionnaires de Slovak Telekom ne privait pas les membres du conseil d’administration désignés par ceux-ci d’une marge d’appréciation en vue d’approuver ou non ladite vente lors de la réunion du 14 mars 2007.
345 Deuxièmement, il convient de constater que la note préparatoire relative à cette réunion constitue bien, ainsi que la Commission l’a relevé en substance au considérant 1292 de la décision attaquée, un indice de l’exercice par la requérante d’une influence déterminante sur la position de Slovak Telekom sur le marché. En effet, cette note préparatoire fournit une illustration de l’implication directe de la requérante dans la gestion de sa filiale, dans la mesure où elle démontre sans ambiguïté la volonté de la requérante que les membres du conseil d’administration de Slovak Telekom nommés par elle, majoritaires au sein dudit conseil, décident de procéder à la vente susvisée en dépit de l’opposition pressentie des membres du conseil d’administration de cette filiale nommés par l’État slovaque.
346 La pertinence d’un tel indice dans le cadre de l’appréciation de l’unité économique entre la requérante et Slovak Telekom n’est pas remise en cause par la circonstance, soulignée par la requérante, que la position des membres du conseil d’administration de Slovak Telekom désignés par l’État slovaque lors de la réunion du 14 mars 2007 n’aurait pas reflété un réel désaccord avec la requérante, mais aurait trouvé son origine dans une promesse électorale de ne pas autoriser les privatisations en Slovaquie. Il en va de même de la circonstance que cette réunion serait la seule illustration fournie dans la décision attaquée d’une mise en minorité par la requérante des membres du conseil d’administration de Slovak Telekom nommés par l’État slovaque, la Commission s’étant fondée, dans la décision attaquée, sur de nombreux autres indices en vue de conclure que la requérante et Slovak Telekom formaient une entreprise durant la période en cause.
347 Le premier grief de la deuxième branche du présent moyen doit donc être rejeté.
2) Sur l’examen des réunions internationales de direction (international management meetings)
348 Par son deuxième grief, la requérante soutient que c’est en violation de la présomption d’innocence et de son obligation de motivation que la Commission prendrait appui sur les réunions internationales de la direction de Slovak Telekom (international management meetings) pour conclure à l’exercice effectif d’une influence déterminante de sa part sur celle-ci.
349 À cet égard, il y a tout d’abord lieu d’écarter l’argument de la requérante selon lequel, en substance, la description générale par la Commission de l’objet des réunions internationales de direction aux considérants 1338 à 1352 de la décision attaquée serait entachée d’une insuffisance de motivation dès lors qu’elle ne tiendrait pas compte d’une déclaration de M. R. R. à laquelle la requérante s’était référée dans sa réponse à la communication des griefs et que la requérante avait annexée à ladite réponse.
350 En effet, ainsi que cela a été rappelé au point 270 ci-dessus, l’obligation pour la Commission de motiver l’existence d’une unité économique entre une société mère et sa filiale n’exige pas qu’elle prenne position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, cette obligation étant satisfaite par l’exposé des faits et des considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision. Or, en l’espèce, force est de constater que la partie de la décision attaquée visée au point précédent, qui doit être lue conjointement avec les éléments consacrés à l’examen des procès-verbaux des réunions internationales de direction (considérants 1354 à 1359 de la décision attaquée), contient un exposé clair et suffisamment détaillé des raisons pour lesquelles la Commission a conclu, au considérant 1352 de ladite décision, que ces réunions non seulement avaient fourni à la requérante un canal régulier d’informations détaillées sur les activités de Slovak Telekom, mais avaient également permis à la requérante d’intervenir sur l’évolution de la position de cette filiale sur le marché. Au demeurant, la Commission a spécifiquement répondu, aux considérants 1349 à 1351 de la décision attaquée, à l’argumentation présentée tant par la requérante que par Slovak Telekom dans leurs réponses à la communication des griefs, selon laquelle les réunions internationales de direction avaient uniquement pour objet l’échange d’informations et ne pouvaient dès lors pas contribuer à démontrer une unité économique entre ces entités.
351 Par ailleurs, la requérante ne saurait être suivie lorsqu’elle soutient que les affirmations contenues aux considérants 1338 à 1341 de la décision attaquée, selon lesquelles les réunions internationales de direction auraient été organisées par elle dans le but de contrôler et d’influencer les agissements de ses filiales, reposent sur de simples suppositions, la structure de gouvernance reflétée dans la présentation préparée en vue de la réunion de direction opérationnelle du 7 mars 2006 (voir point 297 ci-dessus) n’ayant jamais été mise en œuvre.
352 Il convient en effet de rappeler sur ce point le constat, opéré aux points 300 à 302 ci-dessus, selon lequel, compte tenu de l’organisation régulière de réunions internationales de direction entre le 4 mai 2006 et le 2 avril 2009 et compte tenu de l’indice sérieux que fournit le procès-verbal de la réunion de direction opérationnelle du 7 mars 2006 dans le sens d’une mise en place effective d’une gouvernance d’entreprise au sein du groupe Deutsche Telekom en ce qui concerne les filiales des PECO, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a considéré que les réunions internationales de direction avaient bien fourni un cadre pour la mise en œuvre des principes de coopération édictés dans l’accord-cadre sur la coopération stratégique.
353 Par ailleurs, en ce qui concerne l’argument par lequel la requérante, prenant notamment appui sur des déclarations effectuées par MM. R. R. et K. H. pour les besoins de la procédure administrative, reproche à la Commission d’avoir considéré que les réunions internationales de direction avaient été organisées par elle dans le but de contrôler et d’influencer les agissements de ses filiales, alors que lesdites réunions visaient simplement à échanger du savoir-faire et des bonnes pratiques, celui-ci est indissociable des critiques adressées par la requérante en ce qui concerne l’analyse de l’objet et de la portée de certaines desdites réunions au considérant 1354 de la décision attaquée. Il convient dès lors de les examiner ensemble.
354 À titre liminaire, il convient, conformément aux principes rappelés au point 77 ci-dessus, d’écarter comme irrecevable le renvoi effectué par la requérante à l’ensemble des arguments qu’elle a présentés au sujet des réunions internationales de direction dans sa réponse à la communication des griefs.
355 De plus, il y a lieu de relever que la déclaration de M. R. R. citée par la requérante a été effectuée pour les besoins de la procédure d’enquête et a dès lors une valeur probante inférieure à des éléments contemporains des faits en cause (voir point 300 ci-dessus et jurisprudence citée). Par ailleurs, cette déclaration n’est pas de nature à établir que la partie de la décision attaquée examinée dans le cadre du présent grief est entachée d’erreur. En effet, il convient de souligner que M. R. R. a indiqué dans cette déclaration que l’« aspect le plus important » ayant motivé l’organisation de réunions internationales de direction à partir de 2006 « consistait bien davantage » dans le souhait de mieux connaître et comprendre les indicateurs financiers de Slovak Telekom et d’échanger du savoir-faire. Une telle formulation suggère ainsi que ces réunions ne poursuivaient pas exclusivement ces objectifs.
356 L’argument de la requérante, selon lequel il découlerait des propos introductifs de M. K. H. lors de la réunion internationale de direction du 4 mai 2006, consignés dans le procès-verbal relatif à cette réunion, que l’objet de telles réunions se limiterait au seul échange d’informations et de savoir-faire, ne saurait en outre être retenu. En effet, il suffit de constater à cet égard que, d’une part, lesdits propos, cités au considérant 1343 de la décision attaquée, se rapportaient uniquement à l’objectif de cette première réunion internationale et ne préjugeaient, dès lors, pas des objectifs poursuivis par les réunions ultérieures. D’autre part et en tout état de cause, lesdits propos indiquent notamment que l’objectif de la requérante était d’aider Slovak Telekom à « atteindre [ses] objectifs », ce qui fournit un premier indice que l’objet des réunions internationales de direction de la requérante et de cette filiale dépassait le simple échange d’informations et de savoir-faire.
357 Par ailleurs, la requérante n’avance aucun argument convaincant pour remettre en cause le constat de la Commission selon lequel, en substance, les « sujets d’action » (action items) auxquels il est fait référence dans le procès-verbal de la réunion du 4 mai 2006 témoignent de son implication réelle et approfondie dans la politique commerciale de Slovak Telekom, notamment par le biais d’une exigence pour cette dernière de transmettre des informations détaillées sur ladite politique et son évolution.
358 La requérante ne saurait en particulier être suivie lorsqu’elle soutient que les sujets d’action en question étaient seulement un moyen d’organiser efficacement l’échange de bonnes pratiques et de savoir-faire entre elle et Slovak Telekom et de déterminer l’objet des réunions internationales de direction suivantes. En effet, en premier lieu, une telle limitation est démentie par le procès-verbal de la réunion du 4 mai 2006, dont il ressort que seule la communication d’informations de Slovak Telekom à la requérante était prévue, et non l’inverse. En second lieu, il ressort de plusieurs expressions employées dans ledit procès-verbal, telles que l’indication du « délai » (deadline) et du « responsable » (responsible) pour chaque sujet d’action ou encore l’emploi de locutions exprimant sans ambiguïté la contrainte (has to be doneet is requested to), que, contrairement à ce que soutient la requérante, les missions ainsi définies pour Slovak Telekom revêtaient bien un caractère obligatoire.
359 Ainsi, conformément aux principes rappelés au point 294 ci-dessus, la Commission pouvait conclure sans commettre d’erreur que le procès-verbal de la réunion internationale de direction du 4 mai 2006 fournissait un indice que la requérante et Slovak Telekom formaient une même entreprise à l’époque de l’infraction. Il en va d’autant plus ainsi que, comme la Commission le souligne à juste titre dans ses écritures, ce procès-verbal témoigne du large éventail des aspects de la politique commerciale de Slovak Telekom abordés lors de cette réunion, incluant notamment la stratégie générale de marché (market & T-com), le marché et les ventes dans le segment résidentiel (market & sales residential) ou encore l’offre « Triple Play ».
360 La requérante ne saurait davantage être suivie lorsqu’elle critique le constat, figurant au considérant 1350 de la décision attaquée, selon lequel les réunions internationales de direction lui fournissaient l’occasion d’examiner régulièrement des propositions avant que celles-ci soient soumises au conseil exécutif de direction ou au conseil d’administration de Slovak Telekom. La requérante soutient à cet égard qu’un tel examen régulier n’était pas possible dès lors que les réunions internationales de direction n’avaient lieu que trois fois par an, tandis que le conseil exécutif de direction se réunissait chaque semaine et le conseil d’administration six à sept fois par an. Cet argument repose toutefois sur une lecture erronée du considérant 1350 de la décision attaquée, dans lequel la Commission a indiqué que cet examen régulier était opéré non seulement par le biais des réunions internationales de direction, mais aussi par celui des contacts bilatéraux entre les départements chargés de la réglementation et des régions.
361 Quant aux arguments de la requérante pris de l’absence d’instructions données par elle lors des réunions internationales de direction des 28 septembre 2006, 2 mars 2007, 3 avril 2008 et 28 août 2008, ils doivent également être rejetés.
362 Il convient tout d’abord de souligner que la circonstance qu’une société mère n’a pas donné d’instruction à sa filiale à l’occasion d’une réunion n’exclut pas comme telle, conformément au principe rappelé au point 267 ci-dessus, que ladite réunion puisse, au regard de son contenu, fournir un indice de l’exercice d’une influence déterminante sur ladite filiale.
363 Or, en l’espèce, force est de constater que les procès-verbaux desdites réunions illustrent bien les liens organisationnels étroits qui existaient entre ces entités et, à tout le moins, le degré élevé d’implication de la requérante dans la définition de la politique commerciale de Slovak Telekom, au-delà d’un simple échange d’informations et de bonnes pratiques.
364 S’agissant tout d’abord du procès-verbal relatif à la réunion du 28 septembre 2006, il convient certes de relever que, ainsi que le soutient la requérante, l’extrait de celui-ci mentionné au considérant 1355 de la décision attaquée ne permet pas de conclure que l’« approbation de la continuation du projet [dans les pays du Golfe] » qu’il contient émane de la requérante. Au contraire, la lecture alternative de cet extrait par la requérante, selon laquelle cette approbation aurait émané de l’opérateur des pays du Golfe concerné, tend à être corroborée par le briefing du 5 septembre 2006 qui a précédé la réunion du conseil d’administration de Slovak Telekom qui s’est tenue le 7 septembre 2006, soit quelques semaines seulement avant la réunion internationale de direction du 28 septembre 2006, et dont il ressort notamment que le partenaire de Slovak Telekom dans les pays du Golfe avait « approuvé la poursuite » du projet en cause. Cela ne remet toutefois pas en cause la constatation, également opérée au considérant 1355 de la décision attaquée, selon laquelle il ressort du procès-verbal relatif à la réunion du 28 septembre 2006 que Slovak Telekom a été chargée par la requérante, lors de cette réunion, de « présenter l’état d’avancement réel du projet [dans les pays du Golfe] lors des réunions de direction de 2007 ».
365 S’agissant ensuite du procès-verbal relatif à la réunion du 2 mars 2007, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort de l’extrait de celle-ci figurant au considérant 1355 de la décision attaquée, l’une des questions qui y a été abordée concernait l’inclusion de T-Mobile Slovensko, une filiale détenue entièrement par Slovak Telekom, dans le programme de fidélisation de Slovak Telekom. Or, comme le soutient à juste titre la Commission, l’action de Slovak Telekom sollicitée sur ce point par M. F. G., un employé de la requérante, consistant à préparer une proposition relative à une telle inclusion, illustrait l’implication étroite de la requérante dans les orientations stratégiques de Slovak Telekom et les tâches confiées à cette dernière dans cette perspective.
366 Il en va de même du procès-verbal actualisé relatif à la réunion du 3 avril 2008, dont il ressort, ainsi que cela est exposé au considérant 1355 de la décision attaquée, non seulement que le directeur général de Slovak Telekom, M. M. M., a été chargé, à la demande de M. M. G., un employé de la requérante, d’élaborer un futur scénario de création d’une nouvelle politique de marque pour Slovak Telekom avec M. H.-C. S., responsable de la politique de marque chez la requérante, mais aussi que cette demande a bien été suivie d’effet de la part de Slovak Telekom. La seule circonstance que M. H.-C. S. n’a pas réagi aux sollicitations de Slovak Telekom sur ce point et qu’aucun accord sur la redéfinition de la politique de marque de cette filiale n’a pu être trouvé ne remet pas en cause la pertinence de ce nouvel indice de l’influence exercée par la requérante sur la politique commerciale de celle-ci.
367 S’agissant enfin du procès-verbal relatif à la réunion du 28 août 2008, cité au considérant 1355 de la décision attaquée, celui-ci établit à tout le moins que M. M. G. a exigé, d’une part, d’être à l’avenir tenu informé par Slovak Telekom de l’état d’avancement du projet DVB-S (digital video broadcasting – satellite) et, d’autre part, que Slovak Telekom implique le département « International Controlling T-Home » de la requérante dans le processus de planification commerciale relatif à ce projet. De surcroît, la requérante n’avance aucun élément concret de nature à démontrer que, en dépit de la formulation du procès-verbal sur ce dernier point, la tâche dudit département se serait limitée à élaborer une note préparatoire à destination des membres non exécutifs du conseil d’administration de Slovak Telekom nommés par elle.
368 Par conséquent, l’examen de ces différents procès-verbaux, qui constituent des éléments contemporains des faits en cause en l’espèce et bénéficient ainsi d’une force probante supérieure aux déclarations d’employés de Slovak Telekom effectuées pour les besoins de la procédure administrative, tend à confirmer le constat, opéré au considérant 1357 de la décision attaquée, selon lequel le lien organisationnel entre la requérante et Slovak Telekom créé par le biais des réunions internationales de direction démontre que la requérante était informée de manière très détaillée et en amont de la situation et des plans de Slovak Telekom et qu’elle exerçait effectivement une influence déterminante sur le comportement commercial de cette filiale avant que des propositions soient soumises aux organes décisionnels statutaires de celle-ci.
369 Doit encore être rejeté comme inopérant l’argument de la requérante selon lequel le lien entre la préparation des décisions par le biais des réunions internationales de direction et le degré élevé d’homogénéité des votes au sein du conseil d’administration de Slovak Telekom, identifié au considérant 1350 de la décision attaquée, relèverait d’une simple spéculation. En effet, à supposer qu’un tel lien ne puisse être établi, cela ne remettrait pas en cause la conclusion selon laquelle les procès-verbaux des réunions internationales de direction examinés aux considérants 1342 à 1359 de la décision attaquée fournissaient bien des indices de l’exercice par la requérante d’une influence déterminante sur le comportement de Slovak Telekom sur le marché.
370 Dès lors, la Commission n’a pas méconnu la présomption d’innocence de la requérante dans le cadre de son examen des réunions internationales de direction.
371 Le deuxième grief de la deuxième branche du présent moyen doit donc être rejeté.
3) Sur l’examen du choix par Slovak Telekom d’un fournisseur de services de télévision par Internet (IPTV)
372 Par son troisième grief, la requérante conteste avoir exercé sur Slovak Telekom une influence déterminante en ce qui concerne le choix d’un fournisseur de services IPTV.
373 À cet égard, tout d’abord, il convient de rejeter, à titre liminaire, l’argument selon lequel, en substance, le choix d’un fournisseur de services IPTV ne saurait en aucun cas constituer un indice pertinent de l’exercice par la requérante d’une influence déterminante sur la position commerciale de Slovak Telekom, étant donné qu’un tel choix n’aurait pas présenté un caractère essentiel pour cette filiale d’un point de vue commercial. En effet, l’exercice d’une telle influence déterminante est, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence rappelée au point 231 ci-dessus, susceptible de résulter d’un faisceau d’éléments concordants. Il ne résulte en revanche pas de cette jurisprudence que de tels éléments devraient être écartés au motif qu’ils concernent des décisions commerciales qui ne peuvent être qualifiées d’« essentielles » pour la filiale en cause. En tout état de cause, il y a lieu de considérer que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a constaté, au considérant 1362 de la décision attaquée, que le lancement de l’offre « Triple Play » avait constitué l’un des projets stratégiques les plus importants de Slovak Telekom en 2005 et en 2006, au regard notamment de l’investissement financier que ce lancement impliquait et de son effet potentiel sur l’affaiblissement du passage de clients chez des opérateurs concurrents. Par extension, le choix par Slovak Telekom d’un fournisseur de services IPTV, en vue de composer cette offre, présentait également une importance certaine pour celle-ci.
374 Ensuite, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort du considérant 1365 de la décision attaquée, M. J. Z., alors membre du personnel de Slovak Telekom prêté par la requérante, a adressé un courrier électronique à cette dernière le 3 novembre 2005, en vue de l’informer du résultat de l’appel d’offres lancé par Slovak Telekom pour le choix d’un fournisseur de services IPTV. Il ressort de ce courrier électronique que « Slovak Telekom avait reçu des signaux clairs de [la requérante] pour harmoniser le plan du projet quant au fournisseur de la technologie Triple Play [...] avec les fournisseurs de [la requérante] et, concrètement, [le candidat finalement retenu] » (ci-après le « candidat A »). Ce courrier indiquait également, en conclusion, qu’une décision de la requérante était attendue pour le 7 novembre 2005 à midi, à défaut de quoi Slovak Telekom poursuivrait sa procédure d’appel d’offres et débuterait les essais avec d’autres fournisseurs privilégiés.
375 Contrairement à ce que soutient en substance la requérante, ces extraits indiquent sans ambiguïté que, à ce stade, le choix du fournisseur de services IPTV n’était pas encore arrêté par Slovak Telekom et que cette dernière entendait opérer ce choix en concertation avec la requérante. Ce constat n’est pas remis en cause par la circonstance, soulignée par la requérante, qu’il ressort d’un autre courrier électronique daté du 3 novembre 2005, réagissant au courrier électronique de M. J. Z., qu’elle avait jusque-là peu participé à la préparation et à la réalisation de la procédure d’appel d’offres en question. Au contraire, comme le fait valoir en substance la Commission, ce courrier témoigne du fait que, du point de vue de la requérante, une influence sur le choix du fournisseur de services IPTV était encore possible même si une coordination à un stade plus précoce était envisageable.
376 Par ailleurs, la requérante ne saurait être suivie lorsqu’elle reproche à la Commission d’avoir constaté, au considérant 1365 de la décision attaquée, que la référence à des « orientations claires venant de l’Allemagne » dans une présentation préparée en vue d’une séance du conseil exécutif de direction de Slovak Telekom du 13 novembre 2005 constituerait un indice supplémentaire de l’influence exercée par la requérante sur cette filiale s’agissant du choix d’un fournisseur de services IPTV. À cet égard, l’argument de la requérante selon lequel ces termes auraient uniquement reflété la volonté de Slovak Telekom de bénéficier de son savoir-faire n’est pas crédible, eu égard à la référence que contient ce même passage de la présentation à l’« harmonisation avec la requérante » ainsi qu’à l’offre du candidat A.
377 De même, contrairement à ce qu’allègue la requérante, la référence contenue dans cette présentation à trois scénarios possibles concernant le choix du fournisseur de services IPTV ne saurait être comprise comme un indice que Slovak Telekom ne s’estimait liée par aucune instruction de sa part à ce sujet. Au contraire, ladite présentation indique que Slovak Telekom a qualifié de « sage » (wise) l’option consistant à satisfaire l’orientation de la requérante en retenant l’offre du candidat A, pour autant que cette offre réponde à certaines conditions.
378 S’agissant de ce dernier point, il y a lieu de souligner que, par analogie avec le raisonnement suivi au point 315 ci-dessus, la circonstance que Slovak Telekom ait pu contribuer à préciser les conditions auxquelles ladite offre pourrait être acceptée n’est pas de nature à écarter le choix d’un fournisseur de services IPTV comme indice de l’influence déterminante de la requérante sur Slovak Telekom. Il convient également de rejeter, pour ce motif, l’argument pris par la requérante d’une erreur dont serait entaché le raisonnement figurant au considérant 1365 de la décision attaquée s’agissant de la réunion du conseil exécutif de direction du 14 novembre 2005.
379 Il en va de même de la circonstance, soulignée par la requérante, que Slovak Telekom, d’une part, n’était pas prête à accepter l’offre du candidat A à n’importe quelles conditions et, d’autre part, a elle-même reconnu que cette offre présentait des avantages par rapport à d’autres offres soumises dans le cadre de l’appel d’offres, et ce indépendamment de l’orientation de la requérante.
380 La requérante soutient également, en substance, que la décision attaquée omet erronément de tenir compte de la circonstance que la présentation préparée en vue de la réunion du conseil exécutif de direction de Slovak Telekom du 28 novembre 2005 ne contenait pas uniquement l’option souhaitée par elle et qu’il n’était envisagé de retenir l’offre du candidat A que pour autant que celle-ci respecte certaines exigences techniques, financières et de délai et qu’à condition que Slovak Telekom obtienne des conditions avantageuses du fait de son appartenance au groupe Deutsche Telekom. La Commission aurait également omis, à tort, de tenir compte du procès-verbal de cette réunion, dont il ressortirait clairement que Slovak Telekom cherchait à poursuivre son propre intérêt dans ce dossier et ne se sentait nullement liée par l’option privilégiée par la requérante.
381 Ces arguments ne sauraient toutefois prospérer. D’une part, ainsi que le souligne la Commission, il ressort de la présentation citée au point 380 ci-dessus que le processus de sélection par Slovak Telekom d’un fournisseur de services IPTV a été influencé de façon significative par l’intervention de la requérante, cette présentation indiquant à titre liminaire que la négociation entamée avec le candidat A était due à l’orientation retenue par la requérante. D’autre part, s’il est certes exact que le procès-verbal de la réunion du conseil exécutif de direction de Slovak Telekom du 28 novembre 2005 fait état de l’intention de celle-ci de contacter une ultime fois le candidat A afin que ce dernier réduise le prix de son offre, il n’en demeure pas moins que ce même document indique que c’est bien l’option privilégiée par la requérante qui a été retenue s’agissant du choix du fournisseur de services IPTV. Pour un motif analogue à celui exposé au point 378 ci-dessus, la pertinence d’un tel indice d’influence déterminante sur la position de Slovak Telekom sur le marché n’est pas remise en cause par la circonstance que cette dernière a veillé à concilier l’orientation de la requérante et la recherche d’une offre optimale du point de vue financier.
382 Un raisonnement similaire s’applique s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel, contrairement à ce qui ressort du considérant 1365 de la décision attaquée, l’intention de solliciter encore une baisse de prix du candidat A manifestée par M. H. M. dans un courriel adressé à M. W. H. le 19 février 2006 attesterait que Slovak Telekom bénéficiait d’une pleine autonomie dans le choix d’un fournisseur de services IPTV.
383 Par ailleurs, la requérante ne saurait être suivie lorsqu’elle soutient que, contrairement à ce qui est exposé au considérant 1365 de la décision attaquée, la présentation préparée en vue de la réunion du conseil exécutif de direction de Slovak Telekom du 12 décembre 2015 ne démontrerait pas que cette dernière a modifié sa décision concernant les règles de l’appel d’offres en raison des orientations de la requérante. Il ressort en effet sans ambiguïté de ce document que la sélection du candidat A parmi les deux fournisseurs soumis aux tests visés par cette présentation était due à des « raisons stratégiques ainsi qu’à l’orientation en provenance d’Allemagne » et que cela a impliqué de mettre un terme à l’appel d’offres.
384 S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la préparation élaborée en vue de la réunion du conseil exécutif de direction du 20 février 2006 témoignerait du fait que Slovak Telekom demeurait ouverte à ce stade quant au choix de son fournisseur de services IPTV, il ne saurait être retenu. En effet, s’il est certes exact que cette présentation se réfère tant à l’offre du candidat A qu’à celle d’un candidat concurrent, la requérante n’avance aucun élément de nature à remettre en cause les constatations opérées au considérant 1365 de la décision attaquée, selon lesquelles ladite présentation a souligné à plusieurs égards la supériorité de cette dernière offre, tant en termes de coûts que sur le plan technique. Or, comme le souligne à juste titre la Commission, ces constats, cumulés à la décision du conseil exécutif de direction de choisir malgré tout l’offre du candidat A, constituent des indices complémentaires en ce sens que la requérante a exercé une influence déterminante sur Slovak Telekom lors de ce choix. Cette constatation n’est pas remise en cause par la circonstance, soulignée par la requérante, qu’il ressortirait également de cette présentation que les offres en compétition ont obtenu des résultats « largement équivalents » au terme du test en laboratoire, cette formulation générale ne remettant pas en cause les constats plus précis concernant le niveau de chaque offre rappelés ci-dessus.
385 Enfin, la requérante ne saurait être suivie lorsqu’elle conteste la pertinence de l’extrait du rapport de clôture du projet IPTV, daté du 26 mars 2007, cité au considérant 1365 de la décision attaquée et dont il ressort que Slovak Telekom avait décidé de « suivre la décision de stratégie de groupe » en retenant l’offre du candidat A. En effet, eu égard aux autres indices examinés audit considérant, la Commission pouvait, sans commettre d’erreur, considérer que cette formulation tendait à corroborer l’influence déterminante exercée par la requérante au sujet du choix par Slovak Telekom d’un fournisseur de services IPTV.
386 Il découle ainsi des éléments examinés aux points 373 à 385 ci-dessus, qui sont contemporains des faits en cause en l’espèce et bénéficient ainsi d’une force probante supérieure aux déclarations de M. H. M. effectuées pour les besoins de la procédure administrative et auxquelles se réfère la requérante, que la procédure ayant conduit au choix par Slovak Telekom d’un fournisseur de services IPTV constituait bien un indice supplémentaire de l’exercice par la requérante d’une influence déterminante sur la position de Slovak Telekom sur le marché.
387 Le troisième grief de la deuxième branche du présent moyen doit donc être rejeté.
4) Sur l’examen de la transaction EuroTel
388 Le quatrième grief formulé par la requérante concerne la référence, contenue dans la décision attaquée, à la procédure de contrôle des concentrations COMP/N.3561 – Deutsche Telekom/EuroTel. À cet égard, la requérante conteste notamment le constat de la Commission selon lequel la circonstance qu’elle a agi en tant que partie notifiante de cette concentration constituerait un indice de l’influence déterminante qu’elle aurait exercée sur Slovak Telekom durant la période en cause.
389 À cet égard, il convient avant tout de souligner que la circonstance que Slovak Telekom a acquis la totalité du capital social d’EuroTel en 2004 à la suite d’une notification de cette opération de concentration par la requérante ne saurait être considérée, en soi, comme décisive aux fins d’établir si la requérante et Slovak Telekom formaient une même entreprise durant la période en cause.
390 Il ressort de l’article 4, paragraphe 2, du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (« le règlement CE sur les concentrations ») (JO 2004, L 24, p. 1), et des articles 2 et 3 du règlement (CE) no 802/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement no 139/2004 (JO 2004, L 133, p. 1), que la notification est un acte administratif consistant dans le dépôt d’un formulaire spécifique par la personne qui acquiert le contrôle de l’ensemble ou de parties d’une ou de plusieurs entreprises. Or, en l’espèce, c’est bien la requérante qui, par sa participation dans Slovak Telekom, a acquis le contrôle d’EuroTel en 2004.
391 Ainsi, il ne saurait être déduit de cet acte purement administratif que la requérante a effectivement exercé une influence déterminante sur Slovak Telekom.
392 En revanche, ce constat ne prive pas de pertinence, en vue d’établir si la requérante a effectivement exercé une influence déterminante sur le comportement de Slovak Telekom sur le marché durant la période en cause, le document préparatoire de la requérante, daté du 3 septembre 2004, relatif à l’approbation par son conseil de surveillance du projet d’acquisition par cette filiale d’un contrôle total sur EuroTel.
393 À cet égard, tout d’abord, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, la pertinence de ce document, examiné aux considérants 1464 à 1466 de la décision attaquée, ne saurait être écartée au seul motif qu’il est antérieur à la période d’infraction. En effet, cette circonstance seule ne saurait exclure qu’un tel document, au regard d’une analyse du contexte dans lequel il a été élaboré ainsi que de son contenu, puisse, en ce qu’il porte sur les relations futures de la société mère avec sa filiale, constituer un indice des liens économiques, organisationnels et juridiques entre ces deux entités au cours de la période d’infraction (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2016, Evonik Degussa et AlzChem/Commission, C‑155/14 P, EU:C:2016:446, point 34). En l’espèce, d’une part, le document préparatoire visé au point 392 ci-dessus a été élaboré par la requérante moins d’un an avant le début de la période d’infraction. D’autre part, ce document portait spécifiquement sur un projet d’acquisition par cette filiale d’une société tierce, ledit projet s’étant pleinement réalisé au moment auquel l’infraction en cause a débuté.
394 Ensuite, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la citation d’un extrait de ce document contenue dans la note en bas de page no 2163 de la décision attaquée (considérant 1464), dans laquelle la requérante a indiqué en substance que l’opération de concentration entre Slovak Telekom et EuroTel lui permettrait d’acquérir un « plein contrôle sur la gestion » de cette dernière par le biais de Slovak Telekom, serait dépourvue de pertinence dès lors qu’elle aurait eu pour seul objet de décrire une possibilité de consolidation comptable. En effet, il suffit de relever à cet égard que cette interprétation est démentie par le libellé même du passage en question, qui se réfère de manière générale, dans une section intitulée « Résumé » (« Zusammenfassung »), à l’acquisition d’un contrôle sur la gestion d’EuroTel (Managementkontrolle) et non seulement sur la consolidation financière au sein du groupe Deutsche Telekom. La circonstance qu’un autre passage de ce document se réfère par ailleurs à la consolidation comptable occasionnée par cette opération de concentration n’est pas de nature à affecter cette conclusion.
395 Enfin, les arguments de la requérante visant à démontrer, en substance, que le document préparatoire cité au point 392 ci-dessus ne fournirait pas d’indice qu’elle exerçait une influence déterminante sur la politique commerciale de Slovak Telekom durant la période en cause, mais témoignerait plutôt de la forte position dont bénéficiait l’État slovaque au sein de cette filiale, en tant qu’actionnaire minoritaire, ne sauraient prospérer.
396 Il convient en effet de relever que le libellé de l’extrait de ce document cité dans la note en bas de page no 2163 de la décision attaquée indique que la requérante estimait elle-même que les droits de l’État slovaque en tant qu’actionnaire minoritaire de Slovak Telekom, « lesquels se rapport[ai]ent pour l’essentiel à l’approbation des investissements supérieurs à 75 millions d’euros ainsi qu’à l’approbation des transactions entre EuroTel/ST et DT ou les filiales de DT », n’étaient pas de nature à faire obstacle à l’acquisition par elle d’un « plein contrôle » sur EuroTel par le biais de Slovak Telekom. Ce constat n’est aucunement remis en cause par l’indication, contenue dans cet extrait, que la requérante et l’État slovaque étaient jusqu’alors toujours parvenus à un accord sur ces questions.
397 En outre, l’indice d’influence déterminante de la requérante sur Slovak Telekom identifié par la Commission dans l’extrait précité n’est susceptible d’être remis en cause ni par la déclaration de M. F. G., alors membre du conseil d’administration de Slovak Telekom et d’EuroTel, ni par la lettre du ministre des Télécommunications slovaque de l’époque adressée au président du conseil d’administration d’EuroTel en mai 2004, auxquelles se réfère la requérante dans son recours. D’une part, l’indication contenue dans la déclaration de M. F. G. selon laquelle l’État slovaque avait également un intérêt dans la concentration entre Slovak Telekom et EuroTel dès lors que celle-ci aurait pour effet d’augmenter la valeur boursière de Slovak Telekom, en vue de préparer une éventuelle entrée en Bourse, ne remet pas en cause le « plein contrôle » que la requérante estimait acquérir sur EuroTel au terme de cette transaction et, par extension, le contrôle qu’elle considérait détenir sur la position de Slovak Telekom sur le marché. D’autre part, il en va de même du souhait exprimé en mai 2004 par le ministre des Télécommunications slovaque que soient reprises les négociations en vue de la vente à Slovak Telekom de la partie du capital social d’EuroTel qui était encore détenue par un tiers à ce moment, et ce afin de remédier aux inconvénients de la structure antérieure de participation de Slovak Telekom dans ledit capital social.
398 Enfin, s’agissant de l’argumentation de la requérante selon laquelle l’influence de l’État slovaque dans le dossier relatif à la concentration entre Slovak Telekom et EuroTel serait attestée par le fait qu’il a retardé la décision du conseil d’administration requise pour l’acquisition des parts d’EuroTel afin d’imposer ses propres exigences au niveau des actionnaires à l’égard de la requérante, il suffit de relever que la requérante, en vue d’étayer celui-ci, renvoie à la « démonstration » qu’elle aurait apportée à cet égard dans sa réponse à la communication des griefs. Or, si cette réponse figure certes en annexe à la requête, un tel renvoi ne répond pas à l’exigence rappelée au point 77 ci-dessus. Il convient, dès lors, de considérer que cet argument n’est pas étayé et doit être écarté.
399 Le quatrième grief de la deuxième branche du présent moyen doit donc être rejeté.
5) Sur le constat de la Commission selon lequel la direction de la requérante a eu connaissance du comportement anticoncurrentiel
400 Dans un cinquième grief, la requérante soutient que la Commission a erronément conclu dans la décision attaquée qu’elle avait eu connaissance du comportement prétendument anticoncurrentiel de Slovak Telekom et aurait ainsi approuvé tacitement ce comportement.
401 Il convient de rejeter ce grief comme inopérant.
402 En effet, selon une jurisprudence bien établie, lorsqu’une société mère et sa filiale font partie d’une seule entreprise aux fins de l’article 101 TFUE, c’est non pas nécessairement une relation d’instigation relative à l’infraction entre la société mère et la filiale, ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société mère, mais le fait que les sociétés concernées constituent une seule entreprise, au sens de l’article 101 TFUE (arrêts du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 88 ; du 14 septembre 2016, Ori Martin et SLM/Commission, C‑490/15 P et C‑505/15 P, non publié, EU:C:2016:678, point 60, et du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, T‑112/05, EU:T:2007:381, point 58).
403 Il s’ensuit que, à supposer que la requérante n’avait pas connaissance de l’infraction en cause et, partant, n’avait pu approuver tacitement celle‑ci, de telles circonstances seraient sans préjudice des indices, examinés aux points 237 à 319 et 324 à 398 ci-dessus, établissant qu’elle exerçait bien, d’une manière générale, une influence déterminante sur le comportement de Slovak Telekom sur le marché. De telles circonstances ne seraient ainsi pas de nature à établir que la Commission a erronément conclu dans la décision attaquée que ces deux entités formaient une même entreprise durant la période en cause.
404 Au regard de ces divers éléments, il convient de rejeter la deuxième branche du troisième moyen dans son ensemble.
c) Sur la troisième branche, tirée d’une appréciation erronée des exemples de comportement indépendant de Slovak Telekom fournis par la requérante
405 Dans une troisième branche, la requérante soutient que la Commission a apprécié de façon manifestement erronée les exemples de comportement indépendant de Slovak Telekom qu’elle a fournis, alors même que ceux-ci portaient sur des questions fondamentales. Selon la requérante, c’est en violation de la présomption d’innocence et des règles de répartition de la charge de la preuve que la Commission aurait abouti à plusieurs reprises, dans son analyse, à la conclusion que la requérante n’avait pas, au moyen des exemples cités, apporté la preuve de l’absence d’exercice d’une influence déterminante sur Slovak Telekom. Cette approche méconnaîtrait le fait qu’aucune présomption d’influence déterminante ne s’applique en l’espèce, compte tenu de la simple participation majoritaire de la requérante dans le capital social de Slovak Telekom.
1) Observations liminaires
406 À titre liminaire, il convient de rejeter l’argumentation de la requérante selon laquelle la partie de la décision attaquée examinée dans le cadre de la troisième branche du présent moyen méconnaîtrait le fait qu’aucune présomption d’influence déterminante ne s’applique en l’espèce, dès lors que la Commission y a constaté à plusieurs reprises que la requérante n’avait pas apporté la preuve de son absence d’influence déterminante sur Slovak Telekom.
407 En effet, il découle du considérant 1388 de la décision attaquée que la requérante a avancé, au cours de la procédure administrative, une série d’exemples en vue de démontrer qu’elle ne donnait pas d’instructions à Slovak Telekom durant la période en cause et qu’elle n’exerçait sur celle-ci aucune influence déterminante. Or, d’une part et sans préjudice des autres griefs invoqués au titre de la présente branche, c’est de manière conforme à son devoir d’examen diligent et impartial de l’ensemble des liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques que la Commission a apprécié chacun de ces exemples, aux considérants 1393 à 1458 de la décision attaquée. D’autre part et plus généralement, il convient de rappeler que la conclusion de la Commission selon laquelle la requérante et Slovak Telekom formaient une même entreprise durant la période en cause ne repose nullement sur une présomption, mais sur un examen de l’ensemble de ces liens (voir points 246 et 247 ci-dessus).
408 Il convient d’examiner successivement les huit illustrations de comportement autonome de Slovak Telekom sur le marché alléguées par la requérante, en vue d’établir si, ainsi que le soutient cette dernière, la Commission aurait dû déduire de ceux-ci que ces deux entités ne formaient pas une même entreprise durant la période en cause.
2) Position de Slovak Telekom au sujet du projet « 4 en 1 »
409 La requérante soutient que la décision attaquée n’explique pas pourquoi la décision de Slovak Telekom de ne pas participer au projet « 4 en 1 » ne constituerait pas une preuve de l’indépendance de cette filiale. En effet, la requérante aurait souhaité, par ce projet, rassembler les services internationaux de télécommunication de l’ensemble de ses filiales en ESE. Or, en dépit des efforts de la requérante pour impliquer Slovak Telekom dans ce projet, cette filiale aurait refusé d’y participer. Il s’agirait là d’un exemple flagrant de comportement autonome.
410 À cet égard, il convient de relever que, selon le considérant 1393 de la décision attaquée, la requérante visait, par le projet « 4 en 1 », à intégrer les activités « voix internationales » de toutes ses filiales en Europe méridionale et orientale dans un seul réseau et dans une seule structure de vente de gros. Toutefois, ainsi que cela est exposé au considérant 1394 de la décision attaquée, Slovak Telekom a décidé de ne pas participer à ce projet.
411 En l’espèce, la requérante ne conteste pas la constatation figurant au considérant 1395 de la décision attaquée, selon laquelle Slovak Telekom avait justifié auprès d’elle son intention de ne pas participer au projet « 4 en 1 » par ses spécificités au sein du groupe Deutsche Telekom, en particulier la circonstance que ses activités internationales, fondées sur le NGN, étaient florissantes et que ledit projet entraînerait pour elle des pertes de revenus et de rentabilité, notamment en Ukraine. Il ressort certes du même considérant que, d’une part, Slovak Telekom est restée sur cette position alors même qu’elle avait été abordée à deux reprises par la requérante et que, d’autre part, l’État slovaque lui-même avait exprimé sa préoccupation quant au fait que le projet « 4 en 1 » aurait pour effet de réduire les revenus de Slovak Telekom.
412 Toutefois, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a conclu en substance, aux considérants 1395 et 1396 de la décision attaquée, que cette opposition et la circonstance que la requérante n’ait pas insisté pour que Slovak Telekom participe audit projet n’établissaient pas l’autonomie de cette dernière sur le marché. En effet, devant le Tribunal, la Commission a produit un extrait d’une présentation interne de la requérante du 23 janvier 2008, citée dans la note en bas de page no 2063 de la décision attaquée, dont il ressort que la requérante a envisagé soit d’imposer à Slovak Telekom une participation au projet « 4 en 1 », par le biais de ses représentants au sein des organes décisionnels de cette filiale, soit de renforcer son contrôle sur cette dernière. Cet extrait tend ainsi à corroborer la conclusion de la Commission selon laquelle le choix de la requérante de ne pas insister sur une participation de Slovak Telekom au projet « 4 en 1 » était motivé par les arguments de cette filiale tirés de certaines de ses spécificités, et non par l’impossibilité pour la requérante d’imposer une telle participation à cette filiale en raison de la prétendue autonomie de celle-ci.
413 Le premier grief de la troisième branche du présent moyen doit donc être rejeté.
3) Introduction par Slovak Telekom du DSL nu en 2005
414 Par son deuxième grief, la requérante fait valoir que c’est à tort que la Commission n’a pas retenu comme exemple d’indépendance de Slovak Telekom la décision de cette dernière, datant de 2005, d’introduire volontairement une offre DSL sans ligne téléphonique fixe (ci-après le « DSL nu »). Slovak Telekom aurait développé ce produit sans aucun soutien ni aucune instruction de la requérante, cette dernière estimant au contraire qu’une telle offre présentait un risque économique considérable. La Commission n’aurait, au demeurant, pas même établi que la requérante avait été informée en amont du projet de Slovak Telekom d’introduire une telle offre, soit par le biais d’une implication des cadres dirigeants ou des services de la requérante, soit indirectement par le biais des réunions internationales de direction. Enfin, cet exemple de comportement autonome ne saurait être remis en cause par la circonstance que la requérante et Slovak Telekom ont discuté ultérieurement de la question de l’introduction du DSL nu, Slovak Telekom ayant lancé seule ce projet.
415 À cet égard, premièrement, il y a tout d’abord lieu de relever que la requérante a, ainsi qu’il ressort du considérant 1400 de la décision attaquée, déclaré dans sa réponse à la communication des griefs que, si Slovak Telekom avait toujours été autorisée à prendre des décisions sur le déploiement et le développement de nouveaux produits sans devoir solliciter son approbation, Slovak Telekom avait néanmoins décidé d’agir « sous le radar » en ce qui concerne l’introduction du DSL nu, et ce afin d’éviter des « discussions superflues » avec elle.
416 En outre, la requérante ne remet pas en cause le constat, opéré par la Commission aux considérants 1401 et 1402 de la décision attaquée, selon lequel deux de ses cadres dirigeants ainsi que des départements autres que son département réglementaire avaient été informés plusieurs mois à l’avance par Slovak Telekom du projet de cette dernière d’introduire le DSL nu, mais n’avaient formulé aucune objection à cet égard.
417 Par ailleurs, la requérante n’apporte aucun élément de nature à remettre en cause le constat, opéré aux considérants 1402 à 1404 de la décision attaquée, selon lequel ce projet a fait l’objet d’une demande d’information à Slovak Telekom de la part du département des affaires réglementaires de la requérante, après que cette dernière a été informée dudit projet. Selon le considérant 1404 de la décision attaquée, cette demande d’information a conduit M. C. S., un employé de Slovak Telekom, non seulement à répondre à la requérante, mais aussi à adresser immédiatement un courrier électronique à M. H. M., un employé de la requérante prêté à cette filiale, dans lequel il a informé ce dernier que la requérante « réalis[ait] soudainement » ce que faisait Slovak Telekom « dans la vente de gros » et a indiqué, en substance, que cela pouvait leur causer des problèmes. La requérante ne saurait être suivie, s’agissant de ce dernier point, lorsqu’elle soutient que ces indications ne se rapportaient pas nécessairement au DSL nu, l’objet de la demande d’information initiale du département des affaires réglementaires de la requérante ayant précisément porté sur ce point.
418 Or, les éléments examinés aux points 415 à 417 ci-dessus suffisent à établir que, ainsi que la Commission l’a constaté en substance au considérant 1406 de la décision attaquée, Slovak Telekom craignait la réaction de la requérante à son projet d’introduction du DSL nu, ce qui n’apparaît pas conciliable avec une pleine autonomie commerciale de cette filiale sur le marché.
419 Deuxièmement, il est certes exact que Slovak Telekom a pu introduire une offre de DSL nu en dépit des réserves de la requérante à cet égard. Toutefois, d’une part, il convient de souligner que l’existence d’une certaine autonomie de la filiale, notamment dans la gestion de la politique commerciale stricto sensu, n’est pas incompatible avec l’appartenance de cette filiale à la même unité économique que sa société mère (arrêt du 13 décembre 2013, HSE/Commission, T‑399/09, non publié, EU:T:2013:647, point 80). D’autre part, il y a lieu de rappeler le constat, opéré par la Commission au considérant 1408 de la décision attaquée et qui n’est pas contesté dans le cadre du présent recours, selon lequel la position de la requérante à ce sujet n’était pas aussi rigide que ce qu’avait prétendu cette dernière au cours de la procédure administrative. En effet, il ressort dudit considérant que le département des affaires réglementaires de la requérante avait indiqué, dans un courrier électronique adressé à Slovak Telekom le 23 novembre 2005, que le « DSL en version nue [était] considéré comme une solide menace », mais que la requérante comprenait qu’il « puisse y avoir des raisons en Slovaquie justifiant une approche divergente ».
420 Dans ces circonstances, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a conclu en substance, au considérant 1411 de la décision attaquée, que la décision de Slovak Telekom de proposer une offre de DSL nu n’était pas de nature à établir que cette filiale déterminait de manière autonome son comportement sur le marché et à remettre en cause le faisceau d’indices, identifié par la Commission dans la décision attaquée, selon lequel ces deux entités formaient une même unité économique. Il n’est par conséquent pas nécessaire de se prononcer sur l’argument par lequel la requérante conteste l’existence d’un lien entre l’introduction du DSL nu et celle des réunions internationales de direction, examiné aux considérants 1412 et 1413 de la décision attaquée.
421 Le deuxième grief de la troisième branche du présent moyen doit donc être rejeté.
4) Intention de Slovak Telekom de développer un réseau de nouvelle génération
422 Par son troisième grief, la requérante reproche à la Commission de n’avoir pas retenu, en tant qu’exemple de l’indépendance de Slovak Telekom, la décision de cette filiale de développer un NGN lorsqu’elle a planifié la numérisation de son réseau fixe. La requérante aurait en effet présenté une interview de M. H. M., ancien directeur de l’exploitation chez Slovak Telekom, datant de 2006, ainsi qu’une déclaration de celui-ci, attestant que cette décision avait été prise contre son avis. Cela serait également confirmé par une déclaration de M. M. M., directeur général de Slovak Telekom, dans laquelle celui-ci a indiqué que le directeur technique de la requérante lui avait rendu visite au printemps 2003 afin de le convaincre, sans succès, de reporter la décision de cette filiale sur le NGN. Les procès-verbaux de réunions internationales de direction de 2006 à 2009 invoqués par la Commission pour démontrer la participation en amont de la requérante à l’introduction du NGN seraient dépourvus de pertinence, dès lors que la mutation technologique était déjà terminée à cette époque. Une participation de la requérante en amont aurait d’ailleurs été dépourvue de sens, car elle ne possédait à cette époque aucun savoir-faire en matière de NGN susceptible d’être utile à Slovak Telekom.
423 À cet égard, les déclarations mentionnées au point 422 ci-dessus tendent certes à étayer l’argument de la requérante selon lequel elle n’était initialement pas favorable à l’introduction du NGN par Slovak Telekom, en raison du risque financier que représentait cet investissement et des incertitudes quant aux bénéfices susceptibles d’en découler.
424 Toutefois, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a conclu, au considérant 1422 de la décision attaquée, que l’introduction du NGN par Slovak Telekom ne constituait pas un indice en ce sens que cette filiale déterminait sa position sur le marché de manière indépendante. En effet, il y a tout d’abord lieu de relever que, dans sa déclaration citée au point 422 ci-dessus, M. M. M. a indiqué avoir été informé que la requérante réservait initialement sa position au sujet de l’introduction du NGN dans l’attente des résultats de ses propres tests à ce sujet et que c’est dans ce contexte que Slovak Telekom a décidé d’opter pour ce réseau. Par ailleurs, dans sa déclaration préparée dans le cadre de la procédure administrative, M. H. M. a précisé que la requérante n’avait dans un premier temps « manifesté aucun intérêt pour suivre de plus près le projet d’introduction du NGN ou même pour le diriger, les réticences étant manifestement trop importantes », la position de la requérante ayant évolué à partir du moment où le projet avait été réalisé avec succès.
425 Ces éléments tendent ainsi à indiquer que, en dépit de ses réticences initiales quant au NGN, la requérante a choisi de ne pas faire obstacle à cette introduction par Slovak Telekom en 2003. Or, si une telle circonstance illustre certes la marge de manœuvre que pouvait parfois laisser la requérante à cette filiale sur certains aspects de sa politique commerciale, elle n’est nullement de nature à établir que ladite filiale déterminait pour l’essentiel sa politique commerciale de manière autonome. Il convient de rappeler sur ce point que l’existence d’une certaine autonomie de la filiale, notamment dans la gestion de la politique commerciale stricto sensu, n’est pas incompatible avec l’appartenance de cette filiale à la même unité économique que sa société mère (voir point 419 ci-dessus).
426 Il en va d’autant plus ainsi en l’espèce que la requérante n’a avancé aucun élément de nature à remettre en cause le constat, opéré au considérant 1420 de la décision attaquée, selon lequel plusieurs procès-verbaux de réunions internationales de direction qui se sont tenues en 2007 témoignent de l’implication étroite de la requérante au stade de la mise en œuvre du NGN en Slovaquie. En particulier, le libellé même des extraits de ces procès-verbaux cités audit considérant dément l’affirmation de la requérante selon laquelle, en substance, la mutation du réseau vers le NGN était déjà entièrement réalisée à ce moment.
427 Le troisième grief de la troisième branche du présent moyen doit donc être rejeté.
5) Décision de Slovak Telekom de développer une offre de télévision par satellite (DVB-S)
428 Par son quatrième grief, la requérante fait valoir que, contrairement à ce qui est exposé aux considérants 1423 à 1426 de la décision attaquée, la décision de Slovak Telekom d’introduire la télévision par satellite (DVB-S) illustrerait également le développement par cette société de stratégies et de produits de manière indépendante. C’est en méconnaissance de la charge de la preuve pesant sur elle que la Commission aurait relevé, à cet égard, que la requérante n’avait pas démontré s’être opposée à ce projet ou à tout le moins n’avoir pas été impliquée dans celui-ci. De même, contrairement à ce que soutient la Commission, la seule circonstance que Slovak Telekom a décidé d’introduire la télévision par satellite en raison des conditions particulières du marché slovaque n’indiquerait nullement que cette décision n’a pas été prise de manière indépendante. Il en va de même de la circonstance que la requérante a pu demander à être tenue informée du projet d’introduction de la télévision par satellite, compte tenu des répercussions éventuelles de celui-ci sur les résultats du groupe, et a fourni des services de conseil à Slovak Telekom en échange d’une rémunération habituelle sur le marché. En outre, la Commission déduirait à tort de procès-verbaux de réunions internationales de direction que la requérante a été impliquée à un stade précoce dans ce projet et a donné une instruction à Slovak Telekom. Ces réunions auraient eu pour seul objet d’améliorer la lisibilité des indicateurs financiers de Slovak Telekom et d’échanger des informations et des bonnes pratiques. Ces procès-verbaux indiqueraient d’ailleurs que Slovak Telekom s’est limitée à fournir des informations superficielles à la requérante concernant ce projet. La Commission n’aurait, au demeurant, pas justifié en quoi les réflexions émises lors de la réunion internationale de direction d’avril 2008 quant à un projet de collaboration avec Magyar Telekom et T-Systems auraient limité l’indépendance de Slovak Telekom s’agissant de l’introduction de la télévision par satellite. Contrairement à ce qu’affirme la Commission, il ne ressortirait nullement de la pièce du dossier dans laquelle est évoquée cette collaboration que cette dernière devait impliquer la requérante.
429 À cet égard, il y a lieu de souligner que la requérante ne saurait être suivie lorsqu’elle soutient qu’il ressortirait uniquement des procès-verbaux de réunions internationales de direction datant de 2008 et de 2009, cités au considérant 1424 de la décision attaquée, qu’elle a fourni à Slovak Telekom des informations superficielles au sujet de ce projet. Ces procès-verbaux établissent au contraire l’implication étroite de la requérante dans l’introduction par Slovak Telekom de la télévision par satellite. Premièrement, c’est sans commettre d’erreur que la Commission, audit considérant, a déduit du procès-verbal de la réunion internationale de direction du 3 avril 2008 qu’une coopération étroite était envisagée au sein du groupe Deutsche Telekom à ce sujet. Deuxièmement, il ressort du procès-verbal actualisé de ladite réunion, également cité à ce considérant, que la requérante a manifesté son intention d’être tenue informée de ce projet et indiqué qu’il convenait que son département « International Controlling T-Home » soit impliqué dans celui-ci. De surcroît, ce procès-verbal indique sans ambiguïté que Slovak Telekom devait faire rapport à la requérante à ce sujet en 2009, en fonction de l’état d’avancement du projet. Enfin, troisièmement, il ressort du procès-verbal de la réunion internationale de direction du 29 janvier 2009 que, à cette date, la requérante a chargé un employé de Slovak Telekom de lui faire un rapport sur les aspects commerciaux de ce projet ainsi que sur son état d’avancement, c’est-à-dire à un moment où ce projet n’avait pas encore été présenté pour approbation au conseil exécutif de direction de cette filiale.
430 À supposer même que ces réunions établiraient uniquement que la requérante souhaitait être informée afin d’apprécier les éventuelles répercussions sur les résultats du groupe Deutsche Telekom et d’établir des notes préparatoires appropriées pour ses représentants au sein du conseil d’administration de Slovak Telekom, cela ne suffirait nullement à établir, eu égard notamment à la jurisprudence rappelée au point 419 ci-dessus, que l’introduction par cette filiale de la télévision par satellite constituait un indice de son autonomie sur le marché. Au contraire, conformément à ce qui a été exposé au point 255 ci-dessus, une telle implication de la requérante dans la planification et le financement d’un tel projet relève de la gestion décentralisée typique des entreprises de grande taille et constitue dès lors elle-même, ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre au considérant 1426 de la décision attaquée, un indice que la requérante et Slovak Telekom formaient bien une seule entreprise durant la période en cause.
431 Le quatrième grief de la troisième branche du présent moyen doit donc être rejeté.
6) Développement par Slovak Telekom d’une stratégie de marque propre
432 Par son cinquième grief, la requérante soutient que Slovak Telekom a développé sa propre stratégie en matière de marque. Cette autonomie se serait traduite par le fait qu’elle n’a repris des marques de la requérante que lorsque cela lui a semblé judicieux et qu’elle a décidé dans les autres cas de maintenir ses propres marques ou de reprendre des marques de tiers. Contrairement à ce qui est soutenu dans la décision attaquée, le passage du procès-verbal de la réunion internationale de direction du 3 avril 2008 dans lequel est évoquée l’utilisation de la marque TSI par Slovak Telekom sur le marché national ne permettrait pas de déduire que celle-ci était tenue de se concerter avec la requérante en matière de redéfinition de sa politique de marque. Au contraire, il ressortirait du dossier que M. H.-C. S., responsable de la politique de marque (brand management) de la requérante, avait rompu toute discussion avec Slovak Telekom à ce sujet et n’avait pas réagi aux sollicitations de cette dernière. Il serait en outre sans importance, à cet égard, que tant Slovak Telekom que TSI sont des filiales de la requérante. Plus généralement, la seule circonstance que des discussions ayant trait à l’usage des marques aient pu avoir lieu au cours de réunions internationales de direction n’établirait pas l’exercice d’une quelconque influence par la requérante sur Slovak Telekom, ces réunions ayant eu pour seul objet d’améliorer la compréhension des indicateurs financiers de cette filiale et l’échange de savoir-faire et de bonnes pratiques.
433 À cet égard, s’agissant des erreurs prétendument commises par la Commission dans l’analyse de la stratégie de marque de Slovak Telekom, examinée aux considérants 1427 à 1437 de la décision attaquée, il convient de rappeler que le fait que deux sociétés se présentent vers l’extérieur comme faisant partie du même groupe constitue un élément pertinent qui, sans être à lui seul suffisant, peut être pris en considération parmi d’autres pour justifier la conclusion selon laquelle elles font partie de la même unité économique (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2013, HSE/Commission, T‑399/09, non publié, EU:T:2013:647, point 36). En effet, contrairement à ce que soutient en substance la requérante, la manifestation d’une telle unité à l’égard de tiers reflète en principe la nature des liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces sociétés.
434 En l’espèce, la requérante ne conteste pas le constat, figurant au considérant 1429 de la décision attaquée, selon lequel Slovak Telekom a graduellement modifié sa politique de marque à compter de 2003 et s’est ainsi associée à l’image de marque du groupe Deutsche Telekom. Ainsi, elle admet elle-même avoir repris des marques de la requérante lorsque cela lui semblait opportun. La requérante soutient toutefois, en substance, qu’elle l’a fait sur une base strictement volontaire et que son appartenance audit groupe ne l’a pas empêchée de décider par ailleurs de maintenir ses propres marques ou de reprendre des marques de tiers. Selon elle, cela constitue un indice que ces deux entités ne faisaient pas partie de la même unité économique durant la période en cause.
435 Cette argumentation doit toutefois être écartée.
436 Il y a lieu, à titre liminaire, de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la décision de Slovak Telekom de ne pas suivre le changement de désignation du portefeuille de produits de « T‑Com » en « T‑Home » ou encore de ne pas rebaptiser ses propres marques telles que Magio ou Zoznam en Entertain ou T‑Online illustrerait l’autonomie de cette filiale sur le marché. En effet, la requérante n’avance aucun élément de nature à remettre en cause les constatations figurant aux considérants 1434 et 1435 de la décision attaquée, selon lesquelles il ressort des procès-verbaux cités auxdits considérants que Slovak Telekom a dans chaque cas justifié son choix auprès de la requérante, sans que celle-ci ne s’y oppose. Or, ainsi que cela a été rappelé au point 419 ci-dessus, un certain degré d’autonomie d’une filiale dans la gestion de sa politique commerciale stricto sensu n’est pas incompatible avec l’appartenance de celle-ci à la même unité économique que sa société mère.
437 Pour cette même raison, la requérante ne saurait être suivie lorsqu’elle soutient que son autonomie sur le marché serait attestée par la circonstance qu’elle est parvenue à un accord avec une entreprise tierce pour l’utilisation de la marque de cette dernière sur le marché national, ainsi qu’il ressortirait du procès-verbal de la réunion internationale de direction du 3 avril 2008.
438 En ce qui concerne la circonstance, déjà invoquée dans le cadre de la deuxième branche du troisième moyen, qu’il ressortirait de ce même procès-verbal qu’aucun accord n’avait été trouvé entre Slovak Telekom et la requérante au sujet d’une nouvelle politique de marque pour cette filiale, il convient de rappeler la conclusion, figurant au point 366 ci-dessus, selon laquelle le seul fait que M. H.-C. S. n’a pas réagi aux sollicitations de Slovak Telekom sur ce point ne remet pas en cause la pertinence de l’indice de l’influence exercée par la requérante sur la politique commerciale de celle-ci que constituait la sollicitation adressée par M. M. G. à M. M. M. à l’occasion de la réunion internationale de direction du 3 avril 2008.
439 Plus généralement, la seule circonstance que M. H.-C. S. ait pu s’abstenir d’adresser des instructions à Slovak Telekom en ce qui concerne la nouvelle politique de marque de cette dernière, à la suite de ladite réunion, ne remet nullement en cause le constat selon lequel Slovak Telekom a graduellement redéfini son identité commerciale en vue de rapprocher celle-ci du groupe Deutsche Telekom. Or, conformément à la jurisprudence rappelée au point 433 ci-dessus, la Commission pouvait sans commettre d’erreur déduire d’un tel constat un indice de l’unité économique entre la requérante et Slovak Telekom durant la période en cause.
440 Le cinquième grief de la troisième branche du présent moyen doit donc être rejeté.
7) Rôle de Slovak Telekom en ce qui concerne un projet dans les pays du Golfe
441 Par son sixième grief, la requérante soutient que la Commission aurait également dû tenir compte de la circonstance que Slovak Telekom avait accepté de fournir des services de conseil à un opérateur de télécommunications des pays du Golfe en dépit de ses objections. L’appréciation de cette circonstance opérée dans la décision attaquée serait entachée d’erreurs manifestes et méconnaîtrait l’obligation de motivation qui pèse sur la Commission. Plusieurs éléments du dossier indiqueraient en effet que Slovak Telekom avait volontairement et en toute discrétion poursuivi le projet jusqu’à la conclusion du contrat, et ce en dépit du scepticisme de la requérante. La participation de collaborateurs de la requérante prêtés à Slovak Telekom à la planification de ce projet ne ferait que confirmer que ces collaborateurs agissaient en toute indépendance, sans informer la requérante des activités commerciales de cette filiale. En outre, la déclaration de M. H. M. confirmerait que le conseil d’administration de Slovak Telekom n’avait pas été préalablement informé du projet en vue d’éviter que la requérante soit informée par le biais de ses représentants au sein dudit conseil. La requérante rappelle encore son argument selon lequel la mention, dans le procès-verbal de la réunion internationale de direction du 28 septembre 2006, d’une approbation de la poursuite du projet faisait référence à l’approbation du projet en interne chez l’opérateur des pays du Golfe, client de Slovak Telekom. Par ailleurs, le fait que la requérante ait pu avoir connaissance du projet à un stade ultérieur, qu’elle ne soit pas intervenue à ce moment et qu’elle ait demandé à rester informée ne serait pas de nature à remettre en cause l’indépendance de Slovak Telekom.
442 À cet égard, il convient de relever que, selon le considérant 1438 de la décision attaquée, Slovak Telekom a décidé en 2005 de partager son expérience acquise dans le domaine des NGN sur la base d’un accord de consultance avec un groupe d’investisseurs qui avaient l’intention d’établir une nouvelle entreprise de télécommunications dans les pays du Golfe. Il ressort également de ce même considérant que cet accord a été conclu en septembre 2005, sans intervention du conseil d’administration de Slovak Telekom, et qu’il prévoyait un soutien au développement initial et à l’exploitation de NGN dans plusieurs points de présence au Koweït, à Bahreïn, au Qatar, à Oman, en Arabie saoudite et dans les Émirats arabes unis ainsi que le développement d’une opération internationale pour l’entreprise de télécommunications nouvellement créée.
443 La requérante soutient que la décision de conclure cet accord a été prise en dépit de son opposition et que cette décision constituerait ainsi un indice supplémentaire que Slovak Telekom et elle-même ne formaient pas une unité économique durant la période en cause.
444 À cet égard, il y a lieu de rappeler le constat opéré au point 364 ci-dessus, selon lequel l’extrait du procès-verbal relatif à la réunion internationale de direction du 28 septembre 2006, mentionné au considérant 1441 de la décision attaquée, ne permet pas de conclure que l’« approbation de la continuation du projet » dans les pays du Golfe qu’il contient émanait de la requérante. Au contraire, la lecture alternative de cet extrait par la requérante, selon laquelle cette approbation aurait émané de l’opérateur des pays du Golfe concerné, tend à être corroborée par le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration de Slovak Telekom qui s’est tenue le 5 septembre 2006, soit quelques semaines seulement avant la réunion internationale de direction du 28 septembre 2006, et dont il ressort notamment que le partenaire de Slovak Telekom dans les pays du Golfe avait « approuvé la poursuite » du projet en cause.
445 Il ressort néanmoins de la déclaration de M. H. M. du 31 août 2012, sur laquelle se fonde la requérante dans cette partie de son argumentation, que la décision prise par Slovak Telekom de conclure l’accord visé au point 442 ci-dessus ne constitue pas un indice en ce sens que cette filiale déterminait pour l’essentiel de manière autonome sa position sur le marché.
446 En effet, M. H. M. a certes exposé dans cette déclaration que lui-même et les membres du conseil exécutif de direction de Slovak Telekom étaient conscients qu’un tel accord de consultance relevait typiquement des activités d’une autre filiale de la requérante. Il indique toutefois également que c’est précisément en vue d’éviter l’opposition des représentants de la requérante au sein du conseil d’administration de Slovak Telekom qu’il a convaincu les autres membres du conseil exécutif de direction de traiter le projet dans les pays du Golfe « sous le radar » en approuvant la conclusion de l’accord de consultance sans soumettre celui-ci audit conseil d’administration. Il ressort également de ce passage de la déclaration de M. H. M. que cette décision s’écartait de la procédure décisionnelle qui devait en principe être suivie au sein de Slovak Telekom pour un tel projet international. Or, un tel contournement isolé des procédures décisionnelles par le conseil exécutif de direction de Slovak Telekom, destiné à éviter que la requérante fasse obstacle au projet dans les pays du Golfe, ne constitue aucunement un indice de l’autonomie de cette filiale sur le marché, mais tend au contraire à corroborer le constat de la Commission selon lequel la position de celle-ci sur le marché était, pour l’essentiel, déterminée par la requérante.
447 Au demeurant, aucun élément du dossier porté devant le Tribunal ne permet d’établir que Slovak Telekom aurait poursuivi la mise en œuvre du projet dans les pays du Golfe, à la suite de la conclusion de l’accord en septembre 2005, en dépit d’une opposition de la requérante.
448 Enfin, l’examen du sixième grief démontre que la requérante a été en mesure de comprendre que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que le rôle de Slovak Telekom en ce qui concernait le projet dans les pays du Golfe ne pouvait pas être considéré comme un exemple de comportement autonome de cette dernière. Il s’ensuit que la motivation de la décision attaquée à cet égard était suffisante, d’une part, pour permettre à la requérante de contester le bien-fondé de l’appréciation portée par la Commission, ce qu’elle a d’ailleurs fait et, d’autre part, pour permettre au Tribunal de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle.
449 Le sixième grief de la troisième branche du présent moyen doit donc être rejeté.
8) Décision de Slovak Telekom de mettre en œuvre le projet POP-Ukraine
450 Par son septième grief, la requérante reproche à la Commission d’avoir, aux considérants 1443 à 1445 de la décision attaquée, dénié toute force probante à la décision indépendante de Slovak Telekom, prise initialement sans intervention du conseil d’administration de cette dernière, d’étendre ses activités en dehors du territoire de la Slovaquie et d’installer un point de présence à Kiev (Ukraine) (ci-après le « projet POP-Ukraine »). La Commission ne saurait être suivie lorsqu’elle soutient que la déclaration de M. H. M. en ce sens ne peut être prise en compte en raison d’un manque d’objectivité. La requérante sollicite du Tribunal, le cas échéant, qu’il ordonne la comparution de M. H. M. comme témoin afin que celui-ci puisse s’exprimer sur la question de savoir si elle nourrissait bien des doutes, en 2005, concernant le projet d’extension d’activités précité et puisse également confirmer que, lors d’un entretien commun organisé par la requérante avec Slovak Telekom et Magyar Telekom, Slovak Telekom avait fait part de son intérêt clair à exécuter elle-même des opérations bilatérales depuis l’Ukraine. La requérante souligne encore que, bien que le projet POP-Ukraine allât à l’encontre de ses intérêts dès lors qu’une autre de ses filiales (Magyar Telekom) avait déjà un point de présence en Ukraine et que la décision de Slovak Telekom impliquait un double investissement, elle n’a pas ordonné à cette dernière d’abandonner ce projet, mais a seulement tenté d’arbitrer le différend né à ce sujet entre Slovak Telekom et Magyar Telekom.
451 À cet égard, il convient certes de relever que la déclaration de M. H. M. du 31 août 2012 tend à établir que le conseil exécutif de direction de Slovak Telekom a décidé, en juillet 2005, d’installer un point de présence en Ukraine et que cette décision initiale a été prise sans intervention du conseil d’administration. Il résulte également de cette déclaration que les membres du conseil exécutif de direction de Slovak Telekom étaient conscients qu’un tel projet susciterait un sentiment de scepticisme de la part de la requérante, dès lors qu’il impliquerait la présence simultanée en Ukraine de cette filiale ainsi que d’une autre filiale de la requérante, Magyar Telekom.
452 Toutefois, M. H. M. a également déclaré que la requérante n’avait été informée de la décision du conseil exécutif de direction qu’après l’adoption de celle-ci, par le biais d’une réunion du conseil d’administration de Slovak Telekom qui s’était tenue en septembre 2005. Par ailleurs, il résulte de cette déclaration que la requérante a organisé une réunion commune avec Slovak Telekom et Magyar Telekom, afin de délimiter les tâches de chacune de ces filiales en Ukraine. Si Slovak Telekom a persisté dans son intention d’établir un point de présence en Ukraine à cette occasion, il ressort également de la déclaration de M. H. M. que ces filiales se sont entendues pour coordonner leurs activités afin d’éviter d’éventuelles confusions auprès de la clientèle.
453 Ainsi, si ces éléments tendent certes à confirmer que Slovak Telekom disposait d’une certaine autonomie dans la définition de sa politique commerciale, ils témoignent également, ainsi que le soutient à juste titre la Commission, de l’implication étroite de la requérante dans le projet POP‑Ukraine. En outre, la circonstance, soulignée par la requérante, que cette dernière a opté pour l’organisation d’un arbitrage entre Slovak Telekom et Magyar Telekom plutôt que pour une instruction adressée à Slovak Telekom d’abandonner ledit projet n’est en aucun cas décisive dès lors que l’absence d’instructions directes données par une société mère à sa filiale ne signifie aucunement que ces deux entités juridiques relèvent d’entreprises distinctes (voir point 267 ci-dessus et jurisprudence citée).
454 Il s’ensuit que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a pu considérer que la décision de Slovak Telekom d’installer un point de présence en Ukraine ne constituait pas un indice en ce sens que Slovak Telekom déterminait sa position sur le marché de manière indépendante de la requérante. La déclaration de M. H. M. du 31 août 2012 étant par ailleurs claire et précise quant au déroulement des faits sur ce point, il n’y a pas lieu d’ordonner la comparution de celui-ci comme témoin, ainsi que le demande la requérante.
455 Le septième grief de la troisième branche du présent moyen doit donc être rejeté.
9) Décision de Slovak Telekom de ne pas confier la gestion de sa flotte de véhicules à DeTeFleetServices GmbH et de ne pas acquérir certaines prestations de services auprès d’une branche de la requérante
456 Par son huitième grief, la requérante soutient que c’est à tort que la Commission n’a reconnu qu’une valeur probante limitée à deux décisions de Slovak Telekom, prises en toute indépendance, par lesquelles celle-ci a estimé qu’il n’y avait pas lieu, d’une part, d’externaliser son département pour la gestion de la flotte de véhicules auprès de DeTeFleetServices GmbH, une autre filiale de la requérante et, d’autre part, de bénéficier de certaines prestations de services externes, telles que le service de transit IP (Internet Protocol) proposé par le département « International Carrier Sales and Solutions » (ICSS) de la requérante.
457 À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que, selon le considérant 1446 de la décision attaquée, Slovak Telekom a envisagé à un moment donné de confier à un tiers la gestion de sa flotte de véhicules et a lancé à cet effet un appel d’offres. Il est par ailleurs constant que DeTeFleetServices, une autre filiale de la requérante, a soumis une offre en vue de l’obtention de ce marché, que Slovak Telekom a, par une décision prise par son conseil d’administration le 7 décembre 2005, demandé à DeTeFleetServices de soumettre une offre révisée pour le 15 janvier 2006 et que, dès lors qu’une telle offre révisée n’a pas été présentée, Slovak Telekom a décidé de poursuivre la gestion de sa flotte en interne.
458 En second lieu, il convient de rappeler que, selon le considérant 1451 de la décision attaquée, la requérante a déclaré que des opérateurs tels que Slovak Telekom achetaient des services de transit IP auprès des opérateurs historiques d’un réseau principal à l’étranger afin de garantir la connectivité de l’internet au-delà des frontières nationales. Toutefois, ainsi qu’il résulte du considérant 1452 de la décision attaquée, la requérante a déclaré que Slovak Telekom ne s’était pas approvisionnée en services de transit IP auprès de sa branche ICSS, que ce soit de manière complète ou à grande échelle. La requérante a également soutenu, en substance, que cette décision allait à l’encontre de son intention de voir les services de transit dans tous les réseaux IP au sein du groupe Deutsche Telekom placés sous l’égide de l’ICSS afin de réaliser des économies d’échelle.
459 Contrairement à ce que soutient la requérante, ces éléments ne constituent pas un indice que Slovak Telekom déterminait de manière autonome son comportement sur le marché. D’une part, il convient de rappeler que l’exercice par une société mère d’une influence déterminante sur la politique commerciale d’une filiale n’exige pas la démonstration d’une immixtion dans la gestion quotidienne des activités de ladite filiale, ni d’une influence sur sa politique commerciale stricto sensu (voir point 261 ci-dessus et jurisprudence citée). Or, les décisions de Slovak Telekom mentionnées aux points 457 et 458 ci-dessus se rapportant à la gestion quotidienne de cette filiale, elles ne sont pas propres à remettre en cause le faisceau d’indices identifié par la Commission dans la décision attaquée, établissant que la stratégie générale et les orientations de l’entreprise étaient définies par la requérante.
460 D’autre part et en tout état de cause, ces décisions n’établissent nullement que Slovak Telekom a agi d’une façon contraire aux orientations définies par la requérante.
461 S’agissant de la décision de cette filiale de maintenir la gestion de sa flotte de véhicules en interne et, partant, de ne pas la confier à DeTeFleetServices, il suffit de constater que cette décision illustre une situation dans laquelle Slovak Telekom a recherché une solution optimale pour elle d’un point de vue commercial en faisant usage de la marge de manœuvre qui lui était laissée par la requérante. En revanche, la circonstance que cette décision a privé une autre filiale de la requérante, à savoir DeTeFleetServices, d’une transaction intéressante, soulignée par la requérante, ne signifie pas que cette décision a été adoptée en dépit d’une opposition de la requérante.
462 S’agissant de la circonstance que Slovak Telekom n’a pas fait appel aux services de transit IP proposés par la branche ICSS de la requérante, l’examen du dossier tend à indiquer que cette approche était certes motivée par la poursuite par cette filiale de ses propres intérêts commerciaux, mais également que ladite filiale n’envisageait toutefois pas d’agir d’une manière contraire à d’éventuelles instructions plus précises de la requérante au sujet de sa stratégie de connectivité IP. Ainsi, dans un courrier électronique adressé à la requérante le 23 février 2011, M. R. S., alors directeur opérationnel chargé du réseau et de l’informatique auprès de Slovak Telekom, a certes indiqué, en substance, que cette dernière n’était « pas réellement active » dès lors qu’elle ne percevait pas de bénéfices importants dans la concentration de la connectivité IP au sein du groupe Deutsche Telekom. Il ressort néanmoins de ce même courrier que M. R. S. a également indiqué à la requérante, en substance, que Slovak Telekom était à sa disposition pour de nouvelles discussions à ce sujet au cas où une position commune au niveau européen serait nécessaire.
463 Le huitième grief de la troisième branche du présent moyen doit donc être rejeté.
464 Eu égard à ce qui précède, il convient de conclure que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a considéré que les divers comportements et décisions de Slovak Telekom examinés aux points 409 à 462 ci-dessus ne fournissaient pas d’indices que cette filiale déterminait son comportement sur le marché de manière autonome et n’étaient, par conséquent, pas de nature à remettre en cause le faisceau d’indices par ailleurs identifié dans la décision attaquée en ce sens que ces deux entités formaient une même unité économique durant la période en cause. La troisième branche du moyen doit, dès lors, être rejetée comme non fondée.
d) Sur la quatrième branche, tirée de l’absence de démonstration du caractère essentiel d’une éventuelle influence exercée par la requérante sur Slovak Telekom
465 Par la quatrième branche de son troisième moyen, la requérante soutient, dans un premier grief, que la Commission a erronément conclu qu’elle avait exercé une influence déterminante sur Slovak Telekom, sans même avoir démontré le caractère essentiel d’un tel exercice sur les plans qualitatif et quantitatif. Les éléments avancés par la Commission ne permettraient pas d’établir, ainsi que l’exige la jurisprudence, que Slovak Telekom était privée de toute autonomie réelle dans la détermination de sa ligne d’action sur le marché dès lors qu’elle appliquait pour l’essentiel les instructions de la requérante. C’est à tort que la Commission tenterait de substituer à ce critère celui des liens organisationnels, économiques et juridiques existant entre une société mère et sa filiale. Au demeurant, c’est en vain que la Commission tenterait, au stade de la présente procédure, de démontrer le caractère essentiel d’une éventuelle influence déterminante. Les éléments avancés à cet égard par la Commission prouveraient seulement l’existence d’une possibilité d’un tel exercice, ou manqueraient en tout état de cause de caractère concret. À supposer même que de tels éléments puissent être considérés comme pertinents, un examen du caractère essentiel de l’influence déterminante requerrait une analyse plus précise, visant à établir le lien, pour chaque élément considéré, entre le degré d’influence exercé et l’importance du sujet.
466 Dans un second grief, la requérante allègue que la décision attaquée est entachée sur ce point d’un défaut de motivation. Nonobstant le rappel des principes applicables formulé par la requérante dans sa réponse à la communication des griefs, la décision attaquée n’exposerait pas en quoi les exemples d’influence déterminante retenus, à supposer qu’ils doivent être compris comme tels, étaient de nature à prouver le caractère essentiel de cette influence.
467 La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste chacun de ces griefs.
468 À cet égard, il ressort certes d’une jurisprudence constante, rappelée au point 227 ci-dessus, que la responsabilité du comportement d’une filiale peut être imputée à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités.
469 Toutefois, contrairement à ce que soutient en substance la requérante, cette jurisprudence n’implique pas qu’une telle imputation soit possible uniquement dans les hypothèses où, dans le cas d’une simple participation majoritaire de la société mère dans le capital social de la filiale, cette dernière serait privée de toute autonomie dans la détermination de sa ligne de conduite sur le marché.
470 En effet, la gestion décentralisée, typique d’entreprises de grande taille telles que celle formée durant la période en cause par la requérante et Slovak Telekom, implique nécessairement qu’une certaine autonomie soit accordée à la filiale dans la définition de sa position sur le marché. Or, comme cela a été rappelé au point 419 ci-dessus, l’existence d’une certaine autonomie de la filiale, notamment dans la gestion de la politique commerciale stricto sensu, n’est pas incompatible avec l’appartenance de cette filiale à la même unité économique que sa société mère. Ainsi, l’exercice par une société mère d’une influence déterminante sur la politique commerciale d’une filiale n’exige pas la démonstration d’une immixtion dans la gestion quotidienne des activités de ladite filiale, ni d’une influence sur sa politique commerciale stricto sensu, telle que sa stratégie de distribution ou de prix, mais plutôt sur la stratégie générale qui définit les orientations de l’entreprise (voir point 261 ci-dessus et jurisprudence citée).
471 En l’espèce, eu égard aux éléments figurant aux points 237 à 464 ci-dessus, il y a lieu de considérer que l’examen des liens économiques, organisationnels et juridiques unissant la requérante et Slovak Telekom permettait d’établir que la stratégie générale de cette dernière sur le marché était définie par la requérante. Partant, la Commission a conclu à juste titre que ces deux sociétés formaient une seule unité économique durant la période en cause, même si cette unité se caractérisait par une décentralisation de la gestion quotidienne des activités de Slovak Telekom.
472 En outre, compte tenu des explications claires et détaillées fournies à cet égard aux considérants 1186 à 1483 de la décision attaquée, il y a lieu de considérer que ladite décision contient un exposé circonstancié des motifs de nature à satisfaire à l’exigence rappelée au point 270 ci-dessus.
473 Il convient par conséquent de rejeter comme non fondés les deux griefs présentés au soutien de la quatrième branche du troisième moyen ainsi que ce moyen dans son ensemble.
4. Sur le quatrième moyen, pris d’une violation de la notion d’« entreprise » au sens du droit de l’Union et du principe d’individualisation des peines ainsi que d’un défaut de motivation
474 Par son quatrième moyen, la requérante soutient, dans une première branche, que la décision attaquée méconnaît la notion d’« entreprise » de même que le principe d’individualisation des peines, en ce qu’elle lui inflige au titre de la récidive et à des fins dissuasives une amende de 31 070 000 euros, distincte de l’amende infligée solidairement à Slovak Telekom et à elle-même et, dans une seconde branche, que la décision attaquée est entachée sur ce point d’un défaut de motivation.
475 Il convient d’examiner, premièrement, le défaut de motivation allégué et, deuxièmement, la violation alléguée de la notion d’« entreprise » et du principe d’individualisation des peines.
a) Sur le défaut de motivation allégué
476 Par la seconde branche du quatrième moyen, la requérante reproche à la Commission de n’avoir fourni dans la décision attaquée aucune raison pour laquelle elle devrait supporter seule les majorations au titre de la récidive et de l’effet dissuasif, et d’avoir ainsi méconnu son obligation de motivation. La Commission se serait en effet limitée à établir les motifs aggravants justifiant un ajustement du montant de base de l’amende et à décréter ensuite que les majorations de l’amende devaient être supportées par la seule requérante. La décision attaquée ne permettrait pas à la requérante de comprendre le motif justifiant une telle approche, et ce d’autant plus que sa responsabilité résulte en l’espèce uniquement de la circonstance qu’une infraction commise par sa filiale Slovak Telekom lui a été imputée. Quant aux considérants 1533 et 1535 de la décision attaquée cités par la Commission dans le cadre de la présente procédure, ils permettraient certes de conclure que le chiffre d’affaires de la requérante est plus élevé que celui de Slovak Telekom. Toutefois, ces passages de la décision attaquée ne permettraient pas de comprendre pourquoi Slovak Telekom devait échapper à l’amende spécifiquement infligée à la requérante.
477 La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste cette argumentation.
478 Selon une jurisprudence bien établie, l’obligation de motiver une décision individuelle a pour but de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de cette décision et de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si ladite décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité (voir, en ce sens, arrêts du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322/81, EU:C:1983:313, point 14, et du 29 février 2016, Schenker/Commission, T‑265/12, EU:T:2016:111, point 230).
479 En l’espèce, s’agissant de la partie de l’amende infligée à la seule requérante et reflétant l’augmentation pour cause de récidive du montant de l’amende infligée solidairement à la requérante et à Slovak Telekom, il ressort sans ambiguïté des considérants 1525 à 1531 de la décision attaquée que ladite augmentation a été justifiée par la circonstance que la requérante, dont la responsabilité dans l’infraction en cause en l’espèce a pu être établie, avait déjà été sanctionnée pour une infraction similaire dans la décision Deutsche Telekom. Or, si ce passage de la décision attaquée n’expose pas pourquoi la requérante seule devait être tenue de supporter les conséquences de cette récidive, à l’exclusion de Slovak Telekom, il résulte implicitement de ladite décision que ce résultat était dû à la circonstance que seule la requérante avait été tenue pour responsable de l’infraction en cause dans la décision Deutsche Telekom et avait à ce titre été destinataire de cette décision.
480 S’agissant de la partie de l’amende infligée à la seule requérante et reflétant l’application d’un coefficient multiplicateur de 1,2 à des fins dissuasives, la Commission a souligné au considérant 1533 de la décision attaquée, premièrement, que le chiffre d’affaires mondial de la requérante s’élevait en 2013 à 60,132 milliards d’euros, deuxièmement, que la valeur des ventes des produits pertinents pour l’infraction en cause représentait moins de 0,067 % de ce chiffre d’affaires et, troisièmement, que la requérante était responsable de l’infraction commise par Slovak Telekom. La Commission en a déduit, aux considérants 1534 et 1535 de la décision attaquée, que la requérante devait, au titre du point 30 des lignes directrices de 2006, se voir infliger une amende plus élevée que l’amende de base augmentée de 50 % pour cause de récidive, afin d’assurer à ladite amende un effet dissuasif suffisant. Bien que ce passage de la décision attaquée n’expose pas pourquoi le résultat de l’application du coefficient multiplicateur de 1,2 ne devait pas être supporté également par Slovak Telekom, il résulte implicitement du raisonnement suivi par la Commission que cette approche était motivée par la circonstance que cette filiale avait un chiffre d’affaires nettement moins élevé que celui de la requérante au moment où a été adoptée la décision attaquée, et que l’amende de 38 838 000 euros présentait ainsi, à l’égard de ladite filiale, un effet dissuasif suffisant.
481 Il s’ensuit que, quand bien même la motivation de la décision attaquée apparaît sommaire s’agissant de l’amende infligée individuellement à la requérante, elle lui a fourni une indication suffisante quant au bien-fondé de la décision attaquée sur ce point et lui a ainsi permis d’en contester utilement la validité. De même, cette motivation permet au Tribunal d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée s’agissant de l’amende infligée individuellement à la requérante.
482 La seconde branche du quatrième moyen, tirée d’un défaut de motivation, doit donc être rejetée.
b) Sur la violation de la notion d’« entreprise » au sens du droit de l’Union et du principe d’individualisation des peines
483 Par la première branche de son quatrième moyen, la requérante relève que l’amende spécifique qui lui a été infligée dans la décision attaquée résulte de deux circonstances dont la Commission a tenu compte dans ladite décision, à savoir, d’une part, la taille de l’entreprise dont elle fait partie, justifiant selon la Commission l’application d’un facteur de multiplication de l’amende de 1,2 et, d’autre part, la circonstance qu’elle avait déjà été tenue pour responsable d’une infraction similaire dans la décision Deutsche Telekom, justifiant une majoration du montant de base de l’amende de 50 %. Or, la requérante souligne que, dans la décision attaquée, la Commission retient sa responsabilité non pas en raison de sa participation directe aux faits constitutifs de l’infraction, mais en raison de ses liens avec Slovak Telekom. De surcroît, aux termes de la décision attaquée, la requérante et Slovak Telekom faisaient partie de la même entreprise non seulement durant l’ensemble de la période d’infraction, mais aussi à la date à laquelle a été adoptée la décision Deutsche Telekom, la prise de participation majoritaire de la requérante dans le capital de Slovak Telekom datant du 4 août 2000 et la structure de cette participation étant restée inchangée depuis lors.
484 Compte tenu de ces circonstances, la requérante soutient que c’est en méconnaissance de la notion d’« entreprise » en droit de l’Union et du principe d’individualisation des peines et des sanctions que la Commission lui a infligé une amende distincte. Ce principe exigerait, conformément à l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, que le montant de l’amende soit déterminé en fonction, d’une part, de la gravité de l’infraction individuellement reprochée à l’entreprise concernée et, d’autre part, de la durée de celle-ci. Ainsi, il résulterait de la jurisprudence de la Cour que la Commission peut infliger des amendes différentes uniquement à des entreprises différentes et non à différentes sociétés lorsque celles-ci font partie de la même entreprise. En effet, le principe d’individualisation des peines ne s’appliquerait pas à la relation interne entre différentes personnes morales composant une entreprise. Comme le confirmerait la pratique décisionnelle de la Commission, une amende distincte ne se justifierait que lorsque, du point de vue juridique, la composition de l’entreprise concernée a évolué durant la période pertinente et que, partant, des entreprises différentes peuvent être identifiées. Dès lors que tel n’a pas été le cas en l’espèce, la Commission ne pouvait infliger à la requérante une amende plus élevée que celle infligée à Slovak Telekom sans méconnaître le principe d’individualisation des peines et des sanctions. De plus, sous réserve d’évolutions dans la structure de l’entreprise responsable de l’infraction, le plafond de 10 % prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 devrait être calculé sur la base du chiffre d’affaires global de l’entreprise en question. S’agissant de la récidive, la requérante soutient que, dès lors qu’elle a elle-même commis l’infraction sanctionnée dans la décision Deutsche Telekom, il n’y a pas lieu de déterminer si Slovak Telekom faisait déjà partie de l’entreprise responsable de ladite infraction à l’époque à laquelle celle-ci a été commise. La seule considération pertinente à ce stade résiderait dans le fait que cette dernière entreprise a commis cette infraction et que la société du groupe qu’il convient de sanctionner désormais fait actuellement partie de cette même entreprise.
485 La requérante ajoute encore, en ce qui concerne le risque de récidive, qu’il pouvait en tout état de cause être considéré en l’espèce que Slovak Telekom non seulement faisait déjà partie de l’entreprise responsable de l’infraction sanctionnée dans la décision Deutsche Telekom, mais avait eu connaissance de cette infraction, compte tenu de la large publicité dont la décision sanctionnant celle-ci avait bénéficié. S’agissant de l’effet dissuasif, la requérante souligne en substance que, à suivre le raisonnement de la Commission, elle-même et Slovak Telekom font partie de la même entreprise et qu’il est, dès lors, erroné de tirer argument de leur taille différente aux fins du calcul du montant de l’amende.
486 Enfin, la requérante soutient, à titre subsidiaire, que la Commission ne dispose pas d’une marge d’appréciation telle qu’elle pourrait décider librement, sans raison objective, d’infliger une amende à une société d’un groupe et non à une autre société du même groupe. Or, en l’espèce, il serait inopportun de privilégier la société qui a commis les faits constitutifs de l’infraction et d’accorder un traitement moins favorable à sa société mère, dont la responsabilité n’est retenue qu’à titre purement dérivé.
487 La Commission s’oppose à ces arguments. Selon elle, la seule circonstance que la requérante possédait 51 % du capital social de Slovak Telekom à l’époque à laquelle l’infraction sanctionnée dans la décision Deutsche Telekom a été commise ne signifie pas que Slovak Telekom appartenait à l’entreprise ayant commis cette infraction. L’argumentation de la requérante procéderait, sur ce point, d’une prémisse erronée, dès lors que l’entreprise responsable de l’abus de position dominante en cause dans la décision Deutsche Telekom était uniquement composée de cette dernière société, et non de la requérante et de Slovak Telekom. Or, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission, lorsqu’elle sanctionne une infraction au droit de la concurrence, disposerait d’une large marge d’appréciation afin de tenir compte de la situation distincte de sociétés au sein d’un groupe. La Cour n’aurait à aucun moment sous-entendu qu’une telle marge de manœuvre serait limitée aux situations dans lesquelles la composition de l’entreprise en cause aurait évolué.
488 Cette conclusion ne serait pas incompatible avec le principe d’individualisation des peines et des sanctions, lequel impliquerait seulement que le montant de l’amende doit être déterminé en fonction de la gravité de l’infraction individuellement reprochée à l’entreprise concernée. Il s’ensuit que la sanction appliquée aux personnes morales qui composent l’entreprise qui a commis l’infraction ne pourrait dépasser ce qui se justifie au regard de celle-ci. En revanche, il ne découlerait pas du principe d’individualisation des peines et des sanctions que la Commission est tenue d’infliger la même amende à toutes les personnes morales qui composent l’entreprise en question.
489 En l’espèce, la Commission aurait fait usage de la large marge d’appréciation dont elle bénéficie en considérant que Slovak Telekom, qui est une société de taille relativement petite, ne devait pas être tenue pour responsable du paiement de la totalité des amendes infligées. À l’inverse, une majoration à des fins dissuasives se justifiait dans le cas de la requérante, dès lors que cette dernière est une très grande société et qu’une amende inférieure n’aurait pas d’effet dissuasif sur elle. La Commission souligne à cet égard que, dès lors que la jurisprudence admet qu’elle est libre de ne pas sanctionner une société mère bien qu’elle appartienne à une entreprise qui a enfreint le droit de la concurrence de l’Union, elle devrait a fortiori être en mesure, pour des raisons objectives, d’infliger à une société appartenant à une entreprise responsable d’une telle infraction une partie seulement de l’amende globale qui en résulte. La requérante n’aurait au demeurant avancé aucun argument de nature à établir qu’il était illégal pour la Commission de lui appliquer la circonstance aggravante de récidive ainsi que la majoration à des fins dissuasives.
490 La Commission souligne encore qu’une présomption d’influence déterminante de la requérante sur le comportement de Slovak Telekom sur le marché ne s’appliquait ni lorsqu’a été commise l’infraction ayant donné lieu à la décision Deutsche Telekom ni au cours de la période durant laquelle a été commise l’infraction sanctionnée dans la décision attaquée. Or, en l’absence de preuve concrète que Slovak Telekom et la requérante faisaient déjà partie de la même entreprise à l’époque où a été commise l’infraction en cause dans la décision Deutsche Telekom, la Commission ne pouvait majorer l’amende infligée à Slovak Telekom pour cause de récidive. En revanche, dès lors que la requérante était destinataire de la décision Deutsche Telekom, la Commission estime qu’elle devait être en mesure d’appliquer à celle-ci une majoration pour cause de récidive, sans qu’une instruction plus approfondie soit nécessaire afin de déterminer si elle formait déjà avec Slovak Telekom une même entreprise à l’époque de l’infraction sanctionnée dans ladite décision. Quant à la majoration de l’amende à des fins de dissuasion, la Commission admet certes qu’elle aurait pu l’appliquer également à Slovak Telekom, dès lors que cette dernière faisait partie de l’entreprise responsable de l’infraction au droit de la concurrence sanctionnée dans la présente affaire. La Commission soutient néanmoins que c’est au titre de la large marge d’appréciation dont elle dispose qu’elle a pu considérer davantage opportun de ne pas suivre une telle approche.
1) Rappel des principes
491 Il convient tout d’abord de rappeler le choix des auteurs des traités d’utiliser la notion d’« entreprise » pour désigner l’auteur d’une infraction au droit de la concurrence, susceptible d’être sanctionné en application de l’article 101 ou 102 TFUE (voir arrêt du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 46 et jurisprudence citée).
492 Le droit de la concurrence de l’Union vise ainsi les activités des entreprises, la notion d’« entreprise » comprenant toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (voir arrêt du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 47 et jurisprudence citée). La notion d’« entreprise », placée dans ce contexte, doit être comprise comme désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (voir arrêts du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, EU:C:2010:389, point 64 et jurisprudence citée, et du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 48 et jurisprudence citée).
493 Il s’ensuit que, lorsqu’une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (voir arrêts du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission, C‑90/09 P, EU:C:2011:21, points 35 et 36 et jurisprudence citée, et du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 49 et jurisprudence citée).
494 En outre, pour l’application et l’exécution des décisions prises par la Commission en application des articles 101 et 102 TFUE, il est nécessaire d’identifier une entité dotée de la personnalité juridique qui sera destinataire de la décision constatant et sanctionnant une infraction à l’une de ces dispositions (voir, en ce sens, arrêt du 27 mars 2014, Saint-Gobain Glass France e.a./Commission, T‑56/09 et T‑73/09, EU:T:2014:160, point 312 et jurisprudence citée). Une infraction au droit de l’Union en matière de concurrence doit ainsi être imputée sans équivoque à une personne juridique qui sera susceptible de se voir infliger des amendes et à qui la communication des griefs sera adressée (voir, en ce sens, arrêts du 5 mars 2015, Commission e.a./Versalis e.a., C‑93/13 P et C‑123/13 P, EU:C:2015:150, point 89 et jurisprudence citée ; du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 50, et du 27 mars 2014, Saint-Gobain Glass France e.a./Commission, T‑56/09 et T‑73/09, EU:T:2014:160, point 312 et jurisprudence citée).
495 À cet égard, ni l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 ni la jurisprudence ne déterminent quelle personne morale ou physique la Commission est dans l’obligation de tenir pour responsable de l’infraction et de sanctionner pour l’imposition d’une amende (voir arrêt du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 51 et jurisprudence citée).
496 En revanche, le comportement infractionnel d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (voir arrêts du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, EU:C:2009:536, points 58 et 72 et jurisprudence citée, et du 18 janvier 2017, Toshiba/Commission, C‑623/15 P, non publié, EU:C:2017:21, point 45 et jurisprudence citée).
497 Dans un tel cas, aux termes d’une jurisprudence de la Cour bien établie, la société mère qui s’est vu imputer le comportement infractionnel de sa filiale est personnellement condamnée pour une infraction aux règles de concurrence de l’Union qu’elle est censée avoir commise elle-même, en raison de l’influence déterminante qu’elle exerçait sur la filiale et qui lui permettait de déterminer le comportement de cette dernière sur le marché (voir arrêt du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 56 et jurisprudence citée).
498 Cela étant, lorsque la responsabilité de la société mère est purement dérivée, à savoir lorsqu’elle est encourue du seul fait de la participation directe d’une de ses filiales à l’infraction, cette responsabilité trouve son origine dans le comportement infractionnel de ladite filiale, que la société mère se voit attribuer compte tenu de l’unité économique que ces sociétés constituent. Par voie de conséquence, la responsabilité de la société mère est nécessairement fonction des faits constitutifs de l’infraction commise par sa filiale auxquels sa responsabilité est inextricablement liée (arrêt du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 61).
499 C’est pour cette raison que la Cour a précisé que, dans la situation où la responsabilité de la société mère est purement dérivée de celle de sa filiale et dans laquelle aucun autre facteur ne caractérise individuellement le comportement reproché à la société mère, la responsabilité de cette société mère ne saurait excéder celle de sa filiale (voir arrêts du 17 septembre 2015, Total/Commission, C‑597/13 P, EU:C:2015:613, point 38 et jurisprudence citée, et du 19 janvier 2017, Commission/Total et Elf Aquitaine, C‑351/15 P, EU:C:2017:27, point 44 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 62).
500 C’est à l’aune de ces principes qu’il convient d’examiner, en premier lieu, la partie de l’amende infligée à la seule requérante au titre de la récidive et, en second lieu, la partie de l’amende infligée à la seule requérante au titre de la dissuasion.
2) Sur la partie de l’amende infligée à la seule requérante au titre de la récidive
501 Par son argumentation invoquée au titre de la première branche du quatrième moyen, la requérante fait valoir que, pour autant que sa responsabilité purement dérivée pour l’infraction en cause dans le présent litige devrait être confirmée, la Commission ne pouvait lui imputer à elle seule, sans l’imputer à Slovak Telekom, les conséquences de la récidive résultant de l’infraction similaire antérieure sanctionnée dans la décision Deutsche Telekom.
502 Cette argumentation ne saurait toutefois être retenue.
503 Certes, ainsi que le souligne la requérante, la Cour a jugé que les principes du droit de l’Union de responsabilité personnelle pour l’infraction et d’individualisation des peines et des sanctions devant être respectés lors de l’exercice par la Commission de son pouvoir de sanction en matière d’infraction au droit de la concurrence ne concernent que l’entreprise en tant que telle et non les personnes physiques ou morales qui en font partie (arrêt du 10 avril 2014, Commission e.a./Siemens Österreich e.a., C‑231/11 P à C‑233/11 P, EU:C:2014:256, point 56).
504 Il n’en demeure pas moins que le principe d’individualisation des peines doit être concilié avec celui, issu de la jurisprudence rappelée au point 499 ci-dessus, selon lequel certains facteurs caractérisant individuellement le comportement propre de la société mère peuvent justifier de lui infliger une sanction plus lourde que celle résultant de l’imputation à ladite société de l’infraction commise par sa filiale.
505 À cet égard, le Tribunal a déjà jugé que, si l’unité du comportement d’une entreprise sur le marché justifie que, en cas d’une infraction aux règles de la concurrence, les différentes sociétés ayant fait partie de l’entreprise pendant la durée de l’infraction soient, en principe, toutes tenues pour solidairement responsables du paiement du même montant de l’amende, une exception doit être admise dans l’hypothèse de circonstances aggravantes ou atténuantes et, plus généralement, de circonstances justifiant une modulation du montant de l’amende qui ne seraient présentes qu’à l’égard de certaines d’entre elles et non des autres. Le Tribunal en a ainsi déduit qu’une entité à l’égard de laquelle la circonstance aggravante de la récidive n’a pas été retenue ne peut pas être tenue pour solidairement responsable, avec une autre entité à l’égard de laquelle cette circonstance a été retenue, de la partie de l’amende correspondant à la majoration pour récidive (voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2014, Evonik Degussa et AlzChem/Commission, T‑391/09, non publié, EU:T:2014:22, point 271).
506 Il s’ensuit que la circonstance aggravante de récidive peut constituer un facteur caractérisant individuellement le comportement d’une société mère, justifiant que l’étendue de sa responsabilité excède celle de sa filiale dont elle est entièrement dérivée (voir, en ce sens, arrêt du 29 février 2016, UTi Worldwide e.a./Commission, T‑264/12, non publié, EU:T:2016:112, point 332).
507 En l’espèce, premièrement, la requérante ne conteste pas qu’elle était le seul destinataire de la décision Deutsche Telekom et que la responsabilité de Slovak Telekom n’a pas été retenue s’agissant de l’infraction sanctionnée dans cette décision.
508 Ainsi, la responsabilité de la requérante établie dans la décision Deutsche Telekom, entretemps devenue définitive, constitue un facteur caractérisant individuellement le comportement reproché à celle-ci dans la présente affaire.
509 Deuxièmement, il est vrai que Slovak Telekom faisait déjà partie du groupe Deutsche Telekom durant une partie significative de l’infraction sanctionnée dans la décision Deutsche Telekom ainsi qu’au moment de l’adoption de cette décision, dont elle n’était pas destinataire.
510 Toutefois, il ressort de la jurisprudence qu’une société qui n’était pas destinataire d’une décision constatant une première infraction au droit de la concurrence de l’Union, mais qui est destinataire d’une décision lui infligeant une amende en raison de sa participation à une nouvelle infraction similaire ne saurait voir sa responsabilité accrue pour cause de récidive que pour autant que la Commission fournisse, dans cette dernière décision, un exposé permettant à cette société de saisir en quelle qualité et dans quelle mesure elle aurait été impliquée dans la première infraction (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2013, Eni/Commission, C‑508/11 P, EU:C:2013:289, point 129, et du 5 mars 2015, Commission e.a./Versalis e.a., C‑93/13 P et C‑123/13 P, EU:C:2015:150, point 98 et jurisprudence citée).
511 En l’espèce, aucun élément ne suggère que Slovak Telekom aurait été impliquée, en quelque qualité que ce soit, dans l’infraction sanctionnée par la Commission dans la décision Deutsche Telekom et que cette infraction aurait, dès lors, également pu lui être imputée.
512 Dans ces conditions, s’il était fait droit à l’argumentation de la requérante selon laquelle la Commission aurait dû retenir la circonstance aggravante de récidive à l’égard de Slovak Telekom, cela reviendrait à rendre cette filiale responsable du comportement antérieur de la requérante, sa société mère. Or, la Cour a jugé qu’il n’était pas possible d’imputer à une société l’ensemble des agissements d’un groupe si cette société n’était pas identifiée comme étant la personne juridique qui, à la tête du groupe, était responsable de la coordination de l’action de celui-ci (arrêt du 2 octobre 2003, Aristrain/Commission, C‑196/99 P, EU:C:2003:529, point 98).
513 En l’espèce, il est constant que Slovak Telekom n’était pas à la tête de l’entreprise qui a commis l’infraction sanctionnée par la décision Deutsche Telekom, cette dernière infraction ayant été commise directement par la seule requérante. Il s’ensuit que seule la requérante a pris part tant à l’infraction sanctionnée dans la décision Deutsche Telekom qu’à l’infraction sanctionnée dans la décision attaquée dans la présente affaire, ce qui caractérise individuellement son comportement.
514 Compte tenu de ce qui précède, il convient de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur lorsque, dans la décision attaquée, elle a, au titre de la récidive, majoré l’amende à l’égard de la seule requérante.
3) Sur la partie de l’amende infligée à la seule requérante au titre de la dissuasion
515 Il convient de rappeler que la notion de « dissuasion » constitue l’un des éléments à prendre en compte dans le calcul du montant de l’amende. Il est en effet de jurisprudence constante que les amendes infligées en raison de violations des articles 101 et 102 TFUE, telles que prévues à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, ont pour objet de réprimer les actes illégaux des entreprises concernées ainsi que de dissuader tant les entreprises en question que d’autres opérateurs économiques de violer, à l’avenir, les règles du droit de la concurrence de l’Union. Or, le lien entre, d’une part, la taille et les ressources globales des entreprises et, d’autre part, la nécessité d’assurer un effet dissuasif à l’amende ne saurait être contesté. Ainsi, la Commission, lorsqu’elle calcule le montant de l’amende, peut prendre en considération, notamment, la taille et la puissance économique de l’entreprise concernée (voir arrêts du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, EU:C:2010:346, point 102 et jurisprudence citée, et du 5 juin 2012, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑214/06, EU:T:2012:275, point 142 et jurisprudence citée).
516 La prise en considération de la taille et des ressources globales de l’entreprise en cause afin d’assurer un effet dissuasif suffisant à l’amende se justifie par l’impact recherché sur ladite entreprise, la sanction ne devant pas être négligeable au regard, notamment, de la capacité financière de celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 5 juin 2012, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑214/06, EU:T:2012:275, point 143 et jurisprudence citée, et du 6 février 2014, Elf Aquitaine/Commission, T‑40/10, non publié, EU:T:2014:61, point 312 et jurisprudence citée). Ainsi, il a été jugé notamment que l’objectif de dissuasion que la Commission est en droit de poursuivre lors de la fixation du montant d’une amende ne peut être valablement atteint qu’en considération de la situation de l’entreprise au jour où l’amende est infligée (voir arrêt du 5 juin 2012, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑214/06, EU:T:2012:275, point 143 et jurisprudence citée ; voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2014, Lucchini/Commission, T‑91/10, EU:T:2014:1033, point 314 et jurisprudence citée).
517 Au demeurant, dans la mesure où une entreprise disposant d’un chiffre d’affaires très important est en mesure de mobiliser plus facilement les fonds nécessaires pour le paiement de son amende, la Commission est en droit, ainsi que cela est prévu au point 30 des lignes directrices de 2006, de majorer à ce titre ladite amende en vue d’assurer un effet dissuasif suffisant à cette dernière (voir, en ce sens, arrêts du 17 mai 2011, Elf Aquitaine/Commission, T‑299/08, EU:T:2011:217, point 253 ; du 6 mars 2012, UPM-Kymmene/Commission, T‑53/06, non publié, EU:T:2012:101, point 76 et jurisprudence citée, et du 6 février 2014, Elf Aquitaine/Commission, T‑40/10, non publié, EU:T:2014:61, point 352).
518 Il a par ailleurs été jugé que le chiffre d’affaires global de l’entreprise en cause est celui qui donne une indication de la taille de celle-ci ainsi que de sa puissance économique, laquelle est déterminante pour évaluer la portée dissuasive d’une amende à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T‑220/00, EU:T:2003:193, point 96 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 22 mai 2008, Evonik Degussa/Commission, C‑266/06 P, non publié, EU:C:2008:295, point 120).
519 Dans les circonstances de la présente affaire, d’abord, il convient de souligner que la requérante et Slovak Telekom formaient, ainsi que la Commission l’a, à juste titre, constaté, une même unité économique durant la période en cause et que la responsabilité de la requérante pour l’infraction faisant l’objet de la décision attaquée est purement dérivée de celle de cette filiale.
520 Ensuite, il convient de rappeler que, certes, la jurisprudence admet qu’une société mère puisse se voir infliger une amende supérieure à celle de sa filiale, même si la responsabilité de la première est purement dérivée de celle de la seconde. Toutefois, tel peut être le cas uniquement en présence d’un facteur caractérisant individuellement le comportement reproché à ladite société mère (voir la jurisprudence citée au point 499 ci-dessus). Or, lorsque, comme en l’espèce, pour apprécier la gravité de l’infraction commise par l’entreprise et calculer l’amende qui doit être infligée à celle-ci, la Commission se fonde sur le chiffre d’affaires de la filiale, le chiffre d’affaires de la société mère, serait-il considérablement supérieur à celui de la filiale, n’est pas un élément de nature à caractériser le comportement individuel de la société mère dans la réalisation de l’infraction attribuée à l’entreprise, la responsabilité de la société mère à cet égard étant purement dérivée de celle de sa filiale. Par ailleurs, le simple constat d’un chiffre d’affaires est un élément de fait qui ne saurait individualiser le comportement de la société mère. La Commission ne pouvait donc, pour justifier l’application du coefficient de dissuasion spécifique à la requérante, prendre en considération le chiffre d’affaire de cette dernière.
521 Enfin, la Commission ne saurait être suivie lorsqu’elle invoque la marge d’appréciation dont elle dispose dans la fixation du montant des amendes sanctionnant des infractions à l’article 101 ou 102 TFUE. En effet, il est vrai que, selon la jurisprudence, l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 laisse à la Commission une marge d’appréciation à ce sujet. Toutefois, cette disposition limite l’exercice d’une telle marge d’appréciation en instaurant des critères objectifs auxquels celle-ci doit se tenir (voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, point 55). Or, relève bien de tels éléments objectifs la notion d’« entreprise » à laquelle se réfère cette disposition et qui doit, ainsi que cela a été rappelé au point 492 ci-dessus, être comprise comme désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales.
522 En l’espèce, la Commission a établi que la requérante exerçait une influence déterminante sur Slovak Telekom durant la période en cause et a, pour ce motif, imputé la responsabilité de l’infraction qui fait l’objet de la décision attaquée à l’unité économique constituée de ces deux sociétés. Il convient, dès lors, de considérer que l’approche de la Commission ayant consisté à faire supporter les conséquences de l’application d’un coefficient multiplicateur de 1,2 à la requérante ne repose sur aucune justification objective.
523 Il résulte de ce qui précède que c’est en méconnaissance de la notion d’« entreprise » en droit de l’Union que la Commission a, dans la décision attaquée, fait supporter à la requérante le facteur de multiplication de 1,2 à des fins dissuasives.
524 Le quatrième moyen doit dès lors être accueilli dans cette seule mesure et l’article 2, premier alinéa, sous b), de la décision attaquée doit être annulé au motif qu’il fait supporter à la requérante le facteur de multiplication de 1,2 à des fins dissuasives.
5. Sur le cinquième moyen, pris d’erreurs dans le calcul du montant de l’amende infligée solidairement à Slovak Telekom et à la requérante
525 Par son cinquième moyen, la requérante soutient que la Commission a commis plusieurs erreurs lors du calcul du montant de l’amende qui lui a été infligée solidairement à elle ainsi qu’à Slovak Telekom. Ce moyen, dans le cadre duquel la requérante déclare se rallier aux arguments exposés par Slovak Telekom dans son propre recours, se subdivise en deux branches, qu’il convient d’examiner successivement.
a) Sur la première branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation du principe d’égalité de traitement du fait du calcul du montant de l’amende par référence au chiffre d’affaires de Slovak Telekom en 2010
526 La requérante soutient, dans une première branche, que, en calculant le montant de base de l’amende par référence au chiffre d’affaires réalisé par Slovak Telekom en 2010 sur le marché de l’accès au dégroupage de la boucle locale et sur le marché de détail des services à haut débit offerts en position fixe, la Commission a non seulement commis une erreur manifeste d’appréciation, mais a également méconnu le principe d’égalité de traitement. Bien que la décision attaquée soit conforme à cet égard au point 13 des lignes directrices de 2006, il résulterait de la pratique décisionnelle antérieure de la Commission que cette règle ne doit pas être appliquée lorsque le chiffre d’affaires réalisé lors de la dernière année complète de participation à l’infraction s’écarte sensiblement de la moyenne annuelle des ventes pertinentes durant les premières années de cette participation. En l’espèce, le chiffre d’affaires pertinent de Slovak Telekom a augmenté de 133 % entre 2005 et 2010. Une telle hausse étant significative, le seul chiffre d’affaires réalisé au cours de l’année 2010 ne serait pas suffisamment représentatif.
527 Dans ces circonstances, selon la requérante, il appartenait à la Commission de calculer le montant de base de l’amende par référence au chiffre d’affaires annuel moyen réalisé au cours de l’ensemble de la période d’infraction, à savoir entre les années 2005 et 2010. En s’écartant de sa pratique décisionnelle antérieure au motif que l’augmentation précitée du chiffre d’affaires n’était pas exponentielle, la Commission aurait méconnu le principe d’égalité de traitement. Enfin, l’allégation de la Commission selon laquelle cette augmentation du chiffre d’affaires s’expliquerait par le prétendu comportement abusif de Slovak Telekom sur le marché relèverait d’une simple spéculation. Cette augmentation serait due à la croissance rapide des marchés du haut débit au cours de la période d’infraction et non à l’accroissement de parts de marché de Slovak Telekom au cours de ladite période.
528 La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste ces arguments.
529 À titre liminaire, il y a lieu, pour des raisons analogues à celles exposées aux points 77 à 79 ci-dessus, d’écarter comme irrecevable la référence générale opérée par la requérante, dans le cadre du cinquième moyen du recours, à l’argumentation présentée par Slovak Telekom dans son propre recours dans l’affaire T‑851/14.
530 Sur le fond, il convient tout d’abord de rappeler, s’agissant de la première branche du moyen, que l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 dispose que, pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.
531 En outre, il y a lieu de rappeler que, en vertu du point 13 des lignes directrices de 2006, « [e]n vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte [...] avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE » et qu’à cette fin elle « utilisera normalement les ventes de l’entreprise durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction ».
532 Il ressort, en outre, de la jurisprudence que la part du chiffre d’affaires provenant des marchandises ou services faisant l’objet de l’infraction est de nature à donner une juste indication de l’ampleur d’une infraction sur le marché concerné, le chiffre d’affaires réalisé sur ceux-ci constituant un élément objectif qui donne une juste mesure de la nocivité de cette pratique pour le jeu normal de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission, T‑208/13, EU:T:2016:368, point 236 et jurisprudence citée).
533 Le point 13 des lignes directrices de 2006 a ainsi pour objectif, s’agissant d’une infraction à l’article 102 TFUE, de retenir comme point de départ pour le calcul du montant de l’amende infligée à l’entreprise en cause un montant qui reflète l’importance économique de l’infraction (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 76 ; du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, point 57, et du 23 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C‑227/14 P, EU:C:2015:258, point 53).
534 Pour autant, il convient également de souligner que l’autolimitation du pouvoir d’appréciation de la Commission résultant de l’adoption des lignes directrices de 2006 n’est pas incompatible avec le maintien d’une marge d’appréciation substantielle pour cette institution. Lesdites lignes directrices contiennent en effet différents éléments de flexibilité qui permettent à la Commission d’exercer son pouvoir d’appréciation en conformité avec les dispositions du règlement no 1/2003, telles qu’interprétées par les juridictions de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 96 et jurisprudence citée), voire avec d’autres règles et principes du droit de l’Union. En particulier, le point 13 des lignes directrices de 2006 précise lui-même que la Commission doit « normalement » utiliser les ventes de l’entreprise concernée durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction lors du calcul du montant de l’amende de base (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2015, Samsung SDI e.a./Commission, T‑84/13, non publié, EU:T:2015:611, point 214).
535 En l’espèce, il ressort des considérants 1490 à 1495 de la décision attaquée que, pour déterminer le montant de base de l’amende infligée solidairement à la requérante et à Slovak Telekom, la Commission a tenu compte des ventes réalisées par cette dernière au cours du dernier exercice complet de sa participation à l’infraction, à savoir le chiffre d’affaires réalisé par cet opérateur sur le marché de l’accès aux boucles locales dégroupées et du haut débit de détail pour les services fixes en 2010. La Commission a donc fait application du point 13 des lignes directrices de 2006.
536 Or, la requérante ne saurait être suivie lorsqu’elle soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en ne s’écartant pas de cette règle en l’espèce, en dépit de la forte augmentation du chiffre d’affaires de Slovak Telekom durant la période en cause.
537 En effet, d’une part, si la requérante fait valoir que, au cours des années 2005 à 2010, le chiffre d’affaires pertinent de Slovak Telekom a augmenté de 133 %, passant de 31 184 949 euros à 72 868 176 euros, elle n’avance toutefois aucun élément de nature à établir que ce dernier chiffre d’affaires, réalisé au cours de la dernière année civile complète de l’infraction, ne constituait pas, au moment où la Commission a adopté la décision attaquée, une indication de sa véritable taille, de sa puissance économique sur le marché et de l’ampleur de l’infraction en cause.
538 D’autre part, la requérante ne saurait être suivie lorsqu’elle reproche à la Commission d’avoir méconnu en l’espèce le principe d’égalité de traitement, en ce qu’elle se serait écartée de sa pratique décisionnelle antérieure au motif que l’augmentation précitée du chiffre d’affaires n’était pas exponentielle.
539 À cet égard, il est certes exact que le respect du principe d’égalité de traitement, qui s’oppose à ce que des situations comparables soient traitées de manière différente et à ce que des situations différentes soient traitées de manière semblable, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié, s’impose à la Commission lorsqu’elle inflige une amende à une entreprise pour infraction aux règles de concurrence comme à toute institution dans l’ensemble de ses activités (arrêts du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T‑360/09, EU:T:2012:332, point 261, et du 9 septembre 2015, Philips/Commission, T‑92/13,non publié,EU:T:2015:605, point 204).
540 Néanmoins, il ressort d’une jurisprudence constante que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne saurait servir de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence et que des décisions concernant d’autres affaires ne revêtent qu’un caractère indicatif en ce qui concerne l’existence éventuelle d’une violation du principe d’égalité de traitement, étant donné qu’il est peu vraisemblable que les circonstances propres à celles-ci, telles que les marchés, les produits, les entreprises et les périodes concernés, soient identiques (voir arrêt du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P et C‑137/07 P, EU:C:2009:576, point 233 et jurisprudence citée ; arrêts du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T‑240/07, EU:T:2011:284, point 347, et du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T‑91/11, EU:T:2014:92, point 144).
541 Ainsi, les décisions antérieures de la Commission en matière d’amende ne peuvent être pertinentes au regard du respect du principe d’égalité de traitement que s’il est démontré que les données circonstancielles des affaires relatives à ces autres décisions, telles que les marchés, les produits, les pays, les entreprises et les périodes concernés, sont comparables avec celles de l’espèce (voir arrêts du 13 septembre 2010, Trioplast Industrier/Commission, T‑40/06, EU:T:2010:388, point 145 et jurisprudence citée ; du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T‑360/09, EU:T:2012:332, point 262 et jurisprudence citée, et du 9 septembre 2015, Philips/Commission, T‑92/13, non publié,EU:T:2015:605, point 205 et jurisprudence citée).
542 Or, en l’espèce, la requérante n’a avancé aucun élément de nature à établir que les données circonstancielles des affaires relatives aux décisions antérieures qu’elle invoque, à savoir la décision Télécommunications polonaises, la décision C(2010) 8761 final, du 8 décembre 2010 (affaire COMP/39.309 – LCD – Liquid Crystal Display) et la décision C(2009) 5355 final, du 8 juillet 2009 (affaire COMP/39.401 – E.ON/GDF), sont comparables à celles de l’espèce. En effet, la requérante se contente de citer ces trois décisions en relevant que les entreprises concernées avaient enregistré une forte augmentation de leur chiffre d’affaires tout au long de la période d’infraction et que la Commission avait utilisé dans chaque cas le chiffre d’affaires annuel moyen desdites entreprises pour calculer le montant de base de l’amende.
543 En tout état de cause, il convient de constater que les augmentations des chiffres d’affaires constatées au cours des périodes d’infraction en cause dans ces trois décisions étaient nettement plus élevées qu’en l’espèce. Ainsi, la Commission a précisé dans ses écritures que l’augmentation nette de chiffres d’affaires constatée au considérant 896 de la décision Télécommunications polonaises s’élevait, sur l’ensemble de la période d’infraction, à plus de 3 000 %. Par ailleurs, en réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a précisé lors de l’audience que, sur l’ensemble de la période des infractions en cause, les augmentations pertinentes s’élevaient, d’une part, à 521,58 % sur un premier marché et à 422,65 % sur un second marché s’agissant de l’infraction sanctionnée dans la décision C(2010) 8761 final et, d’autre part, à 261 % s’agissant de l’infraction sanctionnée dans la décision C(2009) 5355 final.
544 Il découle de ce qui précède que, en prenant en compte en l’espèce le chiffre d’affaires réalisé par Slovak Telekom au cours de l’année qui s’est achevée le 31 décembre 2010, à savoir la dernière année complète de participation à l’infraction, et en se conformant ainsi à la règle qu’elle s’était fixée au point 13 des lignes directrices de 2006, la Commission n’a pas dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation en matière de fixation du montant des amendes.
545 La première branche du cinquième moyen doit dès lors être rejetée comme non fondée.
b) Sur la seconde branche, tirée de l’erreur de calcul résultant de l’inclusion de l’année 2005 dans la période d’infraction
546 Dans une seconde branche, la requérante fait valoir que, dès lors que l’année 2005 a été incluse erronément dans la période d’infraction, c’est à tort que cette année a été prise en compte aux fins du calcul du montant de base de l’amende qui lui a été infligée solidairement à elle ainsi qu’à Slovak Telekom.
547 La Commission conclut au rejet de cette argumentation, dès lors que c’est à bon droit selon elle que l’année 2005 a été incluse dans la période d’infraction.
548 Il résulte des considérations exposées aux points 172 à 196 ci-dessus, en réponse au deuxième moyen, que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a conclu que l’offre de référence publiée par Slovak Telekom le 12 août 2005 avait pu dissuader dès cette date la présentation de demandes d’accès dégroupé à la boucle locale de cet opérateur par des opérateurs alternatifs en raison des clauses et des conditions inéquitables qu’elle contenait et que, partant, la Commission a pu conclure à bon droit que l’infraction unique et continue faisant l’objet de la décision attaquée avait débuté à cette date.
549 En revanche, toujours en réponse à ce deuxième moyen, le Tribunal a considéré que l’article 1er, paragraphe 2, sous d), de la décision attaquée devait être annulé en tant que cette disposition constate que, au cours de la période comprise entre le 12 août et le 31 décembre 2005, la requérante a appliqué des tarifs inéquitables ne permettant pas à un opérateur aussi efficace s’appuyant sur l’accès de gros aux boucles locales dégroupées de Slovak Telekom de reproduire les services de détail offerts par Slovak Telekom sans encourir de perte (voir point 221 ci-dessus).
550 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que l’article 1er, paragraphe 2, sous d), de la décision attaquée doit être annulé en tant qu’il constate que, au cours de la période comprise entre le 12 août et le 31 décembre 2005, la requérante a appliqué des tarifs inéquitables ne permettant pas à un opérateur aussi efficace s’appuyant sur l’accès de gros aux boucles locales dégroupées de Slovak Telekom de reproduire les services de détail offerts par Slovak Telekom sans encourir de perte. Par voie de conséquence, ainsi que pour les motifs adoptés aux points 515 à 524 ci-dessus, l’article 2 de la décision attaquée doit également être annulé en tant qu’il concerne la requérante. Les conclusions visant à l’annulation de la décision attaquée doivent être rejetées pour le surplus.
B. Sur les conclusions, soulevées à titre subsidiaire, tendant à la suppression ou à la réduction du montant des amendes infligées à la requérante
551 La requérante sollicite encore du Tribunal, à titre subsidiaire, qu’il supprime ou réduise le montant des amendes qui lui ont été infligées par la décision attaquée.
552 Il convient de relever à cet égard que, selon une jurisprudence constante, le contrôle de légalité instauré à l’article 263 TFUE implique que le juge de l’Union exerce un contrôle, tant de droit que de fait, de la décision attaquée au regard des arguments invoqués par la partie requérante et qu’il a le pouvoir d’apprécier les preuves, d’annuler ladite décision et de modifier le montant des amendes (voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, EU:C:2009:505, point 86 et jurisprudence citée ; du 26 janvier 2017, Duravit e.a./Commission, C‑609/13 P, EU:C:2017:46, point 30 et jurisprudence citée, et du 27 mars 2014, Saint-Gobain Glass France e.a./Commission, T‑56/09 et T‑73/09, EU:T:2014:160, point 461 et jurisprudence citée).
553 Le contrôle de légalité est complété par la compétence de pleine juridiction qui est reconnue au juge de l’Union à l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE. Cette compétence habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende ou l’astreinte infligée (arrêts du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 63, et du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑389/10 P, EU:C:2011:816, point 130 ; voir, également, arrêt du 26 janvier 2017, Duravit e.a./Commission, C‑609/13 P, EU:C:2017:46, point 31 et jurisprudence citée).
554 Or, il importe de souligner que l’exercice de cette compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office et que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire. Dès lors, à l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, c’est à la partie requérante qu’il appartient, en principe, de soulever les moyens à l’encontre de la décision attaquée et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 213 et jurisprudence citée).
555 C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’apprécier si le montant des amendes infligées par la Commission dans la décision attaquée doit être modifié.
556 En premier lieu, il convient de relever que l’argumentation présentée par la requérante à l’appui de ses conclusions subsidiaires, visant à la suppression des amendes qui lui ont été infligées ou à la réduction de leur montant, ne se distingue pas de celle présentée au soutien de ses conclusions en annulation. Dans ces circonstances, il convient de rejeter les griefs avancés au soutien de cette demande subsidiaire qui ont déjà été rejetés en tant qu’ils visaient à soutenir les conclusions en annulation.
557 En deuxième lieu, ainsi que cela ressort des points 204 à 221 ci-dessus, la Commission n’a pas apporté la preuve que la pratique aboutissant à une compression des marges commise par Slovak Telekom avait pu débuter avant le 1er janvier 2006 et, par voie de conséquence, l’article 1er, paragraphe 2, sous d), de la décision attaquée doit être annulé en tant qu’il concerne la requérante et en tant qu’il inclut dans l’infraction unique et continue une compression des marges qui aurait été commise entre le 12 août et le 31 décembre 2005.
558 S’agissant de l’incidence de cette erreur sur le montant de base de l’amende auquel est tenue solidairement la requérante, le Tribunal estime, dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, qu’il y a lieu de réduire la proportion des ventes pertinentes de cette dernière retenue par la Commission et d’établir celle-ci à 9,8 % au lieu de 10 %. Slovak Telekom ayant réalisé au cours de la dernière année complète d’infraction un chiffre d’affaires pertinent de 72 868 176 euros, le montant devant servir au calcul du montant de base de l’amende auquel est tenue solidairement la requérante est de 7 141 081,20 euros. Le montant de base de cette amende correspond à la multiplication dudit montant par un coefficient de 5,33, reflétant la durée de l’infraction, et doit ainsi être établi à 38 061 963 euros.
559 En troisième lieu, il convient de tirer les conséquences du constat, opéré au point 523 ci-dessus, selon lequel c’est en méconnaissance de la notion d’« entreprise » en droit de l’Union que la Commission a, dans la décision attaquée, fait supporter à la seule requérante le facteur de multiplication de 1,2 à des fins dissuasives, en vue de tenir compte de la taille et de la puissance économique de l’entreprise tenue pour responsable de l’infraction en cause. En effet, cette erreur implique de recalculer le montant de l’amende distincte infligée à la requérante en vue de lui faire supporter les conséquences de la récidive identifiée par la Commission dans la décision attaquée. Cette amende, qui représente 50 % du montant de base de l’amende auquel est tenue solidairement la requérante avant l’application du coefficient multiplicateur de 1,2, doit ainsi être fixée à 19 030 981 euros.
560 En quatrième lieu, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de ce jour, Slovak Telekom/Commission (T‑851/14), le Tribunal a retenu une erreur commise par la Commission lorsque cette dernière a constaté que, au cours de la période comprise entre le 12 août et le 31 décembre 2005, Slovak Telekom avait mis en œuvre une pratique aboutissant à une compression des marges. En conséquence, le Tribunal a annulé partiellement l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée ainsi que l’article 2 de ladite décision, en tant qu’ils concernent Slovak Telekom, et a réduit le montant de l’amende auquel était tenue Slovak Telekom au titre de l’article 2, premier alinéa, sous a), de cette même décision.
561 En l’espèce, le Tribunal a tiré les mêmes conséquences de l’erreur mentionnée au point 560 ci-dessus (voir points 557 et 558 ci-dessus). Ainsi, la requérante ne peut utilement demander au Tribunal de tirer, dans la présente affaire, les conséquences de l’arrêt de ce jour, Slovak Telekom/Commission (T‑851/14). La demande formulée par la requérante sur le fondement de l’arrêt du 22 janvier 2013, Commission/Tomkins (C‑286/11 P, EU:C:2013:29), doit donc être rejetée.
562 Par conséquent, le montant de l’amende auquel est tenue solidairement Deutsche Telekom est fixé à 38 061 963 euros et le montant de l’amende auquel est tenue uniquement Deutsche Telekom est fixé à 19 030 981 euros. La demande en suppression de l’amende ou en réduction de son montant est rejetée pour le surplus.
IV. Sur les dépens
563 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.
564 En l’espèce, la Commission et l’intervenante succombent partiellement. Cependant, la requérante n’a pas conclu à la condamnation de l’intervenante aux dépens, mais uniquement à la condamnation de la Commission à ceux-ci.
565 Dans ces circonstances, il y a lieu de condamner la requérante à supporter quatre cinquièmes de ses propres dépens ainsi que quatre cinquièmes des dépens de la Commission et de l’intervenante, conformément aux conclusions de ces dernières. La Commission supportera un cinquième de ses propres dépens et de ceux de la requérante. L’intervenante supportera un cinquième de ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) L’article 1er, paragraphe 2, sous d), de la décision C(2014) 7465 final de la Commission, du 15 octobre 2014, concernant une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE (affaire AT.39523 – Slovak Telekom), est annulé en tant qu’il constate que, au cours de la période comprise entre le 12 août et le 31 décembre 2005, Deutsche Telekom AG a appliqué des tarifs inéquitables ne permettant pas à un opérateur aussi efficace s’appuyant sur l’accès de gros aux boucles locales dégroupées de Slovak Telekom, a.s. de reproduire les services de détail offerts par Slovak Telekom sans encourir de perte.
2) L’article 2 de la décision C(2014) 7465 final est annulé en tant qu’il fixe le montant de l’amende auquel est tenue solidairement Deutsche Telekom à 38 838 000 euros et le montant de l’amende auquel est tenue uniquement Deutsche Telekom à 31 070 000 euros.
3) Le montant de l’amende auquel est tenue solidairement Deutsche Telekom est fixé à 38 061 963 euros et le montant de l’amende auquel est tenue uniquement Deutsche Telekom est fixé à 19 030 981 euros.
4) Le recours est rejeté pour le surplus.
5) Deutsche Telekom supportera quatre cinquièmes de ses propres dépens, quatre cinquièmes des dépens de la Commission européenne et quatre cinquièmes des dépens de Slovanet, a.s.
6) La Commission supportera un cinquième de ses propres dépens et un cinquième des dépens exposés par Deutsche Telekom.
7) Slovanet supportera un cinquième de ses propres dépens.
Van der Woude | Gervasoni | Madise |
da Silva Passos | Kowalik-Bańczyk |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2018.
Signatures
Table des matières
I. Antécédents du litige
A. Contexte technologique, factuel et réglementaire de la décision attaquée
B. Procédure devant la Commission
C. Décision attaquée
1. Définition des marchés pertinents et position dominante de Slovak Telekom sur ceux-ci
2. Comportement de Slovak Telekom
a) Refus de fourniture d’un accès dégroupé aux boucles locales de Slovak Telekom
b) Compression des marges des opérateurs alternatifs dans le cadre de la fourniture d’accès dégroupé aux boucles locales de Slovak Telekom
3. Analyse des effets anticoncurrentiels du comportement de Slovak Telekom
4. Destinataires de la décision attaquée et amendes
5. Dispositif de la décision attaquée
II. Procédure et conclusions des parties
III. En droit
A. Sur les conclusions, présentées à titre principal, tendant à l’annulation de la décision attaquée
1. Sur le premier moyen, pris d’erreurs de droit et de fait dans l’application de l’article 102 TFUE en ce qui concerne le comportement abusif de Slovak Telekom ainsi que d’une violation des droits de la défense
a) Sur la recevabilité du renvoi général à l’argumentation de Slovak Telekom dans l’affaire T851/14
b) Sur la première branche, tirée d’une violation de l’article 102 TFUE au motif que la Commission a constaté l’existence d’une infraction au sens de cette disposition sans examiner le caractère indispensable des infrastructures de télécommunication en cause
c) Sur la deuxième branche, tirée d’une violation du droit de la requérante à être entendue en ce qui concerne le calcul de la compression des marges
d) Sur la troisième branche, tirée d’erreurs lors du calcul des coûts moyens incrémentaux à long terme (CMILT)
2. Sur le deuxième moyen, pris d’erreurs de droit et de fait s’agissant de la durée du comportement abusif de Slovak Telekom
a) Observations liminaires
b) Sur la fixation au 12 août 2005 du début du refus implicite d’accès à la boucle locale de Slovak Telekom
c) Sur l’existence d’une compression des marges au cours de l’année 2005
3. Sur le troisième moyen, pris d’erreurs de droit et de fait dans l’imputation à la requérante du comportement abusif de Slovak Telekom, dans la mesure où la Commission n’aurait pas prouvé l’exercice effectif d’une influence déterminante sur Slovak Telekom
a) Sur la première branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une erreur de droit ainsi que d’une violation de la présomption d’innocence et du principe de bonne administration
1) Rappel des principes
2) Sur l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission aurait présumé l’exercice d’une influence déterminante sur Slovak Telekom
3) Sur la présence de cadres supérieurs de la requérante au sein du conseil d’administration de Slovak Telekom
4) Prêts de personnel de la requérante à Slovak Telekom
5) Transmission de rapports de Slovak Telekom à la requérante
b) Sur la deuxième branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation des faits s’agissant de l’exercice effectif d’une influence déterminante
1) Sur l’examen des processus décisionnels au sein du conseil d’administration de Slovak Teleko
2) Sur l’examen des réunions internationales de direction (international management meetings)
3) Sur l’examen du choix par Slovak Telekom d’un fournisseur de services de télévision par Internet (IPTV)
4) Sur l’examen de la transaction EuroTel
5) Sur le constat de la Commission selon lequel la direction de la requérante a eu connaissance du comportement anticoncurrentiel
c) Sur la troisième branche, tirée d’une appréciation erronée des exemples de comportement indépendant de Slovak Telekom fournis par la requérante
1) Observations liminaires
2) Position de Slovak Telekom au sujet du projet « 4 en 1 »
3) Introduction par Slovak Telekom du DSL nu en 2005
4) Intention de Slovak Telekom de développer un réseau de nouvelle génération
5) Décision de Slovak Telekom de développer une offre de télévision par satellite (DVB-S)
6) Développement par Slovak Telekom d’une stratégie de marque propre
7) Rôle de Slovak Telekom en ce qui concerne un projet dans les pays du Golfe
8) Décision de Slovak Telekom de mettre en œuvre le projet POP-Ukraine
9) Décision de Slovak Telekom de ne pas confier la gestion de sa flotte de véhicules à DeTeFleetServices GmbH et de ne pas acquérir certaines prestations de services auprès d’une branche de la requérante
d) Sur la quatrième branche, tirée de l’absence de démonstration du caractère essentiel d’une éventuelle influence exercée par la requérante sur Slovak Telekom
4. Sur le quatrième moyen, pris d’une violation de la notion d’« entreprise » au sens du droit de l’Union et du principe d’individualisation des peines ainsi que d’un défaut de motivation
a) Sur le défaut de motivation allégué
b) Sur la violation de la notion d’« entreprise » au sens du droit de l’Union et du principe d’individualisation des peines
1) Rappel des principes
2) Sur la partie de l’amende infligée à la seule requérante au titre de la récidive
3) Sur la partie de l’amende infligée à la seule requérante au titre de la dissuasion
5. Sur le cinquième moyen, pris d’erreurs dans le calcul du montant de l’amende infligée solidairement à Slovak Telekom et à la requérante
a) Sur la première branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation du principe d’égalité de traitement du fait du calcul du montant de l’amende par référence au chiffre d’affaires de Slovak Telekom en 2010
b) Sur la seconde branche, tirée de l’erreur de calcul résultant de l’inclusion de l’année 2005 dans la période d’infraction
B. Sur les conclusions, soulevées à titre subsidiaire, tendant à la suppression ou à la réduction du montant des amendes infligées à la requérante
IV. Sur les dépens
* Langue de procédure : l’allemand.
1 Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.
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