Haswani v Council (Judgment) French Text [2019] EUECJ C-313/17P (24 January 2019)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/C31317P.html
Cite as: [2019] EUECJ C-313/17P, ECLI:EU:C:2019:57, EU:C:2019:57

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ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

24 janvier 2019 (*)

« Pourvoi – Article 86 du règlement de procédure du Tribunal – Recevabilité – Procédure d’adaptation de la requête – Nécessité d’adapter les moyens et arguments – Mesures restrictives prises à l’encontre de la République arabe syrienne – Liste des personnes auxquelles s’applique le gel de fonds et de ressources économiques – Inclusion du nom du requérant »

Dans l’affaire C‑313/17 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 26 mai 2017,

George Haswani, demeurant à Yabroud (Syrie), représenté par Me G. Karouni, avocat,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes A. Sikora–Kalėda et S. Kyriakopoulou, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

Commission européenne, représentée par MM. L. Havas et R. Tricot, en qualité d’agents,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice–présidente, faisant fonction de président de la première chambre, M. J.-C. Bonichot, (rapporteur), MM. A. Arabadjiev, E. Regan et S. Rodin, juges,

avocat général : M. P. Mengozzi,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 septembre 2018,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, M. George Haswani demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 22 mars 2017, Haswani/Conseil (T‑231/15, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2017:200), en tant qu’il a rejeté comme étant irrecevable sa demande d’annulation de la décision (PESC) 2016/850 du Conseil, du 27 mai 2016, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2016, L 141, p. 125), et du règlement d’exécution (UE) 2016/840 du Conseil, du 27 mai 2016, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2016, L 141, p. 30) (ci-après, ensemble, les « actes du 27 mai 2016 »).

 Le cadre juridique

2        L’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, dans sa version applicable au litige en première instance (ci–après le « règlement de procédure du Tribunal »), intitulé « Adaptation de la requête », est libellé comme suit :

« 1.      Lorsqu’un acte, dont l’annulation est demandée, est remplacé ou modifié par un autre acte ayant le même objet, le requérant peut, avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, adapter la requête pour tenir compte de cet élément nouveau.

2.      L’adaptation de la requête doit être effectuée par acte séparé et dans le délai, prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, dans lequel l’annulation de l’acte justifiant l’adaptation de la requête peut être demandée.

3.      Le mémoire en adaptation contient :

a)      les conclusions adaptées ;

b)      s’il y a lieu, les moyens et arguments adaptés ;

c)      s’il y a lieu, les preuves et offres de preuve liées à l’adaptation des conclusions.

4.      Le mémoire en adaptation est accompagné de l’acte justifiant l’adaptation de la requête. Si cet acte n’est pas produit, le greffier fixe au requérant un délai raisonnable aux fins de sa production. À défaut de cette régularisation dans le délai imparti, le Tribunal décide si l’inobservation de cette exigence entraîne l’irrecevabilité du mémoire adaptant la requête.

5.      Sans préjudice de la décision du Tribunal à intervenir sur la recevabilité du mémoire adaptant la requête, le président fixe un délai au défendeur pour répondre au mémoire en adaptation.

[...] »

 Les antécédents du litige, le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

3        Le requérant est un industriel de nationalité syrienne, fondateur et copropriétaire de la société pétrolière et gazière HESCO.

4        Par deux actes du 6 mars 2015, son nom a été ajouté sur la liste figurant à l’annexe I de la décision 2013/255/PESC du Conseil, du 31 mai 2013, concernant les mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2013, L 147, p. 14), ainsi que sur celle figurant à l’annexe II du règlement (UE) no 36/2012 du Conseil, du 18 janvier 2012, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie et abrogeant le règlement (UE) no 442/2011 (JO 2012, L 16, p. 1), pour les motifs suivants :

« Important homme d’affaires syrien, copropriétaire de HESCO Engineering and Construction Company, importante société d’ingénierie et de construction en Syrie. Il entretient des liens étroits avec le régime syrien.

George Haswani soutient le régime et en tire avantage grâce à son rôle d’intermédiaire dans le cadre de transactions relatives à l’achat de pétrole à l’EIIL par le régime syrien.

Il tire également avantage du régime grâce au traitement favorable dont il bénéficie, notamment un marché conclu (en tant que sous-traitant) avec Stroytransgaz, une grande compagnie pétrolière russe ».

5        Le 5 mai 2015, le requérant a demandé au Tribunal l’annulation des actes du 6 mars 2015.

6        Le 28 mai 2015, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2015/837, modifiant la décision 2013/255 (JO 2015, L 132, p. 82), qui proroge la décision 2013/255 jusqu’au 1er juin 2016 et modifie l’annexe I de cette décision. Le même jour, le Conseil a également adopté le règlement d’exécution (UE) 2015/828, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2015, L 132, p. 3), modifiant l’annexe II de ce règlement no 36/2012.

7        Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 23 juin 2015, le requérant a adapté la requête afin d’obtenir également l’annulation de la décision 2015/837 et du règlement d’exécution 2015/828.

8        Le 12 octobre 2015, le Conseil a adopté, d’une part, la décision (PESC) 2015/1836, modifiant la décision 2013/255 (JO 2015, L 266, p. 75), et, d’autre part, le règlement (UE) 2015/1828, modifiant le règlement no 36/2012 (JO 2015, L 266, p. 1), modifiant l’annexe II dudit règlement (ci–après les « actes du 12 octobre 2015 »).

9        Les modifications ont notamment porté sur les critères d’inscription sur les listes annexées en ce qui concerne l’article 28, paragraphe 2, de la décision 2013/255 et l’article 15, paragraphe 1 bis, du règlement no 36/2012. En particulier, les critères de responsabilité de la répression ou de lien avec le régime ont été complétés par une liste de personnes relevant de sept catégories, dont celle des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie ».

10      Par lettre datée du 29 avril 2016, le Conseil a notifié au requérant son intention de le maintenir sur les listes en cause ainsi que la modification de la motivation retenue à son égard. Le requérant, par l’intermédiaire de son avocat, a répondu au Conseil par lettre datée du 12 mai 2016.

11      Par les actes du 27 mai 2016, le Conseil a inscrit le nom du requérant aux annexes desdits actes pour les motifs suivants :

« Homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, ayant des intérêts et/ou activités dans le secteur de l’ingénierie, de la construction, du pétrole et du gaz. Il détient des intérêts et/ou exerce une influence considérable dans plusieurs sociétés et entités en Syrie, en particulier HESCO Engineering and Construction Company, importante société d’ingénierie et de construction.

George Haswani entretient des liens étroits avec le régime syrien. Il soutient le régime et en tire avantage grâce à son rôle d’intermédiaire dans le cadre de transactions relatives à l’achat de pétrole à l’EIIL par le régime syrien. Il tire également avantage du régime grâce au traitement favorable dont il bénéficie, notamment un marché conclu (en tant que sous-traitant) avec Stroytransgaz, grande compagnie pétrolière russe. »

12      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 7 juillet 2016, le requérant a demandé l’adaptation de sa requête afin d’obtenir également l’annulation des actes du 27 mai 2016 (ci–après le « second mémoire en adaptation » ou la « seconde demande d’adaptation »).

13      Par lettre datée du 22 juillet 2016, le Conseil a présenté ses observations relatives au second mémoire en adaptation, considérant celui-ci comme étant lacunaire et imprécis.

14      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a, notamment, rejeté comme étant irrecevable la seconde demande d’adaptation au motif que, dans le second mémoire en adaptation, le requérant aurait dû énoncer les moyens et les arguments adaptés au soutien des conclusions en annulation, en application de l’article 86, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal.

15      Le Tribunal a ainsi jugé, aux points 41 à 47 dudit arrêt, que, dès lors que le cadre juridique relatif aux mesures restrictives ou les critères d’inscription sur les listes avaient changé, il appartenait au requérant d’adapter ses moyens et ses arguments afin d’en tenir compte, et que, en l’espèce, cette exigence n’était pas satisfaite, la seconde demande d’adaptation se bornant à solliciter l’extension des conclusions de la requête sans apporter d’autre explication ni d’élément de fait et de droit nouveau tenant compte de l’évolution du cadre juridique applicable, notamment de l’introduction de nouveaux critères d’inscription.

 Les conclusions des parties devant la Cour

16      M. Haswani demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué, en ce qu’il déclare irrecevable la seconde demande d’adaptation ;

–        en conséquence, d’ordonner la suppression du nom de « Monsieur George Haswani » des annexes rattachées aux actes du 27 mai 2016 ;

–        d’annuler les actes du 12 octobre 2015 ;

–        de condamner le Conseil de l’Union européenne au paiement d’une somme de 700 000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation de tous préjudices confondus ;

–        de condamner le Conseil aux dépens devant la Cour et à l’ensemble des dépens devant le Tribunal.

17      Le Conseil demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi ;

–        de condamner le requérant aux dépens.

18      En application de l’article 172 du règlement de procédure de la Cour, la Commission européenne, intervenante en première instance, a déposé un mémoire en réponse dans lequel elle fait siennes les conclusions du Conseil et demande à la Cour de rejeter le pourvoi dans son ensemble et de condamner le requérant aux dépens.

 Sur le pourvoi

19      Par ses moyens, qu’il convient d’examiner conjointement, M. Haswani soutient, en substance, que, en déclarant irrecevable la seconde demande d’adaptation aux motifs mentionnés au point 15 du présent arrêt, le Tribunal a entaché son arrêt d’une triple erreur de droit.

 Argumentation des parties

20      M. Haswani reproche au Tribunal une première erreur de droit en ce que celui-ci aurait méconnu l’article 86, paragraphes 4 et 5, du règlement de procédure du Tribunal. Il résulterait de ces dispositions que, si le requérant a omis de joindre à sa requête une copie de l’acte justifiant l’adaptation demandée, le greffier du Tribunal doit expressément l’inviter à régulariser celle-ci dans des délais préalablement fixés, à défaut de quoi elle ne pourrait être rejetée par le Tribunal comme étant irrecevable. Par conséquent, si le défaut de production de l’acte justifiant l’adaptation de la requête n’entraîne pas d’office l’irrecevabilité d’une demande d’adaptation, à plus forte raison devrait-il en aller de même en ce qui concerne la non-production de moyens adaptés.

21      L’arrêt attaqué serait entaché d’une deuxième erreur de droit en ce que le Tribunal aurait considéré qu’il pouvait rejeter comme étant irrecevables les conclusions du second mémoire en adaptation du requérant, sans même examiner si celui-ci s’était vu ou non adresser par le greffier une demande de régularisation.

22      La troisième erreur de droit commise par le Tribunal se rapporterait à la méconnaissance de l’incise « s’il y a lieu », figurant à l’article 86, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, dont il découlerait que la production de moyens et arguments adaptés n’était pas nécessaire dès lors que les critères d’inscription sur les listes avaient changé entre les actes attaqués initialement et les actes ajoutés à la requête par la demande d’adaptation.

23      À cet égard, s’il ne conteste pas que les actes du 12 octobre 2015 ont élargi le nombre des personnes susceptibles de faire l’objet de mesures restrictives, M. Haswani estime « flagrant » que, au–delà de différences légères de formulation, les motifs des mesures prises contre lui au cours de l’année 2016 sont en substance les mêmes que ceux des mesures prises au cours de l’année 2015. Or, le Tribunal a lui–même estimé que ces motifs n’étaient pas étayés, aucun document fourni par le Conseil n’ayant une valeur suffisamment probante s’agissant soit d’articles de presse imprécis, soit d’extraits de pages Internet. Aussi, M. Haswani estime qu’il ne pouvait être tenu de présenter des moyens adaptés à peine d’irrecevabilité de la demande d’adaptation, dès lors que cela eût été « superfétatoire ».

24      Le Conseil émet des doutes concernant la recevabilité du pourvoi, qui ne préciserait pas suffisamment les dispositions du droit de l’Union méconnues, et considère que la deuxième erreur de droit alléguée n’est pas suffisamment étayée.

25      Pour le surplus, le Conseil estime que le pourvoi est manifestement non fondé. Il rappelle les arguments qu’il a fait valoir avec succès au cours de la procédure de première instance dans sa fin de non-recevoir du second mémoire en adaptation.

26      Ces arguments consistent à extrapoler à la demande d’adaptation les exigences attendues des moyens de la requête introductive d’instance, laquelle devrait être, à peine d’irrecevabilité, accompagnée d’un exposé, même sommaire, des moyens invoqués en vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal.

27      Cette institution estime que ce qui a été jugé pour la demande d’adaptation ici en cause est une pratique constante du Tribunal, qui avait déjà rejeté de la même manière une autre demande d’adaptation (arrêt du 28 janvier 2016, Klyuyev/Conseil, T‑341/14, EU:T:2016:47, points 71 à 73).

28      Le Conseil, se fondant sur les conclusions de l’avocate générale dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 9 novembre 2017, HX/Conseil (C‑423/16 P, EU:C:2017:848, point 33), estime que la règle découlant de l’incise « s’il y a lieu » figurant à l’article 86, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal doit être appliquée au cas par cas, et requiert une appréciation de fond, par le Tribunal, de la nécessité de présenter des moyens et arguments adaptés. Cette interprétation découlerait de ce que les exigences de forme, telles que celle figurant à l’article 86, paragraphe 3, sous b), du règlement de procédure du Tribunal, sont destinées à assurer le caractère contradictoire de la procédure et à permettre au Tribunal de statuer de manière éclairée, et ne sont pas une « fin en soi ». Le Tribunal aurait, à cet égard, une certaine marge d’appréciation.

29      La Commission est intervenue au soutien des observations écrites présentées par le Conseil, par le même type d’argumentation. Elle insiste notamment sur le caractère « particulièrement lacunaire » du second mémoire en adaptation. Selon elle, lorsqu’un mémoire est « tellement lacunaire », rien n’empêcherait le Tribunal de déclarer irrecevable la demande d’adaptation dont il ne serait pas mis à même d’apprécier le bien–fondé.

 Appréciation de la Cour

30      Il y a lieu de rejeter d’emblée les objections formulées par le Conseil et la Commission en ce qui concerne la recevabilité du présent pourvoi. En effet, il ressort clairement de celui-ci que, par ses moyens, le requérant reproche au Tribunal d’avoir méconnu l’article 86, paragraphes 4 et 5, de son règlement de procédure, lorsqu’il a jugé, aux points 39 à 47 de l’arrêt attaqué, que la seconde demande en adaptation devait être rejetée comme étant irrecevable, au motif qu’elle ne comportait pas de moyens ni d’arguments adaptés. Ces moyens soulèvent ainsi une question de droit qui peut être soumise à l’examen de la Cour sur pourvoi.

31      Il convient de rappeler que l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal régit les conditions dans lesquelles le requérant peut, par exception au principe d’immutabilité des conclusions, adapter sa requête lorsqu’un acte dont l’annulation est demandée au Tribunal est remplacé ou modifié par un autre acte ayant le même objet (voir, notamment, arrêt du 9 novembre 2017, HX/Conseil, C‑423/16 P, EU:C:2017:848, point 18).

32      En particulier, il résulte du paragraphe 3, sous b), dudit article 86, que le mémoire en adaptation de la requête doit, s’il y a lieu, contenir des moyens et arguments adaptés par rapport à ceux de la requête.

33      L’emploi de l’incise « s’il y a lieu » dans le libellé de cette disposition indique sans ambiguïté que le mémoire en adaptation de la requête ne doit être accompagné de moyens et arguments eux-mêmes adaptés que lorsque cela s’avère nécessaire.

34      Cette conclusion est corroborée à la lumière des finalités de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal.

35      À cet égard, la Cour a déjà jugé que, s’il est parfaitement justifié d’imposer certaines exigences de forme à une adaptation de la requête, de telles exigences ne constituent pas une fin en soi, et sont, au contraire, destinées à garantir le caractère contradictoire de la procédure et la bonne administration de la justice (arrêt du 9 novembre 2017, HX/Conseil, C‑423/16 P, EU:C:2017:848, point 23).

36      Comme l’a relevé M. l’avocat général au point 61 de ses conclusions, il serait contraire à la bonne administration de la justice et à l’économie de la procédure d’exiger d’un requérant ayant adapté ses conclusions qu’il réitère, dans un mémoire en adaptation de la requête, des moyens et arguments identiques à ceux présentés au soutien de ses conclusions dirigées contre l’acte initialement attaqué.

37      Ainsi, lorsqu’un acte ultérieur attaqué par la voie de l’adaptation de la requête est en substance le même qu’un acte initialement attaqué, ou qu’il ne diffère de celui-ci que par des différences purement formelles, il ne peut être exclu que, en n’assortissant pas sa demande d’adaptation de moyens et arguments eux-mêmes adaptés, le requérant ait entendu implicitement mais nécessairement s’en rapporter aux moyens et arguments de sa requête introductive d’instance.

38      Dans un tel cas de figure, il appartient au Tribunal, lorsqu’il examine la recevabilité du mémoire adaptant la requête, de vérifier si l’acte attaqué par la voie de l’adaptation de la requête présente, par rapport à l’acte attaqué par la voie de la requête introductive d’instance, des différences substantielles telles qu’elles rendraient nécessaire une adaptation des moyens et arguments présentés au soutien de la requête introductive d’instance.

39      Si, au terme de cet examen, le Tribunal conclut que c’est à tort que le requérant n’a pas assorti le mémoire adaptant la requête de moyens et arguments eux-mêmes adaptés, il est, contrairement à ce que soutient M. Haswani, habilité, sur le fondement de l’article 86, paragraphe 6, de son règlement de procédure, à prononcer l’irrecevabilité de ce mémoire pour inobservation de la règle de forme prévue au paragraphe 3, sous b), de cet article, comme pour toute inobservation d’une règle prévue audit article.

40      Dans le cadre dudit examen, le Tribunal n’est pas tenu d’inviter préalablement le requérant à régulariser le défaut de production de moyens et arguments adaptés. En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 48 à 57 de ses conclusions, la charge d’apprécier la nécessité d’adapter les moyens et arguments de la requête incombe au requérant, qui a l’initiative du procès et circonscrit le litige, notamment par les conclusions et les moyens qu’il présente, dans le cadre de la demande d’adaptation comme dans le cadre de la requête introductive d’instance (voir, par analogie, arrêt du 14 novembre 2017, British Airways/Commission, C‑122/16 P, EU:C:2017:861, points 86 et 87).

41      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, si, par l’arrêt du 9 novembre 2017, HX/Conseil (C‑423/16 P, EU:C:2017:848, points 22 à 27), la Cour a censuré le Tribunal pour ne pas avoir préalablement mis le requérant à même de régulariser une demande d’adaptation pour défaut de production de l’acte séparé exigé à l’article 86, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, c’était eu égard aux circonstances particulières de l’espèce, en l’occurrence une ambiguïté de la version linguistique du règlement de procédure du Tribunal correspondant à la langue de procédure choisie par le requérant.

42      Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt attaqué dans le cadre du présent pourvoi, pour conclure que M. Haswani aurait dû assortir sa demande d’adaptation de la requête de moyens et arguments adaptés, le Tribunal s’est borné, aux points 41 à 47 de son arrêt, à relever que le cadre juridique des mesures restrictives, et en particulier les motifs d’inscription des intéressés sur les listes en cause, avait évolué depuis l’introduction de la requête initiale, et que les actes attaqués dans le second mémoire en adaptation prenaient notamment en compte cette évolution, sans rechercher s’il existait une différence substantielle entre les motifs individuels retenus contre M. Haswani dans les actes attaqués par la requête introductive d’instance, à savoir les actes du 6 mars 2015 et le règlement d’exécution 2015/828 et ceux retenus contre M. Haswani dans les actes attaqués dans le second mémoire en adaptation, à savoir les actes du 27 mai 2016, lus à la lumière des actes du 12 octobre 2015.

43      Ce faisant, le Tribunal n’a pas procédé à la vérification mentionnée au point 38 du présent arrêt.

44      Il résulte de ce qui précède que le point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué doit être annulé.

 Sur le recours devant le Tribunal

45      Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque la Cour annule la décision du Tribunal, elle peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.

46      Le Tribunal ayant rejeté comme étant irrecevable la seconde demande d’adaptation de la requête sans avoir procédé à la vérification visée au point 38 du présent arrêt ni entendu les parties à cet égard, la Cour considère que le litige n’est pas en état d’être jugé.

 Sur les dépens

47      L’affaire étant renvoyée devant le Tribunal, il convient de réserver les dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :

1)      Le point 1 du dispositif de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 22 mars 2017, Haswani/Conseil (T231/15, non publié, EU:T:2017:200), est annulé.

2)      L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne.

3)      Les dépens sont réservés.

Silva de Lapuerta

Bonichot

Arabadjiev

Regan

 

Rodin





Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 janvier 2019.

Le greffier

 

Le président

A. Calot Escobar

 

K . Lenaerts



*      Langue de procédure : le français.

© European Union
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