Deutsche Lufthansa v Commission (Competition - Judgment) French Text [2019] EUECJ T-492/15 (12 April 2019)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/T49215.html
Cite as: ECLI:EU:T:2019:252, EU:T:2019:252, [2019] EUECJ T-492/15

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ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

12 avril 2019 (*)

« Recours en annulation – Aides d’État – Mesures mises à exécution par l’Allemagne en faveur de l’aéroport de Francfort-Hahn et des compagnies aériennes utilisatrices de cet aéroport – Décision qualifiant les mesures en faveur de l’aéroport de Francfort-Hahn d’aides d’État compatibles avec le marché intérieur et constatant l’absence d’aide d’État en faveur des compagnies aériennes utilisatrices de cet aéroport – Défaut d’affectation individuelle – Défaut d’affectation directe – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑492/15,

Deutsche Lufthansa AG, établie à Cologne (Allemagne), représentée par Me A. Martin-Ehlers, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme K. Herrmann, MM. T. Maxian Rusche et S. Noë, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Land Rheinland-Pfalz (Allemagne), représenté par M. C. Koenig, professeur,

et par

Ryanair DAC, anciennement Ryanair Ltd, établie à Dublin (Irlande), représentée par Me G. Berrisch, avocat, et M. B. Byrne, solicitor,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (UE) 2016/789 de la Commission, du 1er octobre 2014, relative à l’aide d’État SA.21121 (C 29/2008) (ex NN 54/07) mise à exécution par l’Allemagne concernant le financement de l’aéroport de Francfort-Hahn et les relations financières entre l’aéroport et Ryanair (JO 2016, L 134, p. 46),

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),

composé de MM. H. Kanninen, président, J. Schwarcz, C. Iliopoulos, L. Calvo-Sotelo Ibáñez‑Martín (rapporteur) et Mme I. Reine, juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 9 juillet 2018,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        La requérante, Deutsche Lufthansa AG, est une compagnie aérienne établie en Allemagne, dont l’activité principale est le transport de passagers. Son premier aéroport de base est celui de Francfort-sur-le-Main (Allemagne).

2        L’aéroport de Francfort-Hahn est situé en Allemagne, sur le territoire du Land Rheinland-Pfalz (ci-après le « Land »), à environ 120 km à l’ouest de la ville de Francfort-sur-le-Main et à 115 km de l’aéroport de Francfort-sur-le-Main. Jusqu’en 1992, le site sur lequel est implanté l’aéroport de Francfort-Hahn abritait une base militaire. Cette base a par la suite été transformée en aéroport civil. Le 1er avril 1995, la République fédérale d’Allemagne a cédé la propriété de l’infrastructure à Holding Unternehmen Hahn GmbH & Co. KG(ci-après le « Holding Hahn »), un partenariat public-privé auquel participait le Land.

3        Le 1er janvier 1998, Flughafen Frankfurt/Main GmbH (ci-après « Fraport »), qui exploitait et gérait l’aéroport international de Francfort-sur-le-Main, a acquis 64,90 % des parts de Flughafen Hahn GmbH & Co. KG Lautzenhausen (ci-après « Flughafen Hahn »), la société exploitant l’aéroport de Francfort-Hahn.

4        En 1999, l’aéroport de Francfort-Hahn a attiré son premier transporteur à bas coût, Ryanair Ltd (devenue Ryanair DAC, ci-après « Ryanair »). Le premier accord de Flughafen Hahn avec Ryanair est entré en vigueur le 1er avril 1999 (ci-après l’« accord avec Ryanair de 1999 »). D’une durée de cinq ans, l’accord avec Ryanair de 1999 avait pour objet les redevances aéroportuaires dont Ryanair devait s’acquitter.

5        En août 1999, Fraport a acquis 73,37 % des parts du Holding Hahn et 74,90 % des parts de son associé commandité, Holding Unternehmen Hahn Verwaltungs GmbH.

6        Le 31 août 1999, le Land et Fraport ont conclu un accord en vertu duquel Fraport s’engageait à conclure un accord de compensation de résultats. Cet accord a été approuvé à la même date, confirmé par acte notarié le 24 novembre 2000 et est entré en vigueur le 1er janvier 2001. Aux termes de cet accord, Fraport avait droit à tous les bénéfices générés par l’exploitant de l’aéroport de Francfort-Hahn et, en échange, était obligée de couvrir toutes les pertes de ce dernier (ci-après l’« accord de compensation de résultats de 2001 »).

7        Par la suite, Holding Hahn et Flughafen Hahn ont fusionné pour former Flughafen Hahn GmbH, devenue Flughafen Frankfurt-Hahn GmbH (ci-après « FFHG » ou « Francfort-Hahn »), dont 26,93 % du capital était détenu par le Land et 73,07 % par Fraport.

8        Jusqu’au 11 juin 2001, 100 % des parts de Fraport étaient détenues par des actionnaires publics. À cette date, Fraport a été introduite en Bourse et 29,71 % de ses actions ont été vendues à des actionnaires privés, 70,29 % étant demeurées aux mains d’actionnaires publics.

9        Le 16 octobre 2001, le Land a approuvé le barème des redevances aéroportuaires de l’aéroport de Francfort-Hahn, qui est entré en vigueur rétroactivement au 1er octobre 2001 (ci-après le « barème 2001 »).

10      Le 14 décembre 2001 et le 9 janvier 2002, respectivement, Fraport et les actionnaires de FFHG ont décidé une augmentation de capital de FFHG afin de financer la partie la plus urgente d’un programme d’amélioration de l’infrastructure aéroportuaire (ci-après l’« augmentation de capital de 2001 »). L’augmentation de capital de 2001, d’un montant de 27 millions d’euros, a été souscrite par Fraport et par le Land, qui, le 9 janvier 2002, ont contribué, respectivement, à hauteur de 19,7 millions d’euros et de 7,3 millions d’euros.

11      Le 14 février 2002, un deuxième accord a été conclu entre FFHG et Ryanair (ci-après l’« accord avec Ryanair de 2002 »). Il a remplacé l’accord avec Ryanair de 1999.

12      Le 27 novembre 2002, le Land de Hesse (Allemagne), Fraport et FFHG ont conclu un accord concernant le développement de l’aéroport de Francfort-Hahn. Cet accord prévoyait une deuxième augmentation de capital de FFHG, à l’occasion de laquelle le Land de Hesse deviendrait le troisième actionnaire de FFHG.

13      Le 22 mars 2004, un pacte d’actionnaires concernant la participation de Fraport, du Land et du Land de Hesse dans le capital de FFHG (ci-après le « pacte d’actionnaires ») a été préparé. Fraport, le Land et le Land de Hesse ont signé ce pacte le 30 mars 2005.

14      Pour exécuter le pacte d’actionnaires, une augmentation de capital de FFHG de 19,5 millions d’euros a été convenue afin de poursuivre le programme d’investissement visé au point 10 ci-dessus. Entre 2004 et 2009, Fraport, le Land et le Land de Hesse ont injecté, respectivement, 10,21 millions d’euros, 540 000 euros et 8,75 millions d’euros dans FFHG en plusieurs tranches. De plus, le Land et le Land de Hesse se sont engagés à injecter, chacun, 11,25 millions d’euros supplémentaires à titre de réserve de capitaux, conformément à un calendrier de paiements allant jusqu’en 2009.

15      À la suite de l’augmentation de capital décrite au point 14 ci-dessus (ci-après l’« augmentation de capital de 2004 »), dont le montant total s’élevait à 42 millions d’euros, Fraport détenait 65 % des parts de FFHG, contre 17,5 % chacun pour le Land de Hesse et le Land.

16      Le pacte d’actionnaires prévoyait aussi que toute nouvelle dette contractée par FFHG devait être couverte par Fraport, le Land et le Land de Hesse à proportion de leur participation au capital de FFHG et que l’accord de compensation de résultats de 2001 devait être prorogé jusqu’en 2014. Aux fins de se conformer à ces obligations, Fraport et FFHG ont conclu un nouvel accord de compensation de résultats le 5 avril 2004 (ci-après l’« accord de compensation de résultats de 2004 »). L’accord de compensation de résultats de 2004 est entré en vigueur le 2 juin 2004, à la suite de son approbation par l’assemblée générale des actionnaires de Fraport à la majorité des trois quarts requise par le pacte d’actionnaires. Aux termes de l’accord de compensation de résultats de 2004, Fraport s’est engagée à couvrir toutes les pertes subies par FFHG entre 2004 et 2009.

17      De 1997 à 2004, le Land a versé à l’exploitant de Francfort-Hahn des subventions directes (ci-après les « subventions directes du Land »). Les subventions directes du Land versées jusqu’en 2000 avaient pour but de financer des investissements dans l’infrastructure aéroportuaire, tandis que celles versées à partir de 2001 visaient à financer les frais de personnel pour les contrôles de sécurité. Le Land perçoit une taxe de sécurité aéroportuaire de tous les passagers en partance de l’aéroport de Francfort-Hahn auprès des compagnies aériennes utilisatrices dudit aéroport et transfère l’intégralité des recettes de ladite taxe, ainsi que des fonds relevant de son budget général, à l’exploitant de l’aéroport de Francfort-Hahn à titre de compensation pour l’exécution des contrôles de sécurité (ci-après la « compensation pour les contrôles de sécurité »).

18      Le 4 novembre 2005, un avenant est venu s’ajouter à l’accord avec Ryanair de 2002 (ci-après l’« accord avec Ryanair de 2005 »).

19      Entre 2003 et 2006, la Commission des Communautés européennes a reçu plusieurs plaintes relatives à de prétendues aides d’État octroyées par Fraport, le Land et le Land de Hesse à Ryanair et à FFHG. Le 22 septembre 2003 et le 1er juin 2006, l’un des plaignants a adressé des compléments d’information à la Commission.

20      Le 26 avril 2006, un nouveau barème des redevances aéroportuaires pour Francfort-Hahn a été approuvé par le Land (ci-après le « barème 2006 »). Il est entré en vigueur le 1er juin 2006.

21      Par lettres des 25 septembre 2006 et 9 février 2007, la Commission a demandé des renseignements à la République fédérale d’Allemagne, laquelle a déféré à cette demande par lettres des 20 décembre 2006 et 29 juin 2007.

22      Par lettre du 17 juin 2008, la Commission a notifié à la République fédérale d’Allemagne sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, du traité CE (devenu article 108, paragraphe 2, TFUE), pour les aides d’État concernant le financement de Francfort-Hahn et ses relations avec Ryanair (ci-après la « décision d’ouverture de 2008 »). La décision invitant les parties intéressées à présenter leurs observations a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 17 janvier 2009 (JO 2009, C 12, p. 6).

23      Le 31 décembre 2008, Fraport a vendu au Land la totalité de sa participation dans FFHG. À la suite de cette vente, d’une part, le Land détenait une participation majoritaire de 82,5 % dans FFHG, les 17,5 % restants demeurant aux mains du Land de Hesse, et, d’autre part, l’accord de compensation de résultats de 2004 a été résilié.

24      Dans le cadre de la procédure formelle d’examen, la Commission a reçu des observations, notamment, de la requérante et de Ryanair, lesquelles ont été communiquées à la République fédérale d’Allemagne.

25      Le 1er juillet 2009, la République fédérale d’Allemagne a transmis à la Commission ses observations et des renseignements complémentaires.

26      Le 13 juillet 2011, la Commission a décidé d’ouvrir une seconde procédure formelle d’examen concernant des mesures de financement de FFHG prises entre 2009 et 2011. La décision invitant les parties intéressées à présenter leurs observations a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 21 juillet 2012 (JO 2012, C 216, p. 1). Dès lors, deux procédures ont coexisté.

27      Par lettre du 20 février 2012, la Commission a demandé à la République fédérale d’Allemagne de lui fournir de plus amples informations concernant la décision d’ouverture de 2008. La République fédérale d’Allemagne a déféré à cette demande par lettre du 16 avril 2012.

28      Par lettre du 27 juillet 2012, la Commission a adressé une nouvelle demande d’informations complémentaires à la République fédérale d’Allemagne, laquelle a déféré à cette demande par lettre du 4 septembre 2012.

29      La République fédérale d’Allemagne s’est engagée à injecter des capitaux dans FFHG afin de refinancer les prêts de cette dernière destinés au financement des mesures d’infrastructure décidées par les autorités publiques entre 1997 et 2012, qui n’étaient pas couvertes par les accords de compensation de résultats, les augmentations de capital ou les autres subventions (ci-après la « dernière augmentation de capital »).

30      Par lettre du 25 février 2014, la Commission a informé la République fédérale d’Allemagne de l’adoption, le 20 février 2014, des lignes directrices sur les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes (JO 2014, C 99, p. 3, ci-après les « lignes directrices de 2014 »).

31      Par lettres des 23 mars et 4 avril 2014, la Commission a sollicité de nouveaux éclaircissements auprès de la République fédérale d’Allemagne. Par lettres des 17, 24 avril et 9 mai 2014, la République fédérale d’Allemagne a déféré à cette demande.

32      Le 15 avril 2014, une communication a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne invitant les États membres et les parties intéressées à soumettre des observations sur l’application des lignes directrices de 2014 à la présente affaire. La requérante a présenté des observations, que la Commission a transmises à la République fédérale d’Allemagne par lettre du 26 août 2014. Par lettre du 3 septembre 2014, la République fédérale d’Allemagne a informé la Commission qu’elle n’avait aucune observation à formuler.

33      Le 1er octobre 2014, la Commission a adopté la décision (UE) 2016/789, relative à l’aide d’État SA.21121 (C 29/2008) (ex NN 54/07) mise à exécution par l’Allemagne concernant le financement de l’aéroport de Francfort-Hahn et les relations financières entre l’aéroport et Ryanair (JO 2016, L 134, p. 46, ci-après la « décision attaquée »).

II.    Décision attaquée

34      Dans la décision attaquée, la Commission a examiné, d’une part, l’existence d’une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, s’agissant, premièrement, des mesures en faveur de l’aéroport de Francfort-Hahn (voir considérants 292 à 420 de la décision attaquée), deuxièmement, des mesures en faveur de Ryanair (voir considérants 421 à 456, 464 à 484 et 580 de la décision attaquée) et, troisièmement, des mesures en faveur des compagnies aériennes utilisatrices de l’aéroport de Francfort-Hahn, à savoir le barème 2001 et le barème 2006 (voir considérants 457 à 463, 485 à 494 et 581 de la décision attaquée). D’autre part, ayant considéré que certaines des mesures en faveur de l’aéroport de Francfort-Hahn étaient constitutives d’une aide d’État, la Commission a examiné leur compatibilité avec le marché intérieur (voir considérants 497 à 579 de la décision attaquée).

A.      Mesures en faveur de Francfort-Hahn

35      En premier lieu, la Commission a constaté que l’accord de compensation de résultats de 2001 n’était pas constitutif d’une aide d’État. En effet, la Commission a estimé, en substance, que ledit accord avait été définitivement conclu avant l’arrêt du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission (T‑128/98, EU:T:2000:290), c’est-à-dire à une époque où les autorités publiques pouvaient légitimement considérer que les mesures de financement concernant l’aéroport de Francfort-Hahn ne constituaient pas des aides d’État.

36      En deuxième lieu, la Commission a examiné si l’augmentation de capital de 2001 était constitutive d’une aide d’État. À cet égard, tout d’abord, la Commission a considéré que l’augmentation de capital de 2001, d’une part, avait été financée par le budget général du Land et, partant, au moyen de ressources d’État et, d’autre part, était imputable à l’État. En outre, la Commission a estimé que la participation de Fraport à ladite augmentation de capital, d’une part, avait été effectuée au moyen de ressources d’État, puisque Fraport était une entreprise majoritairement publique dont les ressources étaient assujetties au contrôle direct ou indirect de l’État, et, d’autre part, était imputable à l’État, puisque Fraport se considérait comme étant une « entreprise publique dépendante » et que la direction de FFHG avait mené des négociations directes avec le Land et le Land de Hesse, le Land ayant directement incité Fraport à participer à l’augmentation de capital de 2001. Par ailleurs, la Commission a estimé que l’augmentation de capital de 2001 avait conféré un avantage sélectif à FFHG étant donné que la décision de la recapitaliser n’était pas conforme au principe de l’opérateur en économie de marché. Enfin, la Commission a considéré que, du fait, notamment, de la taille de l’aéroport de Francfort-Hahn et de sa proximité avec d’autres aéroports de l’Union européenne, l’augmentation de capital de 2001 était susceptible d’affecter les échanges entre États membres et de fausser la concurrence.

37      En troisième lieu, la Commission a examiné conjointement, en ce qui concerne Fraport, l’augmentation de capital de 2004 et l’accord de compensation de résultats de 2004, étant donné que la conclusion de cet accord, qui devait durer jusqu’au 31 décembre 2014, était une condition préalable à l’augmentation de capital de 2004. La Commission a relevé que l’accord de compensation de résultats de 2004 devait être approuvé par Fraport à la majorité d’au moins trois quarts des voix de l’assemblée générale des actionnaires, laquelle ne pouvait pas être atteinte sans la participation des actionnaires privés de ladite société, puisque les actionnaires publics ne détenaient que 70 % environ de ses parts. La Commission en a déduit que les actionnaires publics ne pouvaient pas contrôler la décision relative à l’approbation par Fraport de l’accord de compensation de résultats de 2004 et, par voie de conséquence, celle relative à l’augmentation de capital de 2004, qui, dès lors, n’étaient pas imputables à l’État.

38      La Commission a donc estimé que l’accord de compensation de résultats de 2004 et la participation de Fraport à l’augmentation de capital de 2004 ne constituaient pas des aides d’État.

39      S’agissant des participations du Land et du Land de Hesse à l’augmentation de capital de 2004, tout d’abord, la Commission a relevé qu’elles avaient été financées à partir de leurs budgets généraux respectifs, c’est-à-dire au moyen de ressources d’État, et qu’elles étaient imputables à l’État. Ensuite, elle a considéré que lesdites participations n’étaient pas conformes au principe de l’opérateur en économie de marché et, partant, avaient conféré un avantage sélectif à FFHG. Enfin, la Commission a rappelé que tout avantage économique sélectif octroyé à FFHG risquait de fausser la concurrence et d’affecter les échanges entre États membres.

40      La Commission a donc conclu que les participations du Land et du Land de Hesse à l’augmentation de capital de 2004 constituaient une aide d’État.

41      En quatrième lieu, la Commission a examiné si la compensation pour les contrôles de sécurité était constitutive d’une aide d’État.

42      À cet égard, tout d’abord, la Commission a relevé que, en vertu de la loi allemande, seuls les coûts liés à la mise à disposition et à l’entretien des espaces et des locaux nécessaires à l’exécution des contrôles de sécurité pouvaient être remboursés par le Land à l’exploitant de l’aéroport de Francfort-Hahn. Ainsi, la Commission a estimé que la prise en charge par le Land du coût des contrôles de sécurité étant allée au-delà des coûts remboursables, elle avait soulagé l’exploitant de l’aéroport de Francfort-Hahn d’une charge qu’il devait normalement supporter et, partant, lui avait conféré un avantage sélectif.

43      Ensuite, la Commission a tenu compte de ce que le montant de la compensation pour les contrôles de sécurité versée par le Land à l’exploitant de l’aéroport de Francfort-Hahn comprenait non seulement les recettes de la taxe de sécurité aéroportuaire collectées auprès des compagnies aériennes, mais aussi des fonds puisés dans le budget général du Land. La Commission en a conclu que cette compensation était financée au moyen de ressources d’État et était imputable à l’État.

44      Par ailleurs, la Commission a rappelé que tout avantage économique sélectif octroyé à l’exploitant de l’aéroport de Francfort-Hahn risquait de fausser la concurrence et d’affecter les échanges entre États membres.

45      Enfin, la Commission a considéré que, dans la mesure où les sommes versées à l’exploitant de l’aéroport de Francfort-Hahn par le Land pour les contrôles de sécurité excédaient les recettes de la taxe de sécurité aéroportuaire collectées auprès des compagnies aériennes, le financement public octroyé à l’exploitant de l’aéroport de Francfort-Hahn à titre de compensation pour les contrôles de sécurité constituait une aide d’État.

46      En cinquième lieu, s’agissant des subventions directes du Land, d’une part, la Commission a estimé que celles octroyées de 1997 à 2000, destinées à financer des investissements dans l’infrastructure aéroportuaire, ne constituaient pas des aides d’État dès lors qu’elles avaient été décidées avant l’arrêt du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission (T‑128/98, EU:T:2000:290). D’autre part, elle a retenu que les subventions directes du Land qui avaient financé, entre 2001 et 2004, des frais de personnel pour les contrôles de sécurité devaient être examinées en tant que possibles aides d’État, puisqu’elles avaient couvert des coûts qui auraient dû être supportés par l’exploitant de l’aéroport de Francfort-Hahn.

47      À cet égard, tout d’abord, la Commission a relevé que les subventions directes du Land versées entre 2001 et 2004, pour un montant total de 1,93 million d’euros, étaient financées au moyen de ressources d’État et étaient donc imputables à l’État. Ensuite, lesdites subventions ayant couvert des coûts qui auraient dû être supportés par l’exploitant de l’aéroport de Francfort-Hahn et ayant uniquement été octroyées à ce dernier, la Commission a considéré qu’elles avaient conféré un avantage économique sélectif audit exploitant. Enfin, la Commission a rappelé que tout avantage économique sélectif octroyé à l’exploitant de l’aéroport de Francfort-Hahn risquait de fausser la concurrence et d’affecter les échanges entre États membres. La Commission a donc conclu que les subventions en cause constituaient des aides d’État.

48      En sixième et dernier lieu, la Commission a estimé que la dernière augmentation de capital, destinée à refinancer les prêts souscrits par FFHG pour financer les améliorations infrastructurelles de l’aéroport de Francfort-Hahn, entre 1997 et 2012, constituait une aide d’État et a renvoyé, à cet égard, aux considérations qu’elle avait énoncées concernant la participation du Land et du Land de Hesse à l’augmentation de capital de 2004 et à la compensation pour les contrôles de sécurité.

49      Ainsi, la Commission a considéré, d’une part, que les aides à l’investissement octroyées illégalement à FFHG, à savoir l’augmentation de capital de 2001, les contributions du Land et du Land de Hesse à l’augmentation de capital de 2004 et la dernière augmentation de capital, étaient compatibles avec le marché intérieur, puisqu’elles remplissaient les critères visés au paragraphe 61 des lignes directrices communautaires sur le financement des aéroports et les aides d’État au démarrage pour les compagnies aériennes au départ d’aéroports régionaux (JO 2005, C 312, p. 1). D’autre part, elle a considéré que les aides au fonctionnement octroyées illégalement à l’exploitant de l’aéroport Francfort-Hahn avant le 4 avril 2014, à savoir la compensation pour les contrôles de sécurité et les subventions directes du Land, étaient compatibles avec le marché intérieur, puisqu’elles remplissaient les critères visés au paragraphe 137 des lignes directrices de 2014.

B.      Mesures en faveur de Ryanair

50      À titre liminaire, aux fins d’apprécier l’existence d’une aide d’État en faveur de Ryanair, la Commission a considéré qu’il y avait lieu de déterminer si l’accord avec Ryanair de 1999, l’accord avec Ryanair de 2002 et l’accord avec Ryanair de 2005 étaient conformes au principe de l’opérateur en économie de marché au moment de leur conclusion. À cet égard, la Commission a relevé que, conformément aux lignes directrices de 2014, aux fins de l’application du principe de l’opérateur en économie de marché, il y avait lieu d’apprécier ex ante la rentabilité supplémentaire de chacun des accords conclus entre Ryanair et l’exploitant de Francfort-Hahn, en tenant compte de tous les coûts et recettes marginaux pertinents associés à chacun de ces accords.

51      La Commission a estimé, en substance, que l’accord avec Ryanair de 1999, l’accord avec Ryanair de 2002 et l’accord avec Ryanair de 2005 respectaient le principe de l’opérateur en économie de marché dans la mesure où ils étaient susceptibles de contribuer à la rentabilité de l’aéroport de Francfort-Hahn, en ce sens que les recettes marginales prévues excédaient les coûts marginaux prévus. La Commission en a conclu que les trois accords en cause n’avaient conféré aucun avantage à Ryanair et, partant, ne comportaient pas d’éléments d’aide.

C.      Barèmes des redevances aéroportuaires

52      La Commission a estimé que le barème 2001 et le barème 2006 étaient conformes au principe de l’opérateur en économie de marché en ce qu’ils avaient progressivement contribué, selon une approche ex ante, à la rentabilité de l’aéroport de Francfort-Hahn.

53      Dès lors, la Commission a estimé que le barème 2001 et le barème 2006 ne conféraient aucun avantage économique aux compagnies aériennes utilisatrices de l’aéroport de Francfort-Hahn qu’elles n’auraient obtenu dans des conditions normales de marché et, partant, qu’ils n’étaient pas constitutifs d’une aide d’État.

D.      Dispositif de la décision attaquée

54      Le dispositif de la décision attaquée est libellé comme suit :

« Article premier

1. L’aide d’État mise illégalement à exécution par l’Allemagne en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE] en faveur de [FFHG] entre 2001 et 2012 au moyen d’augmentations de capital en 2001 d’un montant de 27 millions d’[euros], d’augmentations de capital en 2004 d’un montant de 22 millions d’[euros] et de subventions directes du [Land] […] est compatible avec le marché intérieur.

2. L’augmentation de capital de 2004 par Fraport […] et l’accord de compensation des résultats de 2004 ne constituent pas une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, [TFUE].

Article 2

1. L’accord entre Ryanair et [FFHG], qui est entré en vigueur le 1er avril 1999, ne constitue pas une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, [TFUE].

2. L’accord entre Ryanair et [FFHG] daté du 14 février 2002 ne constitue pas une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, [TFUE].

3. L’“accord Ryanair/[FFHG]-Livraison d’appareils 6 à 18 – années 2005 à 2012” du 4 novembre 2005 ne constitue pas une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, [TFUE].

Article 3

Les barèmes de redevances aéroportuaires qui sont entrés en vigueur le 1er octobre 2001 et le 1er juin 2006 ne constituent pas une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, [TFUE].

Article 4

La République fédérale d’Allemagne est destinataire de la présente décision. »

III. Procédure et conclusions des parties

55      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 août 2015, la requérante a introduit le présent recours.

56      La Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal le 13 novembre 2015.

57      La réplique et la duplique ont été déposées au greffe du Tribunal respectivement les 5 février et 31 mars 2016.

58      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 octobre 2015, Ryanair plc a présenté une demande d’intervention au soutien des conclusions de la Commission. Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 23 octobre 2015, Ryanair plc a informé le Tribunal, conformément à l’article 144, paragraphe 8, du règlement de procédure du Tribunal, qu’elle retirait sa demande d’intervention.

59      Par ordonnance du 18 novembre 2015, le président de la sixième chambre du Tribunal, d’une part, a ordonné la radiation de Ryanair plc de l’affaire T‑492/15 en tant que demanderesse en intervention et, d’autre part, a condamné ladite société à supporter ses propres dépens.

60      Par actes déposés au greffe du Tribunal respectivement les 23 octobre et 17 novembre 2015, Ryanair et le Land ont présenté une demande d’intervention au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnances du 26 février 2016, Deutsche Lufthansa/Commission (T‑492/15, non publiée, EU:T:2016:126), et du 17 mars 2016, Deutsche Lufthansa/Commission (T‑492/15, non publiée, EU:T:2016:193), le président de la sixième chambre du Tribunal a admis, respectivement, l’intervention du Land et celle de Ryanair.

61      Les intervenants, le Land et Ryanair, ont déposé leurs mémoires en intervention au greffe du Tribunal respectivement les 12 mars et 20 mai 2016.

62      Les observations de la requérante sur les mémoires en intervention du Land et de Ryanair ont été déposées au greffe du Tribunal respectivement les 2 mai et 18 juillet 2016.

63      Par lettres déposées au greffe du Tribunal les 7 avril et 15 juillet 2016, respectivement, la Commission a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler sur les mémoires en intervention du Land et de Ryanair.

64      La composition du Tribunal ayant été modifiée, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, le président du Tribunal, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure, a réattribué l’affaire à un nouveau juge rapporteur, qui a été affecté à la première chambre.

65      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 29 avril 2016, la requérante a avancé des considérations additionnelles présentées comme étant des moyens nouveaux. Le Land, Ryanair et la Commission ont déposé leurs observations sur lesdites considérations au greffe du Tribunal respectivement les 19, 26 et 29 août 2016.

66      Le 6 juin 2016, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal (première chambre) a posé à la requérante une question écrite. La requérante a répondu à cette question dans le délai imparti.

67      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

68      Le 6 octobre 2016 la requérante a déposé une nouvelle offre de preuve au greffe du Tribunal.

69      Les observations de la Commission, du Land et de Ryanair sur la nouvelle offre de preuve ont été déposées au greffe du Tribunal respectivement les 28 octobre, 4 et 14 novembre 2016.

70      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 11 avril 2017, la requérante a, une nouvelle fois, avancé des considérations additionnelles présentées comme étant des moyens nouveaux. Le 12 mai 2017, le Land a déposé ses observations sur ces considérations au greffe du Tribunal. La Commission et Ryanair ont déposé leurs observations sur lesdites considérations au greffe du Tribunal le 2 juin 2017.

71      Le 26 mai 2017, la requérante a déposé au greffe du Tribunal une nouvelle offre de preuve.

72      Le 23 juin 2017, le Land et Ryanair ont déposé au greffe du Tribunal leurs observations sur la nouvelle offre de preuve de la requérante. La Commission a déposé ses observations sur ladite offre de preuve au greffe du Tribunal le 28 juin 2017.

73      Le 15 mars 2018, sur proposition de la quatrième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer la présente affaire devant une formation de jugement élargie.

74      Le 22 mai 2018, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a posé des questions écrites à la requérante et à la Commission sur les mesures en faveur de Francfort-Hahn et des questions à toutes les parties sur les mesures en faveur de Ryanair. Par actes déposés au greffe du Tribunal les 8 et 21 juin 2018, les parties ont répondu auxdites questions écrites.

75      Le 5 juin 2018, Ryanair a demandé que Mme R., auteur principal du rapport du cabinet de consultants Oxera, réalisé à sa demande et cité dans la décision attaquée et dans les écritures des parties, fût autorisée à prendre la parole lors de l’audience afin de répondre aux questions éventuelles du Tribunal et à s’exprimer en anglais.

76      Les 15 et 22 juin 2018, la requérante, la Commission et le Land ont déposé au greffe du Tribunal leurs observations sur la demande de Ryanair visée au point 75 ci-dessus. Le Land s’est déclaré d’accord avec cette demande, tandis que les autres parties ont soulevé des objections, notamment sur l’utilisation de l’anglais par Mme R. Le président de la quatrième chambre a déféré ladite demande à la chambre.

77      Par ordonnance du 6 juillet 2018, Deutsche Lufthansa/Commission (T‑492/15, non publiée, EU:T:2018:434), Mme R. a été autorisée à prendre la parole en anglais lors de l’audience en présence et sous le contrôle des représentants de Ryanair.

78      Le 7 juillet 2018, la Commission a déposé au greffe du Tribunal un corrigendum de sa réponse écrite aux questions posées par le Tribunal le 22 mai 2018.

79      Lors de l’audience du 9 juillet 2018, les parties principales ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal. Mme R. n’a pas pris la parole.

80      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

81      La Commission et le Land concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

82      Dans la duplique, la Commission a, en outre, demandé la suppression des références, dans la réplique, au mémoire en défense de la Commission déposé dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 27 avril 2017, Germanwings/Commission (T‑375/15, non publié, EU:T:2017:289).

83      Ryanair conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

IV.    En droit

84      À l’appui de son recours, la requérante soulève, en substance, sept moyens, tirés, le premier, d’une erreur de procédure, les deuxième et troisième, d’erreurs d’appréciation des faits, le quatrième, des contradictions manifestes de la décision attaquée et, les cinquième à septième, de violations de l’article 107 TFUE. Par deux mémoires distincts, la requérante avance en outre des considérations qu’elle présente comme étant des moyens nouveaux.

85      Sans soulever formellement d’exception d’irrecevabilité, la Commission avance trois fins de non-recevoir. Premièrement, à titre principal, elle invoque le manque de cohérence de la requête. Deuxièmement, à titre subsidiaire, elle se prévaut du défaut d’intérêt à agir de la requérante pour demander l’annulation de la décision attaquée pour autant qu’elle concerne les mesures en faveur de Francfort-Hahn. Troisièmement, à titre également subsidiaire, elle invoque le défaut de qualité pour agir de la requérante.

86      Le Land soulève, quant à lui, une fin de non-recevoir additionnelle, tirée de la forclusion du recours.

87      La Commission et les intervenants font aussi valoir que le recours n’est, en tout état de cause, pas fondé.

88      La requérante soutient que le recours est recevable et fondé. Elle ajoute, d’une part, que le Land n’a plus d’intérêt à la solution du litige et a donc perdu sa qualité de partie intervenante et, d’autre part, que le mémoire en défense est irrecevable.

89      En l’espèce, le Tribunal estime qu’il y a lieu d’examiner, dans un premier temps, la recevabilité du mémoire en défense, dans un deuxième temps, si le Land conserve sa qualité de partie intervenante et, dans un troisième temps, la recevabilité du recours. Ce n’est que si le recours est recevable que, dans un quatrième temps, le Tribunal statuera, le cas échéant, sur son bien-fondé.

A.      Sur la recevabilité du mémoire en défense

90      La requérante soutient que le mémoire en défense de la Commission est irrecevable dans son intégralité, au motif qu’il contient des considérations incohérentes et, de ce fait, incompréhensibles. En effet, dans ce mémoire, la Commission s’écarterait de la structure de la décision attaquée sans raison apparente, modifierait l’ordre des éléments à examiner, écarterait arbitrairement des éléments de l’appréciation de certaines mesures et contesterait des faits établis. Par ailleurs, le point 2.2.2.1 dudit mémoire serait précédé d’un titre qui ne correspond pas à son contenu.

91      La Commission conclut au rejet de la présente fin de non-recevoir.

92      Aux termes de l’article 81, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, le mémoire en défense contient les moyens et arguments invoqués. Il s’ensuit que, afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, un tel mémoire n’est recevable que si les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels il se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, de son texte [arrêt du 5 mars 2014, HP Health Clubs Iberia/OHMI – Shiseido (ZENSATIONS), T‑416/12, non publié, EU:T:2014:104, point 18].

93      Or, en l’espèce, il y a lieu de constater que les moyens et les arguments dont se prévaut la Commission ressortent du texte du mémoire en défense avec un degré de clarté et de précision suffisant. Ainsi, il ressort clairement de ce mémoire que la Commission, d’une part, conteste la recevabilité du recours, motif pris du manque de cohérence de la requête et du défaut d’intérêt à agir et de qualité pour agir de la requérante (point 1), et, d’autre part, défend le bien-fondé de la décision attaquée en tant qu’elle porte sur les mesures en faveur de Ryanair (point 2), sur les mesures en faveur de Francfort-Hahn (point 3) et sur les barèmes de redevances (point 4). Même à les supposer avérées, les circonstances que la Commission n’ait pas adhéré à la structure de la décision attaquée, n’ait pas fait référence à l’ensemble des faits que la requérante juge pertinents, conteste des faits prétendument établis et n’ait pas veillé à la concordance entre le contenu d’un point et son intitulé n’enlèveraient rien à la clarté et à la cohérence de cet exposé. Il y a d’ailleurs lieu de relever que, dans la réplique, la requérante a été en mesure d’identifier les arguments présentés dans le mémoire en défense et de répondre à ceux-ci.

94      La fin de non-recevoir tirée du caractère prétendument incohérent du mémoire en défense ne peut donc qu’être rejetée.

B.      Sur l’intervention du Land

95      En réponse aux questions écrites posées par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure et aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience, la requérante a fait valoir que le Land n’avait plus d’intérêt direct et actuel à la solution du litige, dans la mesure où il aurait vendu sa participation dans FFHG au cours de l’été 2017, après l’ordonnance du 26 février 2016, Deutsche Lufthansa/Commission (T‑492/15, non publiée, EU:T:2016:126), par laquelle le président de la sixième chambre du Tribunal l’avait admis à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission. Le Land aurait donc perdu sa qualité de partie intervenante.

96      La Commission et les intervenants contestent l’argumentation de la requérante.

97      En vertu de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, toute personne justifiant d’un intérêt à la solution d’un litige, à l’exclusion des litiges entre États membres, entre institutions de l’Union ou entre États membres, d’une part, et institutions de l’Union, d’autre part, a le droit d’intervenir. L’intérêt à la solution du litige, au sens de l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, s’entend d’un intérêt direct et actuel à ce qu’il soit fait droit aux conclusions au soutien desquelles l’intervention est introduite (ordonnance du 10 janvier 2006, Diputación Foral de Álava et Gobierno Vasco/Commission, T‑227/01, EU:T:2006:3, points 4 et 15). Cet intérêt actuel doit subsister jusqu’à l’issue du litige (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2010, Grèce e.a./Commission, T‑415/05, T‑416/05 et T‑423/05, EU:T:2010:386, points 64 et 65).

98      Il s’ensuit que l’admission du Land à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission, par l’ordonnance du 26 février 2016, Deutsche Lufthansa/Commission (T‑492/15, non publiée, EU:T:2016:126), ne s’oppose pas à ce qu’il soit, au stade de l’arrêt, procédé à un nouvel examen de la recevabilité de son intervention (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, EU:C:1999:358, point 52).

99      En l’espèce, il convient d’observer que, au point 13 de l’ordonnance du 26 février 2016, Deutsche Lufthansa/Commission (T‑492/15, non publiée, EU:T:2016:126), le président de la sixième chambre du Tribunal a, certes, relevé que le Land comptait parmi les « principaux actionnaires » de FFHG .

100    Il y a, cependant, lieu de rappeler que, dans le cadre d’un recours en annulation contre une décision par laquelle la Commission qualifie certaines mesures arrêtées par une entité infraétatique comme ne constituant pas des aides d’État ou les déclare compatibles avec le marché intérieur, l’entité infraétatique ayant arrêté ces mesures justifie d’un intérêt à la solution du litige au sens de l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. En effet, l’arrêt du Tribunal statuant sur un tel litige est susceptible de déboucher sur la remise en cause de la qualification de ces mesures et, donc, de produire des effets juridiques de nature à affecter les intérêts propres de l’entité infraétatique qui en est l’auteur, notamment en remettant en cause sa faculté d’exercer, comme il l’entend, ses compétences (ordonnance du 4 février 2015, Grandi Navi Veloci/Commission, T‑506/14, non publiée, EU:T:2015:102, points 12 à 15).

101    Or, au point 13 de l’ordonnance du 26 février 2016, Deutsche Lufthansa/Commission (T‑492/15, non publiée, EU:T:2016:126), le président de la sixième chambre a conclu que le Land avait justifié d’un intérêt à la solution du litige, motif pris, notamment, de l’intérêt qu’il y avait pour une entité territoriale telle que le Land à intervenir dans un litige qui portait sur la légalité de la décision qui déclarait compatibles avec le marché intérieur plusieurs mesures auxquelles elle avait contribué non seulement en tant qu’actionnaire de FFHG, mais aussi par l’octroi de subventions.

102    En outre, au point 14 de l’ordonnance du 26 février 2016, Deutsche Lufthansa/Commission (T‑492/15, non publiée, EU:T:2016:126), pour conclure que le Land avait un intérêt à la solution du litige, le président de la sixième chambre a également retenu qu’il y avait lieu de tenir compte du fait qu’une annulation de la décision attaquée aurait risqué de remettre en cause les efforts réalisés par le Land depuis les années 1990 pour créer un aéroport destiné à décharger l’aéroport de Francfort-sur-le-Main et à développer la région du Hunsrück en Allemagne.

103    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le Land conserve un intérêt à la solution du litige et n’a, par suite, pas perdu sa qualité de partie intervenante du fait de la vente de ses parts dans FFHG.

C.      Sur la recevabilité du recours

1.      Sur le manque de cohérence de la requête

104    Dans son mémoire en défense, la Commission, soutenue par Ryanair, fait valoir que le recours ne satisfait pas aux exigences de forme prévues à l’article 76, sous d), du règlement de procédure. En effet, selon la Commission, la requête ne fait pas ressortir de façon cohérente les moyens invoqués. D’une part, la partie de la requête où sont décrits ces moyens viserait uniquement l’application du critère de l’investisseur privé et ne couvrirait, par suite, que partiellement les prétendus problèmes que poserait la décision attaquée et qui sont décrits dans les parties précédentes de ladite requête. Lesdits moyens viseraient donc exclusivement l’article 2 de la décision attaquée, en vertu duquel la Commission a, en application du critère de l’investisseur privé, exclu l’existence d’aides d’État en faveur de Ryanair.

105    D’autre part, la partie de la requête où sont décrits les moyens invoqués ne serait ni cohérente ni compréhensible, en tant qu’elle porterait sur un constat prétendument inexact des faits et sur l’appréciation prétendument erronée de ceux-ci dans le cadre de l’application du critère de l’investisseur privé. En effet, l’exposé contenu dans cette partie se réduirait à une simple allégation générale sans explication autre qu’un renvoi global au reste de la requête.

106    La requérante conclut au rejet de la présente fin de non-recevoir.

107    Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige, les moyens et les arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Indépendamment de toute question de terminologie, cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable au regard de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, de la requête elle-même [voir arrêts du 12 mai 2016, Italie/Commission, T‑384/14, EU:T:2016:298, point 38 (non publié) et jurisprudence citée, et du 27 avril 2017, Germanwings/Commission, T‑375/15, non publié, EU:T:2017:289, point 23 et jurisprudence citée].

108    En l’espèce, force est de constater que la requête est présentée selon une structure atypique. En effet, la requête contient une présentation des antécédents du litige et de l’objet du recours (point 1), un résumé de certains des griefs invoqués (point 2), un exposé détaillé de l’ensemble des griefs invoqués (points 3 à 9), un point relatif à la recevabilité du recours (point 10) ainsi que de brèves considérations relatives au « bien-fondé du recours » (point 11).

109    Il ressort, néanmoins, avec un degré de clarté suffisant de la requête que la requérante sollicite l’annulation intégrale de la décision attaquée et soulève à l’appui de cette demande sept moyens distincts. Contrairement à ce que pourrait laisser entendre son intitulé, la partie « Bien-fondé du recours » n’a pas pour objet d’exposer de manière exhaustive et limitative l’ensemble des moyens du recours. Au contraire, cette partie se limite, en substance, à rappeler que certains des griefs invoqués relèvent du contrôle juridictionnel du Tribunal.

110    Il convient d’ailleurs de relever que, comme le fait observer la requérante, la Commission a, dans son mémoire en défense, identifié les moyens invoqués en l’espèce et réfuté de manière détaillée chacun d’entre eux.

111    Il s’ensuit que les moyens et les griefs du recours ressortent du texte de la requête de manière suffisamment claire, précise et cohérente pour permettre à la Commission de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours.

112    Dans ces conditions, la fin de non-recevoir tirée de la prétendue incohérence de la requête doit être écartée.

2.      Sur le défaut de qualité pour agir de la requérante

113    La Commission, soutenue par les intervenants, fait valoir, à titre subsidiaire, que la requérante n’a pas qualité pour agir au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. La Commission soulève deux arguments à l’appui de cette fin de non-recevoir, tirés, le premier, du défaut d’affectation directe et individuelle de la requérante et, le second, de l’absence de caractère réglementaire de la décision attaquée.

114    Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de cette disposition, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

115    L’article 263, quatrième alinéa, TFUE distingue ainsi trois hypothèses dans lesquelles un recours en annulation formé par une personne physique ou morale peut être déclaré recevable et il convient d’examiner si l’une d’entre elles est réalisée en l’espèce pour prendre position sur la présente fin de non-recevoir.

116    D’emblée, il convient de constater que, comme il ressort de l’article 4 de la décision attaquée, celle-ci a pour unique destinataire la République fédérale d’Allemagne et non la requérante. Il en est ainsi, car la procédure de contrôle des aides d’État est, compte tenu de son économie générale, une procédure ouverte à l’égard de l’État membre responsable de l’octroi de l’aide (arrêts du 24 mars 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission, T‑443/08 et T‑455/08, EU:T:2011:117, point 50, et du 12 novembre 2015, HSH Investment Holdings Coinvest‑C et HSH Investment Holdings FSO/Commission, T‑499/12, EU:T:2015:840, point 28). Le présent recours ne saurait donc être déclaré recevable au titre de la première hypothèse prévue par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

117    Dans ces conditions, le présent recours ne peut être déclaré recevable, en vertu des deuxième et troisième hypothèses prévues par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, que si, d’une part, la requérante est directement et individuellement concernée par la décision attaquée ou, d’autre part, elle est directement concernée par la décision attaquée et cette dernière constitue un acte réglementaire qui ne comporte pas de mesures d’exécution (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 19 ; du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑132/12 P, EU:C:2014:100, point 44, et du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 59).

118    En l’espèce, il convient d’examiner, au regard des deuxième et troisième hypothèses prévues par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, la qualité de la requérante pour agir contre la décision attaquée en tant qu’elle porte sur, d’une part, les mesures en faveur de Francfort-Hahn et de Ryanair (voir points 119 à 187 ci-après) et, d’autre part, les barèmes de redevances aéroportuaires (voir points 188 à 212 ci-après).

a)      Sur la qualité de la requérante pour agir contre la décision attaquée en tant qu’elle porte sur les mesures en faveur de Francfort-Hahn et de Ryanair

119    La Commission soutient que la requérante n’a qualité pour agir contre la décision attaquée en tant qu’elle porte sur les mesures en faveur de Francfort-Hahn et de Ryanair ni au titre de la deuxième hypothèse prévue par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE ni au titre de la troisième hypothèse prévue par cette disposition.

120    En l’espèce, le Tribunal considère qu’il y a lieu d’examiner successivement les deux hypothèses visées au point 119 ci-dessus.

1)      Sur la deuxième hypothèse prévue par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE

121    La Commission avance que la requérante n’a pas établi être directement et individuellement concernée par, en premier lieu, les mesures en faveur de Francfort-Hahn et, en second lieu, les mesures en faveur de Ryanair.

122    En premier lieu, la Commission rappelle que l’article 1er de la décision attaquée porte sur l’octroi de mesures en faveur de Francfort-Hahn. Or, la requérante, qui n’exploite pas un aéroport, n’aurait pas expliqué en quoi de telles mesures la concerneraient en sa qualité de compagnie aérienne.

123    La requérante soutient que sa concurrente Ryanair a bénéficié d’un transfert d’une grande partie des mesures en faveur de Francfort-Hahn, ce que la Commission et les intervenants contestent. Dans ses actes déposés au greffe du Tribunal le 29 avril 2016, la requérante soulève à cet égard deux considérations additionnelles, présentées comme des moyens nouveaux, et dont la Commission et les intervenants invoquent l’irrecevabilité.

124    En second lieu, la Commission, soutenue par les intervenants, fait valoir que la requérante est restée en défaut d’établir qu’elle était directement et individuellement concernée par la décision attaquée en tant qu’elle portait sur les mesures en faveur de Ryanair. En effet, d’une part, l’existence d’un rapport de concurrence avec le bénéficiaire de l’aide ne saurait suffire à démontrer que la requérante est directement affectée par la décision attaquée. D’autre part, pour établir son affectation individuelle, la requérante se serait limitée, dans sa requête, à se prévaloir du fait qu’elle avait déposé auprès de la Commission une plainte relative à une aide d’État, sans que cette circonstance puisse suffire à établir que la requérante est individuellement concernée par la décision attaquée.

125    Le Land ajoute que la requérante ne saurait, pour établir son affectation individuelle, se contenter d’invoquer l’existence d’un rapport de concurrence supposé avec le bénéficiaire d’une aide. Il appartiendrait à la requérante d’établir l’existence d’une relation de concurrence spécifique, permettant de l’individualiser par rapport aux simples concurrents du bénéficiaire supposé de l’aide. En l’espèce, la requérante aurait, notamment, pu apporter la preuve concrète du fait que les aides supposées auraient systématiquement été utilisées par Ryanair pour pouvoir proposer, pour des liaisons aériennes déterminées que la requérante exploitait jusqu’alors de manière rentable, des tarifs agressifs ayant pour effet à moyen ou long terme de réduire sa marge bénéficiaire jusqu’au point de menacer son existence. Or, la requérante serait restée en défaut de s’acquitter de la charge de la preuve qui lui incomberait à cet égard. Elle n’aurait pas même désigné les marchés pertinents. Du reste, les liaisons aériennes concernées seraient desservies par une multitude de concurrents, ce qui, selon la jurisprudence, diluerait les effets des mesures en cause au point d’exclure, en principe, toute affectation substantielle de la position de la requérante sur le marché.

126    La requérante conteste l’argumentation de la Commission et du Land. La requérante se prévaut, premièrement, de sa qualité de plaignante et, partant, de sa qualité de partie intéressée, au sens du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), qui revêtiraient une importance capitale, deuxièmement, de ce que sa qualité pour agir n’aurait jamais été remise en cause dans le cadre d’une procédure devant les juridictions allemandes à laquelle elle serait partie depuis 2006 et qui porterait sur des aides d’État octroyées à Ryanair et, troisièmement, de ce que le financement direct et indirect de Ryanair par FFHG a des conséquences substantielles sur la concurrence et, par suite, notamment sur elle. Au soutien de ce dernier argument, la requérante produit, notamment, deux pièces nouvelles, à savoir des extraits de la décision (UE) 2016/2069 de la Commission, du 1er octobre 2014, concernant les mesures SA.14093 (C 76/2002) mises à exécution par la Belgique en faveur de Brussels South Charleroi Airport et Ryanair (JO 2016, L 325, p. 63) (annexe K 83), et un communiqué de presse de Ryanair de mars 2017 (annexe K 84). Quatrièmement, la requérante fait valoir que l’argument du Land relatif à l’absence de preuve d’une relation de concurrence spécifique entre elle et Ryanair est irrecevable, au motif qu’il n’a pas été soulevé par la Commission.

127    En l’espèce, le Tribunal estime que, avant de déterminer si la requérante a établi qu’elle était directement et individuellement concernée par la décision attaquée en tant qu’elle portait sur les mesures en faveur de Francfort-Hahn et de Ryanair, il convient de statuer sur la recevabilité, d’une part, des annexes K 83 et K 84 et, d’autre part, de l’argumentation du Land quant au défaut d’affectation substantielle de la position de la requérante sur le marché.

i)      Sur la recevabilité des annexes K 83 et K 84

128    La Commission, soutenue par les intervenants, rappelle, en substance, que des preuves nouvelles ne peuvent être produites après la clôture de la phase écrite de la procédure, mais peuvent l’être avant celle de sa phase orale à condition que le retard dans leur présentation soit justifié. Or, la requérante n’aurait aucunement justifié la production de ces preuves nouvelles après les deux échanges de mémoires.

129    Aux termes de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, ce n’est qu’« [à] titre exceptionnel [que] les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié ».

130    Cependant, d’une part, il convient d’observer qu’un document, tels que les extraits de la décision 2016/2069 auxquels se réfère la requérante, relève de la pratique décisionnelle de la Commission et ne constitue pas, par suite, une preuve proprement dite, au sens notamment de l’article 85 du règlement de procédure. Une partie a le droit de se référer à cette pratique devant le Tribunal, y compris lorsque, comme en l’espèce, elle est postérieure à la procédure devant la Commission [voir, en ce sens, arrêts du 9 février 2017, International Gaming Projects/EUIPO – adp Gauselmann (TRIPLE EVOLUTION), T‑82/16, non publié, EU:T:2017:66, points 17 et 19, et du 26 octobre 2017, Alpirsbacher Klosterbräu Glauner/EUIPO (Klosterstoff), T‑844/16, EU:T:2017:759, point 57].

131    D’autre part, il y a lieu d’observer que la tardiveté du dépôt, au titre de l’article 85 du règlement de procédure, d’une offre de preuve se justifie exceptionnellement lorsque la partie qui la dépose ne l’a obtenue qu’après la clôture de la phase écrite de la procédure.

132    Or, il y a lieu de constater que le communiqué de presse de Ryanair, qui figure à l’annexe K 84, est postérieur au dépôt de la réplique, effectué le 5 février 2016. Sa production en tant que preuve nouvelle avec l’acte du 26 mai 2017 se justifie donc à titre exceptionnel.

133    Par conséquent, les annexes K 83 et K 84 doivent être déclarées recevables.

ii)    Sur la recevabilité de l’argumentation du Land relative au défaut d’affectation substantielle de la position de la requérante sur le marché

134    En vertu de l’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 142 du règlement de procédure, l’intervention ne peut avoir d’autre objet que le soutien en tout ou en partie des conclusions de l’une des parties principales. Selon la jurisprudence, une partie intervenante peut, néanmoins, faire état d’arguments différents de ceux de la partie qu’elle soutient, à la condition qu’ils ne modifient pas le cadre du litige et que l’intervention vise toujours au soutien des conclusions présentées par cette dernière (arrêts du 8 juin 1995, Siemens/Commission, T‑459/93, EU:T:1995:100, point 21, et du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission, T‑2/03, EU:T:2005:125, point 52).

135    À cet égard, il convient de rappeler que l’exigence d’affectation individuelle visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE est notamment satisfaite si la partie requérante démontre que sa position sur le marché est substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de la décision en cause (arrêts du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, C‑78/03 P, EU:C:2005:761, point 37, et du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 30). Or, dès le mémoire en défense, la Commission a, dans le cadre de sa fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir de la requérante, soutenu que cette dernière n’avait pas établi qu’elle était individuellement concernée par la décision attaquée.

136    Il s’ensuit que l’argumentation du Land relative au défaut d’affectation substantielle de la position de la requérante sur le marché se rattache étroitement aux arguments avancés par la Commission dans son mémoire en défense quant au défaut d’affectation individuelle de la requérante et, par suite, à la fin de non-recevoir de la Commission tirée du défaut de qualité pour agir de la requérante. Par conséquent, il ne saurait être considéré que cette argumentation modifie le cadre du litige ni que l’intervention ne vise plus au soutien des conclusions présentées par la Commission.

137    Il convient donc de conclure que l’argumentation du Land relative au défaut d’affectation substantielle de la position de la requérante sur le marché est recevable.

iii) Sur l’affectation directe et individuelle de la requérante

138    Un recours en annulation n’est recevable au titre de la deuxième hypothèse prévue par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE que si la partie requérante est directement et individuellement concernée par la décision attaquée. Les conditions de l’affectation directe et de l’affectation individuelle par la décision attaquée sont cumulatives (voir, en ce sens, ordonnance du 11 novembre 2014, Nguyen/Parlement et Conseil, T‑20/14, EU:T:2014:955, point 55, et arrêt du 16 mai 2018, Netflix International et Netflix/Commission, T‑818/16, non publié, EU:T:2018:274, point 70). Il suffit donc que l’une de ces conditions fasse défaut pour conclure qu’un recours ne saurait être déclaré recevable au titre de la deuxième hypothèse prévue par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

139    En l’espèce, le Tribunal estime qu’il est opportun de débuter par l’examen de la condition de l’affectation individuelle.

140    À cet égard, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une décision le serait (arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223 ; du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 93, et du 12 mai 2016, Hamr – Sport/Commission, T‑693/14, non publié, EU:T:2016:292, point 32).

141    Dans le domaine des aides d’État, ont été reconnues comme individuellement concernées par une décision de la Commission clôturant la procédure ouverte au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, outre l’entreprise bénéficiaire, les entreprises concurrentes de cette dernière ayant joué un rôle actif dans le cadre de cette procédure, pour autant que leur position sur le marché ait été substantiellement affectée par la mesure d’aide faisant l’objet de la décision attaquée (arrêts du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, EU:C:1986:42, point 25 ; du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C‑260/05 P, EU:C:2007:700, point 55, et du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 98).

142    En l’espèce, la requérante n’est pas bénéficiaire des mesures en faveur de Francfort-Hahn et de Ryanair. Cependant, elle a déposé une plainte auprès de la Commission et a présenté ses observations dans le cadre de la procédure formelle d’examen. Il ressort, notamment, de la décision attaquée que la requérante a soumis à la Commission des informations détaillées et des commentaires au sujet de la décision d’ouverture de 2008 ainsi que des observations concernant l’application des lignes directrices de 2014 à la présente affaire. Il y a donc lieu de constater que la requérante a joué un rôle actif dans le déroulement de la procédure administrative, ce que ne conteste d’ailleurs pas la Commission.

143    Il convient, cependant, d’observer, à l’instar de la Commission, qu’il ne saurait être inféré de la seule participation à la procédure administrative de la partie requérante qu’elle est individuellement concernée par la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C‑260/05 P, EU:C:2007:700, point 60, et ordonnance du 26 septembre 2016, Greenpeace Energy e.a./Commission, T‑382/15, non publiée, EU:T:2016:589, point 39), quand bien même elle aurait, comme en l’espèce, joué un rôle important dans cette procédure administrative, notamment en déposant la plainte à l’origine de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2009, 3F/Commission, C‑319/07 P, EU:C:2009:435, points 94 et 95). La partie requérante doit, en tout état de cause, démontrer que la mesure faisant l’objet de la décision attaquée était susceptible d’affecter substantiellement sa position sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C‑260/05 P, EU:C:2007:700, point 60, et ordonnance du 26 janvier 2012, Mojo Concerts et Amsterdam Music Dome Exploitatie/Commission, T‑90/09, non publiée, EU:T:2012:30, point 33).

144    Dans ces conditions, il convient d’examiner si les mesures en faveur de Francfort-Hahn et de Ryanair étaient susceptibles d’affecter substantiellement la position concurrentielle de la requérante sur le ou les marchés en cause.

145    À cet égard, il importe de souligner que la seule circonstance qu’un acte soit susceptible d’exercer une certaine influence sur les rapports de concurrence existant dans le marché pertinent et que l’entreprise concernée se trouve dans une quelconque relation de concurrence avec le bénéficiaire de cet acte ne saurait suffire pour que ladite entreprise puisse être considérée comme étant individuellement concernée par ledit acte. Dès lors, une entreprise ne saurait se prévaloir uniquement de sa qualité de concurrente par rapport à l’entreprise bénéficiaire (arrêts du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, points 99 et 100, et du 26 septembre 2014, Dansk Automat Brancheforening/Commission, T‑601/11, EU:T:2014:839, point 41).

146    Conformément à une jurisprudence constante, la requérante, à qui incombe la charge de la preuve (voir, en ce sens, ordonnance du 26 septembre 2016, Greenpeace Energy e.a./Commission, T‑382/15, non publiée, EU:T:2016:589, point 68), doit apporter des éléments de nature à établir la particularité de sa situation concurrentielle (voir, en ce sens, ordonnance du 27 mai 2004, Deutsche Post et DHL/Commission, T‑358/02, EU:T:2004:159, point 38, et arrêt du 10 février 2009, Deutsche Post et DHL International/Commission, T‑388/03, EU:T:2009:30, points 49 et 51).

147    Certes, compte tenu de l’étendue du contrôle juridictionnel que le juge de l’Union doit exercer, il ne lui appartient pas, au stade de l’examen de la recevabilité, de se prononcer de façon définitive sur les rapports de concurrence entre la partie requérante et l’entreprise prétendument bénéficiaire de l’aide en cause. Il incombe, néanmoins, à la partie requérante d’indiquer de façon pertinente les raisons pour lesquelles l’aide en cause est susceptible de léser ses intérêts légitimes en affectant substantiellement sa position sur le marché en cause (voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, EU:C:1986:42, point 28, et ordonnance du 26 septembre 2016, Greenpeace Energy e.a./Commission, T‑382/15, non publiée, EU:T:2016:589, point 44). Pour ce faire, la partie requérante doit établir l’importance de l’atteinte à sa position sur ce marché (ordonnance du 27 mai 2004, Deutsche Post et DHL/Commission, T‑358/02, EU:T:2004:159, point 37).

148    Une telle atteinte concurrentielle n’a pas nécessairement à être déduite d’éléments tels qu’une importante baisse du chiffre d’affaires, des pertes financières non négligeables ou encore une diminution significative des parts de marché à la suite de l’octroi de l’aide en question. L’octroi d’une aide d’État peut également porter atteinte à la situation concurrentielle d’un opérateur d’autres manières, notamment en provoquant un manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence d’une telle aide. De même, l’intensité d’une telle atteinte est susceptible de varier selon un grand nombre de facteurs, tels que, notamment, la structure du marché en cause ou la nature de l’aide en question. La démonstration d’une atteinte substantielle portée à la position d’un concurrent sur le marché ne saurait, dès lors, être limitée à la présence de certains éléments indiquant une dégradation des performances commerciales ou financières de la partie requérante (arrêts du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, EU:C:2007:698, points 34 et 35 ; du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 53, et du 26 septembre 2014, Dansk Automat Brancheforening/Commission, T‑601/11, EU:T:2014:839, point 42).

149    La démonstration d’une atteinte de cette nature ne dépend pas non plus directement du montant de l’aide. Elle dépend de l’importance de l’atteinte que cette aide peut porter à la position de la partie requérante sur le marché en cause et peut donc varier pour des aides d’un montant similaire en fonction de critères tels que la taille de ce marché, la nature spécifique de l’aide, la longueur de la période pour laquelle elle a été accordée, le caractère principal ou secondaire de l’activité affectée pour la partie requérante et les possibilités pour celle-ci de contourner les effets négatifs de l’aide. Ainsi, l’appréciation de l’importance de cette atteinte exige, notamment, de la partie requérante qu’elle définisse le marché pertinent et fournisse au Tribunal les principaux éléments relatifs à la structure de ce marché. Il peut, notamment, s’agir d’informations quant au nombre de concurrents actifs sur ledit marché, à leurs parts de marché et à l’éventuelle évolution de celles-ci depuis l’octroi des mesures en cause (voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2014, Sarc/Commission, T‑488/11, non publié, EU:T:2014:497, points 36, 37 et 43).

150    Or, dans la requête et dans la réplique, la requérante n’a pas défini le ou les marchés sur lesquels elle estimait avoir subi une atteinte à sa position concurrentielle, ni a fortiori n’a apporté le moindre élément quant à la taille, à la structure de ce ou ces marchés et à la position qu’elle, Ryanair et leurs éventuels autres concurrents occupaient sur ce ou ces marchés pendant la période pertinente. Dans ses observations sur le mémoire en intervention du Land, la requérante ne définit pas davantage le ou les marchés en cause, mais se contente d’alléguer que la méthode « O&D » à laquelle fait référence le Land, qui consiste à inclure dans un marché pertinent tous les opérateurs substituables entre eux sur une liaison aérienne donnée, n’est pas applicable au domaine des aides d’État. La requérante avance, certes, qu’il est nécessaire de « prendre en compte le renforcement de la position économique de l’ensemble du réseau international de Ryanair ». Elle omet, toutefois, de délimiter les contours de l’éventuel marché sur lequel les effets d’un tel renforcement sur sa position concurrentielle pourraient être appréciés.

151    La requérante ajoute, néanmoins, qu’elle serait individuellement concernée par les mesures en cause quand bien même la méthode « O&D » devait être retenue. En particulier, la requérante avance que les mesures en cause ont permis à Ryanair de déplacer de plus en plus ses activités vers de plus grands aéroports, tels que ceux de Francfort-sur-le-Main, Hambourg (Allemagne), Cologne-Bonn (Allemagne) et Nuremberg (Allemagne). Or, ce serait dans ces aéroports de grande taille que la concurrence entre liaisons aériennes s’exercerait « au sens strict ». Ainsi, Ryanair desservirait, au départ de l’aéroport de Francfort-sur-le-Main, seize liaisons aériennes que la requérante dessert aussi au départ de cet aéroport. Au soutien de son argumentation, la requérante invoque les annexes K 83 et K 84, qui comportent, respectivement, des extraits de la décision 2016/2069 et un communiqué de presse de Ryanair de mars 2017 (voir points 128 à 133 ci-dessus).

152    Lors de l’audience, la requérante s’est également prévalue d’un prétendu chevauchement sur la liaison aérienne entre la paire de villes Francfort-Bologne, assurée au départ de l’aéroport de Francfort-sur-le-Main par elle et au départ de l’aéroport de Francfort-Hahn par Ryanair.

153    À cet égard, premièrement, il convient de rappeler qu’il incombe en principe à la personne qui allègue des faits au soutien d’une demande d’apporter la preuve de leur réalité [ordonnance du 25 janvier 2008, Provincia di Ascoli Piceno et Comune di Monte Urano/Apache Footwear e.a., C‑464/07 P(I), non publiée, EU:C:2008:49, point 9 ; voir également, en ce sens, arrêt du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑274/99 P, EU:C:2001:127, point 113]. Or, en l’espèce, la requérante n’a pas invoqué le moindre élément de preuve aux fins de prouver l’existence des chevauchements dont elle se prévalait. La requérante n’a pas davantage apporté d’éléments qui permettraient de conclure à l’existence d’un lien de causalité entre l’octroi des mesures en faveur de Francfort-Hahn et de Ryanair et le déplacement des activités de Ryanair vers des aéroports de grande taille.

154    Deuxièmement, à supposer même que l’existence des chevauchements dont se prévaut la requérante soit avérée et que les liaisons aériennes sur lesquelles ceux-ci se matérialisent puissent être considérées comme des marchés pertinents, il y aurait lieu de constater que la requérante n’a pas apporté le moindre élément quant à leur structure et à l’effet que l’octroi des mesures en cause aurait pu avoir sur eux. En particulier, la requérante n’a pas fourni au Tribunal d’informations au sujet de la taille de tels marchés ou encore de ses parts, de celles de Ryanair et de celles de leurs éventuels concurrents sur de tels marchés et de l’éventuelle évolution de ces parts depuis l’octroi des mesures en faveur de Ryanair et de Francfort-Hahn. Elle n’a pas non plus apporté d’autres éléments tendant à démontrer qu’elle avait subi, sur de tels marchés, un manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence de ces mesures. Dans ces conditions, il n’est pas établi que l’octroi de ces mesures a affecté de manière substantielle la position concurrentielle de la requérante sur de tels marchés.

155    Il est vrai que la requérante se plaint aussi de l’effet que les mesures en faveur de Ryanair et de Francfort-Hahn ont pu avoir sur sa position concurrentielle non pas sur les liaisons aériennes décrites aux points 151 et 152 ci-dessus, mais sur le marché du transport aérien de passagers en général. La requérante avance ainsi qu’elle se trouve dans un rapport de concurrence avec Ryanair sur ce marché, fait valoir que ledit marché est très concurrentiel et soutient que sa position sur celui-ci a été substantiellement affectée. Ryanair aurait ainsi, notamment, développé son réseau international et national depuis l’aéroport de Francfort-Hahn. Ce dernier aurait été développé comme « base » de Ryanair, sans la participation financière de cette dernière. Cela aurait permis à Ryanair de connaître une forte croissance et d’accroître ses parts sur le marché en cause.

156    Toutefois, la requérante ne définit pas l’étendue géographique d’un tel marché et n’apporte pas davantage d’éléments au sujet de sa structure qu’au sujet de la structure des hypothétiques marchés décrits aux points 151 et 152 ci-dessus. Tout au plus est-il possible de déduire des éléments apportés par la requérante qu’un hypothétique marché du transport aérien de passagers est « très concurrentiel » et se caractérise, comme le souligne le Land par la présence d’un nombre important d’opérateurs, ce qui fait obstacle à ce qu’il soit simplement présumé que la requérante a subi un manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence des mesures en faveur de Ryanair et de Francfort-Hahn (voir, en ce sens, ordonnance du 11 janvier 2012, Phoenix-Reisen et DRV/Commission, T‑58/10, non publiée, EU:T:2012:3, point 50).

157    En tout état de cause, à supposer, comme le fera le Tribunal dans les développements qui suivent, qu’un transfert au bénéfice de Ryanair des mesures en faveur de Francfort-Hahn ait eu lieu et n’ait pas été intégralement effectué par le biais d’autres mesures ayant fait l’objet de la décision attaquée, aucun des six arguments avancés par la requérante pour établir qu’elle a subi une atteinte substantielle à sa position concurrentielle sur un hypothétique marché du transport aérien de passagers du fait des mesures en faveur de Ryanair et de Francfort-Hahn ne saurait prospérer. En effet, les arguments de la requérante se limitent, pour l’essentiel, à faire état de la pression concurrentielle générale que Ryanair et les autres compagnies aériennes à bas coûts exercent sur les compagnies aériennes traditionnelles.

158    Premièrement, la requérante soutient que l’aéroport de Francfort-Hahn se trouve à proximité de l’aéroport de Francfort-sur-le-Main, qui est sa principale base opérationnelle, que les redevances aéroportuaires appliquées à Ryanair étaient trop basses et que la relation commerciale entre l’exploitant de Francfort-Hahn et Ryanair était déficitaire. Cela démontrerait, selon la requérante, d’une part, que les aides accordées à l’aéroport de Francfort-Hahn ont été transférées à Ryanair et, d’autre part, qu’elle aurait été substantiellement affectée au vu de l’importance de ces transferts.

159    Cet argument ne peut qu’être rejeté. En effet, tout d’abord, il convient d’observer que la proximité géographique entre les aéroports de Francfort-Hahn et de Francfort-sur-le-Main (115 km) et la circonstance que le premier se trouverait, par suite, dans l’aire de chalandise du second pourraient, tout au plus, démontrer l’existence d’un rapport de concurrence entre ces deux aéroports. À supposer même que l’existence d’un tel rapport soit avérée et puisse être considérée comme étant indicative de l’existence d’un rapport de concurrence entre la requérante et Ryanair, il suffirait de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 145 ci-dessus, la requérante ne saurait se prévaloir de sa seule qualité de concurrente de l’entreprise bénéficiaire aux fins d’établir l’affectation substantielle de sa position concurrentielle.

160    Ensuite, à supposer même que le caractère prétendument trop peu élevé des redevances aéroportuaires appliquées à Ryanair et que le caractère déficitaire de la relation commerciale entre l’exploitant de Francfort-Hahn et Ryanair traduisent un transfert d’aides en faveur de Ryanair, il ne saurait en être tiré de conclusion quant à l’importance de l’atteinte concurrentielle que la requérante aurait subie. En effet, de telles circonstances portent, de manière générale, sur la nature des avantages dont aurait bénéficié Ryanair et ne sont pas spécifiques aux effets que de tels avantages pourraient avoir eu sur la position concurrentielle de la requérante.

161    Enfin, quant à l’importance alléguée des transferts d’aides dont aurait bénéficié Ryanair, il suffit de rappeler que, comme il ressort du point 149 ci-dessus, la démonstration d’une affectation substantielle de la position d’une partie requérante sur le marché en cause ne dépend pas directement du montant de l’aide accordée.

162    Deuxièmement, la requérante soutient que la flotte de Ryanair a beaucoup crû entre 2009 et 2011, ce qui en aurait fait la compagnie aérienne la plus importante d’Europe par nombre de sièges.

163    Cet argument doit être écarté. Il convient de constater qu’une telle évolution pourrait s’expliquer par des facteurs indépendants des mesures en faveur de Francfort-Hahn et de Ryanair, tels que la croissance de la clientèle recourant au transport aérien. En effet, la requérante n’a pas apporté le moindre élément de preuve tendant à établir un lien de causalité entre l’extension de la flotte de Ryanair et ces mesures. En tout état de cause, la requérante ne se prévaut d’aucune particularité de sa situation susceptible d’établir que sa position concurrentielle a été substantiellement affectée par ladite extension.

164    Troisièmement, la croissance de Ryanair induite par des subventions aurait causé une pression importante sur la requérante. Elle aurait subi des pertes importantes de parts de marché, une chute continue du prix de ses billets et une baisse de recettes. La requérante aurait aussi dû adopter des contre-mesures en lançant sa propre compagnie aérienne à bas coût et été contrainte d’adopter un programme de restructuration dénommé « Score ».

165    Cet argument ne saurait être retenu. S’agissant de la pression qu’aurait causé l’importante croissance de Ryanair sur la requérante, il convient d’observer que cette dernière n’apporte pas le moindre élément de preuve tendant à démontrer que les pertes importantes de parts de marché, la chute continue du prix de billets et la baisse des recettes qu’elle allègue avoir subies et le lancement des contre-mesures qu’elle prétend avoir prises résultent des mesures en faveur de Ryanair et de Francfort-Hahn. Au contraire, les éléments du dossier laissent à penser qu’une telle évolution pourrait être attribuable à d’autres facteurs. Ainsi, dans son rapport d’activité de 2012, produit par la Commission, la requérante explique ses résultats en 2012 par diverses grèves. Elle explique également ses résultats par la concurrence sur le trafic européen, par les coûts pour couvrir les émissions de CO2, par les taxes en Allemagne et en Autriche, par l’interdiction des vols de nuit ainsi que par le prix élevé du kérosène.

166    S’agissant, en particulier, du programme de restructuration Score, il y a lieu de constater que la requérante ne le produit pas et n’étaye donc pas son affirmation selon laquelle cette restructuration trouverait son origine dans la pression concurrentielle exercée par Ryanair grâce aux mesures en faveur de Francfort-Hahn.

167    La requérante fait, certes, référence à un article de presse du 15 juin 2015, qui se rapporterait au programme de restructuration Score. Force est, néanmoins, de constater que la requérante n’a pas non plus produit cet article.

168    Or, à défaut d’avoir produit les pages pertinentes du programme Score ou, à tout le moins, un résumé probant de sa teneur, il ne saurait être exclu que, comme le soutient la Commission, les mesures de réduction des coûts de carburant aient été commandées par l’âge de la flotte de la requérante, que les économies de coûts par des approvisionnements groupés tendaient en réalité à remédier à une intégration défaillante des achats complémentaires et que les économies de coûts par une division des vols intraeuropéens en vols « hub-and-spoke » et vols « point-to- point » (système en étoile ou de vols par correspondance) aient eu pour objet de rectifier la complexité des offres de vols intraeuropéens par la requérante. Enfin, il ne saurait davantage être exclu qu’une part des difficultés ayant justifié le programme Score aient trouvé leur origine, comme le soutient également la Commission, dans les difficultés exposées dans le rapport d’activité de 2012 de la requérante (voir point 165 ci-dessus). Au demeurant, ce rapport d’activité situe le programme Score dans le prolongement des mesures rendues nécessaires par la crise structurelle qu’a connu le secteur de l’aviation en Europe, sans faire aucune référence à la concurrence de Ryanair résultant de sa position à Francfort-Hahn.

169    Quatrièmement, le document de travail de la Commission sur une stratégie de l’aviation pour l’Europe, daté de décembre 2015, illustrerait le fait que le nombre de compagnies aériennes européennes faisant partie des plus grandes au monde, dont la requérante, n’aurait cessé de baisser depuis 2001.

170    Cet argument n’est pas fondé. Il convient, en effet, de constater que le document de travail sur une stratégie de l’aviation pour l’Europe traite des grandes tendances du trafic aérien et n’aborde spécifiquement ni la situation des aéroports de Francfort-Hahn et de Francfort-sur-le-Main ni les rapports entre la requérante et Ryanair. Ainsi, la circonstance que, selon ce document, en 2015, les compagnies à bas coûts représentaient une capacité en sièges de 48 %, tandis que la part des sièges des compagnies traditionnelles serait tombée, la même année, à 38 %, ne permet de tirer aucune conclusion au sujet de l’évolution des positions concurrentielles respectives de la requérante et de Ryanair et, encore moins, de considérer que les mesures en faveur de Ryanair et de Francfort-Hahn auraient eu un effet substantiel sur cette évolution. De surcroît, contrairement à ce que soutient la requérante, le graphique 5 de ce document de travail montre que ces pourcentages s’expliquent par le fait que les compagnies aériennes à bas coûts ont pu conquérir une nouvelle clientèle à la suite de l’ouverture du marché du transport aérien dans les années 1990, tandis que la position sur ce marché des compagnies aériennes traditionnelles telles que la requérante est restée stable et n’a pas connu de pertes substantielles. Or, rien dans ledit document ne démontre que les compagnies aériennes traditionnelles auraient pu conquérir une part plus importante de cette nouvelle clientèle en l’absence d’éventuelles aides d’État en faveur des compagnies aériennes à bas coûts, ni a fortiori que tel aurait pu être le cas de la requérante en l’absence des mesures en faveur de Ryanair et de Francfort-Hahn.

171    Le tableau 2 du document de travail sur une stratégie de l’aviation pour l’Europe donne, il est vrai, un aperçu individualisé des résultats financiers des principaux groupes de compagnies aériennes de l’Union en 2014 et compare ainsi, notamment, le groupe Lufthansa et Ryanair. Il en résulte que, si, en 2014, Ryanair a enregistré des résultats positifs, la situation du groupe Lufthansa est demeurée globalement stable. Ainsi, Ryanair a connu une évolution favorable de ses recettes annuelles de 12,3 %, tandis que celle du groupe Lufthansa n’a baissé que de 0,1 %. Il découle également de ce tableau que, en 2014 toujours, la marge opérationnelle du groupe Lufthansa est demeurée positive.

172    Or, ces éléments ne permettent pas de considérer que, en l’absence des mesures en faveur de Ryanair et de Francfort-Hahn, les résultats financiers de la requérante auraient pu être substantiellement plus favorables. En tout état de cause, il convient de relever que le tableau 2 du document de travail sur une stratégie de l’aviation pour l’Europe porte sur l’évolution des résultats financiers des principaux groupes de compagnies aériennes de l’Union de 2013 à 2014, alors même que les mesures en faveur de Ryanair et de Francfort-Hahn ont été accordées entre 1999 et 2012. Sauf à estimer que les effets de ces mesures sur la position concurrentielle de la requérante ne se sont matérialisés qu’avec plusieurs années de retard, ce que la requérante n’a pas allégué en l’espèce, il ne saurait donc être considéré que le tableau en question permet de tirer la moindre conclusion à cet égard.

173    En outre, si, comme le relève la requérante, le document de travail sur une stratégie de l’aviation pour l’Europe constate que le nombre des compagnies aériennes européennes comptant parmi les principales compagnies aériennes du monde a diminué depuis 2001, elle ne réfute pas l’explication de la Commission selon laquelle cette évolution s’explique par le fait que le marché européen a connu un grand nombre de reprises.

174    Cinquièmement, la requérante se prévaut du considérant 249 de la décision 2004/393/CE de la Commission, du 12 février 2004, concernant les avantages consentis par la Région wallonne et Brussels South Charleroi Airport à la compagnie aérienne Ryanair lors de son installation à Charleroi (JO 2004, L 137, p. 1), dont il ressortirait, notamment, que l’avantage octroyé sous forme d’une prise en charge par l’État de coûts d’exploitation qui incombent normalement à une compagnie aérienne ne fausse pas seulement la concurrence sur une route ou plusieurs routes et sur un segment de marché déterminé, mais permet à cette compagnie aérienne de renforcer sa position économique sur l’ensemble de son réseau par rapport aux compagnies concurrentes.

175    Cet argument ne saurait être accueilli. À cet égard, d’une part, il convient de relever que les critères qu’emploie la Commission pour établir les éléments constitutifs d’une distorsion de concurrence ou de l’affectation des échanges entre États membres, dans le cadre de l’article 107 TFUE, ne remplissent pas les mêmes fonctions et n’ont pas la même finalité que ceux requis pour apprécier la recevabilité d’un recours et définis à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Ainsi, la recevabilité du recours d’une personne privée ne saurait être examinée qu’à l’aune de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir, en ce sens, ordonnance du 21 février 2006, Deutsche Post et DHL Express/Commission, C‑367/04 P, non publiée, EU:C:2006:126, point 47). Or, le considérant 249 de la décision 2004/393 porte exclusivement sur les critères de l’affectation de la concurrence et des échanges entre États membres, au sens de l’article 107 TFUE. La requérante ne saurait donc tirer argument de ce considérant aux fins d’établir l’affectation substantielle de sa position sur le marché en cause.

176    D’autre part, il y a lieu d’observer que le considérant 249 de la décision 2004/393 porte, de manière générale, sur l’effet des aides au fonctionnement sur la concurrence entre compagnies aériennes. Ce considérant ne porte pas spécifiquement sur les effets de telles aides sur la position concurrentielle de la requérante, ni sur les mesures en faveur de Francfort-Hahn et de Ryanair. Il ne saurait donc permettre à la requérante d’établir la particularité de sa situation concurrentielle et de démontrer que sa position concurrentielle est substantiellement affectée.

177    Sixièmement, la requérante avance que, en tant qu’actionnaire de Fraport, elle a été contrainte de participer au financement du développement de l’aéroport de Francfort-Hahn et au subventionnement de Ryanair. En effet, jusqu’à la fin de l’année 2008, Fraport aurait été l’actionnaire majoritaire de FFHG et aurait, en tant que tel, compensé ses pertes et participé à deux augmentations de son capital.

178    Cet argument ne peut qu’être rejeté. En effet, la requérante n’a pas précisé à quelle hauteur elle avait contribué à ce financement en sa qualité d’actionnaire de Fraport, si bien qu’il n’est pas possible de déterminer l’importance de l’atteinte que sa position concurrentielle a pu subir en conséquence.

179    Il découle de ce qui précède que la requérante n’a pas établi avoir subi une importante baisse de son chiffre d’affaires, des pertes financières non négligeables ou encore une diminution significative de ses parts de marché sur le ou les marchés en cause à la suite de l’octroi des mesures en faveur de Ryanair et des mesures en faveur de Francfort-Hahn, quand bien même ces dernières auraient été transférées à Ryanair. La requérante n’a pas davantage établi un manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qu’elle aurait enregistrée en l’absence de ces mesures.

180    Par conséquent, même à supposer que le bénéfice des mesures en faveur de Francfort-Hahn eût été transféré à Ryanair et l’eût été, en tout ou en partie, autrement que par le biais d’autres mesures ayant fait l’objet de la décision attaquée, il ne serait pas pour autant démontré que la situation de la requérante sur le marché en cause avait été substantiellement affectée par ces mesures et par celles en faveur de Ryanair.

181    Dès lors, sans qu’il soit besoin de déterminer si le bénéfice des mesures en faveur de Francfort-Hahn a été transféré à Ryanair et l’a, le cas échéant, été par l’intermédiaire de l’octroi d’autres mesures ayant fait l’objet de la décision attaquée ni, par suite, d’examiner la recevabilité des deux considérations présentées comme étant des moyens nouveaux dans l’acte du 29 avril 2016 et invoquées s’agissant de ce transfert, il y a lieu de conclure que la requérante n’a pas indiqué de façon pertinente les raisons pour lesquelles les mesures en faveur de Francfort-Hahn et de Ryanair, qui font l’objet des articles 1er et 2 de la décision attaquée, sont susceptibles de léser ses intérêts légitimes en affectant substantiellement sa position sur le ou les marchés en cause.

182    La requérante n’ayant, dès lors, pas prouvé à suffisance de droit son affectation individuelle en ce qui concerne les mesures faisant l’objet des articles 1er et 2 de la décision attaquée, il y a lieu de conclure, sans qu’il soit besoin d’examiner le critère de l’affectation directe, que le présent recours, en tant qu’il porte sur ces articles, ne saurait être considéré comme recevable au titre de la deuxième hypothèse prévue par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Dans ces conditions, il convient d’examiner si le présent recours, en tant qu’il porte sur lesdits articles, peut être déclaré recevable au titre de la troisième hypothèse prévue par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

2)      Sur la troisième hypothèse prévue par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE

183    La Commission conteste, en substance, la qualité pour agir de la requérante contre les articles 1er et 2 de la décision attaquée, au titre de la troisième hypothèse prévue par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. En particulier, la Commission relève que la requérante n’affirme pas que la décision attaquée serait un acte réglementaire et que, en tout état de cause, une décision en matière d’aides d’État ne saurait, selon la jurisprudence, revêtir un caractère réglementaire. Elle ajoute que le Tribunal peut examiner cette question d’office.

184    La requérante ne s’est pas explicitement prononcée à cet égard.

185    Un recours en annulation n’est recevable au titre de la troisième hypothèse prévue par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE que s’il est dirigé contre un acte réglementaire qui concerne directement la partie requérante et qui ne comporte pas de mesures d’exécution.

186    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la notion d’« actes réglementaires » vise les actes de portée générale à l’exclusion des actes législatifs (voir, en ce sens, ordonnance du 14 janvier 2015, SolarWorld e.a./Commission, T‑507/13, EU:T:2015:23, point 64 et jurisprudence citée). Selon la jurisprudence, un acte a une portée générale s’il s’applique à des situations déterminées objectivement et s’il produit des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite (voir arrêt du 17 mars 2011, AJD Tuna, C‑221/09, EU:C:2011:153, point 51 et jurisprudence citée). Tel n’est pas le cas d’une décision par laquelle la Commission constate la compatibilité d’une aide d’État individuelle avec le marché intérieur (voir, en ce sens, ordonnance du 3 avril 2014, CFE-CGC France Télécom-Orange/Commission, T‑2/13, non publiée, EU:T:2014:226, point 28, et arrêt du 3 décembre 2014, Castelnou Energía/Commission, T‑57/11, EU:T:2014:1021, point 23).

187    Or, il convient de constater que les mesures en faveur de Ryanair et de Francfort-Hahn n’ont pas été accordées sur le fondement d’un régime d’aides et revêtent donc un caractère individuel. Dans la mesure où elle porte sur ces mesures, la décision attaquée ne s’applique donc pas à des situations déterminées objectivement et ne produit pas d’effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite. Les articles 1er et 2 de la décision attaquée, qui portent sur lesdites mesures, revêtent ainsi une portée individuelle et ne sauraient, par suite, être qualifiés d’actes réglementaires, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Par conséquent, la requérante n’est pas recevable à contester les articles 1er et 2 de la décision attaquée au titre de la troisième hypothèse prévue par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

b)      Sur la qualité de la requérante pour agir contre la décision attaquée en tant qu’elle porte sur les barèmes de redevances aéroportuaires

188    La Commission conteste la qualité de la requérante pour agir contre la décision attaquée en tant qu’elle porte sur le barème 2001 et le barème 2006 au titre tant de la deuxième que de la troisième hypothèse prévue par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

189    En l’espèce, le Tribunal considère qu’il y a lieu d’examiner successivement les deux hypothèses visées au point 188 ci-dessus.

1)      Sur la deuxième hypothèse prévue par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE

190    La Commission soutient que la requérante n’a pas établi qu’elle était directement et individuellement affectée par l’article 3 de la décision attaquée, lequel porte sur le barème 2001 et le barème 2006. Selon la Commission, aucun de ces deux barèmes ne s’applique à Ryanair. En effet, conformément à la législation allemande, les redevances aéroportuaires que doit payer cette compagnie aérienne seraient établies par des contrats de droit privé conclus entre elle et l’exploitant de l’aéroport de Francfort-Hahn. Ces contrats feraient, en l’occurrence, l’objet de l’article 2 de la décision attaquée. Ryanair ne recevrait donc aucune aide sur le fondement du barème 2001 et du barème 2006. Or, le recours serait uniquement dirigé contre les aides reçues par Ryanair. Il serait, par conséquent, irrecevable en tant qu’il porte sur l’article 3 de la décision attaquée.

191    Les intervenants font valoir, d’une façon générale, que, la requérante n’étant pas affectée directement et individuellement par la décision attaquée, elle n’a pas qualité pour agir.

192    La requérante soutient qu’il ne résulte ni de la décision d’ouverture de 2008 ni de la décision attaquée que les barèmes de redevances aéroportuaires ne s’appliquent pas à Ryanair. Au contraire, le considérant 458 de la décision attaquée énoncerait que « [l]e barème 2001 des redevances aéroportuaires s’appliquait à toutes les compagnies aériennes utilisant l’aéroport de Francfort-Hahn ». Or, Ryanair compterait parmi ces compagnies aériennes. La requérante indique, néanmoins, que, selon le considérant 490 de la décision attaquée, le barème 2006 ne semble pas s’appliquer à Ryanair.

193    La requérante ajoute qu’elle aurait qualité pour agir contre l’article 3 de la décision attaquée, quand bien même les barèmes en question ne s’appliqueraient pas, en partie, à Ryanair. En effet, il conviendrait de tenir compte du fait que ces barèmes ont été adoptés après la conclusion des accords de droit privé avec Ryanair. Selon la requérante, la conclusion de ces accords aurait manifestement eu pour objet de garantir des conditions contractuelles particulières à Ryanair et de défavoriser les autres compagnies aériennes par rapport à elle.

194    Au stade de la duplique, d’une part, la Commission concède que le considérant 458 de la décision attaquée suscite l’impression que le barème 2001 s’applique à Ryanair, mais indique qu’il ressort, en substance, du considérant 464 de la même décision que tel n’est pas le cas. D’autre part, la Commission avance que l’argument tiré du caractère discriminatoire des barèmes en cause a été soulevé pour la première fois au stade de la réplique et doit donc être écarté comme étant irrecevable.

195    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, comme il ressort du point 138 ci-dessus, un recours en annulation n’est recevable au titre de la deuxième hypothèse prévue par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE que si la partie requérante satisfait aux conditions cumulatives de l’affectation directe et de l’affectation individuelle.

196    En l’espèce, le Tribunal estime qu’il est opportun de débuter par l’examen de la condition de l’affectation directe.

197    Selon la jurisprudence, la condition de l’affectation directe visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE requiert que l’acte attaqué produise directement des effets sur la situation juridique de la partie requérante et ne laisse aucun pouvoir d’appréciation à ses destinataires qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires (voir arrêt du 13 mars 2008, Commission/Infront WM, C‑125/06 P, EU:C:2008:159, point 47 et jurisprudence citée ; ordonnance du 23 novembre 2015, Milchindustrie-Verband et Deutscher Raiffeisenverband/Commission, T‑670/14, EU:T:2015:906, point 20). Ces critères sont cumulatifs (voir ordonnance du 8 octobre 2015, Agrotikos Synetairismos Profitis Ilias/Conseil, T‑731/14, non publiée, EU:T:2015:821, point 26 et jurisprudence citée), si bien qu’il suffit que l’un d’entre eux fasse défaut pour conclure à l’absence d’affectation directe de la partie requérante.

198    S’agissant, en particulier, des règles relatives aux aides d’État, il convient de souligner que celles-ci ont pour objectif de préserver la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2006, Air Liquide Industries Belgium, C‑393/04 et C‑41/05, EU:C:2006:403, point 27). Ainsi, dans le domaine des aides d’État, le fait qu’une décision de la Commission laisse entiers les effets de mesures nationales dont la partie requérante a, dans une plainte adressée à cette institution, fait valoir qu’elles n’étaient pas compatibles avec cet objectif et la plaçaient dans une situation concurrentielle désavantageuse permet de conclure que cette décision affecte directement sa situation juridique, en particulier son droit, résultant des dispositions du traité FUE en matière d’aides d’État, à ne pas subir une concurrence faussée par les mesures nationales en cause (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, EU:C:1986:42, point 30 ; du 6 juillet 1995, AITEC e.a./Commission, T‑447/93 à T‑449/93, EU:T:1995:130, point 41, et du 22 octobre 1996, Skibsværftsforeningen e.a./Commission, T‑266/94, EU:T:1996:153, point 49).

199    En l’espèce, pour établir son affectation directe par la décision attaquée en tant qu’elle concerne le barème 2001 et le barème 2006, la requérante soulève, en substance, deux arguments. En premier lieu, elle se prévaut de sa qualité de concurrente de Ryanair, laquelle aurait bénéficié du barème 2001 et du barème 2006.

200    Cet argument ne saurait prospérer. En effet, il ne ressort pas des pièces du dossier que le barème 2001 et le barème 2006 étaient applicables à Ryanair. D’une part, comme le reconnaît la requérante, il ressort expressément du considérant 490 de la décision attaquée que le barème 2006 ne s’appliquait pas à Ryanair du fait de l’accord individuel que cette dernière avait conclu avec FFHG.

201    D’autre part, il est vrai que le considérant 458 de la décision attaquée indique que le barème 2001 s’appliquait à « toutes les compagnies aériennes utilisatrices de l’aéroport de Francfort-Hahn ». Ryanair comptant parmi ces compagnies aériennes, il pourrait être considéré que ce considérant laisse entendre que le barème 2001 s’appliquait aussi à Ryanair. Il ressort, cependant, de la décision attaquée et des écritures de la Commission que, lors de la période pertinente, les redevances applicables à Ryanair étaient régies par des accords privés dérogatoires à ce barème.

202    La requérante n’a pas apporté le moindre élément de droit allemand permettant de conclure que le barème 2001 s’appliquait à Ryanair malgré la conclusion d’accords privés entre Ryanair et Francfort-Hahn ou en complément de ceux-ci, alors même que la charge lui en incombait (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 20 septembre 2012, France/Commission, T‑154/10, EU:T:2012:452, point 65, et du 15 décembre 2016, Abertis Telecom Terrestre et Telecom Castilla-La Mancha/Commission, T‑37/15 et T‑38/15, non publié, EU:T:2016:743, point 118). Au contraire, elle s’est contentée d’invoquer le considérant 458 de la décision attaquée et a elle-même reconnu que « certains éléments sembl[ai]ent indiquer » que le barème 2001 était « en partie » inapplicable à Ryanair.

203    Il découle de ce qui précède que la requérante n’a pas prouvé l’applicabilité du barème 2001 et du barème 2006 à Ryanair. La requérante n’a donc pas dûment établi que la décision attaquée en ce qu’elle concernait lesdits barèmes l’affectait directement en tant qu’elle était une concurrente de Ryanair.

204    En second lieu, la requérante fait valoir que les barèmes de redevances ont été adoptés après la conclusion avec Ryanair des contrats de droit privé visés aux points 4, 11 et 18 ci-dessus, dans le but de garantir les conditions contractuelles particulières de Ryanair et de défavoriser les autres compagnies aériennes utilisatrices de l’aéroport de Francfort-Hahn par rapport à Ryanair. Cela aurait pour effet de discriminer ces autres compagnies aériennes.

205    À cet égard, d’une part, il convient d’observer que, pour démontrer l’affectation directe de sa situation juridique, au sens de la jurisprudence citée au point 197 ci-dessus, une partie requérante ne saurait faire valoir des arguments qui ne lui sont pas propres. En l’espèce, la requérante se prévaut, en substance, d’une discrimination qui aurait affecté les compagnies aériennes utilisatrices de l’aéroport de Francfort-Hahn autres que Ryanair. Or, la requérante ne compte pas parmi ces compagnies aériennes. Elle ne saurait donc se prévaloir d’une telle discrimination pour démontrer que la décision attaquée en tant qu’elle concerne le barème 2001 et le barème 2006 l’affecte directement.

206    D’autre part et en tout état de cause, il convient d’observer que la requérante n’a pas allégué et, a fortiori, n’a pas prouvé se trouver dans un rapport de concurrence avec les compagnies aériennes utilisatrices de l’aéroport de Francfort-Hahn autres que Ryanair. En effet, la requérante se borne à alléguer que ces barèmes discriminent lesdites compagnies aériennes par rapport à Ryanair. La requérante est donc restée en défaut d’établir que le barème 2001 et le barème 2006, dans la mesure où ils s’appliquaient à ces compagnies aériennes, la plaçaient dans une situation concurrentielle désavantageuse.

207    Par conséquent, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante tiré du caractère prétendument discriminatoire du barème 2001 et du barème 2006, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur son caractère tardif, allégué par la Commission.

208    Dès lors, sans qu’il soit besoin de déterminer si l’article 3 de la décision attaquée laisse un pouvoir d’appréciation à son destinataire, au sens de la jurisprudence citée au point 197 ci-dessus, il convient de conclure que la requérante n’a pas établi son affectation directe en ce qui concerne les mesures faisant l’objet de l’article 3 de la décision attaquée. Par conséquent, il ne saurait être considéré que le présent recours, en tant qu’il porte sur l’article 3 de la décision attaquée, est recevable au titre de la deuxième hypothèse prévue par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

2)      Sur la troisième hypothèse prévue par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE

209    Pour des motifs analogues à ceux exposés au point 183 ci-dessus, la Commission conteste, en substance, la qualité pour agir de la requérante contre l’article 3 de la décision attaquée, au titre de la troisième hypothèse prévue par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

210    La requérante ne s’est pas explicitement prononcée à cet égard.

211    À cet égard, il convient de rappeler que le critère de l’affectation directe est identique dans les deuxième et troisième hypothèses prévues par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (ordonnance du 13 mars 2015, European Coalition to End Animal Experiments/ECHA, T‑673/13, EU:T:2015:167, point 67).

212    Or, aux points 195 à 208 ci-dessus, dans le cadre de l’examen de la deuxième hypothèse prévue par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, le Tribunal a jugé que la requérante n’était pas directement concernée par l’article 3 de la décision attaquée. Elle ne saurait donc pas non plus l’être pour les besoins de la troisième hypothèse prévue par cette disposition. Il s’ensuit que la requérante n’a pas établi qu’elle avait qualité pour agir contre l’article 3 de la décision attaquée, au titre de la troisième hypothèse prévue par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

213    La requérante étant ainsi restée en défaut d’établir qu’elle avait qualité pour agir contre les articles 1er à 3 de la décision attaquée, il y a lieu de rejeter le recours comme étant irrecevable dans son ensemble, sans qu’il soit besoin d’examiner les fins de non-recevoir tirées du prétendu défaut d’intérêt à agir de la requérante à l’encontre de l’article 1er de ladite décision et de la forclusion du recours et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la demande de la Commission tendant à la suppression, dans la réplique, des références au mémoire en défense déposée dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 27 avril 2017, Germanwings/Commission (T‑375/15, non publié, EU:T:2017:289), lesquelles portent sur le seul fond de l’affaire. Cette conclusion procédant de l’application de règles de recevabilité propres au contentieux de l’Union (voir, notamment, points 113 à 117 ci-dessus), elle s’impose, contrairement à ce que laisse entendre la requérante, quand bien même sa qualité pour agir n’aurait jamais été remise en cause dans le cadre d’une procédure devant les juridictions allemandes à laquelle elle serait partie depuis 2006 et qui porterait sur des aides d’État octroyées à Ryanair.

V.      Sur les dépens

214    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

215    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission et des intervenants.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Deutsche Lufthansa AG est condamnée aux dépens.

Kanninen

Schwarcz

Iliopoulos

Calvo-Sotelo Ibáñez-Martín

 

Reine

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 avril 2019.

Signatures


Table des matières 


I. Antécédents du litige

II. Décision attaquée

A. Mesures en faveur de Francfort-Hahn

B. Mesures en faveur de Ryanair

C. Barèmes des redevances aéroportuaires

D. Dispositif de la décision attaquée

III. Procédure et conclusions des parties

IV. En droit

A. Sur la recevabilité du mémoire en défense

B. Sur l’intervention du Land

C. Sur la recevabilité du recours

1. Sur le manque de cohérence de la requête

2. Sur le défaut de qualité pour agir de la requérante

a) Sur la qualité de la requérante pour agir contre la décision attaquée en tant qu’elle porte sur les mesures en faveur de Francfort-Hahn et de Ryanair

1) Sur la deuxième hypothèse prévue par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE

i) Sur la recevabilité des annexes K 83 et K 84

ii) Sur la recevabilité de l’argumentation du Land relative au défaut d’affectation substantielle de la position de la requérante sur le marché

iii) Sur l’affectation directe et individuelle de la requérante

2) Sur la troisième hypothèse prévue par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE

b) Sur la qualité de la requérante pour agir contre la décision attaquée en tant qu’elle porte sur les barèmes de redevances aéroportuaires

1) Sur la deuxième hypothèse prévue par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE

2) Sur la troisième hypothèse prévue par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE

V. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’allemand.

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