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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Abertis Telecom Terrestre v Commission (Judgment) French Text [2016] EUECJ T-37/15 (15 December 2016) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2016/T3715.html Cite as: [2016] EUECJ T-37/15, ECLI:EU:T:2016:743, EU:T:2016:743 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
15 décembre 2016 (*)
« Aides d’État – Télévision numérique – Aide au déploiement de la télévision numérique terrestre dans des zones éloignées et moins urbanisées de Castille-La Manche – Décision déclarant les aides incompatibles avec le marché intérieur – Notion d’entreprise – Activité économique – Avantage – Service d’intérêt économique général – Distorsion de concurrence – Article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE – Aides nouvelles »
Dans les affaires jointes T‑37/15 et T‑38/15,
Abertis Telecom Terrestre, SA, établie à Barcelone (Espagne),
Telecom Castilla-La Mancha, SA, établie à Tolède (Espagne),
représentées initialement par Mes J. Buendía Sierra, A. Lamadrid de Pablo, A. Balcells Cartagena et M. Bolsa Ferruz, puis par Mes Buendía Sierra, Lamadrid de Pablo et Bolsa Ferruz, avocats,
parties requérantes,
contre
Commission européenne, représentée par M. É. Gippini Fournier, Mme P. Němečková et M. B. Stromsky, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenue par
SES Astra, établie à Betzdorf (Luxembourg), représentée par Mes F. González Díaz, F. Salerno et V. Romero Algarra, avocats,
partie intervenante,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2014) 6846 final de la Commission, du 1er octobre 2014, relative à l’aide d’État SA.27408 [(C 24/2010) (ex NN 37/2010, ex CP 19/2009)] accordée par les autorités de Castille-La Manche en faveur du déploiement de la télévision numérique terrestre dans des zones éloignées et moins urbanisées de Castille-La Manche, telle que modifiée par la décision C(2015) 7193 final, du 20 octobre 2015, corrigeant certaines erreurs contenues dans la décision C(2014) 6846 final,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre),
Composé, lors des délibérations, de MM. A. Dittrich (rapporteur), président, J. Schwarcz et Mme V. Tomljenović, juges,
greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 26 mai 2016,
rend le présent
Arrêt
Antécédents des litiges
1 Les présentes affaires concernent des mesures mises à exécution par les autorités espagnoles dans le cadre du passage de la radiodiffusion analogique à la radiodiffusion numérique en Espagne en ce qui concerne la communauté autonome de Castille-La Manche (Espagne). Cette numérisation, qui peut techniquement être effectuée par le biais des plates-formes terrestre, satellitaire ou câblée ou par le biais des accès à haut débit sur Internet, permet une utilisation plus efficace du spectre de fréquences radio. Dans la radiodiffusion numérique, le signal de télévision résiste mieux aux interférences et peut être accompagné d’une série de services complémentaires qui donnent une valeur ajoutée à la programmation. En outre, le processus de numérisation permet d’obtenir ce qu’il est convenu d’appeler le « dividende numérique », c’est-à-dire des fréquences libérées, puisque les technologies de la télévision numérique occupent un spectre bien moins large que les technologies analogiques. C’est en raison de ces avantages que la Commission européenne a encouragé, dès 2002, la numérisation dans l’Union européenne.
2 Le Royaume d’Espagne a instauré le cadre réglementaire nécessaire pour promouvoir le processus de transition de la radiodiffusion analogique à la radiodiffusion numérique, en promulguant notamment la Ley 10/2005 de Medidas Urgentes para el Impulso de la Televisión Digital Terrestre, de Liberalización de la Televisión por Cable y de Fomento del Pluralismo (loi 10/2005 établissant des mesures urgentes en vue du développement de la télévision numérique terrestre, de la libéralisation de la télévision par câble et encourageant le pluralisme) du 14 juin 2005 (BOE n° 142, du 15 juin 2005, p. 20562, ci-après la « loi 10/2005 ») et le Real Decreto 944/2005 por el que se aprueba el Plan técnico nacional de la televisión digital terrestre (décret royal 944/2005 portant approbation du programme technique national en faveur de la télévision numérique terrestre) du 29 juillet 2005 (BOE n° 181, du 30 juillet 2005, p. 27006, ci-après le « décret royal 944/2005 »). Ce décret royal a imposé aux radiodiffuseurs nationaux de couvrir 96 % de la population dans le cas du secteur privé et 98 % de la population dans le cas du secteur public sur leur territoire respectif.
3 Afin de gérer le passage de la télévision analogique à la télévision numérique, les autorités espagnoles ont divisé le territoire espagnol en trois zones distinctes :
– dans la zone I, qui comprend 96 % de la population espagnole et qui a été considérée comme commercialement rentable, le coût du passage au numérique a été supporté par les radiodiffuseurs publics et privés ;
– dans la zone II, qui comprend des régions moins urbanisées et éloignées représentant 2,5 % de la population espagnole, les radiodiffuseurs, à défaut d’intérêt commercial, n’ont pas investi dans la numérisation, ce qui a amené les autorités espagnoles à mettre en place un financement public ;
– dans la zone III, englobant 1,5 % de la population espagnole, la topographie exclut la transmission numérique terrestre, de sorte que le choix s’est porté sur la plate-forme satellitaire.
4 Par décision du 7 septembre 2007, le conseil des ministres espagnol a adopté le programme national en faveur du passage à la télévision numérique terrestre (ci-après la « TNT ») portant mise en œuvre du programme technique national prévu par le décret royal 944/2005. Ledit programme a divisé le territoire espagnol en 90 projets techniques de passage et a fixé une date limite pour la fin de la radiodiffusion analogique pour chacun de ces projets. L’objectif fixé dans ce programme était d’atteindre une couverture de la population espagnole par le service de TNT analogue à la couverture de ladite population par la télévision analogique en 2007, à savoir plus de 98 % de cette population.
5 Dès lors que les obligations de couverture fixées pour la TNT (voir point 2 ci-dessus) risquaient de conduire à une couverture de la population espagnole moindre que la couverture de ladite population par la radiodiffusion analogique préexistante, il était nécessaire de garantir la couverture télévisuelle dans la zone II. Les présentes affaires ne portent que sur le financement public accordé par les autorités espagnoles pour soutenir le processus de numérisation terrestre dans ladite zone, et plus particulièrement sur le financement de ce processus à l’intérieur des régions de Castille-La Manche qui sont situées dans cette zone.
6 Le 29 février 2008, le ministère de l’Industrie, du Tourisme et du Commerce espagnol (ci-après le « MITC ») a adopté une décision destinée à améliorer les infrastructures de télécommunication et à fixer les critères et la répartition du financement des actions menées en faveur du développement de la société de l’information dans le cadre d’un plan intitulé « Plan Avanza ». Le budget approuvé en vertu de cette décision a été alloué en partie à la numérisation de la télévision dans la zone II.
7 Entre juillet et novembre 2008, la numérisation dans la zone II a été conduite au moyen de différents addendums aux conventions-cadres de 2006 en vigueur signés par le MITC et les communautés autonomes du Royaume d’Espagne dans le cadre du Plan Avanza. À la suite de ces addendums, le MITC a transféré des fonds aux communautés autonomes, qui se sont engagées à couvrir les autres dépenses liées à l’opération avec leurs propres ressources budgétaires.
8 Le 17 octobre 2008, le conseil des ministres espagnol a décidé d’assigner des fonds supplémentaires pour étendre et compléter la couverture de la TNT dans le cadre des projets de passage qui devaient être mis en œuvre au cours du premier semestre de 2009. Les fonds ont été accordés après la signature de nouvelles conventions-cadres entre le MITC et les communautés autonomes en décembre 2008, relatives à la mise en œuvre du programme national en faveur du passage à la TNT. Le 29 mai 2009, ledit conseil des ministres a approuvé les critères de répartition des fonds alloués au financement des initiatives en faveur du passage à la TNT.
9 Après la signature des addendums aux conventions-cadres de 2008 relatifs à l’extension de couverture de la TNT et la publication de ces conventions-cadres et de ces addendums au Boletín Oficial del Estado, les communautés autonomes ont engagé le processus d’extension. À cet effet, elles ont procédé à l’organisation d’appels d’offres ou ont confié cette organisation à des entreprises privées. Dans certains cas, les communautés autonomes ont demandé aux communes de se charger de l’extension.
10 Les autorités de Castille-La Manche, à la différence de celles de la majorité des autres communautés autonomes d’Espagne, n’ont pas organisé d’appels d’offres régionaux en vue de l’extension de la couverture. Ces autorités ont plutôt choisi de suivre une procédure spéciale, établie par le Decreto 347/2008 por el que se regula la concesión de subvenciones directas para la ejecución del plan de transición a la televisión digital terrestre en Castilla-La Mancha (décret 347/2008 portant réglementation de l’octroi de subventions directes pour l’exécution du programme de passage à la TNT en Castille-La Manche) du 2 décembre 2008 (Diario oficial de Castilla-La Mancha n° 250, du 5 décembre 2008, p. 38834, ci-après le « décret 347/2008 »).
11 Le décret 347/2008 prévoyait l’allocation directe des fonds nécessaires à la numérisation aux titulaires des centres d’émission existants. Il convient de distinguer trois situations différentes. Premièrement, lorsque les centres d’émission appartenaient à une collectivité locale, c’est cette dernière qui a conclu, sur la base d’un mémoire technique élaboré par un opérateur de télécommunications, une convention avec le gouvernement de Castille-La Manche pour obtenir le financement de celui-ci. Après avoir reçu ce financement, ces collectivités locales ont acheté l’équipement numérique à leur opérateur de télécommunications et ont sous-traité l’installation, l’exploitation et la maintenance de l’équipement à celui-ci. Deuxièmement, lorsque les centres d’émission appartenaient à un opérateur de télécommunications privé, ce dernier concluait, après avoir présenté une solution technique, une convention avec le gouvernement de Castille-La Manche pour obtenir des fonds de celui-ci pour numériser son équipement. Troisièmement, dans la mesure où il a été nécessaire de construire 20 nouveaux centres d’émission, 14 ont été construits sur la base de conventions conclues entre le gouvernement de Castille-La Manche et les collectivités locales tandis que 6 l’ont été sur la base d’une convention conclue entre ledit gouvernement et un opérateur de télécommunications.
12 Conformément aux conventions conclues, le gouvernement de Castille-La Manche a financé l’acquisition des équipements numériques, leur installation ainsi que leur exploitation et leur maintenance pendant les deux premières années pour chaque centre d’émission numérisé. Ainsi, 475 centres d’émission étaient détenus par les collectivités locales, tandis que 141 ont fait l’objet des fonds octroyés à deux opérateurs de télécommunications, à savoir la requérante dans l’affaire T‑38/15, Telecom Castilla-La Mancha, SA (ci-après « Telecom CLM »), en ce qui concerne 138 centres d’émission, et la requérante dans l’affaire T‑37/15, Abertis Telecom Terrestre, SA (ci-après « Abertis »), en ce qui concerne 3 centres d’émission.
13 Le montant total des fonds publics consacrés à l’amélioration des centres d’émission en Castille-La Manche s’est élevé à près de 46 millions d’euros, dont 32,6 millions d’euros ont été alloués directement aux collectivités locales, au moins 13,2 millions d’euros à Telecom CLM et environ 250 000 euros à Abertis. Le montant total des fonds utilisés pour la période allant de 2009 à 2011 aux fins de l’exploitation et de la maintenance des centres numérisés s’est élevé à au moins 6,5 millions d’euros, tandis qu’un montant total de 2,26 millions d’euros, octroyé à Telecom CLM, a été affecté à la construction des nouveaux centres d’émission.
14 Les 14 janvier et 18 mai 2009, la Commission a reçu deux plaintes émanant, d’une part, de Radiodifusión Digital SL, un opérateur local de télécommunications et de télévision terrestre, et, d’autre part, de SES Astra, un opérateur européen de satellites. Ces plaintes portaient sur un régime d’aides présumé des autorités espagnoles en faveur du passage de la télévision analogique à la télévision numérique dans la zone II. Selon lesdits opérateurs, cette mesure comportait une aide non notifiée qui aurait créé une distorsion de concurrence entre la plate-forme de radiodiffusion terrestre et celle de radiodiffusion satellitaire. En outre, Radiodifusión Digital a indiqué que la mesure en cause avait créé une distorsion de concurrence entre les opérateurs de plates-formes nationaux et les opérateurs de plates-formes locaux.
15 Par lettre du 29 septembre 2010, la Commission a informé le Royaume d’Espagne de sa décision d’ouvrir la procédure visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE concernant l’aide en question dans la région de Castille-La Manche (ci-après la « décision d’ouverture »). Le même jour, la Commission a indiqué au Royaume d’Espagne qu’elle avait ouvert une procédure formelle indépendante concernant l’aide en question sur l’ensemble du territoire espagnol, à l’exception de la communauté autonome de Castille-La Manche (JO 2010, C 337, p. 17). Par la publication de la décision d’ouverture, le 11 décembre 2010, au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2010, C 335, p. 8), la Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations.
16 Le 19 juin 2013, la Commission a adopté la décision 2014/489/UE relative à l’aide d’État SA.28599 [(C 23/2010) (ex NN 36/2010, ex CP 163/2009)] accordée par le Royaume d’Espagne en faveur du déploiement de la télévision numérique terrestre dans des zones éloignées et moins urbanisées (excepté en Castille-La Manche) (JO 2014, L 217, p. 52).
17 Après avoir reçu des observations de la part des autorités espagnoles et d’autres parties intéressées, la Commission a adopté, le 1er octobre 2014, la décision C(2014) 6846 final relative à l’aide d’État SA.27408 [(C 24/2010) (ex NN 37/2010, ex CP 19/2009)] accordée par les autorités de Castille-La Manche en faveur du déploiement de la télévision numérique terrestre dans des zones éloignées et moins urbanisées de Castille-La Manche (ci-après la « décision attaquée »).
18 Le dispositif de la décision attaquée, telle qu’elle a été adoptée le 1er octobre 2014, prévoit ce qui suit :
« Article premier
L’aide d’État octroyée aux opérateurs de la plate-forme de télévision terrestre Telecom [CLM] et Abertis pour l’amélioration des centres d’émission, la construction des nouveaux centres d’émission et la fourniture de services numériques et/ou d’exploitation et de maintenance dans la zone II de Castille-La Manche, mise en œuvre illégalement par [le Royaume d’]Espagne en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE], est incompatible avec le marché intérieur.
L’aide d’État octroyée pour l’installation des récepteurs satellite aux fins de la transmission des signaux d’Hispasat [SA] dans la zone II de Castille-La Manche, mise en œuvre illégalement par [le Royaume d’]Espagne en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE], est incompatible avec le marché intérieur.
Article 2
L’aide individuelle octroyée au titre du régime visé à l’article 1er n’est pas constitutive d’une aide d’État si, au moment de son octroi, elle remplit les conditions établies dans le règlement adopté en vertu de l’article 2 du règlement (CE) n° 994/98, applicable au moment où l’aide est octroyée.
Article 3
1. [Le Royaume d’]Espagne récupère auprès de Telecom [CLM], Abertis et Hispasat l’aide incompatible octroyée au titre du régime visé à l’article 1er.
2. Les sommes à récupérer produisent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition des bénéficiaires, jusqu’à leur récupération effective.
3. Les intérêts seront calculés sur une base composée conformément au chapitre V du règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission.
4. [Le Royaume d’]Espagne annule tous les paiements en suspens du régime d’aide visé à l’article 1er à compter de la date de la notification de la présente décision.
Article 4
1. La récupération de l’aide octroyée au titre du régime visé à l’article 1er est immédiate et effective.
2. [Le Royaume d’]Espagne veille à ce que la présente décision soit mise en œuvre dans les quatre mois suivant la date de sa notification.
3. Dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, [le Royaume d’]Espagne communique les informations suivantes à la Commission :
a) pour les bénéficiaires visés à l’article 1er, le montant total de l’aide reçue par chacun d’entre eux ;
b) le montant total (principal et intérêts) à récupérer auprès de chaque bénéficiaire ;
[…]
Article 5
Le Royaume d’Espagne est destinataire de la présente décision. »
19 Afin de motiver la décision attaquée, en premier lieu, la Commission a considéré que les différents instruments adoptés au niveau central et les conventions qui avaient été conclues et modifiées entre le MITC et les communautés autonomes constituaient la base du régime d’aide pour l’extension de la TNT dans la zone II. Dans la pratique, les communautés autonomes auraient appliqué les directives du gouvernement espagnol sur l’extension de la TNT (considérants 99 et 100 de la décision attaquée).
20 En deuxième lieu, la Commission a constaté que la mesure en cause devait être considérée comme une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Étant donné que ladite mesure aurait été financée à partir du budget de l’État, des budgets des différentes municipalités et de la communauté autonome, il s’agirait d’une intervention au moyen de ressources d’État imputable à ce dernier. Selon la Commission, l’extension des réseaux d’émission de télévision était une activité économique et ne relevait pas de l’exercice de prérogatives de puissance publique. En outre, la mesure en cause ne serait pas conforme au principe de l’investisseur en économie de marché. Selon la Commission, l’opérateur bénéficiait d’un avantage économique lorsqu’il recevait des fonds publics pour numériser son propre équipement ou construire de nouveaux centres d’émission. Abertis et Telecom CLM seraient les bénéficiaires directs de l’aide. Lorsque les municipalités auraient agi elles-mêmes en qualité d’opérateur de réseau, elles auraient également bénéficié directement de l’aide. L’avantage de cette mesure pour les opérateurs de réseau serait sélectif, car il ne concernerait que les entreprises actives sur le marché de la plate-forme terrestre et la sélection des opérateurs de réseau ne se serait pas faite sur la base d’un appel d’offres, mais d’une procédure particulière prévoyant que les autorités choisissaient les opérateurs de réseau. La sélection directe de ces opérateurs aurait entraîné l’exclusion de tout autre concurrent potentiel proposant la technologie terrestre. Selon la Commission, compte tenu du fait que les plates-formes de radiodiffusion satellitaire et terrestre étaient concurrentes, la mesure destinée au déploiement, à l’exploitation et à la maintenance de la TNT dans la zone II faussait le jeu de la concurrence entre les deux plates-formes. D’autres plates-formes, et notamment la télévision sur Internet, seraient également désavantagées. En outre, la Commission a constaté que la mesure en question avait eu une incidence sur les échanges au sein de l’Union (considérants 98 à 138 de la décision attaquée).
21 En troisième lieu, la Commission a constaté que la mesure en cause ne pouvait être considérée comme une aide d’État compatible avec le marché intérieur, en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, en dépit du fait que, selon elle, cette mesure était destinée à atteindre un objectif d’intérêt commun bien défini et qu’elle avait reconnu l’existence d’une défaillance du marché. Elle a ajouté que, dès lors que ladite mesure ne respectait pas le principe de neutralité technologique, cette mesure n’était pas proportionnée et ne constituait pas un instrument approprié pour garantir la couverture des chaînes en clair aux résidents de la zone II de Castille-La Manche (considérants 139 à 178 de la décision attaquée).
22 En quatrième lieu, la Commission a considéré que, en l’absence d’une définition précise de l’exploitation d’une plate-forme terrestre comme service public et d’un acte d’attribution dudit service public à un opérateur d’une plate-forme déterminée, la mesure en cause ne pouvait être justifiée au titre de l’article 106, paragraphe 2, TFUE (considérants 179 à 186 de la décision attaquée).
23 En cinquième lieu, la Commission a relevé que la mesure en cause n’était pas une aide existante, parce que ladite mesure devait être considérée comme une modification ayant eu une influence sur la substance même du régime d’aide initial. Les autorités espagnoles auraient donc dû notifier cette mesure (considérants 187 à 189 de la décision attaquée).
24 En sixième lieu, la Commission a précisé les différents cas dans lesquels les autorités espagnoles devaient récupérer l’aide en cause auprès des bénéficiaires (considérants 193 à 202 de la décision attaquée).
Procédures et conclusions des parties
25 Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 23 janvier 2015, les requérantes ont introduit les présents recours.
26 Par actes déposés au greffe du Tribunal le 24 avril 2015, SES Astra a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.
27 Par lettres déposées au greffe du Tribunal le 20 mai 2015, les requérantes ont demandé à ce que certaines informations contenues dans leurs écritures fassent l’objet d’un traitement confidentiel à l’égard de SES Astra, si celle-ci était admise à intervenir.
28 Par ordonnances du 25 juin 2015, il a été fait droit aux demandes d’intervention et les décisions sur le bien-fondé des demandes de traitement confidentiel présentées par les requérantes ont été réservées.
29 Par lettres enregistrées au greffe du Tribunal le 13 juillet 2015, l’intervenante a partiellement contesté les demandes de traitement confidentiel présentées par les requérantes.
30 Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 21 août 2015, Abertis a présenté une demande de mesure d’organisation de la procédure, conformément à l’article 88 du règlement de procédure du Tribunal, par laquelle elle a demandé au Tribunal d’inviter l’intervenante à produire la version confidentielle d’une étude effectuée par cette dernière.
31 L’intervenante a déposé ses mémoires en intervention le 24 août 2015.
32 Par actes déposés respectivement le 17 et le 18 septembre 2015, l’intervenante et la Commission ont présenté leurs observations sur la demande de mesure d’organisation de la procédure présentée par Abertis.
33 Par ordonnances du 29 septembre 2015, les demandes de traitement confidentiel présentées par les requérantes ont été partiellement accueillies.
34 Par actes déposés au greffe du Tribunal le 13 octobre 2015, les requérantes ont présenté leurs observations sur les mémoires en intervention. La Commission n’a, quant à elle, pas présenté d’observations sur ces mémoires de l’intervenante.
35 Le 20 octobre 2015, la Commission a adopté la décision C(2015) 7193 final corrigeant des erreurs contenues dans la décision attaquée, qui concernait Hispasat. À la suite de cette correction, à l’article 1er, premier alinéa, de la décision attaquée, les termes « fourniture de services » ont été remplacés par les termes « fourniture d’équipements ». En outre, la Commission a, en particulier, supprimé l’article 1er, second alinéa, de la décision attaquée et modifié l’article 3, paragraphe 1, de cette même décision. Elle n’a donc plus constaté qu’il existait une aide d’État octroyée pour l’installation des récepteurs satellite aux fins de la transmission des signaux d’Hispasat dans la zone II de Castille-La Manche, mise en œuvre illégalement par le Royaume d’Espagne en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, qui était incompatible avec le marché intérieur et devait être récupérée auprès d’Hispasat par cet État membre.
36 L’intervenante a déposé ses mémoires en intervention complémentaires le 23 novembre 2015. Par actes déposés au greffe du Tribunal le 6 janvier 2016, les requérantes ont présenté leurs observations sur ces mémoires. La Commission n’a pas présenté d’observations sur ces mémoires de l’intervenante.
37 Par lettres déposées au greffe du Tribunal respectivement le 28 et le 29 janvier 2016, les requérantes ont demandé la tenue d’une audience de plaidoiries, conformément à l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure. Par actes déposés au greffe du Tribunal le 1er février 2016, la Commission a indiqué ne pas demander la tenue d’une audience de plaidoiries.
38 Par ordonnance du président de la cinquième chambre du Tribunal du 5 avril 2016, les parties entendues, les affaires T‑37/15 et T‑38/15 ont été jointes aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance, conformément à l’article 68, paragraphe 1, du règlement de procédure.
39 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée, dans la mesure où elle constate l’existence d’une aide d’État incompatible avec le marché intérieur ;
– annuler les ordres de récupération figurant aux articles 3 et 4 de la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
40 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter les recours ;
– condamner les requérantes aux dépens.
41 L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– faire droit aux conclusions de la Commission ;
– condamner les requérantes aux dépens découlant de ses interventions.
En droit
42 Au soutien des recours, les requérantes soulèvent six moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation des articles 107 et 296 TFUE relative à l’existence d’une aide d’État en ce qui concerne les collectivités locales. Le deuxième moyen, qui est soulevé à titre subsidiaire, concerne une prétendue violation de l’article 107 TFUE en ce que la Commission aurait conclu à l’existence d’une aide d’État malgré le fait que les mesures litigieuses seraient des marchés publics attribués aux prix du marché n’accordant aucun avantage sélectif. Par le troisième moyen, qui est également soulevé à titre subsidiaire, les requérantes font valoir une violation des articles 106 et 107 TFUE ainsi que du protocole n° 26 sur les services d’intérêt général complétant les traités UE et FUE (ci-après le « protocole n° 26 ») et une violation de l’obligation de motivation en raison de l’absence d’une activité économique ou, à titre plus subsidiaire, en raison de l’existence d’un service d’intérêt économique général (ci-après le « SIEG »). Le quatrième moyen est tiré d’une violation de l’article 107 TFUE relatif à l’existence d’une distorsion de concurrence et d’une affectation des échanges entre États membres. Le cinquième moyen concerne la question de la compatibilité de l’aide en cause avec le marché intérieur au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE et est tiré, à titre subsidiaire, d’une erreur de droit et d’un défaut de motivation. Par le sixième moyen, les requérantes font valoir, à titre subsidiaire, une violation du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 1999, L 83, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) n° 734/2013 du Conseil, du 22 juillet 2013 (JO 2013, L 204, p. 15), en raison d’une erreur relative à la constatation d’une aide nouvelle.
Sur le premier moyen, tiré d’une violation des articles 107 et 296 TFUE relative à l’existence d’une aide d’État en ce qui concerne les collectivités locales
43 Les requérantes font valoir que la Commission a violé les articles 107 et 296 TFUE et le principe de bonne administration en ce qu’elle aurait conclu de manière contradictoire à l’existence et à l’inexistence d’une aide d’État en ce qui concerne les conventions conclues avec les collectivités locales qui auraient agi en tant qu’opérateurs de réseau. Selon les requérantes, dès lors que les collectivités locales étaient les opérateurs de la grande majorité des centres d’émission numérisés dans la zone II, la Commission aurait dû examiner si les transferts de fonds à celles-ci étaient constitutifs d’une aide d’État, ce qui ne serait pourtant pas le cas puisque ces transferts seraient intervenus entre administrations publiques et seraient de minimis.
44 En premier lieu, s’agissant de l’argumentation selon laquelle la Commission a violé son obligation de motivation, prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. La motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte, de façon à permettre, d’une part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle de légalité et, d’autre part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est bien fondée. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi au regard de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63, et du 3 mars 2010, Freistaat Sachsen e.a./Commission, T‑102/07 et T‑120/07, EU:T:2010:62, point 180).
45 En l’espèce, il convient de constater que, selon l’article 1er, premier alinéa, et l’article 3, paragraphe 1, de la décision attaquée, l’aide d’État octroyée aux opérateurs de la plate-forme de télévision terrestre Telecom CLM et Abertis pour l’amélioration des centres d’émission, la construction des nouveaux centres d’émission et la fourniture d’équipements numériques ou d’exploitation et de maintenance dans la zone II de Castille-La Manche est incompatible avec le marché intérieur et doit être récupérée auprès de ceux-ci. Au point 7 de la décision attaquée, la Commission a conclu que le Royaume d’Espagne avait exécuté illégalement l’aide destinée aux opérateurs de la plate-forme de télévision terrestre pour l’extension de la couverture de la TNT dans les zones éloignées et moins urbanisées de Castille-La Manche et que cette aide devait être récupérée auprès de ces opérateurs qui en seraient les bénéficiaires directs. Selon ledit point, cela inclut les collectivités locales lorsqu’elles agissent en qualité d’opérateur de plate-forme. Force est donc de constater que, tandis que, selon le dispositif de la décision attaquée, seules les requérantes sont les bénéficiaires de l’aide d’État en cause, il résulte de la conclusion figurant au point 7 de cette décision que, selon la Commission, les collectivités locales peuvent également être les bénéficiaires de cette aide.
46 Il est vrai que ce constat semble, à première vue, entacher la décision attaquée d’un défaut de motivation, voire d’une contradiction de motifs (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2015, Espagne e.a./Commission, T‑515/13 et T‑719/13, EU:T:2015:1004, point 177). Toutefois, à la lumière des considérations de la Commission relatives aux bénéficiaires directs de l’aide en cause, figurant aux considérants 114 à 120 de la décision attaquée, l’argumentation des requérantes ne démontre pas que la Commission a violé son obligation de motivation en concluant de manière contradictoire à l’existence et à l’inexistence d’une aide d’État en ce qui concerne les collectivités locales.
47 En effet, il ressort du considérant 114 de la décision attaquée que, selon la Commission, les fonds ont été alloués directement aux collectivités locales ou aux opérateurs terrestres existants. La Commission a constaté que les collectivités locales avaient choisi les opérateurs qui réaliseraient l’extension de la couverture de télévision numérique dans la zone II. Selon le considérant 115 de la décision attaquée, les requérantes ont été les destinataires des fonds destinés à l’amélioration et à l’extension de leur réseau ou ont été chargées contractuellement par les collectivités locales de réaliser ces travaux au sein de l’infrastructure de ces dernières. Ainsi, la Commission a constaté, au considérant 118 de la décision attaquée, que l’avantage quantifiable octroyé aux requérantes, qui seraient les bénéficiaires directs, était le montant total des fonds reçus pour l’extension de la couverture. Selon le considérant 120 de la décision attaquée, le financement couvrait également l’exploitation et la maintenance du réseau qui, selon les constatations de la Commission, ont également été assurées par les requérantes. Il résulte de ces considérations que, selon la Commission, bien qu’une partie des fonds de l’État central et de la communauté autonome de Castille-La Manche ait été versée aux collectivités locales, ces dernières ont sous-traité l’installation, l’exploitation et la maintenance du réseau de la TNT aux requérantes et que les fonds en cause ont été transférés aux requérantes qui ont été chargées effectivement des travaux de numérisation du réseau de la TNT dans les communes de Castille-La Manche et de la maintenance du réseau et qui sont, selon le dispositif de la décision attaquée, les bénéficiaires de l’aide d’État en cause.
48 Ce constat n’est pas remis en cause par la conclusion de la Commission figurant au point 7 de la décision attaquée. Certes, la Commission a indiqué, audit point, que l’aide en cause devrait être récupérée auprès des opérateurs de plate-forme qui en seraient les bénéficiaires directs, ce qui incluait les municipalités lorsqu’elles ont agi en qualité d’opérateur de plate-forme. Toutefois, il ressort à suffisance de droit de la décision attaquée que, en mentionnant les municipalités, la Commission envisageait seulement de compléter son raisonnement relatif à la question de savoir qui, dans le cadre du régime d’aide en cause en Castille-La Manche, pouvait également en constituer les bénéficiaires, sans pour autant constater que les municipalités avaient effectivement cette qualité. La conclusion figurant au point 7 de la décision attaquée reprend ainsi le raisonnement de la Commission figurant au considérant 119 de cette décision, dans lequel elle a examiné le cas de figure dans lequel les collectivités locales agissaient elles-mêmes en qualité d’opérateur de réseau. À la fin du considérant 119 de la décision attaquée, la Commission a néanmoins constaté que, dans la mesure où les municipalités avaient acheté l’équipement numérique aux requérantes et leur avaient sous-traité l’installation, l’exploitation et la maintenance dudit équipement sans appel d’offres public, ces dernières étaient les bénéficiaires directs de l’aide.
49 La motivation de la décision attaquée n’est donc pas entachée d’une contradiction de motifs. Elle est suffisamment claire pour permettre aux requérantes de connaître les justifications de la mesure prise et au juge de l’Union d’exercer son contrôle de légalité.
50 En deuxième lieu, s’agissant de l’argumentation selon laquelle la Commission a violé l’article 107 TFUE et le principe de bonne administration, les requérantes font valoir, en substance, que la Commission a omis d’examiner si les transferts des fonds aux collectivités locales constituaient des aides d’État et que celle-ci n’aurait pas dû se concentrer uniquement sur l’examen de la question de savoir si les transferts des fonds de ces collectivités locales aux requérantes constituaient une aide d’État. Selon les requérantes, les transferts des fonds aux collectivités locales ne constituaient pas une aide d’État parce qu’ils seraient intervenus entre administrations publiques et seraient de minimis.
51 Il y a lieu de relever que, en examinant l’existence d’une aide d’État, en vertu de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, la Commission a l’obligation d’identifier avec précision les bénéficiaires d’une aide. Pour déterminer le bénéficiaire d’une aide d’État, il convient d’identifier les entreprises qui ont eu la jouissance effective de celle-ci (arrêts du 3 juillet 2003, Belgique/Commission, C‑457/00, EU:C:2003:387, point 55 ; du 29 avril 2004, Allemagne/Commission, C‑277/00, EU:C:2004:238, point 75, et du 5 février 2015, Aer Lingus/Commission, T‑473/12, EU:T:2015:78, point 122). Étant donné que la Commission a constaté (voir point 47 ci-dessus) que les fonds en cause ont été transférés aux requérantes qui ont été chargées effectivement des travaux de numérisation du réseau de la TNT dans les communes de Castille-La Manche et de la maintenance du réseau, ce que les requérantes n’ont pas contesté, il y a lieu de relever que les requérantes avaient la jouissance effective de ces fonds, les collectivités locales n’étant à cet égard qu’un intermédiaire gérant les fonds en cause (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2009, KG Holding e.a./Commission, T‑81/07 à T‑83/07, EU:T:2009:237, point 176). À cet effet, il convient également de rappeler qu’il a déjà été jugé que, pour l’application de l’article 107 TFUE, ce sont essentiellement les effets de l’aide en ce qui concerne les entreprises bénéficiaires qu’il y a lieu de prendre en considération et non la situation des organismes gestionnaires de l’aide (arrêt du 22 mars 1977, Steinike & Weinlig, 78/76, EU:C:1977:52, point 21). Au vu de ce qui précède, la Commission n’a donc violé ni l’article 107, paragraphe 1, TFUE ni le principe de bonne administration en examinant l’existence d’une aide d’État relative aux requérantes et non aux collectivités locales.
52 En outre, il y a lieu de rappeler que la légalité d’une décision en matière d’aide d’État doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission disposait au moment où elle l’a arrêtée (voir arrêt du 29 avril 2004, Allemagne/Commission, C‑277/00, EU:C:2004:238, point 39 et jurisprudence citée). En l’espèce, ainsi que l’affirme la Commission, il ressort des observations des autorités de Castille-La Manche relatives à la décision d’ouverture datant du 2 décembre 2010 que les requérantes ont été choisies par une grande partie des collectivités locales, qui sont très petites, en tant qu’opérateurs de télécommunication.
53 En tout état de cause, il convient de relever que, quand bien même la Commission aurait à tort considéré que les collectivités locales ne constituaient pas, en plus des requérantes, les bénéficiaires de l’aide en cause, ce que les requérantes n’ont d’ailleurs pas démontré, cela ne saurait entraîner l’annulation de la décision attaquée.
54 En effet, certes, en vertu de l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, en cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire et la Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle va à l’encontre d’un principe général du droit de l’Union.
55 Toutefois, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’intérêt à agir d’une partie requérante doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci sous peine d’irrecevabilité. Cet objet du litige doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du 17 avril 2008, Flaherty e.a./Commission, C‑373/06 P, C‑379/06 P et C‑382/06 P, EU:C:2008:230, point 25 et jurisprudence citée) et que celle-ci justifie d’un intérêt né et actuel à l’annulation de l’acte attaqué (voir arrêt du 19 juin 2009, Socratec/Commission, T‑269/03, non publié, EU:T:2009:211, point 36 et jurisprudence citée). En l’espèce, les requérantes n’ont aucunement fait valoir que l’annulation de la décision attaquée, dans la mesure où la Commission aurait à tort constaté que les collectivités locales ne constituaient pas, en plus d’elles-mêmes, les bénéficiaires de l’aide en cause, leur procurait un bénéfice et qu’elles auraient donc un intérêt à agir à cet égard. Au demeurant, il convient de constater que les requérantes n’ont pas soulevé de moyen tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement.
56 En troisième lieu, l’argumentation par laquelle les requérantes font valoir que les aides en cause étaient de minimis ne saurait non plus être accueillie. En effet, il suffit de rappeler que, conformément à ce qui est indiqué à l’article 2 de la décision attaquée, l’aide individuelle octroyée au titre du régime visé à l’article 1er de cette décision n’est pas constitutive d’une aide d’État si, au moment de son octroi, elle remplit les conditions prévues dans le règlement adopté en vertu de l’article 2 du règlement (CE) n° 994/98 du Conseil, du 7 mai 1998, sur l’application des articles 107 et 108 TFUE à certaines catégories d’aides d’État horizontales (JO 1998, L 142, p. 1), applicable au moment où l’aide est octroyée. En l’espèce, il convient de relever que les circonstances dans lesquelles une mesure peut être considérée comme une aide de minimis sont établies dans le règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, concernant l’application des articles 107 TFUE et 108 TFUE aux aides de minimis (JO 2006, L 379, p. 5). Il appartient à l’État membre, dans la phase de récupération, de fournir toute information nécessaire pour permettre de déterminer dans quels cas la récupération n’a pas lieu, parce que les conditions d’une aide de minimis sont remplies.
57 Le premier moyen doit donc être rejeté.
Sur le deuxième moyen, tiré à titre subsidiaire d’une violation de l’article 107 TFUE en raison d’une attribution des marchés publics aux prix du marché
58 Les requérantes font valoir que la Commission a violé l’article 107 TFUE en n’identifiant pas l’avantage économique qu’elles auraient perçu. Selon les requérantes, la Commission aurait dû conclure à l’inexistence d’une aide d’État en raison du fait que les mesures litigieuses seraient des marchés publics attribués aux prix du marché n’accordant aucun avantage sélectif. La Commission aurait à tort constaté que les mesures ne consistaient pas en un simple transfert de fonds entre administrations. La véritable objection de la Commission serait que les collectivités locales ont réalisé l’acquisition des biens et des services sans procédure d’appel d’offres ouverte. Cependant, la Commission aurait omis d’analyser une à une les mesures prises par chaque collectivité locale et la procédure choisie serait compatible avec la législation espagnole sur les marchés publics, les mesures litigieuses ne relevant pas de la réglementation de l’Union applicable en la matière. La Commission n’aurait pas dû assimiler automatiquement l’absence d’appel d’offres à l’existence d’un avantage économique, ni assimiler l’avantage hypothétique que recevrait le bénéficiaire au montant total des contrats qui serait la contrepartie des biens et des services fournis par l’entreprise en cause à l’État. Selon les requérantes, un avantage n’existe que si le prix payé excède le prix de marché et seulement pour le montant qui excède le prix de marché. Tant le décret 347/2008 que toutes les mesures adoptées en application de celui-ci auraient visé à acquérir les biens et les services à moindre coût pour la communauté.
59 À titre liminaire, il convient de rappeler que la qualification d’aide, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions visées par cette disposition soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêt du 17 décembre 2008, Ryanair/Commission, T‑196/04, EU:T:2008:585, point 36 et jurisprudence citée).
60 Le présent moyen concerne plus particulièrement la troisième de ces conditions, aux termes de laquelle sont considérées comme des aides d’État les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises, ou qui doivent être considérées comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (voir arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Deutsche Post, C‑399/08 P, EU:C:2010:481, point 40 et jurisprudence citée).
61 En premier lieu, à l’appui de leur argumentation selon laquelle la Commission a erronément constaté que les mesures en cause ne consistaient pas en un simple transfert de fonds entre administrations, les requérantes font valoir que les fonds en cause constituaient un financement à des collectivités locales pour leur permettre de renouveler leurs infrastructures municipales en achetant des biens et des services sur le marché.
62 À cet égard, il convient de relever que, au considérant 105 de la décision attaquée, la Commission a constaté que la mesure ne consistait pas en un simple transfert de fonds entre administrations, dès lors que les fonds avaient été finalement utilisés pour le déploiement du réseau de TNT par des entités qui exerçaient une activité économique.
63 Il a déjà été constaté (voir point 11 ci-dessus) que, en Castille-La Manche, le décret 347/2008 prévoyait l’allocation directe des fonds nécessaires à la numérisation aux titulaires des centres d’émission existants. Il ressort du dossier que, lorsque les centres d’émission appartenaient à une collectivité locale, c’est cette dernière qui a conclu, sur la base d’un mémoire technique élaboré par un opérateur de télécommunications, une convention avec le gouvernement de Castille-La Manche pour obtenir le financement de celui-ci. Après avoir reçu ce financement, ces collectivités locales ont acheté l’équipement numérique à leur opérateur de télécommunications et ont sous-traité l’installation, l’exploitation et la maintenance de l’équipement à celui-ci. Lorsque les centres d’émission appartenaient à un opérateur de télécommunications privé, ce dernier concluait, après avoir présenté une solution technique, une convention avec le gouvernement de Castille-La Manche pour obtenir des fonds de celui-ci pour numériser son équipement. Dans la mesure où il a été nécessaire de construire 20 nouveaux centres d’émission, 14 ont été construits sur la base de conventions conclues entre le gouvernement de Castille-La Manche et les collectivités locales tandis que 6 l’ont été sur la base d’une convention conclue entre ledit gouvernement et un opérateur de télécommunications.
64 Au vu de ce qui précède, le constat de la Commission figurant au considérant 105 de la décision attaquée n’est entaché d’aucune erreur. En effet, ce sont les fonds publics du gouvernement espagnol et de la communauté autonome de Castille-La Manche qui, en Castille-La Manche, ont servi à financer le déploiement, l’exploitation et la maintenance du réseau de TNT dans la zone II et qui ont été finalement utilisés par les collectivités locales concernées à ces fins et transférés aux requérantes. À cet égard, il convient de rappeler que l’article 107 TFUE ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets (voir arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, points 84 et 85 et jurisprudence citée). Contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, le fait que les collectivités locales étaient les propriétaires des centres d’émission à numériser n’est pas susceptible de remettre en cause la constatation figurant au considérant 105 de la décision attaquée, dès lors que les fonds publics du gouvernement espagnol et de la communauté autonome de Castille-La Manche ont entraîné le déploiement, le maintien et l’exploitation de la TNT par les requérantes dans ladite zone.
65 En deuxième lieu, les requérantes font valoir que la Commission n’a pas identifié l’avantage économique en n’examinant pas une à une les mesures prises par chaque collectivité locale. Contrairement à ce qu’alléguerait la Commission, le processus de numérisation n’aurait pas été mis en place par une décision unique.
66 Cette argumentation doit être rejetée. En effet, il y a lieu de relever que la Commission a, aux considérants 98 à 103 de la décision attaquée, qui font référence aux considérants 26 à 44 de cette décision, décrit la base juridique de l’aide en cause. Elle a constaté que le cadre légal pour le passage au numérique en Espagne était un ensemble complexe formé de plusieurs instruments promulgués aussi bien par le gouvernement espagnol et les communautés autonomes que par les autorités locales pendant une période de quatre ans. Selon elle, bien que le programme technique national en faveur de la TNT de 2005 et le programme national en faveur du passage à la TNT de 2007 aient régi en grande partie le passage à la TNT dans la zone I, ils avaient également posé les bases des mesures d’extension additionnelles concernant la zone II. Le programme technique national en faveur de la TNT aurait également autorisé les autorités locales à établir, en partenariat avec les communautés autonomes, des centres d’émission supplémentaires, nécessaires pour garantir la réception de la TNT dans cette dernière zone. Ces mesures d’extension auraient été mises en œuvre par les autorités régionales après la conclusion de plusieurs conventions-cadres avec le gouvernement espagnol et d’addendums à ces conventions-cadres. Selon la Commission, dans la pratique, les communautés autonomes ont exécuté les directives de ce gouvernement sur l’extension de la TNT. Le déblocage de l’aide d’État pour le déploiement de la TNT dans la zone II aurait été marqué par le transfert de fonds des autorités nationales et régionales aux bénéficiaires. Contrairement à la majorité des autres communautés autonomes, la Castille-La Manche n’aurait pas eu recours à des appels d’offres régionaux en vue de l’extension de la couverture de télévision numérique, mais elle aurait adopté le décret 347/2008 prévoyant l’attribution directe des fonds nécessaires à la numérisation aux propriétaires des centres d’émission existants.
67 Il résulte de différents actes législatifs et administratifs des autorités espagnoles que le plan de transition vers la télévision numérique dans l’ensemble du territoire du Royaume d’Espagne par un recours prédominant à la technologie terrestre obéissait à une initiative lancée et coordonnée par l’administration centrale. Il est constant, ainsi qu’il ressort du considérant 27 de la décision attaquée, que la loi 10/2005, qui marquait le début de la réglementation du passage à la TNT, a précisé la nécessité d’encourager un passage de la technologie analogique vers la TNT. Ainsi qu’il ressort du considérant 29 de ladite décision, les autorités espagnoles prévoyaient, dans une disposition additionnelle du programme technique national en faveur de la TNT, la possibilité d’une extension de couverture au moyen de la technologie terrestre dans les zones à faible densité de population à la condition que l’installation locale soit conforme à ce programme. Les considérants 31 à 35 de la décision attaquée, dont le contenu n’est pas contesté par les requérantes, décrivent la collaboration entre le MITC et les communautés autonomes au moyen de conventions-cadres et d’addendums à des conventions-cadres afin de procéder à la numérisation dans la zone II. Ces actes avaient notamment trait au cofinancement par le gouvernement espagnol de l’extension de la couverture de la TNT dans ladite zone. En suivant l’initiative de l’administration centrale, le plan de transition vers la télévision numérique a été mis en œuvre en Castille-La Manche par le décret 347/2008.
68 Compte tenu des éléments qui précèdent, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir analysé les mesures espagnoles en faveur du déploiement de la TNT dans la zone II en Castille-La Manche dans un seul et même contexte. En effet, les différentes interventions étatiques aux niveaux national, régional et communal devant être analysées en fonction de leurs effets, elles présentaient, en l’espèce, des liens tellement étroits entre elles qu’elles pouvaient être considérées par la Commission comme un seul régime d’aides en Castille-La Manche accordé par les autorités publiques en Espagne. Tel est le cas notamment parce que les interventions consécutives en Espagne présentaient, au regard notamment de leur chronologie, de leur finalité et de la situation dans ladite zone en Castille-La Manche, des liens tellement étroits entre elles qu’il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas les avoir dissociées (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 2013, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission e.a. et Commission/France e.a., C‑399/10 P et C‑401/10 P, EU:C:2013:175, points 103 et 104).
69 En outre, dans le cas d’un régime d’aides, la Commission peut se borner à étudier les caractéristiques du régime en cause pour apprécier, dans les motifs de la décision, si, en raison des modalités que ce régime prévoit, celui-ci assure un avantage sensible aux bénéficiaires par rapport à leurs concurrents et est de nature à profiter essentiellement à des entreprises qui participent aux échanges entre États membres. Ainsi, dans une décision qui porte sur un tel régime, elle n’est pas tenue d’effectuer une analyse de l’aide octroyée dans chaque cas individuel sur le fondement d’un tel régime. Ce n’est qu’au stade de la récupération des aides qu’il sera nécessaire de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée (voir, en ce sens, arrêts du 7 mars 2002, Italie/Commission, C‑310/99, EU:C:2002:143, points 89 et 91 ; du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 63, et du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission, C‑630/11 P à C‑633/11 P, EU:C:2013:387, point 114). C’est dans ce cadre que les mesures prises par chaque collectivité locale en Castille-La Manche doivent être examinées, ce qui est d’ailleurs prévu à l’article 4, paragraphe 3, de la décision attaquée. À cet égard, il convient également de relever que l’analyse générale et abstraite d’un régime d’aides n’exclut pas que, dans un cas individuel, le montant octroyé sur la base de ce régime échappe à l’interdiction prévue à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, notamment du fait que l’octroi individuel d’une aide relève des règles de minimis, ce dont la Commission a tenu compte à l’article 2 de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2009, ASM Brescia/Commission, T‑189/03, EU:T:2009:193, point 87).
70 En troisième lieu, les requérantes font valoir que les mesures litigieuses étaient des marchés publics attribués aux prix du marché n’accordant aucun avantage sélectif, parce que la procédure choisie par les collectivités locales pour financer le renouvellement de l’infrastructure municipale serait compatible avec la législation espagnole sur les marchés publics, les mesures litigieuses ne relevant pas de la réglementation de l’Union applicable en la matière. La Commission n’aurait pas dû assimiler automatiquement l’absence d’appel d’offres à l’existence d’une aide d’État.
71 À cet égard, il convient de constater que, aux considérants 108 à 113 de la décision attaquée, la Commission a examiné l’existence d’un avantage économique pour les entités exerçant une activité économique dans le cadre du présent régime d’aides. Au considérant 113 de cette décision, elle a conclu que l’opérateur avait bénéficié d’un avantage économique lorsqu’il avait reçu des fonds publics pour numériser son propre équipement ou construire de nouveaux centres d’émission. En outre, selon elle, l’autorité publique qui a sélectionné un opérateur directement, c’est-à-dire sans appel d’offres public, pour la fourniture d’équipements de TNT et de services d’exploitation et de maintenance n’a pas respecté les conditions du marché et a ainsi également conféré un avantage économique à cet opérateur.
72 Il en résulte que, contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, la Commission n’a pas conclu automatiquement à l’existence d’une aide d’État du fait de l’absence d’appel d’offres. Selon elle, dans la mesure où les collectivités locales avaient sélectionné les requérantes pour la fourniture de l’équipement de TNT et de services d’exploitation et de maintenance, l’avantage économique a consisté dans le transfert de fonds pour l’exercice de cette activité qui n’aurait pas été confiée aux requérantes sans les mesures litigieuses et dont celles-ci auraient dû assumer elles-mêmes le coût si elles avaient voulu étendre leurs réseaux à la zone II. Dans des conditions normales de marché, les requérantes n’auraient pas obtenu un tel avantage économique.
73 S’agissant de l’argumentation selon laquelle, même en l’absence d’appel d’offres, les mesures litigieuses n’accordaient aucun avantage économique parce qu’elles étaient des marchés publics attribués aux prix du marché dans le respect du droit espagnol, celle-ci ne saurait non plus être accueillie. En effet, il convient de constater que le prétendu respect de la législation espagnole sur les marchés publics visant à acquérir les biens et les services à moindre coût pour la communauté autonome ne saurait exclure à lui seul l’existence d’un avantage économique. Le fait qu’une mesure étatique soit conforme aux règles des marchés publics n’implique pas qu’elle ne saurait constituer une aide d’État.
74 Il est vrai que, selon l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415, points 87 à 93), le respect d’une procédure de marché public garantissant de fournir les services en cause au moindre coût pour l’entité publique est un élément à prendre en compte dans le cadre de l’examen de la question de savoir si une intervention étatique devait être considérée comme une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public, de sorte que ces entreprises ne profitaient pas, en réalité, d’un avantage financier et que ladite intervention n’avait donc pas pour effet de mettre ces entreprises dans une position concurrentielle plus favorable par rapport aux entreprises qui leur faisaient concurrence.
75 Cependant, pour que, dans un cas concret, une telle compensation puisse échapper à la qualification d’aide d’État, les quatre critères posés par l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), doivent être satisfaits cumulativement, ce qui n’était pas le cas, selon ce qu’a indiqué la Commission dans la seconde phrase de la note en bas de page n° 32 de la décision attaquée. Selon cette note, d’une part, le premier critère posé par cet arrêt n’était pas satisfait en l’absence d’un acte d’attribution d’un SIEG aux bénéficiaires et, d’autre part, le quatrième critère posé par ledit arrêt n’était pas rempli parce que les bénéficiaires n’avaient pas été sélectionnés au moyen d’une procédure d’appel d’offres ouverte et les autorités espagnoles n’avaient pas calculé le montant de la compensation sur la base du coût qu’une entreprise bien gérée aurait engagé pour fournir ces services. L’examen de la question de savoir si c’est à juste titre que la Commission a constaté que ces critères posés par l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), n’étaient pas satisfaits fera l’objet de la seconde branche du troisième moyen (voir points 91 à 147 ci-après).
76 En quatrième lieu, il y a lieu de rejeter l’argumentation des requérantes selon laquelle un avantage n’existe que si le prix payé excède le prix de marché et seulement pour le montant qui excède le prix de marché. En effet, dans son arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415, points 87 à 94), la Cour a déterminé les critères qui doivent être satisfaits pour qu’une intervention étatique doive être considérée comme une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public, de sorte que ces entreprises ne profitent pas, en réalité, d’un avantage financier et que l’intervention étatique ne tombe pas sous le coup de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Il est vrai que la question de savoir si la compensation dépasse ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes s’y rapportant ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations, doit être analysée dans le cadre de ces critères afin d’examiner si la Commission a, à juste titre, constaté l’existence d’un avantage économique. Toutefois, ce n’est que si tous les critères posés par l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), sont satisfaits que la compensation échappe à la qualification d’aide d’État. Lorsque les critères posés par cet arrêt ne sont pas satisfaits, l’avantage ne consiste pas seulement dans le montant excédant le niveau du prix de marché. En l’espèce, l’avantage économique consistait dans le transfert de fonds pour l’exercice d’une activité qui n’aurait pas été confiée aux requérantes sans les mesures litigieuses. Ainsi que l’a constaté la Commission au considérant 118 de la décision attaquée, cet avantage était le montant total des fonds reçus pour l’extension de la couverture. Dans la mesure où les requérantes affirment que, en contrepartie des montants reçus, elles ont fourni des biens et des services à l’État, il y a lieu de relever que, si tel est le cas, il incombe aux requérantes de faire valoir leurs droits auprès de celui-ci.
77 À cet égard, il convient de relever que le cas d’espèce doit être distingué des cas relatifs à la fourniture de biens ou de services par une entité publique à des conditions préférentielles. Dans ces cas, la valeur de l’aide est égale à la différence entre ce que le bénéficiaire a réellement payé et ce qu’il aurait dû payer à l’époque dans des conditions normales de marché pour la fourniture d’un tel bien ou service (voir arrêt du 9 décembre 2015, Grèce et Ellinikos Chrysos/Commission, T‑233/11 et T‑262/11, EU:T:2015:948, points 78 et 79 et jurisprudence citée).
78 Dans la mesure où les requérantes font référence aux conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire GEMO (C‑126/01, EU:C:2002:273, point 122) en soulignant que, selon celles-ci, une aide existe si et dans la mesure où le prix payé excède le prix du marché, il suffit de relever que, dans son arrêt du 20 novembre 2003, GEMO (C‑126/01, EU:C:2003:622), la Cour n’a pas repris les considérations de l’avocat général. En outre, s’agissant de l’argument selon lequel les conclusions de l’avocat général Fennelly dans l’affaire France/Commission (C‑251/97, EU:C:1998:572, point 19) indiquent que les autorités publiques ont la possibilité de conclure maintes sortes de transactions avec des entreprises sans que cela donne lieu au versement d’une aide d’État, à condition que ces autorités se comportent de la même façon qu’un agent économique normal, il y a lieu de relever que, au considérant 112 de la décision attaquée, la Commission a examiné la question de savoir si la mesure en cause était conforme au principe de l’investisseur en économie de marché et a conclu que tel n’était pas le cas, ce que les requérantes n’ont d’ailleurs pas contesté.
79 Enfin, les requérantes font valoir que la Commission a reconnu, au considérant 121 de la décision attaquée, qu’il n’y avait pas d’aide lorsque des biens étaient acquis au prix du marché alors qu’elle aurait constaté l’existence d’une aide lorsque des services étaient concernés. À cet égard, il convient de relever que, audit considérant, la Commission a constaté que l’achat de l’équipement par les requérantes auprès des fournisseurs d’équipement de télécommunication a été effectué dans le cadre d’un marché libre et que, en l’absence d’un avantage sélectif, ces fournisseurs n’étaient donc pas considérés comme des bénéficiaires. Cette constatation de la Commission ne concernait donc pas les requérantes, auxquelles, selon les constatations de la Commission figurant au considérant 121 de la décision attaquée, les municipalités ont acheté l’équipement sans organiser d’appel d’offres. En outre, force est de constater que l’achat de l’équipement par les requérantes auprès des fournisseurs d’équipement de télécommunication, d’une part, et le fait beaucoup plus vaste et complexe, ainsi que l’a constaté la Commission, que les municipalités ont acheté l’équipement numérique aux requérantes et leur en ont sous-traité l’installation, l’exploitation et la maintenance sans appel d’offres public, d’autre part, ne sont aucunement comparables. L’argumentation des requérantes doit donc être rejetée.
80 Par conséquent, le deuxième moyen doit être rejeté.
Sur le troisième moyen, tiré à titre subsidiaire d’une violation des articles 106 et 107 TFUE ainsi que du protocole n° 26 et de l’obligation de motivation, relatif à l’existence d’une activité économique ou d’un SIEG
81 Les requérantes font valoir que la Commission a violé les articles 106 et 107 TFUE ainsi que le protocole n° 26 et son obligation de motivation parce que l’activité en cause n’aurait pas de caractère économique et que, en tout état de cause, le service en cause constituerait un SIEG.
Sur la première branche, tirée de l’absence d’activité économique
82 Les requérantes font valoir que le raisonnement de la Commission selon lequel l’activité en cause ne relevait pas de l’exercice des prérogatives de puissance publique mais revêtait un caractère économique est, d’une part, insuffisant et erroné et, d’autre part, contradictoire.
83 En premier lieu, à l’appui de leur argumentation selon laquelle le raisonnement de la Commission est insuffisant et erroné, les requérantes affirment que la constatation de la Commission figurant au considérant 111 de la décision attaquée, selon laquelle la nature économique de l’activité en cause était démontrée par le fait que plusieurs entreprises intervenaient sur le marché de la zone I, n’est pas pertinente.
84 Premièrement, en ce qui concerne le reproche des requérantes selon lequel le raisonnement de la Commission est insuffisant, il convient de relever que la Commission a motivé son constat selon lequel l’activité en cause avait une nature économique aux considérants 109 à 111 de la décision attaquée. À cet égard, en faisant notamment référence aux critères développés par la jurisprudence, elle a indiqué les raisons pour lesquelles, selon elle, l’activité en cause possédait un caractère économique. La Commission a constaté que l’exploitation des réseaux d’émission de télévision constituait une activité économique au même titre que d’autres cas qui impliquaient la gestion d’infrastructures par les autorités régionales. Selon elle, le marché existait si, comme dans le cas d’espèce, d’autres opérateurs étaient disposés à offrir le service en cause ou étaient en mesure de le faire. Elle a considéré que l’exploitation du réseau de TNT ne relevait pas des prérogatives de l’État et que celle-ci n’était pas une activité que seul l’État pouvait exercer. Les services concernés ne seraient pas ceux généralement exercés par une autorité publique et ils seraient de nature économique, ce qui serait démontré par le fait que plusieurs entreprises interviendraient sur le marché de la zone I. En outre, elle a constaté que SES Astra souhaitait proposer ces services dans la zone II dans le cadre d’un appel d’offres lancé en Cantabrie (Espagne) et que l’activité en cause ne concernait que la transmission des chaînes nationales et régionales privées. Cette motivation est suffisamment claire pour permettre aux requérantes de connaître les raisons pour lesquelles l’activité en cause présentait, selon la Commission, un caractère économique et au juge de l’Union d’exercer son contrôle de légalité. L’argumentation des requérantes doit donc être rejetée.
85 Deuxièmement, à l’appui de l’argumentation selon laquelle la référence à la zone I est erronée, les requérantes font valoir que la zone II se caractérisait précisément par le fait qu’aucune entreprise n’avait un intérêt commercial à y fournir le service en cause.
86 À cet égard, il convient de relever que, afin de trancher la question de savoir si l’activité en cause, telle que définie dans la décision attaquée, relevait de l’exercice des prérogatives de puissance publique ou de l’exercice d’activités économiques, il y a lieu de vérifier si cette activité, par sa nature, son objet et les règles auxquelles elle est soumise, se rattache à l’exercice des prérogatives de puissance publique ou si elle présente un caractère économique justifiant l’application des règles de concurrence du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 18 mars 1997, Diego Calì & Figli, C‑343/95, EU:C:1997:160, points 16, 18 et 23 et jurisprudence citée, et du 28 février 2013, Ordem dos Técnicos Oficiais de Contas, C‑1/12, EU:C:2013:127, point 40 et jurisprudence citée).
87 À la lumière des critères dégagés par la jurisprudence relatifs à la notion d’entreprise citée au point 86 ci-dessus, les constatations de la Commission figurant aux considérants 109 à 111 de la décision attaquée (voir point 84 ci-dessus) démontrent à suffisance de droit que l’activité en cause, par sa nature, son objet et les règles auxquelles elle est soumise, ne se rattache pas à l’exercice des prérogatives de puissance publique, mais qu’elle présente un caractère économique.
88 Aucun argument avancé par les requérantes ne permet de démontrer que la Commission a commis une erreur en qualifiant l’activité en cause d’activité économique. S’agissant, en particulier, de l’argument relatif à l’absence d’intérêt commercial à fournir le service en cause dans la zone II, il convient de relever, ainsi que l’a constaté la Commission aux considérants 109 et 111 de la décision attaquée, qu’il existait un marché pour le service de déploiement du réseau numérique en Espagne. D’une part, il est constant que SES Astra souhaitait proposer ce service dans la zone II dans le cadre de l’appel d’offres lancé en 2008 en Cantabrie. D’autre part, l’existence d’un marché pour le déploiement du réseau numérique en Espagne découle du fait que, dans la zone I, cette activité était effectuée par des entreprises privées. S’il est vrai que, dans la zone II, aucune entreprise n’était intéressée pour fournir le service en cause, force est de constater que ce fait ne saurait remettre en cause le caractère économique de l’activité (voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 2009, FAB/Commission, T‑8/06, non publié, EU:T:2009:386, points 79 à 82 ; du 6 octobre 2009, Allemagne/Commission, T‑21/06, non publié, EU:T:2009:387, points 53 à 60, et du 15 juin 2010, Mediaset/Commission, T‑177/07, EU:T:2010:233, points 61 à 68). Ainsi que l’affirme à juste titre la Commission, l’analyse de la nature de l’activité en cause est la même pour la zone I et pour la zone II, selon les critères dégagés par la jurisprudence.
89 En second lieu, les requérantes font valoir que le raisonnement de la Commission, selon lequel l’activité en cause revêtait un caractère économique, est en contradiction avec le fait que la Commission aurait reconnu que les forces du marché ne parvenaient pas à couvrir la zone II et à répondre aux besoins d’intérêt général. À cet égard, il convient de relever qu’il est vrai que la Commission a constaté, aux considérants 148 et 149 de la décision attaquée, une défaillance du marché dans la zone II. Toutefois, ainsi que cela a déjà été constaté (voir point 88 ci-dessus), une telle constatation ne remet aucunement en cause la nature économique de l’activité en cause.
90 La première branche doit donc être rejetée.
Sur la seconde branche, tirée, à titre subsidiaire, de l’absence d’avantage économique et de l’existence d’un SIEG
91 Les requérantes font valoir, à titre subsidiaire, que la Commission a violé les articles 106 et 107 TFUE ainsi que le protocole n° 26 et son obligation de motivation parce que les services en cause constitueraient des SIEG. Selon elles, il n’y a pas eu d’avantage économique, parce que les critères posés par la Cour dans l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), étaient remplis.
92 Tout d’abord, les requérantes affirment que la Commission a violé son obligation de motivation et porté atteinte au principe de bonne administration en ce qu’elle aurait seulement brièvement analysé l’applicabilité éventuelle des critères posés par l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415).
93 Cette argumentation doit être rejetée. En effet, il y a lieu de rappeler qu’il incombait aux autorités espagnoles d’invoquer le fait que les critères posés par l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), étaient remplis. Ainsi qu’il ressort de la première phrase de la note en bas de page n° 32 de la décision attaquée, s’agissant de la communauté autonome de Castille-La Manche, les autorités n’ont même pas prétendu, pendant la procédure administrative, que la mesure en cause devait être considérée comme un SIEG. Dans leur réponse du 18 février 2011 aux observations de Radiodifusión Digital, les autorités de Castille-La Manche ont précisé que l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), ne s’appliquait pas en l’espèce. Dans ce contexte, il ne saurait être reproché à la Commission de s’être bornée, dans la seconde phrase de la note en bas de page n° 32 de la décision attaquée, à constater que la mesure ne satisferait pas aux critères posés par ledit arrêt, étant donné que, selon elle, entre autres raisons, il n’existait pas d’acte d’attribution, les bénéficiaires n’avaient pas été sélectionnés au moyen d’une procédure d’appel d’offres ouverte et les autorités n’avaient pas calculé le montant de la compensation sur la base du coût qu’une entreprise bien gérée aurait engagé pour fournir les services en cause. Au demeurant, l’existence d’un SIEG a été analysée par la Commission, en détail, dans le cadre de son examen de la compatibilité de l’aide en vertu de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, figurant aux considérants 179 à 186 de la décision attaquée.
94 Ensuite, il convient de rappeler que, dans l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415, points 87 et 88), la Cour a relevé que, dans la mesure où une intervention étatique devait être considérée comme une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public, de sorte que ces entreprises ne profitaient pas, en réalité, d’un avantage financier et que ladite intervention n’avait donc pas pour effet de mettre ces entreprises dans une position concurrentielle plus favorable par rapport aux entreprises qui leur faisaient concurrence, une telle intervention ne tombait pas sous le coup de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Cependant, pour que, dans un cas concret, une telle compensation puisse échapper à la qualification d’aide d’État, quatre critères doivent être satisfaits cumulativement.
95 Il ressort de la seconde phrase de la note en bas de page n° 32 de la décision attaquée que, selon la Commission, les premier et quatrième critères posés par l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), n’étaient pas satisfaits en l’espèce.
– Sur le premier critère posé par l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), relatif à l’exécution d’obligations de service public
96 Selon ce critère, l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies (arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, EU:C:2003:415, point 89).
97 Il convient de relever que la Commission a estimé, dans la seconde phrase de la note en bas de page n° 32 de la décision attaquée, qu’il n’existait pas d’acte d’attribution d’obligations de service public à l’égard du déploiement de la TNT en Castille-La Manche.
98 En outre, selon le considérant 181 de la décision attaquée, ni la législation espagnole ni les autorités espagnoles n’ont prévu un tel acte d’attribution en vue du déploiement de la TNT. La loi espagnole ne préciserait pas que l’exploitation d’un réseau terrestre est un service public. La Ley 11/1998 General de Telecomunicaciones (loi générale 11/1998 relative aux télécommunications), du 24 avril 1998 (BOE n° 99, du 25 avril 1998, p. 13909, ci-après la « loi 11/1998 »), établirait que les services de télécommunications, y compris l’exploitation des réseaux de diffusion radio et télévisuelle, sont des SIEG, bien qu’ils n’aient pas le rang de services publics, un rang qui ne serait réservé qu’à quelques rares services de télécommunications, notamment ceux liés à la défense publique et à la protection civile ainsi qu’à l’exploitation du réseau téléphonique. La Ley 32/2003 General de Telecomunicaciones (loi générale 32/2003 relative aux télécommunications), du 3 novembre 2003 (BOE n° 264, du 4 novembre 2003, p. 38890, ci-après la « loi 32/2003 »), conserverait la même définition. Les services émetteurs pour la radiodiffusion télévisuelle, c’est-à-dire l’acheminement des signaux à travers les réseaux de télécommunications, seraient considérés comme des services de télécommunications et seraient, en tant que tels, des SIEG qui ne constitueraient pas un service public.
99 Selon le considérant 182 de la décision attaquée, les dispositions de la loi espagnole se caractérisaient par leur neutralité technologique. Ladite loi définirait les télécommunications comme la transmission de signaux à travers tout réseau de diffusion et non à travers le réseau terrestre en particulier. De plus, cette loi préciserait que l’un de ses objectifs est d’encourager, dans la mesure du possible, la neutralité technologique dans la réglementation.
100 En vertu du considérant 183 de la décision attaquée, même si le service de radiodiffusion était considéré comme un service public, il ne serait pas possible d’étendre cette définition à l’exploitation d’une plate-forme de support déterminée. En outre, lorsqu’il existerait plusieurs plates-formes de transmission, il ne serait pas possible de considérer que l’une d’elles en particulier serait essentielle à la transmission des signaux de radiodiffusion. Par conséquent, selon la Commission, le fait, pour la loi espagnole, d’établir que l’utilisation d’une certaine plate-forme pour la transmission des signaux de radiodiffusion constituait un service public aurait constitué une erreur manifeste.
101 La Commission a donc constaté, au considérant 184 de la décision attaquée, que, conformément à la loi espagnole, l’exploitation des réseaux terrestres ne constituait pas un service public. Les autorités espagnoles n’auraient pas défini clairement l’exploitation d’une plate-forme terrestre comme un service public et n’auraient donc pas non plus confié la fourniture dudit service public à un opérateur d’une plate-forme déterminée. Selon le considérant 185 de la décision attaquée, ces autorités n’ont pas apporté la preuve de l’existence d’un acte d’attribution aux bénéficiaires, à savoir les requérantes.
102 Il convient de relever que la notion de service public au sens de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), correspond à celle de SIEG au sens de l’article 106, paragraphe 2, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, EU:T:2008:29, point 162, et du 16 juillet 2014, Zweckverband Tierkörperbeseitigung/Commission, T‑309/12, non publié, EU:T:2014:676, point 132).
103 Selon une jurisprudence constante, les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation quant à la définition de ce qu’ils considèrent comme un SIEG et, par conséquent, la définition de ces services par un État membre ne peut être remise en cause par la Commission qu’en cas d’erreur manifeste (voir arrêts du 15 juin 2005, Olsen/Commission, T‑17/02, EU:T:2005:218, point 216 ; du 22 octobre 2008, TV2/Danmark e.a./Commission, T‑309/04, T‑317/04, T‑329/04 et T‑336/04, EU:T:2008:457, point 101, et du 6 octobre 2009, FAB/Commission, T‑8/06, non publié, EU:T:2009:386, point 63). En effet, en l’absence d’une réglementation de l’Union harmonisée en la matière, la Commission n’est pas habilitée à se prononcer sur l’étendue des missions de service public incombant à l’exploitant public, à savoir le niveau des coûts liés à ce service, ni sur l’opportunité des choix politiques pris à cet égard par les autorités nationales et l’efficacité économique de l’exploitant public (voir, en ce sens, arrêts du 27 février 1997, FFSA e.a./Commission, T‑106/95, EU:T:1997:23, point 108, et du 1er juillet 2010, M6 et TF1/Commission, T‑568/08 et T‑573/08, EU:T:2010:272, point 139 et jurisprudence citée). Il ressort de l’article 1er, premier tiret, du protocole n° 26 que les valeurs communes de l’Union concernant les SIEG au sens de l’article 14 TFUE comprennent notamment le rôle essentiel et le large pouvoir discrétionnaire des autorités nationales, régionales et locales pour fournir, faire exécuter et organiser les SIEG d’une manière qui réponde autant que possible aux besoins des utilisateurs.
104 Pour autant, le pouvoir de définition des SIEG par l’État membre n’est pas illimité et ne peut être exercé de manière arbitraire aux seules fins de faire échapper un secteur particulier à l’application des règles de concurrence (arrêt du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, EU:T:2008:29, point 168). Pour pouvoir être qualifié de SIEG, le service en cause doit revêtir un intérêt économique général, qui présente des caractères spécifiques par rapport à celui que revêtent d’autres activités de la vie économique (arrêts du 10 décembre 1991, Merci convenzionali porto di Genova, C‑179/90, EU:C:1991:464, point 27, et du 17 juillet 1997, GT-Link, C‑242/95, EU:C:1997:376, point 53).
105 L’étendue du contrôle effectué par le Tribunal sur les appréciations de la Commission tient nécessairement compte du fait que la définition par un État membre d’un service comme SIEG ne peut être remise en cause par la Commission qu’en cas d’erreur manifeste. Ce contrôle doit néanmoins s’assurer du respect de certains critères minimaux tenant, notamment, à la présence d’un acte de puissance publique investissant les opérateurs en cause d’une mission de SIEG ainsi qu’au caractère universel et obligatoire de cette mission (voir arrêt du 7 novembre 2012, CBI/Commission, T‑137/10, EU:T:2012:584, points 100 et 101 et jurisprudence citée). Par ailleurs, en vertu de l’article 4 de la décision 2005/842/CE de la Commission, du 28 novembre 2005, concernant l’application des dispositions de l’article [106, paragraphe 2, TFUE] aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de SIEG (JO 2005, L 312, p. 67), la responsabilité de la gestion du SIEG doit être confiée à l’entreprise concernée au moyen d’un ou de plusieurs actes officiels, dont la forme peut être déterminée par chaque État membre, ces actes devant notamment indiquer la nature et la durée des obligations de service public et les entreprises et le territoire concernés.
106 En premier lieu, les requérantes font valoir que le premier critère de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), était rempli, parce que l’exploitation et la maintenance du réseau de radiodiffusion auraient été définies comme SIEG au niveau national selon la loi espagnole et au niveau de la communauté autonome dans les conventions interinstitutionnelles conclues en Castille-La Manche. Elles auraient reçu des fonds publics dans le cadre de contrats publics ayant pour objet la prestation de services que la législation espagnole aurait définis comme étant des SIEG. Les autorités locales auraient conclu dans chaque cas des conventions pour attribuer la fourniture du SIEG. Il serait constant que les caractéristiques typiques exigées pour définir un SIEG, notamment l’existence d’une défaillance du marché, étaient réunies en l’espèce. Selon les requérantes, la Commission a conclu que le premier critère de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), n’était pas satisfait sur la base d’une interprétation erronée des notions de service public et de SIEG en droit espagnol et en droit de l’Union.
107 Cette argumentation ne démontre pas que la Commission a erronément constaté, dans la seconde phrase de la note en bas de page n° 32 et aux considérants 181 à 185 de la décision attaquée, que, en l’absence d’une définition claire du service d’exploitation d’un réseau terrestre comme service public et d’un acte d’attribution dudit service public à un opérateur d’une plate-forme déterminée, le premier critère de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), n’était pas satisfait.
108 En effet, premièrement, l’exploitation d’un réseau de TNT dans la zone II n’a pas été définie par l’État espagnol comme SIEG au sens du droit de l’Union au niveau national.
109 Certes, le service d’exploitation des réseaux de diffusion radio et télévisuelle a été qualifié par l’État espagnol de service d’intérêt général, en vertu des articles 2 de la loi 11/1998 et de la loi 32/2003 lus en combinaison avec leurs articles 1er. Cependant, il ressort des articles 2 de la loi 11/1998 et de la loi 32/2003 que cette qualification concerne tous les services de télécommunications, y compris les réseaux de diffusion radio et télévisuelle. Or, le seul fait qu’un service est désigné comme étant d’intérêt général en droit national n’implique pas que tout opérateur qui l’effectue est chargé de l’exécution d’obligations de service public clairement définies au sens de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415). Si tel était le cas, tous les services de télécommunications en Espagne revêtiraient le caractère de SIEG au sens de cet arrêt, ce qui ne ressort aucunement de ces lois. À cet égard, il convient également de constater que l’article 2, paragraphe 1, de la loi 32/2003 dispose expressément que les services d’intérêt général au sens de cette loi doivent être fournis dans le cadre d’un régime de libre concurrence. Or, la qualification de SIEG d’un service au sens de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), exige que la responsabilité de sa gestion soit confiée à certaines entreprises.
110 En outre, il y a lieu de constater que la Commission n’a commis aucune erreur en examinant, aux considérants 181 à 185 de la décision attaquée, s’il existait, en Castille-La Manche, un SIEG en ce qui concerne le service d’exploitation des réseaux terrestres et non en ce qui concerne le service d’exploitation des réseaux de diffusion radio et télévisuelle, comme le soutiennent les requérantes. À cet égard, il ressort du considérant 182 de ladite décision que les dispositions de la loi 32/2003 se caractérisaient par leur neutralité technologique et que les télécommunications étaient la transmission de signaux à travers tout réseau de diffusion, et non à travers le réseau terrestre en particulier. À la lumière de ces précisions de la loi espagnole, il ne saurait être conclu que la Commission a erronément estimé aux considérants 181 et 184 de la décision attaquée que, dans ladite loi, l’exploitation d’un réseau terrestre n’était pas définie comme un service public.
111 Contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, la limitation du service d’exploitation des réseaux de diffusion radio et télévisuelle à une plate-forme précise ne constitue pas simplement une modalité concrète de ce service. En effet, eu égard au principe de neutralité technologique, une telle limitation n’était pas nécessaire selon la loi 32/2003, voire était directement contraire à ses dispositions.
112 Deuxièmement, l’exploitation d’un réseau de TNT n’a pas non plus été définie comme SIEG, au sens du droit de l’Union, au niveau de la communauté autonome dans les conventions interinstitutionnelles conclues en Castille-La Manche.
113 À cet égard, il y a lieu de relever que, certes, dans la convention interinstitutionnelle produite par les requérantes, les autorités de Castille-La Manche ont reconnu que le service de diffusion télévisuelle est un service public. Toutefois, aucune disposition de cette convention n’indique que l’exploitation du réseau terrestre est considérée comme un service public. En outre, à aucun moment les requérantes n’ont fait valoir que la prestation du service de radiodiffusion par le biais de la plate-forme terrestre, et non la prestation du service par le biais d’autres plates-formes, constituait un SIEG. De plus, il convient de rappeler que la loi 32/2003 était caractérisée par le respect du principe de neutralité technologique (voir point 110 ci-dessus). Cela étant, il ne saurait être conclu que les autorités de Castille-La Manche ont défini, dans les conventions en cause, l’exploitation du réseau de TNT en tant que SIEG, en excluant l’usage de toute autre technologie pour transmettre le signal de télévision dans la zone II.
114 En deuxième lieu, les requérantes affirment que la Commission a erronément distingué la prestation du service de radiodiffusion de l’exploitation des réseaux de radiodiffusion. Selon elles, s’il est constant que le service de radiodiffusion est un service public, la législation espagnole prévoit que les réseaux qui relayent le signal de télévision terrestre sont considérés comme des services essentiels qui garantissent la continuité des émissions de télévision. Elles font référence, à cet égard, à la Ley 31/1987 de Ordenación de las Telecomunicaciones (loi 31/1987 portant organisation des télécommunications) du 18 décembre 1987 (BOE n° 303, du 19 décembre 1987, p. 37409, ci-après la « loi 31/1987 »), au Real Decreto 529/2002 por el que se garantiza la prestación del servicio esencial relativo a la red soporte de los servicios de difusión de televisión en situaciones de huelga (décret royal 529/2002 garantissant la prestation d’un service essentiel relatif au réseau d’appui des services de radiodiffusion télévisuelle en cas de grève) du 14 juin 2002 (BOE n° 143, du 15 juin 2002, p. 21898, ci-après le « décret royal 529/2002 »), à la loi 10/2005, à la Ley 7/2010 General de la Comunicación Audiovisual (loi générale 7/2010 relative à la communication audiovisuelle) du 31 mars 2010 (BOE n° 79, du 1er avril 2010, p. 30157), à la Ley 9/2014 general de Telecomunicaciones (loi 9/2014 générale relative aux télécommunications) du 9 mai 2014 (BOE n° 114, du 10 mai 2014, p. 35824), à la Ley 4/1980 de Estatuto de la Radio y la Televisión (loi 4/1980 sur le statut de la radio et de la télévision) du 10 janvier 1980 (BOE n° 11, du 12 janvier 1980, p. 844), à la Ley 10/1988 de Televisión Privada (loi 10/1988 sur la télévision privée) du 3 mai 1988 (BOE n° 108, du 5 mai 1988, p. 13666) et à la Ley Orgánica 14/1995 de publicidad electoral en emisoras de televisión local por ondas terrestres (loi organique 14/1995 relative à la publicité électorale concernant les émetteurs de télévision locale par ondes terrestres) du 22 décembre 1995 (BOE n° 309, du 27 décembre 1995, p. 36940)
115 À cet égard, il convient de relever que, certes, la transmission est indispensable à la radiodiffusion. En effet, bien que, selon la jurisprudence, la technique de transmission ne soit pas un élément déterminant dans l’appréciation de la notion de radiodiffusion (arrêts du 2 juin 2005, Mediakabel, C‑89/04, EU:C:2005:348, point 33, et du 22 décembre 2008, Kabel Deutschland Vertrieb und Service, C‑336/07, EU:C:2008:765, point 64), il n’en demeure pas moins qu’il existe entre les deux services un lien de dépendance. Toutefois, le service de radiodiffusion doit être distingué de celui d’exploitation des réseaux de diffusion. En effet, il s’agit de deux activités distinctes qui sont réalisées par des entreprises différentes opérant sur des marchés différents. Tandis que le service de radiodiffusion est assuré par des radiodiffuseurs, à savoir des opérateurs de télévision, le service d’exploitation des réseaux de diffusion est assuré par des opérateurs de plates-formes d’émission de signaux, à savoir des plates-formes terrestre, satellitaire ou câblée, ou par le biais des accès à haut débit sur Internet.
116 Les requérantes font également référence au fait que le protocole n° 29 sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres complétant les traités UE et FUE (ci-après le « protocole n° 29 ») souligne le pouvoir des États membres concernant la mission de service public de radiodiffusion telle qu’elle a été conférée, définie et organisée par chaque État membre. À cet égard, il convient de constater que ce protocole s’applique au secteur de la radiodiffusion (arrêt du 10 juillet 2012, TF1 e.a./Commission, T‑520/09, non publié, EU:T:2012:352, point 94) et, plus précisément, au financement du service public de radiodiffusion accordé aux organismes de radiodiffusion, à savoir, en l’espèce, les opérateurs de télévision. En revanche, le financement des opérateurs de plates-formes d’émission de signaux n’est pas concerné par ledit protocole.
117 Par ailleurs, lorsque, dans le protocole n° 29, les États membres ont énoncé que la radiodiffusion de service public dans les États membres était directement liée aux besoins démocratiques, sociaux et culturels de chaque société ainsi qu’à la nécessité de préserver le pluralisme dans les médias, ils ont fait directement référence aux systèmes de radiodiffusion de service public institués par eux et chargés de la diffusion, au profit de l’ensemble de la population de ces États, de programmes télévisés généralistes (arrêt du 26 juin 2008, SIC/Commission, T‑442/03, EU:T:2008:228, point 198). Or, en l’espèce, dès lors que le décret royal 944/2005 a imposé aux radiodiffuseurs nationaux de couvrir 96 % de la population dans le cas du secteur privé et 98 % de la population dans le cas du secteur public sur leur territoire respectif (voir point 2 ci-dessus) et que, pour la quasi-totalité de la zone II, une telle obligation de couverture garantissait l’accès aux chaînes publiques, la topographie de la zone III excluant la transmission numérique terrestre (voir point 3 ci-dessus), la mesure en cause visait en substance à financer l’extension de la couverture de la population par des opérateurs de télévision du secteur privé. En outre, il convient de relever que les objectifs dudit protocole visant à garantir les besoins démocratiques, sociaux et culturels d’une société et à préserver le pluralisme dans les médias ne présentent aucun lien avec le choix de la technologie de diffusion.
118 S’agissant de l’argumentation des requérantes relative aux lois espagnoles mentionnées au point 114 ci-dessus et au décret royal 529/2002, celle-ci doit être rejetée. En effet, d’une part, en ce qui concerne la loi 31/1987, force est de constater qu’elle n’a pas été produite devant le Tribunal. Or, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de l’adoption d’une décision en matières d’aides d’État, la constatation du droit national est une question de fait (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, A2A/Commission, C‑318/09 P, non publié, EU:C:2011:856, point 125 et jurisprudence citée). La question de savoir si et dans quelle mesure une règle de droit national s’applique ou non au cas d’espèce relève d’une appréciation factuelle du juge et est soumise aux règles sur l’administration de la preuve et sur la répartition de la charge de la preuve (arrêt du 20 septembre 2012, France/Commission, T‑154/10, EU:T:2012:452, point 65). En ce qui concerne les autres lois espagnoles mentionnées au point 114 ci-dessus et le décret royal 529/2002, il convient de rappeler que, conformément à l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure, les preuves et les offres de preuve sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires. Selon l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, à titre exceptionnel, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié. En l’espèce, force est de constater que, les autres lois espagnoles mentionnées au point 114 ci-dessus et le décret royal 529/2002 ayant été produits au stade des observations sur le mémoire en intervention complémentaire de SES Astra (voir point 36 ci-dessus) sans aucune justification concernant le caractère tardif de cette communication, ceux-ci doivent être rejetés comme étant irrecevables, en vertu de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure.
119 D’autre part, il y a lieu de constater que l’argument selon lequel, en vertu de la loi 31/1987, les services de radiodiffusion sonore et de télévision par ondes terrestres sont des services publics et selon lequel, en vertu du décret royal 529/2002, les réseaux qui relayent le signal de télévision terrestre sont considérés comme des services essentiels qui garantissent la continuité des émissions de télévision ne permet pas, en tout état de cause, de conclure que ces dispositions définissent, outre les services de radiodiffusion, également d’autres services comme services publics, ainsi que l’affirme également l’intervenante. En outre, il convient de constater que ni la loi 10/2005, ni la loi générale 7/2010, ni la loi générale 9/2014, ni la loi 4/1980, ni la loi 10/1988, ni la loi organique 14/1995 ne permettent, en tout état de cause, de parvenir à une telle conclusion.
120 Dans la mesure où les requérantes font valoir que le Tribunal a rappelé dans ses arrêts du 16 septembre 2013, Colt Télécommunications France/Commission (T‑79/10, non publié, EU:T:2013:463), du 16 septembre 2013, Orange/Commission (T‑258/10, non publié, EU:T:2013:471), et du 16 septembre 2013, Iliad e.a./Commission (T‑325/10, non publié, EU:T:2013:472), relatifs précisément au déploiement de réseaux à haut débit, que les États membres disposaient d’un large pouvoir d’appréciation quant à la détermination de ce qu’ils considéraient comme un SIEG, à condition que la mission de SIEG satisfasse à certains critères minimaux, tels que notamment le caractère universel et obligatoire de cette mission, leur argumentation ne saurait être accueillie. En effet, il doit être examiné pour chaque service séparément si les exigences du premier critère de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), à savoir si l’entreprise bénéficiaire est effectivement chargée de l’exécution d’obligations de service public et si ces obligations sont clairement définies, sont satisfaites. Par ailleurs, il convient de relever que le respect du principe de neutralité technologique revêt également un caractère décisif concernant la détermination du service d’établissement et d’exploitation d’un réseau de communications électroniques à très haut débit comme SIEG (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2013, Iliad e.a./Commission, T‑325/10, non publié, EU:T:2013:472, points 142 à 145).
121 En ce qui concerne, à cet égard, l’argumentation des requérantes selon laquelle la Commission a agi de manière contradictoire en ce qu’elle aurait déjà estimé que le déploiement de réseaux à haut débit pouvait être considéré comme un SIEG, leur argumentation ne saurait non plus être accueillie. En effet, il convient de rappeler que la notion d’aide d’État est une notion objective, qui est fonction de la seule question de savoir si une mesure étatique confère ou non un avantage à une ou à certaines entreprises. La pratique décisionnelle de la Commission en la matière, sur laquelle les parties sont du reste en désaccord, ne saurait donc se révéler décisive (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2009, Associazione italiana del risparmio gestito et Fineco Asset Management/Commission, T‑445/05, EU:T:2009:50, point 145 et jurisprudence citée).
122 En troisième lieu, en ce qui concerne la constatation de la Commission, énoncée à titre subsidiaire et figurant au considérant 183 de la décision attaquée, selon laquelle la définition comme service public de l’exploitation d’une plate-forme de support déterminée, en l’occurrence celle de la plate-forme terrestre, aurait constitué une erreur manifeste des autorités espagnoles, les requérantes affirment que la Commission n’a pas démontré que l’option de la numérisation du réseau terrestre préexistant au lieu de son abandon au profit du déploiement d’un réseau satellitaire nouveau serait manifestement erronée. Selon elles, la Commission s’est bornée à exiger des autorités nationales et des tiers intéressés qu’ils apportent la preuve contraire.
123 Il est vrai qu’il résulte de l’économie générale du traité FUE que la procédure prévue à l’article 108 TFUE ne doit jamais aboutir à un résultat qui serait contraire aux dispositions spécifiques du traité (voir arrêts du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, point 50 et jurisprudence citée, et du 16 octobre 2013, TF1/Commission, T‑275/11, non publié, EU:T:2013:535, point 41 et jurisprudence citée). La marge d’appréciation des États membres pour configurer leurs SIEG ne peut s’exercer d’une façon qui donne lieu à une violation du principe d’égalité de traitement qui est assuré, en ce qui concerne le service d’exploitation des réseaux, en particulier par le principe de neutralité technologique. C’est ainsi que, lorsqu’il existe plusieurs plates-formes de transmission comme en l’espèce, il n’est pas possible de considérer que l’une d’elles est essentielle à la transmission des signaux de radiodiffusion sans respecter le principe de neutralité technologique. En définissant le service d’exploitation d’un réseau de TNT comme SIEG, les autorités espagnoles ne devaient donc pas discriminer les autres plates-formes. Un système de concurrence non faussée, tel que celui qui est prévu par le traité FUE, ne peut être garanti que si l’égalité des chances entre les différents opérateurs économiques est assurée (voir arrêt du 28 février 2013, Ordem dos Técnicos Oficiais de Contas, C‑1/12, EU:C:2013:127, point 88 et jurisprudence citée).
124 Toutefois, le respect du principe de neutralité technologique n’implique pas que, dans tous les cas, le choix d’une certaine plate-forme pour l’exploitation des réseaux de radiodiffusion constitue une erreur manifeste. Au considérant 183 de la décision attaquée, la Commission a constaté une erreur manifeste des autorités espagnoles en raison du choix d’une certaine plate-forme en tant que telle. Elle n’a donc pas examiné si un tel choix était objectivement justifié dans le cas d’espèce en tenant compte du large pouvoir d’appréciation des autorités espagnoles quant à la définition de ce qu’elles considèrent comme étant un SIEG. Il est vrai que, dans le cadre de l’examen de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, la Commission a examiné si le choix d’une technologie donnée pouvait être accepté. Cependant, ces considérations ne peuvent pas être prises en compte pour trancher la question de savoir si la Commission a, à juste titre, constaté l’existence d’une erreur manifeste commise par les autorités espagnoles relative à la définition d’un SIEG, parce que l’examen de la légalité de la définition d’un SIEG, en vertu de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, est différent de celui de la compatibilité d’une aide, conformément à l’article 107, paragraphe 3, TFUE. En effet, tandis que les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation relatif à la définition d’un SIEG, c’est la Commission qui dispose d’un large pouvoir d’appréciation relatif à la question de savoir si une aide est compatible avec le marché intérieur. Par conséquent, étant donné que la Commission n’a pas examiné de manière plus approfondie le choix de l’État membre, ce n’est pas à bon droit qu’elle a constaté l’existence d’une erreur manifeste des autorités espagnoles dans le choix d’une certaine plate-forme pour cette exploitation.
125 En quatrième lieu, les requérantes font valoir que la Commission a erronément constaté, aux considérants 181 et 185 de la décision attaquée, que les autorités espagnoles n’avaient apporté aucune preuve de l’existence d’un acte d’attribution en vue du déploiement de la TNT en faveur des bénéficiaires. Selon elles, le premier acte d’attribution était les conventions conclues par l’État espagnol et le gouvernement de Castille-La Manche dans lesquelles l’administration centrale se serait engagée à financer l’extension de la couverture confiée à la communauté de Castille-La Manche. Le deuxième acte serait le décret 347/2008 qui aurait attribué la prestation du SIEG aux propriétaires respectifs des centres d’émission et le troisième acte serait les conventions conclues par le gouvernement de Castille-La Manche et les propriétaires des centres d’émission.
126 Il convient de rappeler que, selon le premier critère de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public et que ces obligations doivent être clairement définies.
127 En l’espèce, il a déjà été relevé que la Commission n’a pas commis d’erreur en constatant l’absence d’une définition claire du service d’exploitation d’un réseau terrestre comme service public, ce qui est suffisant pour conclure que le premier critère de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), n’était pas satisfait.
128 En tout état de cause, l’argumentation des requérantes ne démontre pas que celles-ci ont effectivement été chargées de l’exécution d’obligations de service public par les actes mentionnés au point 125 ci-dessus. En effet, premièrement, s’agissant des conventions conclues par l’État espagnol et le gouvernement de Castille-La Manche, il y a lieu de constater que celles-ci n’ont pas été produites par les requérantes. Les requérantes affirment que l’État espagnol s’engageait, dans ces conventions, à financer l’extension de la couverture en Castille-La Manche, mais elles ne démontrent ni la qualité de service public de cette extension ni le fait que, par ces actes, elles ont été chargées de l’exécution d’obligations de service public. Deuxièmement, en ce qui concerne le décret 347/2008, il convient de rappeler que celui-ci a établi une procédure spéciale en Castille-La Manche prévoyant l’allocation directe des fonds nécessaires à la numérisation aux titulaires des centres d’émission. Aucun élément ne permet de constater que, par ce décret, les requérantes ont été effectivement chargées de l’exécution d’obligations de service public. Troisièmement, s’agissant de l’argumentation relative aux conventions conclues par le gouvernement de Castille-La Manche et les propriétaires des centres d’émission, il a déjà été constaté (voir points 112 et 113 ci-dessus) que, dans la convention produite par les requérantes, aucune disposition n’indique que l’exploitation du réseau terrestre est considérée comme un service public.
129 Par conséquent, il convient de constater qu’à aucun moment les requérantes n’ont été en mesure d’indiquer les obligations de service public qui, selon elles, leur incombaient en vertu de la loi espagnole ou des conventions d’exploitation et qu’elles n’ont apporté aucun élément de preuve à cet égard.
130 Au vu de ce qui précède, bien que la Commission ait à tort considéré que le choix d’une certaine plate-forme pour l’exploitation des réseaux de radiodiffusion constituait une erreur manifeste des autorités espagnoles, il convient de constater que le premier critère de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), n’était pas satisfait en l’absence d’une définition claire du service d’exploitation d’un réseau terrestre comme service public et d’un acte d’attribution dudit service public à un opérateur d’une plate-forme déterminée.
– Sur le quatrième critère posé par l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), relatif à la garantie de moindre coût pour la collectivité
131 Selon ce critère, lorsque le choix de l’entreprise qui doit être chargée de l’exécution d’obligations de service public, dans un cas concret, n’est pas effectué dans le cadre d’une procédure de marché public permettant de sélectionner le candidat capable de fournir ces services au moindre coût pour la collectivité, le niveau de la compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes s’y rapportant ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations (arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, EU:C:2003:415, point 93).
132 Dans la seconde phrase de la note en bas de page n° 32 de la décision attaquée, la Commission a constaté que la mesure en cause ne satisferait pas aux critères posés par l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), étant donné, notamment, que les bénéficiaires n’avaient pas été sélectionnés au moyen d’une procédure d’appel d’offres ouverte et que les autorités n’avaient pas calculé le montant de la compensation sur la base du coût qu’une entreprise bien gérée aurait engagé pour fournir les services en cause.
133 Les requérantes contestent ces considérations et font valoir que les services en cause ont été attribués aux conditions du marché, en prenant comme référence une entreprise efficace et bien gérée. Lorsque les collectivités locales auraient traité directement avec un opérateur privé, elles l’auraient fait au moyen de la procédure négociée, à savoir une procédure reconnue par la législation espagnole sur les marchés publics. De plus, comme condition préalable au contrat, les opérateurs auraient été tenus de présenter aux collectivités locales un mémoire technique ventilant les coûts et basé sur les prix du marché des actions nécessaires pour la numérisation. Ce serait sur la base de ces prix de marché proposés dans ledit mémoire que l’opérateur le plus efficace aurait été choisi pour mener la numérisation dans le cadre de conventions fixant un budget maximal.
134 Cette argumentation des requérantes ne saurait être accueillie.
135 En effet, il convient de rappeler (voir point 11 ci-dessus) que, en ce qui concerne l’exécution du décret 347/2008, qui prévoyait l’allocation directe des fonds nécessaires à la numérisation aux titulaires des centres d’émission existants, il convient de distinguer trois situations différentes. Premièrement, lorsque les centres d’émission appartenaient à une collectivité locale, c’est cette dernière qui a conclu, sur la base d’un mémoire technique élaboré par un opérateur de télécommunications, une convention avec le gouvernement de Castille-La Manche pour obtenir le financement de celui-ci. Après avoir reçu ce financement, ces collectivités locales ont acheté l’équipement numérique à leur opérateur de télécommunications et ont sous-traité l’installation, l’exploitation et la maintenance de l’équipement à celui-ci. Deuxièmement, lorsque les centres d’émission appartenaient à un opérateur de télécommunications privé, ce dernier concluait, après avoir présenté une solution technique, une convention avec le gouvernement de Castille-La Manche pour obtenir des fonds de celui-ci pour numériser son équipement. Troisièmement, dans la mesure où il a été nécessaire de construire 20 nouveaux centres d’émission, 14 ont été construits sur la base de conventions conclues entre le gouvernement de Castille-La Manche et les collectivités locales tandis que 6 l’ont été sur la base d’une convention conclue entre ledit gouvernement et un opérateur de télécommunications.
136 En l’espèce, il y a lieu de relever que l’argumentation des requérantes concerne seulement le premier cas de figure, ainsi que le troisième cas de figure uniquement lorsque les nouveaux centres d’émission ont été construits sur la base de conventions conclues entre le gouvernement de Castille-La Manche et les collectivités locales. Dans les cas où les centres d’émission appartenaient à un opérateur de télécommunication privé ou lorsque les nouveaux centres d’émission ont été construits sur la base de conventions conclues entre le gouvernement de Castille-La Manche et un tel opérateur, les requérantes n’affirment même pas que le quatrième critère posé par l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), était satisfait.
137 En ce qui concerne les cas où les centres d’émission appartenaient aux collectivités locales et où les nouveaux centres d’émission ont été construits sur la base de conventions conclues entre le gouvernement de Castille-La Manche et les collectivités locales, il convient de constater que les requérantes affirment que les collectivités locales ont respecté une procédure reconnue par la législation espagnole sur les marchés publics, à savoir la procédure négociée.
138 À cet égard, premièrement, il y a lieu de relever que, bien que les requérantes fassent référence à des dispositions du droit espagnol pour définir cette procédure, elles n’ont produit aucune de ces dispositions. Or, il a déjà été rappelé que, dans le cadre de l’adoption d’une décision en matière d’aides d’État, la constatation du droit national est une question de fait et que la question de savoir si et dans quelle mesure une règle de droit national s’applique ou non au cas d’espèce relève d’une appréciation factuelle du juge et est soumise aux règles sur l’administration de la preuve et sur la répartition de la charge de la preuve (voir point 118 ci-dessus). Faute d’avoir suffisamment précisé la procédure négociée selon le droit espagnol, il ne saurait être conclu que, en raison du choix de cette procédure, la Commission a erronément constaté que le quatrième critère posé par l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), n’était pas satisfait.
139 Deuxièmement, il y a lieu de relever que le fait qu’une mesure étatique soit conforme aux règles des marchés publics n’implique pas automatiquement que le quatrième critère posé par l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), est satisfait.
140 Ainsi que l’affirment les requérantes, selon le droit de l’Union, les procédures négociées sont les procédures dans lesquelles les pouvoirs adjudicateurs consultent les opérateurs économiques de leur choix et négocient les conditions du marché avec un ou plusieurs d’entre eux [voir, à cet égard, article 1er, paragraphe 11, sous d), de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO 2004, L 134, p. 114)].
141 S’il est vrai que, selon le droit des marchés publics, une telle procédure peut être justifiée dans certaines circonstances, il n’en demeure pas moins que, en l’espèce, il y a lieu d’examiner, dans le domaine des règles relatives aux aides d’État, si, à la suite du respect de cette procédure, le quatrième critère posé par l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), était satisfait. Une procédure négociée doit donc permettre de sélectionner le candidat capable de fournir les services en cause au moindre coût pour la collectivité (voir point 131 ci-dessus). Or, tel n’est pas nécessairement le cas. En effet, en consultant seulement les opérateurs économiques de leur choix, les autorités peuvent exclure certains opérateurs économiques d’un marché, qui, le cas échéant, pourraient faire une meilleure offre. À cet égard, il convient de relever que, également dans le domaine des marchés publics, il est reconnu que le recours à la procédure négociée n’a pas pour objet l’attribution du marché par la sélection de la meilleure offre [voir article 13, paragraphe 1, sous b), de la décision 2007/497/CE de la Banque centrale européenne, du 3 juillet 2007, fixant les règles de passation des marchés (JO 2007, L 184, p. 34)].
142 Au demeurant, s’agissant de l’argumentation selon laquelle les collectivités locales ont publié des annonces sur leurs tableaux d’affichage, invitant tout opérateur de télécommunications à présenter un mémoire technique selon la procédure prévue par le décret 347/2008, il convient de relever que, indépendamment de l’applicabilité des directives du droit de l’Union dans le domaine des marchés publics, les pouvoirs adjudicateurs espagnols étaient, en tout état de cause, tenus de respecter les règles fondamentales du traité en général et le principe de non-discrimination en raison de la nationalité en particulier, ce qui impliquait notamment une obligation de transparence consistant à garantir un degré de publicité adéquat permettant une ouverture du marché des services à la concurrence ainsi que le contrôle de l’impartialité des procédures d’adjudication (voir, en ce sens, arrêt du 7 décembre 2000, Telaustria et Telefonadress, C‑324/98, EU:C:2000:669, points 60 à 62, et ordonnance du 3 décembre 2001, Vestergaard, C‑59/00, EU:C:2001:654, points 20 et 21).
143 En l’espèce, il ressort des observations des autorités de Castille-La Manche relatives à la décision d’ouverture, produites par les requérantes, que les modalités de publicité de la procédure choisie pour déterminer un opérateur consistaient notamment en la publication sur le panneau d’affichage de la municipalité et en l’envoi d’un courrier aux deux opérateurs de réseau les plus présents dans la région, à savoir les requérantes. En outre, il ressort de ces observations que, dans certains cas, il a été procédé sans aucune publicité, ainsi que l’a également constaté la Commission au considérant 126 de la décision attaquée. De plus, selon ledit considérant, les annonces ne concernaient que la modernisation des centres d’émission terrestres déjà existants et non la construction de nouveaux centres, ce que les requérantes n’ont pas contesté. Au vu de ce qui précède, il ne saurait être conclu que les requérantes ont démontré que, dans tous les cas, les pouvoirs adjudicateurs avaient respecté l’obligation de transparence consistant à garantir un degré de publicité adéquat permettant une ouverture du marché des services à la concurrence, ce qui est d’ailleurs confirmé par le fait que, selon la note en bas de page n° 64 de la décision attaquée, les autorités de Castille-La Manche n’ont pu produire aucun exemple d’offre présentée par un opérateur de télécommunications inscrit au registre du régulateur espagnol des télécommunications autre que les requérantes.
144 Troisièmement, dans la mesure où les requérantes font valoir que, comme condition préalable au contrat, les opérateurs ont été tenus de présenter aux collectivités locales un mémoire technique ventilant les coûts et basé sur les prix du marché des actions nécessaires pour la numérisation, il y a lieu de relever que le mémoire technique produit par les requérantes contient une estimation du coût d’investissement et des dépenses récurrentes. Toutefois, l’indication de ces montants ne permet pas de remplacer une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes s’y rapportant ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations.
145 Il s’ensuit que les requérantes n’ont pas démontré que la Commission avait, à tort, constaté que le quatrième critère de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), n’était pas satisfait.
146 Au vu de ce qui précède, il convient de conclure qu’à aucun moment les critères de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), n’ont été satisfaits cumulativement. La Commission n’a donc pas commis d’erreur en constatant l’existence d’un avantage économique en faveur des requérantes.
147 La seconde branche du troisième moyen et, par conséquent, ce moyen dans son intégralité doivent donc être rejetés.
Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 107 TFUE relative à l’existence d’une distorsion de concurrence et d’une affectation des échanges entre États membres
148 Les requérantes font valoir que la Commission a violé l’article 107 TFUE parce que les mesures en cause ne seraient pas susceptibles de fausser la concurrence ni d’affecter les échanges entre États membres. Selon elles, la Commission n’a pas affirmé que l’avantage que percevraient les opérateurs affectait la concurrence ou les échanges entre États membres ni motivé la décision attaquée sur ce point. La Commission aurait plutôt reconnu l’absence d’intérêt commercial pour la zone II et l’existence d’une défaillance de marché. En outre, les mesures en cause ne permettraient pas d’offrir une plus grande capillarité. De plus, étant donné que les coûts seraient calculés sur la base de critères de marché, les entreprises concernées ne recevraient aucun avantage susceptible de fausser la concurrence. Par ailleurs, les requérantes font valoir que les opérateurs concernés avaient l’obligation légale de ne pas utiliser les équipements fournis aux collectivités locales pour d’autres activités que celles qui étaient liées à la couverture de la TNT et que toute entreprise avait un accès garanti aux centres d’émission numérisés pour la fourniture d’autres services. Enfin, les mesures n’auraient pas non plus permis d’imposer des tarifs plus élevés. Selon les requérantes, les mesures en cause ayant un champ d’application local, les échanges entre États membres ne seraient pas affectés.
149 Il y a lieu de rappeler que la Commission est tenue non d’établir une incidence réelle des aides sur les échanges entre États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si ces aides sont susceptibles d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence (voir arrêts du 15 décembre 2005, Unicredito Italiano, C‑148/04, EU:C:2005:774, point 54 et jurisprudence citée ; du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 134 et jurisprudence citée, et du 8 mai 2013, Libert e.a., C‑197/11 et C‑203/11, EU:C:2013:288, point 76 et jurisprudence citée).
150 En particulier, lorsqu’une aide accordée par un État renforce la position d’une entreprise par rapport à celle d’autres entreprises concurrentes dans les échanges dans l’Union, ces derniers doivent être considérés comme influencés (voir arrêts du 15 décembre 2005, Unicredito Italiano, C‑148/04, EU:C:2005:774, point 56 et jurisprudence citée, et du 8 mai 2013, Libert e.a., C‑197/11 et C‑203/11, EU:C:2013:288, point 77 et jurisprudence citée).
151 En premier lieu, s’agissant de l’argumentation selon laquelle la Commission a violé son obligation de motivation en n’expliquant pas que l’avantage que percevaient, selon elle, les opérateurs affectait la concurrence ou les échanges entre États membres, il convient de constater que, aux considérants 125 à 137 de la décision attaquée, la Commission a examiné si les mesures en cause faussaient le jeu de la concurrence et avaient des effets sur les échanges entre États membres. Premièrement, en ce qui concerne la distorsion de concurrence, la Commission a précisé, aux considérants 125 à 135 de la décision attaquée, que, en octroyant directement le financement aux requérantes, les autorités espagnoles avaient opéré une discrimination envers les autres opérateurs de réseau terrestre qui auraient pu fournir ces services et qui avaient été privés de la possibilité de présenter une offre. En outre, selon la Commission, compte tenu du fait que les plates-formes satellitaire et terrestre étaient concurrentes, la mesure destinée au déploiement, à l’exploitation et à la maintenance de la TNT dans la zone II faussait la concurrence entre ces deux plates-formes. De plus, la Commission a constaté que d’autres plates-formes, et notamment la télévision sur Internet, étaient désavantagées par les mesures en cause. Deuxièmement, la Commission a constaté, aux considérants 136 et 137 de la décision attaquée, que les mesures en cause affectaient les échanges entre États membres, étant donné que les opérateurs de réseau seraient intervenus dans un secteur où des échanges entre États membres existaient. Selon la Commission, Abertis et SES Astra faisaient partie d’un groupe international d’entreprises et SES Astra aurait participé à l’appel d’offres pour la fourniture d’un réseau numérique en Castille-La Manche si une procédure technologiquement neutre avait été organisée. Cette motivation de la Commission était suffisante pour expliquer pourquoi, selon elle, les mesures en cause étaient susceptibles de fausser la concurrence et d’affecter les échanges entre États membres. La motivation de la décision attaquée était donc suffisamment claire pour permettre aux requérantes de connaître les justifications de la mesure prise et au juge de l’Union d’exercer son contrôle de légalité. Par conséquent, la Commission n’a pas violé son obligation de motivation.
152 En second lieu, il y a lieu de relever que le raisonnement de la Commission, figurant aux considérants 125 à 137 de la décision attaquée, n’est pas remis en cause par l’argumentation des requérantes.
153 En effet, premièrement, s’agissant de l’argumentation selon laquelle la Commission aurait reconnu l’absence d’intérêt commercial pour la zone II, il convient de relever que la Commission a certes constaté qu’il existait une défaillance de marché dans cette zone. Toutefois, l’existence d’une concurrence dans ladite zone est démontrée par le fait qu’il existait, en Castille-La Manche, d’autres opérateurs de réseau terrestre qui auraient pu fournir les services en cause, ainsi que l’a constaté la Commission aux considérants 125 et 126 de la décision attaquée. Ce constat n’est, par ailleurs, pas remis en cause par l’argument des requérantes selon lequel les mesures en cause consistaient précisément à identifier les centres d’émission à numériser et ensuite à conclure des conventions avec n’importe quel opérateur, d’autant plus que les autorités n’ont contacté que les requérantes, ainsi qu’il ressort du considérant 38 de la décision attaquée (voir, à cet égard, également point 143 ci-dessus). En outre, l’existence d’une concurrence dans la zone II découle du fait que les plates-formes terrestre et satellitaire étaient présentes sur le même marché, ainsi que l’a constaté la Commission aux considérants 128 à 134 de la décision attaquée, ce que les requérantes n’ont pas contesté de manière concrète. À cet égard, la Commission a indiqué, au considérant 129 de la décision attaquée, que SES Astra avait participé à un appel d’offres portant sur l’extension de la couverture de télévision numérique en Cantabrie. Par ailleurs, il a déjà été jugé qu’il existait une concurrence entre les plates-formes terrestre et satellitaire (arrêts du 6 octobre 2009, FAB/Commission, T‑8/06, non publié, EU:T:2009:386, point 55, et du 15 juin 2010, Mediaset/Commission, T‑177/07, EU:T:2010:233, point 97). S’agissant, à cet égard, de l’argument des requérantes selon lequel, dans une petite partie de la zone II, la solution satellitaire a été préférée, il suffit de relever que celui-ci ne remet aucunement en cause l’existence d’une concurrence entre les plates-formes terrestre et satellitaire.
154 Deuxièmement, dans la mesure où les requérantes affirment que les mesures en cause ne leur permettent pas d’offrir une plus grande capillarité, que les prix étaient calculés sur la base de critères de marché, que les opérateurs bénéficiaires avaient l’obligation légale de ne pas utiliser les équipements fournis pour d’autres activités, que toute entreprise avait un accès garanti et que les tarifs ne devaient pas être plus élevés, il y a lieu de relever que ces arguments ne remettent pas en cause le constat effectué par la Commission aux considérants 125 à 135 de la décision attaquée, selon lequel il existait une distorsion de concurrence, dès lors que les mesures en cause bénéficiaient à l’activité économique des requérantes de mise à disposition et d’exploitation des moyens techniques de diffusion de signaux de télévision dans la zone II et non à celle de leurs concurrents.
155 Troisièmement, en ce qui concerne l’affectation des échanges entre États membres, dans la mesure où, au considérant 137 de la décision attaquée, la Commission a, d’une part, constaté que les opérateurs de réseau intervenaient dans un secteur où des échanges entre États membres existaient et, d’autre part, indiqué qu’Abertis et SES Astra faisaient partie d’un groupe international d’entreprises, elle a à suffisance de droit établi que les mesures en cause étaient susceptibles d’affecter ces échanges, contrairement à ce qu’allèguent les requérantes. En effet, il est constant que tant Abertis que SES Astra constituaient des entreprises internationales. S’il est vrai que la zone II constitue, par rapport à la zone I, une petite partie du territoire, il n’en demeure pas moins que le régime d’aides constaté dans la décision attaquée couvrait la zone II dans l’ensemble du territoire de la communauté autonome de Castille-La Manche.
156 Le quatrième moyen doit donc être rejeté.
Sur le cinquième moyen, tiré à titre subsidiaire d’une erreur de droit et d’une insuffisance de motivation, relatif à la compatibilité de l’aide en cause avec le marché intérieur au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE
157 Les requérantes font valoir que la Commission a évalué manifestement de manière erronée la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur, en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, et violé son obligation de motivation parce que, premièrement, elle aurait commis des erreurs en appréciant le principe de neutralité technologique, deuxièmement, elle aurait à tort considéré que les mesures litigieuses n’avaient pas respecté le principe de neutralité technologique en dépit des conclusions des rapports présentés, troisièmement, les mesures en cause seraient appropriées et proportionnées au regard de l’objectif poursuivi et, quatrièmement, ces mesures ne créeraient pas de distorsions de concurrence inutiles.
158 Il ressort des considérants 145 à 178 de la décision attaquée que la Commission a estimé que l’aide en cause ne pouvait être considérée comme compatible avec le marché intérieur au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, parce que, selon elle, la mesure en cause ne respectait pas le principe de neutralité technologique, n’était pas proportionnée, ne constituait pas un instrument approprié pour garantir la couverture des chaînes en clair aux résidents de la zone II en Castille-La Manche et créait des distorsions inutiles de la concurrence.
159 Il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, les dérogations au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur, énoncé à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, doivent faire l’objet d’une interprétation stricte (voir arrêts du 29 avril 2004, Allemagne/Commission, C‑277/00, EU:C:2004:238, point 20 et jurisprudence citée, et du 14 octobre 2010, Nuova Agricast et Cofra/Commission, C‑67/09 P, EU:C:2010:607, point 74 et jurisprudence citée).
160 En outre, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission jouit, pour l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations complexes d’ordre économique et social. Le contrôle juridictionnel appliqué à l’exercice de ce pouvoir d’appréciation se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi qu’au contrôle de l’exactitude matérielle des faits retenus et de l’absence d’erreur de droit, d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits ou de détournement de pouvoir (arrêts du 26 septembre 2002, Espagne/Commission, C‑351/98, EU:C:2002:530, point 74, et du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, EU:C:2004:234, point 83).
161 Il convient également de rappeler que, si la Commission dispose d’une marge d’appréciation en matière économique, cela n’implique pas que le juge de l’Union doit s’abstenir de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de nature économique. En effet, le juge de l’Union doit non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées. Toutefois, dans le cadre de ce contrôle, il ne lui appartient pas de substituer son appréciation économique à celle de la Commission. En outre, il y a lieu de relever que, dans les cas où une institution dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle du respect de certaines garanties procédurales revêt une importance fondamentale. Selon la jurisprudence, parmi ces garanties figure l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce et de motiver sa décision de façon suffisante (voir arrêt du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, EU:C:2007:698, points 56 à 58 et jurisprudence citée).
Sur le premier grief, tiré d’erreurs relatives à l’appréciation du principe de neutralité technologique
162 Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir erronément considéré que le principe de neutralité technologique constituait un principe absolu. Selon elles, si l’application de ce principe est souhaitable, la possibilité réelle de le mettre en œuvre dépend de chaque cas d’espèce et des circonstances de fait dans les différents territoires de l’Union. Il résulterait tant de la communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, du 17 septembre 2003, concernant la transition de la radiodiffusion analogique à la radiodiffusion numérique (du passage au numérique à l’abandon de l’analogique) [COM(2003) 541 final] (ci-après la « communication de 2003 ») que de la communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, du 24 mai 2005, concernant l’accélération de la transition de la radiodiffusion analogique à la radiodiffusion numérique [COM(2005) 204 final] que le principe de neutralité technologique n’a pas de caractère absolu. La loi espagnole le citerait également uniquement comme un principe à prendre en considération dans la mesure du possible.
163 Cette argumentation ne démontre toutefois pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation. En effet, il ressort du considérant 151 de la décision attaquée que la Commission n’a pas estimé que le principe de neutralité technologique constituait un principe absolu. En revanche, elle a constaté que le choix de la technologie devait être opéré, en règle générale, à la suite d’un appel d’offres technologiquement neutre, comme cela aurait été le cas dans d’autres États membres. Selon la Commission, organiser un appel d’offres peut être coûteux et retarder l’exécution du projet et, dans certains cas, il se peut que cette procédure ne soit pas justifiée s’il est possible de déterminer à l’avance que seule une technologie donnée ou seul un fournisseur donné peuvent exécuter les services requis. La Commission a constaté que le fait d’opter pour une technologie particulière pouvait être acceptable si cette option était justifiée par les résultats d’une étude préliminaire, qui devrait tenir compte de critères de prix et de qualité et dont les résultats devraient être clairs et solides. Au considérant 152 de la décision attaquée, la Commission a précisé qu’elle avait reconnu par le passé qu’une étude pouvait fonder le choix d’une solution technologique particulière mais que la charge de la preuve incombait à l’État membre, qui devrait établir que les résultats de ladite étude étaient suffisamment étayés et que cette étude avait été réalisée de manière totalement indépendante. Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, la Commission n’a pas exclu que, dans un cas d’espèce, les circonstances de fait puissent permettre de choisir une technologie donnée.
164 En outre, il convient de relever que l’importance du principe de neutralité technologique en la matière a été soulignée par la Commission dans sa communication de 2003 et sa communication COM(2005) 204 final (point 162 ci-dessus), ainsi qu’il ressort du considérant 141 de la décision attaquée. La condition de neutralité technologique au sens de ces communications prévoit, en particulier, que l’abandon de la diffusion analogique sur un territoire donné ne peut avoir lieu que si la quasi-totalité des ménages reçoivent les services numériques et que, pour atteindre cet objectif, tous les modes de transmission doivent être pris en compte (arrêt du 6 octobre 2009, Allemagne/Commission, T‑21/06, non publié, EU:T:2009:387, point 69). Lorsque la Commission adopte de tels actes destinés à préciser, dans le respect du traité, les critères qu’elle compte appliquer dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’appréciation, il en résulte une autolimitation de ce pouvoir, en ce qu’il lui incombe de se conformer aux règles indicatives qu’elle s’est elle-même imposées (arrêt du 28 novembre 2008, Hotel Cipriani e.a./Commission, T‑254/00, T‑270/00 et T‑277/00, EU:T:2008:537, point 292).
165 S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel l’application du principe de neutralité technologique en l’espèce allait beaucoup plus loin que ce qu’affirmerait la Commission dans sa communication de 2003, il convient de constater que, selon le point 2.1.3 de cette communication, il ne faut pas exclure une quelconque possibilité de soutien des pouvoirs publics à une option déterminée, mais ce soutien doit être justifié par des objectifs d’intérêt général bien définis et mis en œuvre d’une manière proportionnée. La Commission ayant constaté, au considérant 151 de la décision attaquée, que le fait d’opter pour une technologie particulière pouvait être acceptable si cette option était justifiée par les résultats d’une étude préliminaire, il ne saurait être conclu qu’elle est sortie du cadre de sa communication de 2003. Cet argument doit donc être rejeté.
166 Par conséquent, le premier grief doit être rejeté.
Sur le deuxième grief, tiré d’erreurs relatives à la compatibilité des mesures litigieuses avec le principe de neutralité technologique et d’une insuffisance de motivation
167 Les requérantes font valoir que la Commission a à tort considéré que les mesures en cause n’avaient pas respecté le principe de neutralité technologique en dépit des conclusions des rapports présentés. Le choix de la plate-forme terrestre serait justifié selon ces rapports. D’après les requérantes, en Castille-La Manche, l’alternative retenue a été celle du choix de la meilleure technologie dans chaque cas sur la base d’un rapport technique élaboré par un expert indépendant, à savoir l’étude comparative socio-économique des options technologiques relatives à l’extension de la couverture du signal de TNT en Castille-La Manche datant du 9 septembre 2008 (ci-après l’« étude comparative de 2008 »). Après avoir évalué différents aspects qualitatifs et quantitatifs, cette étude aurait conclu que l’option terrestre était préférable. Les conclusions de l’étude comparative de 2008 auraient confirmé celles de l’étude relative aux coûts de référence du processus d’universalisation de la TNT en Espagne datant de juillet 2007 et élaborée par les autorités espagnoles (ci-après l’« étude de 2007 ») et auraient été confirmées ultérieurement par une étude présentée par Abertis datant de 2010 et vérifiée par une société de consultants. Selon les requérantes, le fait que les autorités de Castille-La Manche ont toujours choisi la solution la plus efficace dans chaque cas est également démontré par le fait que ces autorités auraient aussi eu recours à la technologie satellitaire dans une minorité de municipalités.
168 Selon les considérants 154 à 165 de la décision attaquée, aucune étude n’a apporté une preuve suffisante de la supériorité de la plate-forme terrestre par rapport à d’autres solutions technologiques et ne justifiait que le gouvernement de Castille-La Manche ait évité d’organiser une procédure d’appel d’offres ouverte.
169 Il convient de rappeler que, afin d’établir que la Commission a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation de la décision attaquée, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans la décision (arrêts du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission, T‑380/94, EU:T:1996:195, point 59, et du 6 octobre 2009, FAB/Commission, T‑8/06, non publié, EU:T:2009:386, point 78).
170 En premier lieu, s’agissant de l’étude comparative de 2008, il ressort du considérant 154 de la décision attaquée que les autorités de Castille-La Manche l’ont réalisée avant l’adoption du décret 347/2008 et que, selon cette étude, la solution terrestre était la plus rentable. Cependant, au considérant 162 de la décision attaquée, la Commission a conclu que cette étude n’avait pas apporté d’éléments probants suffisants qui justifiaient le choix préalable de la technologie de TNT et la renonciation à l’organisation d’une procédure d’appel d’offres ouverte. Selon la Commission, en utilisant les chiffres fournis par la communauté autonome de Castille-La Manche, l’avantage financier initial du réseau de TNT diminuerait et, dans certaines hypothèses, la solution satellitaire deviendrait même avantageuse, même sans tenir compte des éventuelles remises offertes par un opérateur de satellites dans le cadre d’un appel d’offres concurrentiel.
171 Afin d’étayer cette conclusion, la Commission a constaté, au considérant 157 de la décision attaquée, que les autorités avaient le choix entre l’organisation d’un appel d’offres techniquement neutre et la présélection d’une technologie déterminée sur la base d’une étude des coûts. Si elles avaient organisé un appel d’offres ouvert, elles auraient pu choisir entre plusieurs offres et bénéficier d’éventuelles remises accordées par les soumissionnaires. Selon la Commission, l’omission de cette procédure d’appel d’offres aurait pu être justifiée si l’étude avait démontré que, compte tenu de toutes les remises qui pourraient être attendues de la part de soumissionnaires potentiels, la technologie satellitaire était manifestement plus onéreuse ou ne remplissait pas les exigences qualitatives essentielles. Puisque l’étude ne servirait qu’à justifier la dérogation à l’appel d’offres, elle aurait dû démontrer un écart de coûts significatif entre les deux plates-formes et la solidité d’un résultat de ce type.
172 Aux considérants 158 à 161 de la décision attaquée, la Commission a constaté que l’étude comparative de 2008 était loin de satisfaire à ces critères.
173 Selon le considérant 158 de cette décision, les résultats de cette étude n’étaient pas solides. En effet, après une demande d’informations envoyée par la Commission en 2011, les autorités espagnoles auraient dû corriger les données utilisées dans l’étude. Les corrections auraient consisté à augmenter les coûts relatifs aux centres d’émission d’environ 65 % ainsi que le nombre de centres d’émission réellement nécessaires pour garantir la couverture escomptée. Selon la Commission, en tenant compte des nouveaux chiffres, l’avantage financier de la technologie de TNT diminuait et, dans certains cas, se transformait même en un avantage financier pour l’option satellitaire.
174 Au considérant 159 de la décision attaquée, la Commission a constaté que l’étude en cause avait adopté une approche erronée pour le calcul du coût de la transmission par satellite. Selon cette approche, les municipalités loueraient la capacité du répéteur de satellite à la plate-forme satellitaire et exploiteraient leur propre connexion satellite. Le calcul se baserait donc sur des prix publiés en 2008 concernant la location de la capacité du répéteur de satellite. Selon la Commission, étant donné que ces prix concernaient des connexions individuelles, ils ne tenaient pas compte d’une remise pour quantités ni d’éventuelles négociations de prix. En outre, dans le cas d’un appel d’offres ouvert, comme cela aurait été démontré s’agissant de la Cantabrie, l’opérateur du satellite lui-même participerait en tant que concurrent et son offre se fonderait sur un calcul de prix complètement différent. Par rapport aux prix de location individuelle, si le contrat couvrait la totalité de la zone II de Castille-La Manche, il y aurait fort à parier que cette offre aurait compris d’importantes remises de prix au regard de la capacité.
175 Selon le considérant 160 de la décision attaquée, par ailleurs, l’approche de l’étude comparative de 2008 tirait indûment des conclusions en défaveur de l’option satellitaire. En effet, selon la Commission, les calculs auraient dû être basés sur la valeur actuelle nette des coûts récurrents au lieu de ne se fonder que sur la somme. En outre, l’étude aurait passé sous silence l’évolution exponentielle de la nécessité, et les coûts que cela impliquait, de créer des nouveaux centres d’émission de TNT, en raison de l’éloignement des derniers villages à atteindre, et aurait plutôt considéré une expansion linéaire. De plus, l’étude aurait calculé un coût annuel d’exploitation et de maintenance à hauteur de 3 % du coût de l’équipement, tandis que les autorités elles-mêmes auraient déclaré que les coûts d’exploitation et de maintenance pendant deux ans d’exploitation étaient estimés à 20 % du coût de l’équipement, c’est-à-dire à 10 % chaque année. Dans la note en bas de page n° 84 de la décision attaquée, la Commission a précisé que, selon elle, l’étude en cause présentait plusieurs autres défauts et que, par exemple, celle-ci ne justifiait pas à suffisance la raison pour laquelle elle ne tenait compte que de 2,85 % de la population de Castille-La Manche, ce qui aurait une incidence sur l’effectivité du coût des deux plates-formes.
176 Au considérant 161 de la décision attaquée, la Commission a donc constaté que le calcul des coûts relatifs à la TNT paraissait excessivement optimiste, ce qui serait étayé par la comparaison entre le coût estimé dans l’étude comparative de 2008 et les montants réellement dépensés jusqu’alors. La Commission a indiqué que, selon cette étude, le coût maximal du déploiement de la TNT se situerait approximativement entre 15 et 17 millions d’euros, tandis que les autorités de Castille-La Manche auraient par la suite dépensé 46 millions d’euros pour moderniser la TNT, en plus des frais d’installation de récepteurs satellite, lorsqu’il s’est avéré que la TNT n’était pas viable économiquement.
177 Premièrement, les requérantes font valoir que la Commission a ignoré tous les éléments qualitatifs évalués dans l’étude comparative de 2008, lesquels démontreraient tous que la technologie terrestre était la solution adéquate. À cet égard, elles précisent que les opérateurs satellitaires n’ont pas de licences pour diffuser le signal des radiodiffuseurs, que la technologie satellitaire ne permet pas de faire des déconnexions et que cette technologie impliquait plus d’incommodités pour l’utilisateur, qui se verrait contraint d’installer une antenne dans sa résidence. Selon les requérantes, au regard de la supériorité manifeste de la solution terrestre, la solution satellitaire aurait seulement pu être préférable si elle avait été beaucoup moins onéreuse.
178 Cette argumentation ne saurait être accueillie. En effet, en ce qui concerne l’argument selon lequel les opérateurs satellitaires n’auraient pas de licences pour diffuser le signal des radiodiffuseurs, force est de constater qu’une telle constatation ne figure pas expressément dans l’étude comparative de 2008. En outre, il convient de relever que la Commission a examiné cet argument au considérant 132 de la décision attaquée, dans lequel elle a considéré que les radiodiffuseurs pourraient acheter les droits pour la plate-forme satellitaire ou se voir imposer une obligation d’acheminement, laquelle avait été imposée aux radiodiffuseurs de la zone III, lorsque la plate-forme satellitaire aurait été sélectionnée. Par ailleurs, il est constant que tous les opérateurs de plate-forme ont besoin d’obtenir des licences des radiodiffuseurs pour diffuser leur signal, ces derniers étant les titulaires des fréquences. S’agissant de l’affirmation selon laquelle la solution satellitaire ne permet pas de faire des déconnexions, il suffit de constater que cette solution a précisément été choisie pour la zone III et que, ainsi que l’affirme la Commission au considérant 173 de la décision attaquée, le contrat conclu entre SES Astra et la Cantabrie comprenait un système professionnel d’accès conditionnel. Enfin, il ressort du considérant 161 de la décision attaquée que la Commission a, lors de son examen de l’étude comparative de 2008, tenu compte de la nécessité d’installer des récepteurs satellite dans le cas de la solution satellitaire. Les arguments des requérantes ne démontrant pas une supériorité manifeste de la solution terrestre, il ne saurait, en tout état de cause, être conclu que la solution satellitaire aurait seulement pu être préférable si elle avait été beaucoup moins onéreuse.
179 Deuxièmement, en ce qui concerne les constatations figurant au considérant 158 de la décision attaquée (voir point 173 ci-dessus), les requérantes font valoir que la Commission n’a pas identifié les prétendues déficiences de l’étude en cause qui auraient augmenté le nombre et le coût des centres d’émission concernés. En outre, selon elles, même en tenant compte des nouveaux chiffres, la technologie terrestre restait économiquement la plus efficace pour la numérisation de la zone II de Castille-La Manche. Le fait que les autorités espagnoles auraient eu recours à la technologie satellitaire dans des zones particulièrement isolées de Castille-La Manche démontrerait que celles-ci ont appliqué des critères d’efficacité technique et économique dans le déploiement de la TNT dans la zone II de leur territoire.
180 À cet égard, d’une part, il convient de relever qu’il ressort du considérant 158 de la décision attaquée que les corrections des données utilisées dans l’étude en cause effectuées par les autorités espagnoles consistaient à augmenter les coûts relatifs aux centres d’émission d’environ 65 % ainsi que le nombre de centres d’émission réellement nécessaires pour garantir la couverture escomptée. Étant donné que la Commission a précisé que ces corrections provenaient des autorités espagnoles et que les conclusions tirées de ces corrections par la Commission ressortent clairement du considérant 158 de la décision attaquée, il ne saurait être conclu que la motivation donnée par la Commission audit considérant ne respecte pas les exigences mentionnées au point 44 ci-dessus. En outre, il convient de constater que les informations transmises par les autorités espagnoles à la Commission en mai 2011, mentionnées au considérant 158 de la décision attaquée, étaient connues des requérantes, qui les ont jointes en annexe aux requêtes.
181 D’autre part, il convient de relever que la constatation figurant au considérant 158 de la décision attaquée, selon laquelle les résultats de l’étude comparative de 2008 n’étaient pas solides en raison du fait que, après une demande d’informations envoyée par la Commission en 2011, les autorités avaient dû corriger les données utilisées dans cette étude, n’est pas remise en cause par l’affirmation des requérantes selon laquelle, même en tenant compte des nouveaux chiffres, la technologie terrestre restait économiquement la plus efficace pour la numérisation de la zone II de Castille-La Manche. En effet, la Commission a précisément remis en cause la solidité des résultats de l’étude en cause en raison du fait que, selon elle, les défaillances nécessitant les corrections effectuées par les autorités espagnoles seraient clairement apparues à ces dernières si elles avaient agi avec suffisamment de diligence. Le caractère solide de l’étude en cause est remis en cause par ces corrections, même si la technologie terrestre restait économiquement la plus efficace après les corrections effectuées.
182 S’agissant du fait que les autorités espagnoles ont eu recours à la technologie satellitaire dans des zones particulièrement isolées de Castille-La Manche, il convient de constater que l’utilisation de la technologie satellitaire dans les localités isolées correspond principalement à ce qui a été fait dans la zone III et ne saurait remettre en cause la décision de principe d’effectuer la transition numérique en Castille-La Manche par la technologie terrestre.
183 Troisièmement, en ce qui concerne l’argument selon lequel la Commission s’est fondée, aux considérants 159 et 162 de la décision attaquée (voir points 170 et 174 ci-dessus), sur des suppositions telles que des remises hypothétiques accordées dans le cadre d’une procédure compétitive, celui-ci ne démontre pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation. En effet, l’existence d’une remise pour quantités par rapport aux prix de location individuelle de capacité du répéteur de satellite n’apparaît pas exclue. Ainsi que l’a précisé la Commission lors de l’audience, le prix de capacité peut varier en fonction des cas et du nombre de clients et, donc, des économies d’échelle. En n’étayant aucunement leur affirmation, les requérantes ne fournissent aucun élément susceptible d’indiquer l’impossibilité d’une telle remise.
184 Quatrièmement, les requérantes affirment que la Commission a à tort fait grief, au premier tiret du considérant 160 de la décision attaquée, à l’étude comparative de 2008 de ne pas avoir utilisé la méthode de calcul basée sur la valeur actuelle nette des coûts. Selon les requérantes, cette étude utilisait la même méthode de calcul pour évaluer les coûts des deux technologies en cause et, en tout état de cause, la Commission n’a pas démontré que l’utilisation de la méthode de calcul basée sur la valeur actuelle nette aurait conduit à un résultat différent en ce qui concerne le coût lié à la technologie satellitaire.
185 Il convient de relever que la Commission a constaté, au premier tiret du considérant 160 de la décision attaquée, que l’approche que suivait l’étude comparative de 2008 tirait indûment des conclusions en défaveur de l’option satellitaire en raison du fait que les calculs n’étaient pas basés sur la valeur actuelle nette des coûts récurrents et ne se fondaient que sur la somme. Selon la note en bas de page n° 85 de la décision attaquée, la valeur actuelle nette tient compte du fait que les paiements sont effectués dans le présent ou à l’avenir. En introduisant simplement un taux d’actualisation assez mesuré de 4 %, l’écart entre les coûts afférents à la technologie terrestre et ceux afférents à la technologie par satellite diminuerait.
186 La Commission conteste l’argumentation des requérantes et considère que le fait que le calcul n’est pas basé sur la valeur actuelle nette a pour conséquence que les données utilisées ne sont pas comparables, ce qui remettrait en cause la fiabilité des résultats.
187 Lors de l’audience, la Commission a expliqué sa considération selon laquelle le fait que le calcul n’est pas basé sur la valeur actuelle nette a pour conséquence que les données utilisées ne sont pas comparables. À cet égard, elle a précisé que le coût de la technologie satellitaire consistait dans un prix qui ne changeait pas. En revanche, la technologie terrestre impliquerait, notamment, des dépenses annuelles d’entretien qui n’existent pas dans le cas de la technologie satellitaire. Le manque de comparabilité résulterait ainsi du fait que le développement des dépenses pour la technologie terrestre n’aurait pas été pris en compte de façon adéquate.
188 Les requérantes n’ont pas contesté ces précisions de manière concrète. Dès lors, il y a lieu de constater que leur argumentation ne démontre pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation.
189 En tout état de cause, il convient de relever que les constatations effectuées au considérant 160 de la décision attaquée l’ont été seulement à titre complémentaire de celles figurant aux considérants 158 et 159 de cette décision, ainsi qu’il découle de l’emploi des termes « par ailleurs ».
190 Cinquièmement, les requérantes affirment que la Commission a, à tort, critiqué le fait que l’étude comparative de 2008 faisait abstraction de l’évolution exponentielle des coûts des nouveaux centres d’émission de TNT due à l’éloignement des derniers villages. Selon elles, en raison de l’existence d’une infrastructure analogique, il était seulement nécessaire, à l’exception des cas extrêmement ponctuels, de numériser quelques centres analogiques existants pour amener la TNT dans l’ensemble du territoire de la zone II. En outre, l’étude en cause prendrait en considération l’augmentation des coûts prévisibles de la numérisation des centres les plus éloignés. En tout état de cause, même en tenant compte du nombre de centres d’émission estimé par la Commission, les résultats resteraient favorables à la technologie terrestre.
191 Cette argumentation ne saurait être accueillie. En effet, au deuxième tiret du considérant 160 de la décision attaquée, la Commission a constaté que l’approche que suivait l’étude comparative de 2008 tirait indûment des conclusions en défaveur de l’option satellitaire en raison du fait que cette étude passait sous silence l’évolution exponentielle de la nécessité, et les coûts que cela impliquait, de créer des nouveaux centres d’émission de TNT, en raison de l’éloignement des derniers villages à atteindre, et considérait plutôt une expansion linéaire. S’il est vrai, ainsi que l’affirment les requérantes, que dans la plupart des cas il était prévu de numériser les centres d’émission existants et que l’étude en cause tenait compte des frais de déplacement du technicien chargé de l’installation, il n’en demeure pas moins que les requérantes ne contestent pas que cette étude n’a pas examiné la nécessité de construire de nouveaux centres d’émission, en particulier dans les zones plus isolées. Dans la mesure où les requérantes se bornent à affirmer que, même en tenant compte du nombre de centres d’émission estimé par la Commission, les résultats resteraient favorables à la technologie terrestre, elles n’étayent aucunement leur argumentation.
192 Sixièmement, selon les requérantes, la Commission a, à tort, critiqué le fait que l’étude comparative de 2008 calculait seulement un coût annuel d’exploitation et de maintenance à hauteur de 3 % du coût de l’équipement, tandis que les autorités espagnoles l’auraient estimé à 10 %. Elles affirment que le gouvernement de Castille-La Manche a déjà fourni des explications sur cette différence et justifié l’augmentation des coûts d’exploitation et de maintenance résultant des actions finalement mises en œuvre en vue de numériser la zone II.
193 À cet égard, il convient de relever que, au troisième tiret du considérant 160 de la décision attaquée, la Commission a constaté que l’approche que suivait l’étude comparative de 2008 tirait indûment des conclusions en défaveur de l’option satellitaire en raison du fait que cette étude calculait un coût annuel d’exploitation et de maintenance à hauteur de 3 % du coût de l’équipement, tandis que les autorités elles-mêmes auraient déclaré que les coûts d’exploitation et de maintenance pendant deux ans d’exploitation étaient estimés à 20 % du coût de l’équipement, c’est-à-dire à 10 % chaque année.
194 L’argumentation des requérantes ne démontre pas que cette considération est entachée d’une erreur. En effet, d’une part, les requérantes ne contestent pas l’existence d’une telle différence. D’autre part, s’il est vrai que, dans leurs observations envoyées à la Commission en mai 2011, les autorités de Castille-La Manche ont fourni des explications sur cette différence, il n’en demeure pas moins que les requérantes n’ont pas contesté, à tout le moins de manière étayée, que ces défaillances de l’étude en cause seraient clairement apparues aux autorités si elles avaient agi avec suffisamment de diligence, ainsi que l’a constaté la Commission au considérant 158 de la décision attaquée, lequel fait référence aux observations de ces autorités reçues en réponse à une demande d’informations envoyée par la Commission en 2011.
195 Septièmement, les requérantes font valoir que la Commission ne saurait critiquer le fait que les coûts estimés dans l’étude comparative de 2008 ne correspondaient pas aux coûts réels. Selon elles, la Commission a ignoré les explications données par les autorités espagnoles dans les observations qu’elles lui ont envoyées en mai 2011. En outre, la Commission ne pourrait pas remettre en question la fiabilité d’une étude préliminaire sur la base de données connues seulement plusieurs années après l’adoption des mesures litigieuses.
196 Il convient de relever que, au considérant 161 de la décision attaquée, la Commission a constaté que, au vu de ce qui précédait, le calcul des coûts relatifs à la TNT paraissait excessivement optimiste. Selon elle, cette conclusion était étayée par la comparaison entre le coût estimé dans l’étude comparative de 2008 et les montants réellement dépensés depuis lors. Selon cette étude, le coût maximal du déploiement de la TNT se situerait approximativement entre 15 et 17 millions d’euros, tandis que les autorités de Castille-La Manche auraient par la suite dépensé 46 millions d’euros pour moderniser la TNT, en plus des frais d’installation de récepteurs satellite, lorsqu’il s’est avéré que la TNT n’était pas viable économiquement.
197 L’argumentation des requérantes ne démontre pas que l’appréciation de la Commission soit entachée d’une erreur manifeste. En effet, d’une part, il y a lieu de relever que, au considérant 161 de la décision attaquée, la Commission a conclu que le calcul des coûts relatifs à la TNT paraissait excessivement optimiste avant d’effectuer une comparaison entre le coût estimé dans l’étude comparative de 2008 et les montants réellement dépensés. Il ressort du raisonnement de la Commission que cette comparaison ne servait qu’à étayer la conclusion tirée auparavant. D’autre part, s’il est certes vrai que la Commission ne peut pas remettre en question la fiabilité d’une étude préliminaire sur la base de données connues seulement plusieurs années après, il n’en demeure pas moins qu’il a déjà été constaté (voir point 194 ci-dessus) que les requérantes n’ont ni contesté ni même étayé une éventuelle contestation relative au fait que les défaillances de l’étude en cause seraient clairement apparues aux autorités si elles avaient agi avec suffisamment de diligence, ainsi que l’a constaté la Commission au considérant 158 de la décision attaquée.
198 Huitièmement, dans la mesure où les requérantes font valoir que le reproche fait par la Commission dans la note en bas de page n° 84 de la décision attaquée, selon lequel l’étude en cause ne justifiait pas à suffisance la raison pour laquelle elle ne tenait compte que de 2,85 % de la population de Castille-La Manche, ce qui aurait une incidence sur l’effectivité du coût des deux plates-formes, est dépourvu de sens, leur argumentation ne saurait non plus être accueillie. En effet, les requérantes affirment à cet égard que cette limitation a été effectuée en raison du fait que les radiodiffuseurs publics étaient tenus par une obligation de couverture plus importante et qu’un réseau de couverture officielle numérique terrestre avait donc déjà été déployé et que sa réception par l’utilisateur était déjà assurée. Selon les requérantes, ne pas le prendre en compte aurait conduit à une duplication absurde des réseaux, ainsi que cela serait énoncé dans l’étude comparative de 2008. Or, il est constant que les installations terrestres exigeaient des équipements différents, ainsi qu’il ressort de la note en bas de page n° 56 de la décision attaquée.
199 Neuvièmement, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel la Commission n’a pas étayé sa considération selon laquelle la technologie satellitaire se serait révélée économiquement plus efficace que la technologie terrestre, il y a lieu de relever qu’il est vrai que la Commission est tenue, dans l’intérêt d’une bonne administration des règles fondamentales du traité FUE relatives aux aides d’État, de procéder à un examen diligent et impartial (arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 62). Toutefois, lorsque la Commission décide d’ouvrir une procédure formelle d’examen, il revient à l’État membre et au bénéficiaire potentiel d’une aide nouvelle d’apporter à la Commission les éléments de nature à démontrer que cette aide est compatible avec le marché intérieur (arrêt du 16 décembre 2010, AceaElectrabel Produzione/Commission, C‑480/09 P, EU:C:2010:787, point 99). Selon la jurisprudence, pour permettre à la Commission d’apprécier si une mesure remplit les conditions d’une dérogation au titre de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, il incombe à l’État membre concerné, dans le cadre du devoir de coopération loyale entre États membres et institutions tel qu’il découle de l’article 4, paragraphe 3, TUE, de fournir à la Commission tous les éléments de nature à permettre à cette institution de vérifier que les conditions de la dérogation sollicitée sont réunies (arrêt du 28 avril 1993, Italie/Commission, C‑364/90, EU:C:1993:157, point 20 ; voir, également, arrêt du 13 septembre 2010, Grèce e.a./Commission, T‑415/05, T‑416/05 et T‑423/05, EU:T:2010:386, point 356 et jurisprudence citée). En l’espèce, eu égard à l’importance du principe de neutralité technologique (voir point 164 ci-dessus), il incombait aux autorités espagnoles et non à la Commission de justifier le choix de la technologie en cause. Cet argument doit donc être rejeté.
200 Par conséquent, l’argumentation des requérantes ne démontre pas que la Commission a erronément conclu que l’étude comparative de 2008 n’avait pas apporté d’éléments probants suffisants susceptibles de justifier le choix préalable de la technologie de TNT.
201 En deuxième lieu, les requérantes font valoir que la Commission n’a pas tenu compte de l’étude de 2007 qui conclurait que la numérisation par le biais d’une technologie autre que la technologie terrestre présenterait un coût économique nettement supérieur, que la plate-forme satellitaire n’était pas viable, parce que les autorisations requises des opérateurs de télévision ne seraient pas délivrées, et que le fait d’utiliser une autre technologie que la technologie terrestre entraînerait de sérieux retards dans le processus de numérisation. Selon les requérantes, la Commission n’aurait pas dû s’abstenir d’analyser cette étude en raison du fait qu’elle n’avait pas été fournie aux communautés autonomes. Ces dernières auraient disposé au moins d’un résumé exécutif de ladite étude. En outre, cette étude conclurait que, au-delà de 90 logements habités, ce qui serait le cas dans la zone II de Castille-La Manche, la solution de la diffusion terrestre serait la plus économique.
202 Il y a lieu de constater que, selon le considérant 163 de la décision attaquée, l’étude de 2007 n’a pas été communiquée aux communautés autonomes comme la Castille-La Manche et n’a été utilisée qu’en interne. En tout état de cause, cette étude n’aurait pas apporté la preuve suffisante de la supériorité de la plate-forme terrestre par rapport à la plate-forme satellitaire. Selon ladite étude, un mélange des technologies serait plus réaliste et supposerait pour la zone II une combinaison de la transmission par satellite (70 %) et de la transmission terrestre (30 %). Cette étude conclurait que le choix d’une solution technologique donnée pour l’extension de la couverture devait être analysé région par région, en tenant compte des particularités topographiques et démographiques de chacune d’elles. Elle mettrait donc davantage en avant la nécessité d’organiser un appel d’offres technologiquement neutre pour déterminer quelle serait la plate-forme la plus appropriée en Castille-La Manche.
203 L’argumentation des requérantes ne démontre pas que l’appréciation de la Commission soit entachée d’une erreur manifeste. En effet, ainsi qu’il ressort du considérant 163 de la décision attaquée, la Commission ne s’est pas abstenue d’analyser l’étude de 2007. Ainsi que l’affirme la Commission, selon les conclusions de cette étude, il était probable que la solution finale la plus appropriée soit celle résultant de la prise en considération des deux alternatives, à savoir les plates-formes terrestre et satellitaire, l’une ou l’autre solution étant retenue selon le cas en fonction des conditions et des circonstances de la localisation physique de la population à laquelle la couverture serait étendue. Il serait impossible de prévoir la proportion dans laquelle chaque alternative contribuerait à la solution finale, sans réaliser auparavant une étude circonstanciée par communauté autonome tenant compte de l’orographie du terrain, de la répartition territoriale de la population et de la situation du réseau de diffusion de la télévision existant. Il résulte de ce qui précède que l’analyse faite dans cette étude ne justifiait pas le choix de la technologie terrestre dans la zone II de Castille-La Manche.
204 S’il est vrai que, ainsi que l’affirment les requérantes, selon l’étude de 2007, au-dessus d’une couverture d’environ 90 logements, la diffusion terrestre serait la solution la plus économique, il n’en demeure pas moins que cette conclusion a expressément été ajoutée à titre indicatif sans pour autant remettre en cause les autres conclusions de cette étude. En outre, en ce qui concerne l’affirmation des requérantes selon laquelle la couverture dans la zone II en Castille-La Manche serait supérieure à environ 90 logements, il y a lieu de constater que les requérantes ont également indiqué que, dans une partie de la zone II, la technologie terrestre n’était pas viable et que les autorités espagnoles ont eu recours à la technologie satellitaire, ainsi qu’il ressort également du considérant 44 de la décision attaquée. L’argumentation des requérantes n’est donc pas concluante.
205 En troisième lieu, les requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation et violé son obligation de motivation en raison du fait que les études des autorités espagnoles auraient été confirmées par un rapport d’Abertis que la Commission aurait dû apprécier et qui aurait été confirmé par un autre rapport d’une société de consultants. À cet égard, la Commission a estimé, au considérant 164 de la décision attaquée, que le rapport présenté par Abertis datait de 2010, soit longtemps après la mise en œuvre des mesures en cause. Selon la Commission, indépendamment du fait qu’il puisse être considéré comme suffisamment indépendant et solide, le fait que ce rapport soit postérieur aux mesures en cause faisait obstacle à ce qu’il soit utilisé pour justifier le choix de la technologie de TNT du gouvernement espagnol et la renonciation à l’organisation d’une procédure d’appel d’offres neutre. La Commission a ajouté qu’elle avait également reçu des estimations de coûts présentées par SES Astra, qui démontreraient que la technologie satellitaire était plus rentable. Celles-ci n’auraient pas été prises en compte pour les mêmes raisons.
206 L’argumentation des requérantes ne saurait être accueillie.
207 En effet, premièrement, il convient de constater que le raisonnement figurant au considérant 164 de la décision attaquée (voir point 205 ci-dessus) satisfait aux exigences de l’obligation de motivation énoncées au point 44 ci-dessus et qu’il est suffisamment clair pour permettre aux requérantes de connaître les justifications de la mesure prise et au juge de l’Union d’exercer son contrôle de légalité.
208 Deuxièmement, aucun élément fourni par les requérantes ne démontre que ces considérations sont erronées. En effet, d’une part, il ressort de la note en bas de page n° 45 de la décision attaquée, qui contient un résumé du contenu du rapport présenté par Abertis, ainsi que du considérant 164 de cette décision, qui contient l’appréciation dudit rapport par la Commission relative au cas d’espèce, que cette dernière a examiné celui-ci. D’autre part, il y a lieu de relever que le rapport présenté par Abertis date de 2010 et qu’il a comme point de référence l’année 2009. La Commission pouvait donc à juste titre constater que ce rapport était postérieur aux mesures en cause. Il y a lieu de rappeler que la question de savoir si une mesure constitue une aide d’État doit être résolue à la lumière de la situation existant au moment où cette mesure a été prise (voir arrêt du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’Agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209, point 143 et jurisprudence citée). Par ailleurs, force est de constater que la décision concernant le choix de la plate-forme n’a pas été prise par Abertis, mais par les autorités espagnoles, qui n’avaient cependant pas connaissance du rapport en question lors de l’adoption de leur décision.
209 Troisièmement, en ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel, dans sa décision C(2007) 3244 final, du 18 juillet 2007, Aide d’État NN 34/2007 (ex CP 189/2004) – Allemagne, contributions au capital de Nord/LB, la Commission a accepté les conclusions de rapports fournis a posteriori qui avaient confirmé les données économiques initiales sur lesquelles l’investissement était fondé, celui-ci doit également être rejeté. En effet, cet argument ne démontre aucunement l’existence d’une pratique décisionnelle antérieure de la Commission, dès lors que cette décision concernait la question de savoir si un État membre avait agi comme un investisseur privé l’aurait fait. De plus, il y a lieu de rappeler que c’est dans le seul cadre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE que doit être appréciée la légalité d’une décision de la Commission constatant qu’une aide ne répond pas aux conditions d’application de cette dérogation, et non à l’aune d’une prétendue pratique antérieure (voir arrêt du 21 juillet 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission, C‑459/10 P, non publié, EU:C:2011:515, point 38 et jurisprudence citée).
210 Dans la mesure où les requérantes font valoir à cet égard, en faisant référence à l’arrêt du 3 juillet 2014, Espagne e.a./Commission (T‑319/12 et T‑321/12, non publié, EU:T:2014:604), que la Commission aurait dû également accepter des rapports fournis a posteriori, leur argumentation ne saurait être accueillie. En effet, il convient de relever que, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, se posait la question de savoir si l’État membre avait agi comme un investisseur privé l’aurait fait et non celle de la compatibilité d’une mesure avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. À cet égard, le Tribunal a considéré, au point 134 de cet arrêt, que des analyses économiques complémentaires, fournies par cet État membre lors de la procédure administrative, étaient susceptibles d’éclairer les éléments existants au moment de la décision d’investissement et devaient être prises en compte par la Commission. Or, une telle conclusion ne remet aucunement en cause la jurisprudence selon laquelle la question de savoir si une mesure constitue une aide d’État doit être résolue à la lumière de la situation existant au moment où cette mesure a été prise, eu égard au fait que, si la Commission tenait compte d’éléments postérieurs, elle avantagerait les États membres qui manquent à leur obligation de notifier les aides à l’état de projet qu’ils envisagent d’octroyer (voir arrêt du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’Agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209, point 143 et jurisprudence citée).
211 Quatrièmement, s’agissant du rapport effectué par la société de consultants visé au point 205 ci-dessus, qui confirmerait le rapport présenté par Abertis, il convient de constater qu’il date du 25 janvier 2011 et qu’il est donc également largement postérieur aux mesures en cause. En outre, il y a lieu de relever que, selon le rapport effectué par cette société de consultants, le rapport présenté par Abertis a surestimé tant les coûts de la solution TNT et que ceux de la solution satellitaire. Par ailleurs, il convient de constater que le rapport effectué par la société de consultants énonce qu’il ne peut pas être considéré comme un rapport d’expert ou un rapport d’expertise légale susceptible d’être utilisé devant les tribunaux ou les instances d’arbitrage.
212 En quatrième lieu, dans la mesure où les requérantes affirment que la Commission a commis une erreur en raison du fait qu’elle aurait déjà autorisé des aides dans ses décisions N 222/2006, du 22 novembre 2006, concernant une aide à la réduction du dividende numérique en Sardaigne (JO 2007, C 68, p. 5), et SA.33980, du 5 décembre 2013, concernant la télévision locale au Royaume-Uni, leur argumentation doit également être rejetée. En effet, il a déjà été rappelé que c’est dans le seul cadre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE que doit être appréciée la légalité d’une décision de la Commission constatant qu’une aide ne répond pas aux conditions d’application de cette dérogation, et non à l’aune d’une prétendue pratique antérieure (voir point 209 ci-dessus). En tout état de cause, l’argumentation des requérantes ne démontre aucunement la comparabilité des cas précédents avec le cas d’espèce. Ainsi qu’il ressort du dossier, les cas précédents étaient caractérisés par leurs particularités et, dans le cas du Royaume-Uni, notamment par le fait qu’il s’agissait de la prestation du service de télévision locale exclusivement et par l’absence d’objections des opérateurs satellitaires à l’égard du processus de numérisation de ce service, ainsi que l’affirme la Commission.
213 Le deuxième grief doit donc être rejeté.
Sur le troisième grief, tiré d’une erreur relative à l’appréciation de la proportionnalité
214 Les requérantes font valoir que la Commission a erronément constaté que la mesure litigieuse n’était ni appropriée ni proportionnée au regard de l’objectif poursuivi. Selon elles, le choix de la technologie terrestre en Castille-La Manche découlait des avantages que présenterait cette technologie. Les autorités espagnoles auraient pris leur décision de numériser l’infrastructure préexistante en prenant en considération toutes les technologies disponibles, mais en écartant celles qui se seraient révélées plus onéreuses. En analysant comparativement les différentes options, la Commission aurait ignoré les limites imposées à son contrôle. En outre, dans son analyse du caractère adéquat et proportionné des mesures en cause, la Commission aurait commis des erreurs et n’aurait pas fait preuve d’objectivité.
215 Il convient de constater que la Commission a conclu, au considérant 174 de la décision attaquée, que la mesure en cause n’était pas proportionnée et que celle-ci ne constituait pas un instrument approprié pour garantir la couverture des chaînes télévisées en clair aux résidents de la zone II de Castille-La Manche. La Commission a motivé cette conclusion aux considérants 166 à 173 de la décision attaquée.
216 Afin de constater le caractère inapproprié de la mesure en cause, la Commission a estimé en substance, aux considérants 166 à 168 de la décision attaquée, que cette mesure n’envisageait pas d’autres options technologiques qui auraient pu être plus rentables ou apporter une meilleure solution du point de vue qualitatif. À cet égard, elle a fait référence, d’une part, à l’option satellitaire et, d’autre part, à l’absence d’études examinant les autres solutions technologiques, à savoir le câble et la télévision sur Internet.
217 Selon les considérants 169 et 171 de la décision attaquée, la mesure en cause n’était pas non plus adéquate parce que, d’une part, elle opérerait une discrimination entre les opérateurs de TNT eux-mêmes et, d’autre part, la plate-forme de TNT présenterait des limites de capacité.
218 En outre, au considérant 172 de la décision attaquée, la Commission a constaté un problème d’interférence entre les fréquences de la téléphonie portable de quatrième génération LTE et les signaux de la TNT, qui pourrait remettre en cause le caractère approprié de la radiodiffusion terrestre. Enfin, au considérant 173, la Commission a rejeté deux arguments présentés par les autorités espagnoles, à savoir celui selon lequel les radiodiffuseurs auraient des restrictions territoriales et celui selon lequel la technologie satellitaire ne serait pas équipée pour émettre un grand nombre de chaînes régionales.
219 En premier lieu, s’agissant de l’argumentation des requérantes selon laquelle, en analysant comparativement les différentes options, la Commission a ignoré les limites imposées à son contrôle, celles-ci font valoir, en faisant référence aux points 170 et 171 de l’arrêt du 3 décembre 2014, Castelnou Energía/Commission (T‑57/11, EU:T:2014:1021), que l’État ne doit pas démontrer, de manière positive, qu’aucune autre mesure imaginable, par définition hypothétique, ne pourrait permettre d’assurer l’accomplissement d’une mission d’intérêt économique général dans les mêmes conditions et qu’il n’appartient pas à la Commission, dans le cadre de son contrôle restreint, d’effectuer une analyse comparative de l’ensemble des mesures envisageables aux fins d’atteindre l’objectif d’intérêt général poursuivi.
220 Cette argumentation ne saurait être accueillie. En effet, la jurisprudence citée par les requérantes s’applique dans le cadre de l’examen de la question de savoir si la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en reconnaissant le caractère justifié d’un SIEG institué ainsi que le caractère proportionné d’une mesure litigieuse par rapport à l’objectif poursuivi par ce SIEG (arrêt du 3 décembre 2014, Castelnou Energía/Commission, T‑57/11, EU:T:2014:1021, point 173). Toutefois, en l’espèce, d’une part, il résulte de l’examen de la seconde branche du troisième moyen (voir points 96 à 130 ci-dessus) que la Commission n’a pas commis d’erreur en constatant qu’il n’existait pas de SIEG en Castille-La Manche. D’autre part, il a déjà été constaté que la Commission jouit, pour l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations complexes d’ordre économique et social (voir point 160 ci-dessus). En l’espèce, la Commission n’était donc pas tenue de se limiter à un contrôle restreint du caractère proportionné et adéquat de la mesure en cause.
221 En deuxième lieu, dans la mesure où les requérantes contestent le constat de la Commission selon lequel la mesure en cause n’était pas appropriée en faisant valoir que le choix de la technologie terrestre en Castille-La Manche découlait des avantages que présenterait cette technologie et que les autorités espagnoles ont pris leur décision de numériser l’infrastructure préexistante en prenant en considération toutes les technologies disponibles mais en écartant celles qui se seraient révélées plus onéreuses, leur argumentation doit également être rejetée. En effet, dans le cadre de l’examen du deuxième grief du présent moyen (voir points 167 à 213 ci-dessus), il a déjà été constaté que la Commission n’avait pas commis d’erreur manifeste en concluant que les études présentées par les autorités espagnoles ne permettaient pas de conclure que la plate-forme terrestre était supérieure aux autres solutions technologiques.
222 Cette conclusion n’est pas remise en cause par les différents arguments mentionnés par les requérantes au soutien de leur argumentation. En effet, premièrement, dans la mesure où celles-ci font valoir que la solution terrestre avait également été choisie par les opérateurs privés dans la zone I, il y a lieu de relever que cette zone avait été considérée comme commercialement rentable et ne comprenait pas de régions moins urbanisées et éloignées (voir point 3 ci-dessus). Deuxièmement, s’agissant de l’argument selon lequel le réseau terrestre était déjà financé depuis des décennies dans la zone II de Castille-La Manche, il convient de constater que l’existence d’un réseau terrestre analogue faisait partie de l’examen, effectué par la Commission, des études présentées par les autorités espagnoles. Troisièmement, s’agissant des arguments selon lesquels la technologie terrestre permettrait des déconnexions territoriales, les radiodiffuseurs privés auraient octroyé des licences pour cette technologie et la technologie terrestre permettrait d’éviter l’installation d’antennes dans les maisons, ceux-ci ont déjà été écartés au point 178 ci-dessus.
223 En troisième lieu, les requérantes font valoir que la Commission a erronément constaté, au considérant 169 de la décision attaquée, que la mesure en cause opérait une discrimination entre les opérateurs de TNT eux-mêmes. Dans la majorité des cas, les collectivités locales auraient acheté des biens et des services sur le marché dans le cadre de procédures de marchés publics auxquelles tout opérateur inscrit au registre du régulateur espagnol des télécommunications pouvait participer. En ce qui concerne la minorité des cas dans lesquels des fonds auraient été transférés à des opérateurs en tant que propriétaires de centres d’émission, les requérantes affirment que le choix des centres concernés a été effectué selon des critères techniques et objectifs.
224 Il convient de rappeler que, au considérant 169 de la décision attaquée, la Commission a constaté que la mesure n’était pas non plus adéquate parce qu’elle opérait une discrimination entre les opérateurs de TNT eux-mêmes. En sélectionnant directement les opérateurs de TNT établis, à savoir les requérantes, la mesure n’envisagerait pas la possibilité que d’autres opérateurs de TNT, comme Radiodifusión Digital, puissent présenter une offre plus économique ou de meilleure qualité.
225 L’argumentation des requérantes ne démontre pas que la Commission a commis une erreur manifeste dans son appréciation du caractère adéquat de la mesure en cause. En effet, d’une part, s’agissant de l’argument selon lequel, dans la majorité des cas, les collectivités locales avaient acheté des biens et des services sur le marché dans le cadre de procédures de marchés publics auxquelles tout opérateur inscrit au registre du régulateur espagnol des télécommunications pouvait participer, il a déjà été constaté (voir point 143 ci-dessus) qu’il ressort des observations des autorités de Castille-La Manche relatives à la décision d’ouverture, invoquées par les requérantes, que les modalités de publicité de la procédure choisie pour déterminer un opérateur consistaient notamment en la publication sur le panneau d’affichage de la municipalité et en l’envoi d’un courrier aux deux opérateurs de réseau les plus présents dans la région, à savoir les requérantes. En outre, il ressort de ces observations que, dans certains cas, il a été procédé sans aucune publicité, ainsi que l’a également constaté la Commission au considérant 126 de la décision attaquée. De plus, selon ledit considérant, les annonces ne concernaient que la modernisation des centres d’émission terrestres déjà existants et non la construction de nouveaux centres, ce que les requérantes n’ont pas contesté. Par conséquent, la Commission pouvait à bon droit constater une discrimination entre les opérateurs de TNT eux-mêmes. D’autre part, en ce qui concerne les cas dans lesquels des fonds ont été transférés à des opérateurs de télécommunications privés en tant que propriétaires de centres d’émission, les requérantes ne contestent pas que, pour offrir les services en cause dans les régions concernées, aucun autre opérateur qu’elles-mêmes n’a été contacté et finalement sélectionné.
226 En quatrième lieu, s’agissant de l’argumentation des requérantes relative au considérant 170 de la décision attaquée, il y a lieu de constater que celui-ci a été supprimé à la suite de la correction de cette décision par la décision C(2015) 7193 final (voir point 35 ci-dessus). Il n’y a donc plus lieu de statuer sur cette argumentation.
227 En cinquième lieu, les requérantes font valoir que, dans la mesure où la Commission a mentionné des coûts supplémentaires liés au dividende numérique et argué que les fréquences de la téléphonie portable de quatrième génération LTE étaient susceptibles d’interférer avec le signal terrestre, elle a, à tort, adhéré aux arguments de SES Astra. Les autorités espagnoles n’auraient pas pu prévoir l’existence de ces coûts en raison du fait que tant la décision d’assigner la bande de 800 MHz à la technologie LTE que la définition des conditions techniques auraient été adoptées après l’adoption des mesures litigieuses. En outre, en raison des spécificités de la zone II, les interférences prévues dans cette zone seraient résiduelles et, en vertu de la loi espagnole, ce serait le nouvel opérateur ou concessionnaire qui supporterait le coût de traitement de ces interférences.
228 À cet égard, il convient de relever que, aux considérants 171 et 172 de la décision attaquée, la Commission a estimé que le caractère adéquat de la solution terrestre continuerait d’être contesté en raison des coûts liés au dividende numérique et serait remis en cause à l’avenir en raison des coûts liés aux fréquences de la téléphonie portable de quatrième génération.
229 Ainsi que l’affirme la Commission, l’utilisation de la bande de 800 MHz pour les services de communications électroniques a été approuvée dès novembre 2007 par l’Union internationale des télécommunications (UIT), dont le Royaume d’Espagne est membre. À cette date, selon la Commission, la couverture de la TNT dans la bande de 800 MHz en Espagne oscillait entre 80 % et 90 % de la population et le déploiement du réseau en zone II n’avait pas encore commencé. Toujours selon la Commission, la nécessité de libérer la bande de 800 MHz (le dividende numérique) et les coûts qui en découleraient étaient déjà envisagés dans l’avant-projet de loi sur l’économie durable approuvé par le conseil des ministres espagnol le 27 novembre 2009.
230 Dès lors, il convient d’entériner l’argument de la Commission selon lequel une analyse prudente de l’ensemble des coûts que pouvait entraîner le choix de la technologie terrestre pour l’extension de la couverture dans la zone II aurait pu tenir compte du fait que les autorités espagnoles étaient au courant de l’approbation, en novembre 2007, de l’utilisation de la bande de 800 MHz par l’UIT.
231 En tout état de cause, il y a lieu de relever que la Commission pouvait à juste titre remettre en cause le caractère adéquat des mesures en cause en raison de l’existence d’une discrimination entre les opérateurs de TNT (voir points 223 à 225 ci-dessus).
232 En sixième lieu, les requérantes contestent les constatations de la Commission figurant au considérant 173 de la décision attaquée. Il convient de relever que, audit considérant, la Commission a rejeté deux arguments présentés par les autorités espagnoles comme n’étant pas étayés. S’agissant du premier argument, selon lequel, dans leurs accords avec les fournisseurs de contenu, les radiodiffuseurs auraient des restrictions territoriales et selon lequel le fait d’assurer cet accès conditionnel se révélerait plus cher pour la technologie satellitaire, la Commission a constaté que celui-ci était contredit par le fait que le contrat de SES Astra avec la Cantabrie comprenait un système professionnel d’accès conditionnel et que, d’après les calculs de coûts de SES Astra, la technologie satellitaire continuerait d’être moins chère, y compris dans le cas où il conviendrait de conclure des conventions différentes avec chaque région espagnole. En ce qui concerne le second argument, selon lequel la technologie satellitaire ne serait pas adaptée pour émettre un grand nombre de chaînes régionales, la Commission a également constaté que, selon SES Astra, le chiffre de 1 380 chaînes régionales avancé par le gouvernement espagnol était très exagéré et que, selon les calculs de SES Astra, l’option satellitaire serait moins coûteuse même si elle comprenait les chaînes régionales et locales.
233 Premièrement, les requérantes font valoir, en renvoyant globalement aux différentes observations présentées par les autorités espagnoles et par les radiodiffuseurs dans le cadre des présents recours et à celles déposées devant le Tribunal dans le cadre des recours introduits contre la décision 2014/489, sans donner aucune précision à cet égard, que la Commission a, à tort, constaté que les arguments en cause n’étaient pas étayés. Une telle argumentation doit être rejetée comme étant irrecevable. En effet, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76 du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Selon une jurisprudence constante, si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit qui doivent figurer dans la requête, car il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (voir arrêt du 9 mars 2015, Deutsche Börse/Commission, T‑175/12, non publié, EU:T:2015:148, point 354 et jurisprudence citée).
234 Deuxièmement, dans la mesure où les requérantes affirment que le fait que le contrat conclu entre SES Astra et la Cantabrie comprenne un système professionnel d’accès conditionnel aurait dû confirmer à la Commission qu’un accès conditionnel était effectivement nécessaire, leur argumentation ne saurait être accueillie. En effet, celle-ci ne démontre pas que la considération de la Commission, selon laquelle le fait que ledit contrat comprenait un tel système contredisait l’argument des autorités espagnoles selon lequel le fait d’assurer un accès conditionnel serait plus cher pour la technologie satellitaire, est erronée. Il est constant que, en Cantabrie, SES Astra a initialement été choisie pour la fourniture de chaînes en clair par le biais de sa plate-forme satellitaire.
235 Troisièmement, les requérantes font valoir que la Commission a donné une plus grande valeur aux estimations de SES Astra qu’à celles fournies par les autorités espagnoles et par des experts et n’a pas fait preuve d’objectivité. Cette argumentation doit être rejetée. En effet, au considérant 173 de la décision attaquée, la Commission a seulement indiqué que, selon les calculs de SES Astra, la technologie satellitaire continuerait d’être moins chère, y compris dans le cas où il conviendrait de conclure des conventions différentes avec chaque région espagnole, et même si elle comprenait les chaînes régionales et locales. En revanche, elle n’a pas constaté que tel était effectivement le cas. En concluant, à ce considérant, que les autorités espagnoles n’avaient pas étayé leurs arguments, elle a seulement appliqué la règle relative à la charge de la preuve énoncée aux considérants 151 et 152 de la décision attaquée, dont il ressort qu’il incombait aux autorités espagnoles d’établir que, en termes de qualité et de coût, il n’était possible d’opter que pour une seule solution technologique. En outre, la Commission a relevé, au considérant 164 de la décision attaquée, qu’elle n’avait pas pris en compte les calculs de SES Astra pour les mêmes raisons que celles indiquées en ce qui concerne le rapport présenté par Abertis (voir point 205 ci-dessus).
236 En septième lieu, les requérantes affirment que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en ne tenant pas compte du fait que les opérateurs satellitaires n’avaient pas été autorisés par les radiodiffuseurs privés à émettre leurs contenus. À cet égard, d’une part, il convient de constater qu’il est exact que l’étude de 2007 mentionne, en tant qu’inconvénient de la solution satellitaire, la nécessité de disposer de licences pour diffuser le signal des radiodiffuseurs. Cependant, contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, une telle constatation ne figure pas expressément dans l’étude comparative de 2008 (voir point 178 ci-dessus). D’autre part, il convient de relever que la Commission a examiné le fait que certains radiodiffuseurs avaient acheté les droits pour émettre exclusivement des contenus pour la plate-forme terrestre au considérant 132 de la décision attaquée. Elle a considéré que les radiodiffuseurs pourraient acheter les droits pour la plate-forme satellitaire ou se voir imposer une obligation d’acheminement, laquelle aurait été imposée aux radiodiffuseurs de la zone III, lorsque la plate-forme satellitaire aurait été sélectionnée. Les requérantes n’ont pas démontré que ces considérations étaient erronées. Par ailleurs, il y a lieu de relever que, selon les requérantes (voir point 204 ci-dessus), même dans une petite partie de la zone II, la diffusion du signal des radiodiffuseurs est effectuée par la technologie satellitaire pour laquelle ces derniers devaient donc avoir donné des licences. Cette argumentation ne saurait donc être accueillie.
237 Au vu de ce qui précède, le troisième grief doit être rejeté.
Sur le quatrième grief, tiré de l’inexistence de distorsions inutiles de la concurrence
238 Les requérantes font valoir que, en constatant brièvement, au considérant 177 de la décision attaquée, l’existence de distorsions inutiles de la concurrence, la Commission a violé l’obligation de motivation et commis une erreur manifeste d’appréciation. Selon elles, l’impossibilité que les mesures en cause entraînent des distorsions de concurrence résulte de leur argumentation présentée dans le cadre du quatrième moyen des présents recours. En outre, selon les arrêts du 11 juillet 2014, DTS Distribuidora de Televisión Digital/Commission (T‑533/10, EU:T:2014:629, points 155 et 160), et du 3 décembre 2014, Castelnou Energía/Commission (T‑57/11, EU:T:2014:1021, point 164), la Commission devrait démontrer qu’un régime d’aide altère les échanges et la concurrence de manière substantielle et dans une mesure manifestement disproportionnée par rapport aux objectifs poursuivis par les États membres. Pour qu’il puisse être conclu à l’existence d’une telle altération, il conviendrait d’établir que la mesure en cause exclut ou rend excessivement difficile l’activité d’autres opérateurs sur le marché espagnol de l’acheminement du signal de radiodiffusion, ce que la Commission n’aurait pas fait.
239 Au considérant 177 de la décision attaquée, la Commission a constaté que, bien que l’intervention publique puisse être justifiée en raison de l’existence de certaines défaillances du marché et d’éventuels problèmes de cohésion, la manière dont la mesure avait été conçue créait des distorsions inutiles de la concurrence.
240 Premièrement, s’agissant de l’argumentation relative à une prétendue violation de l’obligation de motivation, il y a lieu de relever qu’il ressort à suffisance de droit des considérants 125 à 135 de la décision attaquée que, selon la Commission, les distorsions inutiles de la concurrence existaient en raison du non-respect du principe de neutralité technologique. La Commission n’a donc pas violé son obligation de motivation.
241 Deuxièmement, en ce qui concerne le renvoi des requérantes à leur argumentation présentée dans le cadre du quatrième moyen des présents recours, il suffit de relever que celle-ci a déjà été rejetée (voir points 148 à 156 ci-dessus).
242 Troisièmement, en ce qui concerne le renvoi des requérantes aux arrêts du 11 juillet 2014, DTS Distribuidora de Televisión Digital/Commission (T‑533/10, EU:T:2014:629), et du 3 décembre 2014, Castelnou Energía/Commission (T‑57/11, EU:T:2014:1021), il y a lieu de relever que les services en cause dans les affaires ayant donné lieu à ces arrêts constituaient des SIEG et que la jurisprudence citée par les requérantes au point 238 ci-dessus était liée à l’application de l’article 106, paragraphe 2, TFUE et du protocole n° 29. Or, en l’espèce, il a déjà été constaté que la Commission n’avait pas commis d’erreur en constatant que les services en cause ne constituaient pas des SIEG (voir points 96 à 130 ci-dessus).
243 Le quatrième grief et, par conséquent, le cinquième moyen dans son ensemble doivent donc être rejetés.
Sur le sixième moyen, tiré à titre subsidiaire d’une erreur de droit relative à la constatation d’une aide nouvelle
244 Les requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur de droit en ce qu’elle aurait considéré que la mesure en cause constituait une aide nouvelle. Selon elles, la numérisation du réseau analogique existant, qui consistait dans la simple augmentation de sa capacité technique, constituait une modification non substantielle d’une éventuelle aide existante et non une aide nouvelle, dans la mesure où le déploiement initial remonterait à 1982, à savoir à avant l’adhésion du Royaume d’Espagne à l’Union.
245 Il convient de constater que la Commission a estimé, aux considérants 187 à 189 de la décision attaquée, que la mesure en cause constituait une aide nouvelle que le Royaume d’Espagne aurait dû notifier.
246 Il y a lieu de rappeler que l’article 108 TFUE prévoit des procédures distinctes selon que les aides sont existantes ou nouvelles. Alors que les aides nouvelles doivent, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, être notifiées préalablement à la Commission et ne peuvent être mises à exécution avant que la procédure n’ait abouti à une décision finale, les aides existantes peuvent, conformément à l’article 108, paragraphe 1, TFUE, être régulièrement exécutées tant que la Commission n’a pas constaté leur incompatibilité (voir arrêt du 18 juillet 2013, P, C‑6/12, EU:C:2013:525, point 36 et jurisprudence citée). Les aides existantes doivent être considérées comme étant légales aussi longtemps que la Commission n’a pas constaté leur incompatibilité avec le marché intérieur (voir arrêt du 18 juillet 2013, P, C‑6/12, EU:C:2013:525, point 41 et jurisprudence citée).
247 L’article 1er, sous b), i), du règlement n° 659/1999 prévoit qu’il faut entendre par « aide existante » toute aide existant avant l’entrée en vigueur du traité dans l’État membre concerné, c’est-à-dire les régimes d’aides et aides individuelles mis à exécution avant et toujours applicables après ladite entrée en vigueur. En vertu de l’article 1er, sous c), de ce règlement, toute aide, c’est-à-dire tout régime d’aides ou toute aide individuelle, qui n’est pas une aide existante, y compris toute modification d’une aide existante, doit être considérée comme aide nouvelle. À cet égard, l’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement n° 659/1999 (JO 2004, L 140, p. 1), qualifie de modification d’une aide existante, aux fins de l’article 1er, sous c), du règlement n° 659/1999, tout changement autre que les modifications de caractère purement formel ou administratif qui ne sont pas de nature à influencer l’évaluation de la compatibilité de la mesure d’aide avec le marché intérieur.
248 En substance, les mesures tendant à instituer des aides ou à modifier des aides existantes constituent des aides nouvelles. En particulier, lorsque la modification affecte le régime initial dans sa substance même, ce régime se trouve transformé en un nouveau régime d’aides (arrêts du 30 avril 2002, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 et T‑207/01, EU:T:2002:111, points 109 à 111 ; du 11 juin 2009, AEM/Commission, T‑301/02, EU:T:2009:191, point 121, et du 11 juillet 2014, Telefónica de España et Telefónica Móviles España/Commission, T‑151/11, EU:T:2014:631, point 63).
249 En l’espèce, la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que la mesure d’aide en cause constituait une aide nouvelle en raison du fait que cette mesure avait modifié substantiellement le régime initial. En effet, il est constant, ainsi que l’a indiqué la Commission au considérant 188 de la décision attaquée, que, au début des années 80, à l’époque où l’extension du réseau terrestre a commencé à être financée, il n’existait pas de radiodiffuseurs privés sur le marché, que l’infrastructure élargie ne répondait donc qu’aux besoins du radiodiffuseur public et que l’extension du réseau terrestre existant, qui était la seule plate-forme permettant la transmission d’un signal de télévision en Espagne à cette époque, ne faussait donc pas la concurrence avec d’autres plates-formes.
250 Au regard de ce régime initial, la Commission pouvait à bon droit estimer, au considérant 189 de la décision attaquée, que, compte tenu du fait que le bénéficiaire et les circonstances générales du financement public avaient évolué de manière substantielle, la mesure en cause ne pouvait être considérée comme une modification formelle ou administrative, mais constituait une modification qui avait une influence sur la substance même du régime initial. À cet égard, elle a à bon droit indiqué que la législation et la technologie avaient évolué pour aboutir à de nouvelles plates-formes de radiodiffusion et à de nouveaux opérateurs de marché, en particulier aux radiodiffuseurs privés. Comme l’a indiqué la Commission audit considérant 189 de la décision attaquée, il y a également lieu de tenir compte du fait que le passage de la télévision analogique à la télévision numérique n’a été possible que grâce aux progrès technologiques ayant eu lieu après l’adhésion du Royaume d’Espagne à l’Union. Contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, la modification en cause du régime initial ne s’est donc pas bornée à une amélioration de la capacité technique du réseau existant ou à un simple ajout au régime initial, mais était de nature à influencer l’évaluation de la compatibilité de la mesure d’aide en cause avec le marché intérieur.
251 Ces considérations ne sont pas remises en cause par l’argumentation des requérantes selon laquelle, en vertu de l’article 1er, sous b), v), du règlement n° 659/1999, l’aide en cause serait une aide existante. En effet, cette disposition prévoit certes qu’il faut entendre par « aide existante » toute aide qui est réputée existante parce qu’il peut être établi qu’elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, mais qui est devenue une aide par la suite en raison de l’évolution du marché intérieur et sans avoir été modifiée par l’État membre. Mais, en l’espèce, l’aide en cause a précisément fait l’objet de modifications de la part des autorités espagnoles. L’argumentation des requérantes relative à l’article 1er, sous b), v), du règlement n° 659/1999 ne démontre donc pas que la Commission a, à tort, constaté l’existence d’une aide nouvelle (voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission, C‑194/09 P, EU:C:2011:497, points 112 et 113).
252 Par conséquent, le sixième moyen doit être rejeté.
Sur la demande de mesure d’organisation de la procédure présentée par Abertis
253 Abertis a demandé au Tribunal que, au titre d’une mesure d’organisation de la procédure, SES Astra fût invitée à produire la version confidentielle de son étude de coûts datant de 2008, mentionnée au considérant 164 de la décision attaquée, et, en particulier, le tableau dans lequel seraient comparés les coûts associés, respectivement, à la technologie terrestre et à la technologie satellitaire (voir point 30 ci-dessus). Selon Abertis, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 novembre 2015, Abertis Telecom et Retevisión I/Commission (T‑541/13, non publié, EU:T:2015:898), le Tribunal avait ordonné la production d’une version non confidentielle de l’étude de coûts de SES Astra, qui ne contiendrait cependant pas le seul tableau pertinent comparant les coûts des technologies terrestre et satellitaire.
254 Cette demande ne saurait être accueillie.
255 En effet, premièrement, il y a lieu de relever que, conformément à l’article 88, paragraphe 2, du règlement de procédure, une demande de mesure d’organisation de la procédure doit indiquer avec précision l’objet des mesures sollicitées et les raisons de nature à les justifier. Lorsque cette demande est formulée après le premier échange de mémoires, la partie qui présente la demande doit exposer les raisons pour lesquelles elle n’a pas pu la présenter antérieurement. En l’espèce, il convient de constater que, dans sa demande, Abertis s’est bornée à faire référence à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 novembre 2015, Abertis Telecom et Retevisión I/Commission (T‑541/13, non publié, EU:T:2015:898), dans laquelle une version non confidentielle de l’étude de coûts de SES Astra aurait été produite à la suite d’une mesure d’organisation de la procédure ordonnée par le Tribunal. Or, la demande ayant été formulée après le premier échange de mémoires (voir point 30 ci-dessus) sans précision concernant les raisons pour lesquelles cette demande n’a pas pu être présentée antérieurement, celle-ci doit être écartée comme étant irrecevable, en vertu de l’article 88, paragraphe 2, du règlement de procédure.
256 Deuxièmement, en tout état de cause, il y a lieu de rappeler que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi et qu’il appartient au Tribunal d’apprécier la pertinence d’une demande de mesure d’organisation de la procédure par rapport à l’objet du litige et à la nécessité de procéder à celle-ci (arrêt du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P et C‑137/07 P, EU:C:2009:576, points 319 et 320, et ordonnance du 10 juin 2010, Thomson Sales Europe/Commission, C‑498/09 P, non publiée, EU:C:2010:338, point 138). En l’espèce, il a déjà été constaté (voir point 205 ci-dessus) que la Commission a indiqué, au considérant 164 de la décision attaquée, que les estimations de coûts présentées par SES Astra, qui démontreraient que la technologie satellitaire était plus rentable, n’ont pas été prises en compte pour les mêmes raisons que celles indiquées en ce qui concerne le rapport présenté par Abertis. L’étude de coûts élaborée par SES Astra n’est donc pas pertinente pour le cas d’espèce.
257 Au vu de ce qui précède, les recours doivent être rejetés.
Sur les dépens
258 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission et par l’intervenante, conformément aux conclusions de ces dernières.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre)
déclare et arrête :
1) Les recours sont rejetés.
2) Abertis Telecom Terrestre, SA et Telecom Castilla-La Mancha, SA supporteront, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne et par SES Astra.
Dittrich | Schwarcz | Tomljenović |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 décembre 2016.
Le greffier | Le président |
E. Coulon
* Langue de procédure : l’espagnol.
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