Greece v Commission (Pâturages permanents) (Judgment) French Text [2020] EUECJ C-252/18P (13 February 2020)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/C25218P.html
Cite as: EU:C:2020:95, ECLI:EU:C:2020:95, [2020] EUECJ C-252/18P

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ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

13 février 2020 (*)

« Pourvoi – Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section “Garantie”, Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) – Dépenses exclues du financement de l’Union européenne – Dépenses effectuées par la République hellénique – Règlement (CE) no 1782/2003 – Règlement (CE) no 796/2004 – Régime d’aides à la surface – Notion de “pâturages permanents” – Corrections financières forfaitaires »

Dans l’affaire C‑252/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 6 avril 2018,

République hellénique, représentée par M. G. Kanellopoulos ainsi que par Mmes E. Leftheriotou, A. Vasilopoulou et E. Chroni, en qualité d’agents,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. D. Triantafyllou et A. Sauka, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

Royaume d’Espagne, représenté par M. S. Jiménez García, en qualité d’agent,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. S. Rodin, président de chambre, M. D. Šváby (rapporteur) et Mme K. Jürimäe, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, la République hellénique demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 1er février 2018, Grèce/Commission (T‑506/15, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:53), par lequel celui-ci a rejeté son recours contre la décision d’exécution 2015/1119/UE de la Commission, du 22 juin 2015, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2015, L 182, p. 39, ci-après la « décision litigieuse »).

 Le cadre juridique

 Le règlement (CE) no 1782/2003

2        Les considérants 3, 4, 21 et 24 du règlement (CE) no 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) no 2019/93, (CE) no 1452/2001, (CE) no 1453/2001, (CE) no 1454/2001, (CE) no 1868/94, (CE) no 1251/1999, (CE) no 1254/1999, (CE) no 1673/2000, (CEE) no 2358/71 et (CE) no 2529/2001 (JO 2003, L 270, p. 1), énonçaient :

« (3)      Afin d’éviter que les terres agricoles ne soient abandonnées et d’assurer leur maintien dans de bonnes conditions agricoles et environnementales, il convient d’établir des normes qui procèdent ou non de dispositions des États membres. Par conséquent, il y a lieu de définir un cadre communautaire dans lequel les États membres puissent adopter des normes qui prennent en compte les caractéristiques des zones concernées, notamment les conditions pédologiques et climatiques ainsi que les modes d’exploitation existants (utilisation des terres, rotation des cultures, pratiques agricoles) et la structure des exploitations.

(4)      Étant donné que les pâturages permanents ont un effet positif sur l’environnement, il convient d’adopter des mesures visant à encourager le maintien des pâturages permanents existants afin de prévenir leur transformation généralisée en terres arables.

[...]

(21)      Les régimes de soutien relevant de la politique agricole commune fournissent une aide directe au revenu, notamment en vue d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole. Cet objectif est étroitement lié à la conservation des zones rurales. Dans le but d’éviter une mauvaise affectation des ressources communautaires, il convient de n’effectuer aucun paiement de soutien en faveur d’agriculteurs qui ont créé artificiellement les conditions requises pour bénéficier de tels paiements.

[...]

(24)      L’amélioration de la compétitivité de l’agriculture communautaire et le développement des normes en matière de qualité des denrées alimentaires et d’environnement entraînent nécessairement une baisse des prix institutionnels des produits agricoles et une augmentation des coûts de production pour les exploitations agricoles dans la Communauté. Pour atteindre ces objectifs et promouvoir une agriculture durable et plus orientée vers le marché, il y a lieu de passer du soutien de la production au soutien du producteur en introduisant un système découplé d’aide au revenu pour chaque exploitation agricole. Tout en ne modifiant pas les montants effectivement versés aux agriculteurs, le découplage améliorera sensiblement l’efficacité de l’aide au revenu. Il y a donc lieu de subordonner le paiement unique par exploitation au respect des normes en matière d’environnement, de sécurité des aliments, de santé et de bien-être des animaux ainsi qu’au maintien de l’exploitation en bonnes conditions agricoles et environnementales. »

3        Ce règlement contenait un titre III, intitulé « Régime de paiement unique », dans lequel figurait un chapitre 3, relatif aux « [d]roits au paiement ». La section 1 de ce chapitre, portant sur les « [d]roits au paiement fondés sur les superficies », comprenait l’article 43 dudit règlement, intitulé « Détermination des droits au paiement », et aux termes duquel :

« 1.      Sans préjudice de l’article 48, tout agriculteur bénéficie d’un droit au paiement par hectare qui est calculé en divisant le montant de référence par le nombre moyen calculé sur trois ans de l’ensemble des hectares qui a donné droit, au cours de la période de référence, aux paiements directs dont la liste figure à l’annexe VI.

Le nombre total de droits au paiement est égal au nombre moyen d’hectares susmentionné.

[...]

2.      Le nombre d’hectares visé au paragraphe 1 inclut également :

[...]

b)      toutes les superficies fourragères au cours de la période de référence.

3.      Aux fins du paragraphe 2, point b), du présent article, on entend par “superficie fourragère” la superficie de l’exploitation disponible pendant toute l’année civile, conformément à l’article 5 du règlement (CE) no 2419/2001 de la Commission[, du 11 décembre 2001, portant modalités d’application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d’aides communautaires établis par le règlement (CEE) no 3508/92 du Conseil (JO 2001, L 327, p. 11)], pour l’élevage d’animaux, y compris les superficies utilisées en commun et les superficies soumises à une culture mixte. Ne sont pas comptés dans cette superficie :

–        les bâtiments, les bois, les étangs, les chemins,

–        [...] »

4        L’article 44 du règlement no 1782/2003, relatif à l’« [u]tilisation des droits au paiement », énonçait, à son paragraphe 2 :

« Par “hectare admissible au bénéfice de l’aide”, on entend toute superficie agricole de l’exploitation occupée par des terres arables et des pâturages permanents, à l’exclusion des superficies occupées par des cultures permanentes et des forêts ou affectées à une activité non agricole. »

 Le règlement no 796/2004

5        L’article 2, premier alinéa, du règlement (CE) no 796/2004 de la Commission du 21 avril 2004 portant modalités d’application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévus par les règlements du Conseil (CE) no 1782/2003 et (CE) no 73/2009, ainsi que de la conditionnalité prévue par le règlement (CE) no 479/2008 du Conseil (JO 2004, L 141, p. 18), tel que modifié par le règlement (CE) no 380/2009 de la Commission, du 8 mai 2009 (JO 2009, L 116, p. 9) (ci-après le « règlement no 796/2004 »), était libellé comme suit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

1 bis)            “parcelle agricole” : une surface continue de terres sur laquelle un seul groupe de cultures est cultivé par un seul agriculteur ; cependant, dans le cas où une déclaration séparée d’utilisation concernant une surface faisant partie d’un groupe de cultures est requise dans le cadre du présent règlement, cette utilisation spécifique limite également la parcelle agricole ;

[...]

2)      “pâturages permanents” : les terres consacrées à la production d’herbe et d’autres plantes fourragères herbacées (ensemencées ou naturelles) qui ne font pas partie du système de rotation des cultures de l’exploitation depuis cinq ans ou davantage, à l’exclusion des terres relevant de régimes de jachère conformément à l’article 107, paragraphe  6, du règlement (CE) no 1782/2003 et des terres mises en jachère conformément aux dispositions du règlement (CEE) no 2078/92 du Conseil[, du 30 juin 1992, concernant des méthodes de production agricole compatibles avec les exigences de la protection de l’environnement ainsi que l’entretien de l’espace naturel (JO 1992, L 215, p. 85)], aux articles 22, 23 et 24 du règlement (CE) no 1257/1999 du Conseil[, du 17 mai 1999, concernant le soutien au développement rural par le FEOGA et modifiant et abrogeant certains règlements (JO 1999, L 160, p. 80)] et à l’article 39 du règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil[, du 20 septembre 2005, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (JO 2005, L 277, p. 1)] ;

2 bis)            “herbe et autres plantes fourragères herbacées” : toutes les plantes herbacées se trouvant traditionnellement dans les pâturages naturels ou normalement comprises dans les mélanges de semences pour pâturages ou prairies dans l’État membre (qu’ils soient ou non utilisés pour faire paître les animaux). Les États membres peuvent inclure les cultures figurant à l’annexe IX du règlement [no 1782/2003] ;

[...] »

6        À cet égard, le considérant 1 du règlement (CE) no 239/2005 de la Commission, du 11 février 2005 (JO 2005, L 42, p. 3), qui a modifié le règlement no 796/2004 dans sa version initiale, énonçait :

« L’article 2 du règlement no 796/2004 [...] contient plusieurs définitions qui doivent être clarifiées. Il est en particulier nécessaire de clarifier la définition des “pâturages permanents” au point 2 dudit article, et il est également nécessaire d’introduire une définition du terme “herbe et autres plantes fourragères herbacées”. Cependant, dans ce contexte, il faut considérer que les États membres ont besoin d’une certaine flexibilité pour pouvoir tenir compte des conditions agronomiques locales. »

7        L’article 8 du règlement no 796/2004, intitulé « Principes généraux applicables aux parcelles agricoles », prévoyait, à son paragraphe 1 :

« Sans préjudice de l’article 34, paragraphe 2, du règlement no 73/2009, une parcelle agricole boisée est considérée comme une surface admissible aux fins des régimes d’aide “surfaces”, sous réserve que des activités agricoles ou, le cas échéant, que la production envisagée puissent se dérouler comme elles se dérouleraient sur des parcelles non boisées situées dans la même zone. »

8        Le titre III du règlement no 796/2004, relatif aux « [c]ontrôles », comprenait l’article 27 de celui-ci, intitulé « Sélection de l’échantillon de contrôle ». Le paragraphe 1 de cet article disposait :

« 1.      Les échantillons de contrôle aux fins des contrôles sur place effectués au titre du présent règlement sont sélectionnés par l’autorité compétente sur la base d’une analyse des risques ainsi que de la représentativité des demandes d’aide introduites. Chaque année, on procède à une évaluation et à une actualisation de l’efficacité de l’analyse des risques :

a)      en déterminant la pertinence de chaque facteur de risque ;

b)      en comparant les résultats de l’échantillon basé sur le risque et de l’échantillon sélectionné sur une base aléatoire visé au deuxième alinéa ;

c)      en prenant en considération la situation spécifique dans l’État membre.

Pour assurer la représentativité de l’échantillon, les États membres sélectionnent au hasard entre 20 et 25 % du nombre minimal d’agriculteurs devant être soumis à un contrôle sur place, conformément à l’article 26, paragraphes 1 et 2.

[...] »

9        Sous le même titre III figurait l’article 30 de ce règlement, intitulé « Détermination des superficies ». Aux termes du paragraphe 2 de cet article :

« La superficie totale d’une parcelle agricole peut être prise en compte à condition qu’elle soit entièrement utilisée selon les normes usuelles de l’État membre ou de la région concernée. Dans les autres cas, c’est la superficie réellement utilisée qui est prise en compte.

Dans les régions où certaines caractéristiques, en particulier les haies, les fossés et les murs, font traditionnellement partie des bonnes pratiques agricoles en matière de cultures ou d’utilisation des sols, les États membres peuvent considérer que la superficie correspondante fait partie de la superficie totale utilisée, pour autant qu’elle ne dépasse pas une largeur totale à déterminer par les États membres. Cette largeur doit correspondre à une valeur traditionnelle en usage dans la région concernée, sans toutefois excéder deux mètres.

[...] »

 Le règlement (CE) no 1290/2005

10      Sous le titre IV, intitulé « Apurement des comptes et surveillance par la Commission », du règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO 2005, L 209, p. 1), figurait l’article 31 de ce dernier, lui-même intitulé « Apurement de conformité ». Les paragraphes 2 à 4 de cet article étaient libellés comme suit :

« 2.      La Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à la Communauté.

3.      Préalablement à toute décision de refus de financement, les résultats des vérifications de la Commission ainsi que les réponses de l’État membre concerné font l’objet de notifications écrites, à l’issue desquelles les deux parties tentent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre.

À défaut d’accord, l’État membre peut demander l’ouverture d’une procédure visant à concilier les positions respectives dans un délai de quatre mois, dont les résultats font l’objet d’un rapport communiqué à la Commission et examiné par elle avant qu’elle ne se prononce sur un éventuel refus de financement.

4.      Un refus de financement ne peut pas porter sur :

a)      les dépenses visées à l’article 3, paragraphe 1, qui ont été effectuées plus de vingt-quatre mois avant que la Commission ait notifié par écrit à l’État membre concerné les résultats des vérifications ;

[...] »

 Le règlement (CE) no 885/2006

11      Le règlement (CE) no 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement no 1290/2005 du Conseil en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO 2006, L 171, p. 90, et rectificatif JO 2007, L 291, p. 30), comprenait un article 11, intitulé « Apurement de conformité ». Cet article disposait, à ses paragraphes 1 à 3 :

« 1.      Si, à la suite d’une enquête, la Commission considère que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément à la réglementation communautaire, elle communique ses constatations à l’État membre concerné et lui indique les mesures correctives qui s’imposent afin d’assurer à l’avenir le respect de ladite réglementation.

La communication fait référence au présent article. L’État membre répond dans un délai de deux mois à compter de la réception de la communication et la Commission peut modifier sa position en conséquence. Dans des cas justifiés, la Commission peut accorder une prorogation du délai de réponse.

À l’expiration du délai de réponse, la Commission convoque une réunion bilatérale et les deux parties s’efforcent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre ainsi que sur l’évaluation de la gravité de l’infraction et du préjudice financier causé à la Communauté.

2.      Dans les deux mois suivant la réception du procès-verbal de la réunion bilatérale visée au paragraphe 1, troisième alinéa, l’État membre communique les informations éventuellement demandées au cours de la réunion ainsi que toute information complémentaire qu’il juge utile au traitement du dossier.

Dans des cas justifiés et sur demande motivée de l’État membre, la Commission peut accorder une prolongation de la période visée au premier alinéa. La demande en est adressée à la Commission avant le terme de ladite période.

Au terme de la période visée au premier alinéa, la Commission communique officiellement à l’État membre les conclusions auxquelles elle est parvenue sur la base des informations reçues dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité. Cette communication présente l’évaluation des dépenses que la Commission envisage d’exclure du financement communautaire en vertu de l’article 31 du règlement [no 1290/2005] et fait référence à l’article 16, paragraphe 1, du présent règlement.

3.      L’État membre informe la Commission des mesures correctives qu’il a prises en vue d’assurer le respect de la réglementation communautaire, en précisant la date de leur mise en œuvre effective.

Après avoir examiné tout rapport éventuellement établi par l’organe de conciliation conformément au chapitre 3 du présent règlement, la Commission adopte, le cas échéant, une ou plusieurs décisions au titre de l’article 31 du règlement [no 1290/2005], visant à exclure du financement communautaire les dépenses concernées par le non-respect de la réglementation communautaire jusqu’à la mise en œuvre effective par l’État membre des mesures correctives.

Lors de l’évaluation des dépenses à exclure du financement communautaire, la Commission peut prendre en compte toute information transmise par l’État membre après le terme de la période visée au paragraphe 2 si cela est nécessaire pour mieux estimer le préjudice financier causé au budget communautaire, dès lors que le retard dans la transmission desdites informations est justifié par des circonstances exceptionnelles.

[...] »

 Le règlement (CE) no 73/2009

12      Les considérants 7 et 23 du règlement (CE) no 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements no 1290/2005, (CE) no 247/2006 et (CE) no 378/2007, et abrogeant le règlement no 1782/2003 (JO 2009, L 30, p. 16), énonçaient :

« (7)      Le règlement [no 1782/2003] reconnaît l’effet positif sur l’environnement des pâturages permanents. Il y a lieu de conserver les mesures dudit règlement destinées à encourager le maintien des pâturages permanents existants, afin de prévenir leur transformation généralisée en terres arables.

[...]

(23)      L’expérience acquise lors de l’application du régime de paiement unique montre que, dans certains cas, une aide découplée au revenu est octroyée à des bénéficiaires dont les activités agricoles ne constituent qu’une part négligeable de l’ensemble de leurs activités économiques ou dont l’objectif commercial n’est pas ou guère lié à l’exercice d’une activité agricole. Pour éviter qu’une aide au revenu soit attribuée à ces bénéficiaires, et pour veiller à ce que le soutien de la Communauté soit entièrement utilisé pour garantir un niveau de vie équitable à la population agricole, il convient, en pareils cas, d’autoriser les États membres à ne pas octroyer à ces personnes physiques ou morales de paiements directs au titre du présent règlement. »

13      Le règlement no 73/2009 contenait un titre II, intitulé « Dispositions générales applicables aux paiements directs », dans lequel figurait un chapitre 4 relatif au « [s]ystème intégré de gestion et de contrôle ». Ce chapitre comportait un article 19, intitulé « Demandes d’aide », dont le paragraphe 1 disposait :

« Chaque année, l’agriculteur introduit une demande pour les paiements directs, indiquant, le cas échéant :

a)      toutes les parcelles agricoles de l’exploitation et, lorsque l’État membre applique l’article 15, paragraphe 3, le nombre d’oliviers et leur localisation à l’intérieur de la parcelle ;

b)      les droits au paiement déclarés en vue de leur activation ;

c)      toute autre information prévue par le présent règlement ou par l’État membre concerné.

[...] »

14      Sous le titre III, intitulé « Régime de paiement unique », de ce règlement figurait l’article 34 de celui-ci, relatif à l’« activation des droits au paiement par hectare admissible ». Aux termes du paragraphe 2 de cet article :

« Aux fins du présent règlement, on entend par “hectare admissible” :

a)      toute surface agricole de l’exploitation et les surfaces plantées de taillis à courte rotation [...] utilisées aux fins d’une activité agricole [...], et

b)      toute surface ayant donné droit à des paiements au titre du régime de paiement unique ou du régime de paiement unique à la surface en 2008 et :

[...]

ii)      qui, pendant la durée de l’engagement concerné de l’agriculteur, est boisée conformément à l’article 31 du [règlement no 1257/1999] ou à l’article 43 du [règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil, du 20 septembre 2005, concernant le soutien au développement rural par le Feader (JO 2005, L 277, p. 1),] ou en vertu d’un régime national dont les conditions sont conformes à l’article 43, paragraphes 1, 2 et 3 dudit règlement, [...]

[...] »

15      Intitulé « Confirmation des droits au paiement », l’article 137 du règlement no 73/2009 figurait sous le chapitre 1er, intitulé « Modalités d’application », du titre VII de ce règlement. Cet article était libellé comme suit :

« 1.      Les droits au paiement attribués aux agriculteurs avant le 1er janvier 2009 sont réputés légaux et réguliers à partir du 1er janvier 2010.

2.      Le paragraphe 1 du présent article ne s’applique pas aux droits au paiement attribués aux agriculteurs sur la base de demandes présentant des erreurs matérielles, sauf si celles-ci ne pouvaient raisonnablement être décelées par l’agriculteur.

3.      Le paragraphe 1 du présent article ne préjuge pas du droit de la Commission à prendre des décisions visées à l’article 31 du règlement [no 1290/2005] en ce qui concerne des dépenses engagées pour des paiements octroyés au titre de toute année civile jusqu’à l’année 2009 incluse. »

 Le règlement (CE) no 1120/2009

16      L’article 2 du règlement (CE) no 1120/2009 de la Commission, du 29 octobre 2009, portant modalités d’application du régime de paiement unique prévu par le titre III du règlement no 73/2009 (JO 2009, L 316, p. 1), était rédigé en ces termes :

« Aux fins du titre III du règlement [no 73/2009] et aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

c)      “pâturages permanents”: les terres consacrées à la production d’herbe et d’autres plantes fourragères herbacées (ensemencées ou naturelles) qui ne font pas partie du système de rotation des cultures de l’exploitation depuis cinq ans ou davantage, à l’exclusion des superficies mises en jachère conformément au règlement [no 2078/92] des superficies mises en jachère conformément aux articles 22, 23 et 24 du règlement [no 1257/1999] et des superficies mises en jachère conformément à l’article 39 du règlement [no 1698/2005] ; à cette fin, on entend par “herbe et autres plantes fourragères herbacées”, toutes les plantes herbacées se trouvant traditionnellement dans les pâturages naturels ou normalement comprises dans les mélanges de semences pour pâturages ou prairies dans l’État membre (qu’ils soient ou non utilisés pour faire paître les animaux). Les États membres peuvent inclure les grandes cultures figurant à l’annexe I ;

[...] »

 Le règlement (CE) no 1122/2009

17      Le règlement (CE) no 1122/2009 de la Commission, du 30 novembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement no 73/2009 en ce qui concerne la conditionnalité, la modulation et le système intégré de gestion et de contrôle dans le cadre des régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs prévus par ce règlement ainsi que les modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité dans le cadre du régime d’aide prévu pour le secteur vitivinicole (JO 2009, L 316, p. 65), contenait un titre II relatif aux « [d]emandes d’aides ». Sous ce titre, le chapitre I de celui-ci, portant sur la « [d]emande unique », comprenait l’article 11 de ce règlement, intitulé « Date de dépôt de la demande unique ». Aux termes du paragraphe 2 de cet article :

« La demande unique est introduite avant une date fixée par les États membres, qui ne peut être postérieure au 15 mai. Toutefois, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Finlande et la Suède peuvent fixer une date plus tardive, qui ne peut être postérieure au 15 juin.

[...] »

18      L’article 31 dudit règlement portait sur la « sélection de l’échantillon de contrôle » et disposait, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.      Les échantillons de contrôle aux fins des contrôles sur place effectués au titre du présent règlement sont sélectionnés par l’autorité compétente sur la base d’une analyse des risques ainsi que de la représentativité des demandes d’aide introduites.

Pour assurer la représentativité de l’échantillon, les États membres sélectionnent au hasard entre 20 et 25 % du nombre minimal d’agriculteurs devant être soumis à un contrôle sur place, conformément à l’article 30, paragraphes 1 et 2.

Toutefois, si le nombre d’agriculteurs devant être soumis à un contrôle sur place est supérieur au nombre minimal d’agriculteurs devant être soumis à un contrôle sur place établi à l’article 30, paragraphes 1 et 2, le pourcentage d’agriculteurs sélectionnés au hasard dans l’échantillon supplémentaire ne peut être supérieur à 25 %.

2.      Chaque année, il est procédé à une évaluation et à une actualisation de l’efficacité de l’analyse des risques :

a)      en déterminant la pertinence de chaque facteur de risque ;

b)      en comparant les résultats de l’échantillon basé sur le risque et sélectionné de manière aléatoire, visé au paragraphe 1, deuxième alinéa ;

c)      en prenant en considération la situation spécifique de l’État membre. »

19      L’article 34 du même règlement, intitulé « Détermination des superficies », prévoyait, à ses paragraphes 2 et 4 :

« 2.      La superficie totale d’une parcelle agricole peut être prise en compte à condition qu’elle soit entièrement utilisée selon les normes usuelles de l’État membre ou de la région concernée. Dans les autres cas, c’est la superficie réellement utilisée qui est prise en compte.

Dans les régions où certains éléments, en particulier les haies, les fossés et les murs, font traditionnellement partie des bonnes pratiques agricoles en matière de cultures ou d’utilisation des sols, les États membres peuvent décider que la superficie correspondante fait partie de la superficie totale utilisée, pour autant qu’elle ne dépasse pas une largeur totale à déterminer par les États membres. Cette largeur doit correspondre à une valeur traditionnelle en usage dans la région concernée, sans toutefois excéder deux mètres.

[...]

4.      Sans préjudice de l’article 34, paragraphe 2, du règlement [no 73/2009], une parcelle agricole boisée est considérée comme une superficie admissible aux fins des régimes d’aide “surfaces”, sous réserve que des activités agricoles ou, le cas échéant, que la production envisagée puissent se dérouler comme elles se dérouleraient sur des parcelles non boisées situées dans la même zone. »

20      Intitulé « Éléments des contrôles sur place », l’article 53 du règlement no 1122/2009 disposait, à son paragraphe 6 :

« Les contrôles sur place portant sur l’échantillon prévu à l’article 50, paragraphe 1, sont effectués au cours de l’année civile d’introduction des demandes. »

 Le règlement (UE) no 1307/2013

21      L’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement (UE) no 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) no 637/2008 du Conseil et le règlement no 73/2009 (JO 2013, L 347, p. 608), dans sa version initiale, énonçait la définition suivante :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

h)      “prairies permanentes et pâturages permanents” (ci-après dénommés conjointement “prairies permanentes”), les terres consacrées à la production d’herbe ou d’autres plantes fourragères herbacées (ensemencées ou naturelles) qui ne font pas partie du système de rotation des cultures de l’exploitation depuis cinq ans au moins ; d’autres espèces adaptées au pâturage comme des arbustes et/ou des arbres peuvent être présentes, pour autant que l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées restent prédominantes ; les prairies permanentes peuvent également comprendre, lorsque les États membres le décident, des surfaces adaptées au pâturage et relevant des pratiques locales établies dans lesquelles l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas traditionnellement ».

22      Cette disposition, telle que modifiée par le règlement (UE) 2017/2393 du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2017 (JO 2017, L 350, p. 15), est libellée comme suit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

h)      “prairies permanentes et pâturages permanents” (ci-après dénommés conjointement “prairies permanentes”), les terres consacrées à la production d’herbe ou d’autres plantes fourragères herbacées (ensemencées ou naturelles) qui ne font pas partie du système de rotation des cultures de l’exploitation depuis cinq ans au moins et, lorsque les États membres le décident, qui n’ont pas été labourées depuis cinq ans au moins ; d’autres espèces adaptées au pâturage comme des arbustes et/ou des arbres peuvent être présentes, de même que, lorsque les États membres le décident, d’autres espèces adaptées à la production d’aliments pour animaux comme des arbustes et/ou des arbres, pour autant que l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées restent prédominantes. Les États membres peuvent aussi décider de considérer comme des prairies permanentes :

i)      des surfaces adaptées au pâturage et relevant des pratiques locales établies où l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas traditionnellement ; et/ou

ii)      des surfaces adaptées au pâturage où l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas ou sont absentes ».

 Les antécédents du litige

23      Entre les mois de juin 2010 et de juin 2012, la Commission a procédé à deux séries d’enquêtes concernant les dépenses effectuées par la République hellénique au titre, d’une part, des aides à la surface pour les années de demande 2009 à 2011 et, d’autre part, au titre du régime de la conditionnalité pour ces mêmes années de demande.

24      Au terme de ces enquêtes, la Commission a fait part de ses observations à la République hellénique, par une lettre du 24 novembre 2011, conformément à l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 885/2006 (ci-après la « première communication du 24 novembre 2011 »). Cet État membre y a répondu le 24 janvier 2012.

25      En ce qui concerne les aides à la surface, à la suite de la première communication du 24 novembre 2011 et des réponses y apportées par la République hellénique, une réunion bilatérale s’est tenue le 23 mai 2013. Le 14 juin 2013, la Commission a adressé à la République hellénique ses conclusions, auxquelles cette dernière a répondu le 19 septembre 2013.

26      Par lettre du 18 février 2014, la Commission a informé la République hellénique de sa proposition d’exclure du financement de l’Union européenne un montant de 302 577 561,08 euros en raison de la non-conformité de l’application du système des aides à la surface aux règles de l’Union pour les années de demande 2009 à 2011.

27      Par lettre du 8 avril 2014, la République hellénique a renvoyé l’affaire à l’organe de conciliation, lequel a rendu son avis le 22 octobre 2014.

28      Le 27 janvier 2015, la Commission a arrêté sa position finale par laquelle elle proposait d’exclure du financement un montant final brut qui s’élevait à 313 483 531,71 euros.

29      En ce qui concerne le régime de la conditionnalité, à la suite de la première communication du 24 novembre 2011 et des réponses y apportées par la République hellénique, celui-ci a également fait l’objet de la réunion bilatérale du 23 mai 2013, visée au point 25 du présent arrêt. Le 14 juin 2013, la Commission a adressé à la République hellénique ses conclusions, auxquelles cette dernière a répondu le 13 novembre 2013.

30      Par lettre du 1er avril 2014, la République hellénique a également renvoyé l’affaire à l’organe de conciliation, lequel a rendu son avis le 24 septembre 2014.

31      Le 4 février 2015, la Commission a arrêté sa position finale par laquelle elle proposait d’exclure du financement un montant final brut qui s’élevait à 16 060 573,95 euros.

32      Par la décision litigieuse, adoptée le 22 juin 2015, la Commission a appliqué des corrections forfaitaires relatives aux années de demande 2009 à 2011 et s’élevant à un montant de 302 577 561,08 euros net, s’agissant des aides directes à la surface, ainsi qu’à un montant de 15 383 972,53 euros net pour ce qui concerne le régime de la conditionnalité.

33      La Commission a justifié l’imposition des corrections forfaitaires par les motifs exposés dans le rapport de synthèse joint à la décision litigieuse et qui figurent aux points 16 à 34 de l’arrêt attaqué.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

34      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 août 2015, la République hellénique a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse en invoquant, en substance, six moyens.

35      Les deux premiers moyens portaient sur la correction de 25 % imposée pour les faiblesses dans la définition et le contrôle des pâturages permanents et étaient tirés respectivement, pour le premier, d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 ainsi que de l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009, et, pour le second, d’une interprétation ainsi que d’une application erronées du document VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie » (ci-après le « document VI/5330/97 »), quant à la réunion des conditions d’imposition d’une correction financière de 25 %, d’un défaut de motivation, d’un dépassement des limites du pouvoir d’appréciation de la Commission ainsi que d’une violation simultanée du principe de proportionnalité.

36      Le troisième moyen était tiré d’une interprétation et d’une application erronées du document VI/5330/97 quant à l’imposition d’une correction financière de 5 %, d’un dépassement des limites du pouvoir d’appréciation de la Commission ainsi que d’une violation du principe de proportionnalité.

37      Le quatrième moyen était tiré d’une interprétation et une application erronées de l’article 31, paragraphe 2, du règlement no 1122/2009 et de l’article 27 du règlement no 796/2004 ainsi que d’une violation du principe de confiance légitime.

38      Les cinquième et sixième moyens portaient sur le régime de conditionnalité et étaient tirés, s’agissant du cinquième moyen, d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 11 du règlement no 885/2006 ainsi que de l’article 31 du règlement no 1290/2005, d’une motivation insuffisante et d’une erreur d’appréciation concernant la correction forfaitaire de 2 % pour l’année de demande 2011 et, s’agissant du sixième moyen, de la violation des articles 266 et 280 TFUE, relatifs à l’obligation de la Commission de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 6 novembre 2014, Grèce/Commission (T‑632/11, non publié, EU:T:2014:934), et du défaut de motivation concernant le non-remboursement de la somme de 10 460 620,42 euros à la République hellénique, à la suite dudit arrêt.

39      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours.

 Les conclusions des parties au pourvoi

40      La République hellénique demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        d’annuler la décision litigieuse, et

–        de condamner la Commission aux dépens.

41      La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi comme étant non fondé. Elle demande également la condamnation de la République hellénique aux dépens.

42      Le Royaume d’Espagne demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué et de condamner la Commission aux dépens.

 Sur le pourvoi

43      À l’appui de son pourvoi, la République hellénique soulève cinq moyens. Les deux premiers moyens ont trait à la correction financière de 25 % appliquée aux aides à la surface pour les pâturages. Le troisième moyen porte sur une correction financière de 5 % appliquée pour des lacunes dans le système d’identification des parcelles pour l’année de demande 2009. Le quatrième moyen est relatif à une correction financière de 2 % en raison de l’inefficacité de l’analyse des risques au titre de l’année de demande 2010. Le cinquième moyen porte sur la correction financière de 2 % pour l’année de demande 2011 au titre de la conditionnalité.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

44      Par son premier moyen, la République hellénique fait grief, en substance, au Tribunal d’avoir interprété et appliqué de manière erronée, aux points 49 à 84 de l’arrêt attaqué, l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 ainsi que l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009, qui énoncent la définition de « pâturages permanents », et d’avoir manqué à son obligation de motivation, conformément à l’article 296 TFUE.

45      La République hellénique reproche au Tribunal d’avoir retenu, aux points 55, 56, 68 et 74 de l’arrêt attaqué, un critère erroné tenant au type de végétation recouvrant les surfaces prises en considération par la Commission pour déterminer si ces surfaces constituaient bien des « pâturages permanents », au sens du droit de l’Union. En effet, le Tribunal aurait limité la qualification de « pâturages permanents » aux seules surfaces recouvertes d’herbe ou d’autres plantes fourragères herbacées, à l’exclusion des surfaces recouvertes de broussailles et de végétations ligneuses, qui caractérisent les pâturages dits « de type méditerranéen ». Or, selon la requérante, le Tribunal aurait dû retenir un autre critère en vertu duquel constituent des « pâturages permanents » des surfaces qui relèvent de pratiques locales établies, qui sont traditionnellement affectées au pâturage et sur lesquelles l’herbe et les végétations fourragères herbacées ne prédominent pas. Aussi, la prédominance sur les surfaces en cause d’une végétation de type ligneux ne saurait servir d’indicateur d’abandon d’activités agricoles.

46      Selon la République hellénique, cette interprétation est autorisée par le libellé de l’article 2 du règlement no 796/2004, ainsi que par le contexte et les objectifs poursuivis par ce règlement. Elle souligne ainsi que cette conception large de la notion de « pâturages permanents » ressort tant de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013 que du guide destiné à fournir aux États membres des orientations sur les meilleures façons de respecter les dispositions légales en vigueur relatives à la politique agricole commune (PAC), publié par le Centre commun de recherche (JRC) de la Commission, le 2 avril 2008, ainsi que du plan d’action, élaboré au mois d’octobre 2012, par les autorités helléniques en collaboration avec la Commission, comprenant l’évaluation de l’admissibilité des pâturages par photo-interprétation d’images satellites au niveau de la parcelle de référence (unité) et l’application d’un système de calcul proportionnel (au prorata) dans les cas où il existe des arbustes diffus (ci‑après le « plan d’action de 2012 »).

47      Au soutien de cette argumentation, le Royaume d’Espagne fait valoir, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que le critère pertinent était le type de végétation présent sur la surface en cause et en effectuant ensuite son examen au regard de ce critère. Selon cet État membre, le critère pertinent repose non pas sur le type de végétation présent sur cette surface, mais sur l’utilisation agricole effective de cette dernière.

48      La Commission propose de rejeter ce moyen comme étant non fondé. Cette institution est d’avis que le Tribunal a correctement interprété et appliqué la notion de « pâturages permanents », figurant à l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 ainsi qu’à l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009. Il ressortirait de cette définition que le critère tenant à la nature de la végétation recouvrant la surface agricole concernée serait déterminant. En outre, ni les orientations visées au point 46 du présent arrêt, ni ledit plan d’action de 2012, ni le règlement no 1307/2013, applicable à compter du 1er janvier 2015, et qui contient une définition élargie de la notion de « pâturages permanents » ne seraient pertinents pour interpréter le droit applicable au moment des faits de l’espèce ainsi que pour apprécier la correction financière décidée par la Commission.

 Appréciation de la Cour

49      Par son premier moyen, la République hellénique reproche en substance au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit dans l’interprétation de la notion de « pâturages permanents », au sens de l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 ainsi que de l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009, en constatant, au point 56 de l’arrêt attaqué, que seules relèvent de cette notion les surfaces couvertes d’herbe et de plantes fourragères herbacées, en excluant les surfaces couvertes de plantes ligneuses ou arbustives, caractéristiques des pâturages dits « de type méditerranéen ». En effet, selon la République hellénique, le critère tenant à la nature de la végétation recouvrant la surface agricole concernée n’est pas déterminant quant à la qualification des « pâturages permanents ».

50      À cet égard, il convient de relever, d’une part, que l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009 contient une définition de la notion de « pâturages permanents » en des termes très analogues à ceux utilisés à l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004. D’autre part, il ressort de l’arrêt du 15 mai 2019, Grèce/Commission (C‑341/17 P, EU:C:2019:409), par lequel la Cour a interprété la notion de « pâturages permanents » figurant à l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004, que le critère déterminant quant à la définition de « pâturages permanents » n’est pas le type de végétation couvrant la surface agricole, mais l’utilisation effective de ladite surface pour une activité agricole typique aux fins de « pâturages permanents ». Par conséquent, la présence de plantes ligneuses ou arbustives ne saurait faire, en tant que telle, obstacle à la qualification d’une surface de « pâturages permanents », tant que cette présence ne porte pas atteinte à l’utilisation effective de ladite surface pour une activité agricole (arrêt du 15 mai 2019, Grèce/Commission, C‑341/17 P, EU:C:2019:409, point 54).

51      Dès lors, en jugeant au point 56 de l’arrêt attaqué que le critère pertinent était le type de végétation présent sur la surface en cause et en effectuant ensuite son examen au regard de ce critère, le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’interprétation et l’application de la notion de « pâturages permanents », telle qu’elle résulte de l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 et de l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009. Il s’ensuit que la considération du Tribunal, figurant au point 65 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la République hellénique reste en défaut de démontrer l’inexactitude des appréciations de la Commission est erronée.

52      Par conséquent, le premier moyen de la République hellénique doit être accueilli. Il s’ensuit qu’il y a lieu d’annuler le point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué, en ce que le Tribunal a rejeté le recours de la République hellénique portant sur la correction forfaitaire de 25 % imposée par la décision litigieuse pour les années de demande 2009 à 2011, au titre des faiblesses dans la définition et le contrôle des pâturages permanents.

 Sur le deuxième moyen

53      Par son deuxième moyen, la République hellénique fait valoir, en substance, que le Tribunal a interprété et appliqué de manière erronée le document VI/5330/97 quant à la réunion des quatre conditions nécessaires à l’application d’un taux de correction de 25 %.

54      Dès lors que ce moyen a trait à la correction de 25 % imposée pour les faiblesses dans la définition et le contrôle des pâturages permanents et que, ainsi qu’il ressort du point 52 du présent arrêt, le point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué doit être annulé, il n’y a pas lieu d’examiner ce moyen qui ne saurait donner lieu à une annulation plus étendue de l’arrêt attaqué.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation des parties

55      Le troisième moyen du pourvoi peut, nonobstant le caractère peu structuré de celui-ci, être compris comme se subdivisant en deux branches.

56      Par la première branche, la République hellénique soutient, en substance, que le Tribunal a violé les principes de légalité, de bonne administration et des droits de la défense ainsi que le principe de proportionnalité, aux points 141 à 162 de l’arrêt attaqué, en ignorant son argument selon lequel le changement de statut des surfaces non éligibles en surfaces éligibles au titre de l’année de demande 2009 avait fait l’objet de contrôles, de telle sorte que ce changement de statut n’avait généré aucun risque pour le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA).

57      Par la seconde branche, la République hellénique fait valoir, en substance que, s’agissant du moyen qu’elle a soulevé à l’appui de son recours devant le Tribunal, tiré de ce que c’est à tort que la Commission lui a fait grief d’avoir commis des erreurs manifestes dans les modifications des demandes de 2009, le Tribunal a violé son obligation de motivation ainsi que le principe de proportionnalité. En effet, aux points 158 et 162 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait, à tort, confirmé l’appréciation de la Commission qui aurait extrapolé l’existence d’un risque de pertes pour le FEAGA à partir de cas isolés.

58      La Commission conclut au rejet de ce moyen comme étant pour partie irrecevable et pour partie non fondé.

 Appréciation de la Cour

59      S’agissant de la première branche du troisième moyen, il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour que, conformément à l’article 256, paragraphe 1, TFUE et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est dès lors seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 28 novembre 2019, LS Cable & System/Commission, C‑596/18 P, non publié, EU:C:2019:1025, point 24 et jurisprudence citée).

60      Or, en l’occurrence, sous couvert de prétendues violations des principes de légalité, de bonne administration et des droits de la défense, la République hellénique se borne en réalité à contester l’appréciation de nature factuelle effectuée par le Tribunal, notamment au point 149 de l’arrêt attaqué, quant aux irrégularités dans le contrôle des changements de statut des surfaces non éligibles en surfaces éligibles au titre de l’année de demande 2009.

61      Par ailleurs, pour autant que la République hellénique fait grief au Tribunal d’avoir violé le principe de proportionnalité dans la mesure où il n’aurait pas tenu compte de données chiffrées qu’elle aurait apportées, il y a lieu de constater qu’un tel grief concerne l’appréciation effectuée par le Tribunal de l’exactitude des données et porte ainsi sur une appréciation de nature factuelle.

62      Dès lors, la première branche du troisième moyen doit être écartée et rejetée comme étant irrecevable.

63      S’agissant de la seconde branche de ce moyen, il convient d’observer, à titre liminaire, que si la République hellénique vise les points 158 à 162 de l’arrêt attaqué, elle circonscrit en substance ses griefs tirés de la violation du principe de proportionnalité et de l’insuffisance de motivation au point 159 de cet arrêt.

64      À cet égard, il importe de relever tout d’abord que, aux points 149 à 151 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que les irrégularités constatées par la Commission quant au statut des surfaces dans le système d’identification des parcelles agricoles et le traitement des erreurs qui y étaient afférentes devaient être qualifiées de défaillances portant sur des contrôles clés, conformément à l’annexe 2 du document VI/5330/97.

65      Ensuite, aux points 152, 153 et 156 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré, conformément au document VI/5330/97, que l’application d’un taux de correction forfaitaire de 5 % était justifiée au regard des irrégularités constatées et des éléments de preuve soumis à son examen.

66      Dans le cadre du point 159 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est borné à relever que les insuffisances constatées par la Commission et rappelées aux points 146 à 149 de l’arrêt attaqué étaient de nature à fonder un soupçon d’irrégularités plus étendues et autorisaient la Commission à douter de la qualité des contrôles clés. En outre, audit point 159, le Tribunal a également souligné que la République hellénique n’avait pas apporté d’éléments de preuve de nature à réfuter lesdites constatations de la Commission. Ce faisant, à ce même point 159, le Tribunal n’a fait que mettre en œuvre les règles constantes relatives à la charge de la preuve dans le domaine concerné, qu’il a d’ailleurs rappelées aux points 143 à 145 de l’arrêt attaqué, selon lesquelles cette charge se limite, en ce qui concerne la Commission, à être en mesure de fournir des éléments de preuve à l’appui du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve quant à l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par elles, tandis qu’il appartient à l’État membre concerné de démontrer l’inexactitude des appréciations de la Commission ou l’absence de risque de perte ou d’irrégularité pour le FEAGA sur la base de l’application d’un système de contrôle fiable et efficace.

67      Il découle de ce qui précède que, contrairement à ce qu’allègue la République hellénique, d’une part, le Tribunal n’a pas violé le principe de proportionnalité et, d’autre part, l’arrêt attaqué est correctement et suffisamment motivé.

68      Par conséquent, la seconde branche du troisième moyen doit être écartée comme étant non fondée.

69      Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté comme étant pour partie irrecevable et pour partie non fondé.

 Sur le quatrième moyen

 Argumentation des parties

70      Par son quatrième moyen, la République hellénique reproche au Tribunal d’avoir, aux points 163 à 183 de l’arrêt attaqué, rejeté son moyen portant sur l’inefficacité de l’analyse des risques pour l’année de demande 2010. Plus particulièrement, elle reproche au Tribunal d’avoir porté atteinte à son droit d’accès à un tribunal en raison d’un formalisme excessif de celui-ci. En effet, au point 181 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait jugé que la République hellénique n’avait pas suffisamment étayé son argument tiré de la violation du principe de la protection de la confiance légitime, au motif que cet État membre se bornait à soutenir que son mode de sélection aléatoire des échantillons de contrôle était conforme à des spécifications techniques établies dans un document émanant de la Commission, publié au cours de l’année 2010, sans pour autant préciser à quelle partie desdites spécifications il s’était conformée et sans que son argument soit étayé de manière à permettre au Tribunal d’exercer son contrôle. La République hellénique soutient que, en refusant d’avoir égard à ces spécifications techniques, le Tribunal a porté une atteinte disproportionnée à son droit d’accès à un tribunal.

71      La Commission conclut au rejet de ce moyen.

 Appréciation de la Cour

72      Il y a lieu de relever que, au point 181 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté, en substance, que la République hellénique n’avait produit, à l’appui de son argument, qu’un document émanant d’un organisme national, faisant lui-même référence à des spécifications techniques établies non pas pour l’année 2010, mais pour l’année 2012. Le Tribunal en a déduit que, à défaut pour la République hellénique de mettre le Tribunal en mesure de vérifier que les spécifications techniques établies par la Commission pour l’année 2010 étaient demeurées identiques à celles établies pour l’année 2012, et de préciser à quelle partie desdites spécifications elle s’était conformée, cet argument n’était pas étayé de manière à permettre au Tribunal d’exercer son contrôle et l’a, partant, rejeté à ce titre.

73      Dès lors, une telle appréciation du Tribunal fondée sur le fait que la partie qui, bien que se prévalant du contenu d’un acte, ne le produit pas devant lui et l’empêche, partant, de vérifier ce contenu procède non pas d’un « formalisme excessif » dans le chef de cette juridiction, mais d’une bonne administration de la justice de telle sorte qu’il ne saurait être valablement soutenu que, en procédant de la sorte, le Tribunal aurait porté atteinte à la substance même du droit à une protection juridictionnelle effective de la partie dont le moyen a été écarté pour ce motif.

74      Par conséquent, ce moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le cinquième moyen

 Argumentation des parties

75      Par ce moyen, la République hellénique fait grief au Tribunal d’avoir, aux points 184 à 198 de l’arrêt attaqué, jugé que la première communication du 24 novembre 2011, visée au point 24 du présent arrêt, était conforme aux exigences découlant de l’article 11 du règlement no 885/2006 et que, partant, cette communication remplissait sa fonction d’avertissement, conformément à l’article 31 du règlement no 1290/2005.

76      Plus concrètement, la République hellénique soutient, en substance, que l’enquête portant sur le régime de la conditionnalité ne concernait que les années de demande 2009 et 2010, de telle sorte que la première communication du 24 novembre 2011 ne pouvait pas valoir également pour l’année de demande 2011. En effet, au jour de cette communication, la République hellénique aurait été dans l’impossibilité de remédier aux irrégularités constatées par la Commission et d’éviter l’imposition d’une correction supplémentaire pour l’année de demande 2011. En ne tirant pas les conséquences de l’impossibilité pour la République hellénique de pouvoir prendre des mesures correctives pour l’année de demande 2011, le Tribunal aurait violé l’article 11 du règlement no 885/2006 et l’article 31 du règlement no 1290/2005, ainsi que l’article 11, paragraphe 2, et l’article 53, paragraphe 6, du règlement no 1122/2009. En tout état de cause, l’arrêt attaqué ne serait pas motivé à suffisance de droit.

77      La Commission conclut au rejet de ce moyen comme étant non fondé.

 Appréciation de la Cour

78      Tout d’abord, il convient de relever que le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) finance en gestion partagée entre les États membres et l’Union les dépenses effectuées conformément au droit de l’Union. Dans le cadre de cette gestion partagée, la Commission est chargée de procéder à l’apurement de conformité, conformément à l’article 31 du règlement no 1290/2005. À cet égard, l’article 31, paragraphe 4, sous a), de ce règlement prévoit qu’un refus de financement ne peut pas porter sur des dépenses qui ont été effectuées plus de 24 mois avant que la Commission ait notifié par écrit à l’État membre concerné les résultats des vérifications.

79      Ensuite, il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour que la décision finale et définitive relative à l’apurement des comptes doit être prise à l’issue d’une procédure contradictoire spécifique au cours de laquelle l’État membre concerné doit disposer de toutes les garanties requises pour présenter son point de vue (voir, en ce sens, arrêt du 29 janvier 1998, Grèce/Commission, C‑61/95, EU:C:1998:27, point 39 et jurisprudence citée).

80      Dans ce cadre, l’article 11 du règlement no 885/2006 concrétise la procédure d’apurement de conformité en établissant les différentes étapes de celle-ci et en posant les garanties procédurales permettant à l’État membre concerné de présenter son point de vue. Ainsi, d’une part, en vertu de l’article 11, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 885/2006, la Commission doit, à l’issue d’une enquête et dans l’hypothèse où elle considère que les dépenses n’ont pas été effectuées conformément au droit de l’Union, communiquer ses conclusions à l’État membre concerné et lui indiquer les mesures correctives qui s’imposent afin d’assurer à l’avenir le respect de cette réglementation.

81      À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour que, lorsque les irrégularités justifiant l’application d’une correction financière persistent après la date de la communication écrite des résultats des vérifications, la Commission est en droit et a même l’obligation de tenir compte de cette situation lorsqu’elle détermine la période sur laquelle doit porter la correction financière en cause (arrêt du 9 janvier 2003, Grèce/Commission, C‑157/00, EU:C:2003:5, point 45).

82      Par ailleurs, conformément à une jurisprudence également constante de la Cour, la communication écrite visée à l’article 11, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 885/2006 doit donner à l’État membre concerné une parfaite connaissance des réserves de la Commission, de sorte qu’elle puisse remplir la fonction d’avertissement conférée par cette disposition. Il s’ensuit que ladite disposition exige que l’irrégularité qui est reprochée à l’État membre concerné figure de manière suffisamment précise dans cette communication écrite de telle sorte que l’État membre en ait une connaissance parfaite (voir, en ce sens, arrêt du 3 mai 2012, Espagne/Commission, C‑24/11 P, EU:C:2012:266, points 27 et 28 ainsi que jurisprudence citée).

83      D’autre part, il importe de relever que l’article 11, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement no 885/2006 oblige la Commission, après l’éventuelle tenue d’une procédure de conciliation, d’exclure du financement de l’Union, en application de l’article 31 du règlement no 1290/2005, les dépenses non conformes avec le droit de l’Union « jusqu’à la mise en œuvre effective par l’État membre des mesures correctives ».

84      Il découle de la lecture combinée des dispositions qui précèdent que, d’une part, la procédure d’apurement de conformité instaure un dialogue entre la Commission et l’État membre concerné et vise, en substance, premièrement, à leur permettre d’échanger des informations, deuxièmement, à offrir à cet État membre la possibilité d’exercer son droit de défense, troisièmement, à permettre à ce dernier de démontrer l’inexactitude des constatations de la Commission et, enfin, quatrièmement, à permettre audit État membre d’informer la Commission des mesures correctives mises en œuvre en vue d’assurer le respect de la réglementation de l’Union.

85      D’autre part, la circonstance que l’État membre concerné n’est pas en mesure de pouvoir remédier aux irrégularités constatées par la Commission dans sa communication écrite visée à l’article 11, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 885/2006 est indifférente, dès lors que ces irrégularités étaient couvertes par la période soumise à l’examen de la Commission. En effet, la thèse contraire conduirait à vider de leur substance l’article 31 du règlement no 1290/2005 et l’article 11 du règlement no 885/2006, en autorisant qu’un État membre puisse arguer d’une prétendue impossibilité matérielle à prendre des mesures correctives avant l’adoption de la décision emportant correction financière pour pouvoir échapper à l’imposition de cette correction forfaitaire.

86      En l’espèce, au point 193 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a tout d’abord relevé que, dans la première communication du 24 novembre 2011, la Commission avait indiqué que l’enquête portait sur les années de demande 2009 et suivantes. Dès lors, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’appréciation des faits et des éléments de preuve, il a considéré que l’année de demande 2011 était couverte par la période soumise à l’examen de la Commission.

87      Ensuite, aux points 194 et 195 de l’arrêt attaqué, contrairement à ce que soutient la République hellénique, c’est au terme d’une appréciation exhaustive du contenu de la première communication du 24 novembre 2011 et de son annexe que le Tribunal a constaté que la Commission avait identifié des carences portant sur la conditionnalité pour les années de demande 2009 à 2011, de telle sorte qu’il a pu valablement considérer que la Commission avait identifié de manière suffisamment précise les années de demande concernées et que la République hellénique avait eu la possibilité de faire valoir ses moyens de défense en réponse aux irrégularités constatées pour l’année de demande 2011.

88      Par conséquent, en décidant, au point 199 de l’arrêt attaqué, que la première communication du 24 novembre 2011 était conforme aux exigences découlant de l’article 11 du règlement no 885/2006 et remplissait sa fonction d’avertissement à la lumière de l’article 31 du règlement no 1290/2005, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit ni manqué à son devoir de motivation.

89      Partant, le cinquième moyen du pourvoi doit être écarté comme étant non fondé.

90      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le premier moyen ayant été accueilli, il convient d’annuler le point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué, en ce que le Tribunal a rejeté le recours de la République hellénique portant sur la correction forfaitaire de 25 % imposée pour les faiblesses dans la définition et le contrôle des pâturages permanents, et de rejeter le pourvoi pour le surplus.

 Sur le recours devant le Tribunal

91      Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, celle-ci peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour que celui-ci statue, soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

92      En l’espèce, il y a lieu pour la Cour de statuer définitivement sur le litige, qui est en état d’être jugé.

93      Ainsi qu’il ressort du point 50 du présent arrêt, aux fins de déterminer si la surface concernée doit être qualifiée de « pâturages permanents », au sens de l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 et de l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009, le critère déterminant à prendre en considération n’est pas le type de végétation couvrant cette surface, mais bien l’utilisation effective de celle-ci pour une activité agricole typique des « pâturages permanents ».

94      Or, il y a lieu de constater que, s’agissant des aides à la surface pour les années de demande 2009 à 2011, la Commission a justifié, dans son rapport de synthèse annexé à la décision litigieuse, l’application d’un taux de correction forfaitaire de 25 % au regard d’un ensemble d’irrégularités portant sur la définition et le contrôle des pâturages permanents, qui, prises ensemble, lui ont permis de conclure que la mise en œuvre du système de contrôle qui devait garantir l’exactitude des dépenses était gravement déficiente et avait vraisemblablement entraîné des pertes extrêmement élevées pour le FEAGA.

95      Dans la mesure où, d’une part, la correction forfaitaire de 25 % était fondée sur un ensemble d’irrégularités, dont l’une procède cependant d’une interprétation erronée de l’article 2, premier alinéa, point 2, du règlement no 796/2004 et de l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009, et, d’autre part, que cette interprétation erronée a pu avoir une incidence sur l’appréciation de la Commission relative aux autres défaillances constatées par celle-ci, il y a lieu, dans ce contexte, de procéder à une nouvelle appréciation d’ensemble pour vérifier que ce taux de correction demeure justifié.

96      Il s’ensuit qu’il y a lieu d’accueillir le premier moyen du recours introduit devant le Tribunal par la République hellénique et, par conséquent, d’annuler la décision litigieuse en ce qu’elle impose une correction financière forfaitaire de 25 % pour les aides à la surface pour les années de demande 2009 à 2011 au titre des faiblesses dans la définition et le contrôle des pâturages permanents.

 Sur les dépens

97      Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

98      Aux termes de l’article 138, paragraphe 3, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui–ci, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

99      La République hellénique et la Commission ayant chacune succombé sur un ou plusieurs chefs de demande, elles supporteront leurs propres dépens afférents à la procédure de première instance et au pourvoi.

100    Aux termes de l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

101    Le Royaume d’Espagne, en tant que partie intervenante au pourvoi, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) déclare et arrête :

1)      Les points 1 et 2 du dispositif de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 1er février 2018, Grèce/Commission (T506/15, non publié, EU:T:2018:53), sont annulés en tant, d’une part, que le Tribunal a rejeté le recours de la République hellénique portant sur la correction forfaitaire de 25 % imposée par la décision d’exécution 2015/1119/UE de la Commission, du 22 juin 2015, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), pour les années de demande 2009 à 2011, au titre des faiblesses dans la définition et le contrôle des pâturages permanents, et, d’autre part, qu’il a statué sur les dépens.

2)      Le pourvoi est rejeté pour le surplus.

3)      La décision d’exécution 2015/1119 est annulée en ce qu’elle impose à la République hellénique une correction financière forfaitaire de 25 % appliquée aux aides à la surface pour les années de demande 2009 à 2011, au titre des faiblesses dans la définition et le contrôle des pâturages permanents.

4)      La République hellénique et la Commission européenne supportent leurs propres dépens afférents à la procédure de première instance et au pourvoi.

5)      Le Royaume d’Espagne supporte ses propres dépens afférents à la procédure de première instance et au pourvoi.

Signatures


*      Langue de procédure : le grec.

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