Universitatea „Lucian Blaga” Sibiu and Others (Judgment) French Text [2020] EUECJ C-644/19 (08 October 2020)


BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?

No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!



BAILII [Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback]

Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Universitatea „Lucian Blaga” Sibiu and Others (Judgment) French Text [2020] EUECJ C-644/19 (08 October 2020)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/C64419.html
Cite as: ECLI:EU:C:2020:810, EU:C:2020:810, [2020] EUECJ C-644/19

[New search] [Help]


ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

8 octobre 2020 (*)

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 2000/78/CE – Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Articles 1er, 2 et 3 – Directive 1999/70/CE – Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée – Clause 4 – Principe de non-discrimination – Mesure adoptée par un établissement universitaire en application du droit national – Maintien du statut d’enseignant titulaire au-delà de l’âge légal de la retraite – Possibilité réservée aux enseignants possédant le titre de directeur de thèse – Enseignants ne possédant pas ce titre – Contrats à durée déterminée – Rémunération inférieure à celle accordée aux enseignants titulaires »

Dans l’affaire C‑644/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Curtea de Apel Alba Iulia (cour d’appel d’Alba Iulia, Roumanie), par décision du 27 mai 2019, parvenue à la Cour le 28 août 2019, dans la procédure

FT

contre

Universitatea « Lucian Blaga » Sibiu,

GS e.a.,

HS,

Ministerul Educaţiei Naţionale,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. N. Wahl, président de chambre, M. F. Biltgen (rapporteur) et Mme L. S. Rossi, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour FT, par Me D. Târşia, avocat,

–        pour le gouvernement roumain, par Mmes E. Gane et A. Rotăreanu ainsi que par M. S.-A. Purza, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par M. M. van Beek et Mme C. Gheorghiu, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, de l’article 2, paragraphe 2, sous b), et de l’article 3 de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16), ainsi que de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci-après l’« accord-cadre »), qui figure en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO 1999, L 175, p. 43).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant FT à l’Universitatea « Lucian Blaga » Sibiu (ci-après l’« Université »), à GS e.a., à HS ainsi qu’au Ministerul Educaţiei Naţionale (ministère de l’Éducation nationale, Roumanie), au sujet des conditions d’emploi de son poste au sein de l’Université après qu’elle eut atteint l’âge légal de départ à la retraite.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 2000/78

3        Ainsi que son article 1er l’énonce, la directive 2000/78 a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement.

4        L’article 2, paragraphes 1 et 2, de cette directive prévoit :

« 1.      Aux fins de la présente directive, on entend par “principe de l’égalité de traitement” l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.

2.      Aux fins du paragraphe 1 :

a)      une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er ;

b)      une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une religion ou de convictions, d’un handicap, d’un âge ou d’une orientation sexuelle donnés, par rapport à d’autres personnes, à moins que :

i)      cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires [...] »

5        Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de ladite directive :

« Dans les limites des compétences conférées à la Communauté, la présente directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne :

[...]

c)      les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération ;

[...] »

 La directive 1999/70

6        Le considérant 17 de la directive 1999/70 énonce :

« en ce qui concerne les termes employés dans l’accord-cadre, sans y être définis de manière spécifique, cette directive laisse aux États membres le soin de définir ces termes en conformité avec le droit et/ou les pratiques nationales, comme il en est pour d’autres directives adoptées en matière sociale qui emploient des termes semblables, à condition que lesdites définitions respectent le contenu de l’accord-cadre ».

 L’accord-cadre

7        La clause 3 de l’accord-cadre est ainsi libellée :

« Aux termes du présent accord, on entend par :

1.      “travailleur à durée déterminée”, une personne ayant un contrat ou une relation de travail à durée déterminée conclu directement entre l’employeur et le travailleur où la fin du contrat ou de la relation de travail est déterminée par des conditions objectives telles que l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un événement déterminé ;

2.      “travailleur à durée indéterminée comparable”, un travailleur ayant un contrat ou une relation de travail à durée indéterminée dans le même établissement, et ayant un travail/emploi identique ou similaire, en tenant compte des qualifications/compétences. Lorsqu’il n’existe aucun travailleur à durée indéterminée comparable dans le même établissement, la comparaison s’effectue par référence à la convention collective applicable ou, en l’absence de convention collective applicable, conformément à la législation, aux conventions collectives ou aux pratiques nationales. »

8        La clause 4 de l’accord-cadre, intitulée « Principe de non-discrimination », prévoit, à son point 1 :

« Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives. »

 Le droit roumain

9        L’article 118, paragraphes 1 et 2, de la legea no 1/2011 a educației naționale (loi no 1/2011 sur l’éducation nationale), du 5 janvier 2011 (Monitorul Oficial, partie I, no 18 du 10 janvier 2011), dans sa version applicable à l’époque des faits au principal (ci-après la « loi no 1/2011 »), énonce :

« 1.      Le système national d’enseignement supérieur se fonde sur les principes suivants :

a)      le principe d’autonomie universitaire ;

[...]

2.      Dans l’enseignement supérieur, ne sont pas admises les discriminations fondées sur l’âge, l’ethnie, le genre, l’origine sociale, l’orientation politique ou religieuse, l’orientation sexuelle ou autre type de discrimination à l’exception des mesures affirmatives prévues par la loi. »

10      Aux termes de l’article 123, paragraphe 2, de la loi no 1/2011 :

« L’autonomie universitaire confère à la communauté universitaire le droit d’établir sa propre mission, la stratégie institutionnelle, la structure, les activités, ses propres organisation et fonctionnement, la gestion des ressources matérielles et humaines, dans le strict respect de la législation en vigueur. »

11      L’article 289 de la loi no 1/2011 dispose :

« 1.      Le personnel enseignant et les chercheurs sont mis à la retraite à l’âge de 65 ans.

[...]

3.      Les sénats des universités étatiques, particulières et confessionnelles, peuvent, sur la base de critères de performance professionnelle et de la situation financière, décider qu’un cadre enseignant ou un chercheur puisse poursuive son activité après la retraite, sur la base d’un contrat à durée déterminée d’un an, avec possibilité de le prolonger annuellement conformément à la charte universitaire, sans limite d’âge. Le sénat de l’université peut décider de conférer le titre honorifique de professeur émérite, pour l’excellence didactique et de recherche, aux cadres enseignants qui ont atteint l’âge de la retraite. Les cadres enseignants retraités peuvent être payés selon le régime du paiement à l’heure.

[...]

6.      Par dérogation aux dispositions du paragraphe 1, si les établissements d’enseignement supérieur ne peuvent pas couvrir les heures d’enseignement avec des titulaires, ils peuvent décider du maintien du statut de titulaire dans le domaine de l’enseignement et/ou la recherche, avec tous les droits et les obligations qui en découlent, sur la base de l’évaluation annuelle des performances académiques, au regard d’une méthodologie établie par le sénat de l’université.

7.      Le réemploi du personnel enseignant retraité à un poste de personnel enseignant est opéré annuellement, avec maintien des droits et des obligations qui découlent de l’activité d’enseignement réalisée avant la retraite, sur approbation du sénat de l’université, conformément à la méthodologie prévue au paragraphe 6, à condition de suspendre le versement de la pension pendant la durée du réemploi. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

12      Pendant la période allant des années 1994 à 2015, FT a occupé le poste d’enseignement de maître de conférences titulaire auprès de l’Université, sur la base d’un contrat de travail à durée indéterminée.

13      Alors que FT a atteint l’âge légal de départ à la retraite, fixé à 65 ans, le 11 juin 2015, elle a pu maintenir, en vertu d’une décision de l’Université, son statut d’enseignant titulaire pour la période allant de cette date au 30 septembre 2015 dans le cadre de l’année universitaire 2014/2015.

14      Par la suite, le conseil d’administration de l’Université a rejeté la demande de FT tendant au maintien de son statut d’enseignant titulaire pour l’année universitaire 2015/2016, au motif que cette demande n’était pas conforme à la « méthodologie concernant l’approbation du maintien du statut de titulaire pour les cadres enseignants ayant atteint l’âge de 65 ans » (ci-après la « méthodologie »), adoptée par le sénat de l’Université par décision no 3655 du 28 septembre 2015. En vertu de la méthodologie, la possibilité de conserver le statut d’enseignant titulaire au-delà dudit âge, telle que visée à l’article 289, paragraphe 6, de la loi no 1/2011, était réservée aux seuls cadres enseignants possédant le titre de directeur de thèse. À la suite d’une modification de la méthodologie, cette possibilité a été supprimée pour ces derniers à compter du 1er octobre 2016.

15      Eu égard au rejet de sa demande, FT a, à partir de l’année 2016, recouru à la conclusion de contrats à durée déterminée successifs avec l’Université pour les mêmes activités universitaires qu’elle avait exercées auparavant, selon le système de rémunération de « paiement à l’heure », dont les revenus étaient inférieurs à ceux versés aux cadres enseignants titulaires.

16      Par son recours en matière de droit du travail introduit devant le Tribunalul Sibiu (tribunal de grande instance de Sibiu, Roumanie), FT a contesté la décision de l’Université, prenant acte du fait que son statut d’enseignant titulaire avait pris fin le 1er octobre 2015 en raison de la circonstance qu’elle avait atteint l’âge légal de départ à la retraite. Cette juridiction a rejeté ce recours en constatant l’absence de discrimination au titre de la directive 2000/78, telle qu’invoquée par FT. Ce jugement est devenu définitif sur confirmation par la Curtea de Apel Alba Iulia (cour d’appel d’Alba Iulia, Roumanie).

17      En outre, le Tribunalul Alba (tribunal de grande instance d’Alba, Roumanie) a rejeté le recours en matière de contentieux administratif introduit par FT, par lequel elle avait demandé l’annulation des actes administratifs ayant fondé le refus de l’Université de faire droit à sa demande tendant au maintien de son statut d’enseignant titulaire.

18      Saisie du pourvoi contre ce rejet, la juridiction de renvoi relève que le litige au principal porte sur la circonstance selon laquelle, en vertu de la méthodologie, la possibilité de conserver le statut d’enseignant titulaire après avoir atteint l’âge légal de la retraite est réservée aux seuls cadres enseignants ayant le titre de directeur de thèse. Cette juridiction se demande, plus particulièrement, si la fixation d’un tel critère restrictif est constitutive d’une discrimination indirecte, eu égard au fait que la mise en œuvre de ce critère a également pour effet de mener à la conclusion de contrats à durée déterminée successifs, assortis d’un niveau de salaire inférieur. Dans l’affirmative, la juridiction de renvoi souhaite savoir si elle peut écarter les effets d’une décision d’une juridiction nationale devenue définitive, par laquelle il avait été jugé que la situation en cause au principal ne comportait pas de discrimination contraire à la directive 2000/78.

19      Dans ces conditions, la Curtea de Apel Alba Iulia (cour d’appel d’Alba Iulia) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 1er, l’article 2, paragraphe 2, sous b), et l’article 3 de la directive 2000/78 ainsi que la clause 4 de l’accord-cadre doivent-ils être interprétés en ce sens qu’une mesure, telle que celle en cause au principal, qui permet à l’employeur de prévoir que les personnes qui ont atteint l’âge de 65 ans ne peuvent être maintenues à leur poste en tant qu’enseignants titulaires avec conservation des droits acquis avant la pension que si elles possèdent le titre de directeur de thèse, désavantageant les autres personnes qui se trouvent dans la même situation et qui auraient vocation à bénéficier d’un tel maintien dans l’hypothèse où il y aurait des postes vacants et où elles rempliraient les conditions en matière de performance professionnelle, et alors que les personnes qui ne possèdent pas le titre de directeur de thèse se voient imposer pour la même activité universitaire des contrats de travail à durée déterminée, conclus successivement, avec un système salarial de “paiement à l’heure”, inférieur à celui accordé aux cadres enseignants titulaires, constitue une discrimination, au sens de ces dispositions ?

2)      L’application prioritaire du droit de l’Union (principe de primauté du droit européen) peut-elle être interprétée en ce sens qu’elle permet à la juridiction nationale d’écarter l’application d’une décision définitive d’un juge national qui a constaté que, dans la situation factuelle en cause, la directive 2000/78 avait été respectée et qu’il n’y avait pas de discrimination ? »

 Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

20      Dans ses observations écrites, le gouvernement roumain conteste la recevabilité de la demande de décision préjudicielle. Il considère, d’une part, que l’interprétation du droit de l’Union demandée par la juridiction de renvoi n’est pas nécessaire aux fins du litige au principal, qui pourrait être résolu sur le fondement des seules dispositions nationales transposant ce droit, et, d’autre part, que ladite juridiction n’a pas suffisamment expliqué le choix des dispositions du droit de l’Union dont elle demande l’interprétation ni le lien qu’elle établit entre ces dernières et la législation nationale applicable au litige au principal.

21      À cet égard, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour qu’il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation d’une règle de droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer [arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême), C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 97 ainsi que jurisprudence citée].

22      Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation d’une règle de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées [arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême), C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 98 ainsi que jurisprudence citée].

23      En l’occurrence, il n’apparaît pas de manière manifeste que les dispositions du droit de l’Union mentionnées dans les questions posées par la juridiction de renvoi, qui portent sur des discriminations interdites dans le cadre des relations d’emploi et de travail, n’aient aucun rapport avec le litige au principal. En revanche, la question de savoir si la réglementation nationale en cause au principal ainsi que la manière dont elle a été mise en œuvre par l’Université comportent de telles discriminations relève du fond de l’affaire.

24      Par ailleurs, si la motivation de la demande de décision préjudicielle est, certes, succincte, il n’en demeure pas moins qu’elle permet de comprendre que le litige au principal porte sur une prétendue différence de traitement parmi les cadres enseignants de l’Université continuant à travailler au-delà de l’âge légal de la retraite, selon que ces derniers possèdent ou non le titre de directeur de thèse, et qu’il est demandé à la Cour si une telle différence de traitement est contraire aux dispositions du droit de l’Union citées dans le texte de la première question préjudicielle. Ladite demande de décision préjudicielle contenant, en outre, un exposé suffisant du cadre factuel et juridique national pertinent, il convient de constater que, en l’occurrence, elle satisfait aux exigences de l’article 94 du règlement de procédure de la Cour.

25      Il résulte de ce qui précède que les questions préjudicielles sont recevables.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

 Sur la première partie de la première question

26      Par la première partie de sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 1er et 2 de la directive 2000/78 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à l’application d’une réglementation nationale en vertu de laquelle, parmi les cadres enseignants d’un établissement universitaire continuant à y exercer leur profession après avoir atteint l’âge légal de la retraite, seuls les enseignants possédant le titre de directeur de thèse peuvent maintenir leur statut d’enseignant titulaire, alors que les enseignants n’ayant pas la qualité de directeur de thèse ne peuvent conclure avec cet établissement que des contrats de travail à durée déterminée, assortis d’un régime de rémunération inférieure à celle accordée aux cadres enseignants titulaires.

27      Il résulte de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78 que celle-ci s’applique, dans les limites des compétences conférées à l’Union européenne, à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organisme publics, en ce qui concerne, notamment, les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération.

28      Il en découle que la situation de FT, qui a trait aux contrats de travail qu’elle a conclus avec l’Université ainsi qu’à la rémunération qu’elle a perçue en vertu de ces contrats, relève de cette disposition.

29      Toutefois, ainsi qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle, la différence de traitement en matière de conditions d’emploi et de travail à l’origine du litige au principal repose, parmi les cadres enseignants de l’Université continuant à y exercer leur profession après avoir atteint l’âge légal de la retraite, sur le fait de posséder ou non le titre de directeur de thèse, les cadres enseignants non titulaires de ce titre étant désavantagés par rapport aux cadres enseignants titulaires.

30      Selon une jurisprudence constante, il ressort tant de l’intitulé et du préambule que du contenu et de la finalité de la directive 2000/78 que celle-ci tend à établir un cadre général pour assurer à toute personne l’égalité de traitement « en matière d’emploi et de travail », en lui offrant une protection efficace contre les discriminations fondées sur l’un des motifs visés à son article 1er (voir, en ce sens, arrêts du 18 juin 2009, Hütter, C‑88/08, EU:C:2009:381, point 33, et du 15 janvier 2019, E.B., C‑258/17, EU:C:2019:17, point 40 ainsi que jurisprudence citée).

31      À cet égard, la Cour a souligné que, conformément à l’article 2, paragraphe 1, de ladite directive, les motifs visés à l’article 1er de celle-ci sont énumérés de manière exhaustive (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2017, Milkova, C‑406/15, EU:C:2017:198, point 34 et jurisprudence citée).

32      Or, force est de constater que la différence de traitement en cause au principal ne relève d’aucun des motifs énumérés audit article 1er. En particulier, une telle différence de traitement ne saurait être fondée, même indirectement, sur l’âge, dès lors que tant les personnes avantagées que les personnes désavantagées par la réglementation nationale relèvent du même groupe d’âge, à savoir celui des personnes ayant atteint l’âge légal de la retraite.

33      En effet, la différence de traitement qui est fonction de la possession ou non du titre de directeur de thèse repose sur la catégorie professionnelle des personnes concernées. Or, la Cour a déjà jugé que la directive 2000/78 ne vise pas les discriminations fondées sur un tel critère (voir, en ce sens, arrêt du 21 mai 2015, SCMD, C‑262/14, non publié, EU:C:2015:336, point 29 et jurisprudence citée).

34      Il s’ensuit qu’une situation telle que celle en cause au principal ne relève pas du cadre général établi à l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2000/78 afin de lutter contre certaines formes de discrimination sur le lieu de travail.

35      Par conséquent, il convient de répondre à la première partie de la première question que les articles 1er et 2 de la directive 2000/78 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne trouvent pas à s’appliquer à une réglementation nationale en vertu de laquelle, parmi les cadres enseignants d’un établissement universitaire continuant à y exercer leur profession après avoir atteint l’âge légal de la retraite, seuls les enseignants possédant le titre de directeur de thèse peuvent maintenir leur statut d’enseignant titulaire, alors que les enseignants n’ayant pas la qualité de directeur de thèse ne peuvent conclure avec cet établissement que des contrats de travail à durée déterminée, assortis d’un régime de rémunération inférieure à celle accordée aux cadres enseignants titulaires.

 Sur la seconde partie de la première question

36      Par la seconde partie de sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la clause 4, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à l’application d’une réglementation nationale en vertu de laquelle, parmi les cadres enseignants d’un établissement universitaire continuant à y exercer leur profession après avoir atteint l’âge légal de la retraite, seuls les enseignants possédant le titre de directeur de thèse peuvent maintenir leur statut d’enseignant titulaire, alors que les enseignants n’ayant pas la qualité de directeur de thèse ne peuvent conclure avec cet établissement que des contrats de travail à durée déterminée, assortis d’une rémunération inférieure à celle accordée aux cadres enseignants titulaires.

37      Il convient de rappeler que la clause 4, point 1, de l’accord-cadre énonce une interdiction de traiter, en ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent ne soit justifié par des raisons objectives.

38      La clause 4 de l’accord-cadre vise à faire application du principe de non-discrimination aux travailleurs à durée déterminée en vue d’empêcher qu’une relation d’emploi de cette nature soit utilisée par un employeur pour priver ces travailleurs de droits qui sont reconnus aux travailleurs à durée indéterminée (arrêt du 21 novembre 2018, de Diego Porras, C‑619/17, EU:C:2018:936, point 55 et jurisprudence citée).

39      Il découle du libellé et de l’objectif de ladite clause 4 que celle-ci a trait non pas au choix même de conclure des contrats de travail à durée déterminée au lieu de contrats de travail à durée indéterminée, mais aux conditions d’emploi des travailleurs ayant conclu le premier type de contrat par rapport à celles des travailleurs employés en vertu du second type de contrat, la notion de « conditions d’emploi » comportant des mesures relevant de la relation de travail établie entre un travailleur et son employeur (voir, en ce sens, arrêt du 20 juin 2019, Ustariz Aróstegui, C‑72/18, EU:C:2019:516, point 25 et jurisprudence citée).

40      Dès lors, il y a lieu d’examiner si, au regard des conditions d’emploi des cadres enseignants possédant un titre de directeur de thèse et exerçant leur profession après avoir atteint l’âge légal de la retraite, des conditions d’emploi telles que celles résultant des contrats de travail à durée déterminée conclus par FT, en particulier le régime de rémunération inférieure qui y est associé, constituent une différence de traitement contraire à la clause 4, point 1, de l’accord-cadre.

41      À cet égard, il convient, en premier lieu, de déterminer si les cadres enseignants possédant le titre de directeur de thèse, auxquels la situation de FT doit être comparée, relèvent de la notion de « travailleurs à durée indéterminée comparables », au sens de cette disposition. Aux termes de la clause 3, point 2, de l’accord-cadre, cette notion vise les travailleurs « ayant un contrat ou une relation de travail à durée indéterminée dans le même établissement, et ayant un travail/emploi identique ou similaire, en tenant compte des qualifications/compétences ».

42      Or, d’une part, la notion de « contrat de travail à durée indéterminée » n’étant pas définie de manière spécifique dans l’accord-cadre, elle est, ainsi que l’énonce le considérant 17 de la directive 1999/70, à définir par les États membres en conformité avec le droit et les pratiques nationaux, pour autant que la définition retenue respecte le contenu de l’accord-cadre (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2012, Sibilio, C‑157/11, non publié, EU:C:2012:148, points 42 à 45).

43      Dans ses observations écrites, la Commission émet des doutes sur le fait que les cadres enseignants possédant le titre de directeur de thèse et ayant atteint l’âge légal de la retraite travaillent en vertu d’un contrat de travail à durée indéterminée, dans la mesure où il ressort de la réglementation nationale visée qu’ils sont soumis, pour le maintien de leur statut d’enseignant titulaire, à l’évaluation et à l’approbation annuelles de l’Université. Cependant, il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier si ces cadres enseignants sont employés en vertu d’un tel contrat à durée indéterminée sur le fondement des critères mentionnés au point précédent du présent arrêt.

44      D’autre part, à supposer qu’il soit conclu que lesdits cadres enseignants sont employés en vertu d’un contrat de travail à durée indéterminée, il convient de vérifier s’ils sont des travailleurs à durée indéterminée « comparables », au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre. À cet égard, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe de non-discrimination, dont cette disposition constitue une expression particulière, exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 21 novembre 2018, de Diego Porras, C‑619/17, EU:C:2018:936, point 60 et jurisprudence citée).

45      Ainsi, le principe de non-discrimination a été mis en œuvre et concrétisé par l’accord-cadre uniquement en ce qui concerne les différences de traitement entre les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée qui se trouvent dans une situation comparable (arrêt du 21 novembre 2018, de Diego Porras, C‑619/17, EU:C:2018:936, point 61 et jurisprudence citée).

46      Pour apprécier si les personnes concernées exercent un travail « identique ou similaire », au sens de l’accord-cadre, il y a lieu, conformément à la clause 3, point 2, et à la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, de rechercher si, compte tenu d’un ensemble de facteurs, tels que la nature du travail, les conditions de formation et les conditions de travail, ces personnes peuvent être considérées comme se trouvant dans une situation comparable (arrêt du 21 novembre 2018, de Diego Porras, C‑619/17, EU:C:2018:936, point 62 et jurisprudence citée).

47      En l’occurrence, il appartient à la juridiction de renvoi, qui est seule compétente pour apprécier les faits, de déterminer si FT, lorsqu’elle était engagée par l’Université dans le cadre d’une série de contrats de travail à durée déterminée, se trouvait dans une situation comparable à celle des cadres enseignants possédant le titre de directeur de thèse, engagés pour une durée indéterminée par ce même employeur après avoir également atteint l’âge légal de la retraite (voir, par analogie, arrêt du 21 novembre 2018, de Diego Porras, C‑619/17, EU:C:2018:936, point 63).

48      Dans ce contexte, il devrait, notamment, être vérifié si le fait que ces derniers cadres enseignants possèdent le titre de directeur de thèse implique que la nature de leur travail ainsi que les conditions de leur formation sont différentes de celles d’un cadre enseignant tel que FT.

49      Dès lors qu’il serait considéré que la situation de ces deux catégories de cadre enseignant est comparable, il conviendrait d’examiner, en second lieu, s’il existe une raison objective, au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, susceptible de justifier la différence de traitement tenant, notamment, au niveau de la rémunération de celles-ci.

50      Selon une jurisprudence constante, la notion de « raisons objectives » requiert que l’inégalité de traitement constatée soit justifiée par l’existence d’éléments précis et concrets, caractérisant la condition d’emploi dont il s’agit, dans le contexte particulier dans lequel elle s’insère et sur le fondement de critères objectifs et transparents, afin qu’il puisse être vérifié si cette inégalité répond à un besoin véritable, est apte à atteindre l’objectif poursuivi et est nécessaire à cet effet. Lesdits éléments peuvent résulter, notamment, de la nature particulière des tâches pour l’accomplissement desquelles des contrats à durée déterminée ont été conclus et des caractéristiques inhérentes à celles-ci ou, le cas échéant, de la poursuite d’un objectif légitime de politique sociale d’un État membre (arrêts du 13 septembre 2007, Del Cerro Alonso, C‑307/05, EU:C:2007:509, point 53, et du 20 juin 2019, Ustariz Aróstegui, C‑72/18, EU:C:2019:516, point 40 ainsi que jurisprudence citée).

51      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que la méthodologie vise, selon son exposé des motifs, à faire face à l’augmentation préoccupante du nombre de postes d’enseignement de professeurs et de maîtres de conférences dans l’Université au regard du nombre de postes d’enseignement de lecteurs et d’assistants, ainsi qu’à garantir l’équilibre financier entre la durabilité et le développement de l’Université à court et à moyen terme. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si ces motifs constituent effectivement les objectifs de la méthodologie.

52      Sous réserve de cette vérification, il importe de rappeler que la Cour a déjà jugé que de tels objectifs, qui tiennent essentiellement à la gestion du personnel ainsi qu’à des considérations budgétaires et qui, de plus, ne reposent pas sur des critères objectifs et transparents, ne sauraient être considérés comme des raisons objectives justifiant une différence de traitement telle que celle en cause dans le litige au principal (voir, en ce sens, arrêt du 22 avril 2010, Zentralbetriebsrat der Landeskrankenhäuser Tirols, C‑486/08, EU:C:2010:215, point 46, ainsi que ordonnance du 9 février 2017, Rodrigo Sanz, C‑443/16, EU:C:2017:109, points 52 et 54).

53      En effet, si des considérations d’ordre budgétaire peuvent être à la base des choix de politique sociale d’un État membre et influencer la nature ou l’étendue des mesures qu’il souhaite adopter, elles ne constituent toutefois pas en elles-mêmes un objectif poursuivi par cette politique et, partant, elles ne sauraient justifier l’application d’une réglementation nationale aboutissant à une différence de traitement au détriment des travailleurs à durée déterminée (ordonnance du 9 février 2017, Rodrigo Sanz, C‑443/16, EU:C:2017:109, point 53 et jurisprudence citée).

54      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la seconde partie de la première question que la clause 4, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à l’application d’une réglementation nationale en vertu de laquelle, parmi les cadres enseignants d’un établissement universitaire continuant à y exercer leur profession après avoir atteint l’âge légal de la retraite, seuls les enseignants possédant le titre de directeur de thèse peuvent maintenir leur statut d’enseignant titulaire, alors que les enseignants n’ayant pas la qualité de directeur de thèse ne peuvent conclure avec cet établissement que des contrats de travail à durée déterminée, assortis d’un régime de rémunération inférieure à celle accordée aux cadres enseignants titulaires, pour autant que la première catégorie d’enseignants est composée de travailleurs à durée indéterminée comparables à ceux relevant de la seconde catégorie et que la différence de traitement tenant, notamment, audit régime de rémunération, n’est pas justifiée par une raison objective, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 Sur la seconde question

55      Eu égard à la réponse apportée à la première partie de la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question.

 Sur les dépens

56      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

1)      Les articles 1er et 2 de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne trouvent pas à s’appliquer à une réglementation nationale en vertu de √ laquelle, parmi les cadres enseignants d’un établissement universitaire continuant à y exercer leur profession après avoir atteint l’âge légal de la retraite, seuls les enseignants possédant le titre de directeur de thèse peuvent maintenir leur statut d’enseignant titulaire, alors que les enseignants n’ayant pas la qualité de directeur de thèse ne peuvent conclure avec cet établissement que des contrats de travail à durée déterminée, assortis d’un régime de rémunération inférieure à celle accordée aux cadres enseignants titulaires.

2)      La clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, qui figure en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à l’application d’une réglementation nationale en vertu de laquelle, parmi les cadres enseignants d’un établissement universitaire continuant à y exercer leur profession après avoir atteint l’âge légal de la retraite, seuls les enseignants possédant le titre de directeur de thèse peuvent maintenir leur statut d’enseignant titulaire, alors que les enseignants n’ayant pas la qualité de directeur de thèse ne peuvent conclure avec cet établissement que des contrats de travail à durée déterminée, assortis d’un régime de rémunération inférieure à celle accordée aux cadres enseignants titulaires, pour autant que la première catégorie d’enseignants est composée de travailleurs à durée indéterminée comparables à ceux relevant de la seconde catégorie et que la différence de traitement tenant, notamment, audit régime de rémunération n’est pas justifiée par une raison objective, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Signatures


*      Langue de procédure : le roumain.

© European Union
The source of this judgment is the Europa web site. The information on this site is subject to a information found here: Important legal notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.


BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/C64419.html