BK (Judgment) [2021] EUECJ T-277/19 (24 March 2021)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/T27719.html
Cite as: ECLI:EU:T:2021:161, EU:T:2021:161, [2021] EUECJ T-277/19

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Provisional text

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

24 mars 2021 (*)

« Fonction publique – Agents temporaires – Réaffectation temporaire – Recours en annulation – Acte purement confirmatif – Irrecevabilité – Décision explicite de rejet de la réclamation – Portée autonome – Suspension des effets de la décision faisant l’objet de la réclamation – Intérêt à agir – Recours en indemnité – Lien étroit avec les conclusions en annulation – Absence de procédure précontentieuse – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑277/19,

BK, représentée par Mes V. Christianos, A. Skoulikis et D. Karagkounis, avocats,

partie requérante,

contre

Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO), représenté par Mmes P. Eyckmans et M. A. Stamatopoulou, en qualité d’agents, assistées de Mes D. Waelbroeck et A. Duron, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de l’EASO du 20 septembre 2018 d’affecter la requérante à Malte à compter du 1er novembre 2018, de la décision implicite de rejet de la réclamation dirigée contre cette décision ainsi que de la décision de l’EASO du 6 juin 2019 portant rejet explicite de ladite réclamation et, d’autre part, à la réparation des préjudices matériel et moral que la requérante a prétendument subis à la suite de cette dernière décision,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de MM. R. da Silva Passos, président, V. Valančius et L. Truchot (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 5 octobre 2020,

rend le présent

Arrêt

I.      Faits à l’origine du litige

1        La requérante, BK, a été recrutée en tant qu’agent temporaire et classée au grade AD 7 par le Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO), par contrat ayant pris effet le 16 juillet 2017 (ci-après le « contrat initial »). Aux termes de ce contrat, d’une durée de cinq ans renouvelable, le lieu de travail de la requérante était fixé à La Valette (Malte), où elle devait exercer les fonctions de [confidentiel] (1).

2        S’estimant victime de harcèlement de la part du chef [confidentiel], auquel elle avait été affectée, la requérante a présenté sa démission au directeur exécutif, autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement de l’EASO (ci-après l’« AHCC »), par lettre du 11 septembre 2017.

3        À la suite de cette lettre, l’EASO a proposé à la requérante de transférer son lieu de travail dans ses bureaux d’Athènes (Grèce) à partir du 1er octobre 2017, pour une période d’un an, où elle continuerait d’exercer les fonctions de [confidentiel]. La requérante a accepté cette proposition, qui a fait l’objet d’un avenant au contrat initial (ci-après le « premier avenant »), signé le 22 septembre 2017 par la requérante et l’AHCC.

4        À compter du mois de mai 2018, diverses initiatives ont été prises au sein de l’EASO afin de réaffecter de manière stable la requérante à un poste relevant des bureaux d’Athènes jusqu’en 2022, terme du contrat initial. Plusieurs échanges de courriels entre des chefs de département, d’unité et de secteur de l’EASO ainsi qu’entre le chef [confidentiel] de l’EASO et la requérante ont eu lieu, notamment afin d’établir le descriptif de son nouveau poste et de fixer la date précise de prise de ses nouvelles fonctions. Certains de ces courriels se référaient à l’accord du directeur exécutif de l’EASO sur les changements relatifs à la situation de la requérante.

5        Le 6 juin 2018, le directeur exécutif de l’EASO a été relevé de ses fonctions et un directeur exécutif par intérim a été nommé.

6        Le 13 juin 2018, la requérante a obtenu de l’administration de l’EASO les documents nécessaires à la réinscription de sa fille, pour l’année scolaire 2018/2019, à l’école d’Athènes que celle-ci fréquentait depuis l’installation de la requérante en Grèce.

7        Le 20 septembre 2018, l’EASO a envoyé un courriel à la requérante (ci-après la « décision initiale ») l’informant que, « dans l’intérêt du service, sa mission à Athènes ne pouvait pas être prolongée », de sorte qu’elle était tenue de reprendre ses fonctions à La Valette à la fin de ce mois de septembre. Toutefois, il était précisé qu’elle pourrait rester à Athènes jusqu’à la fin du mois d’octobre 2018 pour lui permettre de s’organiser en vue de sa réinstallation à La Valette.

8        Le 28 septembre 2018, la requérante et l’AHCC ont conclu un nouvel avenant au contrat initial, dans lequel il était stipulé que la requérante était affectée à La Valette, mais que, dans l’intérêt du service, son lieu d’emploi resterait fixé à Athènes entre le 1er et le 31 octobre 2018.

9        Le 29 septembre 2018, la requérante a introduit une réclamation, datée de la veille, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), applicable aux agents temporaires en vertu de l’article 46 du régime applicable aux autres agents, annexé au statut. Par sa réclamation, la requérante a invité l’AHCC, premièrement, à rapporter la décision initiale qui, en lui imposant de reprendre ses fonctions à la Valette, aurait méconnu le principe de protection de la confiance légitime, aurait été caractérisée par un défaut de motivation, aurait été contraire à l’intérêt du service et aurait violé le devoir de sollicitude et, deuxièmement, à lui proposer un nouveau contrat portant sur un poste localisé à Athènes. Dans la même réclamation, la requérante a, en tout état de cause, saisi l’AHCC d’une demande de suspension des effets de la décision initiale, afin que son retour à La Valette ne soit effectif qu’après la fin de l’année scolaire 2018/2019 (ci-après la « demande de suspension »).

10      Par ailleurs, dans la réclamation, la requérante mentionnait que, par courriel du 9 octobre 2017, elle avait demandé à l’EASO de la protéger contre le harcèlement dont elle aurait été victime et, en tant que « question accessoire », a réitéré cette demande.

11      Après avoir reçu, le 16 octobre 2018, un courriel de l’EASO portant sur des questions relatives à son retour à Malte, la requérante a renouvelé la demande de suspension par lettre du 18 octobre 2018 adressée à l’AHCC.

12      Le 23 octobre 2018, la requérante a été invitée à participer à une visioconférence avec ses supérieurs hiérarchiques et le directeur exécutif par intérim en tant qu’AHCC. La requérante a accepté cette demande. La visioconférence a eu lieu le lendemain.

13      Le 25 octobre 2018, la requérante a introduit une demande de congé parental à compter du 1er janvier 2019, pour une durée d’un an.

14      Par courriel du même jour, l’EASO, d’une part, a transmis à la requérante le compte rendu de la visioconférence et l’a invitée à présenter ses éventuels commentaires à ce sujet au plus tard le 29 octobre suivant et, d’autre part, l’a informée que la date de sa prise de fonctions à La Valette était suspendue jusqu’à l’adoption de la décision sur sa réclamation et qu’elle pouvait entre-temps rester à Athènes, même si, à partir du 1er novembre 2018, elle devrait rendre compte de ses activités au chef [confidentiel], en tant que membre de ce dernier.

15      Le 30 octobre 2018, la requérante a soumis à l’EASO ses commentaires sur le compte rendu de la visioconférence.

16      Le 7 décembre 2018, l’EASO a informé la requérante qu’il en avait été pris note.

17      Le 10 décembre 2018, l’EASO a fait savoir à la requérante que sa demande de congé parental avait été acceptée à compter du 1er janvier 2019, mais seulement jusqu’au 9 octobre 2019, dès lors qu’il y avait lieu de déduire de la durée maximale d’un an prévue, pour un parent isolé, à l’article 42 bis, premier alinéa, du statut les 83 jours de congé parental dont la requérante avait déjà bénéficié lorsqu’elle travaillait auprès de [confidentiel].

II.    Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 avril 2019, la requérante a introduit le présent recours, dirigé, d’une part, contre la décision initiale et, d’autre part, contre la décision implicite qui serait intervenue le 29 janvier 2019, en l’absence de réponse à sa réclamation dans le délai de quatre mois prévu à l’article 90, paragraphe 2, dernier alinéa, du statut (ci-après la « décision implicite »).

19      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 3 mai 2019, en application de l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal, la requérante a demandé le bénéfice de l’anonymat et l’omission de certaines données envers le public. Par décision du 11 juin 2019, le Tribunal (sixième chambre) a fait droit à cette demande d’anonymat.

20      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 11 septembre 2019 (ci-après le « mémoire en adaptation »), la requérante a adapté la requête, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure. Cette adaptation est fondée sur le fait que, par décision du 6 juin 2019 (ci-après la « décision explicite »), communiquée à la requérante le 11 juin suivant, l’AHCC  a explicitement répondu à la réclamation, en la rejetant en ce qu’elle tendait au retrait de la décision initiale et à la réaffectation de la requérante à Athènes jusqu’au terme du contrat initial, tout en faisant droit à la demande de suspension, de sorte qu’elle pouvait continuer à exercer ses fonctions à Athènes jusqu’au 30 août 2019. Dans le mémoire en adaptation, la requérante a demandé l’annulation de la décision explicite et la réparation des préjudices matériel et moral supposés découler de cette dernière.

21      La composition du Tribunal ayant été modifiée, par décision du 21 octobre 2019, le président du Tribunal, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure, a réattribué l’affaire à un nouveau juge rapporteur, affecté à la septième chambre.

22      En annexe à la duplique, l’EASO a produit, premièrement, divers courriels échangés par deux de ses agents le [confidentiel] au sujet de l’annulation d’un projet de décision concernant la requérante et portant la référence [confidentiel] et, deuxièmement, le projet de décision [confidentiel], relatif à la réaffectation de la requérante, ainsi que la page de garde du signataire de ce document reprenant les étapes du processus administratif (workflow) y afférent, dont il résulte que celui-ci avait été établi le [confidentiel] et qu’il a été écarté le [confidentiel] par le directeur exécutif par intérim.

23      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 15 février 2020, la requérante a demandé que, au titre des mesures d’organisation de la procédure prévues aux articles 88 à 90 du règlement de procédure, le Tribunal invite l’EASO à produire le document [confidentiel] ainsi que les documents du dossier administratif y afférents et les courriels relatifs à l’annulation de celui-ci. La production de ces documents serait destinée à prouver, d’une part, l’existence d’une décision de réaffecter la requérante à Athènes de manière définitive, laquelle aurait été adoptée par l’ancien directeur exécutif de l’EASO, et, d’autre part, le retrait de cette décision par le directeur exécutif par intérim.

24      Après avoir reçu les observations de l’EASO à cet égard, le Tribunal (septième chambre) a invité ce dernier à produire tout document figurant dans ses archives permettant d’identifier la personne qui avait pris l’initiative de demander que le document [confidentiel] soit élaboré et de déterminer la date à laquelle cette initiative avait été prise ainsi que le contenu de ce document et l’étape du processus administratif à laquelle se trouvait ce dernier lorsque, le [confidentiel], la procédure portant sur ce document avait été annulée, ainsi qu’il résultait des courriels annexés à la duplique (voir point 22 ci-dessus).

25      Au titre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a également décidé d’inviter les parties à répondre par écrit à certaines questions.

26      Par actes déposés au greffe du Tribunal respectivement le 27 juin et le 28 juin 2020, la requérante et l’EASO ont répondu aux questions posées par le Tribunal (voir points 24 et 25 ci-dessus). Dans sa réponse, la requérante a modifié ses conclusions, telles que présentées dans la requête et dans le mémoire en adaptation. D’une part, elle a précisé que le premier chef de conclusions figurant dans la requête, en ce qu’il tendait à ce qu’il soit « ordonn[é] à l’EASO de prendre, avec effet rétroactif, les mesures nécessaires que comport[ait] l’exécution de l’arrêt du Tribunal, conformément à l’article 266 TFUE », devait être interprété non pas comme contenant une demande autonome, mais comme une conséquence de ses demandes en annulation. D’autre part, la requérante a réduit le montant demandé au titre du préjudice matériel prétendument subi, en raison du fait que, le [confidentiel], elle avait été recrutée par une autre agence de l’Union européenne.

27      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 5 octobre 2020.

28      À l’audience, premièrement, la requérante a réduit une seconde fois le montant de sa demande au titre du préjudice matériel prétendument subi, au motif que, à compter du [confidentiel] et jusqu’à son recrutement par une autre agence de l’Union, elle avait repris, à temps partiel, ses fonctions auprès de l’EASO et avait donc perçu une partie de son salaire.

29      Deuxièmement, l’EASO a soulevé une fin de non-recevoir tirée de ce que l’annulation de la décision initiale, qui est relative à la réaffectation de la requérante à La Valette, ne pourrait désormais lui procurer aucun bénéfice, étant donné qu’elle avait été recrutée par une autre agence de l’Union.

30      Troisièmement, l’EASO a fait une offre de preuve, au sens de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, portant sur un document [confidentiel], soutenant que cette offre visait à étayer sa réponse orale aux arguments présentés par la requérante par écrit dans sa réponse à la cinquième question écrite que le Tribunal lui avait adressée et à la première annexe de cette dernière réponse. La requérante s’est opposée à cette offre de preuve, qui serait tardive.

31      Quatrièmement, en réponse à une question du Tribunal, la requérante a retiré sa demande de réparation du préjudice moral supposé découler, ainsi qu’il résulte du point 8, sous b), du mémoire en adaptation, du fait que l’AHCC, bien qu’elle ait reconnu, dans la décision explicite, que le chef [confidentiel] avait commis une violation des données à caractère personnel de la requérante, n’avait pas fait le lien entre cette violation et le comportement inconvenant, à son égard, dudit chef [confidentiel], tel qu’allégué dans sa réclamation. Elle a toutefois précisé que ce retrait n’affectait pas sa demande d’indemnisation du préjudice moral.

32      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision initiale ainsi que la décision implicite ;

–        annuler la décision explicite ;

–        condamner l’EASO à lui verser la somme de 24 633,98 euros à titre d’indemnisation du préjudice matériel prétendument subi au cours de la période allant du [confidentiel] ;

–        condamner l’EASO à lui verser la somme de 4 228,33 euros, pour la période allant du [confidentiel], et la somme de 15 400,16 euros, pour la période allant du [confidentiel], à titre d’indemnisation du préjudice matériel prétendument subi au cours de ces périodes ;

–        condamner l’EASO à lui verser la somme de 30 000 euros à titre d’indemnisation du préjudice moral prétendument subi ;

–        condamner l’EASO aux dépens.

33      L’EASO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, rejeter le recours et le mémoire en adaptation comme irrecevables ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours et le mémoire en adaptation comme dénués de tout fondement ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

34      La requérante présente des conclusions en annulation et des conclusions en indemnité. Dans la réplique, elle précise que son recours n’a pas pour objet la demande d’assistance qu’elle avait réitérée dans la réclamation (voir point 10 ci-dessus), au sujet du harcèlement dont elle aurait été victime.

35      À titre principal, l’EASO fait valoir que la décision initiale est purement confirmative du premier avenant, de sorte que les conclusions en annulation seraient irrecevables. Cette irrecevabilité entraînerait celle des conclusions en indemnité, qui seraient étroitement liées aux conclusions en annulation. Par ailleurs, en réponse à une question écrite du Tribunal, l’EASO a ajouté que les conclusions en indemnité étaient irrecevables en ce qu’elles visaient à la réparation de préjudices qui ne seraient pas liés à la décision initiale, mais découleraient de fautes et d’omissions qu’il aurait commises, au motif que la requérante n’aurait pas engagé au préalable la procédure précontentieuse prévue à l’article 90, paragraphes 1 et 2, du statut.

36      À titre subsidiaire, l’EASO conteste le bien-fondé des conclusions en annulation et en indemnité de la requérante.

37      Il convient d’examiner, dans un premier temps, les conclusions en annulation de la requérante et, dans un second temps, ses conclusions en indemnité.

A.      Sur les conclusions en annulation

1.      Sur l’objet du litige

38      Dans la requête, la requérante a demandé l’annulation de la décision initiale et de la décision implicite. Par le mémoire en adaptation, elle a conclu également à l’annulation de la décision explicite.

39      Aux termes de l’article 86, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsqu’un acte, dont l’annulation est demandée, est remplacé ou modifié par un autre acte ayant le même objet, la partie requérante peut, avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, adapter la requête pour tenir compte de cet élément nouveau. Conformément à l’article 86, paragraphe 3, dudit règlement, dans les affaires introduites en vertu de l’article 270 TFUE, l’adaptation de la requête doit être effectuée par acte séparé et dans le délai, prévu à l’article 91, paragraphe 3, du statut, dans lequel l’annulation de l’acte justifiant l’adaptation de la requête peut être demandée.

40      En l’espèce, la décision implicite a été remplacée par la décision explicite. Cette dernière ayant été communiquée à la requérante le 11 juin 2019 et le mémoire en adaptation ayant été déposé au greffe du Tribunal le 11 septembre 2019, il y a lieu de constater que la requérante a respecté les conditions prévues à l’article 86 du règlement de procédure et qu’elle demande désormais l’annulation de la décision initiale et de la décision explicite.

41      Il convient cependant de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la réclamation administrative, telle que visée à l’article 90, paragraphe 2, du statut, et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge. Dans ces conditions, un recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée, sauf dans l’hypothèse dans laquelle le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée (voir arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 70 et jurisprudence citée).

42      En effet, une décision explicite de rejet d’une réclamation peut, eu égard à son contenu, ne pas avoir un caractère confirmatif de l’acte contesté. Tel est le cas lorsque la décision de rejet de la réclamation contient un réexamen de la situation de l’intéressé, en fonction d’éléments de droit et de faits nouveaux, ou lorsqu’elle modifie ou complète la décision initiale. Dans ces hypothèses, le rejet de la réclamation constitue un acte soumis au contrôle du juge, qui le prend en considération dans l’appréciation de la légalité de l’acte contesté, voire le considère comme un acte faisant grief se substituant à ce dernier (voir arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 71 et jurisprudence citée).

43      Étant donné que, dans le système du statut ou du régime applicable aux autres agents, l’intéressé doit présenter une réclamation contre la décision qu’il conteste et introduire un recours contre la décision portant rejet de cette réclamation, le recours est recevable, qu’il soit dirigé contre la seule décision objet de la réclamation, contre la décision portant rejet de la réclamation ou contre ces deux décisions conjointement, pour autant que la réclamation et le recours ont été formés dans les délais prévus aux articles 90 et 91 du statut. Toutefois, conformément au principe d’économie de la procédure, le juge peut décider qu’il n’y a pas lieu de statuer spécifiquement sur les conclusions dirigées contre la décision portant rejet de la réclamation lorsqu’il constate que celles-ci sont dépourvues de contenu autonome et se confondent, en réalité, avec celles dirigées contre la décision contre laquelle la réclamation a été présentée (voir arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 72 et jurisprudence citée). En pareille hypothèse, la légalité de l’acte faisant grief doit être examinée en prenant en considération la motivation figurant dans la décision rejetant la réclamation, cette motivation étant censée coïncider avec ledit acte. En effet, par la décision de rejet de la réclamation, l’autorité compétente complète la motivation de la décision faisant l’objet de la réclamation, notamment en répondant aux griefs avancés dans cette dernière (voir, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2018, Villeneuve/Commission, T‑671/16, EU:T:2018:519, point 38 et jurisprudence citée).

44      En l’espèce, il y a lieu de constater que la décision explicite a, pour une part, une portée différente de celle de la décision initiale, en ce qu’elle suspend les effets de cette dernière jusqu’au 30 août 2019 et, ce faisant, modifie, en la complétant, la décision initiale, au sens de la jurisprudence rappelée au point 42 ci-dessus. Dans cette mesure, la décision explicite a une portée autonome.

45      Dès lors, dans un premier temps, il convient de statuer sur les conclusions en annulation de la requérante en ce qu’elles sont dirigées contre la décision initiale, tout en prenant en considération, le cas échéant, la motivation figurant dans la partie non autonome de la décision explicite. Dans un second temps, il y a lieu d’examiner les conclusions en annulation en ce qu’elles visent la partie de la décision explicite dont la portée est différente de celle de la décision initiale (ci-après la « partie autonome de la décision explicite »). En revanche, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la décision implicite dans la mesure où la décision explicite s’est substituée à celle-ci.

2.      Sur les conclusions dirigées contre la décision initiale

46      Quant à la recevabilité des conclusions visant à l’annulation de la décision initiale, l’EASO fait valoir que cette dernière n’est pas un acte faisant grief, étant donné qu’elle ne constituerait qu’une confirmation de la décision contenue dans le premier avenant, selon laquelle l’affectation de la requérante à Athènes n’était prévue que pour une durée d’un an. La décision résultant de cet avenant serait définitive, la requérante ne l’ayant pas contestée par une réclamation introduite dans le délai de trois mois prévu à l’article 90, paragraphe 2, du statut.

47      Par ailleurs, il ne pourrait pas être considéré que la décision initiale ait retiré une précédente décision qui aurait réaffecté la requérante à un poste à Athènes pour la durée du contrat initial, dès lors qu’une telle décision n’aurait jamais été adoptée par l’AHCC, ainsi que le confirmerait le fait que la requérante n’est pas en mesure de produire l’avenant par lequel cette décision aurait été concrétisée.

48      Quant au document [confidentiel] (voir point 22 ci-dessus), l’EASO soutient qu’il n’a pas pu le retrouver dans ses archives. Il précise toutefois que, selon un tableau et un courriel produits devant le Tribunal, le numéro de référence de ce document avait été créé dans son système administratif le [confidentiel] en vue d’une décision du directeur exécutif portant sur le changement du lien de subordination hiérarchique de la requérante, et non sur son lieu de travail. Ce document n’aurait jamais été signé par l’ancien directeur exécutif. Il aurait été remplacé, le [confidentiel], par le document [confidentiel], relatif, lui aussi, au changement du lien de subordination hiérarchique de la requérante, et non à sa réaffectation à Athènes. Le document [confidentiel] n’aurait été signé ni par l’ancien directeur exécutif, qui avait entre-temps été relevé de ses fonctions, ni par le directeur exécutif par intérim.

49      La requérante répond que, si la décision initiale atteste du contenu du contrat initial tel que modifié par le premier avenant, elle revient néanmoins sur une précédente décision, adoptée par l’ancien directeur exécutif dans le courant du mois de mai 2018, par laquelle la requérante aurait été réaffectée à Athènes de manière définitive (ci-après la « décision prétendument adoptée par l’ancien directeur exécutif »). Bien que cette dernière décision n’ait pas été transmise à la requérante, son existence et son contenu pourraient être déduits, de manière certaine et précise, notamment des courriels échangés entre plusieurs chefs de département et d’unité de l’EASO, produits devant le Tribunal.

50      Par ailleurs, lors de l’audience, d’une part, la requérante a soutenu que le fait que l’EASO n’avait pas été en mesure de produire le document [confidentiel] faisait naître une présomption de fait donnant lieu à un renversement de la charge de la preuve, selon laquelle il conviendrait de considérer que la décision prétendument adoptée par l’ancien directeur exécutif a existé tant que l’EASO ne démontre pas le contraire.

51      D’autre part, elle a fait valoir que la décision initiale ne serait pas confirmative du premier avenant et lui ferait grief au motif qu’elle lui accorderait une prolongation d’un mois de son affectation à Athènes, alors que, dans sa réclamation, elle avait demandé que son lieu de travail soit maintenu dans cette ville.

52      Il y a lieu de rappeler que, en vertu des articles 90 et 91 du statut, la recevabilité d’un recours en annulation en matière de fonction publique est subordonnée à l’existence d’un acte faisant grief. Selon une jurisprudence constante, seuls font grief les actes et les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts de la personne concernée en modifiant, de façon caractérisée, sa situation juridique (voir ordonnance du 16 novembre 2018, OT/Commission, T‑552/16, non publiée, EU:T:2018:807, points 41 et 42 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 19 octobre 1995, Obst/Commission, T‑562/93, EU:T:1995:181, points 22 et 23).

53      En revanche, un recours en annulation formé contre un acte purement confirmatif d’une décision antérieure non attaquée dans les délais est irrecevable. Un acte est considéré comme purement confirmatif d’une décision antérieure s’il ne contient aucun élément nouveau par rapport à la décision antérieure et n’a pas été précédé d’un réexamen de la situation du destinataire de cette décision (voir arrêt du 7 février 2001, Inpesca/Commission, T‑186/98, EU:T:2001:42, point 44 et jurisprudence citée, et ordonnance du 21 mars 2018, UD/Commission, T‑574/17, non publiée, EU:T:2018:176, point 19 et jurisprudence citée).

54      Toutefois, le caractère confirmatif ou non d’un acte ne saurait être apprécié en fonction uniquement de son contenu par rapport à celui de la décision antérieure qu’il confirmerait. En effet, il y a également lieu d’apprécier le caractère de l’acte attaqué par rapport à la nature de la demande à laquelle cet acte constitue une réponse (voir arrêt du 7 février 2001, Inpesca/Commission, T‑186/98, EU:T:2001:42, point 45 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, ZF/Commission, T‑605/18, EU:T:2020:51, point 70 et jurisprudence citée).

55      En particulier, si l’acte constitue la réponse à une demande dans laquelle des faits nouveaux et substantiels sont invoqués, et par laquelle l’administration est priée de procéder à un réexamen de la décision antérieure, cet acte ne saurait être considéré comme revêtant un caractère purement confirmatif, dans la mesure où il statue sur ces faits et contient, ainsi, un élément nouveau par rapport à la décision antérieure (voir arrêt du 29 mai 2018, Fedtke/CESE, T‑801/16 RENV, non publié, EU:T:2018:312, point 77 et jurisprudence citée).

56      C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu de déterminer si la décision initiale est un acte purement confirmatif du premier avenant, comme le soutient l’EASO, ou un acte faisant grief, comme le fait valoir la requérante. À cet effet, il convient d’examiner les arguments que cette dernière invoque au soutien de l’affirmation de l’existence de la décision prétendument adoptée par l’ancien directeur exécutif, que la décision initiale aurait retirée.

a)      Sur la décision prétendument adoptée par l’ancien directeur exécutif 

57      Pour établir l’existence de la décision prétendument adoptée par l’ancien directeur exécutif, en premier lieu, la requérante invoque le document [confidentiel] et les conséquences du fait que l’EASO ne l’a pas produit. En deuxième lieu, elle se fonde sur des documents qu’elle a déposés devant le Tribunal. En troisième lieu, elle se prévaut de la jurisprudence relative aux décisions qui n’ont pas été communiquées à l’intéressé et qui n’ont pas revêtu une forme écrite.

1)      Sur le document [confidentiel]

58      Il doit être constaté que l’EASO, à la suite de la mesure d’organisation de la procédure décidée par le Tribunal (voir point 24 ci-dessus), a déclaré ne pas être en mesure de produire le document [confidentiel]. Les éléments de preuve fournis par les parties permettent seulement d’établir que, le [confidentiel], un numéro de référence relatif à ce document a été créé par l’administration de l’EASO, en vue de l’élaboration d’un projet de décision du directeur exécutif portant sur un changement du lien de subordination hiérarchique de la requérante, que le processus administratif relatif à ce projet de décision était encore en cours le [confidentiel], date à laquelle le chef [confidentiel] a demandé à un agent de l’unité « Ressources humaines » de récupérer auprès de lui le dossier relatif à ce document, afin de le remettre dans le circuit administratif, et que ce numéro de référence a été annulé le [confidentiel] et remplacé par le numéro de référence du document [confidentiel].  

59      La requérante soutient que, l’EASO n’ayant pas été en mesure de produire le document [confidentiel] à la suite de la mesure d’organisation de la procédure décidée par le Tribunal, il existe une présomption de fait que ce document a existé et qu’il revient dès lors à l’EASO de prouver le contraire.

60      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante en matière d’accès aux documents, lorsqu’une institution déclare qu’un document n’existe pas ou que celui-ci n’est pas en sa possession, une présomption de véracité s’attache à cette déclaration. Néanmoins, une telle présomption peut être renversée par tous moyens, sur la base d’indices pertinents et concordants produits par le demandeur d’accès (voir, en ce sens, arrêts du 11 juin 2015, McCullough/Cedefop, T‑496/13, non publié, EU:T:2015:374, point 50, et du 20 septembre 2019, Dehousse/Cour de justice de l’Union européenne, T‑433/17, EU:T:2019:632, points 36 et 37).

61      Il découle de la transposition de ces principes à la présente affaire que la présomption invoquée par la requérante à son profit ne saurait être considérée comme établie.

62      En tout état de cause, il est exclu, en l’espèce, que le document [confidentiel] puisse être regardé comme une décision relative à la réaffectation à Athènes de la requérante, que l’ancien directeur exécutif aurait signée avant d’être relevé de ses fonctions le 6 juin 2018. En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 58 ci-dessus, il est constant que, le [confidentiel], le dossier relatif à ce document se trouvait encore dans le processus administratif.

63      Le fait que le document [confidentiel] ne puisse pas constituer la décision prétendument adoptée par l’ancien directeur exécutif est confirmé par le document [confidentiel], qui porte la référence créée pour remplacer celle, annulée, du document [confidentiel]. En effet, le document [confidentiel] est un projet de décision, établi en date du [confidentiel], qui devait être soumis à la signature du directeur exécutif par intérim. Ce projet prévoyait que la requérante serait réaffectée, à compter du [confidentiel], de son poste [confidentiel] à un poste [confidentiel].

64      Or, si une telle réaffectation avait déjà été décidée du fait de la signature, par l’ancien directeur exécutif, du document [confidentiel], la préparation du document [confidentiel] n’aurait pas été nécessaire.

65      Par ailleurs, il convient de relever que le document [confidentiel] est resté à l’état de projet et n’est donc pas devenu une décision du directeur exécutif par intérim, étant donné que ce dernier, au lieu de le signer, a apposé la mention « non approuvé », datée du [confidentiel], sur la page de garde du signataire par lequel ce document lui avait été soumis.

66      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que les arguments de la requérante relatifs au document [confidentiel] ne permettent pas d’établir l’existence de la décision prétendument adoptée par l’ancien directeur exécutif.

2)      Sur les documents produits par la requérante

67      La requérante fait valoir que l’existence et le contenu de la décision prétendument adoptée par l’ancien directeur exécutif peuvent être déduits de manière certaine et précise des documents qu’elle a produits devant le Tribunal.

68      Premièrement, la requérante soutient que, pendant la visioconférence du 24 octobre 2018 (voir point 12 ci-dessus), le directeur exécutif par intérim a affirmé que l’ancien directeur exécutif avait pris la décision de la réaffecter à Athènes, mais que, étant d’une opinion contraire, il avait retiré cette décision.

69      Or, il convient de relever que le compte rendu de cette visioconférence, tel qu’établi par l’EASO, ne fait pas état d’une telle affirmation du directeur exécutif par intérim.

70      Il est vrai que la requérante, lorsqu’elle s’est exprimée sur le compte rendu que l’EASO lui avait transmis pour observations, a inséré dans ce document un commentaire selon lequel elle avait un souvenir précis de l’affirmation susmentionnée. Toutefois, par courriel du 7 décembre 2018, l’EASO a informé la requérante qu’il avait pris note de ses commentaires, mais sans se prononcer sur leur bien-fondé. Ainsi, ledit commentaire de la requérante est unilatéral et n’est pas étayé par d’autres éléments, de sorte qu’il ne permet pas de prouver que le directeur exécutif par intérim ait formulé les propos que la requérante lui attribue. En tout état de cause, une telle affirmation ne saurait suppléer à l’absence de trace écrite de la signature par l’ancien directeur exécutif d’une décision réaffectant la requérante.

71      Deuxièmement, la requérante se fonde sur un courriel du [confidentiel], envoyé par le chef [confidentiel] au chef [confidentiel], dont relevait l’unité [confidentiel] à laquelle appartenait alors la requérante, à la cheffe [confidentiel], qui était simultanément la cheffe [confidentiel], au chef [confidentiel], relevant du département [confidentiel], ainsi qu’à la requérante.

72      Dans ce courriel, le chef [confidentiel] a indiqué ce qui suit :

« Après accord à tous les niveaux, j’aimerais lancer la procédure pour affecter [la requérante] au poste de [confidentiel], avec une modification de son lien de subordination hiérarchique afin qu’elle relève [désormais] de l’unité [confidentiel].

Pourriez-vous m’indiquer comment procéder en ce sens ? Une [note pour le dossier] est-elle nécessaire pour formaliser cela et quelque chose d’autre est-il nécessaire ? »

73      Il y a lieu de constater que l’auteur de ce courriel se réfère à l’ouverture d’une procédure de réaffectation, et non à son aboutissement. Or, l’ouverture de cette procédure ne saurait être considérée comme établissant l’accord de l’AHCC sur la réaffectation de la requérante, car celui-ci constitue l’aboutissement d’une telle procédure, étant donné que l’AHCC ne peut se prononcer sur l’issue de celle-ci qu’après avoir apprécié l’intérêt du service à la lumière des éléments qui lui ont été soumis au cours de ladite procédure. Au demeurant, il convient de relever que l’auteur dudit courriel demandait des conseils quant à la manière d’ouvrir la procédure en question. L’allégation de la requérante selon laquelle cette demande ne visait qu’à obtenir des instructions pratiques en vue de la mise en œuvre d’une décision qui avait déjà été adoptée ne saurait être admise dès lors qu’elle présuppose, de manière erronée, que l’AHCC prenne une décision de réaffectation avant l’ouverture de toute procédure de réaffectation.

74      Troisièmement, la requérante s’appuie sur un courriel du [confidentiel], envoyé par la cheffe [confidentiel] au chef [confidentiel] et au chef [confidentiel]. Par ce courriel, celle-ci a informé le premier destinataire que, « en accord avec le directeur exécutif, il y a[vait] lieu de préparer une proposition de transfert » et qu’elle « [aurait] préfér[é] que la requérante soit qualifiée d’agente [confidentiel], en conformité avec la terminologie utilisée par [l’unité “Ressources humaines”] ». Elle a également demandé au second destinataire de lui indiquer s’il était nécessaire d’élever au grade AD 7 l’un des postes du [confidentiel].

75      Il est vrai que ce courriel fait état de l’accord du directeur exécutif. Toutefois, cet accord, dont l’existence n’est pas confirmée par une correspondance entre le directeur exécutif et la cheffe [confidentiel], portait sur une simple proposition de transfert. Or, une proposition, qui n’est pas une décision, peut tout aussi bien aboutir à une approbation qu’à un rejet. Ainsi, le fait, à le supposer avéré, que la cheffe [confidentiel] ait reçu l’accord du directeur exécutif sur la démarche consistant à faire préparer une proposition de réaffectation ne signifie pas que celui-ci se soit engagé, par anticipation, à approuver une telle proposition et encore moins qu’il l’ait déjà approuvée.

76      Quant à la partie dudit courriel du [confidentiel] relative à la qualification du poste concerné et à l’élévation à un grade supérieur d’un poste relevant du [confidentiel], ces éléments ne se rattachent pas à une position que l’AHCC aurait exprimée et ne sont donc pas susceptibles de démontrer qu’une décision de réaffectation de la requérante avait été adoptée.

77      Quatrièmement, la requérante invoque un courriel du [confidentiel], par lequel un agent de l’unité « Ressources humaines » a transmis au chef [confidentiel], pour révision, la description des fonctions que la requérante exerçait à l’époque. Cet agent précisait avoir besoin d’une date afin de préparer une « décision du directeur exécutif » sur le changement du lien de subordination hiérarchique de la requérante.

78      Toutefois, si ce courriel peut être lu comme confirmant que des discussions étaient en cours au sujet d’une possible réaffectation de la requérante, ce que l’EASO admet, il ne permet pas pour autant de considérer qu’une décision à ce sujet avait été adoptée.

79      Cinquièmement, la requérante se fonde sur plusieurs courriels échangés les [confidentiel] entre elle-même, les personnes susmentionnées (voir point 71 ci-dessus) et la cheffe [confidentiel] au sujet des modifications de la description du poste envisagé pour la requérante. Il résulte du courriel du [confidentiel] envoyé par un agent de l’unité « Ressources humaines » que l’intitulé de ce poste devait encore être arrêté et que la « date effective » de réaffectation était fixée au [confidentiel]. Selon la requérante, des personnes faisant partie de la hiérarchie de l’EASO et compétentes à cet égard, « qui agissaient manifestement à la connaissance et avec l’approbation de l’[AHCC] », l’ont ainsi informée par écrit du fait que son contrat de travail avec l’EASO serait modifié. Ces informations porteraient sur tous les éléments substantiels de la modification en cause.

80      Cependant, s’il est vrai que les courriels en question sont de nature à prouver qu’il existait un accord entre les personnes concernées quant au principe de la réaffectation de la requérante, ils ne prouvent pas que l’AHCC s’était engagée à approuver cette réaffectation et encore moins qu’elle l’avait déjà approuvée.

81      Par ailleurs, la requérante mentionne elle-même d’autres éléments qui attestent de certaines difficultés auxquelles sa possible réaffectation se heurtait. En effet, dans un courriel du [confidentiel], le chef [confidentiel], auquel la requérante avait été affectée lors de son recrutement et dont elle continuait à relever, du point de vue budgétaire, pendant l’année visée par le premier avenant, s’était plaint auprès du directeur exécutif alors en fonction à propos de la situation de la requérante et de la demande qui venait de lui être adressée de voir le poste occupé par celle-ci attribué à l’unité [confidentiel], sans que son secteur obtienne un autre poste en échange. Certes, il résulte d’un courriel du chef de l’unité [confidentiel] à la requérante et au chef [confidentiel] relevant de cette dernière unité, du 11 juin 2018, qu’il existait un « accord de principe » entre le chef [confidentiel] et le chef [confidentiel] sur un changement du lien de subordination hiérarchique de la requérante. Toutefois, ce dernier courriel est postérieur au 6 juin 2018, date à laquelle l’ancien directeur exécutif a été relevé de ses fonctions, et ne fait pas état du fait que ce dernier, avant cette date, aurait pris des mesures concernant la réaffectation de la requérante. En outre, ledit courriel mentionne le [confidentiel] comme date de prise d’effets de la réaffectation de la requérante, soit une date postérieure à celle du [confidentiel], qui figurait dans le courriel du [confidentiel] cité au point 79 ci-dessus. Au surplus, une autre date de prise d’effets, à savoir le [confidentiel], se trouve dans le courriel du [confidentiel] envoyé par le chef [confidentiel] à la cheffe [confidentiel] et à la requérante. Ces incohérences quant à la date de prise d’effets de la réaffectation de la requérante empêchent de considérer que l’ancien directeur exécutif, avant de quitter ses fonctions, avait pris une décision sur cette réaffectation.

82      En outre, si ledit courriel du [confidentiel] indique qu’« il y a eu accord » pour le transfert de la requérante, il ne précise pas que cet accord émanait de l’AHCC. Dans ce courriel, il est également affirmé que les « formalités administratives » étaient en cours. Or, il y a lieu de constater que ces prétendues formalités administratives constituaient, en tout état de cause, les composantes d’une procédure qui ne pouvait pas être considérée comme achevée tant que l’AHCC n’avait pas formellement adopté de décision. En effet, la décision de l’AHCC constitue l’aboutissement d’une telle procédure, et non son préalable. Ainsi que le démontre le déroulement du processus administratif relatif au document [confidentiel], l’AHCC peut rejeter un projet de décision, même en l’absence d’objection de la part de l’ensemble des autres intervenants à ce processus. Dès lors, il convient de conclure que ledit courriel du [confidentiel] ne permet pas, lui non plus, d’établir que l’ancien directeur exécutif avait adopté une décision sur la réaffectation de la requérante avant d’être relevé de ses fonctions.

83      Sixièmement, la requérante invoque un échange de courriels avec un agent du secteur [confidentiel] et la cheffe [confidentiel], du [confidentiel], au sujet de la réinscription de sa fille, pour l’année scolaire 2018/2019, à l’école que cette dernière fréquentait à Athènes durant l’année scolaire 2017/2018.

84      S’il résulte de cet échange que la requérante a reçu le document nécessaire pour ladite réinscription, il doit être relevé que ce document, d’une part, n’émanait pas de l’AHCC et, d’autre part, a pu être remis à la requérante afin qu’elle procède à l’inscription de sa fille à titre conservatoire, dans l’hypothèse où la réaffectation en cours de discussion aurait été décidée.

85      Septièmement, s’agissant des organigrammes de l’EASO invoqués par la requérante, dans lesquels, jusqu’au [confidentiel], elle apparaissait comme étant en poste dans le département [confidentiel] à Athènes, il y a lieu de rappeler qu’un organigramme établi au sein d’une institution est un document interne qui ne réunit pas les caractéristiques d’un acte administratif, ne produit pas d’effet juridique et a une finalité strictement informative (voir arrêts du 18 février 1993, Mc Avoy/Parlement, T‑45/91, EU:T:1993:11, point 45, et du 15 septembre 1998, De Persio/Commission, T‑23/96, EU:T:1998:203, point 125). Les organigrammes produits par la requérante, qui, au demeurant, n’émanent pas de l’AHCC, ne sont donc pas susceptibles de prouver l’existence d’une décision adoptée par celle-ci quant à la réaffectation de la requérante.

86      Sur la base des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que les documents produits par la requérante ne permettent pas d’établir l’existence de la décision prétendument adoptée par l’ancien directeur exécutif.

3)      Sur la pertinence de la jurisprudence invoquée par la requérante

87      La requérante se prévaut de la jurisprudence du Tribunal relative à des décisions qui n’ont pas été communiquées à l’intéressé et qui n’ont pas revêtu une forme écrite, mais dont le contenu peut être déduit de courriels. Elle s’appuie à cette fin sur l’ordonnance du 13 avril 2011, Planet/Commission (T‑320/09, EU:T:2011:172, point 46), et sur l’arrêt du 22 avril 2015, Planet/Commission (T‑320/09, EU:T:2015:223, point 79).

88      Il convient de rappeler que, dans l’affaire ayant donné lieu à la jurisprudence dont se prévaut la requérante, la partie requérante demandait l’annulation de certaines décisions qu’elle n’avait pas reçues, mais dont elle subissait les effets négatifs (voir, en ce sens, arrêt du 22 avril 2015, Planet/Commission, T‑320/09, EU:T:2015:223, points 1 à 5, 23 et 79).

89      En revanche, dans la présente affaire, la requérante ne démontre pas l’existence d’effets juridiques que la décision prétendument adoptée par l’ancien directeur exécutif aurait produits à son égard et qui seraient, à leur tour, de nature à établir l’existence de cette dernière, même en l’absence de production d’une décision écrite ou de preuves directes de l’adoption d’une telle décision. Dès lors, la jurisprudence dont elle se prévaut apparaît dépourvue de pertinence aux fins de la solution du présent litige.

90      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la requérante n’a pas prouvé l’existence de la décision prétendument adoptée par l’ancien directeur exécutif. Partant, la décision initiale ne saurait être qualifiée d’acte faisant grief en ce qu’elle aurait retiré une précédente décision qui aurait réaffecté la requérante à un poste à Athènes pour la durée restante du contrat initial.

91      Dans ces circonstances, il y a lieu de déterminer si, comme la requérante l’a soutenu lors de l’audience (voir point 51 ci-dessus), la décision initiale n’est pas dépourvue de tout caractère confirmatif à l’égard du premier avenant en ce qu’elle contient un élément nouveau consistant en un prolongement d’un mois son affectation à Athènes eu égard à la date qui avait été fixée dans cet avenant.

b)      Sur l’élément nouveau tenant à la prolongation d’un mois de l’affectation de la requérante à Athènes 

92      Il est constant que, conformément au premier avenant, le lieu de travail de la requérante, en tant que [confidentiel], était fixé à Athènes du 1er octobre 2017 au 30 septembre 2018.

93      Dès lors que l’existence de la décision prétendument adoptée par l’ancien directeur exécutif n’est pas établie, il y a lieu de considérer que, à la date de la décision initiale, la requérante était en droit d’effectuer ses prestations de travail à Athènes jusqu’à la fin du mois de septembre 2018.

94      En vertu de la décision initiale, la requérante a obtenu le droit de rester affectée à Athènes un mois supplémentaire, afin de pouvoir s’organiser en vue de se réinstaller à La Valette. Dans cette mesure, la décision initiale contient un élément nouveau.

95      Toutefois, il convient de relever qu’une décision qui accorde à la requérante le droit de prolonger d’un mois son affectation à Athènes n’est pas un acte produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement ses intérêts en modifiant, de façon caractérisée, sa situation juridique.

96      En effet, ce droit, auquel la requérante a souscrit en signant un nouvel avenant au contrat initial (voir point 8 ci-dessus), est une mesure qui trouve son fondement dans le devoir de sollicitude de l’administration. Cette dernière, à la suite des discussions qui avaient eu lieu au sein de l’EASO au sujet de la possible réaffectation de la requérante au secteur [confidentiel] et qui ont abouti à l’absence d’approbation par le directeur exécutif par intérim du document [confidentiel], a pu tenir compte du fait que la requérante n’avait pas encore entrepris les démarches personnelles nécessaires pour son retour à La Valette, prévu par le premier avenant.

97      Par ailleurs, il y a lieu de relever que la décision initiale ne constitue pas la réponse de l’EASO à une demande que la requérante aurait introduite dans le but de maintenir à Athènes son lieu de travail en tant que [confidentiel] pour une durée plus longue que celle prévue par le premier avenant. En effet, d’une part, une telle demande ne figure pas dans le dossier. D’autre part, lors de l’audience, la requérante a soutenu que la prolongation d’un mois de son affectation à Athènes résultant de la décision initiale était un élément qui lui faisait grief au regard du souhait d’être maintenue en fonctions à Athènes qu’elle avait exprimé dans sa réclamation. Toutefois, la réclamation de la requérante est postérieure à la décision initiale, contre laquelle elle est dirigée. Partant, la décision initiale ne relève pas de l’hypothèse visée par la jurisprudence rappelée aux points 54 et 55 ci-dessus.

98      Dès lors, l’octroi à la requérante, par l’EASO, du droit de prolonger d’un mois son affectation à Athènes ne permet pas de considérer que la décision initiale est un acte faisant grief.

99      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter comme irrecevables les conclusions en annulation de la requérante qui tendent à l’annulation de la décision initiale. Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur la fin de non-recevoir, soulevée par l’EASO à l’audience, tirée du défaut d’intérêt à agir de la requérante (voir point 29 ci-dessus), ni de statuer sur l’offre de preuve présentée par l’EASO (voir point 30 ci-dessus), qui concerne l’examen au fond de ces conclusions.

3.      Sur les conclusions dirigées contre la partie autonome de la décision explicite

100    En ce qui concerne les conclusions en annulation relatives à la partie autonome de la décision explicite, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, tout recours doit reposer sur un intérêt à agir du requérant concerné. Le défaut d’intérêt à agir relève des fins de non-recevoir d’ordre public que le Tribunal peut examiner d’office (voir ordonnance du 22 novembre 2006, Milbert e.a./Commission, T‑434/04, EU:T:2006:359, point 29 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2019, Austrian Power Grid et Vorarlberger Übertragungsnetz/ACER, T‑333/17, non publié, EU:T:2019:760, points 28 et 36).

101    Un tel intérêt suppose, notamment, que l’acte attaqué fasse grief à la personne qui a intenté le recours et que, partant, l’annulation de cet acte soit susceptible de lui procurer un avantage. Dès lors, un acte qui donne entièrement satisfaction à cette personne n’est, par définition, pas susceptible de lui faire grief et cette personne n’a pas d’intérêt à en demander l’annulation [voir arrêt du 1er février 2012, mtronix/OHMI – Growth Finance (mtronix), T‑353/09, non publié, EU:T:2012:40, point 16 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 11 mars 2009, TF1/Commission, T‑354/05, EU:T:2009:66, point 85 et jurisprudence citée].

102    En l’espèce, il est constant que, dans la partie autonome de la décision explicite, l’AHCC a fait droit à la demande de suspension (voir point 9 ci-dessus) que la requérante avait introduite dans sa réclamation, étant donné que les effets de sa réaffectation à La Valette ont été suspendus jusqu’au 30 août 2019. Ainsi, la partie autonome de la décision explicite a donné entièrement satisfaction à la requérante concernant la demande de suspension et ne lui fait donc pas grief. Partant, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas d’intérêt à agir contre ladite partie de la décision explicite.

103    Au vu de ce défaut d’intérêt à agir, les conclusions tendant à l’annulation de la partie autonome de la décision explicite doivent être rejetées comme manifestement irrecevables (voir, en ce sens, ordonnances du 14 mai 2013, Régie Networks et NRJ Global/Commission, T‑273/11, non publiée, EU:T:2013:239, point 37, et du 16 novembre 2018, OT/Commission, T‑576/16, non publiée, EU:T:2018:805, point 69).

B.      Sur les conclusions en indemnité

104    Dans le mémoire en adaptation, la requérante a présenté des conclusions en indemnité qui ne figuraient pas dans la requête et qui tendent à la réparation des préjudices matériel et moral supposés découler de la décision explicite. Le montant correspondant à un chef de préjudice matériel a été réduit, une première fois, dans le mémoire par lequel la requérante a répondu aux questions écrites du Tribunal et, une seconde fois, lors de l’audience (voir points 26 et 28 ci-dessus). À l’occasion de cette dernière, la requérante a également renoncé à invoquer l’un des faits prétendument fautifs à l’origine de sa demande de réparation du préjudice moral (voir point 31 ci-dessus), sans toutefois réduire le montant de la réparation sollicitée à ce titre. Les montants désormais demandés par la requérante sont ceux repris au point 32, troisième à cinquième tirets, ci-dessus.

105    Elle fait valoir que, dès lors que l’EASO ne l’a pas informée en temps utile que, conformément à sa demande, les effets de la décision initiale seraient suspendus jusqu’au 30 août 2019 en vertu de la décision explicite, elle a été contrainte de demander un congé parental. Une telle obligation aurait entraîné un préjudice matériel correspondant aux pertes de revenus qui se seraient ensuivies. Ce préjudice aurait continué à se produire de manière certaine même après ladite date, dès lors que la requérante, pour que sa fille puisse rester à Athènes, aurait été obligée de prolonger son congé parental, puis de demander à ne reprendre le travail qu’à temps partiel. Ce préjudice n’aurait cessé que le [confidentiel], lorsque la requérante a pris ses nouvelles fonctions au sein d’une autre agence de l’Union (voir point 26 ci-dessus).

106    La requérante invoque également un préjudice moral. Premièrement, celui-ci consisterait dans les sérieux problèmes de santé physique et mentale qu’elle aurait rencontrés en raison des bouleversements ayant affecté sa situation professionnelle et dans le risque de devoir déménager à La Valette. Elle se réfère plus précisément à « l’atteinte à sa personnalité » résultant de ce qu’elle a été contrainte de cesser son activité professionnelle et au bouleversement et à la détresse qu’elle aurait éprouvés lorsqu’elle s’est aperçue, à la lecture de la décision explicite, qu’elle aurait pu travailler dans les bureaux de l’EASO à Athènes pendant la période du 1er janvier au 30 août 2019, sans devoir prendre un congé parental afin de demeurer dans cette ville. Deuxièmement, son préjudice moral découlerait du fait que, étant en congé parental, elle n’aurait pas effectué de tâches correspondant à son grade, voire pas de tâches professionnelles du tout, et n’aurait ainsi plus été en mesure de participer aux activités de l’EASO, auxquelles elle aurait auparavant apporté une contribution majeure.

107    L’EASO conteste la recevabilité des conclusions en indemnité.

108    En premier lieu, l’EASO fait valoir que les conclusions en indemnité doivent être rejetées, dès lors qu’elles présenteraient un lien étroit avec les conclusions en annulation, qui devraient elles aussi être rejetées.

109    En second lieu, l’EASO soutient que, dans la mesure où la requérante invoque des préjudices qui découleraient de la prétendue omission de la part de l’AHCC de l’informer plus tôt de l’issue favorable finalement réservée, dans la décision explicite, à sa demande de suspension, ces préjudices ne sont pas liés à la décision initiale, mais à des fautes et à des omissions que l’administration aurait commises. La requérante n’ayant pas saisi l’AHCC d’une demande et, en cas de rejet, d’une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphes 1 et 2, du statut, elle ne serait pas recevable à saisir le Tribunal de conclusions tendant à la réparation de ces préjudices.

110    La requérante expose qu’elle n’a pas formulé de conclusions en indemnité dans la requête au motif que celles-ci auraient été superflues, dès lors que, en cas d’annulation de la décision initiale, l’EASO, en vertu de l’article 266 TFUE, serait obligé de prendre les mesures nécessaires que comporte l’exécution de l’arrêt, avec effet rétroactif, et serait donc tenu de réparer le préjudice matériel subi par la requérante, en lui versant rétroactivement les rémunérations qu’elle aurait dû percevoir si la décision initiale n’avait pas été adoptée. La décision explicite aurait modifié la situation de la requérante, en ce que son adoption lui aurait fait subir un préjudice matériel supplémentaire ainsi qu’un préjudice moral. En effet, dès lors que l’AHCC n’a pas accepté la demande de la requérante d’être maintenue en poste à Athènes, celle-ci aurait été contrainte de prendre un congé parental pour être assurée de ne pas devoir s’installer à La Valette au cours de l’année scolaire 2018/2019, aux dépens de sa fille. Cependant, ce ne serait que dans la décision explicite que l’AHCC aurait finalement fait droit à la demande de suspension, en ayant omis d’en informer la requérante plus tôt. Les préjudices dont celle-ci demande la réparation seraient donc survenus après l’introduction du recours, par suite de l’adoption de la décision explicite.

111    Lors de l’audience, en réponse à la fin de non-recevoir de l’EASO tirée du non-respect de la procédure précontentieuse et fondée sur la constatation que les préjudices dont elle demande réparation seraient liés non à une décision, mais à un comportement de l’administration, la requérante a fait valoir que ces préjudices découlaient de la décision explicite.

1.      Sur la première fin de non-recevoir

112    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice doivent être rejetées dans la mesure où elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont elles-mêmes été rejetées, comme étant non fondées ou irrecevables (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2019, HK/Commission, C‑460/18 P, EU:C:2019:1119, point 93 et jurisprudence citée ; du 21 mai 2008, Belfass/Conseil, T‑495/04, EU:T:2008:160, point 122 et jurisprudence citée, et du 6 février 2019, Karp/Parlement, T‑580/17, non publié, EU:T:2019:62, point 31 et jurisprudence citée).

113    En l’espèce, il est établi que les conclusions en annulation de la requérante visant la décision initiale sont irrecevables (voir point 99 ci-dessus).

114    Il y a lieu de relever que certains chefs de préjudice dont la requérante demande réparation sont étroitement liés à ces conclusions en annulation, en ce qu’ils trouvent leur origine dans le fait que la requérante, conformément au premier avenant et à la décision initiale qui a confirmé ce dernier, était tenue d’exercer de nouveau ses activités dans les bureaux de l’EASO situés à La Valette à l’issue de la période pendant laquelle son lieu de travail avait été provisoirement fixé à Athènes, soit à partir du 1er novembre 2018.

115    En ce qui concerne les chefs de préjudice matériel invoqués par la requérante, il doit être relevé que ceux-ci portent sur les pertes de revenus consécutives à sa décision de solliciter l’octroi d’un congé parental, à plein temps, puis à mi-temps, pour ne pas devoir reprendre ses fonctions à La Valette en cas de rejet de sa réclamation dirigée contre la décision initiale et assortie de la demande de suspension.

116    Dès lors que le préjudice matériel invoqué par la requérante s’est produit à la suite des mesures qu’elle a prises pour ne pas subir les conséquences de l’expiration de la période pendant laquelle son lieu de travail était fixé à Athènes, telle qu’elle résultait du premier avenant et de la décision initiale, ce préjudice doit être considéré comme étant étroitement lié à la décision initiale, au sens de la jurisprudence rappelée au point 112 ci-dessus.

117    Il est vrai que, en raison de la suite favorable que, dans la partie autonome de la décision explicite, l’AHCC a finalement réservée à la demande de suspension, la perte de revenus que la requérante a subie pendant la période couverte par cette demande était consécutive à une démarche de sa part, qui s’est révélée ne pas être nécessaire, afin d’éviter de reprendre ses fonctions à La Valette au cours de ladite période.

118    Cependant, cette circonstance n’affecte pas le fait que le chef de conclusions visant à la réparation du préjudice matériel constitué par cette perte de revenus est étroitement lié à la demande d’annulation de la décision initiale. En effet, la requérante, lorsqu’elle a introduit le recours en annulation, se trouvait en congé parental et subissait déjà la perte de revenus qui en résultait. Son choix de ne pas assortir les conclusions en annulation présentées dans la requête de conclusions en indemnité, apparemment au motif qu’elle considérait que le préjudice prétendument subi serait réparé par l’EASO dans le cadre de l’exécution, au sens de l’article 266 TFUE, de l’arrêt du Tribunal qui annulerait la décision initiale, ne permet pas d’exclure que le chef de conclusions relatif à ce préjudice soit étroitement lié aux conclusions en annulation de la décision initiale. Au contraire, cette circonstance confirme l’existence d’un tel lien, étant donné que, même dans l’esprit de la requérante, la réparation du préjudice matériel résultant de la réduction de ses revenus était une conséquence à tirer de l’annulation de la décision initiale.

119    Dès lors, il y a lieu de rejeter comme irrecevables les conclusions en indemnité de la requérante en ce qu’elles tendent à obtenir la réparation du préjudice matériel qu’elle prétend avoir subi.

120    La même conclusion vaut à l’égard, d’une part, du préjudice moral qui résulterait de l’absence d’exercice, par la requérante, de son activité professionnelle, en raison du congé parental qu’elle avait estimé devoir prendre, et, d’autre part, du préjudice moral qu’elle invoque en ce qui concerne l’obligation de déménager à La Valette. En effet, le choix de demander un congé parental a été fait par la requérante à la suite et en raison de la décision initiale et l’obligation dont elle se plaint résulte du premier avenant, confirmé par cette décision.

121    En revanche, cette conclusion ne s’applique pas au préjudice moral supposé découler de la partie autonome de la décision explicite, en ce que l’AHCC, bien qu’ayant finalement fait droit à la demande de suspension, a adopté cette décision et en a informé la requérante alors que celle-ci était susceptible de subir ce prétendu préjudice. En effet, ni dans la décision initiale, antérieure à la demande de suspension, ni dans la partie non autonome de la décision explicite l’EASO n’a examiné la demande de suspension.

122    Dès lors, la première fin de non-recevoir soulevée par l’EASO à l’encontre des conclusions en indemnité de la requérante doit être accueillie, sauf en ce qui concerne le préjudice moral supposé découler de la partie autonome de la décision explicite. Dans cette mesure, il y a donc lieu d’examiner la seconde fin de non-recevoir soulevée par l’EASO.

2.      Sur la seconde fin de non-recevoir 

123    Il convient de rappeler que, dans le système des voies de recours instauré par les articles 90 et 91 du statut, un recours en indemnité n’est recevable que s’il a été précédé d’une procédure précontentieuse conforme aux dispositions statutaires (voir arrêt du 18 septembre 2018, Barroso Truta e.a./Cour de justice de l’Union européenne, T‑702/16 P, EU:T:2018:557, point 64 et jurisprudence citée).

124    Cette procédure diffère selon que le dommage dont la réparation est demandée résulte d’un acte décisionnel faisant grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, ou d’un comportement de l’administration dépourvu de caractère décisionnel. Dans le premier cas, il appartient à l’intéressé de saisir l’autorité investie du pouvoir de nomination ou, selon les cas, l’AHCC, dans les délais impartis, d’une réclamation dirigée contre l’acte en cause, les conclusions indemnitaires pouvant être présentées soit dans cette réclamation, soit pour la première fois dans la requête, tandis que, dans le second cas, la procédure administrative doit débuter par l’introduction d’une demande, au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à obtenir un dédommagement et se poursuivre, le cas échéant, par une réclamation dirigée contre la décision de rejet de la demande (voir ordonnance du 26 juin 2018, Kerstens/Commission, T‑757/17, non publiée, EU:T:2018:391, point 37 et jurisprudence citée, et arrêt du 12 mars 2019, TK/Parlement, T‑446/17, non publié, EU:T:2019:151, point 90 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2018, Barroso Truta e.a./Cour de justice de l’Union européenne, T‑702/16 P, EU:T:2018:557, point 65 et jurisprudence citée).

125    En outre, s’agissant du premier cas mentionné au point 124 ci-dessus, relatif à l’existence d’un préjudice résultant d’un acte décisionnel faisant grief, la jurisprudence précise que, lorsqu’il existe un lien direct entre un recours en annulation et une action en indemnité, cette dernière est recevable en tant qu’accessoire du recours en annulation, sans qu’elle doive nécessairement être précédée d’une demande invitant l’administration à réparer le préjudice prétendument subi et d’une réclamation contestant le bien-fondé du rejet implicite ou explicite de la demande [voir arrêt du 22 novembre 2018, Brahma/Cour de justice de l’Union européenne, T‑603/16, EU:T:2018:820, point 227 (non publié) et jurisprudence citée].

126    Il résulte de cette jurisprudence que la réponse à la question de savoir si les dommages invoqués trouvent leur origine dans un acte faisant grief ou dans un comportement de l’administration dépourvu de contenu décisionnel est indispensable pour vérifier le respect de la procédure précontentieuse et des délais prévus aux articles 90 et 91 du statut et, donc, la recevabilité des conclusions en indemnité (voir arrêt du 13 décembre 2012, A/Commission, T‑595/11 P, EU:T:2012:694, point 112 et jurisprudence citée, et ordonnance du 7 février 2017, Stips/Commission, T‑593/16, non publiée, EU:T:2017:71, point 26 et jurisprudence citée).

127    En l’espèce, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été constaté au point 102 ci-dessus, dans la partie autonome de la décision explicite, l’AHCC a fait droit à la demande de suspension que la requérante avait introduite dans sa réclamation, de sorte que ladite partie n’est pas un acte faisant grief.

128    Il est vrai que la décision explicite a été adoptée plusieurs mois après l’expiration du délai prévu à l’article 90, paragraphe 2, dernier alinéa, du statut. Toutefois, il convient de relever, d’une part, que le fait qu’un acte soit intervenu tardivement ne permet pas de caractériser celui-ci comme faisant grief (voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2018, Spagnolli e.a./Commission, T‑568/16 et T‑599/16, EU:T:2018:347, point 186 et jurisprudence citée) et, d’autre part, que l’adoption tardive de cet acte constitue un comportement de l’administration relevant d’une faute qui, en fonction des circonstances de chaque affaire, peut causer un préjudice moral à l’intéressé et engager la responsabilité de l’institution (voir, en ce sens, arrêts du 12 juillet 2012, Commission/Nanopoulos, T‑308/10 P, EU:T:2012:370, points 63 et 67 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 juillet 2006, Andrieu/Commission, T‑285/04, EU:T:2006:215, point 135 et jurisprudence citée).

129    Il s’ensuit que le préjudice moral dont la requérante demande réparation est susceptible de trouver son origine dans le comportement de l’AHCC, qui n’a répondu de manière explicite à la réclamation de la requérante, accompagnée de la demande de suspension, que le 6 juin 2019 et a omis de l’informer que le rejet implicite de sa réclamation, intervenu le 29 janvier 2019 en vertu de l’article 90, paragraphe 2, dernier alinéa, du statut, n’entraînait pas le rejet de ladite demande.

130    Le préjudice moral invoqué par la requérante découle donc non pas d’un acte décisionnel faisant grief, mais d’un comportement de l’administration. Il en résulte que sa demande en indemnité relève du second cas visé au point 124 ci-dessus. Or, la requérante a introduit cette demande devant le Tribunal, dans le mémoire en adaptation, sans avoir engagé au préalable la procédure précontentieuse en deux étapes qui, selon la jurisprudence, est requise dans de telles circonstances.

131    Par conséquent, il y a lieu de faire droit également à la seconde fin de non-recevoir soulevée par l’EASO.

132    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le présent recours doit être rejeté comme irrecevable dans son intégralité.

IV.    Sur les dépens

133    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En outre, en vertu de l’article 135, paragraphe 2, du règlement de procédure, une partie, même gagnante, peut être condamnée partiellement ou totalement aux dépens, si cela apparaît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance.

134    En l’espèce, bien que la requérante ait succombé et que l’EASO ait conclu à ce qu’elle soit condamnée aux dépens, il y a lieu de constater que l’EASO n’a adopté la décision explicite qu’après l’expiration du délai de recours calculé à compter de la date de la décision implicite et que ce n’est qu’à cette occasion qu’il a fourni une réponse définitive à la demande de suspension. Dès lors, il sera fait une juste appréciation de toutes les circonstances pertinentes en décidant que la requérante supportera la moitié de ses propres dépens et que l’EASO supportera ses propres dépens ainsi que la moitié de ceux exposés par la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      BK supportera la moitié de ses propres dépens.

3)      Le Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO) supportera ses propres dépens ainsi que la moitié de ceux exposés par BK.

da Silva Passos

Valančius

Truchot

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 mars 2021.

Signatures


Table des matières


I. Faits à l’origine du litige

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur les conclusions en annulation

1. Sur l’objet du litige

2. Sur les conclusions dirigées contre la décision initiale

a) Sur la décision prétendument adoptée par l’ancien directeur exécutif

1) Sur le document [confidentiel]

2) Sur les documents produits par la requérante

3) Sur la pertinence de la jurisprudence invoquée par la requérante

b) Sur l’élément nouveau tenant à la prolongation d’un mois de l’affectation de la requérante à Athènes

3. Sur les conclusions dirigées contre la partie autonome de la décision explicite

B. Sur les conclusions en indemnité

1. Sur la première fin de non-recevoir

2. Sur la seconde fin de non-recevoir

IV. Sur les dépens

*      Langue de procédure : le grec.

1 Données confidentielles occultées.

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