MG v EIB (Judgment) French Text [2021] EUECJ T-573/20 (21 December 2021)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/T57320.html
Cite as: EU:T:2021:915, ECLI:EU:T:2021:915, [2021] EUECJ T-573/20

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ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

21 décembre 2021 (*)

« Fonction publique – Personnel de la BEI – Rémunération – Allocations familiales – Refus d’accorder les allocations au parent non titulaire de la garde de l’enfant – Procédure de conciliation – Délai raisonnable – Responsabilité »

Dans l’affaire T‑573/20,

MG, représenté par Mes L. Levi et A. Blot, avocates,

partie requérante,

contre

Banque européenne d’investissement (BEI), représentée par Mmes G. Faedo et K. Carr, en qualité d’agents, assistées de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et sur l’article 50 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et tendant, d’une part, à l’annulation des lettres de la BEI du 11 octobre 2018, du 7 janvier 2019 et du 30 juillet 2020 sur la base desquelles le requérant a été privé du bénéfice des allocations familiales et des droits financiers dérivés et, d’autre part, à obtenir réparation du préjudice moral que le requérant aurait subi,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, M. Jaeger et Mme N. Półtorak (rapporteure), juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 13 septembre 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, MG, est agent au sein de la Banque européenne d’investissement (BEI) depuis le 1er février 1998.

2        Le 12 septembre 2003, le requérant s’est marié avec A, également agent à la BEI depuis 2002. Ils ont eu cinq enfants.

3        Le 22 août 2017, A a assigné le requérant en divorce devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg (Luxembourg) en demandant l’autorisation provisoire de résidence séparée, le départ de son époux du domicile conjugal et l’obtention de la garde provisoire de leurs cinq enfants mineurs.

4        Le 14 novembre 2017, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a adopté une ordonnance de référé (ci-après l’« ordonnance de référé du 14 novembre 2017 ») par laquelle il a accordé la garde provisoire des enfants à A. Par ailleurs, le juge luxembourgeois a ordonné au requérant de quitter le domicile conjugal dans un délai d’un mois à compter de la signification de ladite ordonnance de référé.

5        Le requérant a quitté le domicile conjugal au mois de décembre 2017.

6        Par ordonnance du 20 juillet 2018 (ci-après l’« ordonnance de référé du 20 juillet 2018 » et, prise ensemble avec l’ordonnance de référé du 14 novembre 2017, les « ordonnances de référé du juge luxembourgeois »), signifiée au requérant le 7 mars 2019, le juge des référés luxembourgeois a ordonné que le requérant verse à A une pension alimentaire d’un montant de 1 500 euros par mois, correspondant à un montant de 300 euros pour chacun de leurs enfants, allocations familiales non comprises, ainsi qu’aux frais de garderie et du Centre polyvalent de l’enfance (ci-après le « CPE ») pour trois enfants et à la moitié de tous les frais extraordinaires exposés dans l’intérêt des cinq enfants du requérant et de A. En outre, le juge des référés a ordonné que la BEI verse à A les allocations pour enfant à charge et les allocations scolaires.

7        Le 9 janvier 2019, la Cour supérieure de justice de Luxembourg (Luxembourg), siégeant en Cour d’appel, a rejeté l’appel interjeté par le requérant contre l’ordonnance de référé du 14 novembre 2017 en ce qu’elle fixe la résidence des enfants mineurs à l’adresse de A, mais lui a accordé un droit de visite et d’hébergement chaque deuxième fin de semaine et pendant la moitié des vacances scolaires.

8        Le 21 mars 2019, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a prononcé le divorce entre le requérant et A.

9        Le 10 juillet 2019, la Cour supérieure de justice de Luxembourg a rendu un arrêt en appel de l’ordonnance de référé du 20 juillet 2018 par lequel elle a confirmé le droit de A de se voir verser, par le requérant, une pension alimentaire d’un montant de 300 euros par mois et par enfant. Elle a néanmoins réformé l’ordonnance de référé du 20 juillet 2018 en déchargeant le requérant du paiement de certains frais, notamment de garderie, exposés dans l’intérêt des enfants, estimant que ces dépenses étaient prises en compte dans le cadre de la pension alimentaire.

10      Le 24 novembre 2017, le requérant a été informé par la BEI que, à la suite de l’ordonnance de référé du 14 novembre 2017, les allocations pour enfant à charge et les allocations scolaires seraient versées à A.

11      Le 28 décembre 2017, A a introduit une demande de conciliation au titre de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI, dans sa version applicable en l’espèce, afin que ses cinq enfants soient reconnus comme étant à sa charge, conformément à l’ordonnance de référé du 14 novembre 2017, et que le droit au paiement des allocations familiales et des droits financiers dérivés prévus par ledit règlement lui soit reconnu.

12      Le 12 septembre 2018, le président de la BEI, entérinant ainsi le résultat d’une autre procédure de conciliation qu’il décidait d’étendre au cas de A, a estimé que, à partir du mois d’octobre 2018, les enfants du requérant et de A seraient considérés comme étant à la charge de A (ci-après la « décision du 12 septembre 2018 »). Cela signifiait, en outre, que le droit au paiement des allocations familiales et des droits financiers dérivés était aussi reconnu à A.

13      Par lettre du 11 octobre 2018 (ci-après la « lettre du 11 octobre 2018 »), la BEI a informé le requérant qu’il ne bénéficierait plus, à partir du mois d’octobre 2018, de l’allocation de famille, des allocations pour enfant à charge ainsi que des allocations scolaires (ci-après, prises ensemble, les « allocations familiales ») et des droits financiers dérivés, octroyés sur la base des dispositions administratives applicables au personnel de la BEI (ci-après les « dispositions administratives »), leur bénéfice ayant en effet été accordé à A par la décision du 12 septembre 2018.

14      Par lettre du 29 octobre 2018, le requérant a signifié à la BEI qu’il s’opposait aux mesures annoncées dans la lettre du 11 octobre 2018. Il précisait également que sa lettre du 29 octobre 2018 devait être considérée comme une demande de conciliation au sens de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI dans sa version en vigueur à la date des faits (ci-après le « règlement du personnel »).

15      N’ayant reçu aucune réponse de la part de la BEI, le requérant a renouvelé sa demande par courrier le 10 décembre 2018.

16      Par lettre du 7 janvier 2019, la BEI a rejeté la demande du requérant, sans aborder la question de l’ouverture de la procédure de conciliation (ci-après la « lettre du 7 janvier 2019 » et, prise ensemble avec la lettre du 11 octobre 2018, les « actes attaqués »).

17      Par courriel du 11 janvier 2019, le requérant a introduit une demande de conciliation au titre de l’article 41 du règlement du personnel. Ladite demande visait à contester la lettre du 11 octobre 2018 et, en tant que de besoin, la lettre du 7 janvier 2019.

18      Par courriel du 14 janvier 2019, le service des ressources humaines de la BEI a accusé réception de la demande de conciliation formulée par le requérant. Par courriel du 15 janvier 2019, le président de la BEI a, lui aussi, accusé réception de ladite demande de conciliation.

19      Par courriel du 17 janvier 2019, le requérant a désigné B, chef de division à la BEI, pour être son représentant au sein de la commission de conciliation et il a demandé à la BEI de lui indiquer qui la représenterait. Il a réitéré sa demande par courrier recommandé le 4 février 2019.

20      Par lettre du 17 avril 2019, le service des ressources humaines de la BEI a informé le requérant que, en réponse à sa lettre du 11 janvier 2019, la demande de conciliation qu’il avait formulée avait été acceptée et qu’une procédure de conciliation avait, par conséquent, été ouverte. La BEI a indiqué que C avait été désignée en tant que représentante de la BEI dans le cadre de ladite procédure.

21      À partir du 24 avril 2019, B et C ont échangé une série de courriels afin de désigner le président de la commission de conciliation. Un compromis a été trouvé quant à la désignation de D, agent retraité de la BEI.

22      La commission de conciliation s’est réunie les 23 juillet et 2 août 2019 et les 5 et 9 mars 2020.

23      Par courriel du 12 février 2020, le service des ressources humaines de la BEI a proposé à la commission de conciliation que, au regard de ce qui avait été décidé dans une affaire qu’elle qualifiait de « parallèle », certaines allocations soient versées pour moitié au requérant et pour moitié à A, à la condition que le requérant établisse la preuve des paiements effectués pour ses enfants. Le requérant a refusé cette proposition.

24      Entre le 9 mars et le 4 juin 2020, les trois membres de la commission de conciliation ont échangé une série de courriels visant à commenter et à modifier le contenu du procès-verbal de la procédure de conciliation. Par courriel du 4 juin 2020, le président de la commission de conciliation a remis au président de la BEI ledit procès-verbal, dans lequel il constatait notamment l’échec de la procédure de conciliation et l’impossibilité de s’accorder sur un rapport de clôture de ladite procédure.

25      Par lettre du 30 juillet 2020, transmise au requérant par courriel du 31 juillet 2020, le président de la BEI a informé ce dernier qu’il avait reçu les conclusions de la commission de conciliation et lui a indiqué qu’il prenait acte de l’échec de la procédure de conciliation (ci-après la « lettre du 30 juillet 2020 »). Le procès-verbal de ladite procédure était joint à cette lettre.

 Procédure et conclusions des parties

26      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 septembre 2020, le requérant a introduit le présent recours.

27      Saisi d’une demande présentée par le requérant sur le fondement de l’article 66 de son règlement de procédure, le Tribunal a omis le nom de cette partie dans la version publique du présent arrêt.

28      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 13 septembre 2021.

29      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la lettre du 11 octobre 2018 par laquelle il s’est vu priver du bénéfice des allocations familiales (y compris notamment les frais de garderie et du CPE indûment déduits par la BEI de son salaire jusqu’en novembre 2019) et des droits financiers dérivés (y compris notamment les abattements fiscaux et le remboursement des frais médicaux des enfants supportés par lui) ;

–        en tant que de besoin, annuler les lettres du 7 janvier 2019 et du 30 juillet 2020 ;

–        condamner la BEI à l’indemniser à concurrence d’un montant de 10 000 euros, en réparation du préjudice moral qu’il aurait subi ;

–        condamner la BEI aux dépens.

30      La BEI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du recours et sur la recevabilité

31      Le requérant demande l’annulation de la lettre du 11 octobre 2018 et, en tant que de besoin, des lettres du 7 janvier 2019 et du 30 juillet 2020.

32      En l’espèce, le requérant soutient que la lettre du 11 octobre 2018, la lettre du 7 janvier 2019 et la lettre du 30 juillet 2020 lui font grief en ce que la première le prive du bénéfice de l’ensemble des allocations familiales et des droits financiers dérivés, la deuxième rejette l’intégralité de ses demandes formulées dans ses courriers du 29 octobre et du 10 décembre 2018 et la troisième acte l’échec de la procédure de conciliation et confirme la lettre du 11 octobre 2018.

33      Selon une jurisprudence constante, constituent des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation les seules mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts des parties requérantes en modifiant, de façon caractérisée, leur situation juridique en tant que fonctionnaires ou agents (voir, en ce sens, arrêts du 10 janvier 2006, Commission/Alvarez Moreno, C‑373/04 P, EU:C:2006:11, point 42, du 13 décembre 2012, Strack/Commission, T‑199/11 P, EU:T:2012:691, point 127, et du 12 mai 2021, DF et DG/BEI, T‑387/19, non publié, EU:T:2021:258, point 17).

34      Par ailleurs, un recours en annulation formé contre un acte purement confirmatif d’une décision antérieure non attaquée dans les délais est irrecevable. Un acte est considéré comme purement confirmatif d’une décision antérieure s’il ne contient aucun élément nouveau eu égard à la décision antérieure et s’il n’a pas été précédé d’un réexamen de la situation du destinataire de cette décision (arrêt du 24 mars 2021, BK/EASO, T‑277/19, non publié, EU:T:2021:161, point 53).

35      En premier lieu, s’agissant, tout d’abord, de la lettre du 11 octobre 2018, il convient d’observer que, par cette lettre, la BEI a informé le requérant qu’il ne percevrait plus, au regard de l’issue de la procédure de conciliation engagée par A, le paiement des allocations familiales. Dans ces conditions, le requérant ayant été privé de la possibilité d’obtenir lesdites allocations familiales et les droits financiers dérivés en question, il convient de constater que la lettre du 11 octobre 2018 a directement affecté sa situation individuelle, au sens de la jurisprudence citée au point 33 ci-dessus.

36      S’agissant, ensuite, de la lettre du 7 janvier 2019, il y a lieu de relever qu’elle est relative, comme celle du 11 octobre 2018, à l’octroi des allocations familiales à A et à la privation subséquente desdites allocations que cela implique pour le requérant. Partant, il convient de considérer que la lettre du 7 janvier 2019 confirme la lettre du 11 octobre 2018, tout en précisant et en développant la motivation succincte qui figurait dans celle-ci. À cet égard, conformément à une jurisprudence constante, le requérant, ayant introduit son recours contentieux dans le délai requis, est en droit d’attaquer ou la décision confirmée, ou la décision confirmative, ou encore l’une et l’autre de ces décisions (voir arrêt du 10 mars 2021, AM/BEI, T‑134/19, EU:T:2021:119, point 28 et jurisprudence citée).

37      Dès lors, il convient de constater que le présent recours est dirigé à la fois contre la lettre du 11 octobre 2018 et contre la lettre du 7 janvier 2019.

38      En ce qui concerne l’argument, soulevé par la BEI au cours de l’audience de plaidoiries en réponse à une question du Tribunal, selon lequel le recours serait irrecevable s’agissant du refus de verser au requérant les allocations pour enfant à charge et les allocations scolaires, il est constant que, par la lettre du 24 novembre 2017, la BEI a déjà octroyé les allocations scolaires et les allocations pour enfant à charge à A, ce que le requérant n’a pas contesté. Toutefois, il convient de relever que les lettres du 11 octobre 2018 et du 7 janvier 2019 ont été adoptées à l’issue de la procédure de conciliation engagée le 28 décembre 2017 à la demande de A. Dans le cadre de cette procédure de conciliation, le président de la BEI a accueilli la demande de A concernant le versement des allocations familiales et, par conséquent, son interprétation des dispositions administratives applicables. Dès lors, il a été établi que le requérant « ne percevrait plus » d’allocations familiales, y compris l’allocation scolaire et l’allocation pour enfant à charge. Il s’ensuit que la lettre du 11 octobre 2018 contient un réexamen de la situation du requérant quant au versement de l’ensemble des allocations familiales et que la lettre du 7 janvier 2019 confirme la lettre du 11 octobre 2018, tout en précisant et en développant la motivation succincte qui figurait dans celle-ci. Or, lorsque la lettre du 11 octobre 2018 contient un réexamen de la situation de la partie requérante, en fonction d’éléments de droit et de fait nouveaux, et lorsqu’elle modifie l’acte initial, elle constitue un acte faisant grief se substituant à ce dernier et est soumise au contrôle du juge (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2021, AM/BEI, T‑134/19, EU:T:2021:119, point 33). Partant, l’allégation de la BEI à cet égard ne saurait être accueillie.

39      En deuxième lieu, il y a lieu d’observer que, sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité, la BEI conteste la recevabilité du présent recours en ce qu’il tend à l’annulation de la lettre du 30 juillet 2020. La BEI considère que ladite lettre ne constitue qu’une communication réalisée à la suite de l’échec de la procédure non obligatoire de conciliation et qu’elle ne constitue donc pas un acte faisant grief au requérant.

40      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, concernant notamment le statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») et la réglementation applicable au personnel de la Banque centrale européenne (BCE), des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une demande précontentieuse contestant un acte faisant grief ont pour effet de saisir le Tribunal de cet acte lorsqu’elles sont, en tant que telles, dépourvues de contenu autonome (voir, en ce sens, arrêts du 16 janvier 2018, SE/Conseil, T‑231/17, non publié, EU:T:2018:3, point 21 et jurisprudence citée, et du 26 mars 2020, Teeäär/BCE, T‑547/18, EU:T:2020:119, point 24 et jurisprudence citée).

41      Il importe de rappeler que la procédure précontentieuse de conciliation propre aux affaires opposant la BEI à ses agents, régie par l’article 41 du règlement du personnel dans sa version applicable aux agents tel que le requérant, entré en service de la BEI avant le 1er juillet 2013, poursuit le même objectif que la procédure précontentieuse obligatoire instituée par l’article 90 du statut et par la réglementation applicable au personnel de la BEI, en ce qu’elle vise également à permettre un règlement amiable des différends en donnant à la BEI la possibilité de revenir sur l’acte contesté et au membre du personnel concerné la faculté d’accepter la motivation à la base de cet acte et de renoncer, le cas échéant, à l’introduction d’un recours (arrêt du 17 mars 2021, EJ/BEI, T‑585/19, non publié, EU:T:2021:142, point 23).

42      Dans ces conditions, et par analogie avec la jurisprudence citée au point 40 ci-dessus, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision du président de la BEI mettant fin à la procédure de conciliation ont pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief constituant l’objet de cette procédure de conciliation, sauf dans l’hypothèse où la décision du président de la BEI aurait une portée différente de celle faisant l’objet de la procédure de conciliation.

43      En l’espèce, le requérant demande l’annulation, en tant que de besoin, de la lettre du 30 juillet 2020. Or, il convient d’observer que la lettre du 30 juillet 2020 ne fait qu’entériner les conclusions de la commission de conciliation, constater l’échec de la procédure de conciliation et confirmer les actes attaqués. Ainsi, les conclusions en annulation de cette lettre du président de la BEI étant dépourvues de contenu autonome, il n’y a pas lieu de statuer spécifiquement sur celles-ci. Il conviendra néanmoins, lors de l’examen de la légalité des actes attaqués, de prendre en considération la motivation figurant dans ledit acte, ainsi que dans le rapport de la commission de conciliation joint à ce même acte, cette motivation étant censée coïncider avec celle des actes attaqués (voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2021, EJ/BEI, T‑585/19, non publié, EU:T:2021:142, point 25).

44      En troisième lieu, il convient de relever que la BEI soutient que le délai pour introduire le présent recours a expiré, étant donné qu’il devrait commencer à courir à partir du moment où le requérant a refusé la proposition formulée dans le cadre de la commission de conciliation.

45      En l’espèce, il convient de rappeler que le recours a été introduit dans le délai de trois mois et dix jours à partir du moment où le président de la commission de conciliation a remis le procès-verbal dans lequel il constatait, notamment, l’échec de la procédure de conciliation.

46      L’article 41 du règlement du personnel, dans sa version applicable en l’espèce, stipule ce qui suit :

« Les différends de toute nature d’ordre individuel entre la [BEI] et les membres de son personnel sont portés devant la Cour de justice [de l’Union européenne]. Les différends, autres que ceux découlant de la mise en jeu de mesures prévues à l’article 38, font l’objet d’une procédure amiable devant la commission de conciliation de la [BEI] et ce, indépendamment de l’action introduite devant la Cour de justice [de l’Union européenne]. »

47      Il convient de noter que cette disposition n’impose aucun délai obligatoire contraignant, que ce soit pour déposer une demande de conciliation ou pour déposer un recours auprès du Tribunal.

48      Or, il ressort de la jurisprudence que, dans le cas d’un recours ou d’une demande dont aucune disposition du droit de l’Union n’a prévu le délai dans lequel ce recours ou cette demande doivent être introduits, un tel recours ou une telle demande doivent être introduits dans un délai raisonnable (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2013, Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI, C‑334/12 RX‑II, EU:C:2013:134, point 33).

49      En ce qui concerne les recours visés par l’article 41 du règlement du personnel, dans sa version applicable en l’espèce, leur recevabilité n’était nullement subordonnée à l’épuisement de la procédure de conciliation qui y était mentionnée (arrêt du 27 avril 2012, De Nicola/BEI, T‑37/10 P, EU:T:2012:205, point 75). Or, si l’agent de la BEI concerné demande la mise en œuvre d’une telle procédure, le délai pour l’introduction d’un recours devant le juge de l’Union ne commence à courir qu’à partir du moment où la procédure de conciliation a pris fin, à condition toutefois que l’agent ait formulé une demande de conciliation dans un délai raisonnable après avoir reçu communication de l’acte lui faisant grief et que la durée de la procédure de conciliation elle-même ait été raisonnable (ordonnance du 27 septembre 2018, HS/BEI, T‑589/16, non publiée, EU:T:2018:622, point 55).

50      Il convient de préciser que la BEI ne conteste pas, en tant que tel, le délai dans lequel le présent recours a été introduit, mais uniquement le moment à partir duquel ledit délai a commencé à courir. Ce dernier, conformément à ce qui est établi au point 49 ci-dessus, doit être compris comme étant « le moment où la procédure de conciliation a pris fin ».

51      À cet égard, la BEI ne saurait être suivie lorsqu’elle affirme que le moment où la procédure de conciliation a pris fin est celui où le requérant a refusé la proposition présentée pendant la procédure de conciliation. En effet, il ressort du point 9 du procès-verbal du 4 juin 2020 que, face au désaccord des parties, c’est seulement ce même jour que le président de la commission de conciliation a considéré que la procédure de conciliation avait échoué et avait, par conséquent, pris fin. Il ne peut donc être considéré, comme le prétend la BEI, que ce serait le jour du rejet par le requérant de la proposition présentée dans le cadre de la procédure de conciliation qui ait constitué la fin de ladite procédure.

52      Le présent recours est donc recevable, puisqu’il a été introduit dans un délai de trois mois et dix jours à compter du procès-verbal du 4 juin 2020.

53      Partant, l’allégation de la BEI doit être rejetée.

 Sur les conclusions en annulation

54      Au soutien de ses conclusions en annulation, le requérant invoque six moyens, tirés, le premier, de la violation du droit d’être entendu, le deuxième, de la violation de l’obligation de motivation, le troisième, d’une erreur manifeste d’appréciation et, à titre subsidiaire, d’une exception d’illégalité, le quatrième, d’une violation de l’article 3, paragraphe 4, du règlement (CEE, Euratom, CECA) no 260/68 du Conseil, du 29 février 1968, portant fixation des conditions et de la procédure d’application de l’impôt établi au profit des Communautés européennes (JO 1968, L 56, p. 8), et d’une erreur manifeste d’appréciation, le cinquième, d’une violation de l’article 4, paragraphe 1, du règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) no 45/2001 et la décision no 1247/2002/CE (JO 2018, L 295, p. 39), ainsi que de la violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude et, le sixième, d’une violation de l’article 41 du règlement du personnel, du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude.

55      Le Tribunal estime qu’il y a lieu d’examiner d’emblée le deuxième moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

56      Par son deuxième moyen, le requérant fait valoir, en substance, que les actes attaqués ne sont pas motivés. Ainsi, il soutient que la BEI n’a pas explicité sa position dans la lettre du 11 octobre 2018. Il ajoute que, dans la lettre du 30 juillet 2020 par laquelle la BEI a acté l’échec de la procédure de conciliation, en confirmant la lettre du 11 octobre 2018, le président de la BEI n’indique pas comment il a exercé son pouvoir discrétionnaire. À cet égard, le requérant estime que ce dernier s’est contenté d’entériner l’absence de conciliation, alors même que l’avis de la commission de conciliation n’expose pas les positions respectives des parties et ne fait que reprendre la chronologie des faits, sans entrer dans le détail des questions soulevées au cours de ladite conciliation. Au stade de la réplique, il ajoute qu’il n’est pas possible de considérer que la lettre du 30 juillet 2020 soit motivée, car la direction générale (DG) « Personnel » de la BEI a refusé qu’un rapport sur la procédure de conciliation, comprenant une explication relative à la position de chacune des parties, soit transmis au président de celle-ci, alors que les membres de la commission de conciliation étaient pourtant d’accord pour qu’un tel rapport soit rédigé. À ce sujet, le requérant soutient que la DG « Personnel » de la BEI a transmis directement ses commentaires sur un projet de note au président de la commission de conciliation.

57      La BEI conteste cette argumentation.

58      À titre liminaire, il importe de souligner que l’obligation de motivation visée à l’article 296 TFUE et rappelée à l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») est un principe essentiel du droit de l’Union (ordonnance du 24 avril 2017, Dreimane/Commission, T‑618/16, non publiée, EU:T:2017:293, point 36), qui a pour objectif, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours juridictionnel tendant à en contester la légalité et, d’autre part, de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle (voir arrêt du 23 septembre 2004, Hectors/Parlement, C‑150/03 P, EU:C:2004:555, point 39 et jurisprudence citée).

59      La motivation d’une décision s’apprécie au regard non seulement de son libellé, mais également de son contexte et de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Ainsi, une décision est suffisamment motivée dès lors qu’elle est intervenue dans un contexte connu de l’intéressé qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 1er avril 2004, N/Commission, T‑198/02, EU:T:2004:101, point 70 et jurisprudence citée).

60      Il y a, cependant, lieu de rappeler que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêt du 1er mars 2017, Silvan/Commission, T‑698/15 P, non publié, EU:T:2017:131, point 17 et jurisprudence citée).

61      En ce qui concerne, en premier lieu, les lettres du 11 octobre 2018 et du 7 janvier 2019, il y a lieu de constater que, par la lettre du 11 octobre 2018, la BEI a d’abord informé le requérant que A avait introduit une demande de conciliation au sujet du paiement de l’allocation de famille et des allocations pour enfant à charge, car elle considérait, en substance, que ce type d’allocations devait bénéficier au parent à qui la garde des enfants était confiée. À cet égard, la BEI a constaté que la garde des enfants du requérant et de A avait été confiée à A. Ensuite, elle a reproduit le raisonnement qu’avait suivi la commission de conciliation nommée dans le cadre d’une autre procédure, au terme de laquelle il avait été considéré, le 13 juillet 2018, que les dispositions pertinentes du règlement du personnel devaient être interprétées en ce sens que, dans le cas d’un parent non marié, séparé ou divorcé ayant la garde de l’enfant, le membre du personnel devant bénéficier des allocations familiales était ledit parent, y compris lorsque l’autre parent était également employé par la BEI et percevait un salaire mensuel plus élevé. Elle a précisé que le président de la BEI avait décidé de l’appliquer, en l’espèce, au cas de A. Enfin, la BEI a informé le requérant qu’il en résultait que l’attribution de l’allocation de famille à A à partir du mois d’octobre 2018, pour les raisons qui viennent d’être évoquées, entraînait un certain nombre de conséquences pour lui, dont le fait qu’il ne bénéficierait dorénavant plus de l’ensemble des allocations familiales et des droits financiers dérivés. Elle a également ajouté que, dans la mesure où l’attribution de ceux-ci à A avait été prévue sur une base rétroactive comprenant la période s’étendant du mois de décembre 2017 au mois de septembre 2018, il aurait normalement convenu de les récupérer auprès du requérant, puisqu’ils ne pouvaient être payés aux deux parents en même temps. Cependant, au regard des circonstances particulières de cette affaire, elle a indiqué avoir renoncé audit recouvrement.

62      En outre, il convient de rappeler que, ainsi que cela a été constaté au point 36 ci-dessus, dans la lettre du 7 janvier 2019, la BEI a confirmé et complété la lettre du 11 octobre 2018 en répondant aux remarques formulées par le requérant dans ses lettres du 29 octobre 2018 et du 10 décembre 2018. Pour ce faire, premièrement, la BEI a expliqué la manière dont elle estimait qu’il convenait d’interpréter les différentes dispositions pertinentes du règlement du personnel pour les appliquer à la situation de A et du requérant, au regard de l’ordonnance de référé du 14 novembre 2017. Deuxièmement, elle a indiqué que les explications données précédemment, qui résultaient certes d’une procédure de conciliation introduite par un autre membre du personnel de la BEI, avaient vocation à s’appliquer à tous les membres dudit personnel, y compris le requérant, puisqu’elles visaient à clarifier l’application des règles relatives à l’attribution de l’allocation de famille et des droits financiers dérivés. Troisièmement, elle a souligné que les membres de la commission de conciliation dans la procédure en question étaient bien impartiaux, et en a précisé l’identité. Quatrièmement, elle a précisé que les mesures annoncées dans la lettre du 11 octobre 2018 étaient fondées sur les faits tels qu’ils se présentaient lors de leur adoption et qu’elles étaient susceptibles d’être révisées en cas de circonstances nouvelles. Cinquièmement, elle a pris acte des accusations formulées par le requérant à l’encontre de A, en lui indiquant à qui elles devaient être communiquées pour être, le cas échéant, appréciées.

63      Au regard de ce qui précède, il convient de constater que c’est à tort que le requérant soutient que la BEI n’a pas explicité sa position dans la lettre du 11 octobre 2018. En effet, il ressort des points 61 et 62 ci-dessus que la lettre du 11 octobre 2018, appréciée en tenant compte des précisions apportées par la BEI dans sa lettre du 7 janvier 2019, fournissait au requérant une indication suffisante pour lui permettre d’en comprendre le bien-fondé et, le cas échéant, de la contester devant le juge de l’Union, lequel était également mis en mesure d’exercer son contrôle sur la légalité de ladite lettre.

64      En ce qui concerne, en second lieu, la lettre du 30 juillet 2020, il suffit de rappeler que, pour les raisons indiquées au point 43 ci-dessus, elle est dépourvue de contenu autonome. Dès lors, il n’y a pas lieu de statuer spécifiquement sur celle-ci.

65      Au regard de ce qui précède, il convient d’écarter le deuxième moyen.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation du droit d’être entendu

66      Par son premier moyen, le requérant fait valoir, en substance, qu’il n’a pas été entendu avant l’adoption de la lettre du 11 octobre 2018. À cet égard, il précise que ladite lettre fait suite à une procédure de conciliation ouverte par A et dont il n’avait pas été informé. Il soutient que celle-ci a été conclue en appliquant, par analogie, une décision adoptée par la BEI dans une autre procédure de conciliation introduite par un autre agent et dont il ignorait les éléments factuels et juridiques. Il affirme que cela représente à la fois une violation de la procédure de conciliation et une violation de l’article 41 de la Charte. Il considère également que, s’il avait été entendu, le résultat de la procédure de conciliation litigieuse aurait été différent.

67      La BEI conteste l’argumentation du requérant.

68      À titre liminaire, il convient de rappeler que le droit à une bonne administration, tel que consacré par l’article 41 de la Charte, lequel est d’application générale, inclut le droit procédural, prévu au paragraphe 2, sous a), dudit article, de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard (voir arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 149 et jurisprudence citée).

69      Le droit d’être entendu garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (arrêt du 4 avril 2019, OZ/BEI, C‑558/17 P, EU:C:2019:289, point 53).

70      Le droit d’être entendu poursuit un double objectif : d’une part, il sert à l’instruction du dossier et à l’établissement des faits le plus précisément et correctement possible et, d’autre part, il permet d’assurer une protection effective de l’intéressé. Le droit d’être entendu vise en particulier à garantir que toute décision faisant grief est adoptée en pleine connaissance de cause et a notamment pour objectif de permettre à l’autorité compétente de corriger une erreur ou à la personne concernée de faire valoir les éléments relatifs à sa situation personnelle qui militent pour que la décision soit prise, ne soit pas prise ou ait tel ou tel contenu (voir arrêt du 13 décembre 2017, HQ/OCVV, T‑592/16, non publié, EU:T:2017:897, point 85 et jurisprudence citée).

71      Le droit d’être entendu implique également que l’administration prête toute l’attention requise aux observations ainsi soumises par l’intéressé en examinant, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir arrêt du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, point 88 et jurisprudence citée).

72      C’est au regard des considérations qui précèdent qu’il convient de se prononcer, en l’espèce, sur la question de savoir si le droit d’être entendu du requérant a été violé.

73      À cet égard, ainsi qu’il ressort du point 35 ci-dessus, il est constant que, par la lettre du 11 octobre 2018, le requérant s’est vu adresser une communication de la BEI par laquelle il a été informé qu’il ne percevrait plus le paiement de l’allocation de famille, des allocations pour enfant à charge et des allocations scolaires. Dès lors, ladite lettre avait pour objet d’informer le requérant de l’issue d’une procédure de conciliation engagée par A, sans qu’il ait été invité à être entendu dans le cadre de cette procédure.

74      En revanche, ainsi qu’il ressort du point 36 ci-dessus, il convient de constater que la lettre du 7 janvier 2019, qui confirmait la lettre du 11 octobre 2018 tout en précisant et en développant la motivation qui figurait dans celle-ci, a été adoptée à la suite des observations formulées par le requérant dans ses lettres du 29 octobre et du 10 décembre 2018. Ainsi, il y a lieu de constater que le requérant a pu commenter le raisonnement exposé par la BEI dans sa lettre initiale du 11 octobre 2018 et présenter ses observations sur les motifs qui y figuraient, celles-ci ayant été prises en compte avant la prise de position exprimée par la BEI dans sa lettre du 7 janvier 2019.

75      Dès lors, il y a lieu de constater qu’il ne saurait être considéré que le droit d’être entendu du requérant n’a pas été respecté en l’espèce.

76      Par conséquent, il convient d’écarter le premier moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et, à titre subsidiaire, d’une exception d’illégalité des dispositions administratives relatives aux allocations familiales

77      Par son troisième moyen, le requérant fait valoir, en substance, que la BEI a commis une erreur manifeste d’appréciation en adoptant les actes attaqués.

78      Premièrement, le requérant soutient qu’il résulterait des arrêts du 3 mars 1993, Peroulakis/Commission (T‑69/91, EU:T:1993:16), du 11 juillet 2000, Skrzypek/Commission (T‑134/99, EU:T:2000:184), et du 10 octobre 2006, Arranz Benitez/Parlement (T‑87/04, EU:T:2006:297), qu’il appartient à l’institution d’examiner et de vérifier la situation de fait existante, c’est-à-dire de procéder à un examen concret de tous les éléments relatifs à l’entretien des enfants. En particulier, le fait que l’un des fonctionnaires se soit vu confier la garde des enfants ne suffit pas pour exclure que l’autre fonctionnaire contribue également à leur entretien. Au contraire, les enfants des deux fonctionnaires divorcés pourraient être considérés comme étant effectivement entretenus simultanément par ces deux fonctionnaires et donc comme étant simultanément à leur charge.

79      Deuxièmement, le requérant prétend qu’en vertu de la jurisprudence, si l’existence d’une décision de justice rendue par une juridiction nationale, fixant le montant des contributions aux frais d’entretien des enfants auxquelles un fonctionnaire divorcé serait tenu, constitue un élément devant être pris en considération par l’administration, cet élément ne saurait dispenser cette dernière d’exercer elle-même son pouvoir d’appréciation aux fins de déterminer si ce fonctionnaire contribue effectivement à l’entretien des enfants.

80      Troisièmement, le requérant constate que, eu égard à la jurisprudence citée, les deux fonctionnaires ou agents divorcés seraient potentiellement éligibles aux allocations pour enfant à charge dès lors que leurs enfants dépendent de chacun d’eux simultanément. Dans la mesure où seule une allocation pour enfant à charge pourrait être accordée, le choix du parent qui la recevrait, en tout ou en partie, devrait être effectué selon les dispositions internes de l’institution concernée, ce qui serait, par exemple, le cas au sein de la Commission européenne. Ce serait également le sens de la recommandation de la Médiatrice européenne à l’attention de la BEI du 18 juillet 2016.

81      Quatrièmement, par les ordonnances de référé du juge luxembourgeois, le requérant aurait été condamné à payer à A une pension alimentaire de cinq fois 300 euros par mois, à titre de contribution à l’entretien et à l’éducation de leurs cinq enfants. Par ailleurs, par le jugement du 9 janvier 2019, la résidence des cinq enfants aurait été fixée chez A et le requérant n’aurait qu’un droit de visite et d’hébergement un week-end sur deux ainsi que la moitié des vacances scolaires. Il conduirait également les enfants à l’école et les récupérerait un soir toutes les deux semaines. Sous le régime provisoire actuel, les enfants passeraient environ 90 jours par an avec le requérant et partiraient en vacances avec lui au moins trois fois par an. Outre les autres frais fixes et permanents liés aux enfants, le requérant prendrait en charge tous les frais pendant ces vacances et ces week-ends. Le requérant ajoute que le juge luxembourgeois aurait constaté que A n’avait pas démontré qu’elle aurait eu des dépenses particulières avec les enfants. En tout état de cause, la plupart des dépenses non fixes seraient engagées durant les week-ends et les vacances, pendant lesquels les enfants passeraient exactement la moitié du temps avec chaque parent. Par ailleurs, le requérant aurait dû se rééquiper entièrement pour pouvoir accueillir ses enfants chez lui. Dès lors, il serait en droit de prétendre au versement des indemnités concernées à parts égales entre son ex-épouse et lui. Le simple fait que le requérant paie une pension alimentaire d’au moins 50 % du montant de l’allocation pour enfant à charge devrait permettre de considérer qu’il contribue à l’entretien effectif des enfants.

82      Cinquièmement, selon le requérant, les règles applicables devraient être interprétées conformément à leur objectif, lequel est de permettre l’entretien effectif des enfants, de sorte que prétendre que les règles de la BEI n’autoriseraient pas un tel partage violerait les dispositions en cause.

83      À titre subsidiaire, le requérant soulève une exception d’illégalité en ce qui concerne les règles internes de la BEI. À cet égard, il prétend que, si ces règles ne prévoient pas un partage des allocations entre les parents entretenant effectivement leurs enfants, elles sont contraires aux principes d’égalité de traitement et de proportionnalité. En effet, l’application littérale des dispositions de la BEI serait injuste en ce sens que ces dispositions ne répondraient pas à l’objectif qui leur serait confié. Or, dans la mesure où les dispositions contestées auraient pour effet d’aider un parent au détriment de l’autre, elles enfreindraient en réalité le principe de non-discrimination et le principe de proportionnalité. En ne recevant pas l’allocation de famille et en ne bénéficiant pas des abattements fiscaux, le requérant serait même traité moins favorablement qu’un agent marié, sans enfants, qui aurait quand même droit à l’allocation de famille.

84      Au stade de la réplique, le requérant ajoute que ce seraient ses revenus et non pas ceux de son ex-conjointe qui seraient sensiblement diminués du fait de leur séparation. S’il conteste les dispositions pertinentes sur la base du principe de non-discrimination, c’est uniquement et essentiellement parce qu’il contribue effectivement à l’entretien de ses cinq enfants, ne serait-ce que par application des ordonnances de référé du juge luxembourgeois.

85      Par ailleurs, le requérant ne conteste pas la règle selon laquelle « la preuve concernant les coûts soutenus est à charge du parent qui ne vit pas avec ses enfants ». Néanmoins, la BEI aurait eu connaissance des frais de garderie, de CPE et des pensions alimentaires payés par le requérant. D’ailleurs depuis sa lettre du 29 octobre 2018 et pendant la procédure de conciliation, le requérant aurait apporté la preuve du paiement de plusieurs frais et de coûts additionnels des enfants. À cet égard, il produit les annexes C.2 et C.3.

86      La BEI conteste cette argumentation.

87      Au stade de la duplique, la BEI ajoute que, pendant la procédure de conciliation, le requérant n’a pas fait référence aux documents produits au stade de la réplique. En effet, les annexes qu’il a produites ne seraient pas à même de démontrer avec une force probatoire qui permette de dépasser le principe établi par l’article 2.2.1 des dispositions administratives qu’il assumerait régulièrement des frais pour ses enfants, au-delà de ce qui a été fixé par les juges luxembourgeois. En fait, l’annexe C.2 ne concernerait qu’en partie les coûts assumés par le requérant à l’égard de ses enfants et rapporterait les prises de position des juges nationaux concernant la répartition des frais supportés par les anciens époux ainsi que la séparation de leurs biens communs. L’annexe C.3, quant à elle, inclurait toute une série de documents comptables concernant des frais supportés par le requérant. La BEI constate qu’il est impossible de déterminer s’il s’agit de frais qui sont compris dans ceux mentionnés dans l’annexe C.2 ou s’il s’agit d’autres frais, ni si ces documents ont été déjà produits pendant la procédure de conciliation.

88      À titre liminaire, il convient d’observer que les articles 2.2.1 et 2.2.2 des dispositions administratives se lisent comme suit :

« 2.2.1. Allocation de famille

Ont droit à l’allocation de famille de 5 % du traitement mensuel de base :

a)      le membre du personnel marié ;

b)      le membre du personnel séparé légalement ou divorcé pour autant qu’il ait l’obligation d’assurer l’entretien de son conjoint à titre principal en vertu d’un jugement ;

c)      le membre du personnel célibataire, séparé légalement, divorcé ou veuf, s’il a droit à l’allocation pour enfant à charge (voir point 2.2.3.).

Le Comité de direction fixe le montant minimum de l’allocation (voir annexe I).

Si deux conjoints sont employés à la Banque, l’allocation est versée à celui dont le traitement mensuel de base est le plus élevé. Si l’un des conjoints est employé à la Banque et l’autre dans une autre organisation internationale, le membre du personnel de la Banque perçoit l’allocation au cas où l’autre organisation ne verse pas d’allocation de même nature à son conjoint.

En cas de décès de la seule personne du chef de laquelle le droit à l’allocation est ouvert, le versement est interrompu à l’issue du sixième mois suivant la date du décès.

La présente disposition s’applique mutatis mutandis aux titulaires d’une pension versée par la Banque.

2.2.2. Enfant à charge

Lorsqu’il est effectivement entretenu par le membre du personnel, son enfant légitime, légitimé, naturel reconnu, adoptif ou l’enfant d’un autre lit, est considéré comme enfant à charge de celui-ci, si la Banque ou une autre institution de l’Union européenne ne considère pas l’enfant comme enfant à charge d’un autre membre du personnel, respectivement d’un de ses fonctionnaires ou agents, et à condition que l’enfant n’exerce pas d’activité professionnelle rémunérée.

Dans les mêmes conditions, la Banque peut également considérer comme enfant à sa charge un enfant recueilli par le membre du personnel.

Sont considérés comme effectivement entretenus par le membre du personnel l’enfant qui vit sous son toit et l’enfant à l’entretien duquel il contribue pour un montant au moins 50 % plus élevé que le montant de l’allocation pour enfant à charge (voir annexe I). »

89      En premier lieu, il convient de relever que, conformément à l’article 2.2.2 des dispositions administratives, aussi bien l’enfant qui vit sous le toit du membre du personnel (ci-après le « premier critère de l’article 2.2.2 des dispositions administratives ») que l’enfant à l’entretien duquel le membre du personnel contribue pour un montant au moins pour moitié plus élevé que le montant de l’allocation pour enfant à charge (ci-après le « second critère de l’article 2.2.2 des dispositions administratives ») sont considérés comme effectivement entretenus par le membre du personnel et donc à sa charge. Toutefois, le parent sous le toit duquel l’enfant vit n’a pas besoin de justifier de frais d’entretien pour être considéré comme un parent entretenant effectivement son enfant et, par conséquent, comme un parent éligible aux allocations familiales. Par ailleurs, l’article 2.2.2 des dispositions administratives ne prévoit pas qu’un enfant puisse être considéré comme effectivement entretenu par deux parents membres du personnel de la BEI étant donné que, sur la base de cette disposition, un enfant peut uniquement être considéré comme effectivement entretenu par un membre du personnel si la BEI ou une autre institution de l’Union ne considère pas cet enfant comme enfant à charge d’un autre membre du personnel.

90      À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ressort du dossier que, le 14 novembre 2017, le juge luxembourgeois a adopté une ordonnance de référé par laquelle il a accordé la garde provisoire des enfants du requérant et de A à cette dernière. À la lumière de cette décision, la BEI a informé le requérant, par une communication du 24 novembre 2017, que A s’était vu accorder les allocations pour enfant à charge et les allocations scolaires, ce que le requérant, comme il l’admet, a tacitement accepté et n’a pas contesté. Toutefois, le requérant continuait à percevoir l’allocation de famille ainsi que les allocations de voyage au centre d’intérêt pour les enfants et à bénéficier des abattements fiscaux.

91      Comme cela ressort de la lettre de la BEI du 11 octobre 2017, celle-ci a constaté, sur la base de l’ordonnance de référé du 14 novembre 2017, que les enfants du requérant et de A, puisqu’ils vivaient sous le toit de A, devaient être considérés, conformément à l’article 2.2.2 des dispositions administratives, comme étant « effectivement entretenus » par A et donc comme étant à sa charge. En l’espèce, la BEI a donc estimé que seule A devait avoir droit à l’allocation de famille. En outre, étant donné que le versement des allocations pour voyage au centre d’intérêt pour les enfants doit être effectué au profit du bénéficiaire de l’allocation pour enfant à charge et que l’application des abattements fiscaux fait suite au versement de l’indemnité correspondante, ces droits devaient également être attribués à A. Toutefois, compte tenu du caractère exceptionnel du cas du requérant, la BEI a décidé de ne pas récupérer rétroactivement les prestations familiales en question.

92      Dès lors, il convient de constater que, en ce qui concerne les allocations sur lesquelles le juge luxembourgeois s’est directement prononcé, à savoir les allocations pour enfant à charge et les allocations scolaires, la BEI s’est fondée, pour émettre les actes attaqués, sur l’ordonnance de référé du 20 juillet 2018. En ce qui concerne les allocations restantes, la BEI s’est appuyée sur l’ordonnance de référé du 14 novembre 2017, confirmée en appel. Sur cette base, la BEI a correctement considéré que les enfants vivaient sous le même toit que A et étaient donc effectivement entretenus par celle-ci.

93      En deuxième lieu, en ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel, malgré l’ordonnance de référé du 14 novembre 2017, il entretiendrait effectivement ses enfants de manière conjointe avec A, il convient de relever que, comme l’admet la BEI, le second critère de l’article 2.2.2 des dispositions administratives prévoit la possibilité d’octroyer les allocations familiales au parent qui ne vit pas avec ses enfants, dans la mesure où cela ne contredit pas les règles établies par l’article 2.2.1. Le cas échéant, il revient au parent concerné de justifier des frais supplémentaires engagés pour l’entretien de ses enfants.

94      Toutefois, comme cela ressort de l’article 2.2.2 des dispositions administratives, un enfant ne peut être considéré comme à la charge que d’un seul des deux parents membres du personnel de la BEI.

95      En l’espèce, et comme cela ressort du point 92 ci-dessus, premièrement, c’est à bon droit que la BEI a reconnu A comme le parent entretenant effectivement les enfants, conformément au premier critère prévu à l’article 2.2.2 des dispositions administratives, selon lequel les enfants doivent vivre sous le même toit que le bénéficiaire des allocations familiales, et, partant, qu’elle lui a octroyé lesdites allocations familiales.

96      Deuxièmement, quant à l’argument du requérant selon lequel il aurait présenté à la BEI la preuve des prétendus frais supplémentaires qu’il avait engagés pour l’entretien de ses enfants, affirmation niée par la BEI, il y a lieu de relever que le requérant échoue à démontrer que les documents qu’il a soumis en annexe à sa réplique concernant les frais supplémentaires qu’il aurait engagés pour ses enfants ont été présentés à la BEI au stade de la procédure de conciliation.

97      À cet égard, le requérant produit pour la première fois, au stade de la réplique, les annexes C.2 et C.3.

98      Il convient de préciser que l’annexe C.2 se compose essentiellement de quatre parties, contenant des échanges de courriers entre les représentants des deux parties à la commission de conciliation, des propositions de modifications du procès-verbal mettant fin à ladite procédure, un renvoi aux décisions pertinentes des juridictions luxembourgeoises et l’exposé de montants relatifs aux frais engagés par le requérant pour ses enfants. Or, ladite annexe n’indique pas la source de ces frais, ni le calcul des montants exposés, ni les preuves concrètes qu’ils auraient effectivement été engagés. À cet égard, il ne ressort pas non plus de la correspondance des représentants des parties à la commission de conciliation que ces frais aient effectivement été présentés dans le cadre de la procédure de conciliation, contrairement à la référence expresse correspondant aux modifications du procès-verbal mettant fin à ladite procédure et aux ordonnances de référé du juge luxembourgeois. L’annexe C.3, quant à elle, inclut une série de documents comptables concernant des frais supportés par le requérant, mais il n’en ressort pas que ces documents aient effectivement été remis à la BEI dans le cadre de la procédure de conciliation.

99      À cet égard, en ce qui concerne les annexes C.2 et C.3, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve dans la réplique et la duplique à l’appui de leur argumentation, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié. En l’espèce, le requérant n’explique pas la raison pour laquelle ces annexes n’ont pas été présentées au stade de sa requête introductive d’instance. Il y a donc lieu de rejeter les annexes C.2 et C.3 comme irrecevables.

100    En troisième lieu, force est de constater que le requérant ne peut valablement se prévaloir des règles internes applicables au personnel d’autres institutions. En effet, la BEI dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour fixer et pour modifier les éléments de la rémunération de son personnel (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2017, Bodson e.a./BEI, T‑504/16 et T‑505/16, EU:T:2017:603, point 48 et jurisprudence citée) et, partant, pour fixer les conditions spécifiques d’octroi des allocations aux membres de son personnel. Or, il convient de rappeler à cet égard que l’allocation constitue une rémunération versée aux membres du personnel d’une institution de l’Union. En effet, selon une jurisprudence bien établie, il faut entendre par « rémunération », conformément à l’article 157, paragraphe 2, TFUE, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au travailleur en raison de l’emploi de ce dernier. Il est de jurisprudence constante que cette notion comprend tous les avantages, actuels ou futurs, pourvu qu’ils soient payés, fût-ce indirectement, par l’employeur au travailleur, en raison de l’emploi de ce dernier (voir, en ce sens, arrêt du 5 novembre 2014, Österreichischer Gewerkschaftsbund, C‑476/12, EU:C:2014:2332, point 16 et jurisprudence citée).

101    Par ailleurs, a fortiori compte tenu de son caractère juridiquement non contraignant, le requérant n’est pas fondé à invoquer la recommandation de la Médiatrice émise dans l’affaire 374/2014/DR, laquelle concerne, au demeurant, un cas particulier dans une période transitoire, dans l’attente d’une décision juridictionnelle nationale.

102    En quatrième lieu, il convient de rappeler que l’allocation pour enfant à charge répond à un objectif social justifié par les frais découlant d’une nécessité actuelle et certaine, liée à l’existence de l’enfant et à son entretien effectif (ordonnance du 27 avril 2015, Meyer/Commission, F‑90/14, EU:F:2015:35, point 26). Dès lors, les allégations du requérant quant aux frais qu’il a supportés dans le cadre du séjour périodique de ses enfants avec lui sont dénuées de pertinence puisque la garde provisoire des enfants a été accordée à A.

103    Par conséquent, il convient de constater que le requérant n’est pas fondé à prétendre que la BEI aurait dû lui reconnaître un droit au versement des allocations familiales.

104    S’agissant de l’exception d’illégalité soulevée à titre subsidiaire, il y a lieu de relever qu’elle est fondée sur la prétendue violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité par les dispositions administratives en cause.

105    En ce qui concerne le principe d’égalité de traitement, il convient de rappeler qu’il exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 15 avril 2010, Gualtieri/Commission, C‑485/08 P, EU:C:2010:188, point 70).

106    En ce qui concerne le principe de proportionnalité, il y a lieu de rappeler qu’il exige, selon la jurisprudence de la Cour, que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés eu égard aux buts visés (voir arrêt du 17 octobre 2013, Schaible, C‑101/12, EU:C:2013:661, point 29 et jurisprudence citée). En ce qui concerne le contrôle juridictionnel du respect de ces conditions, la Cour a reconnu au législateur de l’Union, dans le cadre de l’exercice des compétences qui lui sont conférées, un large pouvoir d’appréciation dans les domaines où son action implique des choix de nature tant politique qu’économique ou sociale et où il est appelé à effectuer des appréciations et des évaluations complexes. Ainsi, il ne s’agit pas de savoir si une mesure arrêtée dans un tel domaine était la seule ou la meilleure possible, seul le caractère manifestement inapproprié de celle-ci eu égard à l’objectif que les institutions compétentes entendent poursuivre pouvant affecter la légalité de cette mesure (voir arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑240/14 P, EU:T:2016:104, point 117 et jurisprudence citée).

107    En premier lieu, en ce qui concerne la prétendue violation du principe d’égalité de traitement, il suffit de constater, en réponse à l’argument du requérant selon lequel les dispositions administratives en cause ont pour effet de favoriser un parent au détriment de l’autre, que la situation d’un parent qui a la garde de son enfant et celle d’un parent qui ne l’a pas sont différentes et que, par conséquent, les dispositions administratives peuvent prévoir un traitement différent pour chacune de ces situations. À cet égard, l’octroi des allocations familiales a pour objectif de permettre une prise en charge effective des enfants, notamment lorsque la garde de ceux-ci est octroyée à l’un des parents à titre principal. Ainsi, le principe qui sous-tend l’attribution des allocations familiales a pour objet de favoriser non les parents, mais uniquement le développement et l’éducation des enfants.

108    En second lieu, en ce qui concerne la prétendue violation du principe de proportionnalité et ainsi qu’il ressort en substance du point 102 ci-dessus, l’objectif de l’octroi des allocations familiales, sur la base des dispositions administratives, est de répondre aux nécessités actuelles et certaines liées à l’existence d’un enfant et à son entretien effectif. De ce point de vue, le requérant n’a pas démontré que l’octroi de ces allocations au parent sous le toit duquel vivaient les enfants et qui avait la garde provisoire de ces derniers était manifestement inappropriée eu égard à cet objectif.

109    Partant, il convient de rejeter le troisième moyen dans son ensemble.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 3, paragraphe 4, du règlement no 260/68 et d’une erreur manifeste d’appréciation

110    Premièrement, le requérant fait valoir que, selon le règlement no 260/68, les allocations familiales sont déductibles de la charge imposable et que, pour chaque enfant à charge de l’assujetti, un abattement supplémentaire équivalant au double du montant de l’allocation pour enfant à charge est opéré. À cet égard, il ressortirait de l’arrêt du 12 novembre 2002, López Cejudo/Commission (T‑271/01, EU:T:2002:272), que le droit aux bénéfices dérivés des allocations familiales se justifie pour les mêmes raisons que celles pour lesquelles se justifie le droit à ces mêmes allocations, à savoir l’entretien des enfants concernés. Par conséquent, dans le cas où deux fonctionnaires divorcés contribueraient tous les deux à l’entretien effectif de leurs enfants, le partage des bénéfices dérivés des allocations litigieuses correspondrait à une correcte application des dispositions du statut applicables en l’espèce.

111    Deuxièmement, le fait que le ou les enfants relèveraient de la garde de l’un des deux parents n’aurait pas pour effet qu’ils ne puissent être considérés comme étant également et simultanément entretenus de façon effective par l’autre parent. La seule condition pour l’octroi de l’abattement fiscal serait qu’il y ait des enfants à charge ou effectivement entretenus. L’autre parent, si cet entretien effectif existe, ce qu’il reviendrait à l’institution de vérifier, devrait également pouvoir bénéficier, selon la jurisprudence précitée, de l’abattement fiscal.

112    Troisièmement, dans la mesure où le requérant contribuerait effectivement à l’entretien effectif de ses enfants, il aurait dû bénéficier de l’abattement supplémentaire visé à l’article 3, paragraphe 4, du règlement no 260/68.

113    La BEI conteste cette argumentation.

114    À cet égard, il y a lieu de relever que, conformément à l’article 3, paragraphe 3, sous a), du règlement no 260/68, les allocations familiales sont déduites de la base imposable.

115    Ainsi que cela ressort de l’analyse du moyen précédent, la BEI a pu à bon droit considérer que les allocations familiales devaient être, en l’espèce, versées à A et non au requérant simultanément.

116    Or, si le règlement no 260/68 prévoit clairement que les allocations peuvent être déduites de la base imposable sur laquelle est calculé l’impôt dû chaque mois par les fonctionnaires et agents de l’Union, aucune exception n’est mentionnée.

117    Dès lors, dans la mesure où le requérant ne perçoit pas les allocations familiales, il n’est pas fondé à se prévaloir d’un éventuel droit à déduire de telles allocations de la base imposable sur laquelle est calculé son impôt.

118    Partant, il convient de rejeter le quatrième moyen.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du règlement 2018/1725, du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude

119    Le requérant fait valoir que, dans ses démarches devant les juges luxembourgeois compétents, A a utilisé des informations personnelles le concernant, qu’elle a obtenues illicitement. Or, les informations ainsi obtenues auraient permis au juge luxembourgeois de rendre des jugements qui seraient à l’origine des actes attaqués.

120    A aurait également présenté des certificats et des témoignages écrits délivrés par différents dirigeants de la BEI, qui auraient été utilisés dans le cadre des procédures judiciaires liées à la garde des enfants. Il serait à noter que ces dirigeants n’auraient aucune relation avec les enfants du requérant et n’auraient jamais visité la maison familiale.

121    Le requérant aurait contacté le directeur des ressources humaines de l’époque pour l’informer de cet accès illicite à ses données et lui demander de diligenter une enquête. Cette requête serait déjà formulée dans sa demande du 29 octobre 2018. Le directeur des ressources humaines l’aurait invité à s’adresser à l’inspection générale, à la DG « Conformité » ou au délégué à la protection des données s’il souhaitait approfondir la prétendue violation de ses informations personnelles.

122    Ainsi, les actes attaqués résulteraient de jugements du juge national, lesquels auraient retenu comme décisives certaines déclarations faites par des agents de la BEI. Dans la mesure où les jugements nationaux ont estimé pouvoir retenir des attestations faites irrégulièrement et où les actes attaqués tiendraient compte des jugements, ils seraient entachés de la même irrégularité, à savoir la violation des données personnelles du requérant et, en particulier, la violation de l’article 4, paragraphe 1, du règlement 2018/1725, de l’article 12 du règlement du personnel et du principe d’impartialité, puisque les personnes qui auraient fourni des attestations soumises ensuite au juge national, sans autorisation préalable, seraient des amis de A et seraient intervenues dans la prise des actes attaqués.

123    Au stade de la réplique, le requérant ajoute que le code de conduite du personnel de la BEI prévoit plusieurs dispositions relatives au principe de confidentialité ou à la protection des données personnelles.

124    La BEI conteste cette argumentation.

125    Il y a lieu de rappeler que, s’il était établi que, en l’absence d’une irrégularité alléguée, l’institution qui a adopté une décision serait parvenue à un résultat identique, dans la mesure où le vice en question n’était, en tout état de cause, pas susceptible d’influencer le contenu de la décision attaquée, il n’y aurait pas lieu d’annuler cette dernière (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2007, González y Díez/Commission, T‑25/04, EU:T:2007:257, point 74).

126    En l’espèce, tout d’abord, il convient d’observer que la lettre du 11 octobre 2018 n’aborde pas la question de la violation alléguée des données personnelles du requérant. Ensuite, s’il est vrai que la lettre du 7 janvier 2019 aborde cette question, il convient de noter qu’elle ne l’aborde que dans le cadre de l’opportunité éventuelle pour le requérant de se référer à l’inspection générale ou à la DG « Conformité ». Dès lors, les actes attaqués ne contiennent pas de position définitive de la BEI sur l’allégation du requérant quant à la violation de ses données personnelles.

127    À cet égard, il y a donc lieu de conclure que le requérant ne montre pas de quelle manière la prétendue violation de ses données personnelles aurait eu une incidence sur le contenu des actes attaqués concernant l’octroi des allocations familiales à A. Au demeurant, il convient de constater que l’incidence de la divulgation alléguée des données personnelles du requérant par la BEI sur le contenu des ordonnances de référé du juge luxembourgeois n’est pas pertinente pour apprécier la légalité des actes attaqués. Ainsi, il est à noter que la BEI ne pouvait contester lesdites ordonnances et qu’il appartenait au requérant de les contester éventuellement, conformément aux voies de droit établies par le droit de l’État membre concerné. En tout état de cause, l’irrégularité alléguée n’était pas susceptible d’influencer le contenu des actes attaqués au sens de la jurisprudence citée au point 125 ci-dessus.

128    Partant, le cinquième moyen doit être rejeté.

 Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l’article 41 du règlement du personnel, du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude

129    Premièrement, le requérant soutient que la commission de conciliation qu’il a sollicitée le 29 octobre 2018 et le 11 janvier 2019 n’a été ouverte que le 17 avril 2019, soit plus de six mois après la première demande de conciliation. Par ailleurs, la procédure de conciliation ne serait arrivée à son terme que le 4 juin 2020, soit plus d’un an et demi après sa demande. À cet égard, le requérant souligne également la rapidité avec laquelle la BEI a répondu aux demandes de A, diligence qui contrasterait avec l’absence de réponse à ses propres demandes et lettres et avec les retards inacceptables dans le processus de conciliation.

130    Deuxièmement, la proposition faite par la BEI le 15 mars 2020 ne pouvait pas obtenir son assentiment, dès lors qu’il était question que l’accord sur le point spécifique de la répartition par moitié des allocations pour enfant à charge et des allocations scolaires soit soumis à de nouvelles dispositions administratives dont il n’aurait pas eu connaissance. Or, contrairement à ce que la BEI a soutenu lors de la procédure de conciliation en mars 2020, elle savait déjà que les nouvelles règles contrevenaient à l’arrangement proposé. Ainsi, ces nouvelles règles n’auraient pas permis de garantir la pérennité de l’accord proposé, puisqu’actuellement, et provisoirement, le requérant ne disposerait que de droits de visite et d’hébergement et A aurait la garde des enfants.

131    Au stade de la réplique, le requérant ajoute que la BEI n’a jamais répondu à sa lettre du 29 octobre 2018. La BEI aurait également refusé tous les noms qu’il avait proposés pour la fonction de président de la commission de conciliation, pour des raisons qui se seraient avérées non fondées. Lors de la procédure de conciliation, la BEI n’aurait présenté une proposition qu’en mars 2020, sans toutefois pouvoir garantir que l’application d’une telle proposition ne serait pas affectée par le nouveau régime. Du reste, le requérant n’aurait pas accepté la proposition de la BEI, car cette dernière n’aurait pas garanti la pérennité de l’accord.

132    La BEI conteste cette argumentation. Elle explique qu’elle a confirmé l’ouverture de la procédure de conciliation le 17 avril 2019 et que la commission de conciliation a été formée le 17 mai 2019, également notamment parce que le requérant n’avait pas accepté ses différentes propositions de nomination du président de ladite commission. Le requérant ne pourrait donc pas lui imputer le retard dans l’instauration de la commission de conciliation et le début de ses travaux. Par ailleurs, la demande d’ouverture d’une procédure de conciliation, qui aurait été présentée par le requérant le 11 octobre 2018 à titre subsidiaire seulement, était de toute façon subordonnée à la réception par celui-ci des explications de la BEI sur le fond de ses observations. Ces réponses auraient été reçues par le requérant le 7 janvier 2019. Le requérant aurait ensuite formellement introduit la demande de conciliation le 11 janvier 2019. Bien qu’un certain laps de temps se soit écoulé entre cette demande et l’ouverture concrète de la procédure, la BEI estime que, compte tenu du cadre factuel délicat en question, l’ouverture de ladite procédure est intervenue dans un délai raisonnable.

133    L’article 41 du règlement du personnel énonce une règle de bonne administration dont le but est d’éviter, dans l’intérêt tant de l’administration que des agents, un retard injustifié dans l’adoption de la décision finale de l’institution mettant fin à une procédure de conciliation. Il en découle que la BEI a l’obligation de mener avec diligence ladite procédure et d’agir de telle sorte que chaque acte de la procédure intervienne dans un délai raisonnable au regard de l’acte précédent (voir, par analogie, arrêt du 10 juin 2004, François/Commission, T‑307/01, EU:T:2004:180, point 47 et jurisprudence citée).

134    Or, il convient de rappeler qu’une violation du principe du délai raisonnable ne saurait emporter l’annulation d’un acte que si ladite violation a affecté l’exercice, par son destinataire, des droits de la défense. En effet, le dépassement du délai raisonnable ne peut constituer un motif d’annulation d’une décision que s’il a été établi qu’il a porté atteinte aux garanties requises pour que l’intéressé présente son point de vue. En dehors de cette hypothèse spécifique, le non-respect de l’obligation de prendre une décision dans un délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure administrative (voir arrêt du 20 septembre 2019, LL/Parlement, T‑615/15 RENV, non publié, EU:T:2019:636, point 106 et jurisprudence citée).

135    En premier lieu, le requérant allègue que la BEI a violé le délai prévu à l’article 41 du règlement du personnel, tant au stade de la formation de la commission de conciliation qu’au stade de l’achèvement de la procédure de conciliation.

136    En l’espèce, le requérant ne montre pas en quoi une éventuelle violation du principe du délai raisonnable prévu à l’article 41 du règlement du personnel l’aurait empêché d’exercer ses droits de la défense et de présenter son point de vue dans le cadre de la procédure de conciliation. Au contraire, son représentant a été constamment impliqué dans les travaux de la commission de conciliation et a activement participé à ceux-ci. Or, au regard de la jurisprudence citée au point 134 ci-dessus, il y a lieu de constater que, à supposer même que les irrégularités alléguées par le requérant soient établies, celui-ci n’a pas démontré en l’espèce dans quelle mesure elles seraient susceptibles d’affecter la légalité des actes attaqués.

137    En second lieu, le requérant fait valoir que la proposition de la BEI présentée dans le cadre de la procédure de conciliation contredit les nouvelles dispositions administratives qui entreraient en vigueur, ce qui serait contraire au devoir de sollicitude.

138    Il convient de rappeler que le devoir de sollicitude reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut a créé dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public, ce qui implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (voir arrêt du 29 avril 2020, CZ e.a./SEAE, T‑497/19, non publié, EU:T:2020:165, point 50 et jurisprudence citée). Cette dernière obligation est également imposée à l’administration par le principe de bonne administration consacré à l’article 41 de la Charte (voir arrêt du 16 octobre 2019, Palo/Commission, T‑432/18, EU:T:2019:749, point 60 et jurisprudence citée).

139    Pour autant, le devoir de sollicitude n’impose pas, en principe, à l’administration une large obligation positive d’assister les fonctionnaires ou les agents de l’Union. En particulier, il ne saurait être raisonnablement attendu d’une administration diligente qui traite une multitude de demandes d’allocations familiales qu’elle prenne l’initiative d’assister et de guider l’ensemble des demandeurs concernés dans les éventuelles démarches qu’ils pourraient devoir entreprendre en vue d’obtenir de telles allocations (voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2021, EJ/BEI, T‑585/19, non publié, EU:T:2021:142, point 77).

140    Or, en l’espèce, il y a lieu de constater que le requérant ne démontre pas de quelle manière, en adoptant les actes attaqués, la BEI aurait violé le devoir de sollicitude ainsi que le principe de bonne administration. Il se contente, en effet, de soutenir que la BEI aurait dû l’informer des nouvelles dispositions administratives qui entreraient en vigueur après la fin de la procédure de conciliation, sans toutefois démontrer en quoi l’entrée en vigueur desdites nouvelles dispositions aurait une incidence sur la décision rendue dans le cadre de la procédure de conciliation à la lumière des dispositions administratives en vigueur au moment de la conciliation.

141    Ainsi, le sixième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

142    Partant, les conclusions en annulation du requérant doivent être rejetées dans leur ensemble.

 Sur les conclusions indemnitaires

143    Le requérant estime avoir subi un préjudice moral du fait des actions et des omissions de son employeur, lesquelles consisteraient en la réduction abrupte et très significative de sa rémunération par l’adoption d’un acte illégal, ce qui constituerait une source d’anxiété, en la divulgation de ses données personnelles à des tiers sans son consentement, en la prise de position de la BEI en faveur de son ex-épouse en ce qu’elle est fondée de manière décisive sur le résultat de la procédure judiciaire devant les juges luxembourgeois, et en le retard injustifié pris pour mettre en place la procédure de conciliation. Le requérant évalue ce préjudice ex æquo et bono à 10 000 euros, montant qu’il s’engage à reverser à une œuvre caritative en cas d’octroi.

144    La BEI conteste l’argumentation du requérant.

145    À cet égard, il convient de rappeler que, en application d’une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la BEI est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement qui lui est reproché, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir arrêt du 13 juillet 2018, SQ/BEI, T‑377/17, EU:T:2018:478, point 165 et jurisprudence citée).

146    Selon une jurisprudence constante également applicable mutatis mutandis aux litiges entre la BEI et les membres de son personnel, le contentieux entre l’Union et ses agents, quel que soit le régime d’emploi appliqué auxdits agents, obéit à des règles particulières et spéciales au regard de celles découlant des principes généraux régissant la responsabilité non contractuelle de l’Union dans le cadre de l’article 268 TFUE et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE (voir arrêt du 13 juillet 2018, SQ/BEI, T‑377/17, EU:T:2018:478, point 166 et jurisprudence citée).

147    Dès lors que l’une des trois conditions, rappelées au point 145 ci-dessus, n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions d’engagement de la responsabilité (voir arrêt du 13 juillet 2018, SQ/BEI, T‑377/17, EU:T:2018:478, point 167 et jurisprudence citée). Par ailleurs, le juge de l’Union n’est pas tenu d’examiner ces conditions dans un ordre déterminé (voir ordonnance du 11 juin 2020, Vanhoudt e.a./BEI, T‑294/19, non publiée, EU:T:2020:264, point 70 et jurisprudence citée).

148    Il importe de préciser que tout préjudice doit être réel et certain et qu’un dommage purement hypothétique et indéterminé ne donne pas droit à réparation (arrêt du 3 décembre 2015, CN/Parlement, T‑343/13, EU:T:2015:926, point 118). C’est à la partie qui met en cause la responsabilité de l’Union qu’il incombe d’apporter des preuves quant à l’existence ou à l’étendue du préjudice qu’elle invoque. Cette obligation s’impose même en ce qui concerne le préjudice moral. Une simple allégation qui n’est étayée d’aucun élément de preuve est insuffisante (arrêt du 3 décembre 2015, CN/Parlement, T‑343/13, EU:T:2015:926, points 119 et 121).

149    En l’espèce, le requérant allègue avoir ressenti un sentiment d’incertitude causé par la réduction abrupte et très significative de sa rémunération, par la divulgation de ses données personnelles à des tiers sans son consentement, par la prise de position de membres du management de la BEI en faveur de son ex-épouse sur la base du résultat de la procédure judiciaire devant le juge luxembourgeois et par le retard injustifié pris pour mettre en place la procédure de conciliation.

150    En premier lieu, concernant le prétendu dommage résultant de l’incertitude causée par la réduction abrupte et très significative de la rémunération du requérant, il suffit de constater que, selon une jurisprudence constante, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme non fondées (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 202 et jurisprudence citée), ce qui est le cas en l’espèce.

151    Dans ces circonstances, les conclusions indemnitaires relatives à l’incertitude causée par la réduction abrupte et très significative de la rémunération du requérant doivent être rejetées.

152    En deuxième lieu, concernant le prétendu dommage résultant de la divulgation des données personnelles du requérant à des tiers sans son consentement et à la prise de position de la BEI en faveur de son ex-épouse sur la base desdites données devant les juges luxembourgeois, il suffit de constater que le requérant ne prouve aucunement la réalité d’un tel dommage. En l’espèce, il se contente d’indiquer les violations alléguées, c’est-à-dire la divulgation prétendue de ses données personnelles à des tiers sans son consentement et la prise de position de la BEI en faveur de son ex-épouse. Toutefois, il n’apporte aucun élément susceptible d’établir l’existence d’un préjudice réel et certain, lié aux violations alléguées, au sens de la jurisprudence citée au point 148 ci-dessus.

153    Partant, les conclusions indemnitaires relatives à la divulgation de ses données personnelles et à la prise de position de la BEI en faveur de son ex-épouse doivent être rejetées.

154    En troisième lieu, concernant le dommage causé par la tardivité de la procédure de conciliation, il convient de relever que le requérant fonde son recours indemnitaire à cet égard, en l’espèce, uniquement sur le retard injustifié prétendument pris par la BEI dans la mise en place de la procédure de conciliation.

155    L’article 41 du règlement du personnel de la BEI indique que les deux premières désignations des représentants à la commission de conciliation doivent avoir lieu dans un délai d’une semaine à compter de l’introduction de la demande de l’une des parties à ladite procédure. Dans l’hypothèse où les deux premiers membres ne pourraient, dans la semaine suivant leur désignation, se mettre d’accord sur la désignation du président de la commission de conciliation, il y serait procédé par le président de la Cour. Par ailleurs, la procédure de conciliation doit être considérée comme ayant échoué si la commission de conciliation ne parvient pas, dans les deux semaines suivant sa constitution, à un règlement acceptable pour les deux parties.

156    Il convient de rappeler que l’article 41 du règlement du personnel énonce une règle de bonne administration dont le but est d’éviter, dans l’intérêt tant de l’administration que des agents, un retard injustifié dans l’adoption de la décision finale de l’institution mettant fin à une procédure de conciliation. Il en découle que la BEI a l’obligation de mener avec diligence ladite procédure et d’agir de telle sorte que chaque acte de la procédure intervienne dans un délai raisonnable en regard de l’acte précédent (voir, par analogie, arrêt du 10 juin 2004, François/Commission, T‑307/01, EU:T:2004:180, point 47 et jurisprudence citée).

157    En l’espèce, premièrement, il convient d’observer que la BEI n’a pas répondu directement à la première demande d’ouverture de la procédure de conciliation du requérant du 29 octobre 2018. La lettre du 7 janvier 2019, émise à la suite de la demande renouvelée du requérant dans la lettre du 10 décembre 2018, n’a pas abordé la question de la suite à donner à la première demande d’ouverture de la procédure de conciliation du requérant. Bien que la demande figurant dans la lettre du 29 octobre 2018 ait été présentée à titre subsidiaire eu égard à la demande d’annulation de la décision du 12 septembre 2018, une telle demande aurait dû faire l’objet d’une réponse de la BEI, dans un délai raisonnable, dès lors que celle-ci avait décidé de maintenir en vigueur la décision du 12 septembre 2018.

158    Deuxièmement, il y a lieu d’observer que la seconde demande d’ouverture de la procédure de conciliation a été présentée par le requérant le 11 janvier 2019. Le requérant a désigné son représentant à la commission de conciliation le 17 janvier 2019. Toutefois, la BEI n’a pas procédé à la désignation de son représentant dans un délai d’une semaine à compter de la demande d’ouverture de la procédure de conciliation, en violation de l’article 41 du règlement du personnel. C’est le requérant qui, une nouvelle fois, a dû solliciter la BEI le 4 février 2019 pour obtenir une réponse, laquelle ne lui est finalement parvenue que le 17 avril 2019, soit plus de trois mois après ladite demande.

159    Troisièmement, il convient de noter que le président de la commission de conciliation doit être désigné par les représentants des deux parties au sein de la commission de conciliation, après avoir obtenu un consensus. En l’espèce la désignation du président s’est faite par consensus. À cet égard, il convient d’observer que chacune des parties a, dans un premier temps, rejeté le candidat proposé par l’autre partie pour la présidence de la commission de conciliation, jusqu’à ce que le membre de la commission de conciliation désigné par le requérant accepte finalement le candidat proposé par le représentant de la BEI le 15 mai 2019. Dès lors, au vu des comportements des deux parties, le retard pris pour instituer la commission de conciliation ne saurait constituer une irrégularité imputable à la BEI.

160    Dans les circonstances de l’espèce, ainsi que cela a été constaté aux points 157 et 158 ci-dessus, au regard notamment du délai de réponse déraisonnable de plus de trois mois de la BEI à la demande du requérant concernant l’ouverture de la procédure de conciliation à la suite de la lettre du 7 janvier 2019 et de l’absence de réponse de la BEI à la première demande de conciliation figurant dans la lettre du 29 octobre 2018, il y a lieu de constater que la BEI a maintenu le requérant dans un état d’incertitude prolongé en raison de ce retard injustifié et lui a donc causé un préjudice moral. Ainsi, il y a lieu de condamner la BEI à payer au requérant des dommages et intérêts évalués ex æquo et bono à la somme de 500 euros et de rejeter les conclusions indemnitaires pour le surplus.

 Sur les dépens

161    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, l’article 134, paragraphe 3, du même règlement prévoit que, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

162    En l’espèce, le requérant et la BEI ayant partiellement succombé en leurs demandes, le Tribunal décide que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La Banque européenne d’investissement (BEI) est condamnée à verser la somme de 500 euros à MG au titre du préjudice moral subi.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      MG et la BEI supporteront chacun leurs propres dépens.

Kanninen

Jaeger

Półtorak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 décembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.

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