NARE-BG (VAT - Right to deduct - Time limits for the declaration and payment of certain taxes - Judgment) French Text [2024] EUECJ C-429/23 (12 September 2024)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/C42923.html
Cite as: [2024] EUECJ C-429/23, ECLI:EU:C:2024:742

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ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

12 septembre 2024 (*)

« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Droit à déduction – Délais de déclaration et de versement de certains impôts – Prorogation en raison de la pandémie de COVID-19 – Refus de l’exercice du droit à déduction de la TVA – Forclusion – Principes d’équivalence, d’effectivité et de neutralité de la TVA »

Dans l’affaire C‑429/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Administrativen sad – Varna (tribunal administratif de Varna, Bulgarie), par décision du 30 juin 2023, parvenue à la Cour le 11 juillet 2023, dans la procédure

« NARE-BG » ЕООD

contre

Direktor na Direktsia « Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika » Varna pri Tsentralno upravlenie na Natsionalnata agentsia za prihodite,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. F. Biltgen, président de chambre, M. N. Wahl et Mme M. L. Arastey Sahún (rapporteure), juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour « NARE-BG » ЕООD, par Me D. D. Petkova-Topalova, advokat,

–        pour le Direktor na Direktsia « Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika » Varna pri Tsentralno upravlenie na Natsionalnata agentsia za prihodite, par M. D. Zhelyazkov,

–        pour le gouvernement espagnol, par Mme A. Pérez-Zurita Gutiérrez, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mmes D. Drambozova et J. Jokubauskaitė, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 184 et 186 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1), telle que modifiée par la directive 2010/45/UE du Conseil, du 13 juillet 2010 (JO 2010, L 189, p. 1) (ci-après la « directive TVA »), ainsi que des principes d’équivalence, d’effectivité et de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant « NARE-BG » EOOD au Direktor na Direktsia « Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika » Varna pri Tsentralno upravlenie na Natsionalnata agentsia za prihodite (directeur de la direction « Recours et pratique en matière de fiscalité et de sécurité sociale » pour la ville de Varna de l’administration centrale de l’Agence nationale des recettes publiques, Bulgarie) (ci-après le « directeur ») au sujet du refus de ce dernier de permettre à NARE-BG d’exercer son droit à déduction de la TVA payée en amont pour des opérations imposables réalisées avant son enregistrement à la TVA.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Aux termes de l’article 167 de la directive TVA :

« Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible. »

4        L’article 168 de cette directive prévoit :

« Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :

a)      la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ;

[...] »

5        L’article 178 de ladite directive dispose :

« Pour pouvoir exercer le droit à déduction, l’assujetti doit remplir les conditions suivantes :

a)      pour la déduction visée à l’article 168, point a), en ce qui concerne les livraisons de biens et les prestations de services, détenir une facture établie conformément aux dispositions du titre XI, chapitre 3, sections 3 à 6 ;

[...] »

6        L’article 179, premier alinéa, de la même directive énonce :

« La déduction est opérée globalement par l’assujetti par imputation, sur le montant de la taxe due pour une période imposable, du montant de la TVA pour laquelle le droit à déduction a pris naissance et est exercé en vertu de l’article 178, au cours de la même période. »

7        Aux termes de l’article 180 de la directive TVA :

« Les États membres peuvent autoriser un assujetti à procéder à une déduction qui n’a pas été effectuée conformément aux articles 178 et 179. »

8        L’article 184 de cette directive est libellé comme suit :

« La déduction initialement opérée est régularisée lorsqu’elle est supérieure ou inférieure à celle que l’assujetti était en droit d’opérer. »

9        L’article 185 de ladite directive prévoit :

« 1.      La régularisation a lieu notamment lorsque des modifications des éléments pris en considération pour la détermination du montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration de TVA, entre autres en cas d’achats annulés ou en cas de rabais obtenus.

2.      Par dérogation au paragraphe 1, il n’y a pas lieu à régularisation en cas d’opérations totalement ou partiellement impayées, en cas de destruction, de perte ou de vol dûment prouvés ou justifiés et en cas de prélèvements effectués pour donner des cadeaux de faible valeur et des échantillons visés à l’article 16.

En cas d’opérations totalement ou partiellement impayées et en cas de vol, les États membres peuvent toutefois exiger la régularisation. »

10      L’article 186 de la même directive énonce :

« Les États membres déterminent les modalités d’application des articles 184 et 185. »

 Le droit bulgare

 Le ZDDS

11      Aux termes de l’article 72 du Zakon za danak varhu dobavenata stoynost (loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée) (DV no 63, du 4 août 2006), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après le « ZDDS ») :

« 1.      L’intéressé enregistré conformément à la présente loi peut exercer son droit à déduire la TVA dans la période fiscale au cours de laquelle ce droit a pris naissance ou dans l’une des douze périodes fiscales suivantes.

2.      L’intéressé exerce le droit visé au paragraphe 1 en :

1)      incluant le montant du crédit de TVA calculé lors du résultat d’une période fiscale visée au paragraphe 1 dans la déclaration visée à l’article 125 relative à la même période fiscale ;

2)      inscrivant le document visé à l’article 71 dans le registre des achats visé à l’article 124 pour la période fiscale prévue au point 1. »

12      L’article 74 du ZDDS dispose :

« 1.      Une personne enregistrée en vertu des articles 96, 97, 98, de l’article 100, paragraphes 1 et 3, des articles 102, 132 ou 132a a le droit de déduire la TVA acquittée en amont relative aux actifs achetés ou acquis d’une autre manière ou apportés au sens du Zakon za schetovodstvoto [(loi sur la comptabilité)] avant la date de son enregistrement en vertu [du ZDDS], qui existent à la date de l’enregistrement.

2.      Le droit visé au paragraphe 1 ne prend naissance que pour les actifs existants à la date de l’enregistrement pour lesquels les conditions suivantes sont réunies simultanément :

1)      les exigences des articles 69 et 71 sont remplies ;

2)      le fournisseur ou prestataire est une personne enregistrée au sens de la loi à la date de l’émission du document fiscal et la livraison ou prestation était imposable à cette date ;

[...]

4)      les actifs ont été acquis par la personne dans les cinq années précédant la date d’enregistrement au sens de la présente loi et, en ce qui concerne les biens immobiliers, dans les vingt années précédant cette date.

3.      La personne enregistrée visée au paragraphe 1 a également le droit de déduire la TVA acquittée en amont sur les services reçus avant la date de son enregistrement au sens de la présente loi, lorsque sont réunies simultanément les conditions suivantes :

1)      les services sont directement liés à l’enregistrement de la personne conformément au Targovskia zakon [(loi commerciale)] ;

2)      les services ont été reçus au plus tard un mois avant l’enregistrement de la personne au titre de la loi commerciale ;

3)      la personne a déposé une demande d’enregistrement au titre de la présente loi dans un délai de trente jours à compter de son inscription au registre au titre de l’article 82 du Danachno-osiguritelen protsesualen kodeks [(code de procédure fiscale et des assurances sociales)] ;

4)      la personne détient une facture visée à l’article 71, point 1, pour les services reçus ;

5)      le fournisseur du service est une personne enregistrée au sens de la loi à la date de l’émission du document fiscal et la prestation était imposable à cette date ;

[...]

4.      Pour les biens existants de la personne enregistrée visée au paragraphe 1, qui sont ou seraient des actifs immobilisés, utilisés simultanément pour exercer une activité économique indépendante et pour ses propres besoins ou pour les besoins du propriétaire, de ses travailleurs ou plus généralement à des fins différentes de son activité économique indépendante, le droit à déduction de la TVA acquittée en amont prend naissance dans les conditions prévues aux articles 71a et 71b. »

13      L’article 75 du ZDDS énonce :

« 1.       Le droit à déduction de la TVA acquittée en amont en vertu de l’article 74 prend naissance à la date de l’enregistrement au titre de la présente loi.

2.      Le droit à déduction de la TVA acquittée en amont prévu au paragraphe 1 est exercé au cours de la période d’imposition dans laquelle il a pris naissance ou au cours de l’une des douze périodes d’imposition suivantes, et les documents pertinents visés à l’article 71 sont consignés dans le registre des achats avec la base imposable et la taxe correspondant aux biens ou aux services reçus. »

14      L’article 124, paragraphe 4, du ZDDS prévoit :

« La personne enregistrée est tenue de mentionner les documents fiscaux qu’elle a reçus dans le registre des achats au plus tard dans la douzième période fiscale suivant celle au cours de laquelle ils ont été émis, mais sans aller au-delà de la dernière période fiscale visée à l’article 72, paragraphe 1. [...] »

15      L’article 125 du ZDDS dispose :

« 1.      Pour chaque période d’imposition, les personnes enregistrées doivent présenter une déclaration fiscale établie sur la base des registres comptables visés à l’article 124, à l’exception des cas visés à l’article 159b ».

[...]

3.      La personne enregistrée joint également à la déclaration fiscale visée au paragraphe 1 les registres comptables visés à l’article 124 pour la période d’imposition concernée.

4.      La déclaration fiscale visée au paragraphe 1 est déposée même s’il n’y a pas de taxe à acquitter ou à recevoir ainsi que dans les cas où la personne enregistrée n’a pas effectué ou reçu de livraison ou d’acquisition ou si elle n’a pas réalisé d’importation pour cette période d’imposition.

5.      Les déclarations visées aux paragraphes 1 et 2 et les registres comptables visés au paragraphe 3 doivent être déposés au plus tard le 14 du mois suivant la période d’imposition à laquelle ils se rapportent.

[...] »

16      Aux termes de l’article 126 du ZDDS :

« 1.      Les erreurs commises dans les déclarations déposées en vertu de l’article 125, paragraphes 1 et 2, en raison de documents non consignés ou incorrectement consignés dans les registres comptables visés à l’article 124, sont corrigées selon les modalités prévues aux paragraphes 2 et 3.

2.      Les erreurs constatées jusqu’à l’expiration du délai de dépôt de la déclaration fiscale sont rectifiées par la personne en effectuant les corrections nécessaires et en déposant de nouveau les déclarations visées à l’article 125, paragraphes 1 et 2, et les registres comptables visés à l’article 124.

3.      En dehors des cas visés au paragraphe 2, les erreurs sont corrigées de la manière suivante :

1)      la personne effectue les corrections nécessaires au cours de la période d’imposition durant laquelle l’erreur a été constatée et inclut le document non consigné dans le registre comptable concernant la même période d’imposition – dans le cas de documents non consignés dans les registres comptables en vertu de l’article 124 ;

2)      la personne informe par écrit l’autorité fiscale compétente, qui prend des mesures pour rectifier la dette fiscale de la personne pour la période d’imposition concernée – en cas de documents incorrectement consignés dans les registres comptables. »

 Le ZKPO

17      L’article 1er, point 4, du Zakon za korporativnoto podohodno oblagane (loi sur l’imposition des revenus des personnes morales) (DV no 105, du 22 décembre 2006), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après le « ZKPO »), dispose :

« La présente loi régit la taxation :

[...]

4.      des revenus qu’elle vise, perçus en République de Bulgarie par des personnes morales résidentes ou non-résidentes. »

18      L’article 92 du ZKPO est libellé comme suit :

« 1.      Les assujettis à l’impôt sur les sociétés doivent déposer une déclaration fiscale annuelle sur formulaire pour le résultat fiscal financier et pour l’impôt sur les sociétés annuel dû.

2.      La déclaration fiscale annuelle est déposée au plus tard le 31 mars de l’année suivante auprès de la direction territoriale de l’Agence nationale des recettes publiques du lieu d’enregistrement de l’assujetti. »

19      L’article 93 du ZKPO dispose :

« Les assujettis paient l’impôt sur les sociétés de l’année concernée au plus tard le 30 juin de l’année suivante, après déduction des acomptes versés au titre de l’année concernée. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

20      NARE-BG est une société de droit bulgare qui acquiert des terrains afin d’y construire des immeubles dont elle confie la réalisation à des sous-traitants.

21      Au cours des années 2017 à 2019, dans le cadre d’un projet immobilier à Varna (Bulgarie), cette société a reçu 71 factures émises par des sous-traitants pour un montant total de TVA s’élevant à 117 458,80 leva bulgares (BGN) (environ 60 050 euros).

22      Le 25 novembre 2019, ladite société a été enregistrée à la TVA, au titre de l’article 100, paragraphe 1, du ZDDS.

23      Pour les périodes d’imposition allant du 25 novembre 2019 au 30 septembre 2020, NARE-BG a déposé des déclarations de TVA ne comportant pas de taxe à acquitter ou à recevoir.

24      Le 13 mars 2020, l’état d’urgence a été déclaré sur le territoire de la République de Bulgarie en raison de la pandémie de COVID-19, avec effet du 13 mars au 13 avril 2020. Il a été progressivement prolongé jusqu’au 30 avril 2021. Dans ce contexte, une réglementation nationale relative aux mesures et actions prises pendant l’état d’urgence a été adoptée afin de remédier aux conséquences de cette pandémie. Compte tenu des difficultés causées par ladite pandémie aux opérateurs économiques, cette réglementation a prolongé les délais de déclaration et de paiement de certains impôts, sans toutefois prévoir de régime particulier de ce type pour la déclaration, le paiement ou la déduction de la TVA.

25      Le 10 décembre 2020, NARE-BG a déposé une déclaration de TVA pour la période d’imposition du mois de novembre 2020, en indiquant des livraisons ouvrant droit à déduction de la TVA payée en amont pour un montant de 10 125,40 BGN (environ 5 180 euros).

26      Le 14 janvier 2021, NARE-BG a déposé une déclaration de TVA pour la période d’imposition du mois de décembre 2020, en indiquant des livraisons ouvrant droit à déduction de la TVA payée en amont pour un montant de 117 458,80 BGN, correspondant à la TVA mentionnée sur les 71 factures qu’elle avait reçues au cours des années 2017 à 2019.

27      Le 15 janvier 2021, elle a informé par écrit la Teritorialna direktsia na Nationalna agentsia za prihodite Varna (direction territoriale de l’Agence nationale des recettes publiques de Varna, Bulgarie) (ci-après l’« autorité fiscale »), conformément à l’article 126, paragraphe 3, du ZDDS, qu’elle avait erronément pris en compte ces factures dans le registre des achats et dans la déclaration fiscale de la période d’imposition du mois de décembre 2020 au lieu de les prendre en compte dans ceux de la période d’imposition du mois de novembre 2020. Ces erreurs, dont elle a demandé la rectification, résulteraient de l’infection à la COVID-19 et de la mise en quarantaine du comptable de ladite société, dont le travail aurait été confié à un remplaçant.

28      L’autorité fiscale a cependant refusé le droit à déduction de la TVA pour lesdites factures sur le fondement de l’article 72, paragraphe 1, du ZDDS, aux termes duquel l’assujetti enregistré conformément à cette loi peut exercer son droit à déduction dans la période d’imposition au cours de laquelle ce droit est né ou dans l’une des douze périodes suivantes. En effet, le droit à déduction de la TVA pour les actifs achetés ou acquis et pour les services reçus avant l’enregistrement de l’assujetti naîtrait, en vertu de l’article 75, paragraphes 1 et 2, du ZDDS, à la date de cet enregistrement. Partant, compte tenu de la date d’enregistrement à la TVA de NARE-BG, celle-ci aurait dû exercer son droit à déduction concernant les 71 factures en cause au plus tard dans la période d’imposition du mois de novembre 2020. Or, à défaut d’avoir été exercé dans la déclaration de TVA pour cette période d’imposition, qui devait être déposée, conformément à l’article 125, paragraphe 5, du ZDDS, au plus tard le 14 décembre 2020, ce droit à déduction aurait expiré.

29      Estimant, par conséquent, que NARE-BG, qui a exercé son droit à déduction de la TVA pour ces 71 factures dans la période d’imposition du mois de décembre 2020, avait violé l’article 72 du ZDDS, l’autorité fiscale a émis, le 24 janvier 2022, un avis de redressement à l’encontre de cette société pour un montant de TVA s’élevant à 117 458,80 BGN.

30      NARE-BG a introduit un recours contre cet avis de redressement devant l’Administrativen sad – Varna (tribunal administratif de Varna, Bulgarie), qui est la juridiction de renvoi.

31      Devant cette juridiction, NARE-BG invoque, au soutien de son droit à déduction de la TVA, l’interprétation de l’article 179, paragraphe 1, et des articles 180 et 273 de la directive TVA ainsi que des principes de neutralité de la TVA, d’effectivité et d’équivalence dans le domaine de la fiscalité indirecte, telle qu’elle résulterait de la jurisprudence issue des arrêts du 8 mai 2008, Ecotrade (C‑95/07 et C‑96/07, EU:C:2008:267), et du 12 juillet 2012, EMS-Bulgaria Transport (C‑284/11, EU:C:2012:458). L’arrêt du 7 juillet 2022, X (C‑194/21, ci-après l’« arrêt X », EU:C:2022:535), invoqué par le directeur, ne serait, en revanche, pas applicable dans une situation telle que celle en cause au principal.

32      Pour sa part, le directeur soutient que NARE-BG a exercé tardivement, à savoir dans la période d’imposition du mois de décembre 2020 au lieu de celle du mois de novembre 2020, son droit à déduction de la TVA, en violation de l’article 75, paragraphe 2, du ZDDS, en raison de l’infection à la COVID-19 de son comptable. Dès lors, il estime que le litige au principal ne concerne que cette disposition, lue en combinaison avec cet article 75, paragraphe 1, et non pas les conditions de rectification des erreurs contenues dans les déclarations de TVA déposées par cette société. Partant, il conviendrait, en l’occurrence, d’appliquer la seule jurisprudence issue de l’arrêt X, conformément à laquelle le mécanisme de régularisation prévu par la directive TVA n’aurait pas vocation à s’appliquer lorsque l’assujetti a omis d’exercer son droit à déduction de la TVA et qu’il a perdu ce droit du fait de l’expiration du délai de forclusion.

33      À cet égard, la juridiction de renvoi nourrit des doutes quant à la pertinence, pour le litige au principal, de la jurisprudence issue des arrêts du 8 mai 2008, Ecotrade (C‑95/07 et C‑96/07, EU:C:2008:267), et du 12 juillet 2012, EMS-Bulgaria Transport (C‑284/11, EU:C:2012:458). En effet, les faits des affaires ayant donné lieu à ces arrêts se distingueraient de ceux du litige au principal, qui se caractérise par l’adoption de mesures législatives, prises dans le cadre de l’état d’urgence lié à la pandémie de COVID-19, prévoyant un délai plus long pour la déclaration et le paiement de certains impôts sans prévoir un tel délai pour la déclaration, le paiement et la déduction de la TVA.

34      De façon similaire, cette juridiction s’interroge sur la pertinence de l’arrêt X, compte tenu des circonstances factuelles différentes sous-tendant cet arrêt et le litige au principal.

35      Dans ces conditions, l’Administrativen sad – Varna (tribunal administratif de Varna) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Dans les conditions des mesures de confinement introduites par la loi, comprenant l’imposition de mesures administratives de limitation de la sortie du domicile et des déplacements dans les zones habitées, de limitation des contacts avec d’autres personnes et de fermeture des locaux commerciaux, lorsque, en relation avec ces mesures de confinement, les délais de déclaration et de paiement des dettes fiscales en vertu du [ZKPO] (régissant les délais de déclaration et de paiement de l’impôt sur le revenu en vertu du droit national) ont été prolongés, un délai de forclusion tel que celui en cause dans la présente procédure rend-il, en pratique, impossible ou excessivement difficile pour l’assujetti l’exercice du droit à déduction de la [TVA] pendant la période d’application des mesures de confinement et, à cet égard, la législation nationale et la pratique de l’administration fiscale telles que celles en cause dans la présente procédure sont-elles compatibles avec l’article 184, lu en combinaison avec l’article 186 de la directive [TVA], et considéré à la lumière du principe de neutralité [de la TVA], introduit par la directive TVA et des principes d’équivalence et d’effectivité fondés sur le droit de l’Union (arrêt du 8 mai 2008, Ecotrade, C‑95/07 et C‑96/07, EU:C:2008:267) ?

2)      En cas de possibilité, prévue par le [ZDDS], de rectifier les données indiquées dans la déclaration fiscale [...] en vertu [de cette loi], dans les circonstances factuelles de l’affaire dont la chambre de céans est saisie, l’article 184, lu en combinaison avec l’article 186 de la directive TVA, admet-il une pratique de l’administration fiscale consistant à refuser à l’assujetti le droit à déduction de la TVA, au motif que la TVA a été déclarée au moyen d’une déclaration rectificative déposée pour rectifier les données relatives à la dernière période d’imposition comprise dans le délai de forclusion (douze mois) instauré pour le droit à déduction de la TVA sur les livraisons reçues par l’assujetti avant la date de son enregistrement au titre du ZDDS, à condition que les opérations commerciales n’aient pas été dissimulées, que les données relatives à leur exécution soient disponibles dans la comptabilité du requérant, que l’administration fiscale dispose des informations nécessaires et qu’il n’y ait pas d’éléments indiquant un préjudice pour le budget ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la recevabilité

36      Le directeur et le gouvernement espagnol contestent la recevabilité des deux questions posées.

37      S’agissant de la première question, d’une part, le directeur fait valoir que celle-ci a non pas pour objet l’interprétation du droit de l’Union, mais la seule application du droit fiscal national. D’autre part, le gouvernement espagnol est d’avis que cette question est hypothétique, dans la mesure où la juridiction de renvoi n’aurait pas précisé à suffisance que les mesures de confinement adoptées dans le cadre de l’état d’urgence déclaré en réponse à la pandémie de COVID-19 auraient effectivement empêché ou entravé l’exercice, par NARE-BG, du droit à déduction de la TVA au cours du délai de forclusion de douze mois, l’incapacité temporaire du comptable concerné ne couvrant qu’une période de deux semaines au cours de ces douze mois.

38      S’agissant de la seconde question, le directeur soutient que celle-ci n’est pas pertinente pour la solution du litige au principal. Il considère que la demande de rectification visée au point 27 du présent arrêt porte en réalité sur la déclaration déposée par NARE-BG pour la période d’imposition du mois de décembre 2020. Cette demande ayant été présentée après l’expiration du délai de forclusion, l’autorité fiscale aurait valablement refusé à cette société l’exercice de son droit à déduction de la TVA, sans que celle-ci puisse prétendre à la rectification de cette déclaration.

39      À cet égard, il convient de rappeler, ainsi que la Cour l’a jugé à maintes reprises, que les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa propre responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le rejet par la Cour d’une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 11 janvier 2024, Societatea Civilă Profesională de Avocaţi AB & CD, C‑252/22, EU:C:2024:13, point 38 et jurisprudence citée).

40      En l’occurrence, d’une part, il importe de relever que la juridiction de renvoi indique qu’elle a besoin, au regard de la jurisprudence de la Cour issue des arrêts du 8 mai 2008, Ecotrade (C‑95/07 et C‑96/07, EU:C:2008:267, point 46 ainsi que jurisprudence citée), et du 12 juillet 2012, EMS-Bulgaria Transport (C‑284/11, EU:C:2012:458, point 49), d’une réponse à la question de savoir si NARE-BG est en mesure, en vertu de la directive TVA, de déduire, après l’expiration du délai de forclusion, la TVA payée en amont sur des opérations réalisées avant la date de son enregistrement à la TVA, en demandant la rectification d’une déclaration de TVA déposée avant l’expiration de ce délai.

41      D’autre part, cette juridiction demande si le délai de forclusion pour la déclaration, le paiement et l’exercice du droit à déduction de la TVA prévu par la législation nationale applicable rend en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice de ce droit à déduction, compte tenu du fait que les mesures adoptées dans le cadre de l’état d’urgence en raison de la pandémie de COVID-19 prévoyaient des délais plus longs pour la déclaration et le paiement de certains impôts, alors que le délai de forclusion pour exercer le droit à déduction de la TVA n’a pas été modifié.

42      Eu égard à ce qui précède, et compte tenu de la présomption de pertinence dont bénéficient les questions préjudicielles, il n’apparaît pas de manière manifeste que l’interprétation de la directive TVA sollicitée par la juridiction de renvoi ne présente aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal ou que le problème soulevé par cette juridiction soit de nature hypothétique.

43      Il s’ensuit que les questions posées sont recevables.

 Sur le fond

44      Par ses deux questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 184 de la directive TVA, lu en combinaison avec l’article 186 de celle-ci, ainsi que les principes d’équivalence, d’effectivité et de neutralité de la TVA doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation et à une pratique administrative nationales en vertu desquelles un assujetti se voit refuser le droit de déduire la TVA payée en amont avant son enregistrement à la TVA, au motif qu’il a demandé cette déduction après l’expiration du délai de forclusion prévu par la réglementation nationale applicable, au moyen d’une déclaration visant à rectifier une déclaration de TVA déposée avant l’expiration de ce délai, nonobstant la circonstance que des mesures nationales liées à la pandémie de COVID-19 ont été adoptées afin de prolonger les délais pour la déclaration et le paiement de certains impôts, sans inclure parmi ces derniers la TVA.

45      En premier lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit des assujettis de déduire de la TVA dont ils sont redevables la TVA due ou acquittée pour les biens acquis et les services reçus par eux en amont constitue un principe fondamental du système commun de la TVA mis en place par la législation de l’Union (arrêt du 6 octobre 2022, Vittamed technologijos, C‑293/21, EU:C:2022:763, point 38 et jurisprudence citée).

46      Le régime des déductions vise à soulager entièrement l’assujetti du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de la TVA garantit, par conséquent, la neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA (arrêt du 6 octobre 2022, Vittamed technologijos, C‑293/21, EU:C:2022:763, point 39 et jurisprudence citée).

47      Ainsi que la Cour l’a itérativement souligné, le droit à déduction prévu aux articles 167 et suivants de la directive TVA fait partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut, en principe, être limité. En particulier, ce droit s’exerce normalement immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2022, Vittamed technologijos, C‑293/21, EU:C:2022:763, point 40 et jurisprudence citée).

48      Néanmoins, en vertu des articles 180 et 182 de cette directive, un assujetti peut être autorisé à procéder à la déduction de la TVA même s’il n’a pas exercé son droit au cours de la période pendant laquelle ce droit a pris naissance, sous réserve, cependant, du respect des conditions et des modalités fixées par les réglementations nationales (arrêt X, point 37 et jurisprudence citée).

49      En l’occurrence, il ressort du dossier dont dispose la Cour, d’une part, que, en vertu de l’article 75, paragraphes 1 et 2, du ZDDS, le droit à déduction de la TVA acquittée en amont pour les livraisons et services fournis avant l’enregistrement de l’assujetti, au titre de cette loi, naît à la date de cet enregistrement et doit être exercé au cours de la période d’imposition durant laquelle il a pris naissance ou au cours de l’une des douze périodes d’imposition suivantes. Le délai pour l’exercice du droit à déduction de la TVA figurant sur les 71 factures reçues par NARE-BG avant son enregistrement à la TVA était ainsi de douze mois. Ce délai a commencé à courir à compter de la période d’imposition au cours de laquelle le droit à déduction est né et a expiré au mois de novembre 2020. Conformément à l’article 125, paragraphe 5, du ZDDS, ce droit à déduction aurait dû être exercé au plus tard le 14 décembre 2020, qui est la date limite prévue pour le dépôt de la déclaration fiscale pour la période d’imposition du mois de novembre 2020.

50      D’autre part, il convient de constater que NARE-BG n’a pas exercé son droit à déduction de la TVA au cours du délai de douze mois. Certes, elle a déposé, le 10 décembre 2020, une déclaration de TVA pour la période d’imposition du mois de novembre 2020, sans pour autant y inclure la TVA figurant sur les 71 factures reçues avant son enregistrement à la TVA. Ce n’est que le 15 janvier 2021, après l’expiration de ce délai de douze mois, qu’elle a rectifié, auprès de l’autorité fiscale, cette déclaration de TVA pour la période d’imposition du mois de novembre 2020.

51      À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que la possibilité d’exercer le droit à déduction de la TVA sans limitation dans le temps irait à l’encontre du principe de sécurité juridique, qui exige que la situation fiscale de l’assujetti, eu égard à ses droits et obligations vis-à-vis de l’administration fiscale, ne soit pas indéfiniment susceptible d’être remise en cause (arrêt X, point 41 et jurisprudence citée).

52      La Cour a jugé qu’un délai de forclusion dont l’échéance a pour conséquence de sanctionner le contribuable insuffisamment diligent, qui a omis de réclamer la déduction de la TVA en amont, en lui faisant perdre le droit à déduction de la TVA, ne saurait être considéré comme incompatible avec le régime établi par la directive TVA pour autant, d’une part, que ce délai s’applique de la même manière aux droits analogues en matière fiscale fondés sur le droit interne et à ceux fondés sur le droit de l’Union (principe d’équivalence) et, d’autre part, qu’il ne rend pas en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit à déduction de la TVA (principe d’effectivité) (arrêt X, point 42 et jurisprudence citée).

53      S’agissant du principe d’équivalence, il convient de souligner qu’il appartient à la seule juridiction de renvoi de vérifier la similitude des modalités procédurales prévues par le droit national, en tenant compte de l’objet, de la cause et des éléments essentiels desdites modalités procédurales prétendument similaires (voir, en ce sens, arrêt du 10 février 2022, Philips Orăştie, C‑487/20, EU:C:2022:92, point 30 et jurisprudence citée).

54      Toutefois, la Cour peut, en vue de la vérification à laquelle la juridiction nationale devra procéder, lui fournir certains éléments tenant à l’interprétation du droit de l’Union (arrêt du 10 février 2022, Philips Orăştie, C‑487/20, EU:C:2022:92, point 31).

55      En l’occurrence, la réglementation nationale relative aux mesures et actions prises pendant l’état d’urgence a été adoptée afin de remédier aux conséquences de la pandémie de COVID-19. Cette réglementation a prolongé les délais pour le dépôt des déclarations et le paiement concernant certains impôts directs prévus par le ZKPO, sans prévoir de régime particulier pour la déclaration, le paiement ou la déduction de la TVA. Toutefois, une telle circonstance ne saurait suffire à rendre cette réglementation incompatible avec le principe d’équivalence.

56      En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que les impôts directs, tels que l’impôt sur le revenu, et les impôts indirects, tels que la TVA, revêtent une nature fondamentalement différente et ne sont pas comparables aux fins de l’application du principe d’équivalence (voir, par analogie, ordonnance du 9 décembre 2022, The Navigator Company et Navigator Pulp Figueira, C‑459/21, EU:C:2022:979, points 28 et 29).

57      S’agissant ensuite du principe d’effectivité, il importe de relever qu’un délai de forclusion de douze mois à partir de l’enregistrement de l’assujetti à la TVA n’est pas non plus susceptible, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, de rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit à déduction de la TVA.

58      À cet égard, premièrement, il y a lieu de constater que l’état d’urgence en raison de la pandémie de COVID-19 ne couvrait pas, loin s’en faut, toute la période au cours de laquelle NARE-BG pouvait déposer une déclaration afin d’exercer son droit à déduction de la TVA figurant sur les 71 factures en cause. Deuxièmement, il ne ressort pas du dossier dont dispose la Cour que la République de Bulgarie ait connu pour les redevables de la TVA en général ou pour NARE-BG en particulier des difficultés telles, au cours de cet état d’urgence, qu’elles auraient rendu en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit à déduction. Troisièmement, l’infection du comptable de NARE-BG à la COVID-19 au cours du mois de décembre 2020 ne saurait être considérée comme rendant impossible l’exercice par cette société du droit à déduction de la TVA au cours de l’ensemble du délai de douze mois dont elle disposait à cette fin.

59      En deuxième lieu, il importe de relever que, s’agissant de la naissance d’une éventuelle obligation de régularisation de la déduction de la TVA prévue aux articles 184 et 185 de la directive TVA, celle-ci est, certes, définie à cet article 184 de manière large, dans la mesure où la déduction initialement opérée est régularisée lorsqu’elle est supérieure ou inférieure à celle que l’assujetti était en droit d’opérer. Cette formulation n’exclut a priori aucune hypothèse envisageable de déduction indue et la portée générale de cette obligation de régularisation est confortée par l’énumération expresse des exceptions permises par la directive TVA à l’article 185, paragraphe 2, de celle-ci (arrêt X, point 43 et jurisprudence citée).

60      Conformément à l’article 185, paragraphe 1, de cette directive, une telle régularisation doit notamment être opérée lorsque des modifications des éléments pris en considération pour la détermination du montant de cette déduction sont intervenues postérieurement à la déclaration de TVA.

61      Il découle cependant de la jurisprudence de la Cour que le mécanisme de régularisation n’est applicable que s’il existe un droit à déduction. Or, les articles 184 et 185 de ladite directive ne sauraient donner naissance à un droit à déduction (arrêt X, point 45 et jurisprudence citée).

62      Il s’ensuit que le mécanisme de régularisation prévu par la directive TVA n’a pas vocation à s’appliquer lorsque l’assujetti a omis d’exercer le droit à déduction de la TVA et qu’il a perdu celui-ci du fait de l’expiration d’un délai de forclusion (arrêt X, point 46).

63      Par conséquent, ce mécanisme ne s’applique pas dans des circonstances, telles que celles au principal, où un assujetti qui a omis d’exercer le droit à déduction de la TVA lors du dépôt de la déclaration de TVA pour une période d’imposition donnée souhaite exercer ce droit postérieurement, à l’occasion d’une rectification de cette déclaration, alors que le délai de forclusion prévu par le droit national pour l’exercice dudit droit a expiré.

64      En troisième lieu, le principe de neutralité de la TVA ne saurait non plus remettre en cause cette conclusion. Il est vrai que le mécanisme de régularisation fait partie intégrante du régime de déduction établi par la directive TVA et vise à accroître la précision des déductions de manière à assurer la neutralité de la TVA (arrêt du 28 mai 2020, World Comm Trading Gfz, C‑684/18, EU:C:2020:403, point 31 et jurisprudence citée).

65      Toutefois, le principe de neutralité de la TVA ne saurait avoir pour effet de permettre à un assujetti de régulariser un droit à déduction qu’il n’a pas exercé avant l’expiration d’un délai de forclusion et qu’il a ainsi perdu.

66      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 184 de la directive TVA, lu en combinaison avec l’article 186 de celle-ci, ainsi que les principes d’équivalence, d’effectivité et de neutralité de la TVA doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation et à une pratique administrative nationales en vertu desquelles un assujetti se voit refuser le droit de déduire la TVA payée en amont avant son enregistrement à la TVA, au motif qu’il a demandé cette déduction après l’expiration du délai de forclusion prévu par la réglementation nationale applicable, au moyen d’une déclaration visant à rectifier une déclaration de TVA déposée avant l’expiration de ce délai, nonobstant la circonstance que des mesures nationales liées à la pandémie de COVID-19 ont été adoptées afin de prolonger les délais pour la déclaration et le paiement de certains impôts, sans inclure parmi ces derniers la TVA.

 Sur les dépens

67      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

L’article 184 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telle que modifiée par la directive 2010/45/UE du Conseil, du 13 juillet 2010, lu en combinaison avec l’article 186 de la directive 2006/112, telle que modifiée par la directive 2010/45, ainsi que les principes d’équivalence, d’effectivité et de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA),

doivent être interprétés en ce sens que :

ils ne s’opposent pas à une réglementation et à une pratique administrative nationales en vertu desquelles un assujetti se voit refuser le droit de déduire la TVA payée en amont avant son enregistrement à la TVA, au motif qu’il a demandé cette déduction après l’expiration du délai de forclusion prévu par la réglementation nationale applicable, au moyen d’une déclaration visant à rectifier une déclaration de TVA déposée avant l’expiration de ce délai, nonobstant la circonstance que des mesures nationales liées à la pandémie de COVID-19 ont été adoptées afin de prolonger les délais pour la déclaration et le paiement de certains impôts, sans inclure parmi ces derniers la TVA.

Signatures


*      Langue de procédure : le bulgare.

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