Passalacqua v Commission ((Civil service - Officials - Promotion - Judgment) French Text [2024] EUECJ T-318/22 (28 February 2024)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T31822.html
Cite as: [2024] EUECJ T-318/22, ECLI:EU:T:2024:136, EU:T:2024:136

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

28 février 2024 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Promotion – Exercice de promotion 2021 – Décision de ne pas promouvoir le requérant au grade AD 11 – Article 45 du statut – Règle de concordance – Examen comparatif des mérites – Obligation de motivation – Erreur manifeste d’appréciation – Détournement de pouvoir – Responsabilité – Préjudices matériel et moral »

Dans l’affaire T‑318/22,

Roberto Passalacqua, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me G. Belotti, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme M. Brauhoff et M. L. Hohenecker, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. L. Truchot, président, M. Sampol Pucurull (rapporteur) et Mme T. Perišin, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, le requérant, M. Roberto Passalacqua, demande, d’une part, l’annulation de la décision de la Commission européenne de ne pas le promouvoir au grade AD 11 au titre de l’exercice de promotion 2021 (ci-après la « décision attaquée »), de la décision de la Commission du 1er avril 2022 de rejet de la réclamation R/620/21 (ci-après la « décision de rejet de la réclamation ») ainsi que de la décision de la Commission de promouvoir au grade AD 11 les fonctionnaires inscrits sur la liste des fonctionnaires promus au titre de l’exercice de promotion 2021 (ci-après les « décisions de promotion des fonctionnaires promus au titre de l’exercice en cause ») et, d’autre part, à titre subsidiaire, la réparation des préjudices qu’il aurait subis du fait de la décision attaquée et de la décision de ses supérieurs hiérarchiques de ne pas publier la version intégrale de la présentation donnée à l’occasion de la table ronde organisée le 14 janvier 2021.

I.      Antécédents du litige

2        Le requérant est fonctionnaire à la Commission depuis le mois d’avril 2006. Il a travaillé au sein de plusieurs directions générales avant d’être affecté, à partir du 1er août 2009, à la direction générale (DG) « Recherche et innovation » de la Commission.

3        Le requérant a été promu au grade AD 10, avec effet au 1er janvier 2019.

4        Le 14 janvier 2021, le requérant est intervenu lors d’une table ronde européenne sur l’information et la participation du public dans le domaine de la gestion des déchets radioactifs, organisée dans le cadre d’une initiative intitulée « Convention d’Aarhus et nucléaire » (ci-après la « présentation du 14 janvier 2021 »). À cet effet, il avait reçu l’accord de son supérieur hiérarchique direct sur le contenu de cette intervention par un courriel du 12 janvier 2021.

5        Par un courriel du 20 janvier 2021, le requérant a été informé de la publication d’une version abrégée de la présentation du 14 janvier 2021 et de l’ajout de la mention « [c]ette communication n’a pas obtenu l’aval de la [DG « Recherche et innovation »] de la Commission ».

6        Par courriel du 29 janvier 2021, la cheffe d’unité du requérant lui a fait part des réactions de différents membres d’une autre direction générale au sujet du contenu de la présentation du 14 janvier 2021 (ci-après l’« incident »).

7        Le 7 avril 2021, la Commission a lancé l’exercice de promotion 2021 (ci-après l’« exercice en cause ») par la publication de l’Information administrative (IA) no 15-2021 du 7 avril 2021. La DG « Recherche et innovation » a établi une liste de fonctionnaires proposés pour une promotion. Le nom du requérant ne figurait pas sur cette liste.

8        Le 21 juin 2021, le requérant a saisi le comité paritaire de promotion (ci-après le « CPP ») pour contester la liste des fonctionnaires mentionnée au point 7 ci-dessus.

9        La contestation du requérant a été analysée de manière préalable par le groupe paritaire intermédiaire qui a émis, à l’unanimité, la recommandation de ne pas promouvoir le requérant.

10      Le 22 octobre 2021, l’avis du CPP, statuant à l’unanimité, n’a pas recommandé à l’autorité investie du pouvoir de nomination de la Commission (ci-après l’« AIPN ») la promotion du requérant, mais un « suivi DG » qui constitue une recommandation d’accorder une attention particulière à la carrière du titulaire du poste.

11      Le 10 novembre 2021, par l’IA no 31-2021, la liste des fonctionnaires promus au titre de l’exercice 2021, établie par l’AIPN, sur laquelle ne figurait pas le nom du requérant, a été communiquée au personnel de la Commission.

12      Le 3 décembre 2021, le requérant a formé, sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), la réclamation contre la décision attaquée, enregistrée sous la référence R/620/21.

13      Le 1er avril 2022, l’AIPN a rejeté la réclamation.

II.    Procédure et conclusions des parties

14      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler la décision de rejet de la réclamation ;

–        annuler les décisions de promotion des fonctionnaires promus au titre de l’exercice en cause ;

–        annuler toute autre décision préalable, consécutive ou en tout état de cause connexe ;

–        à titre subsidiaire, ordonner la réparation des préjudices découlant des actes illicites de la Commission ;

–        condamner la Commission aux dépens.

15      Au regard des moyens et des arguments invoqués, le Tribunal a adopté, au titre de l’article 89 de son règlement de procédure, diverses mesures d’organisation de la procédure qui incluaient notamment la demande de production des rapports d’évaluation anonymisés des trois fonctionnaires formulée par le requérant et à laquelle la Commission a déféré.

16      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

III. En droit

A.      Sur l’objet du recours

17      Par ses premier et deuxième chefs de conclusions, le requérant demande l’annulation de la décision attaquée et de la décision de rejet de la réclamation.

18      Il est de jurisprudence constante que des conclusions dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le juge de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée et sont en tant que telles dépourvues de contenu autonome (arrêts du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8, et du 20 novembre 2007, Ianniello/Commission, T‑205/04, EU:T:2007:346, point 27).

19      En l’espèce, il convient de considérer que les conclusions en annulation, dirigées contre la décision de rejet de la réclamation formée contre la décision attaquée, ont pour unique objet une demande d’annulation de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, EU:T:2006:110, point 43 et jurisprudence citée).

20      De plus, il y a lieu de constater que, par la décision de rejet de la réclamation, l’AIPN a complété la motivation de la décision attaquée, en répondant notamment aux griefs que le requérant avait avancés dans la réclamation.

21      Ainsi, compte tenu du caractère évolutif de la procédure précontentieuse, la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation doit également être prise en considération pour l’examen de la légalité de l’acte initial faisant grief, cette motivation étant censée coïncider avec celle de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2021, RA/Cour des comptes, T‑867/19, non publié, EU:T:2021:361, point 15 et jurisprudence citée).

22      En outre, par ses troisième et quatrième chefs de conclusions, le requérant tend à obtenir l’annulation de diverses décisions adoptées dans le cadre de l’exercice en cause.

23      Enfin, par son cinquième chef de conclusions, le requérant demande l’indemnisation par la Commission des préjudices prétendument subis en raison, d’une part, de la décision attaquée et, d’autre part, de la décision de ses supérieurs hiérarchiques de ne pas publier la version intégrale de la présentation du 14 janvier 2021.

24      Dès lors, il convient d’examiner, d’une part, les conclusions en annulation et, d’autre part, les conclusions indemnitaires.

B.      Sur les conclusions en annulation

1.      Sur la recevabilité

25      La Commission oppose une fin de non-recevoir à l’encontre du troisième chef de conclusions du requérant, tirée de ce que les décisions de promotion des fonctionnaires promus au titre de l’exercice en cause ne constituent pas des actes faisant grief au requérant.

26      En outre, le Tribunal a estimé qu’il convenait d’examiner d’office la recevabilité du quatrième chef de conclusions du requérant et a par conséquent interrogé les parties à ce sujet dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure visées au point 15 ci-dessus.

–       Sur la fin de non-recevoir opposée par la Commission à l’encontre du troisième chef de conclusions du requérant

27      La Commission fait valoir que les décisions de promotion des fonctionnaires promus au titre de l’exercice en cause ne constituent pas des actes faisant grief au requérant. Selon elle, dans le cas où la décision de ne pas promouvoir le requérant devait être jugée illégale, sa situation serait réexaminée par l’administration et une éventuelle promotion supplémentaire pourrait lui être accordée si toutes les conditions prévues à cet effet étaient réunies, indépendamment des décisions précédemment adoptées concernant d’autres fonctionnaires.

28      Le requérant conteste cette argumentation. Il estime que son troisième chef de conclusions est recevable et fait valoir que, selon la jurisprudence, les fonctionnaires susceptibles d’être promus à un grade déterminé ont, en principe, un intérêt personnel à contester les décisions promouvant audit grade d’autres fonctionnaires.

29      Il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, seuls font grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, et de l’article 91, paragraphe 1, du statut, les actes ou les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts de la partie requérante en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celle-ci (voir arrêt du 18 juin 2020, Commission/RQ, C‑831/18 P, EU:C:2020:481, point 44 et jurisprudence citée).

30      Dans ce contexte, un fonctionnaire n’est pas habilité à agir dans l’intérêt de la loi ou des institutions et ne peut faire valoir, à l’appui d’un recours en annulation, que des griefs qui lui sont personnels (voir ordonnance du 8 mars 2007, Strack/Commission, C‑237/06 P, EU:C:2007:156, point 64 et jurisprudence citée). À cet égard, il suffit que l’illégalité alléguée ait eu des conséquences sur la situation juridique du requérant pour que le grief qu’il en tire soit considéré comme un grief personnel (voir arrêt du 28 avril 2021, Correia/CESE, T‑843/19, EU:T:2021:221, point 46 et jurisprudence citée).

31      La procédure de promotion s’achève par l’établissement de la liste des fonctionnaires promus. Cette décision finale identifie les fonctionnaires qui sont promus à l’occasion de l’exercice de promotion en cours. Dès lors, c’est au moment de la publication de cette liste que les fonctionnaires qui s’estiment en mesure d’être promus prennent connaissance, d’une manière certaine et définitive, de l’appréciation de leurs mérites et que leur position juridique est affectée (voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 1996, Michaël/Commission, T‑144/95, EU:T:1996:169, point 30).

32      Selon la jurisprudence, la liste des fonctionnaires promus constitue un faisceau d’actes à caractère individuel adressés aux fonctionnaires promus au grade concerné. Ce faisceau d’actes fait toutefois grief aux fonctionnaires dont les noms ne figurent pas sur la liste dans la mesure où il constitue un refus implicite de les promouvoir (voir arrêt du 24 avril 2009, Sanchez Ferriz e.a./Commission, T‑492/07 P, EU:T:2009:116, point 32 et jurisprudence citée).

33      En l’espèce, par son troisième chef de conclusions, le requérant vise l’annulation des décisions de promotion des fonctionnaires promus au titre de l’exercice en cause.

34      Il convient de rappeler que les fonctionnaires susceptibles d’être promus à un grade déterminé ont, en principe, un intérêt personnel à contester les décisions promouvant audit grade d’autres fonctionnaires (voir arrêts du 21 janvier 2004, Robinson/Parlement, T‑328/01, EU:T:2004:13, point 32, et du 5 mai 2010, Bouillez e.a./Conseil, F‑53/08, EU:F:2010:37, point 80).

35      Il en résulte que le requérant peut s’estimer lésé par les décisions de promotion des fonctionnaires promus au titre de l’exercice en cause et a ainsi personnellement intérêt à en demander l’annulation.

36      Par conséquent, le troisième chef de conclusions du requérant est recevable.

–       Sur la recevabilité du quatrième chef de conclusions du requérant

37      Il ressort des dispositions de l’article 76, sous d) et e), du règlement de procédure que la requête introductive d’instance doit contenir, notamment, l’objet du litige et les conclusions de la partie requérante. Selon une jurisprudence constante, ces indications doivent être suffisamment claires et précises pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au juge de l’Union européenne d’exercer son contrôle. De même, les conclusions de la requête introductive d’instance doivent être formulées de manière non équivoque afin d’éviter que le juge de l’Union ne statue ultra petita ou bien n’omette de statuer sur un grief (voir, en ce sens, ordonnance du 7 mai 2013, TME/Commission, C‑418/12 P, non publiée, EU:C:2013:285, point 33 et jurisprudence citée).

38      Il importe également de rappeler que des conclusions qui tendent à l’annulation de tous les actes préalables, consécutifs ou connexes à ceux attaqués, y compris ceux dont la partie requérante n’a pas connaissance, sans que ces actes soient identifiés, doivent être déclarées irrecevables comme non conformes à ces exigences, en ce qu’elles manquent de précision quant à leur objet (ordonnance du 13 janvier 2015, Istituto di vigilanza dell’urbe/Commission, T‑579/13, non publiée, EU:T:2015:27, point 28 ; voir également, en ce sens, arrêts du 23 janvier 2007, Tsarnavas/Commission, T‑472/04, EU:T:2007:14, point 52, et du 5 octobre 2022, European Dynamics Luxembourg/BCE, T‑761/20, EU:T:2022:606, point 29 et jurisprudence citée).

39      En l’espèce, il suffit de relever que le requérant n’a pas identifié, dans ses écritures, les décisions qui seraient visées par son quatrième chef de conclusions. En particulier, il n’a pas été en mesure, dans le cadre de ses réponses aux mesures d’organisation de la procédure rappelées au point 15 ci-dessus, d’identifier précisément lesdites décisions.

40      Le quatrième chef de conclusions du requérant doit donc être rejeté comme étant irrecevable.

2.      Sur le fond

41      Dans un premier temps, le Tribunal examinera conjointement les premier et deuxième chefs de conclusions du requérant, tendant à l’annulation de la décision attaquée avant d’analyser, dans un second temps, le troisième chef de conclusions du requérant tendant à l’annulation des décisions de promotion des fonctionnaires promus au titre de l’exercice en cause.

a)      Sur les premier et deuxième chefs de conclusions du requérant

42      Dans la requête, le requérant a formellement invoqué deux moyens tirés, le premier, de la violation de l’obligation de motivation et, le second, d’un détournement de pouvoir.

43      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le Tribunal doit interpréter les moyens d’un requérant par leur substance plutôt que par leur qualification et procéder, par conséquent, à la qualification des moyens et arguments de la requête (voir, en ce sens, arrêts du 10 février 2009, Deutsche Post et DHL International/Commission, T‑388/03, EU:T:2009:30, point 54, et jurisprudence citée, et du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑471/11, EU:T:2014:739, point 51).

44      Dans ces conditions, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, le Tribunal estime qu’il y a lieu de considérer que le requérant soulève, en substance, trois moyens tirés, le premier, de la violation de l’obligation de motivation, le deuxième, d’une violation de l’article 45 du statut et, le troisième, d’un détournement de pouvoir.

1)      Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

45      Le premier moyen se décompose en deux branches. Par la première branche dudit moyen, le requérant fait valoir que l’AIPN n’a pas satisfait à l’obligation de motivation en n’exposant pas de façon suffisamment claire et précise les motifs individuels et pertinents justifiant la décision attaquée au regard des trois critères prévus à l’article 45, paragraphe 1, du statut. Selon lui, l’AIPN ne l’a pas mis en mesure de comprendre de quelle manière l’ensemble des griefs soulevés dans la réclamation ont été pris en considération. Il considère que cette motivation ne lui a pas permis d’être informé du raisonnement suivi par l’AIPN aux fins de l’appréciation du bien-fondé de cette décision.

46      Par la seconde branche du premier moyen, le requérant estime que l’AIPN n’a pas expliqué les raisons du choix de l’échantillon de trois fonctionnaires retenus dans le cadre de l’examen comparatif des mérites, ni même démontré leur représentativité aux fins de cet examen qui était fondé, de ce fait, sur des critères insondables. Selon lui, l’AIPN aurait dû comparer sa situation avec celle des 39 fonctionnaires, parmi les 325 qui ont été promus au grade AD 11 au titre de l’exercice en cause, qui avaient la même ancienneté que lui dans le grade AD 10, à savoir 2 ans.

47      La Commission conteste les arguments du requérant.

i)      Sur la première branche du premier moyen

48      Le requérant reproche, en substance, à l’AIPN de ne pas avoir fourni, dans la décision de rejet de la réclamation, une motivation individuelle et pertinente, ainsi que l’exige la jurisprudence, précisant les éléments qui ont été considérés comme traduisant des mérites moindres que ceux contenus dans les rapports d’évaluation des fonctionnaires promus.

49      Il ressort d’une jurisprudence constante que l’article 25, deuxième alinéa, du statut, qui ne constitue que la reprise de l’obligation générale édictée par l’article 296 TFUE, a pour objet, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de l’acte. Il s’ensuit que l’obligation de motivation ainsi édictée constitue un principe essentiel du droit de l’Union, auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses. Son importance est soulignée, notamment, par l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui range ladite obligation parmi les garanties procédurales faisant partie intégrante du droit à une bonne administration (voir arrêt du 28 mai 2020, YG/Commission, T‑518/18, non publié, EU:T:2020:221, point 58 et jurisprudence citée).

50      Le caractère suffisant de la motivation doit être apprécié en fonction des circonstances concrètes de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (voir arrêt du 8 juillet 2020, EP/Commission, T‑605/19, non publié, EU:T:2020:326, point 30 et jurisprudence citée), ainsi que des éléments essentiels de l’argumentaire auquel l’institution répond (voir arrêt du 8 juillet 2020, EP/Commission, T‑605/19, non publié, EU:T:2020:326, point 34 et jurisprudence citée).

51      L’administration n’est ainsi pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle et il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision. La motivation doit être logique, ne présentant notamment pas de contradiction interne (voir arrêt du 8 juillet 2020, EP/Commission, T‑605/19, non publié, EU:T:2020:326, point 31 et jurisprudence citée).

52      En particulier, il est de jurisprudence constante que, si l’AIPN n’est tenue de motiver une décision de promotion ni à l’égard de son destinataire ni à l’égard des candidats non promus, elle a, en revanche, l’obligation de motiver sa décision portant rejet d’une réclamation introduite en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut par un candidat non promu, la motivation de cette décision de rejet étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation était dirigée (voir arrêts du 7 février 1990, Culin/Commission, C‑343/87, EU:C:1990:49, point 13 et jurisprudence citée, et du 26 octobre 2017, Paraskevaidis/Cedefop, T‑601/16, EU:T:2017:757, point 37 et jurisprudence citée).

53      Une motivation générale et stéréotypée et qui ne comporte aucun élément d’information spécifique au cas de l’intéressé équivaut, en réalité, à une absence totale de motivation (voir arrêt du 23 novembre 2017, PF/Commission, T‑617/16, non publié, EU:T:2017:829, point 34 et jurisprudence citée).

54      Toutefois, l’AIPN n’est pas tenue de révéler au fonctionnaire non promu l’appréciation comparative qu’elle a portée sur ses mérites et sur ceux des fonctionnaires retenus pour la promotion, ni d’exposer en détail la façon dont elle a estimé que les candidats promus méritaient la promotion. Il suffit que, dans la décision de rejet de la réclamation, l’AIPN indique au fonctionnaire concerné le motif individuel et pertinent justifiant la décision de ne pas le promouvoir (voir arrêt du 23 novembre 2017, PF/Commission, T‑617/16, non publié, EU:T:2017:829, point 35 et jurisprudence citée).

55      En outre, les promotions se faisant au choix, conformément à l’article 45 du statut, il suffit que la motivation du rejet de la réclamation se rapporte à l’application des conditions légales et statutaires de promotion qui a été faite à la situation individuelle du fonctionnaire (voir arrêt du 26 octobre 2017, Paraskevaidis/Cedefop, T‑601/16, EU:T:2017:757, point 39 et jurisprudence citée).

56      Par ailleurs, l’obligation de motiver des décisions constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’un acte consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels il repose. Si ces motifs comportent des erreurs, celles-ci affectent la légalité au fond de l’acte en cause, mais non la motivation de celui-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt du 3 mars 2021, Barata/Parlement, T‑723/18, EU:T:2021:113, point 68 et jurisprudence citée).

57      Selon l’article 45, paragraphe 1, du statut :

« La promotion […] se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum de deux ans d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion. Aux fins de l’examen comparatif des mérites, l’[AIPN] prend en considération, en particulier, les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet, l’utilisation dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie conformément à l’article 28, point f), et le niveau des responsabilités exercées. »

58      Dans ce cadre, l’article 4 de la décision C(2013) 8968 final de la Commission, du 16 décembre 2013, portant dispositions générales d’exécution de l’article 45 du statut (ci-après les « DGE de l’article 45 »), intitulé « Base de la procédure de promotion », prévoit ce qui suit :

« 1.      L’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables constitue la base de la procédure de promotion. […] Aux fins de cet examen, l’[AIPN] prend en considération, en particulier :

a)      les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet depuis leur dernière promotion ou, à défaut, depuis leur recrutement et en particulier les rapports d’évaluation établis conformément aux dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut ;

b)      l’utilisation par les fonctionnaires, dans l’exercice de leurs fonctions, de langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie conformément à l’article 28, point f), du statut ; et

c)      le niveau des responsabilités exercées.

2.      En cas d’égalité de mérites entre fonctionnaires promouvables sur la base des trois éléments visés au paragraphe 1, l’[AIPN] peut, à titre subsidiaire, prendre en considération d’autres éléments. »

59      C’est à la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 49 à 56 ci-dessus et des dispositions rappelées aux points 57 et 58 ci-dessus qu’il convient de déterminer si la motivation de la décision de rejet de la réclamation peut être considérée comme suffisante.

60      En l’espèce, il convient de relever que la décision de rejet de la réclamation se compose de trois parties principales. Dans la première partie, l’AIPN a d’abord procédé à un rappel des faits et de la procédure. Elle a ensuite indiqué que, après avoir examiné et comparé les mérites des fonctionnaires de grade AD 10 promouvables au titre de l’exercice en cause, l’AIPN compétente n’avait pas proposé la promotion du requérant. Elle a rappelé enfin que le CPP n’avait pas recommandé de promouvoir le requérant mais seulement de recourir à un « suivi DG » (voir point 10 ci-dessus).

61      Dans la deuxième partie de la décision de rejet de la réclamation, l’AIPN a repris les arguments du requérant exposés dans la réclamation, en mentionnant notamment l’incident. Elle a ensuite rappelé, dans la troisième partie, les dispositions de droit applicable, notamment l’article 45, paragraphe 1, du statut et l’article 4 des DGE de l’article 45, puis elle a exposé la méthode applicable à l’examen comparatif des mérites et les étapes de la procédure. C’est au regard de ces dispositions que l’AIPN a, par la suite, procédé à l’analyse juridique des arguments du requérant.

62      À cet égard, il convient de rappeler que, en application de la jurisprudence citée au point 50 ci-dessus, la motivation d’une décision de non-promotion doit être appréciée en fonction des éléments essentiels de l’argumentaire exposé dans la réclamation. En l’occurrence, le requérant a fait valoir, dans la réclamation, quatre griefs concernant, premièrement, l’obligation de l’AIPN d’exposer les motifs individuels et pertinents qui justifiaient sa non-promotion au regard des trois critères prévus à l’article 45, paragraphe 1, du statut, deuxièmement, la méthode utilisée dans le cadre de l’examen comparatif des mérites, troisièmement, la procédure suivie et, quatrièmement, l’accès au contenu de l’appréciation comparative portée sur ses mérites.

63      Dès lors, il convient de vérifier s’il ressort de la décision de rejet de la réclamation que l’AIPN a motivé de manière circonstanciée la décision attaquée, en répondant aux quatre griefs exposés dans la réclamation.

64      S’agissant du premier grief, l’AIPN a rappelé, dans la partie sur la comparaison des mérites, le nombre de fonctionnaires promouvables dans le grade du requérant au titre de l’exercice en cause, le nombre de fonctionnaires promus, le nombre de fonctionnaires qui avaient été proposés à la promotion par le CPP et, parmi ceux-ci, le nombre de fonctionnaires que l’AIPN compétente avait retenus.

65      De plus, parmi les 18 fonctionnaires promus à la suite d’un appel devant le CPP, l’AIPN a constaté que l’ancienneté la plus élevée était de 4 ans et la plus réduite de 3 ans. Elle a indiqué que l’ancienneté du requérant était de 2 ans au 1er janvier 2021 et de 2,997 ans au 31 décembre 2021.

66      L’AIPN a ensuite indiqué qu’elle avait examiné les éléments fournis par le requérant ainsi que ceux dont elle disposait, tels que les rapports d’évaluation des fonctionnaires promus au titre de l’exercice en cause et ceux du requérant pour les années 2019 et 2020. Elle a, sur ce fondement, procédé à un examen et à une comparaison des mérites en quatre parties, la première étant consacrée à l’efficacité, la compétence et la conduite dans le service, la deuxième à l’utilisation des langues, la troisième au niveau des responsabilités et la quatrième au niveau d’ancienneté dans le grade, qui correspondent en substance aux critères prévus à l’article 45 du statut, sur lesquels doit se fonder l’examen comparatif des mérites, et à la condition d’ancienneté minimale prévue par le même article. Il convient d’examiner successivement ces quatre parties.

67      Tout d’abord, dans la première partie, l’AIPN a cité des extraits des rapports d’évaluation du requérant pour les années 2019 et 2020, en les reprenant dans trois sous-parties distinctes, intitulées « Efficacité », « Compétence » et « Conduite dans le service ». Elle a également mentionné l’appréciation générale portée sur le requérant dans ces deux rapports d’évaluation dans une quatrième sous-partie intitulée « Appréciation générale ».

68      À la suite de la citation de ces extraits, l’AIPN a conclu, à la lumière des mérites du requérant, qu’aucune erreur manifeste d’appréciation n’avait été décelée s’agissant de l’examen comparatif conduit sur le fondement du premier critère prévu par l’article 45, paragraphe 1, du statut et de l’article 4, paragraphe 1, des DGE de l’article 45.

69      Puis, l’AIPN a précisé, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 54 ci-dessus, qu’elle n’était pas tenue de révéler à un fonctionnaire non promu l’appréciation comparative portée sur lui et sur les fonctionnaires retenus pour la promotion. Nonobstant ce qui précède, afin de fournir au requérant une motivation exhaustive, elle a cité, à des fins d’illustration, des extraits de rapports d’évaluation pour l’année 2020 concernant les mérites de trois fonctionnaires promus au grade AD 11 au titre de l’exercice en cause, au regard des critères visés au point 57 ci-dessus. Ces trois fonctionnaires ont été désignés de manière anonyme sous les lettres majuscules « A », « B » et « C » (ci-après les « fonctionnaires A, B et C »).

70      L’AIPN a, sur le fondement de ces extraits, considéré que les mérites des fonctionnaires A, B et C étaient excellents s’agissant du premier critère rappelé au point 68 ci-dessus.

71      L’ensemble des extraits visés aux points 67 et 69 ci-dessus attestent d’un haut niveau de satisfaction en ce qui concerne le requérant, comparable au niveau de mérites des fonctionnaires A, B et C, bien que certains commentaires montrent une appréciation supérieure portée sur leurs prestations par rapport à celles du requérant. Ainsi, l’AIPN, en fournissant des éléments d’information spécifiques au cas du requérant, l’a mis en mesure de comparer ses mérites avec ceux des fonctionnaires A, B et C et de vérifier ainsi l’analyse qu’elle a menée.

72      Ensuite, dans la seconde partie, l’AIPN a cité un extrait du rapport d’évaluation du requérant pour les années 2019 et 2020 relatif à l’utilisation des langues dans l’exercice des fonctions, puis des extraits des rapports d’évaluation pour l’année 2020 des fonctionnaires A, B et C, relatifs au même critère. Elle a constaté que le requérant et lesdits fonctionnaires utilisaient entre trois et quatre langues. Elle a donc mis le requérant en mesure de comparer sa situation avec celle des autres fonctionnaires mentionnés s’agissant du deuxième critère prévu par l’article 45, paragraphe 1, du statut et de l’article 4, paragraphe 1, des DGE de l’article 45. Ainsi, bien qu’elle n’ait pas explicitement tiré de conclusion de cette comparaison, elle a fait état, s’agissant de ce critère, d’un niveau similaire entre le requérant et deux des trois fonctionnaires susmentionnés et d’un niveau supérieur du requérant par rapport à l’un de ceux-ci.

73      Puis, dans la troisième partie, l’AIPN a cité des extraits des rapports d’évaluation du requérant pour les années 2019 et 2020 relatifs au niveau des responsabilités exercées et, pour l’année 2020, des fonctionnaires A, B et C, relatifs au même critère. Ainsi que le souligne la Commission, ces illustrations ont permis à l’AIPN d’en tirer la conclusion que les fonctionnaires promus avaient assumé des responsabilités d’un niveau supérieur à celui du requérant, notamment en raison de leurs fonctions d’encadrement, sans pour autant que l’ensemble desdits fonctionnaires ait assumé formellement de telles fonctions. L’AIPN a alors conclu, sur la base de ces éléments, qu’aucune erreur manifeste d’appréciation n’avait été commise s’agissant du troisième critère prévu par l’article 45, paragraphe 1, du statut et de l’article 4, paragraphe 1, des DGE de l’article 45. Elle a ainsi fourni au requérant le premier motif individuel et pertinent sur lequel la décision attaquée a été adoptée, à savoir le niveau des responsabilités exercées.

74      Enfin, dans la quatrième partie, l’AIPN a rappelé que l’article 4, paragraphe 2, des DGE de l’article 45 l’autorisait à prendre en considération, à titre subsidiaire, d’autres éléments en cas d’égalité de mérites entre fonctionnaires promouvables sur la base des trois critères visés au paragraphe 1 du même article.

75      Ainsi, comme le relève la Commission, l’AIPN a précisé dans la décision de rejet de la réclamation que le faible niveau d’ancienneté dans le grade du requérant a été pris en considération en tant que critère de départage lorsque ses mérites avaient été jugés équivalents à ceux des autres fonctionnaires promouvables sur la base des trois critères prévus à l’article 45, paragraphe 1, du statut. Elle a ainsi fourni au requérant le second motif individuel et pertinent sur lequel la décision attaquée a été adoptée.

76      Compte tenu de ce qui précède, l’AIPN a conclu qu’aucune erreur manifeste ne pouvait être décelée dans la comparaison des mérites du requérant avec ceux des fonctionnaires promus lors de l’exercice en cause. Elle a également rejeté le grief tiré de l’absence de comparaison des mérites à la lumière de la procédure suivie.

77      Il ressort des développements précédents que l’AIPN a fourni au requérant suffisamment d’indications pour qu’il soit en mesure de comprendre les raisons pour lesquelles, sur la base d’un examen des rapports d’évaluation, de l’utilisation des langues, du niveau des responsabilités et de son ancienneté dans le grade, ses mérites avaient été considérés en partie analogues et en partie inférieurs à ceux des fonctionnaires promus.

78      En effet, il ressort de la motivation de la décision de rejet de la réclamation que l’AIPN a procédé à une pondération des différents critères prévus à l’article 45, paragraphe 1, du statut, dont il découle que le critère du niveau des responsabilités et le critère subsidiaire de l’ancienneté à égalité de mérites ont constitué les motifs individuels et pertinents justifiant la non-promotion du requérant.

79      S’agissant des trois autres griefs, il suffit de relever que la décision de rejet de la réclamation comporte d’autres éléments de réponse apportés par l’AIPN auxdits griefs, tels que la méthode appliquée dans le cadre de l’examen comparatif des mérites, la procédure d’examen suivie, la confidentialité des délibérations du CPP et donc l’accès à l’appréciation comparative portée sur les mérites du requérant.

80      En l’espèce, il y a lieu de constater que la décision de rejet de la réclamation contenait, en réponse aux trois autres griefs soulevés dans la réclamation, des précisions suffisantes pour permettre au requérant de comprendre le raisonnement de l’administration et d’apprécier l’opportunité d’introduire un recours et au Tribunal d’exercer son contrôle.

81      En effet, la décision de rejet de la réclamation comporte des éléments d’appréciation et de comparaison spécifiques et des précisions pertinentes relatives à la situation individuelle du requérant. La première branche doit donc être écartée.

ii)    Sur la seconde branche du premier moyen

82      Le requérant conteste, en substance, la représentativité de l’échantillon des fonctionnaires A, B et C, à titre d’exemple, aux fins de l’examen comparatif des mérites. Selon lui, l’AIPN aurait dû comparer sa situation avec celle des fonctionnaires promus au grade AD 11 au titre de l’exercice en cause qui, d’une part, s’agissant de l’examen du niveau des responsabilités, n’avaient pas exercé des fonctions d’encadrement et, d’autre part, avaient la même ancienneté que lui dans le grade AD 10 au moment de leur promotion, à savoir 2 ans.

83      À cet égard, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, le choix des fonctionnaires A, B et C mentionnés à titre d’exemple par l’AIPN reposait sur des critères objectifs, à savoir l’appartenance à la même direction générale que le requérant et, à titre subsidiaire, leur ancienneté similaire dans le grade AD 10.

84      Or, selon la jurisprudence rappelée au point 54 ci-dessus, l’AIPN n’est, en principe, pas tenue de révéler au fonctionnaire non promu l’appréciation comparative qu’elle a portée sur ses mérites et sur ceux des fonctionnaires retenus pour la promotion, ni d’exposer en détail la façon dont elle a estimé que les candidats promus méritaient une promotion.

85      Dans ces circonstances, l’AIPN peut se limiter à exposer, à titre d’exemple, des extraits de rapports d’évaluation concernant la comparaison des mérites du requérant avec ceux de certains des fonctionnaires promus au grade AD 11 au titre de l’exercice en cause.

86      En outre, sous réserve de la vérification par le juge de l’Union de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation, il n’appartient pas au Tribunal de procéder à un réexamen détaillé de tous les dossiers des candidats promouvables afin de s’assurer qu’il partage la conclusion à laquelle est parvenue l’AIPN, car, s’il entreprenait un tel exercice, il sortirait du cadre du contrôle de légalité qui est le sien, substituant ainsi sa propre appréciation des mérites des candidats promouvables à celle de cette autorité (arrêt du 15 janvier 2014, Stols/Conseil, T‑95/12 P, EU:T:2014:3, point 31).

87      Ainsi, dans la mesure où le Tribunal ne saurait, en toute hypothèse, procéder à la vérification, de manière approfondie, de la comparaison des mérites des fonctionnaires promus effectuée par l’AIPN, sauf à substituer son appréciation à celle de cette dernière, il ne saurait être exigé de la part de la Commission de produire l’ensemble des extraits des rapports d’évaluation, d’une part, de tous les fonctionnaires promus ayant 2 ans d’ancienneté dans le grade AD 10 et, d’autre part, de tous les fonctionnaires promus n’ayant pas exercé des fonctions d’encadrement (voir, en ce sens, arrêt du 20 octobre 2021, YG/Commission, T‑599/20, non publié, EU:T:2021:709, point 33).

88      Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que la décision attaquée, telle que précisée par la décision de rejet de la réclamation, satisfait à l’exigence de motivation consacrée à l’article 296 TFUE et à l’article 25, deuxième alinéa, du statut.

89      Partant, eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter la seconde branche du premier moyen et, par conséquent, ledit moyen dans son ensemble.

2)      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 45 du statut

90      Le deuxième moyen se décompose en substance en deux branches, tirées respectivement, la première, de l’absence d’examen comparatif des mérites et, la seconde, de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation.

i)      Sur la première branche du deuxième moyen

91      Le requérant fait valoir en substance que l’AIPN a violé l’article 45 du statut en ne procédant pas à un examen comparatif de ses mérites avec ceux des fonctionnaires promus au grade AD 11 au titre de l’exercice en cause. En particulier, il estime, par un premier grief, que lors de l’examen des critères de l’efficacité, de la compétence et de la conduite dans le service, l’AIPN n’a effectué aucune comparaison avec l’échantillon des fonctionnaires A, B et C, mais s’est limitée au simple constat du niveau « excellent » desdits fonctionnaires. Par un second grief, il soutient en substance que l’AIPN n’a pas procédé à un examen comparatif de ses mérites avec les autres fonctionnaires promus au grade AD 11 au titre de l’exercice en cause.

92      La Commission conteste les arguments du requérant.

93      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon l’article 45, paragraphe 1, premier alinéa, du statut, l’AIPN accorde les promotions au vu d’un examen comparatif des mérites des fonctionnaires et des rapports périodiques d’évaluation dont ils ont fait l’objet.

94      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’AIPN dispose du pouvoir de procéder à l’examen comparatif des mérites selon la procédure ou la méthode qu’elle estime la mieux appropriée. En effet, ainsi qu’il a été reconnu par la jurisprudence, il n’existe pas d’obligation pour l’institution concernée d’adopter un système particulier d’évaluation et de promotion, compte tenu de la large marge d’appréciation dont elle dispose pour mettre en œuvre, conformément à ses propres besoins d’organisation et de gestion de son personnel, les objectifs de l’article 45 du statut (voir arrêt du 18 mai 2022, TK/Commission, T‑435/21, non publié, EU:T:2022:303, point 44 et jurisprudence citée).

95      Le pouvoir d’appréciation ainsi reconnu à l’administration est néanmoins limité par la nécessité de procéder à l’examen comparatif des mérites avec soin et impartialité, dans l’intérêt du service et conformément au principe d’égalité de traitement. Si l’AIPN dispose du pouvoir statutaire de procéder à un tel examen selon la procédure ou la méthode qu’elle estime la plus appropriée, ledit examen doit, en pratique, être conduit sur une base égalitaire et à partir de sources d’informations et de renseignements comparables (voir arrêt du 9 juin 2021, Hill Mansilla/Commission, T‑575/19, non publié, EU:T:2021:324, point 62 et jurisprudence citée).

96      L’obligation pour l’AIPN de procéder à un examen comparatif des mérites des fonctionnaires susceptibles d’être promus, prévu par l’article 45 du statut, est l’expression à la fois du principe d’égalité de traitement des fonctionnaires et de leur vocation à la carrière, l’appréciation de leurs mérites constituant ainsi le critère déterminant. À cet égard, l’article 45, paragraphe 1, du statut prévoit que, aux fins de l’examen comparatif des mérites, l’AIPN prend en considération, outre les rapports dont les fonctionnaires font l’objet, l’utilisation par ceux-ci, dans l’exercice de leurs fonctions, des langues autres que la langue dont ils ont justifié avoir une connaissance approfondie et, le cas échéant, le niveau des responsabilités exercées (voir point 57 ci-dessus). L’article 45, paragraphe 1, du statut laisse une certaine marge d’appréciation à l’AIPN quant à l’importance que celle-ci entend accorder à chacun des trois critères mentionnés dans cette disposition lors de l’examen comparatif des mérites, dans le respect toutefois du principe d’égalité (voir arrêt du 9 juin 2021, Hill Mansilla/Commission, T‑575/19, non publié, EU:T:2021:324, point 63 et jurisprudence citée).

97      C’est en application de ces principes qu’il convient d’examiner les deux griefs invoqués par le requérant.

98      S’agissant du premier grief, il ressort des extraits des rapports d’évaluation des fonctionnaires pour l’année 2020 que les fonctionnaires A, B et C ont fait preuve, pour le premier, d’un niveau d’efficacité excellent, pour le deuxième, d’un niveau très bon voire excellent et, pour le troisième, d’un niveau dépassant les attentes de sa hiérarchie. Les extraits des rapports d’évaluation du requérant montrent que son niveau d’efficacité était élevé et font notamment référence au fait qu’il était en charge du plus grand nombre de projets dans son unité tant en 2019 qu’en 2020.

99      De plus, les compétences en matière de connaissances, de capacité d’analyse, d’efficacité, de compréhension des objectifs des fonctionnaires A, B et C ont été qualifiées de très bonnes voire d’excellentes, comme celles du requérant.

100    En outre, le niveau de mérites des fonctionnaires A, B et C pour leur conduite dans le service, notamment l’esprit d’initiative, la capacité à échanger avec leurs interlocuteurs, l’esprit d’équipe et les qualités de gestion d’équipe, a été jugé très bon voire excellent. De la même manière, les mérites du requérant ont été jugés très bons durant les années 2019 et 2020.

101    Dès lors, comme le fait valoir la Commission, la décision de rejet de la réclamation reconnaît expressément les mérites du requérant tout en présentant la manière dont leur comparaison a été effectuée à l’aide d’exemples concrets indiquant, à titre d’illustration, le niveau des mérites de trois fonctionnaires promus.

102    Au demeurant, le requérant n’a fourni aucun indice au soutien de son argumentation relative à l’absence d’examen comparatif des mérites.

103    Partant, c’est à tort que le requérant soutient que l’AIPN n’a procédé à aucun examen comparatif de ses compétences avec celles des fonctionnaires A, B et C s’agissant du critère de l’efficacité, de la compétence et de la conduite dans le service.

104    En ce qui concerne le second grief, il ressort de la décision de rejet de la réclamation que ce n’est qu’après avoir comparé les mérites du requérant avec ceux des fonctionnaires de grade AD 10 promus au sein de la DG à laquelle il appartient et au niveau de la Commission, que l’AIPN a conclu à l’absence d’erreur manifeste d’appréciation.

105    Il s’ensuit que, contrairement à ce que prétend le requérant, l’AIPN a procédé, dans la décision de rejet de la réclamation, à un examen comparatif de ses mérites au niveau de la Commission.

106    Par ailleurs, ainsi que l’a souligné l’AIPN dans la décision de rejet de la réclamation, il convient de rappeler que la procédure de promotion au sein de la Commission, prévue à l’article 5 des DGE de l’article 45, comporte deux étapes.

107    Lors de la première étape, les fonctionnaires promouvables sont identifiés de manière décentralisée pour chaque direction générale. Cette étape est achevée au moment où chaque directeur général communique à l’ensemble des membres du personnel la liste des fonctionnaires relevant de chaque grade proposés à la promotion (voir point 7 ci-dessus).

108    Lors de la seconde étape, les fonctionnaires non proposés à la promotion ont la possibilité de former un appel interne devant le CPP (voir points 8 à 10 ci-dessus). L’exercice de ce droit permet à ces fonctionnaires de bénéficier d’un examen comparatif de leurs mérites, mené non seulement au niveau de leurs directions générales respectives, mais également au niveau de l’ensemble de l’institution (arrêt du 14 novembre 2017, HL/Commission, T‑668/16 P, non publié, EU:T:2017:802, point 26).

109    En l’espèce, il y a lieu de constater que le requérant a formé un appel interne contre l’absence d’inscription de son nom sur la liste des fonctionnaires proposés à la promotion (voir point 8 ci-dessus). À défaut de toute pièce du dossier dans le sens contraire, il en résulte que ses mérites ont, conformément à l’article 5 des DGE de l’article 45, fait l’objet d’une comparaison avec ceux des fonctionnaires promus au niveau de l’institution et non seulement à celui de sa direction générale.

110    Le second grief doit donc être écarté et, par conséquent, la première branche du deuxième moyen dans son ensemble.

ii)    Sur la seconde branche du deuxième moyen

111    Le requérant fait valoir en substance que l’AIPN a commis plusieurs erreurs manifestes d’appréciation privant de plausibilité la décision attaquée.

112    Premièrement, le requérant avance que l’AIPN n’a pas tenu compte de ses compétences linguistiques dans la mesure où il utilisait quatre langues dans l’exercice de ses fonctions, c’est-à-dire autant de langues, voire plus, que les fonctionnaires A, B et C. En outre, les compétences linguistiques du premier desdits fonctionnaires seraient inférieures aux siennes. Deuxièmement, il soutient que, concernant le niveau des responsabilités exercées, l’AIPN aurait dû comparer sa situation avec celle de fonctionnaires promus ayant exercé des responsabilités analogues ou inférieures aux siennes et non des fonctions d’encadrement. Troisièmement, il affirme que l’AIPN a principalement fondé, à tort, sa décision sur le critère subsidiaire de l’ancienneté dans le grade. Quatrièmement, il estime que l’AIPN n’a pas correctement évalué ses mérites en ne reproduisant pas plusieurs passages de ses rapports d’évaluation pour les années 2019 et 2020, à la lumière des commentaires contenus dans son rapport d’évaluation de l’année 2018.

113    La Commission conteste les arguments du requérant.

114    À titre liminaire, il convient de rappeler les principes qui encadrent l’office du juge de l’Union lorsqu’il est saisi d’un recours en annulation de décisions prises par les institutions en matière de promotion de fonctionnaires.

115    Selon une jurisprudence constante, pour évaluer les mérites à prendre en considération dans le cadre d’une décision de promotion au titre de l’article 45 du statut, l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et aux moyens qui ont pu conduire l’administration à son appréciation, celle-ci s’est tenue dans des limites non critiquables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le juge ne saurait donc substituer son appréciation des qualifications et des mérites des fonctionnaires à celle de l’AIPN. Il doit se limiter à contrôler l’objectivité et l’exactitude de l’examen comparatif des mérites prévu par l’article 45, paragraphe 1, du statut, à l’aune des précisions apportées par l’AIPN au sujet de l’exercice de promotion, préalablement audit examen. Ainsi, il n’appartient pas au juge de l’Union de contrôler le bien-fondé de l’appréciation, comportant des jugements de valeur complexes, qui, par leur nature, ne sont pas susceptibles d’une vérification objective, portée par l’administration sur les aptitudes professionnelles d’un fonctionnaire (voir arrêt du 9 juin 2021, Hill Mansilla/Commission, T‑575/19, non publié, EU:T:2021:324, point 61 et jurisprudence citée).

116    Dans le contexte du contrôle exercé par le juge de l’Union sur les choix opérés par l’administration en matière de promotion, une erreur est manifeste lorsqu’elle est aisément perceptible et peut être détectée à l’évidence, à l’aune des critères auxquels le législateur a entendu subordonner les décisions en matière de promotion. En conséquence, afin d’établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits qui soit de nature à justifier l’annulation d’une décision, les éléments de preuve, qu’il incombe à la partie requérante d’apporter, doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration (voir arrêt du 9 juin 2021, Hill Mansilla/Commission, T‑575/19, non publié, EU:T:2021:324, point 64 et jurisprudence citée).

117    En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être écarté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut être admise comme étant vraie ou valable (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, Hill Mansilla/Commission, T‑575/19, non publié, EU:T:2021:324, point 64).

118    Enfin, il incombe au Tribunal de vérifier si l’examen comparatif des mérites est entaché d’erreurs manifestes d’appréciation, en ce sens que les mérites de certains de ces fonctionnaires ne sont manifestement pas susceptibles d’être qualifiés d’au moins égaux à ceux dont a fait preuve le requérant, voire de meilleurs, propre à ainsi ébranler le caractère plausible de la décision attaquée au sens de la jurisprudence rappelée au point 116 ci-dessus (voir, en ce sens, arrêt du 28 mai 2020, YG/Commission, T‑518/18, non publié, EU:T:2020:221, point 49).

119    En tout état de cause, il ressort de la jurisprudence que, lorsque l’administration procède à un examen comparatif des mérites des fonctionnaires susceptibles d’être promus, tel que prévu à l’article 45 du statut, elle jouit d’un large pouvoir d’appréciation quant à l’importance respective qu’elle accorde à chacun des trois critères prévus à l’article 45, paragraphe 1, du statut, les dispositions de celui-ci n’excluant pas la possibilité d’une pondération entre eux (voir arrêt du 16 juin 2021, RA/Cour des comptes, T‑867/19, non publié, EU:T:2021:361, point 54 et jurisprudence citée).

120    C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner les griefs avancés par le requérant.

121    À cet égard, il convient d’apprécier ces griefs au regard de l’examen comparatif des mérites du requérant avec ceux des fonctionnaires A, B et C, dans la mesure où les mérites de ces derniers ressortent avec suffisamment de précision des extraits des rapports d’évaluation cités à titre d’exemple par l’AIPN.

122    En l’occurrence, il doit d’emblée être relevé que, dans la décision de rejet de la réclamation, l’AIPN a explicitement reconnu les mérites du requérant.

–       Sur l’utilisation des langues dans l’exercice des fonctions

123    Le requérant estime que l’AIPN n’a pas tenu compte de ses compétences linguistiques tant s’agissant du nombre de langues utilisées dans l’exercice de ses fonctions que du niveau de ses compétences linguistiques par rapport aux fonctionnaires A, B et C.

124    Il convient de constater que la décision de rejet de la réclamation mentionne, à titre de comparaison, le nombre de langues utilisées par le requérant et par les fonctionnaires A, B et C. Ainsi, le requérant utilisait quatre langues, le premier desdits fonctionnaires trois et les deuxième et troisième de ces fonctionnaires quatre.

125    Or, le Tribunal a déjà jugé que, bien qu’un fonctionnaire utilise d’autres langues que sa langue maternelle et que son niveau de maîtrise de celles-ci satisfasse aux exigences du service, l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans l’importance qu’elle entend donner à ce critère dans l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables (arrêt du 16 juin 2021, RA/Cour des comptes, T‑867/19, non publié, EU:T:2021:361, point 60).

126    De plus, il ressort des rapports d’évaluation anonymisés des fonctionnaires A, B et C produits par la Commission que l’AIPN s’est fondée sur l’évaluation qualitative de leurs compétences linguistiques menée par les notateurs.

127    Partant, la conclusion de l’AIPN relative au nombre de langues utilisées par les fonctionnaires A, B et C n’est entachée d’aucune erreur manifeste d’appréciation. Le premier grief doit donc être écarté.

–       Sur le niveau des responsabilités exercées

128    Le requérant conteste la pertinence de la comparaison avec les fonctionnaires A, B et C en ce qui concerne les responsabilités exercées, sans remettre toutefois en cause le niveau de leurs mérites. Selon lui, l’AIPN a commis une erreur manifeste d’appréciation en ne comparant pas sa situation avec celle des fonctionnaires, parmi les 325 qui ont été promus, ayant exercé des responsabilités du même niveau ou d’un niveau inférieur aux siennes.

129    À cet égard, il ressort de la décision de rejet de la réclamation que les fonctionnaires A, B et C avaient exercé des responsabilités d’un niveau plus élevé que le requérant.

130    Il convient de relever que, selon le principe de l’équivalence du grade et de la fonction établi par l’article 5 du statut, les fonctionnaires et agents d’un même grade sont censés occuper des fonctions de responsabilités équivalentes. Par conséquent, lorsque l’AIPN procède à l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables, elle doit tenir compte du niveau des responsabilités exercées par un fonctionnaire promouvable uniquement lorsque celles-ci excèdent celles normalement dévolues à un fonctionnaire de son grade (voir arrêt du 20 octobre 2021, YG/Commission, T‑599/20, non publié, EU:T:2021:709, point 86 et jurisprudence citée).

131    Or, compte tenu de la jurisprudence constante rappelée au point 116 ci-dessus, il revient au requérant de démontrer, d’une part, qu’il a exercé un niveau de responsabilités supérieur aux autres fonctionnaires promouvables de son grade et, d’autre part, que ce niveau supérieur des responsabilités n’a pas été pris en compte dans le cadre de l’exercice de promotion (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, Hill Mansilla/Commission, T‑575/19, non publié, EU:T:2021:324, point 126 et jurisprudence citée).

132    En l’occurrence, force est de constater que le requérant n’a pas effectué une telle démonstration. En effet, il n’apporte aucun élément de preuve de nature à démontrer que le niveau de ses responsabilités excédait celui des responsabilités habituellement exercées par un fonctionnaire de grade AD 10.

133    Au contraire, il se limite à invoquer que le choix des fonctionnaires A, B et C est malveillant et partial. Or, ainsi que la Commission le fait valoir à juste titre, il ressort de la décision de rejet de la réclamation que l’AIPN a indiqué que ces éléments de comparaison constituaient uniquement des exemples illustratifs.

134    De plus, le fait que de tels éléments ne concernaient que les fonctionnaires A, B et C ne saurait impliquer que la comparaison des mérites n’a concerné que des fonctionnaires promouvables du même grade ayant un niveau de responsabilités supérieur à celui du requérant.

135    À cet égard, il ressort de la décision de rejet de la réclamation que, pour conclure que les mérites du requérant n’étaient pas supérieurs à ceux des fonctionnaires ayant été promus audit grade AD 11, l’AIPN a attaché une importance supérieure au niveau des responsabilités par rapport à celui de l’utilisation des langues. L’AIPN était fondée à opérer une telle pondération des critères de promotion prévus par l’article 45 du statut. Il s’ensuit que le deuxième grief doit être écarté.

–       Sur l’ancienneté dans le grade

136    Le requérant soutient que l’AIPN a commis une erreur manifeste d’appréciation dans la décision de rejet de la réclamation en faisant primer le critère de l’ancienneté dans le grade sur les autres critères prévus par l’article 45, paragraphe 1, du statut et l’article 4, paragraphe 1, des DGE de l’article 45.

137    Il convient d’observer que, selon la jurisprudence, l’appréciation des mérites des fonctionnaires promouvables constitue le critère déterminant de toute promotion, tandis que ce n’est qu’à titre subsidiaire que l’AIPN peut prendre en considération l’âge des candidats et leur ancienneté dans le grade ou le service. En cas d’égalité de mérites des fonctionnaires promouvables, ces critères supplémentaires peuvent même constituer un facteur décisif dans le choix de l’AIPN (voir arrêt du 8 juillet 2020, EP/Commission, T‑605/19, non publié, EU:T:2020:326, point 61 et jurisprudence citée).

138    Dans la décision de rejet de la réclamation, l’AIPN, après avoir constaté que l’ancienneté du requérant dans le grade AD 10 était de 2 ans au 1er janvier 2021 et de 2,997 ans au 31 décembre 2021, a indiqué que sur les 14 fonctionnaires promus au grade AD 11 au titre de l’exercice 2021 dans la même direction générale que le requérant, seuls 3 d’entre eux avaient 2 ans d’ancienneté. À cet égard, le requérant fait valoir que, parmi les 325 fonctionnaires promus, 39 avaient la même ancienneté que lui dans le grade AD 10.

139    Toutefois, comme le relève la Commission, l’ancienneté ne constitue pas le critère principal retenu par l’AIPN dans l’appréciation qu’elle a portée sur les mérites du requérant.

140    Ainsi qu’il ressort des points 122 à 132 ci-dessus, il résulte de l’appréciation comparative des mérites des fonctionnaires promouvables au regard des critères visés à l’article 45, paragraphe 1, du statut que le requérant avait des mérites égaux ou inférieurs aux fonctionnaires promus et une ancienneté moins importante.

141    Dès lors, l’AIPN n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation en prenant en compte l’ancienneté dans le grade comme critère de départage en cas d’égalité de mérites entre fonctionnaires promouvables. Le troisième grief doit donc être écarté.

–       Sur l’absence de prise en compte de plusieurs passages des rapports d’évaluation du requérant

142    Le requérant considère que l’AIPN n’a pas correctement évalué ses mérites en ne reproduisant pas plusieurs passages de ses rapports d’évaluation pour les années 2019 et 2020. Il cite, au soutien de ce grief, deux extraits desdits rapports. Le premier porte sur le commentaire du notateur pour la période comprise entre le 1er octobre 2019 et le 31 mai 2019 mentionnant notamment sa capacité à assumer à l’avenir un poste d’encadrement en se référant aux commentaires contenus dans son rapport d’évaluation pour l’année 2018. Le second a trait à l’évaluation de sa compétence pour l’année 2020.

143    Il y a lieu de rappeler que le statut ne confère aucun droit à la promotion, même aux fonctionnaires qui réunissent toutes les conditions pour être promus. À cet égard, il convient de préciser aussi qu’il ressort de la jurisprudence que le fait qu’un fonctionnaire ait des mérites évidents et reconnus n’exclut pas, dans le cadre de l’examen comparatif des mérites des candidats à la promotion, que d’autres fonctionnaires aient des mérites égaux ou supérieurs. Si, au titre de l’article 45 du statut, l’AIPN est appelée à procéder à un examen comparatif des mérites des candidats dans le cadre de chaque exercice de promotion, le fait qu’un candidat ait de bons mérites et qu’il ait été promu lors d’un exercice antérieur ne lui garantit pas qu’il sera promu lors de l’exercice suivant et n’implique aucune présomption concernant l’appréciation de ses mérites lors d’un exercice ultérieur. En effet, une décision de promotion dépend non des seules qualifications et capacités du candidat, mais de leur appréciation en comparaison de celles des autres candidats ayant vocation à être promus, et ce lors de chaque nouvel exercice de promotion (voir arrêt du 18 mai 2022, TK/Commission, T‑435/21, non publié, EU:T:2022:303, point 62 et jurisprudence citée).

144    En l’espèce, tout d’abord, il ressort de la décision de rejet de la réclamation, d’une part, que, même si le requérant était éligible à la promotion, l’examen comparatif des mérites montrait que d’autres candidats à la promotion étaient plus méritants.

145    D’autre part, conformément à la jurisprudence rappelée au point 143 ci-dessus, lors de la comparaison des mérites des fonctionnaires promouvables, l’AIPN a pris en compte non seulement le dernier rapport d’évaluation du requérant, mais également, parmi les autres éléments prévus à l’article 45 du statut, l’ensemble de ses rapports d’évaluation depuis sa dernière promotion, dont le rapport d’évaluation de l’année 2018 ne faisait pas partie.

146    Ensuite, les deux extraits mentionnés par le requérant ne sont pas de nature à remettre en cause l’examen mené par l’AIPN. En effet, s’agissant du premier extrait, il convient de relever qu’il ne couvre qu’une partie de l’année 2019 et que son contenu confirme le haut niveau de satisfaction à l’égard du requérant. De plus, cet extrait ne contredit en rien le constat de l’AIPN selon lequel le niveau des responsabilités du requérant était inférieur à celui des fonctionnaires A, B et C dans la mesure où celui-ci se limite à faire état de sa capacité à assumer à l’avenir un poste d’encadrement. En ce qui concerne le second extrait, il y a lieu de constater qu’il a été reproduit dans la décision de rejet de la réclamation au sein de la sous-partie intitulée « Compétence » de la partie intitulée « Efficacité, compétence et conduite dans le service ».

147    Enfin, le fait que l’AIPN n’ait reproduit que certains passages des rapports d’évaluation du requérant pour les années 2019 et 2020 ne signifie pas, à lui seul, qu’elle n’a pas pris en compte l’intégralité desdits rapports dans le cadre de son examen comparatif. Le quatrième grief doit donc être écarté.

148    Dans ces conditions, la seconde branche du deuxième moyen doit être écartée, de même que ledit moyen dans son ensemble.

3)      Sur le troisième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir

149    Le requérant fait valoir que sa non-promotion au titre de l’exercice en cause constitue un détournement de pouvoir visant à utiliser la marge d’appréciation de l’administration en matière d’avancement de la carrière d’un fonctionnaire afin de poursuivre un but étranger et illégal. Selon lui, l’AIPN l’a pénalisé pour la présentation du 14 janvier 2021, mentionnée au point 4 ci-dessus, qui a déplu à un haut fonctionnaire étranger à sa ligne hiérarchique.

150    Plus spécifiquement, le requérant estime qu’il existe plusieurs indices d’un détournement de pouvoir qui sont constitués par, premièrement, le manquement de l’AIPN à son obligation de motivation, deuxièmement, l’absence de raison plausible à sa non-promotion ainsi que la longueur inutile de la décision de rejet de la réclamation et, troisièmement, la prise en compte implicite de faits étrangers, dépourvus de pertinence, dans le cadre de l’examen comparatif des mérites. De plus, il considère que la volonté de le pénaliser en raison de l’incident, qui ressort du courriel du 29 janvier 2021, suffit à renverser la charge de la preuve.

151    Il soutient également que la décision de rejet de la réclamation omet de répondre aux arguments qu’il a avancés concernant l’existence d’un détournement de pouvoir.

152    La Commission soulève, en substance, une fin de non-recevoir à l’encontre du troisième moyen et, en tout état de cause, conteste les arguments du requérant.

i)      Sur la fin de non-recevoir opposée par la Commission

153    La Commission oppose, en substance, une fin de non-recevoir à l’encontre du troisième moyen tirée d’une méconnaissance de la règle de concordance. Selon elle, le requérant n’a invoqué aucun détournement de pouvoir dans la réclamation.

154    Le requérant conteste les arguments de la Commission.

155    Il convient de rappeler que l’article 91, paragraphe 2, du statut dispose qu’un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne n’est recevable que si l’AIPN a été préalablement saisie d’une réclamation.

156    Il résulte d’une jurisprudence constante que la règle de concordance entre la réclamation et la requête subséquente exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen soulevé devant le juge de l’Union l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’AIPN ait été mise en mesure de connaître d’une manière suffisamment précise les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée (voir arrêt du 9 juin 2021, Hill Mansilla/Commission, T‑575/19, non publié, EU:T:2021:324, point 50 et jurisprudence citée).

157    Il s’ensuit que, dans les recours de fonctionnaires, les conclusions présentées devant le juge de l’Union ne peuvent contenir que des chefs de contestation reposant sur la même cause que celle sur laquelle reposent les chefs de contestation invoqués dans la réclamation, étant précisé que ceux-ci peuvent être développés, devant le juge de l’Union, par la présentation de moyens et d’arguments ne figurant pas nécessairement dans ladite réclamation, mais s’y rattachant étroitement (voir arrêt du 9 juin 2021, Hill Mansilla/Commission, T‑575/19, non publié, EU:T:2021:324, point 51 et jurisprudence citée).

158    Cependant, d’une part, puisque la procédure précontentieuse a un caractère informel et que les intéressés agissent en général à ce stade sans le concours d’un avocat, l’administration ne doit pas interpréter les réclamations de façon restrictive. D’autre part, l’article 91 du statut ne doit pas avoir pour effet de lier, de façon rigoureuse et définitive, la phase contentieuse éventuelle, dès lors que le recours contentieux ne modifie ni la cause ni l’objet de la réclamation (voir arrêt du 9 juin 2021, Hill Mansilla/Commission, T‑575/19, non publié, EU:T:2021:324, point 52 et jurisprudence citée).

159    C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner la fin de non-recevoir de la Commission tirée de la violation de la règle de concordance.

160    En l’espèce, dans la réclamation, le requérant a exprimé son incompréhension quant à son refus de promotion au titre de l’exercice en cause, dans la mesure où il estimait qu’aucun élément objectif ne pouvait justifier ce refus. En effet, il considérait avoir satisfait aux critères de l’article 45 du statut. Tout d’abord, il estimait que l’AIPN ne lui avait communiqué aucune justification ou explication sous-tendant la décision attaquée. Ensuite, il remettait en cause l’examen comparatif des mérites réalisé et soutenait que des erreurs avaient été commises dans l’appréciation de ses mérites. Enfin, il se référait de manière détaillée à l’incident qui aurait induit une perte de confiance de sa hiérarchie en lui et l’aurait ainsi privé de toute chance d’être promu.

161    Ainsi, l’AIPN compétente a été en mesure de connaître d’une façon suffisamment précise les critiques que le requérant avait formulées à l’encontre de la décision attaquée.

162    À cet égard, il convient de relever que, en premier lieu, le requérant a évoqué de manière suffisamment détaillée l’incident, en indiquant que cet incident l’avait privé de toute chance d’être promu. En ce sens, la réclamation impliquait, en substance, que la décision attaquée avait été fondée sur une cause étrangère aux critères de l’article 45 du statut. Or, dans le cadre du troisième moyen, le requérant développe cette argumentation en invoquant expressément l’existence d’un détournement de pouvoir.

163    En second lieu, il ressort de la décision de rejet de la réclamation que la position du requérant a été comprise comme telle par l’AIPN. En effet, d’une part, cette décision mentionne l’existence de l’incident et les conclusions qu’en tire le requérant. D’autre part, l’AIPN examine, dans ladite décision, tous les éléments pris en compte aux fins de l’examen comparatif des mérites du requérant, à savoir l’ensemble des arguments concernant la comparaison des mérites, l’utilisation des langues dans l’exercice des fonctions, le niveau des responsabilités exercées et l’ancienneté dans le grade.

164    Ainsi, bien que les arguments avancés par le requérant au soutien du troisième moyen ne correspondent pas exactement à ceux qu’il a avancés dans la réclamation, il n’en demeure pas moins qu’ils reposent sur un objet et une cause identiques.

165    Par ailleurs, il importe de relever que c’est uniquement au stade de la décision de rejet de la réclamation que le requérant a pris connaissance de la motivation de la décision attaquée.

166    Or, dans le cadre du respect du droit à une protection juridictionnelle effective, il importe de préciser que, dans l’hypothèse où le réclamant prend connaissance de la motivation de l’acte lui faisant grief par le biais de la réponse à sa réclamation ou dans l’hypothèse où ladite motivation modifie, ou complète, substantiellement la motivation contenue dans ledit acte, tout moyen avancé pour la première fois au stade de la requête et visant à contester le bien-fondé des motifs exposés dans la réponse à la réclamation doit être considéré comme recevable. En effet, dans de telles hypothèses, l’intéressé n’a pas été mis en mesure de prendre connaissance avec précision et de manière définitive des motifs sous-tendant l’acte lui faisant grief [voir arrêt du 25 juin 2020, XH/Commission, T‑511/18, EU:T:2020:291, point 69 (non publié) et jurisprudence citée].

167    Dans ces conditions, la Commission n’est pas fondée à soutenir que le troisième moyen méconnaît la règle de concordance au motif qu’il serait fondé sur des éléments nouveaux, et de ce fait, la fin de non-recevoir doit être rejetée.

ii)    Sur le bien-fondé du troisième moyen

168    Le requérant fait valoir en substance que la décision attaquée est entachée d’un détournement de pouvoir, dans la mesure où l’AIPN a tiré profit de la procédure de promotion afin de le pénaliser pour l’incident.

169    Il convient de rappeler que la notion de « détournement de pouvoir » a une portée bien précise qui se réfère à l’usage par une autorité administrative de ses pouvoirs dans un but autre que celui dans lequel ils lui ont été conférés. Selon une jurisprudence constante, une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (voir arrêt du 12 décembre 2002, Morello/Commission, T‑164/00, EU:T:2002:312, point 111 et jurisprudence citée). À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il ne suffit pas au requérant d’invoquer certains faits à l’appui de ses prétentions, il lui faut encore fournir des indices suffisamment précis, objectifs et concordants de nature à soutenir la véracité de ses prétentions ou, à tout le moins, leur vraisemblance, à défaut de quoi l’exactitude matérielle des affirmations de l’institution en cause ne saurait être remise en cause (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2018, OW/AESA, T‑597/16, non publié, EU:T:2018:338, point 98 et jurisprudence citée).

170    Ainsi, l’appréciation globale des indices de détournement de pouvoir ne saurait reposer sur de simples allégations, des indices insuffisamment précis ou qui ne sont ni objectifs ni pertinents (ordonnance du 19 décembre 2013, da Silva Tenreiro/Commission, T‑32/13 P, EU:T:2013:721, point 33 ; voir, également, arrêt du 13 juillet 2022, TL/Commission, T‑677/21, non publié, EU:T:2022:456, point 54 et jurisprudence citée).

171    En l’espèce, le requérant se fonde sur trois indices qu’il convient d’examiner successivement.

172    Premièrement, le requérant invoque le manquement de l’AIPN à son obligation de motivation. Or, comme le fait valoir à juste titre la Commission et ainsi qu’il ressort de l’examen du premier moyen aux points 48 à 89 ci-dessus, les griefs sur lesquels repose cette allégation ne sont pas fondés.

173    Deuxièmement, le requérant estime que l’absence de raison plausible à sa non-promotion et la longueur de la décision de rejet de la réclamation démontrent l’existence d’une raison implicite étrangère constitutive d’un détournement de pouvoir. Néanmoins, ainsi qu’il est rappelé au point 172 ci-dessus, il ressort de l’analyse du premier moyen que la décision de rejet de la réclamation expose de façon suffisamment claire et précise les motifs individuels et pertinents justifiant la non-promotion du requérant. De plus, l’analyse du deuxième moyen aux points 91 à 148 ci-dessus a établi l’absence de violation de l’article 45 du statut et d’erreurs manifestes d’appréciation suffisantes pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’AIPN.

174    Troisièmement, selon le requérant, la volonté de le pénaliser en raison de l’incident est implicite dans la décision attaquée. À cet égard, il fait référence au courriel du 29 janvier 2021, visé au point 6 ci-dessus, dans lequel sa cheffe d’unité a indiqué que, le 18 janvier 2021, le directeur général adjoint de la DG « Énergie » chargé du nucléaire l’avait appelée. Lors de cette communication, elle avait dû l’assurer qu’elle aborderait la question avec leur directeur et qu’il n’était pas nécessaire qu’il prenne des mesures. Selon le requérant, cet événement a eu des répercussions sur l’entretien d’évaluation avec sa cheffe d’unité qui a eu lieu le 3 février 2021, c’est-à-dire cinq jours après l’envoi de ce courriel.

175    Or, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment du rapport d’évaluation du requérant pour l’année 2020, que l’incident y ait été inscrit ni même mentionné à un quelconque moment de la procédure de promotion. Le requérant ne fournit d’ailleurs aucun indice objectif de nature à prouver le contraire.

176    Par conséquent, le requérant ne fournit, au sens de la jurisprudence citée au point 169 ci-dessus, aucun indice suffisamment précis, objectif et concordant permettant de conclure à l’existence d’un détournement de pouvoir.

177    Par ailleurs, s’agissant de l’argument du requérant visé au point 150 ci-dessus relatif au renversement de la charge de la preuve, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, c’est au requérant qu’il incombe d’administrer la preuve de ses allégations, à moins qu’il ne ressorte de l’examen des moyens d’annulation un faisceau d’indices suffisamment précis, pertinents et concordants de nature à étayer les griefs soulevés et à entraîner un renversement de la présomption de validité s’attachant aux décisions attaquées (voir arrêt du 12 mars 2020, QB/BCE, T‑215/18, non publié, EU:T:2020:92, point 50 et jurisprudence citée).

178    Or, en l’espèce, le requérant ne rapporte aucun indice objectif, précis et concordant de nature à affecter la présomption de légalité des actes de l’Union et à justifier un renversement de la charge de la preuve.

179    Enfin, s’agissant du prétendu défaut de réponse par l’AIPN à l’argument du requérant concernant l’existence d’un détournement de pouvoir dans sa réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, il convient de rappeler que le requérant n’y avait pas formellement invoqué un détournement de pouvoir. Toutefois, l’AIPN a bien fait mention, dans la décision de rejet de la réclamation, de l’incidence alléguée par le requérant d’une cause étrangère sur ses chances de promotion.

180    En outre, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, l’AIPN a répondu implicitement à l’argument du requérant, d’une part, en exposant les motifs individuels et pertinents justifiant sa non-promotion et, d’autre part, en présentant l’implication des différents acteurs, dont le groupe paritaire intermédiaire et le CPP, procédant à la comparaison des mérites dans la procédure de promotion, qui permet d’en renforcer l’objectivité et l’impartialité (voir points 106 à 109 ci-dessus).

181    Ainsi, au vu de tout ce qui précède, il convient de rejeter le troisième moyen comme non-fondé et, par conséquent, les premier et deuxième chefs de conclusions du requérant dans leur ensemble.

b)      Sur le troisième chef de conclusions du requérant

182    Il y a lieu de relever que le requérant, d’une part, ne demande l’annulation des décisions de promotion des fonctionnaires promus au titre de l’exercice en cause que dans l’hypothèse où le Tribunal accueillerait son recours et annulerait la décision attaquée et, d’autre part, ne développe aucune argumentation spécifique à l’appui de son troisième chef de conclusions distincte des arguments avancés au soutien de ses premier et deuxième chefs de conclusions. Dès lors, le rejet de ces deux premiers chefs de conclusions entraîne, en conséquence, le rejet du troisième chef de conclusions du requérant.

C.      Sur les conclusions indemnitaires

183    Le requérant indique que la décision du Tribunal pourrait intervenir après sa mise à la retraite. En raison de cette éventualité, il demande à titre subsidiaire que, dans l’hypothèse où le Tribunal considérerait qu’il serait inapproprié ou disproportionné de le rétablir, ainsi que les autres fonctionnaires promus au titre de l’exercice en cause, dans la situation antérieure à l’adoption de la décision attaquée, l’annulation devrait être remplacée par une réparation appropriée du préjudice matériel subi en raison de la décision attaquée. À cet égard, il considère que le montant de l’indemnité ne saurait être inférieur au montant résultant du calcul de la perte d’augmentation de traitement entre les grades AD 10 et AD 11 jusqu’au moment de la cessation de ses fonctions auprès de la Commission et de la perte consécutive d’augmentation de sa pension, déterminée en fonction de son espérance de vie.

184    Dans la réplique, le requérant estime également avoir subi une atteinte à son image et à sa réputation ainsi qu’un préjudice moral et psychophysique résultant de la décision de ses supérieurs hiérarchiques de ne pas publier la version intégrale de la présentation du 14 janvier 2021.

185    La Commission conclut au rejet des conclusions indemnitaires invoquées dans la requête comme étant non fondées et de celles mentionnées pour la première fois dans la réplique comme étant irrecevables et, à tout le moins, non fondées.

1.      Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires

186    À titre liminaire, il convient de relever que le requérant, interrogé dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure mentionnées au point 15 ci-dessus, n’a pas clairement pris position sur la recevabilité de ses conclusions indemnitaires. Il s’est, notamment, limité à réitérer l’existence de l’ensemble des préjudices allégués.

187    À cet égard, il convient de rappeler que, dans le système des voies de recours instauré par les articles 90 et 91 du statut, un recours en indemnité, qui constitue une voie de droit autonome par rapport au recours en annulation, n’est recevable que s’il a été précédé d’une procédure précontentieuse conforme aux dispositions statutaires (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 206 et jurisprudence citée).

188    La procédure précontentieuse en matière de recours en indemnité diffère selon que le dommage dont la réparation est demandée résulte d’un acte faisant grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut ou d’un comportement de l’administration dépourvu de caractère décisionnel. Dans le premier cas, il appartient à l’intéressé de saisir l’AIPN, dans les délais impartis, d’une réclamation dirigée contre l’acte en cause. Dans le second cas, en revanche, la procédure administrative doit débuter par l’introduction d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à obtenir un dédommagement, et se poursuivre, le cas échéant, par une réclamation dirigée contre la décision de rejet de la demande (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 207 et jurisprudence citée).

189    Il résulte de cette jurisprudence que la réponse à la question de savoir si les dommages invoqués trouvent leur origine dans un acte faisant grief ou dans un comportement de l’administration dépourvu de contenu décisionnel est indispensable pour vérifier le respect de la procédure précontentieuse et des délais prévus par les articles 90 et 91 du statut et donc la recevabilité du recours. Dès lors que ces règles sont d’ordre public, cette qualification relève de la seule compétence du juge de l’Union sans qu’il soit tenu à cet égard par la qualification donnée par les parties [voir arrêt du 22 novembre 2018, Brahma/Cour de justice de l’Union européenne, T‑603/16, EU:T:2018:820, point 226 (non publié) et jurisprudence citée].

190    Il résulte également de la jurisprudence que, lorsqu’il existe un lien direct entre un recours en annulation et une action en indemnité, cette dernière est recevable en tant qu’accessoire du recours en annulation, sans qu’elle doive nécessairement être précédée d’une demande invitant l’administration à réparer le préjudice prétendument subi et d’une réclamation contestant le bien-fondé du rejet implicite ou explicite de la demande [voir arrêt du 22 novembre 2018, Brahma/Cour de justice de l’Union européenne, T‑603/16, EU:T:2018:820, point 227 (non publié) et jurisprudence citée].

191    C’est au regard de ces principes qu’il convient de déterminer si les conclusions indemnitaires liées aux différents chefs de préjudices invoqués par le requérant sont recevables.

192    En l’espèce, force est de constater que, d’une part, le préjudice matériel prétendument causé par la décision attaquée, rappelé au point 183 ci-dessus, est étroitement lié à la décision attaquée, de sorte que les conclusions indemnitaires qui s’y rapportent sont recevables conformément à la jurisprudence visée au point 190 ci-dessus.

193    D’autre part, il convient de relever que les préjudices visés au point 184 ci-dessus, à savoir l’atteinte à l’image et à la réputation du requérant ainsi que son préjudice moral et psychophysique, ne sont pas étroitement liés à la décision attaquée.

194    Au contraire, les nouvelles conclusions indemnitaires, figurant dans la réplique, reposent sur de nouveaux chefs de préjudices en raison tant de leur nature que de leur fait générateur. En effet, le requérant fait valoir que la décision de refus de publication de la version intégrale de sa présentation serait à l’origine d’un préjudice matériel et moral autonome de celui résultant de la décision attaquée rappelé au point 192 ci-dessus.

195    Partant, ces nouveaux chefs de préjudices étant la conséquence d’un comportement de l’administration dépourvu de caractère décisionnel, ce dernier devait faire l’objet d’une nouvelle procédure précontentieuse au sens de la jurisprudence visée aux points 187 à 189 ci-dessus. Il en résulte que les conclusions indemnitaires qui y sont afférentes, formulées pour la première fois dans la réplique, doivent être rejetées comme étant irrecevables.

2.      Sur le bien-fondé des conclusions indemnitaires

196    Selon une jurisprudence constante, d’une part, le bien-fondé d’un recours indemnitaire introduit au titre de l’article 270 TFUE est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage allégué et l’existence d’un lien de causalité direct entre le comportement allégué et le préjudice invoqué. Ces trois conditions sont cumulatives, de sorte que l’absence de l’une d’entre elles suffit pour rejeter un recours indemnitaire (voir arrêt du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, EU:C:2008:107, point 52 et jurisprudence citée).

197    D’autre part, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme étant irrecevables ou non fondées (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2020, GV/Commission, T‑705/19, non publié, EU:T:2020:590, point 148 et jurisprudence citée).

198    Or, dans la mesure où, en l’espèce, le préjudice matériel invoqué par le requérant présente un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont été précédemment rejetées, il y a lieu, par conséquent, de rejeter également ses conclusions indemnitaires, conformément à la jurisprudence citée au point 197 ci-dessus.

199    S’agissant des préjudices allégués en rapport avec la décision de publication d’une version abrégée de la présentation du requérant, dont il est question au point 184 ci-dessus, à supposer même qu’ils puissent être rattachés aux allégations du requérant soulevées à l’encontre de la décision attaquée et donc être considérés comme recevables, il y a lieu de rappeler que, étant donné qu’aucune illégalité n’a été constatée s’agissant de la décision attaquée, dans le cadre de la demande en annulation, ainsi que rappelé au point 198 ci-dessus, en tout état de cause, les conclusions indemnitaires relatives aux préjudices décrits au point 184 ci-dessus doivent être considérées comme non fondées.

200    Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les conclusions indemnitaires et, par conséquent, le recours dans son intégralité.

IV.    Sur les dépens

201    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

202    Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Roberto Passalacqua est condamné aux dépens.

Truchot

Sampol Pucurull

Perišin

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 février 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.

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